Les inspecteurs des Finances dans les cabinets ministériels, 1801-2011 : étude quantitative
p. 369-380
Texte intégral
1Dans cet article, le cabinet est entendu au sens large, à savoir l’entourage immédiat du ministre, y compris avant la IIIe République. Ensuite, le passage en cabinet est compris comme le fait d’entrer dans un cabinet, mais aussi de changer de poste au sein d’un même cabinet, ou de rester au cabinet mais d’un ministère dont l’intitulé change, et/ou avec le même ministre, ou encore de changer de cabinet avec un nouveau ministre. Nos résultats chiffrés et nos tableaux ne tiennent pas compte des passages en cabinets avant l’entrée à l’Inspection. Nous avons intégré les passages des membres officieux quand ils étaient connus et tels qu’ils sont mentionnés dans les notices biographiques du dictionnaire. Ont été également inclus dans les calculs les membres du secrétariat particulier du ministre, ceux des cabinets du président du Conseil ou du chef de l’État français, ainsi que les secrétaires généraux et secrétaires généraux adjoints du gouvernement et de la présidence de la République. Avant 1848, en raison d’états de service aux informations succinctes et lacunaires, et de destructions d’archives du ministère des Finances, on ne connaît pas tout, loin s’en faut, de la présence et a fortiori de l’activité des inspecteurs dans les cabinets.
Données générales
2Il existe environ 193 gouvernements depuis 1815 et 434 membres de l’exécutif (présidents de la République, présidents du Conseil, ministres, secrétaires d’État et sous-secrétaires d’État) ont employé des inspecteurs. Sur 1 217 inspecteurs (du Trésor et des Finances) de 1801 à 2009, 466 inspecteurs sont passés au moins une fois par un cabinet, pour un total de 1 316 passages cumulés en cabinets comptabilisés sur la même période.
3Déjà, sous le Premier Empire, deux inspecteurs du Trésor travaillent directement avec le ministre du Trésor public (Hippolyte Amé de Saint-Didier et Nicolas Bronner). Le premier inspecteur des Finances en titre à intégrer un cabinet est Georges Harmand de 1824 à 1828, auprès de Joseph de Villèle aux Finances (avant lui, le futur inspecteur Adolphe de Boubers (IF 1812) devient en 1808, à 17 ans, secrétaire particulier de Nicolas Mollien, ministre du Trésor et son oncle). Après 1830, le secrétariat du ministre fait peu à peu place à un cabinet de 2 à 4 membres, dont un chef. Louis Bréchet, en 1860, auprès du ministre des Finances Adolphe de Forcade La Roquette, est le premier des inspecteurs chefs de cabinet.
4L’adjoint à l’Inspection le plus jeune à intégrer un cabinet, un peu plus d’un mois après son entrée à l’IGF en 1832, est Jules Hochet, qui a alors 19 ans. Au xxe siècle, Jacques de Chalendar, entré à l’IGF en mai 1944, n’a pas encore 24 ans lorsqu’il rejoint le cabinet de Louis Pasteur Vallery-Radot, secrétaire général à la Santé publique, en qualité de chargé de mission, dès le 9 septembre 1944. Les circonstances sont, il est vrai, exceptionnelles. L’inspecteur le plus expérimenté entrant pour la première fois en cabinet (comme chef de cabinet de Georges Cochery, ministre des Finances) est Albert Gatine (promotion 1878) en juillet 1909 à l’âge de 55 ans avec trente et un ans d’ancienneté à l’IGF. Le second est Laurent Vachey (promotion 1988), qui devient directeur adjoint du cabinet de Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille en 2006-2007. Il a 53 ans. Il faut citer le cas singulier de René Lenoir qui, alors retraité de l’IGF, travaille auprès de Jacques Chirac en 1995-2000. En moyenne générale, le premier poste en cabinet intervient à l’âge de 33 ans. Il est bien sûr des cas, comme Michel Albert (promotion 1956) en 1976, où le premier passage en cabinet intervient très tard dans la carrière, à 46 ans et vingt ans après son entrée à l’IGF. L’ancienneté à l’IGF lors du premier emploi en cabinet est, pour toute la période considérée, de sept années en moyenne, incluant les deux à quatre années de tournée.
5Depuis 1947, sur 127 individus entrés à l’IGF non directement à la sortie de l’Éna, 70 ont exercé dans un cabinet avant l’entrée à l’IGF. Parmi ceux-ci seuls, 14 en ont fréquenté un après être devenus inspecteur, y compris le cas particulier de Robert Djellal : seul inspecteur démissionnaire qui entre (à nouveau) en cabinet après sa démission. Pour 41 des 70 précités, l’entrée à l’IGF suit, immédiatement ou dans l’année, la sortie du dernier cabinet. Régis Paranque, nommé inspecteur en 1990 alors qu’il est chargé de mission au cabinet de Pierre Bérégovoy, continue même à exercer à ce cabinet, aux Finances, puis à Matignon durant encore trois années. Pour au moins un tiers de ces futurs inspecteurs, le passage en cabinet constitue donc un véritable tremplin… vers l’IGF.
Tableau 1. Les inspecteurs dans les cabinets ministériels 1801-2011
Les passages en cabinets du total des inspecteurs (incluant les 70 hauts fonctionnaires avant leur entrée à l’IGF) | Les passages en cabinets | |
Nombre total de passages en cabinet | 1 457 | 1 316 |
Inspecteurs passés au moins une fois en cabinet (sur 1 217 individus) | 524 | 466 |
Proportion d’inspecteurs passés au moins une fois en cabinet | 43,06 % | 38,29 % |
Moyenne de passages en cabinet par inspecteur | 2,8 | 2,8 |
Durée moyenne en cabinets par inspecteur | 355 jours* | 326 jours |
Nombre de passages d’inspecteurs en cabinets aux Finances | 644 | 594 |
Nombre de passages d’inspecteurs en cabinets hors des Finances | 813 | 722 |
Proportion du nombre de passages en cabinets aux Finances | 44,2 % | 45,1 % |
Proportion du nombre de passages en cabinets hors des Finances | 55,8 % | 54,8 % |
Durées des emplois en cabinets
6Dans le calcul de la durée moyenne, les bornes chronologiques des emplois en cabinets sont déterminées à partir des dates officielles d’effet de l’entrée et de la sortie ; à défaut ont été retenus la date au 1er janvier pour une année connue, ou le premier jour du mois si on sait le mois, ou encore la seule date de fin du ministériat. Compte tenu des lacunes nombreuses sur cet aspect des carrières, les calculs sur les durées sont donc approximatifs et indicatifs. Pour les membres de cabinets toujours en fonctions, la date de fin conventionnelle est le 17 juin 2011.
7Le record de longévité dans un seul cabinet est détenu, avec 2 569 jours (plus de sept ans), par Jean Forgeot, qui est secrétaire général de la présidence de la République du septennat de Vincent Auriol (1947-1954). Puis, avec 1 917 jours (cinq ans et trois mois), vient François Morette-Bourny, conseiller technique au cabinet de Henri Duvillard, ministre des Anciens Combattants et des Victimes de guerre de 1967 à 1972. Parmi les plus stables dans un seul cabinet figure Alexandre Jevakhoff, conseiller pour les affaires économiques, financières et administratives au cabinet de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense et des Anciens Combattants de 2002 à 2007 (avec 1 811 jours). Il suit cette dernière dans ses autres portefeuilles, ce qui fait également de lui un des inspecteurs (avec 3 284 jours à ce jour, soit près de neuf ans) qui a travaillé le plus longtemps en cabinets. La plus longue durée cumulée en cabinets est à l’actif de Jean Sriber, avec 4 916 jours (près de treize années et demie), dont 1 117 jours au seul cabinet de Robert Galley, ministre des Postes et Télécommunications en 1969-1972.
8Seuls 3 inspecteurs comptent plus de 4 000 jours (près de onze ans) de cabinets : outre Jean Sriber, Jean-René Bernard (en sept cabinets, en incluant ses fonctions de secrétaire général adjoint de la présidence de la République) et François Morette-Bourny (en quatre cabinets seulement). Dix inspecteurs totalisent entre 3 000 et 4 000 jours de cabinets, et 33 de 2 000 à 3 000 jours. Il faut classer à part le cas de Jean Simon Joseph Thomas qui, durant 2 678 jours, est directeur du secrétariat particulier des (8) ministres des Finances, de 1832 à 1840, sous la monarchie de Juillet.
9Par ailleurs, la longévité des inspecteurs en cabinets dépend étroitement de celle de leur ministre, de l’(in)stabilité ministérielle selon les différents régimes politiques, mais aussi des autres possibilités qui s’offrent aux inspecteurs selon les moments. Sur les 156 inspecteurs qui comptent plus de 1 000 jours en cabinet, seuls 28 ont débuté en cabinet avant 1944 et seuls 5 sur les 46 comptant plus de 2 000 jours.
10La durée cumulée (en deux passages en cabinets au moins) la plus faible est de 87 jours pour Gilbert Devaux, à deux reprises auprès de Paul Reynaud et comme chef adjoint, en 1935, puis en 1940. Le temps de passage le plus court en un seul cabinet est de 2 jours pour François Paul-Dubois-Taine, chef éphémère de cabinet de Léon Baréty, sous-secrétaire d’État au Budget, les 30 septembre et 1er octobre 1930, mais il cumule 539 jours de cabinets durant sa carrière. L’inspecteur qui connaît l’expérience en (un seul) cabinet la plus brève est, avec 8 jours au total, Pierre Carle (en 1962).
Carrière en cabinets et carrière politique
Tableau 2. Nombre de passages en cabinets des inspecteurs des Finances 1824-2011
Cab1 | 454 | Cab8 | 18 |
Cab1x | 14 | Cab9 | 12 |
Cab2 | 305 | Cab 10 | 5 |
Cab3 | 208 | Cab 11 | 4 |
Cab4 | 126 | Cab 12 | 3 |
Cab5 | 84 | Cab13 | 1 |
Cab6 | 50 | Cab 14 | 1 |
Cab7 | 33 | ||
Total | 1 316 |
11D’après le tableau 2, seuls 5 inspecteurs ont connu 10 cabinets ou plus durant leur carrière (Jean Filippi, Edmond Delsériès, Robert Blot, Dominique Leca et Joseph Ripert), auxquels on peut ajouter Robert Wirth, qui compte 9 cabinets en étant inspecteur et 10 passages durant toute sa vie professionnelle.
12Près des trois quarts des passages se font en un maximum de trois cabinets. Rares sont donc ceux qui font une longue partie de leur carrière en cabinets. Parmi les plus habitués au travail de cabinet, avec 12 passages : Edmond Delsériès (entre 1925 et 1940) et Robert Blot (qui ne connaît des cabinets qu’avec Edgar Faure, entre 1949 et 1973). Jean Filippi, avec 14 passages, voit son parcours en cabinets débuter en 1933 pour s’achever en 1951, peu avant un bref détour par la Banque Louis Dreyfus et Cie en 1951-1955, puis, surtout, une longue carrière d’élu qu’il mène jusqu’en 1982.
13À peine plus de la moitié des inspecteurs élus députés ou sénateurs (19 sur 36, dont Jean Filippi, Henri Yrissou et François-Xavier Ortoli, qui font partie des 46 comptant plus de 2 000 jours de cabinets, sur 466 inspecteurs) ont été en cabinet avant d’être élus, et seuls 4 % des inspecteurs passés en cabinet poursuivent une carrière d’élu politique. 21 inspecteurs sur les 28 nommés ministres, mais seulement 3 inspecteurs présidents du Conseil ou Premiers ministres, sur les 5 que compte le corps, ont effectué un passage en cabinet. Ainsi, Joseph Caillaux et Michel Rocard n’ont pas travaillé dans un cabinet avant d’être ministres.
14Les premiers emplois en cabinets des inspecteurs des Finances
15Dans leur premier cabinet, les inspecteurs sont employés avant tout en qualité de conseillers techniques (qui apparaissent en 1940), postes plus élevés dans la hiérarchie que ceux de chargés de mission. Il est également remarquable que, sur 466 inspecteurs, 66 soient directeurs, directeurs adjoints, chefs ou chefs adjoints, généralement en début de carrière. Ainsi, près de 30 % des inspecteurs connaissent les plus hautes responsabilités dès leur première expérience en cabinet.
Tableau 3. Répartition des emplois des inspecteurs des Finances dans leur premier cabinet, 1824-2011
Valeurs | Pourcentage | |
Attaché | 4 | 0,9 % |
Autre* | 1 | 0,2 % |
Chargé de mission | 133 | 28,5 % |
Chef adjoint | 45 | 9,7 % |
Chef | 36 | 7,7 % |
Conseiller technique | 182 | 39,1 % |
Directeur | 31 | 6,7 % |
Directeur adjoint | 26 | 5,6 % |
Secrétaire général | 1 | 0,2 % |
Secrétaire général adjoint | 2 | 0,4 % |
Secrétaire particulier | 2 | 0,4 % |
Sous-chef | 1 | 0,2 % |
Sous-directeur | 2 | 0,4 % |
Les directeurs de cabinet aux Finances depuis 1944
16Afin de compléter des études existantes, focalisons à présent le propos sur les inspecteurs directeurs de cabinet des ministres aux Finances depuis 1944. 63 inspecteurs ont été au moins une fois directeur du cabinet d’un des ministres des Finances. Parmi eux, 19 sont directeurs de cabinet pour la première fois dans ces ministères financiers. D’autres sont, comme Jean-Yves Haberer, d’abord directeur de cabinet (pour Haberer, auprès de Michel Debré) hors des Finances, avant de diriger le cabinet d’un ministre (pour Haberer, Michel Durafour, puis Robert Boulin) de la rue de Rivoli. Dans le périmètre des Finances toujours, 18 inspecteurs sont directeurs au moins deux fois, et Robert Blot, avec 5 directions de cabinet aux Finances et 6 en tout, détient le record. 7 des directeurs nommés pour la première fois en cabinet le sont auprès du ministre des Finances lui-même (Pierre Besse, Pierre Calvet, Robert Blot, Bernard Clappier, Philippe Lagayette, Jacques de Larosière et Jean Lemierre).
17Dans le tableau ci-dessous, ne sont répertoriés que les directeurs du cabinet du ministre des Finances sous ses différentes appellations, mais sans les ministères de l’Économie nationale ou du Budget lorsque ceux-ci sont séparés des Finances et sans les ministres délégués et les secrétaires d’État. Sont ainsi exclus, par exemple, Roger Goetze, qui est directeur (pour son premier passage) du cabinet de Pierre Mendès France, alors ministre de l’Économie nationale, en 1944-1945, ou Louis Schweitzer, directeur (également pour son premier passage) auprès de Laurent Fabius, ministre du Budget, en 1981.
18La tradition d’un inspecteur dirigeant le cabinet du ministre des Finances remonte à ceux du baron Louis, Jean Simon Joseph Thomas (1831-1832 et 1832-1840) et Jules Hochet (1832). Entre 1871 et 1914, moins d’un tiers (16 sur 57) des chefs de cabinet des ministres des Finances sont des inspecteurs. Entre 1914 et 1939, ils sont près de la moitié d’inspecteurs (23 sur les 47). Sous Vichy, une sorte de monopole s’établit. On compte ainsi Jean Filippi avec Yves Bouthillier (1940-1941), Jacques de Fouchier avec Pierre Cathala (1942), Pierre Douffiagues avec le même ministre (1942-1944), auquel on peut adjoindre Henri Yrissou, qui est chef adjoint (pour l’échelon de Vichy) du cabinet d’Yves Bouthillier (1941-1942).
19Depuis août 1944, sur les 30 inspecteurs directeurs de cabinet du ministre, 3 (dont 2 pour la première fois à ce poste) travaillent dans les cabinets des 6 ministres des Finances des gouvernements provisoires (jusqu’au 22 janvier 1947), 12 sont directeurs sous la IVe République (pour 20 cabinets des Finances) et 15 sous la Ve République (pour 27 cabinets des Finances jusqu’en 2009), avec trois éclipses majeures en 1962-1964, 1976-1981 et 1992-1997. Depuis 1914, et mis à part l’État français, la moitié (environ) des directeurs de cabinet des ministres des Finances sont, d’une manière constante, des inspecteurs des Finances.
20L’âge moyen à leur nomination depuis 1944 est de 39 ans ; le plus jeune, Michel-Georges Denis, a seulement 30 ans en 1950. La durée moyenne dans ces cabinets et pour ces directeurs s’établit à 333 jours (est ici comptabilisé le temps comme directeur de cabinet de Jean Filippi, avant août 1944). Les directeurs les plus fugaces restent Pierre Esteva, directeur avec Maurice Couve de Murville, puis avec François-Xavier Ortoli pour un total de 50 jours en 1968, et Ludovic Tron, avec André Philip (19 décembre 1946-16 janvier 1947) pour 28 jours seulement. On peut noter que ce sont 2 (sur 6) ministres des Finances de gauche qui ont, compte tenu de leur longévité, conservé le plus longtemps leur directeur inspecteur : Jacques Delors avec Philippe Lagayette et Pierre Bérégovoy avec Hervé Hannoun. Ces deux derniers inspecteurs détiennent également le record, depuis 1944, du temps cumulé de direction. Robert Blot, malgré toutes ses nominations en cabinets et en qualité de directeur, n’est directeur du ministre des Finances (Edgar Faure les trois fois) « qu’« un peu moins d’une année en tout.
21Cependant, Robert Blot est le seul inspecteur à avoir été à trois reprises directeur de cabinet d’un ministre des Finances. 11 inspecteurs sont directeurs du cabinet du ministre des Finances à deux reprises. Au total, ces 30 directeurs sont 44 fois directeur de cabinet (tous ministères). Le plus souvent, les inspecteurs suivent un ministre patron, à l’instar d’Yves Bréart de Boisanger qui, dans la période précédente, avait suivi Georges Bonnet, de 1925 à 1934, dans tous ses ministères. Citons Philippe Huet avec Paul Ramadier ; Bernard Clappier, directeur de cabinet à trois reprises de Robert Schuman, de 1947 à 1951 ; Jean-Charles Naouri, dans les pas de Pierre Bérégovoy ; Henri Yrissou, à quatre reprises le directeur de cabinet d’Antoine Pinay, dont deux fois aux Finances en 1952 et 1958. Plusieurs inspecteurs rejoignent aussi Matignon ou l’Élysée après Rivoli ou Bercy. Enfin, les inspecteurs ministres (et ministres délégués) emploient surtout des camarades comme directeur de leur cabinet.
Tableau 4. Les inspecteurs des Finances directeurs du cabinet du ministre des Finances (août) 1944-2009
Promotion IGF | Directeur de cabinet de | Âge à leur nomination | |
FILIPPI Jean | 1930 | Maurice Petsche, ministre des Finances et des Affaires économiques, 25 novembre 1949-3 juillet 1950 | 35 |
CALVET Pierre | 1933 | Aimé Lepercq, ministre des Finances, 11 octobre 1944-24 novembre 1944 (décès) | 34 |
DELOUVRIER Paul | 1941 | René Pleven, ministre des Finances, 14 septembre 1945-1er février 1946 | 31 |
BLOCH-LAINÉ François | 1936 | Robert Schuman, ministre des Finances, 2 juillet 1946-8 mai 1947 | 34 |
TRON Ludovic | 1930 | André Philip, ministre de l’Économie nationale et des Finances, 19 décembre 1946-16 janvier 1947 | 42 |
CLAPPIER Bernard | 1939 | Robert Schuman, ministre des Finances, 9 mai 1947-4 décembre 1947 | 34 |
TIXIER Claude | 1939 | Henri Queuille, président du Conseil et ministre des Finances et des Affaires économiques, 13 septembre 1948-14 janvier 1949 | 35 |
DENIS Michel-Georges | 1944 | Maurice Petsche, ministre des Finances et des Affaires économiques, 1er octobre 1950-1er juin 1951 | 30 |
BLOT Robert | 1939 | Edgar Faure, président du Conseil et ministre des Finances, 23 janvier 1952-1er février 1952 | 38 |
YRISSOU Henri | 1937 | Antoine Pinay, président du Conseil et ministre des Finances et des Affaires économiques, 9 mars 1952-23 décembre 1952 | 43 |
CLERMONT‑TONNERRE (de) Thierry | 1937 | Maurice Bourgès-Maunoury, ministre des Finances, 8 janvier 1953-21 mai 1953 | 40 |
BESSE Pierre | 1942 | Pierre Pflimlin, ministre des Finances et des Affaires économiques, 24 février 1955-1er décembre 1955 | 41 |
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Tableau 4 (suite). Les inspecteurs des Finances directeurs du cabinet du ministre des Finances (août) 1944-2009
Promotion | Directeur de cabinet de | Âge à leur nomination | |
HUET Philippe | 1946 | Paul Ramadier, ministre des Finances, 15 février 1956-13 juin 1957 | 36 |
LARRE René | 1942 | Pierre Pflimlin, ministre des Finances, des Affaires économiques et du Plan, 8 novembre 1957-14 mai 1958 | 42 |
LATTRE (de) André | 1946 | Wilfrid Baumgartner*, ministre des Finances et des Affaires économiques, 19 janvier 1960-18 janvier 1962 | 37 |
DUPONT-FAUVILLE Antoine | 1953 | Michel Debré, ministre de l’Économie et des Finances, 13 janvier 1966-1er septembre 1968 | 39 |
ESTEVA Pierre | 1951 | Maurice Couve de Murville*, ministre de l’Économie et des Finances, 7 juin 1968-10 juillet 1968 | 43 |
LAROSIÈRE (de) Jacques | 1958 | Valéry Giscard d’Estaing*, ministre de l’Économie et des Finances, 10 janvier 1974-27 mai 1974 | 45 |
DELORME Guy | 1954 | Jean-Pierre Fourcade*, ministre de l’Économie et des Finances, 31 mai 1974-25 août 1976 | 45 |
LAGAYETTE Philippe | 1970 | Jacques Delors, ministre de l’Économie et des Finances, 23 mai 1981-17 juillet 1984 | 38 |
NAOURI Jean-Charles | 1976 | Pierre Bérégovoy, ministre de l’Économie, des Finances et du Budget, 19 juillet 1984-20 mars 1986 | 35 |
TRICHET Jean-Claude | 1971 | Édouard Balladur, ministre d’État ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation, 21 mars 1986-27 août 1987 | 44 |
CROISSET (de) Charles | 1968 | Édouard Balladur, ministre d’État ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation, 27 août 1987-10 mai 1988 | 44 |
HANNOUN Hervé | 1975 | Pierre Bérégovoy, ministre d’État ministre de l’Économie, des Finances et du Budget, 20 janvier 1989-2 avril 1992 | 39 |
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Tableau 4 (fin). Les inspecteurs des Finances directeurs du cabinet du ministre des Finances (août) 1944-2009
Promotion | Directeur de cabinet de | Âge à leur nomination | |
LEMIERRE Jean | 1976 | Alain Madelin, ministre de l’Économie et des Finances, 23 mai 1995-26 août 1995 | 45 |
VILLEROY de GALHAU François | 1984 | Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 10 juin 1997-2 novembre 1999 | 38 |
CRÉMEL Bruno | 1992 | Laurent Fabius, ministre de l`Économie, des Finances et de l’Industrie, 17 avril 2000-6 mai 2002 | 35 |
MUSCA Xavier | 1985 | Francis Mer, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 10 mai 2002-30 mars 2004 | 42 |
GRAPINET Gilles | 1992 | Hervé Gaymard, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 6 décembre 2004-25 février 2005 | 41 |
RICHARD Stéphane | 1987 | Jean-Louis Borloo, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 25 mai 2007-18 juin 2007 | 46 |
Évolution bi-séculaire de leur présence dans les cabinets aux Finances et hors des Finances
22Le premier inspecteur, entré seulement deux ans auparavant à l’IGF, à rejoindre un cabinet autre que celui des Finances est Charles Faubournet de Montferrand en qualité de chef de cabinet d’Oscar Bardi de Fourtou, bref ministre de l’Intérieur de mai à septembre 1877. Il faut ensuite attendre Charles Lesage, qui est le chef de cabinet de Jean Barthou, ministre des Travaux publics, des Postes et Télégraphes, de mars 1906 à mai 1909, pour retrouver un autre inspecteur hors d’un cabinet des Finances. La présence de ces inspecteurs « exportés » dans les cabinets dépensiers n’est réellement tangible que pour les promotions des années vingt, quand elle implique alors une dizaine d’individus pour leur premier cabinet et quand certains pionniers en cabinets non financiers en sont à leur troisième ou quatrième passage.
23D’après le tableau 5 et en rappelant que le premier emploi en cabinet intervient en moyenne sept ans après l’entrée à l’IGF, les inspecteurs des Finances qui investissent en nombre les cabinets sont issus des promotions des années 1890 et 1900, soit relativement tardivement, eu égard à la chronologie de l’expansion de ceux-ci sous la IIIe République. Logiquement, le nombre cumulé de passages en cabinet est plus élevé sous les régimes parlementaires, aux fréquents changements de gouvernements. Ce n’est qu’à partir des promotions des années vingt et jusqu’à celles des années quatre-vingt que plus de la moitié des inspecteurs recrutés rejoignent un cabinet au cours de leur carrière. Le passage en cabinet, pour les promotions des années trente aux années soixante-dix, dépasse même les 60 %, tous cabinets confondus. En revanche, les promotions des années quatre-vingt-dix connaissent une nette décrue, en valeurs absolues et relatives, du nombre d’inspecteurs en cabinets. Cette tendance reste à confirmer pour les années 2000, partiellement traitées ici, d’autant que, par ailleurs, pour les promotions 1985 à 2005, la durée moyenne en cabinets par inspecteur (79 individus sur 111 recrutés à la sortie de l’Éna et 215 tous recrutements confondus) reste de plusieurs années (934 jours). Enfin, depuis les promotions des années trente, les inspecteurs sont plus nombreux (de 58 à 64 %) dans les cabinets des ministères dépensiers que dans ceux des ministères financiers, et c’est là une tendance non démentie jusqu’à nos jours.
24Comment expliquer cet investissement substantiel et pérenne des inspecteurs dans les cabinets ministériels ? Tout d’abord, par la croissance du nombre de départements ministériels et l’instabilité de leur titulaire, qui offrent plus d’occasions à un plus grand nombre. Par l’augmentation des effectifs des cabinets ensuite, qui est ininterrompue : l’article de la loi de finances pour 1912, que fait voter Joseph Caillaux et qui limite les effectifs à un chef de cabinet et à deux adjoints, ne reçoit pas plus d’effet que le décret du 28 juillet 1948 portant règlement d’administration publique, ou que les diverses circulaires ministérielles, des Premiers ministres ou des secrétaires généraux du gouvernement. Le décret de 1948, toujours en vigueur, prévoit que l’effectif d’un cabinet soit limité, en règle générale, à dix individus et à onze aux Finances et dans quelques autres ministères importants. Or, le nombre moyen des membres des cabinets a doublé depuis les débuts de la Ve République, et le nombre des membres officieux, jamais nommés au Journal officiel et non évoqués dans les documents budgétaires, peut représenter jusqu’à 25 % des cabinets d’aujourd’hui. Il faut également considérer la croissance constante des effectifs de l’IGF.
Tableau 5. Proportion d’inspecteurs des Finances (IF) employés dans les cabinets aux Finances et hors des Finances, 1809-2011, par rapport aux effectifs par promotions
Promotions IGF | IF au moins une fois en cabinet | Nombre total d’entrées à l’IGF | Proportion d’IF en cabinets ( %) | Cumul des passages en cabinets | Aux Finances | Hors des Finances | Aux Finances ( %) | Hors des Finances ( %) |
1809a-1819 | 2 | 61 | 3,3 | 3 | 3 | 0 | 100 | 0 |
1822b-1829 | 0 | 32 | ||||||
1830-1839 | 2 | 50 | 4,0 | 2 | 2 | 0 | 100 | 0 |
1840-1849 | 1 | 47 | 2,1 | 1 | 1 | 0 | 100 | 0 |
1850-1859 | 0 | 31 | ||||||
1860-1869 | 6 | 44 | 13,6 | 7 | 7 | 0 | 100 | 0 |
1870-1879 | 6 | 46 | 13,0 | 8 | 7 | 1 | 87,5 | 12,5 |
1880-1889 | 2 | 32 | 6,3 | 5 | 5 | 0 | 100 | 0 |
1890-1899 | 14 | 48 | 29,2 | 23 | 18 | 5 | 78,3 | 21,7 |
1900-1909 | 19 | 50 | 38,0 | 39 | 33 | 6 | 84,6 | 15,4 |
1910b-1919 | 19 | 53 | 35,8 | 37 | 23 | 14 | 62,2 | 37,8 |
1920-1929 | 45 | 86 | 52,3 | 157 | 88 | 69 | 56,1 | 43,9 |
1930-1939 | 55 | 77 | 71,4 | 220 | 92 | 128 | 41,8 | 58,2 |
1941-1948b | 47 | 72 | 65,3 | 154 | 63 | 91 | 40,9 | 59,1 |
1950-1959 | 72 | 92 | 78,3 | 222 | 85 | 137 | 38,3 | 61,7 |
1960-1969 | 46 | 62 | 74,2 | 126 | 45 | 81 | 35,7 | 64,3 |
1970-1979 | 33 | 53 | 62,3 | 78 | 34 | 44 | 43,6 | 56,4 |
1980-1989 | 43 | 81 | 53,1 | 114 | 45 | 69 | 39,5 | 60,5 |
1990-1999 | 37 | 77 | 48,1 | 83 | 30 | 53 | 36,1 | 63,9 |
2000-2005c | 17 | 46 | 37,0 | 37 | 13 | 24 | 35,1 | 64,9 |
Totaux et pourcentages globaux | 466 | 1 140 | 40,9 | 1 316 | 594 | 722 | 45,1 | 54,9 |
25Enfin, d’une manière générale, les (grands) corps investissent plus largement les cabinets depuis 1918. La proportion au sein du corps d’inspecteurs travaillant en cabinets à un instant T doit donc être mise en relation à la fois avec la population globale des cabinets, mais aussi avec la proportion, dans les autres corps, des membres de cabinets au même moment, données difficiles à réunir. En résumé, l’effectif des inspecteurs en cabinets augmenterait logiquement avec le nombre d’inspecteurs « à caser », mais aussi avec les effectifs, le nombre et la technicité des cabinets eux-mêmes.
26Au début du xxie siècle, les inspecteurs des Finances s’exportent toujours bien dans les cabinets ministériels et restent notamment encore très présents dans l’entourage des ministres de Bercy. Cependant, il apparaît que le cabinet d’un ministre n’est toujours pas un passage obligé pour réussir une carrière, y compris politique. Ce n’est pas non plus nécessairement un accélérateur, car il politise le curriculum vitae des inspecteurs concernés, ce qui peut saccader, selon l’alternance, le rythme d’une carrière. Enfin, le poids des inspecteurs auprès des ministres se mesure moins par le nombre des conseillers issus du corps que par leur influence réelle et donc notamment par leur rang hiérarchique. En outre, l’engagement individuel qu’implique un poste en cabinet relève aussi d’une motivation personnelle. L’approche quantitative peut situer une acmé, mais ne peut à elle seule définir un âge d’or.
Bibliographie
Carré de Malberg Nathalie, Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances 1918-1946, les hommes, le métier, les carrières, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011, 710 p.
Rouban Luc, « L’Inspection générale des Finances, 1958-2000. Quarante ans de pantouflage », n° 31 des Cahiers du Cevipof, juin 2002, 155 p. consultable en ligne :
http://www.cevipof.com/fr/les-publications/les-cahiers-du-cevipof.
Boussard Isabelle, Coutrot Aline, Rémond René et al., Quarante ans de cabinets ministériels de Léon Blum à Georges Pompidou, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982, 275 p.
Siwek-Pouydesseau Jeanne, « Les cabinets ministériels et leur évolution de la Troisième à la Cinquième République », Paris, thèse de 3e cycle, histoire, 1962, 309 p.
Lalumière Pierre, L’Inspection des Finances, Paris, Presses universitaires de France, 1959, VIII-228 p.
Sources
« Rapport sur la coordination du travail interministériel », rapport conjoint du Conseil d’État et de l’IGF, mai 2007, 24 p. + annexes.
Auteur
Docteur en histoire de l’université Paris IV-Sorbonne, (IDHE, CNRS-Paris I-Panthéon Sorbonne), chargé de la mission histoire à l’IGF (2008-2011)
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Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances, 1918-1946
Les hommes, le métier, les carrières
Nathalie Carré de Malberg
2011
Le choix de la CEE par la France
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