André Postel-Vinay (1911-2007)
p. 302-303
Texte intégral
1Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’histoire de la mise en valeur de l’empire, puis de l’aide française au développement est indissociable du nom d’André Postel-Vinay, entré à l’Inspection en 1938. Sa carrière épouse l’histoire de la Caisse centrale de la France libre, créée en décembre 1941, qui devient successivement la Caisse centrale de la France d’outre-mer (1944), puis la Caisse centrale de coopération économique (1960). Il en est le directeur général adjoint de 1942 à 1944 auprès de Pierre Denis, (non inspecteur), puis le directeur général jusqu’en 1972.
2Son engagement dans la Résistance auprès de de Gaulle constitue la clé de voûte de son orientation professionnelle. Dès octobre 1940, il fait partie d’un réseau de renseignements d’une organisation anglaise, puis effectue différentes missions en zone nord pendant sa tournée. Arrêté en décembre 1941, fait prisonnier, il tente de se suicider, simule la folie, s’évade et rallie de Gaulle à Londres en octobre 1942. Il rejoint la Caisse centrale de la France libre, qui assure alors l’émission monétaire et le rôle de Trésor public de la France libre : l’esprit résistant des fondateurs sera le socle commun de l’aventure ultramarine.
3Il bénéficie, après la guerre, du soutien de de Gaulle, de Mendès France, de Pleven et d’inspecteurs des Finances résistants, mais aussi des Français libres d’Afrique équatoriale pour ses nombreuses initiatives en faveur du développement de l’outre-mer. Ces appuis lui sont particulièrement utiles pour rédiger et faire voter la loi du 30 avril 1946, qui confie à la Caisse centrale de la France d’outre-mer d’importants pouvoirs en matière de financement de l’Union française, et celle de 1955, qui confère le privilège d’émission en Afrique à deux instituts d’émission publics. Ses fonctions dans les cabinets ministériels, dans les instances du Plan ont également contribué à asseoir son influence dans les milieux politiques.
4Il marque profondément l’orientation, la culture et la gestion de l’établissement public, qu’il dirige pendant près de trente ans. Inspecteur des Finances avant tout, il impose d’emblée le mariage d’une gestion rigoureuse à l’utilité économique et sociale des projets. Soucieux de la rentabilité de la banque de développement, il impose des règles en matière de sécurité et de trésorerie qui mettent l’établissement à l’abri d’investissements risqués, même s’ils ont été parfois inutiles et coûteux. À cela s’ajoute une vision intégrationniste dans le cadre de l’Union française : à côté des banquiers et des administrateurs de la FOM et des ingénieurs, il s’emploie à développer le recrutement de cadres originaires des territoires d’outre-mer à la Caisse centrale. Son implication totale dans la gestion quotidienne de la Caisse ne doit pas occulter un engagement humaniste plus vaste en faveur de l’aide au développement, qu’inlassablement il défend auprès des hommes politiques, de ses camarades de l’Inspection, par des notes denses, au style franc et direct, diffusées largement dans les sphères de décision publiques. Ses avis et rapports sur l’aide française, qu’il souhaite alors bilatérale et orientée sur l’Afrique, ses positions critiques sur l’organisation de la coopération française ou sur l’« aide liée » ont certainement rencontré beaucoup d’échos – du moins tant que de Gaulle était en place. Il n’hésite pas non plus à prendre des positions publiques courageuses. La guerre d’Algérie constitue alors un moment traumatisant pour plusieurs hauts fonctionnaires, qui sortent de leur réserve. Parmi eux, Postel-Vinay, dès mai 1958, se prononce en faveur de l’indépendance de l’Algérie. En novembre 1960, il remet, avec François Bloch-Lainé, une lettre au président de la République en faveur de l’autodétermination en Algérie. Il rejoint le club Jean-Moulin, né au lendemain du 13 mai 1958, club de réflexion sur la société et l’économie française qui reste actif pendant une dizaine d’années. Trésorier de l’Association d’aide aux victimes d’attentats (anti-OAS), créée en 1962, et l’un des fondateurs de l’Association France-Algérie, destinée à maintenir des relations amicales après l’indépendance, Postel-Vinay est l’une des figures emblématique du dévouement à l’intérêt général, ici tourné à la fois vers celui de la France et celui de l’Afrique.
5En fin de carrière, il renoue avec son intérêt pour les questions sociales du tiers-monde en effectuant un passage rapide comme directeur général de la Population et des Migrations au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Population (mars-juin 1974), puis comme secrétaire d’État aux Travailleurs immigrés auprès de Michel Durafour, ministre du Travail dans le gouvernement de Jacques Chirac (9 juin 1974-22 juillet 1974). N’ayant pas réussi à faire accepter le programme de logements sociaux au Premier ministre, il démissionne, marquant une fois encore son indépendance d’esprit et sa distance vis-à-vis de la politique.
Bibliographie
Sources
Entretiens d’André Postel-Vinay avec Agathe Georges-Picot, 1989, 23 h 30, Comité pour l’histoire économique et financière de la France/IGPDE.
Postel-Vinay André, Un fou s’évade, Paris, Éditions du Félin, 1997, 207 p.
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Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances 1801-2009
Ce livre est cité par
- Brault, Julien. (2013) 'The Whole French Interests': French Foreign Exchange Control from the 1920's to the 1970's. SSRN Electronic Journal. DOI: 10.2139/ssrn.2361478
- Sampaio, Guilherme. (2020) “This Is No Longer a Book, It Is a Political Event”. French Historical Studies, 43. DOI: 10.1215/00161071-8278486
Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances 1801-2009
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