Protestantisme et capitalisme. De l’invention d’un capitalisme atlantique huguenot : l’exemple de la Rochelle (xvie-xviiie siècle)
p. 133-155
Plan détaillé
Texte intégral
« Le fruit, ou le gain, duquel Christ fait mention, c’est le profit ou l’avancement de toute la compagnie des fidèles en commun, lequel tourne à la gloire de Dieu »
Calvin, Commentaires sur le Nouveau Testament – Matthieu, ch. 25, v. 20, Genève, 15611
« Telle est notre émulation qu’un succès dans une branche nous porte à de nouvelles entreprises »
Pierre-Isaac Rasteau2
1En 2002, Philippe Joutard soulignait avec force que le grand thème absent des études réunies à l’occasion du 150e anniversaire de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français était le rapport entre le protestantisme et le capitalisme : « L’historiographie protestante n’ose pas reprendre le vieux thème capitalisme et protestantisme que Weber, nous le savons bien, ne fut pas le premier à souligner, elle reprend sur ce point l’attitude générale de l’historiographie française récusant de façon passionnelle les thèses wébériennes3 ». Au-delà d’une saturation de ce débat, il faut lire dans cette absence le résultat de la conjugaison de trois causes : d’abord l’émergence de nouveaux champs d’études sur l’histoire du protestantisme mobilisant la plupart des chercheurs et notamment les plus jeunes, la lassitude de voir resurgir un débat ressassé sur la pertinence ou non des thèses de Max Weber, d’Ernst Troeltsch et de Hugh Trevor-Roper4, enfin, dans une évolution plus globale de la recherche historique, un évident effacement de l’histoire économique de la période moderne dans les enseignements universitaires hors des établissements où existent des laboratoires spécialisés. Mais les rééditions régulières de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme interrogent toujours : « Aucune œuvre sociologique n’a été davantage déclinée, commentée et discutée que L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber. Elle est un peu à la sociologie ce que le Boléro de Ravel est à la musique5 ».
2Au cours de ces dix dernières années, des recherches engagées et menées dans le cadre des laboratoires de recherche de l’université de La Rochelle conduisent à reposer le débat autour de ce que Philippe Joutard identifie comme « l’invention d’un protestantisme atlantique6 ». Il s’agit de réfléchir à la corrélation entre l’installation du protestantisme dans les villes ouvertes sur l’océan Atlantique, l’émergence d’une nouvelle économie fondée sur une mutation, une croissance et une dilatation des marchés à cause de l’expansion maritime, l’établissement d’une nouvelle bourgeoisie marchande. Il s’agit de partir d’une nouvelle problématique : ne sont-ce pas moins les valeurs (la valorisation du travail, l’ascétisme « intramondain », une vision utilitaire du temps qui, don de Dieu, ne se gaspille pas) que les nouvelles opportunités économiques engendrées par les grandes découvertes, l’exploitation des nouveaux mondes, la dynamique des échanges atlantiques qui ont permis à des minorités marginalisées, voire opprimées à certaines périodes, de voir s’offrir de nouvelles frontières à leurs activités commerciales et financières ? Autrement dit, y a-t-il eu en Europe du Nord-Ouest aux xvie et xviie siècles deux dynamiques parallèles : une dynamique économique et une dynamique religieuse, l’une et l’autre se soutenant dans un trend installant les Provinces-Unies, l’Angleterre et la France comme grandes puissances commerciales du monde au xviie siècle7. Deux puissances de confession très majoritairement protestante, la troisième, catholique, mais où la minorité réformée serait d’un poids économique supérieur à sa part dans la population.
3C’est donc à partir de ce « protestantisme atlantique » français, et plus particulièrement de sa capitale à l’époque moderne, La Rochelle, que je propose de réfléchir à l’émergence de ce capitalisme marchand et financier et surtout d’essayer de déterminer ce qui relève du politique, de l’opportunité économique habilement et durablement saisie et de l’éthique religieuse, ici calviniste. La Rochelle, laboratoire de l’émergence et du développement d’un capitalisme protestant ?
Émergence d’une capitale atlantique huguenote : La Rochelle
4Village de pêcheurs à l’origine, La Rochelle doit son développement à sa situation et à son site. Située au milieu du golfe de Gascogne, sa rade abritée par des îles et pourvue de havres en eaux profondes pouvait accueillir les bateaux ronds aux tonnages de plus en plus importants. Mais c’est l’octroi de privilèges, fiscaux, sociaux, économiques et politiques, qui est vraiment à l’origine de son développement. La perte en 1628 de ces droits et libertés impose à la ville de reconstruire son économie sur de nouvelles bases. Son expérience de la « Mer Océane » s’avère au cours des décennies suivantes un élément décisif dans le renouveau commercial rochelais au xviie siècle, dynamisé par la participation de la ville-port à la première colonisation française au Canada et aux Antilles.
Les atouts d’une ville privilégiée
5Dès le xiie siècle des privilèges fiscaux sont accordés par le duc d’Aquitaine. Au plan de l’organisation sociale, les Rochelais reçoivent la possibilité de disposer librement de leurs biens, de tester et de se marier sans autorisation. De plus, la reconnaissance de bourgeoisie est rapide puisqu’elle s’acquiert après un an et un jour de résidence. En 1373, Charles V accorde la noblesse aux maires et échevins. En matière économique, la commercialisation du vin est favorisée. L’objectif d’attirer les marchands étrangers par des droits inférieurs à ceux perçus dans les autres ports du littoral est vite atteint puisque des centaines de Bretons – les « rouliers des mers » –, d’Anglais, d’Irlandais, de Normands, de Flamands s’installent à La Rochelle. En échange, les marchands rochelais reçoivent des privilèges dans les ports notamment de l’Europe du Nord (Bruges). Ils reçoivent enfin, la possibilité de maintenir des relations commerciales avec les pays en guerre avec le roi de France8.
6La base de la prospérité de la ville ? La vigne. Le vin est en effet produit en abondance en Aunis. Il est certes consommé sur place et dans les provinces limitrophes, mais il est surtout exporté dans l’Europe septentrionale en Angleterre, Irlande, Flandres, Allemagne etc. Très vite, toutefois, la concurrence des vins de Bordeaux se fait sentir et montre la fragilité d’un commerce lié pour l’essentiel à un seul produit d’exportation. Dès le xiiie siècle, des marchandises arrivent d’Espagne, du Portugal, de Normandie, de Flandres, d’Irlande, d’Écosse, de Hollande. Aux textiles, métaux, poissons séchés et fumés, cuirs s’ajoutent les fruits de la Méditerranée et les épices d’Orient. La ville devient, en pleine guerre de Cent Ans, un comptoir où tous les produits du commerce atlantique sont présentés. Une dynamique des échanges est enclenchée par un marché local enrichi par les trafics et porté par une forte croissance de la population. Escale importante dans l’intense activité de cabotage de la façade atlantique de l’Europe, La Rochelle entraîne son arrière-pays dans le mouvement. Ce développement permet à des productions régionales (sel, blé, toiles) de s’insérer dans les grands courants d’échanges maritimes à la veille de la découverte d’un nouveau monde9.
7Ce rayonnement commercial installe aussi dans la ville de nouvelles pratiques financières. La ville possède, depuis la fin du xiie siècle ou le début du xiiie siècle, un atelier monétaire. En 1314, La Rochelle fait partie des quarante-trois villes convoquées à Paris sur le fait des monnaies. Il en est de même à la fin du xve siècle, période où l’on compte une trentaine de changeurs. Comme le souligne Mathias Tranchant dans sa thèse, l’établissement de règles strictes, destinées à imposer l’emploi d’argent français, à contrôler la fuite du numéraire comme à enrayer les activités des faussaires, ne semble pas avoir été d’une réelle efficacité. Mais pas de commerce actif sans numéraire et surtout sans prêt « à la grosse aventure », le mode de financement le plus répandu chez les marchands engagés dans des entreprises commerciales maritimes. C’est à La Rochelle qu’est conservé le plus ancien contrat d’assurance maritime connu du littoral atlantique français (13 février 1490)10.
8À l’aube du xvie siècle, La Rochelle occupe une place indéniable dans les échanges maritimes de l’Europe occidentale. Il faut toutefois ne pas surévaluer son rang dans le classement des villes-ports. Pour Mathias Tranchant, « sa position stratégique l’emportait de loin sur ses capacités à fournir au pouvoir les dividendes de son activité ». Celui-ci souligne les limites de la dynamique rochelaise. Dans le golfe de Gascogne, les potentialités commerciales de la cité « laissent une impression mitigée ». L’intégration de la Guyenne et de la Bretagne au royaume de France, le développement de Bordeaux et de Nantes, mais aussi la croissance du commerce du sel à Brouage, créent une nouvelle donne pour les marchands rochelais, la ville n’étant plus au xve siècle pour la monarchie la place maritime du royaume sur l’Atlantique. De plus, par rapport à Lisbonne, Londres, Rouen et Bruges, le port d’Aunis apparaît secondaire car il n’est pas intégré dans les réseaux des hommes d’affaires du Sud. Enfin, La Rochelle est « sans flotte consistante » et se trouve, pour son commerce, sous la coupe des armateurs et patrons de barques bretons : 85 % des navires affrétés à La Rochelle au xve siècle sont bretons11 !
Le triptyque de la croissance du xvie siècle : la pêche, la traite, la course
9Malgré les handicaps mis en évidence par Mathias Tranchant, les Rochelais participent précocement à l’aventure américaine. D’abord, comme partenaires des Basques, Bordelais, Poitevins, Saintongeais et Bretons. Le port est en effet un lieu d’avitaillement aux entreprises de pêche à Terre-Neuve. C’est bien évidement aussi, dans la ligne des pratiques financières nées au siècle précédent, une place de financement des expéditions transocéaniques. Mais, forts de l’expérience maritime de capitaines, beaucoup d’origine saintongeaise, les marchands arment des navires pour les Açores, les Canaries, les côtes d’Afrique mais aussi, dans de périlleuses traversées, pour la Floride, les Caraïbes et le Brésil, des contrées où les équipages pratiquent le troc avec les Amérindiens et la contrebande dans l’Empire espagnol. Des produits nouveaux (sucre, poivre, morue, huile de baleine, peaux et fourrures) s’entassent dans les entrepôts. Des mutations apparaissent dans les produits locaux, notamment le commerce du sel très lié aux expéditions terre-neuviennes et celui du vin d’Aunis, très concurrencé par celui de Bordeaux, et ce sont désormais les eaux-de-vie charentaises, notamment celle de Cognac, que l’on vient charger. Les marins en sont amateurs, notamment les Hollandais, l’eau-de-vie se conservant mieux que le vin lors des longs voyages maritimes12.
10Outre les clauses mentionnant les associés, les parts, le bateau, le nombre de marins, les conditions d’avitaillement, les chartes-parties précisent ce qui est attendu des expéditions « en Canada ». Retenons l’une d’entre elles (1565) qui indique que l’équipage doit « s’employer a la pescherye desdites moullues, graisses et autres poissonneries […], audit lieu et païs circonvoisins vandre et debiter, trocquer et eschanger les susdites marchandises avecq aultres hommes dudit païs ». Les marchandises se composent de perles de verre et d’émail, de boucles d’oreille, de grelots, d’aiguilles, de ciseaux, de mercerie, de broderie, des miroirs, de fer sous forme de barres pouvant être travaillées sur place, d’objets manufacturés (haches, herminettes, couteaux, serpes, scies etc.). Certaines de ces marchandises proviennent d’Europe du nord. Ont aussi été chargés des canots destinés à la pêche et à la navigation côtière et fluviale pour les prises de contact avec les Amérindiens. Une des particularités de ce contrat est aussi d’être passé alors que les troubles de religion ont commencé. Très vite, les guerres vont perturber les expéditions dont le nombre s’effondrent pendant les années 1570. La reprise est timide à partir de 1578. Mais, comme l’écrit Marc Seguin, la pêche à Terre-Neuve ouvre la route de l’Amérique et à la guerre de course13.
11À la fin du Moyen Âge, La Rochelle n’est pas un lieu de piraterie. Elle n’a pas la flotte et n’a surtout pas intérêt à créer un climat d’insécurité dans le golfe de Gascogne. Les choses changent dans les années 1520, les galions revenant d’Amérique suscitant des convoitises. Les traces de « voyages » se multiplient dans les archives dans les années 1550. L’engagement de la ville dans une intense guerre de course a pour origine le choix confessionnel de La Rochelle : en 1568, elle choisit de se ranger dans le camp protestant. Ce choix se marque par l’installation de Jeanne d’Albret et de Coligny à La Rochelle. En 1570, La Rochelle est reconnue « place de sûreté » pour les populations protestantes qui souhaitent se mettre à l’abri des catholiques. Son autonomie politique et militaire est là renforcée. Le port devient un havre d’accueil pour plusieurs dizaines de navires corsaires. Comme le démontrent les travaux de Mickaël Augeron sur la course huguenote, les alliances qui unissent les chefs huguenots à Élisabeth Ire et à Guillaume d’Orange ouvrent le port aux navires de guerre anglais, zélandais et hollandais, les « gueux de mer » engagés dans une guerre sans merci contre l’Espagne. Jeanne d’Albret distribue de nombreuses lettres de courses. L’assassinat de Coligny (1572), la mort de Louis de Nassau (1574), le meurtre de Guillaume d’Orange (1584) distendent les relations mais des réseaux se sont tissés pendant ces années de guerre entre La Rochelle, l’Angleterre et les provinces du nord des Pays-Bas, les futures Provinces-Unies14.
12Dans son diaire, Merlin, un des pasteurs de l’église réformée de La Rochelle, écrit qu’au cours des années 1592-1594 le port a connu « un trafic incroyable ». Il indique ainsi que la capitale huguenote de la France atlantique est à la veille de l’édit de Nantes une ville riche. La période des guerres de religion aurait donc représenté pour la ville un temps exceptionnel d’enrichissement. Les marchands disposent ainsi en 1598 de capitaux qu’ils vont investir, la paix intérieure et extérieure ouvrant une période favorable aux échanges. Ils investissent dans des travaux de défense et d’embellissement de leur cité, l’achat de propriétés foncières, l’extension de marais salants. Ils participent, avec le puissant financier hollandais installé à La Rochelle Jean Hoeufft, aux entreprises d’assèchement de marais du bas-Poitou ; enfin, ils reprennent la route de Terre-Neuve et du Saint-Laurent15.
Les marchands protestants rochelais et la première colonisation française
13Il n’est pas opportun ici de faire l’histoire des relations de La Rochelle avec la Nouvelle-France. Rappelons toutefois qu’au plan statistique, il a été démontré que La Rochelle est le « port canadien » du royaume du début du xviie siècle à la perte de la colonie en 1759-1763. Retenons toutefois quelques grandes dates de l’installation de cette domination commerciale, concurrencée au xviie siècle par les ports normands et au xviiie siècle plus efficacement par Bordeaux. 1651 : des marchands protestants rochelais obtiennent le monopole du trafic avec Québec. En échange du ravitaillement de la colonie, ils obtiennent les cargaisons de fourrures. Quelle revanche ! Champlain n’avait-il pas systématiquement, après le retrait – forcé – du huguenot saintongeais Pierre Dugua de Mons (1609), écarté les Rochelais au profit de marchands normands, catholiques et protestants, et par intermittence malouins ? Les Rochelais sont confinés à d’habiles entreprises de contrebande. En 1627, la fondation de la Compagnie des Cent-Associés par Richelieu entend réserver aux catholiques le commerce et l’établissement dans la colonie acadienne et laurentienne. L’occupation de Québec par les frères Kirk (1628-1632) est l’occasion pour Champlain de dénoncer la collusion entre les Rochelais et les Anglais ! Une réponse huguenote au siège de La Rochelle ? Concordance facile certes mais les indices sont nombreux des liens des marchands de La Rochelle les plus impliqués dans les trafics canadiens avec non pas des Anglais, mais des confrères hollandais. Après la mort de Champlain (1635), la situation de la colonie est fragilisée par la disparition de fait du monopole. Dans les années 1640, c’est le capital « protestant » qui finance les armements « catholiques » tant pour la Compagnie de la Nouvelle-France que pour la communauté des Habitants de Québec. Derrière la compagnie catholique Gaigneur-Grignon on découvre dans les années 1650-1680 en qualité de créanciers les riches marchands et banquiers protestants. En 1651, c’est avec deux d’entre eux, Pagez et Béraudin, que le Conseil de Québec passe un accord permettant à ces derniers d’envoyer des marchandises pour leur propre compte en échange de s’engager à acheter la totalité des peaux de castors. Le capitalisme marchand contrôle désormais l’économie coloniale canadienne. Lorsque la Nouvelle-France devient colonie royale sous le contrôle direct de Versailles, La Rochelle s’est imposée comme le port principal d’embarquement et de débarquement (fourrures, peaux) pour le Canada, les ports de l’estuaire de la Seine abandonnant peu à peu la liaison16.
14Mais ce sont les Antilles qui deviennent la destination privilégiée aux Amériques. Entre 1673 et 1695 il a été dénombré 650 armements pour les îles (contre 181 pour le Canada et Terre-Neuve et une trentaine pour la traite négrière). Cette période correspond à une croissance importante de la flotte d’Aunis. En 1682, 110 navires d’un tonnage global de 10 371 tonneaux placent La Rochelle avant Bordeaux ! Le rôle des Hollandais est décisif dans ce mouvement soit dans les chantiers navals de La Rochelle, et de Saintonge soit comme agents actifs du marché des navires d’occasion fabriqués aux Provinces-Unies17. Après une phase « pionnière », c’est à partir des années 1660 que s’organise un trafic régulier, le sucre et l’indigo remplaçant le tabac dans les cargaisons débarquées dans les années 1650-1660. S’ajoutent progressivement le gingembre, le coton, le rocou et au xviiie siècle le café. Le fret aller est composé des marchandises nécessaires à la vie des premiers habitants et des quelque 6 000 embarqués entre 1636 et 1715. Au xviiie siècle, la multiplication des habitations et la sophistication de la société coloniale, notamment à Saint-Domingue, enrichissent les frets allers. Aux îles s’ajoutent deux autres destinations : la Louisiane et Cayenne. Pour ce qui est de la traite, c’est à partir des années 1740 que la traite négrière s’impose comme une activité dominante. Dans les années 1780, la traite devient le trafic colonial principal et La Rochelle devient le second port négrier du royaume derrière Nantes. La ville-port participe aussi au commerce français dans l’océan Indien à partir des années 1770 et elle est la cinquième place des ports armant pour l’Asie18.
15La période qui suit la révocation de l’édit de Nantes n’a été qu’une parenthèse dans la domination de l’économie rochelaise par les protestants. En 1682, 21 des 25 principaux armateurs rochelais sont de confession protestante et financent les armements les plus importants19. Certes, des éléments de la bourgeoisie marchande s’exilent pour les Provinces-Unies, l’Angleterre, les villes allemandes et scandinaves de la mer du Nord et de la Baltique. Certains franchissent l’Océan… pour retrouver les capitaines et marins charentais qui ont préféré dès les années 1670 s’installer dans les Caraïbes hollandaises et à un degré moindre anglaises20. La plupart se rendront dans les colonies anglaises d’Amérique du Nord. Un tiers des vingt marchands les plus importants à New York sont huguenots21 ! La révocation de l’édit de Nantes a en fait engendré pour le monde du négoce et de la finance huguenote une dilatation de l’espace d’activités à l’ensemble des empires coloniaux des puissances coloniales protestantes. Participations dans les structures entrepreneuriales des grandes villes-ports néerlandaises et anglaises et stratégies matrimoniales participent de ce mouvement d’intégration capitalistique de l’élite des fugitifs22.
16Les années 1740 voient le négoce protestant reprendre sa place. Le capital protestant ne se limite plus à financer les activités commerciales des marchands catholiques. Au cours de la décennie suivante, la moitié des armements pour la Nouvelle-France est le fait de sociétés de négoce composées de réformés23. L’évolution est la même dans la relation avec Saint-Domingue et la grande majorité des quelque soixante maisons de commerce qui pratiquent la traite est composée d’associés protestants. La raison en est simple. Un voyage de traite suppose un investissement important que seuls les négociants protestants peuvent mobiliser. Leur force – et le fondement de la domination de la bourgeoisie réformée sous le règne de Louis XVI – est de posséder les capitaux pour s’engager sur tous les marchés à l’international et de réussir à conserver une place dans le commerce de redistribution des produits des colonies dans le royaume. Quels sont les ressorts de cette vivacité et de cette capacité à la fois à ne rien céder sur les activités traditionnelles de financement, d’avitaillement et de redistribution et à s’engager dans toutes les opportunités commerciales qui s’offrent à ces négociants de confession réformée ?
La Rochelle : un laboratoire pour l’étude du capitalisme protestant à l’époque moderne ?
17Dans son livre de 1956 traduit en français sous le titre De la Réforme aux Lumières Hugh R. Trevor-Roper défend, contre Max Weber, la thèse que les liens entre le protestantisme et les dynamiques sociales de l’époque moderne sont plus nettement repérables dans le champ du politique que dans le champ économique. Et le calvinisme s’impose, selon lui, dans sa phase d’établissement dans l’espace helvétique et d’expansion en France et aux Pays-Bas d’abord comme un promoteur des pouvoirs municipaux et de leurs traditions républicaines avant de diffuser un discours sur l’échange et le travail. Ce mouvement est confronté au conservatisme des princes luthériens d’Allemagne et des grandes monarchies comme l’Espagne et la France engagées dans un processus de construction de l’État moderne. Pour Mario Megge, il faut aussi insister sur l’alliance de tous ceux qui, en Europe, opposaient à l’absolutisme montant le modèle d’un ordre politique « fédéral » fondé sur des pactes constitutionnels. Et celui-ci de noter que « le plus grand théoricien des ces idées fédérales sera, au xviie siècle, un calviniste d’Allemagne du Nord, Johannes Althusius (1557-1638), professeur de droit, syndic de sa ville d’Emden et fort lié à ses voisins républicains néerlandais ». Un exemple ? Celui de patriciens réformés de Lucques qui, après l’échec d’une tentative de rétablir les libertés républicaines anéanties par les Médicis, se réfugient à Genève24. La Rochelle ne suit-elle pas ce schéma ? La défense des libertés républicaines est intimement liée à la défense de la réforme protestante qui s’est, grâce à l’activisme des pasteurs envoyés par Calvin, solidement implantée en Aunis à partir de 1555. Mais l’adhésion politique de la ville à la Cause est lente. Elle ne bascule pas dès 1562 dans le groupe des villes qui connaissent l’offensive huguenote caractéristique de la première guerre de religion25.
La défense de l’autonomie politique : La Rochelle « place de sûreté » protestante
18La décision de La Rochelle, en 1568, d’entrer dans le parti protestant est l’acte fondateur d’un processus qui va faire de La Rochelle la capitale de la Cause avec l’installation des princes protestants en 1569 et la cité huguenote du monde atlantique par sa résistance victorieuse au siège royal de 1573, un événement que les élites vont diffuser dans toute l’Europe et qui installe la ville comme celle dont le peuple uni a pu repousser « les ennemis d’Israël26 ». Cette décision a été prise sous la pression du peuple. Les pasteurs doivent régulièrement rappeler le serment d’octobre 1572 par lequel les Rochelais et réfugiés s’étaient engagés à ne jamais trahir leur religion et à s’opposer à leurs ennemis ainsi qu’à ne conclure la paix sans décision unanime27.
19En 1568, c’est le peuple, soutenu par les pasteurs, qui réussit à entraîner le maire contre la prudence des notables. Une prudence motivée par la crainte de voir la guerre perturber l’économie mais aussi par la peur de voir les Grands du parti fouler au pied les libertés et privilèges de la cité. Entre ces deux dates, il est souvent oublié qu’en 1570, La Rochelle est une des quatre villes à qui le roi concède le statut de « ville de sûreté » (paix de Saint-Germain)28. La clause qui prévoit la remise « à nos dits frères et cousins, les princes de Navarre et de Condé », précise qu’ils devront « nous garder les dites villes, et au bout et terme de deux ans les remettre ès mains de celui qu’il nous plaira députer en tel état qu’elles sont, sans y rien innover ni altérer et sans aucun retardement ou difficulté pour cause ou occasion quelle qu’elle soit ». De plus les princes s’engagent à ne pas s’opposer à la liberté de circulation et de résidence des ecclésiastiques, à l’exercice du culte catholique. Enfin, « nos juges y soient rétablis et l’exercice de la justice remis29 ».
20Mais les ouvrages imprimés à La Rochelle, notamment ceux sortis des presses de Barthélemy Berton, témoignent de l’attachement de la cité au roi de France dans un réflexe de fidélité au prince légitime. Toutefois dans celui qui en 1568 entend justifier de leur prise d’armes en faveur de Louis de Condé si « la conservation de la couronne » est mentionnée, il est émis le vœu du « maintien des Estats de ce Royaume en réformant et corrigeant les grands abus et corruptions qui y sont survenus sous le bas aage de nos Roys30 ». L’appel aux États généraux est dans la ligne de la stratégie de Calvin qui avait, à plusieurs reprises, laissé entendre que les États pouvaient être conduits à jouer le rôle de « tuteurs » de la « liberté du peuple ». D’abord dans l’introduction de L’Institution de la religion chrétienne mais aussi, à partir de 1559, dans diverses correspondances et entretiens avec des pasteurs français. Mais tout acte qui pouvait être perçu comme un acte de rébellion exige la caution d’un prince du sang. En 1567, Louis de Condé exige la convocation, les armes à la main. En se rangeant sous son autorité, les Rochelais soutiennent cette revendication31.
21Faute de réponse, craignant leur liquidation, Louis de Condé et Gaspard de Coligny passent alliance avec Guillaume d’Orange, chef des révoltés des Pays-Bas (1568). Louis de Nassau assiste en 1571 au « synode des princes » à La Rochelle qui sous l’autorité de Théodore de Bèze publie la Confession de foi des églises réformées de France dite « Confession de foi de La Rochelle32 ». La guerre de course et surtout la résistance victorieuse au siège de 1573 vont imposer la ville comme la capitale protestante du monde atlantique. Un siège qui a pour origine le refus de la ville d’ouvrir ses portes et de remettre les clefs de la ville à celui à qui le roi a confié le gouvernement de La Rochelle et de l’Aunis, Biron. Si ce refus peut s’expliquer par le traumatisme de la Saint-Barthélemy, il exprime aussi la défiance à l’égard d’un roi dont le représentant peut, une fois dans la place, exiger non seulement l’application de la paix de Saint-Germain (fin du statut de « ville de sûreté » alors que la ville accueille des milliers de réfugiés) mais aussi abolir les privilèges de la cité. Or, pour les Rochelais, les libertés et privilèges sont le cœur de leurs relations avec le roi. Mais à cet ordre socio-politique se surajoute le système presbytéro-synodal calvinien qui conduit à chercher un lien contractuel avec la monarchie reposant sur des libertés et privilèges accordés à un corps, les églises réformées du royaume de France.
22Au cours des années suivantes, certes on imprime à La Rochelle le livre de Théodore de Bèze Du droit des magistrats qui participe du mouvement des monarchomaques, mais la municipalité joue un jeu complexe entre ses deux fidélités : au roi et à la Cause, ou plutôt aux églises réformées. La priorité, c’est la défense de la petite république. En un temps où en Languedoc s’organise ce que Jean Delumeau a appelé « les Provinces-Unies du Midi33 ». Contre un roi « tyran », les réformés s’organisent sous une forme « fédérale » qui renforce face à la noblesse le pouvoir des élites urbaines dans les débats politiques du parti huguenot. Le nombre croissant des places de sûreté, même pourvues de gouverneurs issus de la noblesse, renforce ce processus et avec l’édit de Nantes est reconnu pour quelques grandes villes réformées le statut spécial de « ville autonome », c’est-à-dire gouvernée par sa municipalité34. La reddition de 1628 représente pour La Rochelle plus qu’une simple défaite, c’est la fin de la « république » rochelaise. Et c’est bien l’objectif que s’était fixé Richelieu. S’il faut replacer ce siège dans l’ensemble des entreprises militaires menées par Louis XIII depuis 1620 pour mater la rébellion des Huguenots emmenés par Henri de Rohan et qui vont se conclure par l’édit de Nîmes de 1629 qui met un terme à la puissance politique et militaire du parti huguenot, il y a une spécificité à la soumission rochelaise par Richelieu : il s’agit d’entreprendre la catholicisation d’une ville-port qui doit sa renommée et son attractivité à son dynamisme économique dans l’Atlantique. L’épisode de 1628-1629 doit se replacer dans la politique maritime et coloniale engagée par le Cardinal dès son entrée au Conseil. Cette politique est motivée autant par la volonté d’établir la France dans le processus de colonisation de l’Amérique que par le souci de s’enrichir par l’engagement personnel dans le circuit de produits essentiels, le sel, dans les secteurs fisco-financier et militaro-industriel. Uns stratégie qui n’interdit pas les relations avec la finance protestante dont certains membres n’hésitent pas à se rallier au Cardinal en plein siège de La Rochelle. L’exemple des Daliès étudiés par Daniel Dessert est très éclairant sur ce point35.
Les finances de l’État : fondement du capitalisme protestant ?
23Il a été évoqué précédemment les sources indiquant que La Rochelle est une ville riche dans les années 1590. Le port est actif car il est ouvert sur l’océan, à la différence de Bordeaux et surtout de Nantes, paralysées par la résistance de la Ligue à la conquête du royaume engagé par Henri IV. L’activité de Saint-Malo, comme celle des ports normands, est aussi soumise aux aléas des opérations militaires des deux camps. Il faut attendre l’édit de Nantes pour que s’engage la pacification nécessaire à une normalisation économique. On connaît l’engagement de Sully au développement économique du royaume. Mais il n’est jamais suffisamment souligné son opposition aux entreprises coloniales car il considérait que ces aventures n’étaient que chimères, coûtaient cher et ne rapportaient guère36. Les investissements devaient s’orienter d’abord vers la terre, donc vers l’agriculture qui assure ce qui est vital à la population : se nourrir, se vêtir, se chauffer et pour le plus grand nombre se loger. Seule la pêche, y compris la pêche à la morue, pouvait engager les hommes sur mer. A l’État revenait la responsabilité de posséder des finances saines, une remise en ordre fiscale et des grands travaux d’équipements civils (voies navigables, routes, ponts…) et de prestige notamment dans la capitale du Royaume où s’ouvrent de multiples chantiers sous le ministériat de Sully37.
24Mais, comme d’autres Grands du parti huguenot, Sully place des sommes importantes à La Rochelle par l’intermédiaire d’agents qui sont en étroites relations avec des marchands prêteurs dont certaines pratiques professionnelles d’occasionnelles étaient devenues courantes, par exemple l’escompte de lettres de change38. Cette pratique les rapprochait du métier de banquier. C’est le cas de Pierre Tallemant. Issu d’une famille originaire de Tournai émigrée à La Rochelle pour cause de religion, il passe de l’échoppe au banc de changeur et de prêteur au cours des premières années du xviie siècle. En 1624, il quitte La Rochelle, déjà menacée par les troupes du roi, pour Bordeaux, où il installe sa banque et sa compagnie d’assurances maritimes. Dix ans plus tard, il rejoint à Paris son frère Gédéon. Pierre Tallemant s’affirme rapidement comme un des financiers et hommes d’affaires les plus influents de la capitale. Un milieu qu’il connaît bien car il retrouve des Rochelais qui assuraient depuis plusieurs années la défense des intérêts des marchands charentais auprès des juridictions spécialisées dans le domaine économique, par exemple la Table de Marbre, jugeant en appel des affaires traitées en première instance par les magistrats des cours d’Aunis, celles-ci relevant du Parlement de Paris. Retenons à titre d’exemple les procès et les négociations parisiennes entre les Rochelais Samuel Georges, Jean Macain et leurs associés et les marchands de Rouen et de Saint-Malo à propos du commerce avec le Canada39. L’établissement à Paris, et pas à Lyon première place bancaire du royaume, est sans doute motivé par la volonté d’être proche du pouvoir royal, donc être au cœur du système fisco-financier, et de continuer à s’intéresser aux entreprises maritimes et coloniales avec la proximité du système portuaire normand, principal concurrent de La Rochelle. Dans les deux cas, le cœur de l’État et la dynamique normande, les financiers et marchands de confession réformée sont très actifs. Mais les consortiums rassemblant des protestants n’hésitaient pas à se lier à des groupes ultra-catholiques gravitant autour de Richelieu puis du prince de Condé à partir des années 1640. Sous Mazarin, le groupe Tallemant doit faire entrer dans son capital des Italiens40. À l’évidence, pour la monarchie, la force de ces groupes d’affairistes des deux confessions étaient de disposer de numéraire indispensable en cas de guerre. Mais cette situation va être ébranlée par la Fronde et ses contestations fiscales. Toutefois la carrière de Barthélemy Hervart, dans la continuité de celle de son père arrivé d’Allemagne, atteste cette permanence de la présence de la finance protestante au cœur de l’État. La primauté des étrangers dans la banque en France concerne autant les catholiques que les protestants41.
25Même éloignés de la diagonale bancaire Marseille-Lyon-Paris-Rouen, marchands, assureurs, armateurs, avitailleurs de La Rochelle possèdent de solides représentants dans la capitale, d’autant que la ville peut mettre à la disposition de l’État son expérience maritime… et ses navires sur lesquels des capitaines expérimentés commandent à des marins et des matelots qui dès le plus jeune âge ont sillonné l’Atlantique et fréquenté nombre de côtes, de havres et de ports dont ils connaissent les particularités et les opportunités. La Saintonge littorale est un vivier de marins pour la cité commerciale de La Rochelle. Pays de marins, pays de marchands, pays protestants se confondent quasiment entre Loire et Gironde. Il en est de même, mais moins nettement, en Normandie de part et d’autre de l’estuaire de la Seine.
Les compagnies de commerce : instruments du capitalisme protestant
26Par compagnie de commerce il faut entendre les associations de marchands chargées par les États de l’Europe occidentale d’assurer le commerce et la mise en valeur de leurs colonies. Si au xvie siècle, elles se structurent le plus souvent autour d’une expédition pour se dissoudre à la fin de celle-ci, au xviie siècle, elles deviennent des organismes permanents auxquels l’État confère privilèges ou monopoles42. Sous le règne d’Henri IV, marchands et financiers protestants s’engagent massivement dans les compagnies qui obtiennent le monopole de la traite des fourrures canadiennes. Un homme incarne ce groupe confessionnel, le Saintongeais Pierre Dugua de Mons, qui, après Tadoussac, avec un coreligionnaire dieppois, fonde Port-Royal en Acadie puis confie à Champlain le soin de fonder un établissement dans le Saint-Laurent : ce sera l’habitation de Québec (1608)43. Les avatars des premières compagnies et la volonté de Richelieu d’ajouter à l’obligation faite aux marchands de transporter des colons et d’aider à leur installation (un engagement peu tenu) celle de la conversion des Amérindiens rompent avec la politique d’Henri IV et les atermoiements de Marie de Médicis sur la nature des entreprises américaines. Un objectif que ne partageaient pas les protestants dont les fins étaient purement commerciales. Ce que dénoncent les missionnaires catholiques : « La seule avarice leur faisait passer la mer pour en rapporter des pelleteries [ ;] les Sauvages restaient confirmés dans leur irreligion [ ;] la terre ne se cultivait point, le païs ne s’habitait pas, et point du tout de conversion n’y envie de convertir44 ». En 1621, il est demandé par les milieux dévots que les réformés ne puissent y « habiter ou y entretenir aucunes personnes de quelques nations que ce soit de la dite religion prétendue réformée45 ». La création en 1627 de la Compagnie des Cent-Associés par Richelieu précède de peu le siège et la soumission de La Rochelle. Elle répond aux vœux des milieux convertisseurs catholiques : il est interdit aux protestants d’hiverner en Nouvelle-France. Le peuplement ne doit être constitué que de familles catholiques46. Mais l’interdiction d’hivernage n’interdit pas les voyages. Si Champlain fait la chasse aux Rochelais pendant les années 1630, il travaille avec le milieu protestant normand des de Caën. Très vite, une évidence s’impose : sans les marchands et armateurs protestants, notamment rochelais, les échanges avec les colonies acadiennes et canadiennes péricliteraient rapidement. C’est, semble-t-il, au sein de la Compagnie de la Nouvelle-France qu’il faut chercher les investisseurs huguenots. Dans les années 1640, les marchands catholiques se lient à leurs confrères réformés qui possèdent les capitaux pour faire face à une nouvelle donne : le commerce est déclaré libre. Mais en 1651, ce sont deux marchands protestants qui obtiennent du Conseil des habitants de Québec, en échange du ravitaillement de la colonie, la totalité des fourrures. Des sociétés bi-confessionnelles s’organisent. Catholiques et protestants rochelais ont ainsi appris à commercer ensemble avant la révocation de l’édit de Nantes. Dans le commerce avec la Nouvelle-France les marchands catholiques ont besoin des capitaux protestants et les réformés devaient tenir compte des restrictions apportées à leur présence dans la colonie. De plus, la clientèle est catholique à Québec comme à Montréal, qui s’impose progressivement comme le comptoir des fourrures du Haut Pays. Signe du réalisme du gouvernement royal ? La réponse de Colbert à l’évêque de Québec en 1676 : les protestants peuvent résider l’été et y passer l’hiver pourvu qu’ils ne suscitent pas de scandale. En 1683, même réponse pour justifier l’autorisation donnée à des protestants d’établir une pêche sédentaire en Acadie : il faut des hommes en Canada et il faut que « le païs s’établisse, qu’il faut pour cela permettre à toutes sortes de personnes de s’établir […]47 ».
27Cette dynamique coloniale des marchands rochelais protestants concerne aussi les Antilles. La Floride, les Caraïbes, les côtes du golfe du Mexique et le littoral brésilien sont fréquentés par les navires rochelais durant tout le xvie siècle, y compris pendant les guerres de religion où la course chassait les galions porteurs des richesses susceptibles de financer la Cause dans le royaume et la révolte néerlandaise contre la domination espagnole. Ce sont dans ses eaux que naît l’internationale de la course huguenote contre les ibériques « papistes ». La Rochelle devient le port des « gueux de mer », ces marins zélandais et hollandais qui ont porté sur mer la lutte contre l’Espagnol. Certains équipages sont constitués de diverses nations ayant en commun la foi protestante. Des réseaux professionnels se tissent et tous ne disparaissent pas avec la paix au début du xviie siècle. Les liens des Huguenots avec les Néerlandais de la vallée de l’Hudson et les premiers colons britanniques de la Nouvelle-Angleterre continuent cette solidarité religieuse. Derrière les accusations de collusion des milieux catholiques et la dénonciation d’un complot huguenot dans l’occupation de Québec par les frères Kirk entre 1629 et 1632, il y a une réalité mal connue et qui mériterait d’être étudiée plus précisément48.
28Cette solidarité confessionnelle reprend vigueur dans les années 1660, d’abord dans les Antilles puis dans les colonies anglaises. Dans les années 1620, pirates anglais et huguenots s’établissent à Saint-Christophe. L’île est partagée entre les deux nations. Richelieu soutient la fondation de la Compagnie de l’Isle Saint-Christophe. Progressivement, la Monarchie essaie par les clauses des compagnies successives et celles de la Compagnie des Indes occidentales d’imposer le catholicisme… mais la primauté protestante, française et étrangère, est telle que jusque dans les années 1680 une tolérance de fait existe. Au cours des années 1650, la domination rochelaise est évidente, suivie par Dieppe et Bordeaux. La prépondérance des protestants dans les Antilles françaises s’explique selon Gérard Lafleur par l’organisation des réseaux à partir de La Rochelle. À Saint-Domingue, un protestant béarnais, Jean-Baptiste Ducasse, « le gouverneur des flibustiers », joue un rôle décisif, avec son entourage gascon, dans l’installation des Français et le premier développement des habitations. Sa femme, qu’il épousa à Dieppe, était d’une famille protestante très liée à la haute finance et au négoce colonial avec notamment la direction de la Compagnie du Sénégal. Jésuites et autres religieux dénoncent les relations entre ces protestants des colonies françaises dans les Caraïbes avec les juifs, vraisemblablement des marranes49. L’établissement de nombreux Néerlandais chassés du Brésil par les Portugais dans les années 1650 apporte dans la région les techniques de production du sucre qui remplace progressivement le tabac dans les cargaisons destinées aux ports européens50. Comme nous l’avons écrit plus haut, à La Rochelle sucre et tabac enrichissent le trafic de la redistribution des fourrures canadiennes dans les ports des Provinces-Unies et de l’Europe de la Baltique. Des trajectoires de marins protestants rochelais au cours des années 1670 et 1680 attestent ces liens. L’interdiction faite aux marins de ne pas embarquer sans autorisation entraîne une hémorragie dans les équipages qui préfèrent rester dans les îles ou rejoindre la néerlandaise Saint-Eustache ou la Jamaïque anglaise où ils participaient à l’interlope, à la contrebande avec les Espagnols et au développement des échanges entre les Antilles et les colonies anglaises d’Amérique du Nord. New York gardait de son passé, quand elle portait le nom de Neew Amsterdam, une colonie néerlandaise importante et une communauté huguenote qui se renforça au cours des années 1680. De même, Boston accueille bon nombre de réfugiés protestants à la suite de la Révocation de l’édit de Nantes51. Le processus d’intégration professionnelle des Huguenots, malgré les réticences de beaucoup à intégrer l’église d’Angleterre, est facilité par les réseaux préexistants que nous ne percevons qu’à partir de parcours individuels et familiaux. Les contacts personnels entre membres des compagnies françaises, anglaises et néerlandaises ont sans doute facilité ces mécanismes. Il est évident que pour les dernières, intégrer marchands, armateurs et matelots huguenots c’est s’enrichir d’expériences coloniales et de compétences gestionnaires acquises au sein des compagnies françaises et autres associations marchandes et financières.
29Herbert Lüthy pose avec pertinence les éléments externes de la vitalité des milieux d’affaires huguenots à la fin du xviie siècle : « L’essor commercial de la Hollande, puis de l’Angleterre au xviie siècle et la position prépondérante prise par la place d’Amsterdam sur le marché international des capitaux sont, pour notre étude, des données extérieures dont il suffit de constater l’importance pour le développement de la banque protestante en France : l’« internationale huguenote » y a trouvé des champs d’activité, des points de repli et de nouvelles positions de départ52 ». La belle étude du négoce rochelais au xviiie siècle récemment publiée par Brice Martinetti confirme les ressorts de la capacité de résistances des milieux d’affaires protestants d’une ville-port qui perd des places dans la hiérarchie portuaire au xviiie siècle moins par l’absence de position dominante dans quelques trafics, celui des fourrures canadiennes et le maintien de nombreuses raffineries de sucre témoignant de la place importante des deux destinations privilégiées depuis le milieu du xviie siècle, que par l’atonie d’un arrière-pays non compensée par l’activité de Rochefort et la voie fluviale de la Charente53. Les arrière-pays irrigués par la Loire et ses affluents et par la Gironde réceptacle de la Dordogne et de la Garonne sont un élément décisif de la croissance de Nantes et de Bordeaux au xviiie siècle54. Il en est de même pour Rouen-Le Havre et la Seine. Quant au quatrième port, Marseille, n’est-ce pas le Levant qui est en fait son « arrière-pays » ? Dans tous ses ports, le négoce protestant pèse plus que la part de la minorité réformée dans la population. Les négociants essaient de compenser la perte du Canada en 1763, qui n’est pas pour eux un trafic marginal, et de la Louisiane, qui est importante dans l’interlope avec les Espagnols, par le développement de la traite55. À la veille de la Révolution, La Rochelle se hisse au second rang de ce commerce derrière Nantes. Mais ce négoce doit sa survie à son intégration dans des réseaux bancaires parisiens qui lui assurent capitaux, numéraires et marchés nationaux et internationaux bien au-delà des destinations traditionnelles que sont Amsterdam et Hambourg. Marque de leur primauté régionale et sectorielle, ces négociants obtiennent la fondation d’une chambre de commerce dont ils assurent l’essentiel de l’administration et de la direction. Un privilège que n’obtiendront pas leurs confrères des autres grands ports56.
30En juillet 1785, la chambre de commerce, qui avait sollicité le soutien de La Fayette dans la campagne engagée par elle auprès du gouvernement pour que ce dernier « accorde au port de La Rochelle la franchise pour les navigateurs des États-Unis », reçoit une copie de la lettre adressée vraisemblablement par le héros de l’Amérique au roi. Qu’écrit le héros de l’Amérique ? « C’est à La Rochelle qu’il appartient de relever cette branche intéressante. Tout ce qui tient à l’énergie, à l’intelligence et à la constance a des droits particuliers sur les Rochelais. Ils ont des liaisons intimes avec nos villes manufacturières. Ils trouveront en Amérique une foule de parents proches que la funeste révolution de l’édit de Nantes et l’horrible système qui la suivit força de s’expatrier. C’est au bout de cent ans que les habitants de La Nouvelle Rochelle [New Rochelle] formeraient des liaisons à l’ancienne ». Et La Fayette de proposer une véritable stratégie commerciale en association avec les maisons de commerce de la jeune nation pour récupérer le commerce des fourrures. Même limités à un secteur, les termes de ce courrier soulignent l’atout que pourraient représenter les milieux d’affaires dont les membres sont de confession protestante pour établir et développer des échanges commerciaux avec les États-Unis57.
« Des pirates wébériens ?58 »
31Les mots de Pierre-Isaac Rasteau présentés en exergue de ce texte auraient-ils pu être écrits par un catholique ? Oui. La recherche du profit est partagée par tous les marchands, négociants et banquiers, quelle que soit leur appartenance confessionnelle. Avant Luther et Calvin, la chrétienté avait levé les obstacles théologiques qui pouvaient brider l’activité économique y compris dans le champ des activités financières. Il n’en reste pas moins que le héros chrétien restait celui qui priait et qui limitait son travail de production à une agriculture permettant l’autosuffisance et la part dédiée à la solidarité envers les pauvres. Il pouvait y être ajouté une activité de copiste et d’enseignement qui avait pour fonction la reproduction du corps clérical. Avec la Réforme protestante, surtout avec Zwingli et Calvin, il faut réhabiliter l’association de la prière et du travail dans un mécanisme de sécularisation de la société où le clerc s’efface ou plutôt est cantonné, lui aussi, dans le champ de compétences professionnelles pour lesquelles l’église le recrute. Mais, comme l’écrit Calvin, le fruit du travail doit se faire au profit de la communauté. La société chrétienne est un atelier où doivent s’exprimer toutes les vocations qui par leur travail individuel permettront à l’ensemble de la société d’assurer des conditions de vie dignes pour le plus grand nombre. Le profit n’est légitime que s’il est réinvesti. L’éthique calviniste oppose à un capitalisme rentier un capitalisme actif. Toutes les études sur le consistoire qui avait en charge chacune des églises réformées confirment que pour les anciens le remède à la pauvreté est de trouver du travail au démuni. Le plus souvent les diacres chargés de cette mission sont des artisans, des marchands et des négociants. Comme l’écrit Herbert Lüthy : « […] c’est finalement le travailleur seul qui a droit de cité dans la nouvelle société chrétienne. La maison du Père avait plusieurs demeures ; elle n’en a plus qu’une seule, qui est l’atelier59 ». L’individu est responsable de son existence et la communauté lui fait confiance car sa réussite rejaillira sur l’ensemble. Le travail, le temps qui doit lui être consacré sont au cœur de la vie du chrétien. C’est à une ascèse qu’appelle l’éthique calvinienne : « Garde le temps en haute estime et veille chaque jour un peu plus à ne rien perdre de ton temps, tu seras alors en mesure de ne rien perdre de ton or ni de ton argent, et si les divertissements, les toilettes, les banquets, les conversations futiles, les fréquentations inutiles ou encore le sommeil sont une tentation de perdre de ton temps, redouble de vigilance en proportion. Ceux qui sont prodigues de leur temps méprisent leur âme60 ».
32Est-ce cette éthique qui a porté marchands, négociants, banquiers et financiers huguenots à s’engager dans des entreprises qui les installent dans les élites françaises de l’époque moderne indépendamment de la conjoncture politique et de la périodisation des mesures antiprotestantes – ancrage qui va se poursuivre au xixe siècle puisque sous le Second Empire, il a été calculé que sur une centaine de banquiers et financiers de quelque importance 26 % sont protestants, soit « à peu près treize fois plus que la proportion nationale61 » ? Un certain nombre d’écrits, de correspondances privées, de pratiques au sein des consistoires et conseils presbytéraux témoignent du souci de réussir dans le monde. Le statut de minorité, la disparition et l’effacement de la noblesse huguenote au xviie siècle, l’exclusion des religionnaires des offices et de la plupart des professions libérales dans les années 1670 révèlent le poids de la bourgeoisie d’affaires et des acteurs du commerce et de l’artisanat qui par ailleurs ont su garder un pouvoir municipal. Dans certaines villes, ce milieu a porté toute la dynamique sociale de la minorité et a assuré très souvent par ses dons et legs la survie de bon nombre d’églises urbaines. Bridée par la législation, la seule marque de réussite pour ce groupe était la réussite commerciale et financière… qui assure une accumulation de capital, arme indispensable à la capacité de répondre à toutes les opportunités offertes par le secteur public ou le secteur privé. Sans doute certains ont-ils d’ailleurs pensé que l’intégration dans l’appareil fisco-financier de la monarchie les mettait à l’abri des velléités du clergé catholique d’obtenir du roi l’interdiction de l’hérésie. Ce qui advint dans les années 1680. Nicodémisme et survivances au sein de réseaux internationaux revitalisés par des alliances matrimoniales adéquates, d’abord néerlandais et, à un degré moindre, anglais puis genevois, permettent à ce milieu capitaliste de survivre puis de renaître au milieu du xviiie siècle. La Rochelle est un laboratoire pertinent pour étudier ce capitalisme huguenot qui voyait dans le Nouveau Monde et les comptoirs d’Afrique et d’Asie une immense opportunité de profits. Bref, il faut intégrer aussi la capacité de ces milieux à analyser les circonstances et à réagir aux réalités successives des contextes et des conjonctures économiques62. Toutefois combien dans ces milieux engagés dans les entreprises maritimes ont adopté et diffusé l’idée défendue par Philippe Duplessis-Mornay, principal conseiller d’Henri de Navarre, que la révélation de nouveaux mondes dans le même temps où dans l’ancien les fidèles de la « Vraye Eglise » sont opprimés est un signe de Dieu qui leur indique un refuge pour construire la nouvelle Jérusalem63 ? Les puritains anglais, une cinquantaine d’années après, y ont cru et fondé un pays conjuguant messianisme, ascétisme et réussite capitaliste.
Notes de bas de page
1 André Bieler, La pensée économique et sociale de Calvin, Genève, Georg Editions, 1959 (rééd. sous la dir. d’Édouard Dommen, Genève, Georg Editeur, 2008, p. 454).
2 Pierre-Yves Rasteau est un des négociants protestants les plus importants de La Rochelle au xviiie siècle. Il a assuré les fonctions de syndic de la chambre de commerce à deux reprises (1757-1770 et 1770) et il est choisi par ses pairs pour le mandat de député du commerce en 1777. Par ses activités et ses mandats, il est un des membres les plus influents du négoce protestant rochelais. Brice Martinetti, Les négociants de La Rochelle au xviiie siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013, p. 111-112 et 401.
3 Philippe Joutard, « Un demi-siècle d’historiographie protestante », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, t. 148, octobre-novembre-décembre 2002, p. 1170 et id., « Le capitalisme, valeur du protestantisme », in Alain Houziaux (dir.), Où va le protestantisme ?, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2005, p. 6.
4 Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905, 1920), rééd. Paris, Flammarion, 2003 ; Ernst Troeltsch, Protestantisme et modernité (1909-1913), Paris, Gallimard, 1991 ; Hugh R. Trevor-Roper, De la Réforme aux Lumières (1956), Paris, Gallimard, 1972.
5 Raymond Boudon, « Protestantisme et capitalisme. Bilan d’une controverse », Commentaire, 22, 88, hiver 1999-2000, p. 807.
6 Ph. Joutard, « Un demi-siècle d’historiographie protestante », op. cit., p. 1168.
7 Paul Butel, « Le grand commerce maritime », in Louis Bergeron (dir.), Inerties et révolutions (1730-1840), Paris, Armand Colin, 1978 (in Pierre Léon (dir.), Histoire économique et sociale du monde, t. 3), p. 51.
8 Robert Favreau, « Un nouveau destin : le grand port français sur l’Atlantique (1224-vers 1330) », in Marcel Delafosse (dir.), Histoire de La Rochelle, rééd., Toulouse, Privat, 1998, p. 23 et suiv.
9 R. Favreau, « Les temps difficiles », op. cit., p. 59 et suiv.
10 Mathias Tranchant, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, Rennes, PUR, 2003. Id., « Le Centre-Ouest français à la veille des grandes découvertes : la dynamique portuaire », in Mickaël Augeron et Dominique Guillemet (dir.), Champlain ou les portes du Nouveau Monde. Cinq siècles d’échanges entre le Centre-Ouest français et l’Amérique du Nord, La Crêche, Geste éditions, 2004, p. 21 et suiv.
11 Ibid., M. Augeron et M. Tranchant, « La Rochelle : une ouverture précoce sur le Nouveau Monde », in M. Augeron et D. Guillemet (dir.), Champlain…, op. cit., p. 31-32.
12 Ibid., p. 33 ; Marcel Delafosse, « Nouveautés sur terre et sur mer (1500-1568) », in Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 77-80.
13 Marc Seguin, « Le début des Temps modernes, 1480-1610 », in Jean Glénisson (dir.), Histoire de l’Aunis et de la Saintonge, t. 3, La Crêche, Geste éditions, 2005, p. 107 et suiv.
14 Mickaël Augeron, « Coligny et les Espagnols à travers la course (c. 1560-1572) : une politique maritime au service de la cause protestante », in Martine Acerra et Guy Martinière (dir.), Coligny, les protestants et la mer, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, 1997, p. 155 et suiv.
15 Didier Poton, « Le négoce huguenot rochelais et le Canada aux xviie et xviiie siècles », in
M. Augeron et D. Guillemet (dir.), Champlain..., op. cit., p. 193.
16 Ibid., p. 194-197.
17 Martine Acerra, « Marine et techniques néerlandaises au xviie siècle », in Pieter C. Emmer, Didier Poton de Xaintrailles, François Souty (dir.), Les Pays-Bas et l’Atlantique, 1500-1800, Rennes, PUR, 2009, p. 180 et suiv.
18 Olivier Pétré-Grenouilleau, Les négoces maritimes français (XVIIe-XXe siècle), Paris, Belin, 1997, p. 120.
19 Louis Pérouas, Le diocèse de La Rochelle de 1628 à 1724, rééd., Paris, Éditions de l’EHESS, 1999, t. I, p. 137.
20 Mickaël Augeron, « Se convertir, partir ou résister ? Les marins huguenots face à la révocation de l’édit de Nantes » et Didier Poton, « De Soubise à New York : Élie Neau “Confesseur de Jésus-Christ” 1662-1722) », in Mickaël Augeron, Didier Poton, Bertrand Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique. Pour Dieu, la Cause et les Affaires, t. I, Paris, Les Indes Savantes/PUPS, 2009, p. 349-370 et 321-324. Didier Poton et Bertrand Van Ruymbeke (dir.), Histoire des souffrances du sieur Élie Neau sur les galères et dans les cachots de Marseille, Paris, Les Indes Savantes, 2014 (p. 5 : carte de l’espace atlantique d’Élie Neau).
21 Joyce Goodfriend, « Seventeenth Century New York City : fertile ground for planting a Huguenot Community » et Bertrand Van Ruymbeke, « Un refuge atlantique : les réfugiés huguenots et l’Atlantique anglo-américain », in Guy Martinière, Didier Poton, François Souty (dir.), D’un rivage à l’autre. Villes et protestantisme dans l’aire atlantique (xvie-xviie siècles), Paris-Poitiers, Imprimerie nationale, Presses de la MSHS, 1999, p. 175 et suiv. et 195 et suiv. ; Paula Wheeler Carlo, Edward A. Boyden, « Le Refuge dans la colonie de New York », in Mickaël Augeron, Didier Poton, Bertrand Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique. Fidélités, racines, mémoires, t. II, Paris, Les Indes Savantes, 2012, p. 125 et suiv.
22 D. Poton, « Le négoce huguenot rochelais… », op. cit., p. 198.
23 Mickaël Augeron et Didier Poton, « La Rochelle, port canadien : le négoce protestant et la Nouvelle-France », in Philippe Joutard et Thomas Wien (dir.), Didier Poton (coll.), Mémoires de Nouvelle-France. De France en Nouvelle-France, Rennes, PUR, 2005, p. 115-119.
24 Mario Miegge, « Capitalisme », in Pierre Gisel (dir.), Encyclopédie du Protestantisme, Paris-Genève, PUF-Labor et Fides, 2006, p. 184 et suiv.
25 Marcel Delafosse (dir.), Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 86-88. Arlette Jouanna, Jacqueline Boucher, Dominique Biloghi, Guy Le Thiec, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Paris, Robert Laffont, 1998, p. 110-114.
26 Pascal Rambaud, « Le peuple de Dieu face aux Philistins : le refuge huguenot à La Rochelle (1572-1573) », in G. Martinière, D. Poton, F. Souty (dir.), D’un rivage à l’autre…, op. cit., p. 82.
27 Ibid., p. 83.
28 A. Jouanna, J. Boucher, D. Biloghi, G. Le Thiec, Histoire et dictionnaire…, op. cit., p. 185.
29 André Stegman (éd.), Édits des guerres de religion, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1979, p. 79.
30 A. Jouanna, J. Boucher, D. Biloghi, G. Le Thiec, Histoire et dictionnaire…, op. cit., p. 180-181.
31 Ibid.
32 Janine Garrisson, Les protestants au xvie siècle, Paris, Fayard, 1988, p. 273-275. Francine Ducluzeau (dir.), Histoire des protestants charentais, Saintes, Le Croît vif, 2001, p. 94-95.
33 Jean Delumeau, Naissance et Affirmation de la Réforme, Paris, PUF, 1965, p. 181 et Janine Garrisson, Protestants du Midi, Toulouse, Privat, 1980, p. 185 ; A. Jouanna, J. Boucher, D. Biloghi, G. Le Thiec, Histoire et dictionnaire…, op. cit., p. 215-225.
34 A. Jouanna, J. Boucher, D. Biloghi, G. Le Thiec, Histoire et dictionnaire…, op. cit., p. 412 ; M. Delafosse (dir.), Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 104 et suiv. ; F. Ducluzeau (dir.), Histoire des protestants charentais, op. cit., p. 103-106.
35 Daniel Dessert, Les Daliès de Montauban. Une dynastie protestante de financiers sous Louis XIV, Paris, Perrin, 2005, p. 57 et suiv.
36 Jean-Pierre Babelon, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 763-764.
37 Bernard Barbiche et Ségolène de Dainville-Barbiche, Sully, Paris, Fayard, 1997, p. 246-301.
38 Ibid., p. 307.
39 D. Poton, « Le négoce huguenot… », op. cit., p. 193-194.
40 D. Dessert, Les Daliès…, op. cit., p. 81-83.
41 Françoise Bayard et Philippe Guignet, L’économie française aux xvie, xviie, xviiie siècles, Paris, Ophrys, 1991, p. 57-58 ; Françoise Bayard, Le monde des financiers, Paris, Flammarion, 1988.
42 Laurent Bourquin (dir.), Dictionnaire historique de la France moderne, Paris, Belin, 2005, p. 105-106.
43 Guy Martinière, « Dugua de Mons en “Nouvelle-France” et La Ravardière en “France équinoxiale” : deux acteurs protestants de la France d’Outre-mer », in M. Augeron, D. Poton, B. Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique…, op. cit., t. I, p. 221-230 ; Guy Martinière et Didier Poton (dir.), Le Nouveau Monde et Champlain, Paris, Les Indes Savantes, 2008.
44 D. Poton, « Le négoce huguenot rochelais… », op. cit., p. 195.
45 Ibid.
46 Leslie Choquette, « Une colonie de “naturels françois catholiques” ? Les protestants en Nouvelle-France aux xviie et xviiie siècles », in G. Martinière, D. Poton, F. Souty (dir.), D’un rivage à l’autre…, op. cit., p. 268-269.
47 D. Poton, « Le négoce huguenot rochelais… », op. cit., p. 196-197.
48 Ibid., p. 195. Cornelius Jaenen, « Les “Hollandais” et le commerce des fourrures en Nouvelle-France (1570-1650) » et « Les “Hollandais-Flamands” et la pêche française en Amérique septentrionale (1590-1640 », in P. C. Emmer, D. Poton de Xaintrailles, F. Souty (dir.), Les Pays-Bas et l’Atlantique…, op. cit., p. 126-131 et 132-139.
49 Gérard Lafleur, « Huguenots et Hollandais aux îles d’Amérique » et Jacques de Cauna, « Jean-Baptiste Ducasse, le gouverneur des flibustiers », in M. Augeron, D. Poton, B. Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique, op. cit., t. I, p. 231-256 et 271-282.
50 François Souty, « Les Pays-Bas, l’Atlantique et l’Amérique (1570-1650) », in P. C. Emmer, D. Poton de Xaintrailles, F. Souty (dir.), Les Pays-Bas et l’Atlantique…, op. cit., p. 88-105.
51 Lauric Henneton, « L’autre refuge : huguenots et puritains en Nouvelle-Angleterre », et Bertrand Van Ruymbeke, « Le refuge en Amérique du Nord britannique : périodisation, caractéristiques, problématiques », in M. Augeron, D. Poton, B. Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique…, op. cit., t. II, p. 103-112 et 19-25. D. Poton, « De Soubise à New York : Élie Neau, “Confesseur de Jésus-Christ” (1682-1722) », in M. Augeron, D. Poton, B. Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique…, op. cit., t. I, p. 321-324.
52 Herbert Lüthy, La Banque protestante en France de la Révocation de l’édit de Nantes à la Révolution, Paris, SEVPEN, t. I, 1959, p. 11.
53 B. Martinetti, Les Négociants de La Rochelle…, op. cit., p. 215 et suiv.
54 Olivier Pétré-Grenouilleau, Les négoces maritimes français, xviie-xxe siècle, Paris, Belin, 1997, p. 118-121
55 Didier Poton, « Le Canada : un espace économique marginal dans l’empire colonial français », in Sophie Imbeault, Denis Vaugeois et Laurent Veyssière (dir.), 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique, Québec, Septentrion, 2013, p. 112-126.
56 B. Martinetti, Les négociants de La Rochelle…, op. cit., p. 163 et suiv.
57 D. Poton, « La Fayette et La Rochelle », in M. Augeron, D. Poton, B. Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique, op. cit., t. II, p. 174-175.
58 Bernard Cottret, « Des pirates wébériens ? », ibid., p. 331-336.
59 H. Lüthy, La banque protestante…, op. cit., p. 7.
60 Richard Baxter, A Christian directory, 1673, cité par P. Joutard, « Le capitalisme, valeur du protestantisme », op. cit., p. 69.
61 Patrick Cabanel, Histoire des protestants en France, Paris, Fayard, 2013, p. 993-996.
62 Jacques Néré, « Les protestants et l’argent », Histoire, n° 7, janvier-février-mars 1981.
63 D. Poton, « Philippe Duplessis-Mornay et l’Atlantique : enjeu stratégique et légitimité religieuse », in M. Augeron, D. Poton, B. Van Ruymbeke (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique, op. cit., t. I, p. 207-212.
Auteur
Professeur d’histoire moderne à l’université de La Rochelle, doyen de la faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences humaines, membre de la commission franco-québécoise sur les lieux de mémoires communs et membre du Conseil scientifique de l’Institut des Amériques. Il travaille dans différents laboratoires de recherches : centre de recherches historiques internationales et Atlantique (université de La Rochelle/université de Nantes), espaces des protestantismes européens (PPF dirigé par l’université de Pau et des Pays de l’Adour). Ses orientations de recherche portent sur les protestants du Centre-Ouest de la France et l’Atlantique (xviie-xixe siècles) et les migrations, échanges, transferts entre la France et le Canada (xviie-xixe siècles). Il a publié, en particulier, Les Huguenots et l’Atlantique, en collaboration avec Mickaël Augeron et Bertrand Van Ruymbeke, Paris, Les Indes savantes/Les Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2009, 2 vol. et codirigé : Histoire des souffrances du sieur Elie Neau sur les galères et dans les cachots de Marseille, Paris, Les Indes savantes, 2014.
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