Fiat lux : l’émergence des télécommunications par fibres optiques en France (1971-1981)
p. 225-248
Texte intégral
Introduction
1Cela fera bientôt quarante ans que les fibres optiques ne cessent de porter l’avenir rêvé des Télécommunications. Expérimentales et cantonnées aux laboratoires dans les années 1970, elles ont commencé par vitrifier les liaisons terrestres à grande distance et le plancher océanique dans les années 19801, avant d’aller sur les moyennes distances et jusqu’au répartiteur. Beaucoup voudraient qu’elles se lancent maintenant à la conquête redoutablement coûteuse d’un réseau de distribution toujours de cuivre. Portant le trafic Internet, qui a pu se développer ainsi grâce à elles, les dorsales (backbones) optiques sont des infrastructures critiques pour tous les États, et la fibre jusqu’aux trottoirs ou aux appartements représente une promesse de très hauts débits pour tous ceux qui rêvent d’une nouvelle économie numérique libérée des contraintes de « tuyaux ». Mais, depuis le début, les chemins du verre ne sont ni rectilignes ni déterminés d’avance : les incertitudes quant aux usages, plus tard l’ADSL, les technologies sans fil, les problèmes d’investissements et d’accès dans un contexte déréglementé sont autant de facteurs sociaux, techniques, économiques et finalement politiques qui ont pesé et pèsent encore sur la réalisation de ces promesses.
2Le présent article se propose de revenir sur les premières années de cette technologie en France. Absente du CNET avant 1971, elle donne lieu à une production industrielle française en 1981. Entre le laboratoire et l’usine, il s’agira de suivre la trajectoire de l’innovation sur cette décennie fondatrice, à travers l’étude de la stratégie des acteurs publics. Déterminants, mais non exclusifs, ces derniers apparaissent à travers deux institutions de la DGT sur les archives desquelles ce travail d’histoire est fondé : le Centre national d’études des télécommunications (CNET) et la direction des Affaires industrielles. La mémoire d’un certain nombre de protagonistes a parallèlement été sollicitée, directement2 ou indirectement3.
3L’ouvrage de référence sur l’histoire des fibres optiques montre bien que cette histoire n’est ni américaine, ni japonaise, mais mondiale. Pour la période qui nous intéresse, la France apparaît à deux reprises dans cet ouvrage, de manière très contrastée : la première fois, au milieu des années 1960, quand ni le milieu industriel, ni les pouvoirs publics ne voient l’intérêt des démonstrations pourtant brillantes d’un jeune chercheur de la CSF, Alain Werts, sur les possibilités théoriques de transmission par fibres optiques ; la seconde fois, en 1979, quand la DGT lance un projet d’équipement de 1 500 foyers dans la ville de Biarritz, pratiquement sans équivalent dans le monde4. Pourquoi ce renversement ? Comment la DGT s’est-elle approprié cette technologie ? En complément des travaux d’économie industrielle de Nadine Massard5, nous chercherons à comprendre, de l’intérieur, comment la DGT, riche, affairée au rattrapage téléphonique et en situation de monopole, se saisit de l’innovation, lui donne forme dans la société et tend à se reconstruire, déjà, à travers elle. Car dès la fin de la décennie 1970, l’avenir des communications par fibres optiques se projette dans le présent des organisations, l’un et l’autre se modelant réciproquement.
I. Au CNET, les fibres dans la forêt des guides
4Au début des années 1970, tandis que la commutation connaît sa révolution, avec l’émergence du temporel, les transmissions, en cours de numérisation, ne sont pas encore entrées dans un nouveau cycle technologique.
A. Les promesses du guide d’ondes hyperfréquences
5La technologie dominante est, depuis la Seconde Guerre mondiale, le câble coaxial. L’essor des faisceaux hertziens ne révolutionne pas des capacités qui, dans les deux cas, continuent d’augmenter, mais non sans poser problème : la multiplication des amplificateurs génère des parasitages du signal sur les coaxiaux, tandis que les faisceaux hertziens sont exposés à la nature finie de la ressource en fréquences radioélectriques et aux brouillages.
6Sur le plan de la recherche, les espoirs vont au dépassement radical de ces limites par le guide d’ondes, qui combine technologies du câble et des faisceaux hertziens. Associant à une structure circulaire creuse des ondes radioélectriques de très courtes longueurs – du centimètre au millimètre –, le guide d’ondes fait figure d’eldorado des transmissions. Des chercheurs du monde entier travaillent à son développement depuis plusieurs décennies. En France, la réalisation de référence est la liaison entre la tour hertzienne de Meudon et le centre d’amplification de Saint-Amand, mise en chantier en 1966, et inaugurée… cinq ans plus tard ! Les promesses sont formidables, mais les difficultés de production, d’installation, de maintenance et d’opération sont à leur mesure.
7Sur cette base, des études non plus seulement techniques, mais économiques sont réalisées, et le CNET décide d’orienter les efforts de recherche et développement dans un sens inattendu : « il s’agit de mettre au point un guide relativement simple et souple d’emploi, pouvant être rapidement introduit dans le réseau téléphonique », suggère courant 1973 Yves Herlent, chargé du département Équipement de Transmission et Laser au CNET à Lannion6. Les énormes capacités seront pour plus tard, qui requièrent la gestion d’énormes contraintes. Pour l’heure, il faut produire un guide qui, estimé concurrentiel à partir de 15 000 ou 20 000 voies, se contente de cette gamme de transmission (entre Paris et Lyon, un câble coaxial est inauguré en 1974 écoulant plus de 24 000 voies). Alors qu’AT&T aux États-Unis réalise des prouesses en matière d’affaiblissement (0,9 dB/km), de pose, inspirée de celle des pipelines, mais aussi de répéteurs (importants bâtiments, certes relativement espacés, mais fort consommateurs d’énergie), les Français s’engagent résolument dans la production d’un outil plus « rudimentaire », le but étant « d’adapter un type de guide à un réseau donné7 », en l’occurrence un réseau moins sollicité et moins étendu que l’américain. En 1974, une nouvelle liaison expérimentale est livrée entre Lannion et le Centre de télécommunications spatiales de Pleumeur-Bodou, suivant ces orientations. Le bilan est très positif du point de vue des commanditaires : « non seulement la faisabilité de ces équipements a été parfaitement démontrée, mais les performances espérées ont toutes été largement dépassées et l’ensemble du matériel montre un fonctionnement parfaitement sûr », concluent les ingénieurs du CNET Le Gall, Dupuis et Renan8. Aussi n’est-il plus déraisonnable d’envisager pour le milieu de la décennie suivante le passage à l’exploitation sur des liaisons plus longues et de très grande capacité, type Paris-Lyon, avec des débits qui devraient avoisiner les 150 000 voies. Entre-temps, les guides dans leur version plus rudimentaire seraient produits en plus grande quantité. Pour Le Gall, « il est important de souligner que dans toute la panoplie des systèmes de transmission actuels (câbles, faisceaux hertziens) ou en cours d’étude (fibres optiques), c’est le seul système sur lequel on puisse raisonnablement s’appuyer aujourd’hui pour trouver une solution aux besoins futurs de l’exploitation sur les grands axes9 », reliant des centraux de transit entièrement numériques.
8Aveuglement ou dynamiques insoupçonnées de la recherche et du développement ? Les fibres optiques, mentionnées par le chercheur, tout juste entrées dans les laboratoires du CNET en 1971, sont pourtant en train de balayer les espoirs sur le guide d’ondes, en quelques mois, et de le faire oublier en investissant le même horizon, en répondant mieux à cette même attente de transmissions numériques aux capacités révolutionnées.
B. Les télécommunications optiques et les fibres
9Dans les années 1960, les recherches sur un milieu propice à la transmission de la lumière sont motivées par les résultats obtenus en matière de lasers, à gaz puis à semi-conducteur, sources complexes, mais très prometteuses10. À l’instar des fontaines lumineuses qui ont illuminé les grandes expositions de la seconde moitié du xixe siècle, la démarche, très exploratoire à ce stade, consiste à trouver un guide qui conserve ses différents paramètres à la lumière injectée. Différents milieux sont testés à côté des transmissions atmosphériques, principalement des composés aqueux ou gazeux et le verre, par de petites équipes dans les grands centres de recherche du monde.
10Les fibres optiques sont alors déjà utilisées à des fins esthétiques ou médicales, en endoscopie. Elles sont en revanche inaptes à un usage dans les télécommunications, les impuretés qu’elles contiennent générant de trop fortes pertes dans la transmission du signal. Entre 1966 et 1970, une série de percées théoriques et expérimentales démontre qu’il est pourtant tout à fait envisageable de télécommuniquer à travers de tels dispositifs. Aux Standard Telecommunications Laboratories d’ITT, Charles Kao et George Hockman travaillent sur des blocs massifs de silice, et non encore sur des fibres, autrement plus difficiles à produire, et mesurent un affaiblissement de 200 dB/km – au bout d’un kilomètre de guidage, le signal reçu dans de telles conditions serait 200 milliards de milliards de fois plus faible que le signal émis, soit pas grand-chose, mais cinq fois mieux que dans les verres employés pour l’optique de précision. Surtout, la connaissance des mécanismes fondamentaux à l’œuvre, physiques et mathématiques, encourage le petit cercle des chercheurs travaillant sur ce domaine car elle fixe les limites inférieures de l’absorption à des niveaux encore plus faibles. Le tout est d’obtenir des matériaux extrêmement purs. Corning Glass Works, première entreprise américaine sur le marché du verre, bousculée par la concurrence japonaise et américaine, en fait bientôt la preuve de manière retentissante en produisant plusieurs centaines de mètres de fibres de silice à 20 dB/km (au bout d’un kilomètre, reste 1 % du signal). Dorénavant, les fibres représentent une solution potentielle pour les télécommunications optiques, Corning Glass se positionnant grâce à ses brevets au cœur des futurs développements11.
11Le laser est à ce moment-là une source très fragile : durée de vie, température et continuité de fonctionnement sont problématiques. On comprend l’enthousiasme lorsque, parallèlement aux avancées sur les fibres, les Bell Labs font état de l’obtention d’un laser à semi-conducteur fonctionnant à température ambiante et en régime continu12. À court terme, c’est la contrainte majeure du refroidissement, le plus souvent à l’azote liquide, qui est vouée à disparaître. Il se trouve en outre que le domaine d’émission du laser utilisé, à base d’arséniure de gallium, correspond à la première fenêtre de transmission de la silice utilisée dans les fibres13. Ces deux résultats et leur coïncidence fonctionnelle font figure de petit « miracle ». Imprévue des chercheurs mêmes travaillant sur l’un ou l’autre de ces deux terrains, cette coïncidence ouvre pratiquement la voie à un système de télécommunications optiques associant laser et fibres, à l’orée de la décennie 197014.
C. Le début des recherches sur les fibres optiques au CNET
12Réagissant rapidement à cette nouvelle donne, les chercheurs du CNET qui travaillaient sur les transducteurs électro-optiques, jusqu’alors surtout tournés vers la propagation hertzienne de la lumière, se lancent dès 1971 sur le terrain des fibres optiques, qu’ils n’avaient jusqu’alors pas exploré15. Michel Tréheux et Rémi Bouillie rejoignent le groupement TMA (Transmission, Système de Modulation et Acoustique) à Lannion, dirigé par Laurent Bourgeat, où ont d’ailleurs fleuri depuis le milieu des années 1960 nombre d’autres systèmes de conducteurs optiques16. L’essentiel du budget va aux recherches sur le guide d’ondes millimétriques, de loin alors le plus abouti et le plus prometteur, mais d’autres recherches sont en cours sur des guides d’ondes optiques constitués d’une ligne de lentilles solides ou gazeuses ou bien encore d’un tube tapissé de miroirs. Des tensions existent. Jean Le Mezec se souvient que « quand on a lancé des études de fibres optiques à Lannion, certains ont objecté qu’on n’avait pas besoin d’un système de plus dont on n’était pas sûr qu’il marcherait mieux17 ». D’une manière générale, l’attente de la DGT en matière de transmission portait sur la numérisation, le support important peu.
13Malgré tout, la nouvelle équipe se met progressivement en place dans le département Équipements de transmission et laser. Et le regroupement à Lannion de ces compétences, connaissances et expériences, en partie concurrentes, en partie complémentaires, se révèle bientôt bénéfique, pour les recherches non seulement sur les fibres mais sur des systèmes optiques intégrés. De manière très méthodique, l’équipe se donne pour premier objectif la caractérisation des fibres. La production efficace a, en effet, pour préalable une connaissance et une capacité d’évaluation des résultats obtenus par rapport aux résultats visés. Les matériaux nécessaires à la fabrication d’une part et les appareils capables de tester les fibres d’autre part sont étudiés à partir du dépouillement des revues et d’expériences qui, sur la base de maquettes, la première en 1973, donnent lieu à un « record de collaboration au CNET dans la mesure où quatre départements » prêtent leur concours18. Pour ce qui est de la fabrication, le CNET dispose du savoir-faire en matière de semi-conducteurs. Le principe est le même, des réactions chimiques à chaud générant une croissance de matériaux à la composition variable, par dépôts sur un substrat.
14Différents modes de production sont étudiés et les premiers mètres sont tirés vers 1974. Le procédé de Corning (Chemical Vapor Deposition) est bientôt maîtrisé – la firme américaine conservant une avance en termes de performances, qui tombe sous les 4 dB/km. Parallèlement, un autre procédé est étudié, ne risquant pas d’exposer une production française à des réclamations de Corning. Dit « plasmagène », car utilisant une torche plasma, il offre de beaux résultats sans toutefois donner pour l’instant de résultats compétitifs en matière d’atténuation. Autre avancée significative, le câble à structure cylindrique rainurée est plus directement opérationnel. Mise au point en 1975, cette solution de câblage très innovante permet de réduire l’encombrement et les effets d’atténuation par rapport à un câble à structure classique19.
15Dans ces premières années, la source continue de poser de sérieux problèmes. Au CNET, le laser n’est pas au point pour fonctionner en régime continu. Pour des raisons de coût et de durée de vie, on lui préfère alors la diode électroluminescente. Le rayonnement en est moins puissant et moins directif. La fibre associée doit s’en accommoder. Son diamètre est élargi. De monomode, elle devient multimode. Sujette à la dispersion, elle affaiblit plus fortement le signal – ce qui sera compensé en partie par la variation de l’indice de réfraction. Au final, en termes de débit, la fibre optique au CNET vers 1974-1975 n’est donc pas en mesure de concurrencer le guide d’ondes millimétriques, comme on pensait initialement qu’elle le ferait. Elle se présente plutôt comme une alternative à la paire de cuivre ou aux câbles coaxiaux les moins puissants20. L’intérêt n’est pas nul dans la mesure où la DGT consomme autour de 10 % des importations françaises de cuivre. Mais les chercheurs concernés sont surtout persuadés que le potentiel de développement des fibres n’est pas épuisé et il leur apparaît que la question n’est déjà plus de savoir si oui ou non les télécommunications par fibres optiques seront utilisées, mais quand21.
16De l’étranger, en effet, les nouvelles sont prometteuses. Tandis que le CNET procède à sa première liaison expérimentale, en conduite, en 197622, AT&T procède à une expérience d’une tout autre ampleur, à Atlanta, sur une liaison de 7 km (simulés, c’est-à-dire en boucle). Une mission au Japon a déjà révélé l’ampleur des projets en cours dans ce pays23.
17Cinq ans après les débuts de leurs travaux, les chercheurs du CNET ont l’impression que les moyens mis à leur disposition sont insuffisants, et qu’il faut se poser plus fermement la question de l’industrialisation pour résoudre les points de blocage techniques et rester dans la compétition mondiale. Le risque à ce stade est de s’enfermer dans un cercle vicieux : absence de marché, absence de production industrielle, absence de moyens d’évaluation par les prix, indécision technique. « Les points fondamentaux restent le câble y compris les connexions et le composant laser, et nous n’atteindrons l’étape industrielle que le jour des premières poses dans les conditions réelles d’exploitation », concluent-ils24. L’innovation doit sortir des laboratoires, non pas pour répondre à un besoin, mais pour s’assurer un avenir.
II. Une fibre industrielle. La concurrence : dogme et ajustements
18Très rapidement, les chercheurs du CNET travaillent avec les entreprises françaises à la pré-industrialisation des fibres. Comme pour l’ensemble du dispositif industriel français des télécommunications, le changement de direction à la DGT en 1974 marque une inflexion stratégique profonde, sensible au moment de passer les premières commandes importantes.
A. Corning et la CGE : l’ombre d’un monopole
19Dans l’industrie, les travaux significatifs sur les fibres optiques débutent aux Laboratoires de Marcoussis en 1971-197225. Très rapidement, le puissant groupe français auquel ces laboratoires appartiennent, la Compagnie générale d’électricité, envisage d’accélérer son engagement dans la nouvelle technologie en contractant avec une firme étrangère. Entre les Bell Labs et Corning, la seconde est privilégiée. Le CNET en est informé : « Il semble que la CIT [du groupe CGE] soit favorable à l’achat de la licence Corning Glass. Les experts du CNET proposent de passer un contrat (avec fourniture de fibres) pour préparer l’avenir26 ».
20L’accord signé en janvier 1974 permet à l’entreprise française de jouir d’un savoir-faire, d’informations et surtout d’une exclusivité sur les licences relatives aux fibres optiques de très haute qualité. Il est doublé d’un accord entre la CIT et le CNET « garantissant au CNET la fourniture et le libre usage des fibres optiques et des informations techniques27 ». Dans le domaine émergent des fibres optiques, le CNET et la CGE ont partie liée.
21Cette même année, un autre industriel investit toutefois le créneau, avec le soutien actif du CNET qui lui confie d’importants marchés d’étude : l’entreprise Quartz et Silice, du groupe Saint-Gobain Pont-à-Mousson. Chargée en particulier de développer le procédé plasmagène du CNET, duquel on espère beaucoup, mais qui n’est pas encore opérationnel, elle s’allie quelques mois plus tard avec la Nippon Sheet Glass. Il en résulte que Quartz et Silice est en mesure de fournir des fibres, mais de verre (type Selfoc) et d’atténuation assez médiocre (10 dB/km).
22La CGE est ainsi en situation de monopole sur les produits les plus performants. À mesure que la recherche et les expérimentations accréditent l’idée que les fibres optiques seront vraisemblablement la base infrastructurelle des réseaux de l’avenir, cette situation achoppe avec la nouvelle politique suivie par la DGT, visant à mettre en concurrence les fournisseurs et développer les exportations.
23L’équipe qui prend la direction des Télécommunications à la suite de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing n’entend pas seulement donner le téléphone à tous les Français, elle souhaite aussi rompre avec ce qu’elle estime être l’une des causes du retard d’équipement du pays : une politique industrielle d’arsenal, favorisant au bout du compte surtout un industriel, la CGE. Jusqu’alors au cœur du système, le CNET est déclassé par la réforme administrative d’octobre 1974. Il est mis sous la tutelle d’une nouvelle direction des Affaires industrielles, dirigée par un ingénieur du corps des Mines, Jean-Pierre Souviron. Ce dernier ne rencontrera les équipes de direction du CNET que deux ans après sa nomination, ce qui en dit long sur leurs relations. La réunion est épique. Un membre de la direction du CNET ne fait pas de détour, au sujet de la DAI et du sentiment d’exclusion qu’elle a généré : « Il y a un oiseau qui a exactement ce comportement et qui s’appelle le coucou. Il ne sait pas faire de nid, mais quand un nid est fait, il s’installe dedans dans un premier temps ; dans le second temps, il éjecte l’oiseau qui s’y trouve28 ».
24Témoin aussi des tensions, cet échange :
« CNET – Quand est-ce que les membres de la direction du CNET et les chefs de groupement du CNET seront considérés par le DAII comme des collaborateurs du DAII ?
Souviron – Ma réponse est simple : quand ils se considéreront eux comme des collaborateurs.
CNET – (…) Si nous devons nous considérer comme DAII, alors qu’on nous fasse confiance.
Souviron – Qu’on vous fasse confiance ? Mais non. Je ne demande pas à Monsieur Théry de me faire confiance sur les affaires industrielles, et de me laisser en paix sur les affaires industrielles : je ne lui demande pas ça du tout. »
B. Les premières consultations industrielles et l’arrivée de Thomson
25C’est avec cet état d’esprit et dans ce climat que la DAI, devenue DAII (le second I venant pour « internationales »), est investie en 1977 de la mission de suivre et d’accélérer le développement industriel des fibres optiques en France. Après avoir visité le centre de recherche d’ITT en Angleterre et avoir vu la première liaison européenne en fibres optiques prête à être posée29, Jean-Pierre Souviron confie à Maurice Bernard le soin de coordonner les travaux d’un groupe de travail « Télécommunications par fibres optiques », organisé par la DAII avec des chercheurs du CNET et des exploitants de la direction des Télécommunications du réseau national et de la direction des Télécommunications de Paris (DTP). Cette structure de concertation interne semble être une première.
26Ses travaux sont placés sous le signe de l’urgence par Maurice Bernard, exposant d’emblée que « la DAII a le sentiment qu’en France on est en train de prendre du retard par rapport aux États-Unis, au Japon, à la Grande-Bretagne, à l’Allemagne » et que l’industrie « ne donne pas l’impression de faire les efforts souhaitables30 ». Devant un courrier d’un chercheur du CNET qui s’inquiète des délais de la consultation, il précise : « Le travail aurait dû être commencé il y a 18 mois… je l’avais dit31 ».
27La normalisation internationale est déjà engagée. Il est donc grand temps de « convaincre les constructeurs que l’administration s’intéresse beaucoup aux systèmes sur fibres optiques et a l’intention d’aller vite ; obliger les constructeurs français à se mobiliser pour acquérir les compétences nécessaires32 ».
28Les exploitants, de leur côté, tiennent à marquer quelques réserves : « pour les exploitants, le but de cette consultation est bien de résoudre rapidement les problèmes techniques posés par les systèmes sur fibres optiques et surtout pas de faire une liaison de prestige33 ». La DTRN jouit des investissements du plan de rattrapage téléphonique et ne voit pas de besoins spécifiques avant le milieu de la prochaine décennie. La DTP aura, elle, des besoins plus tôt.
29Paris, 34 Mbits/s, 7 km, 1981 : le pari, et la consultation, sont lancés. Mais comment contourner Corning ? On pense à produire la fibre au CNET, et on espère que d’ici-là, les transferts vers l’industrie française permettront une relative indépendance34. Ces préoccupations augurent assez largement des résultats.
30Le dépouillement des réponses doit se faire dans le secret. À plusieurs reprises, les comptes rendus de réunion font apparaître des inquiétudes à ce sujet :
« Maurice Bernard attire l’attention du groupe sur le caractère confidentiel du dépouillement ; il ne devra pas y avoir de fuites. Si néanmoins il s’en produisait, Maurice Bernard demanderait à Jean-Pierre Souviron qu’une enquête soit faite et des sanctions prises35 ».
31Presque une vingtaine d’offres sont reçues. La CGE est en bonne position, grâce notamment au regroupement, en janvier 1978, de ses activités de production et de câblage de fibres dans une filiale dédiée, la Compagnie lyonnaise de transmissions optiques36, qui bénéficie d’accords avec Corning pour l’exclusivité de commercialisation des fibres et la priorité d’accès aux licences. La CLTO peut s’appuyer sur la CIT pour les équipements d’extrémités. Quartz et Silice propose ses fibres Selfoc. Deux chercheurs du CNET, Camus et Passeret, estiment que cette technologie conduit Quartz et Silice dans une « impasse37 ». Ils recommandent à cette occasion à la DAII de motiver la création d’une Société Préformes, spécialisée dans la réalisation de préformes pour fibres optiques, dans laquelle Quartz et Silice serait partie prenante. Elle se baserait sur le procédé de production issu des recherches du CNET et aboutirait à de meilleures performances. Dans ce schéma, les préformes seraient vendues aux différents câbleurs qui se chargeraient de tirer les fibres. Ayant déjà contacté une filiale de la Société générale pour étudier le montage financier, qui associerait une filiale de la DGT, la société France-Câbles et Radio, ces chercheurs se voient répondre : « Mais pas de panique ! Dans une consultation les industriels doivent se sentir libres et faire les propositions qu’ils souhaitent ; il ne faut donc en aucune façon les influencer38 ».
32Finalement, c’est LTT qui obtient le marché. Filiale de Thomson depuis son retour récent, et au forceps, dans les télécommunications civiles, LTT a acquis un savoir-faire en matière de procédé CVD avec l’appui du CNET, duquel elle a aussi reçu l’innovation du câble à structure cylindrique rainurée, opportunément transférée à l’occasion d’un marché d’études en avril 1977. Elle a aussi pour elle l’expertise de Thomson en matière de composants. Résultat : la CGE n’est pas mise en position dominante sur le marché naissant des télécommunications optiques. À l’occasion du dix-millionième raccordement au téléphone, le président de la République se satisfaisait lui-même de ce que « l’appareil industriel restructuré et mis en meilleure situation de concurrence depuis 1976, permet de disposer de matériels compétitifs aussi bien pour la conquête des marchés extérieurs que pour nos besoins domestiques39 ». En réaction, la CLTO licencie la moitié de son personnel, et adopte du point de vue de l’administration « une politique de “coin du bois” […] en abandonnant tout effort d’innovation40 ».
C. Technologies critiques et mécano industriel : vers une politique très volontariste
33Si, dans la foulée de la première consultation, une seconde est lancée pour le déport d’un faisceau hertzien numérique, suivant des caractéristiques assez proches de celles de la liaison parisienne (dont le parcours a été fixé entre les centraux Tuileries et Philippe-Auguste), la place des télécommunications par fibres optiques dans l’activité et l’agenda de la DAII en matière de conduite de la recherche et développement reste jusqu’alors marginale. Le rapport d’activités de la DAII pour l’année 1978 ne leur consacre qu’une place modeste, parmi les technologies du futur, aux côtés de la numérisation des faisceaux hertziens et des transmissions spatiales41. Au début de cette année, le rapport Nora-Minc n’en avait pas dit davantage car pour lui l’essentiel était le satellite42.
34Un basculement s’opère fin 1978. En novembre, un essai de prospective remis par le CNET voit les fibres optiques comme une technologie essentielle pour le réseau du futur43. Les prises de brevets se multiplient44, et les échos des laboratoires sont excellents. Une nouvelle fenêtre de transmission s’ouvre, promettant une atténuation divisée par dix, autour de 0,5 dB/km, ce qui permettrait d’augmenter les débits et le pas de régénération du signal45. Directeur du CNET récemment passé à la DAII, Émile Julier a beau estimer que le guide d’ondes n’est pas suffisamment mis en valeur – « il devrait pourtant offrir de très grosses capacités au prix des capacités plus faibles46 » –, le conseil interministériel restreint de décembre 1978 retient trois technologies pour porter le nouveau projet, télématique, de la DGT : la commutation électronique temporelle par paquets, de type Transpac, le satellite Télécom 1, les réseaux de fibres optiques. Déjà en train de s’éteindre à petit feu, le guide d’ondes voit son destin scellé47.
35Une cellule « Télécommunications optiques, liaisons sous-marines, mesure » est confiée à Antoine Kwong-Cheong au sein du nouveau Service des études et développements externes de la DAII, en charge des marchés d’études. Classées au rang des technologies critiques, les fibres optiques font désormais l’objet d’un suivi particulièrement attentif de la part de la DAII. L’orientation stratégique concorde avec celle en vigueur sur les autres dossiers :
« Étant donné l’importance que vont revêtir les systèmes sur fibres dans les prochaines années, il est indispensable d’éviter tout monopole et de stimuler les industriels par la concurrence. Ainsi chaque fois qu’une étude ou un développement présente une importance stratégique, il est lancé en double chez deux industriels concurrents48 ».
36Même si le secteur des télécommunications optiques ne représente que 400 emplois dans l’industrie en France à cette époque, une délégation aux communications optiques est mise en place en mars 1980, sur les recommandations et sous la direction de Robert Veilex, qui dirigeait jusqu’alors la mission de la Prospective et du Plan où il avait notamment travaillé à la réorganisation du CNET49. La direction de ce dernier, confiée à Maurice Bernard, fait bientôt le constat que :
« On assiste en télécommunications optiques à un phénomène qui se renouvelle chaque fois que l’on est en présence d’une technique qui réussit : l’activité qui était initialement l’apanage d’une (ou de) cellule(s) bien définie(s) s’étend progressivement à tout le CNET50 ».
37Installée au central Voltaire à Paris, la DCO a pour ambition dans cette configuration d’assurer la coordination des différents centres de décision non seulement du CNET, mais de la DGT, concernés par l’émergence des télécommunications optiques, qu’elle doit guider et même plus, accélérer dans une démarche que les observateurs militaires qualifient de « très volontariste51 ».
38La donne industrielle n’a guère changé. LTT a certes le pied à l’étrier. Mais la CGE bénéficie toujours d’un monopole virtuel sur les meilleures fibres, dans la mesure notamment où le procédé plasmagène confié à Quartz et Silice n’est toujours pas opérationnel. C’est pourtant sur cette entreprise que la DCO décide de miser pour ce qui est de la production de fibres. Indépendante de tout câblier, elle pourra travailler pour tous. C’est la seule dont « la raison de vivre et de survivre est de vendre le plus de kilomètres de fibres possible52 ». La stratégie que préconise Robert Veilex est de ne pas prendre le risque d’attendre que le procédé plasmagène soit compétitif, et d’associer rapidement dans une filiale commune Quartz et Silice avec Corning, qui contrôle alors près de 80 % du marché mondial. Cela implique un renoncement de la CGE à ses accords d’exclusivité. Son refus bloque une première fois le processus, en dépit de l’accord de Corning53. S’ensuit un terrible bras de fer.
39La DCO n’entend ni renoncer au dogme de la concurrence en créant un acteur monopolistique, ni laisser totale liberté aux acteurs : « Le laisser-faire conduit à trois pôles au minimum, ce qui n’est pas acceptable pour la compétitivité et donc pour les possibilités d’exportation54 ». Pendant un an, elle cherche la combinaison, pour ne pas dire le mécano, qui permettrait à deux pôles concurrents d’exister. Après avoir exploré plusieurs pistes, dont des alliances avec Philips ou AT&T, la DCO privilégie la constitution de deux pôles, l’un autour de LTT-Thomson, l’autre autour de Quartz et Silice alliée à Corning. Les différents protagonistes ne sont pas tenus au courant de l’intégralité de ces projets. Le secret qui valait pour la consultation vaut aussi pour les plans d’industrialisation. Ces plans sont d’ailleurs dessinés à vue.
40La forte instabilité technico-économique du domaine, qui conduit à une obsolescence rapide des dispositifs – phénomène assez neuf dans le monde des télécommunications par rapport à l’informatique55 –, incite en effet à des ajustements permanents. Renoncer à un duopole pour créer un pôle unique rassemblant LTT et Quartz et Silice autour de Corning : ce qui était perçu comme intolérable, voire contre-nature, en février 1980 par Robert Veilex, est jugé sage en juin. Compte tenu des perspectives de consommation de fibres et de la tendance des prix, « ce n’est que plus tard qu’un second pôle pourra être créé56 ». Seulement voilà, Guy Brana, à la tête de LTT-Thomson, est tout prêt à faire cavalier seul, profitant du blocage du projet autour de Quartz et Silice du fait de la CGE.
41L’administration dispose d’une arme dans ces négociations : les commandes, dont elle garantit qu’elles seront importantes dans les prochaines années, notamment autour du projet Biarritz Fibres Optiques, conçu en septembre 1979 certes comme un outil d’expérimentation technique et sociale, mais aussi, peut-être surtout, de promotion des industriels français et de pression sur eux. Le coup réussit et LTT accepte fin 1980 d’entrer dans le nouvel ensemble, en position minoritaire, pour pouvoir participer au projet Biarritz57. En contrepartie de son accord, elle obtient gain de cause sur deux de ses revendications : l’installation à Conflans-Sainte-Honorine d’une usine de production de fibres, pour y résorber localement des problèmes de sureffectifs, et le renoncement de Quartz et Silice à toute activité de câblage. Arguant de ce que l’intervention de l’État a brisé une dynamique concurrentielle qui lui profitait, LTT demande en outre une intervention publique plus nette encore pour fixer par avance les parts de marché. Une holding est créée, la Compagnie financière pour les fibres optiques.
42Ne reste plus qu’à convaincre la CGE. Cette dernière n’est pas ostracisée. Les rapports sont tendus, mais les liens avec les chercheurs du CNET restent solides, et le groupe bénéficie de marchés d’étude qui l’orientent vers les technologies monomodes, particulièrement indiquées pour les liaisons sous-marines. Au plus haut niveau, la DGT est consciente de l’enjeu : « Il est indispensable que nous soyons les premiers dans ce domaine des câbles sous-marins à fibres optiques et tout doit être mobilisé dans ce but », résume en mars 1980 le directeur de cabinet de Gérard Théry58. Alliée désormais par de multiples contrats avec Corning, la CGE renonce à certains accords, mais pour mieux en garder d’autres, jouant au final la montre face aux recompositions en cours. Interrogé à ce sujet, Gérard Théry ne cache pas sa colère : « Je suis contre l’exclusivité. L’accord CGE-Corning est inacceptable pour l’administration française. Nous sommes contre le monopole de fournitures et pour la concurrence59 ». La CGE propose au final de lever ses options d’exclusivité si et seulement si l’association de Quartz et Silice et Corning n’a pas lieu, de façon à ce qu’elle puisse, elle, créer cette joint-venture60…
43Mais les pouvoirs publics ne cèdent pas et un projet de joint-venture entre la holding créée par Quartz et Silice et LTT d’une part (60 %) et Corning d’autre part (40 %) est établi en février 1981. La DGT s’engage à donner pour cinq ans la priorité de commande à cette nouvelle entreprise, baptisée Fibre Optique Industrie (FOI)61. Tout système livré avec des fibres d’une autre origine serait refusé, excepté pour les systèmes sous-marins. Dans la foulée, sans que nous connaissions exactement les origines de ce changement, les dirigeants de la CGE renoncent formellement aux accords d’exclusivité avec Corning. Le 20 mai 1981, la DCO organise une réunion rassemblant tous les protagonistes français, y compris la CGE, pour fixer un cadre au règlement d’éventuels contentieux. Elle débouche sur un ensemble de dispositions contractuelles – dédommagement des parties lésées, sanctions et redistributions du capital de l’entreprise entre actionnaires fondateurs ou entrants62. Il est notamment prévu que la CGE puisse entrer au capital de FOI et créer un second pôle dans des conditions favorables. Rien ne lui interdit en outre d’attaquer les marchés à l’export. Un protocole final est enfin adopté en novembre 1981, après presque trois ans de tractations, la CGE acceptant de céder à FOI la licence directe, l’assistance technique et le savoir-faire de Corning qu’elle détenait encore en partie63. Au sein de FOI, chaque partenaire garde une large autonomie en termes de recherche et de production. L’entreprise ne repose pas sur « une capitalisation des brevets mais sur des accords de licences des trois sociétés constitutives64 ». Selon Nadine Massard, cette solution, plus financière que technique, gâche les compétences de LTT qui ne peut valoriser ses acquis, et empêche les entreprises françaises de tirer parti au plan technologique de l’intégration entre fibrage et câblage65. Incontestable, cette analyse doit toutefois être nuancée : LTT ne renonce pas à une R&D propre, et FOI peut se tourner vers la production de préformes, ce qui déboucherait vers un retour du fibrage chez les câbliers.
44Installé en grande partie sous un gouvernement de droite, par une DAII prônant la mise en concurrence, l’arsenal français est intronisé par le nouveau gouvernement socialiste, à l’occasion de l’inauguration du centre FOI de Conflans, en présence du ministre des PTT, Louis Mexandeau, et du ministre du Plan et de l’Aménagement, Michel Rocard, par ailleurs maire de la ville66.
III. Lumière sur les ambitions de la DGT
45Le traitement des télécommunications par fibres optiques fait la lumière sur les ambitions de la DGT en même temps qu’il interroge son statut.
A. L’optoélectronique au cœur d’une nouvelle culture de projets
46Autour de la notion de technologies critiques, une nouvelle culture de projet prend forme, qui cherche à réduire les délais de développement dans un environnement jugé de plus en plus concurrentiel. Impulser une dynamique très ambitieuse de développements technologiques rapides en privilégiant les circuits courts de décision et les processus transversaux de définition des priorités au détriment du mode traditionnel, pyramidal, d’organisation nécessite un exercice certain, pour un corps peu préparé à tant de souplesse. Via les différentes réunions organisées par la DAII, on cherche à faire se croiser les données technologiques, industrielles et commerciales entre chercheurs du CNET et DGT. Mais, à l’expérience, les premiers ont le sentiment qu’on leur cache ce qu’il est prévu de faire de leurs recherches, tandis que le directeur de cabinet du directeur de la DAII, Jean Syrota, regrette de son côté que :
« La locomotive a été la Direction générale […]. Le CNET a focalisé son activité sur les réunions technologies critiques du CNET et a opposé une inertie évidente aux réflexions de la DAII. […] Si on continue selon les mêmes méthodes cette année on va tourner en rond67 ».
47Parmi les technologies critiques figure l’optoélectronique, ensemble des technologies utilisant la lumière visible, ultraviolet ou infrarouge, afin de traiter ou de transmettre les signaux des télécommunications ou de la télématique68. La stratégie préconisée pour les fibres est d’« installer des kilomètres, avec des extrémités pas trop coûteuses ; chercher un créneau à l’exportation69 ». Le point finalement le plus sensible n’est pas là, mais dans les composants.
« Le retard est immense, il semble encore plus important que celui que la France avait en microélectronique au début des années 1970. De même qu’il y a dix ans on ne voyait pas (on ne pouvait pas voir) les marchés des circuits intégrés des années 1980, de même aujourd’hui on ne peut pas voir les marchés de l’optoélectronique des années 1990. C’est qu’aujourd’hui comme hier on se borne à extrapoler le présent », résument Maurice Bernard et Robert Veilex70.
48Il faudrait en la matière « chercher la synergie des marchés, viser la fiabilité, ne pas vouloir couvrir toute la gamme des produits à faible marché71 ». Et de regretter l’apathie de la R&D des industriels, protégés du risque par les marchés d’étude publics, mais au prix d’un effet « anesthésiant » : ce système « au mieux, permet de penser à long terme à la place des industriels, alors qu’il faut les aider à penser par eux-mêmes à long terme72 ».
49Les recherches dans les télécommunications optiques sont prises en exemple pour montrer le rôle majeur qui doit être conservé au CNET. De 1973 à 1980, ses chercheurs ont déposé une cinquantaine de brevets, dont presque les deux tiers sur les préformes et les fibres73. En 1981, le centre de Bagneux parvient à un résultat brillant au plan mondial en matière de composants, avec la réalisation d’un laser à 1,55 µm fonctionnant en continu et à température ambiante74. Au total, la DGT souhaite prendre la tête des organes de l’État consommateurs de fibres, notamment les militaires qui à travers la DGA mènent depuis 1972 des études sur cette technologie, s’y intéressant dans le cadre du projet RITA et par rapport à l’éventualité d’une attaque nucléaire75. Mais la DGT estime ne pas pouvoir avoir le même rôle de coordination pour les composants optoélectroniques car elle n’en est pas la principale consommatrice.
50Ce fort tropisme vers le marché – industrie, services – ne va pas sans remettre en cause certaines habitudes ou conceptions. Face au projet enthousiasmant de Biarritz, un chercheur relève que :
« Il ne faut pas pour autant oublier que l’opération ville câblée bouleverse le cours logique des choses. C’est le type même d’opération dans lequel l’événement précède la recherche au lieu d’en découler. Cette situation n’est pas sans danger. Si la recherche devait en permanence subir la pression de l’événement, il est à craindre que la recherche à long terme ne cède le pas à la recherche à court terme si ce n’est aux études de développement76 ».
51La DCO est le résultat organisationnel de cette nouvelle culture de projet. Transversale, elle a pour principale mission de mener à bien les projets d’expérimentation, à commencer par le projet Biarritz. Au quotidien, c’est à Michel Dupire que revient de coordonner un groupe de représentants de la DAII, de la Direction commerciale, de la Direction de la production, du CNET, de la Direction de zone territoriale de Bordeaux, et de TDF. Ambitieux et complexe, le projet vise à pallier la zone d’ombre hertzienne en télé-distribuant des canaux de radio et de télévision, et à tester de nouveaux services interactifs, non seulement auprès des professionnels mais aussi directement auprès du grand public, à une échelle alors inconnue dans le monde. En partant du constat que les besoins strictement professionnels « commencent à apparaître timidement », la DCO souhaite sauter une étape et multiplier de tels projets de manière à tirer au plus vite la production de fibres et l’économie des services : « Il paraît donc nécessaire de se tourner, dès maintenant, vers les besoins du grand public en réalisant des expériences pilotes de Réseaux optiques à intégration de services (villes câblées)77 ».
B. Quels services et quel statut pour le « coup d’après » ?
52Selon Jean-Pierre Souviron, en pilotant l’innovation la DAII a pour rôle de préparer « le coup d’après », tandis qu’au CNET revient d’explorer « le coup d’après après78 ». Que faire du réseau moderne qui est en train d’être construit, comment maintenir la charge de travail des industriels qui risquent sinon de licencier, dans un contexte économique déjà difficile ? L’horizon est fixé dès le début des années 1970 : le réseau numérisé portera aussi bien de la voix (service téléphonique), que des données (services téléinformatiques) ou des images (services de vidéodistribution ou de visiophonie)79. L’ensemble prend un nom, la télématique, avec la remise du rapport de Simon Nora et Alain Minc en janvier 1978.
53Confié à la DAII, qui en assure le pilotage, le projet télématique est lancé fin 1978, et débouche sur le Minitel. La télématique telle qu’elle est conçue n’a pas vraiment besoin des capacités des fibres optiques. La DCO, où travaillent 18 personnes en 1981, et qui bénéficie d’un demi-milliard de francs d’autorisations de programme, voit en fait au-delà : elle recommande au directeur général des Télécommunications de viser la « télématique à large bande », aussi appelée « vidéomatique80 », dont l’avènement serait possible à l’horizon 1987, moyennant des investissements par abonné triples à la normale81… Et encore faut-il, d’ici là, amorcer la pompe industrielle, lancer les séries, en équipant quelques métropoles de réseaux câblés. Or, justifier et amortir ces réseaux optiques ne peut passer que par la fourniture de services d’images aux utilisateurs, ce qui pose aussitôt un problème dans le contexte institutionnel français. Deux monopoles coexistent en effet, l’un pour les télécommunications, celui de la DGT, l’autre pour l’acheminement et la fourniture de services de radiotélédiffusion, confié à TDF depuis l’éclatement de l’ORTF.
54Tout comme le satellite, qui reçoit des budgets et une attention politique bien supérieure, les fibres optiques rendent moins fondée à terme la distinction entre réseaux de télécommunications et réseaux de télédiffusion. Les uns et les autres peuvent et pourront toujours plus allier les critères qui les distinguaient : interactivité, liaisons bidirectionnelles et haut débit. Les frontières opérationnelles se brouillent, et les relations se tendent à mesure que la DGT voit son avenir dans les services d’images. Cette guerre larvée est dénoncée comme un gâchis pour le pays par nombre d’observateurs. En juillet 1978, un Conseil des ministres arbitre en faveur d’un rattachement de TDF au ministère des PTT. En principe du moins. Il faut attendre une nouvelle réunion interministérielle pour que, 18 mois plus tard, ce rattachement ait effectivement lieu82. La DGT a-t-elle dès lors les coudées franches, comme l’espérait Maurice du Mesnil, pour développer des réseaux câblés et « étudier vraiment les matériels ainsi que les réactions psychologiques et l’acceptation de produits comme le visiophone et le vidéotex83 » ? Pas totalement, car à Biarritz notamment, TDF exige et obtient d’effectuer la réalisation, l’exploitation et le contrôle de la station de tête du réseau injectant les programmes de radiotélévision. Face à cela, la direction commerciale de la DGT affirme sa position : « la position constante de la DGT, à savoir en posséder la maîtrise complète84 ».
55Le fond du problème est juridico-politique. Le gouvernement, à travers la prise de position du Service juridique et technique de l’information (SJTI), soutient TDF dans ses revendications de manière à « permettre à l’État d’assurer un contrôle sur le contenu de tout ou partie des nouveaux services ». Du point de vue du SJTI, les vidéotransmissions relèvent de la « conversation de masse » d’un « programme » et non d’une « correspondance » privée, de sorte qu’elles n’ont rien à voir avec le service public des télécommunications, dans le contenu duquel aucune immixtion de l’État ne saurait être autorisée85. Le risque pour la DGT est dès lors de voir les réseaux multiservices tomber sous le coup du décret sur les réseaux communautaires, et relever du monopole du diffuseur de programmes. La DGT perdrait alors le contrôle de son réseau de distribution à mesure qu’il se « fibroptiserait ».
56Les discussions sont à peine entamées sur cet épineux problème que les élections présidentielles de mai 1981 changent la donne, François Mitterrand ayant proposé la libération de l’audiovisuel.
57Les télécommunications optiques alliées à la numérisation du réseau commuté rendent possibles et nécessitent, d’une certaine manière, l’explosion des services, qui fait bouger les lignes. Ces services doivent-ils être universels, proposés à tous les usagers dans les mêmes conditions, comme l’est le téléphone ? Si la réponse est non, qui doit fournir ces services et comment ? La DGT peut-elle légitimement continuer à jouir d’un monopole ? Pour Gérard Théry, le risque serait la multiplication des réseaux privés, « conçus généralement par des constructeurs d’ordinateurs » : « ce serait une véritable dictature de fait exercée par les sociétés multinationales sur leurs systèmes d’information et de communication86 ». Pour lui, la solution est dans le monopole public de transport, en vertu de la théorie du monopole naturel, mais dans la concurrence pour l’offre de services sur le réseau. Autre interrogation, soulevée par les représentants des usagers des télécommunications : la promotion des services proposés par la DGT sera-t-elle longtemps compatible avec les fonctions réglementaires de cette même DGT87 ?
C. Du verre, pour une administration plus transparente…
58La DGT est le premier investisseur public dans la décennie 1970. Gérard Théry est parfois présenté comme « l’homme le plus puissant de France », son administration pâtissant avec lui d’une image assez autoritaire. À la suite de la presse, qui se sent menacée par le projet télématique, l’opinion s’inquiète de la manière dont sont prises des décisions qui engagent durablement l’avenir du pays, tendent à modifier certains équilibres et par certains côtés peuvent concerner les libertés des citoyens.
59Bien consciente des enjeux d’image et de l’obligation d’une plus grande pédagogie pour faire avancer ses projets, la DGT ne tarde pas à se servir de la fibre comme d’un outil de communication. Quelle plus belle illustration de la « transparence » des choix technologiques, et finalement sociaux, de l’administration publique ? Des fragments de fibres sont inclus dans le dossier de presse remis aux journalistes lors de l’inauguration de la liaison optique entre les centraux Tuileries et Philippe-Auguste en août 198088. Gérard Théry en présente lui aussi un fragment sur le plateau de TF1 en décembre 198089.
60Tout cela prend place dans un effort de communication nouveau. Vient en effet d’être créé un service de communication et de publicité au sein de la DACT. Et le projet de Biarritz se dote d’un plan de communication officiel. Il est intéressant d’en relever les recommandations, au vrai assez contradictoires. La discrétion et la modestie sont de mise, sachant « le manque d’information qu’il est possible de dispenser aujourd’hui », reconnaît-on, notamment sur la nature des services qui seront proposés ; mais pour autant, il faut nier le caractère expérimental, volontariste et « futuriste », pour insister sur « l’inéluctabilité de cette évolution technologique sans la présenter comme une révolution », ce « réseau ou unité pilote » préparant à répondre « aux besoins modernes de communication90 ! » Autre posture contradictoire : il faut « démystifier, familiariser », « jouer l’absence physique : éviter d’apparaître tant pour la DGT que pour ses représentants », tout en revendiquant le caractère « technocratique » d’une opération fondée sur les compétences de « gens ayant le pouvoir et des sensibilités aux problèmes techniques91 » !
61En 1981, le festival international du film professionnel de Biarritz récompense le film Les cheveux de lumière produit par la DGT, qui promet aux hommes de leur faire vivre pleinement « le nouvel âge de la télématique », d’épanouir en eux un « sixième sens », celui de la communication92.
Conclusion
62En dix ans, de 1971 à 1981, les fibres optiques sont passées du statut d’objet d’étude marginal à celui de pivot de recherches de plus en plus nombreuses ; elles ont migré dans le même temps dans le réseau opérationnel, dans lequel elles commencent à s’insérer sans encore faire rupture, mais en nourrissant autant qu’elles confirment les espoirs et les travaux des chercheurs. Le phénomène est mondial. Il a pour vecteur de grandes entreprises manufacturières, américaines ou japonaises pour les plus puissantes, qui, par leurs relations avec l’autre vecteur, les opérateurs de réseaux, définissent des approches nationales singulières.
63En France, un fort interventionnisme public est à l’œuvre. Si la recherche privée existe, notamment du côté des Laboratoires de Marcoussis de la CGE, le CNET est indéniablement le moteur de la R&D. Son repositionnement par rapport à la nouvelle entité chargée de piloter les affaires industrielles au sein de la DGT, la DAII, infléchit la stratégie de valorisation industrielle suivie jusqu’alors, en introduisant au premier plan le groupe Thomson via LTT.
64L’avènement des fibres optiques à la fin des années 1970 et au début des années 1980 ne répond pas vraiment à un besoin de l’exploitant du réseau ou du public, mais à une double quête : celle, du côté des chercheurs, d’un eldorado des transmissions, que le guide d’ondes hyperfréquences a longtemps incarné, et celle, du côté des administrateurs, d’une industrie nationale puissante, pour laquelle on se hâte de passer des commandes et pour laquelle, à la DAII, on innove en termes de conduite de projets, renonçant au passage aux precepts du libéralisme et de la concurrence. De la main de l’administration naissent deux pôles certes, mais qui ne sont pas en concurrence : l’un a des commandes garanties pour cinq ans sur les liaisons terrestres, l’autre est investi des liaisons sous-marines.
65Une fois enclenchée la mécanique des commandes et de la mise en production, la fibre a la vertu de projeter l’avenir dans le présent, via en particulier la question des services à proposer aux usagers. Elle accentue la tendance à l’expérimentation sociale apparue avec la télématique. La politique envisagée est très volontariste et des projets de câblage sont dans les cartons que trouve la nouvelle équipe de direction de la DGT et du CNET après les élections présidentielles de mai 1981. La décision qui est prise alors prolonge, mais en l’accélérant encore, cette orientation, en visant une universalité d’accès aux nouveaux services à brève échéance. Et la lumière fut : ce sera l’aventure du plan Câble, qui sera pilotée par d’autres que ceux qui ont présidé à l’émergence des télécommunications optiques en France93.
Notes de bas de page
1 J. Hecht, “Fiber-Optic Submarine Cables. Covering the Ocean Floor with Glass”, B. Finn and D. Yang (éd.), Communication Under the Seas : The Evolving Cable Network and Its Implications, Cambridge, MIT Press, 2009, 360 p., p. 45-61.
2 Dans le cadre d’un travail de maîtrise, intitulé Politique industrielle et nouvelles technologies au temps du rattrapage téléphonique : la DAII et les télécommunications optiques, 1974-1981 (Université Paris IV sous la direction de Pascal Griset, 1999), j’avais pu recueillir les témoignages de MM. Maurice Bernard et Jean Jerphagnon.
3 J. Le Mézec, J. Hénaff, J. Ernest, J.-L. Popovics, M. de Vecchis, R. Veilex, M. Dupire, M. Basque, R. Salvador, « Les systèmes optiques de transmission », Cahiers d’histoire des télécommunications et de l’informatique, n° 7, 2007, p. 7-48.
4 J. Hecht, City of Light. The Story of Fiber Optics, New York, Oxford UP, 1999, 316 p., p. 115-116 et p. 222-223.
5 N. Massard, L’industrialisation des nouvelles technologies : le cas des fibres optiques, Lyon, PUL, 1991, 305 p.
6 Y. Herlent, « Le guide d’ondes circulaire », CNET Lannion, note technique, 16/02/1973, 19 p., p. 17. Archives France Télécom (AFT) 96076/13.
7 « Le point des études sur le guide d’ondes circulaire à la fin de 1976 », CNET Lannion, fiche technique, janvier 1977. AFT 96076/13.
8 MM. Le Gall, Dupuis, Renan, « Le point des études sur les équipements du guide d’ondes circulaire à la fin de 1976 », CNET Lannion, mars 1977, p. 92. AFT 96076/13.
9 M. Le Gall, « Liaison pré-expérimentale par guide d’ondes circulaire », CNET, TMA/TNP, 10 p., p. 1. AFT 96076/13.
10 Laser pour Light amplification by stimulated emission of radiation, dont la première démonstration a été faite en 1960 par T. A. Maiman. Sur cette histoire : J. Hecht, Beam. The Race to Make the Laser, Oxford UP, 2005, 274 p.
11 Le brevet central est le n° 7116814 du 10 juin 1971 décrit par M. Passaret, Annales des télécommunications, numéro spécial « Télécommunications optiques », 1974, p. 184.
12 Le Ioffe Institute, en URSS, obtient des résultats comparables au même moment. J.-P. Noblanc, « Composants pour télécommunications par fibres optiques », Regards sur la France. Les télécommunications françaises, Paris, SPEI éditeur, 1979, p. 147-150.
13 Une fibre présente un pouvoir d’atténuation variable en fonction de la longueur d’onde du signal émis.
14 J. Jerphagnon travaillait dans le laboratoire des Bell Labs où fut réalisé ce laser et se souvenait, presque trente ans plus tard, avec une grande acuité, de la grande surprise provoquée par la coïncidence « miraculeuse » entre les fenêtres d’émission et de transmission. Entretien du 7 mai 1999 avec l’auteur.
15 Capacité d’adaptation remarquée dans d’autres circonstances, et qui est une qualité certainement essentielle des chercheurs du CNET : P. Griset, « Innover comment ? Innover pourquoi ? 50 ans de recherches au CNET », Les Cahiers. Télécommunications, Histoire et Société, n° 2, 1995, p. 18-35, p. 25.
16 M. Tréheux, Introduction aux télécommunications par fibres optiques, texte dactylographié, 11 février 1982. AFT 96076/12.
17 Cahiers…, op. cit., n° 7, p. 30.
18 R. Bouillie, M. Tréheux, « Les transmissions par fibres optiques au CNET », L’Écho des recherches, juillet 1975, p. 22-29.
19 Sur un jonc en plastique de fines rainures sont ménagées qui reçoivent chacune une fibre simplement protégée par une gaine primaire. Dans ces gorges, les fibres déposées sans tension subissent peu de contraintes, ce qui leur permet d’avoir une atténuation quasi identique à celle obtenue sur toron et de limiter les risques de rupture. Plusieurs joncs peuvent être assemblés en un câble constitué de modules indépendants. L’encombrement est inférieur à celui du câble à structure classique, les fibres n’étant pas gainées de plastique et le porteur central étant réparti dans chaque profilé cylindrique.
20 « Aujourd’hui, compte tenu en particulier des développements rapides dans le domaine des fibres multimodes, il est plus raisonnable de regarder les fibres comme un nouveau milieu de transmission pouvant rivaliser avec le cuivre ». Bouillie, Boisrobert, Tréheux, Annales…, op. cit., p. 235-246.
21 J. Le Mézec, Annales…, op. cit., p. 176.
22 « Les transmissions par fibres optiques », CNET, 1977, p. 12 et L.-J. Libois, Genèse et croissance des télécommunications, Paris, Masson, 1983, p. 132.
23 « Visite de câbleries japonaises », compte rendu de mission CNET/LET/39-75, avril 1975, 42 p.
24 « Les transmissions par fibres optiques », rapport d’activité du CNET, 1977, 14 p.
25 Voir le témoignage de Jacques Ernest, recueilli par l’AHTI, Cahiers n° 7, op. cit. et J.-P. Hauet : « Le rôle des Laboratoires de Marcoussis au sein du groupe CGE. Un exemple : le développement des communications par fibres optiques », Culture technique, n° 18, 1988, p. 92-102.
26 Compte rendu de la réunion de direction du CNET du 25 mars 1973. AFT 96006/04.
27 Compte rendu de la réunion de direction du CNET du 21 janvier 1974. AFT 96006/04.
28 Compte rendu de la réunion DAII-CNET du 16 novembre 1976, 105 p., p. 39 et p. 91-92. Dossiers documentaires France Télécom.
29 Entretien avec J. Jerphagnon, qui accompagne J.-P. Souviron, réalisé le 7 mai 1999 par l’auteur.
30 Réunion du 21 juin 1977, compte rendu du 28 juin 1977 TAI/B/584/AKC. AFT 93013/05.
31 Camus à Bernard, et réponse annotée, CNET/891, 12 août 1977 et 7 septembre 1977. AFT 93013/05.
32 Compte rendu de la réunion n° 13, Lannion, NCF/77, 3 août 1977, 7 p., p. 5. AFT 93013/05.
33 Réunion du 21 juin 1977, compte rendu du 28 juin 1977 TAI/B/584/AKC. AFT 93013/05.
34 Compte rendu de la réunion du 5 juillet 1977, 11/NCF/77. AFT 93015/05.
35 Compte rendu de la réunion du 30 janvier 1978. AFT 93015/05.
36 Société de 35 salariés, dirigée par M. Suard et composée à partir des activités dans ce domaine des Câbles de Lyon et de sa filiale Filotex.
37 Passaret à Souviron, 2 janvier 1978 et Camus à Souviron, 9 janvier 1978. AFT 93013/05.
38 Idem réponse annotée.
39 Allocution de Valéry Giscard d’Estaing, 19 janvier 1978, Revue française des Télécommunications, n° 27, avril 1978, p. 15-16.
40 « Fibres optiques pour télécommunications, aspect industriel d’une source d’approvisionnement », TAI/MPP/10/KC, 20 janvier 1979, 7 p., p. 6. AFT 93021/10.
41 Rapport d’activité DAII 1978, 48 p., p. 10-11.
42 S. Nora, A. Minc, L’informatisation de la société, Paris, La Documentation française, 1978, 162 p., p. 26.
43 Première partie du rapport publié sous la direction d’A. Glowinski, Télécommunications. Objectif 2000, Paris, Dunod, 1980.
44 Le nombre de brevets déposés à travers le monde autour des télécommunications par fibres optiques est de 277 en 1973 et de 2 618 en 1980. N. Massard, L’industrialisation des…, op. cit., p. 171.
45 « Laser à 1,3 µm pour télécommunications par fibres optiques », L’Écho des recherches, n° 97, juillet 1979, p. 44.
46 Réunion DAII n° 5, 27/11/1978. AFT 96076/04.
47 Laurent Bourgeat pense que les responsables français se sont alignés sur ce qui se faisait à l’étranger, sans se rendre compte que, selon lui, les chercheurs français avaient mis au point des solutions aux problèmes techniques que les autres rencontraient. L. Bourgeat, in F. du Castel, et F. Lavallard, Le CNET. Naissance et genèse d’un centre public de recherche (1944-1974), Paris, PUF, 1990, 351 p., p. 143-148, p. 148.
48 « Note sur les études de systèmes sur fibres optiques », TAI/SEDE/TR/429/MM, 6 novembre 1979. AFT 93021/10.
49 Entretien avec Robert Veilex, 15 février 2011.
50 Conseil de direction du CNET, 11 décembre 1980. Arch. nat., Centre des archives contemporaines de Fontainebleau (CAC) 24 HF 13.
51 « Étude du secteur des liaisons par fibres optiques aux plans technique et industriel », 20 novembre 1980. CAC F 90 bis 6111.
52 A. Kwong-Cheong, « Fibres optiques pour télécommunications, aspect industriel d’une source d’approvisionnement », TAI/MPP/10/KC, 20 janvier 1979, 7 p., p. 4. AFT 93021/10.
53 Réunion DAII n° 10, 15 janvier 1979. AFT 96076/04.
54 R. Veilex, « Stratégie fibres optiques », TAI/MPP/34/RV, 18 février 1980, 7 p., p. 6. AFT 93021/10.
55 M. Tréheux, « Introduction aux télécommunications par fibres optiques », 11 février 1982. AFT 96076/12.
56 G. Bellec, compte rendu de la réunion avec LTT du 19 juin 1980, GB/18, 25 juin 1980. CAC F 90 bis 2671.
57 LTT, « Production en France de fibres optiques pour les télécommunications », 6 novembre 1980. CAC F 90 bis 6111.
58 Compte rendu sommaire de la réunion sur les câbles sous-marins du 21 mars 1980 à La Seyne-sur-Mer. Jean-François Latour, T. Cac/DG/68. CAC F 90 bis 6107.
59 Interview du 4 février 1980, Business Week. CAC F 90 bis 4834.
60 « Plan liaisons optiques du groupe CGE », 9 septembre 1980, 19 p., p. 11. CAC F 90 bis 6111.
61 G. Théry à M. Dambrine, président de la COFFO, 19 mars 1981. CAC F 90 bis 6111.
62 Compte rendu de la réunion SGPM, LTT, CDL, DCO du 20 mai 1981, TAI/DCO/RV/fl, 21 mai 1981. CAC F 90 bis 6111.
63 « Protocole entre Quartz et Silice, LL, CDL », 30 octobre 1981, signé le 3 novembre 1981. CAC F 90 bis 6111.
64 Compte rendu de la réunion DCO, Quartz et Silice, LL du 1er juillet 1981, TAI/DCO/OL, 29 juillet 1981. CAC F 90 bis 6111.
65 N. Massard, L’industrialisation des…, op. cit., p. 115.
66 « Conflans-Sainte-Honorine : une fibre d’avenir », Messages, n° 311, décembre 1981, p. 7.
67 G. Bellec, réunion « Promotion et développement », n° 7, 4 septembre 1980. CAC 24 HF 3.
68 « Pour une nouvelle politique de R et D en optoélectronique », compte rendu de MM. Bernard et Veilex, présenté le 8 novembre 1980 à New York. CAC F 90 bis 7526.
69 « Technologies critiques, fiches individuelles », 18 février 1980. CAC F 90 bis 7526.
70 « Pour une nouvelle politique de R&D en optoélectronique », op. cit.
71 « Technologies critiques, fiches individuelles », op. cit.
72 « Pour une nouvelle politique de R&D en optoélectronique », op. cit.
73 N. Massard, L’industrialisation des…, op. cit., p. 104.
74 Conseil de direction du CNET, 8 juillet 1981. CAC 24 HF 13.
75 Secrétariat général de la défense nationale au secrétaire d’État aux PTT, « Protection des réseaux de télécommunications contre les effets de l’impulsion électromagnétique d’origine nucléaire », 10027/SGDN/AGD/CL/CD, 9 février 1981. CAC F 90 bis 4837.
76 B. Rozenwaig, « Introduction à la demi-journée sur la commutation large bande et les débits élevés », CNET, 22 avril 1980. CAC 24 HF 12.
77 R. Veilex, « Stratégie fibres optiques », TAI/MPP/34/RV, 18 février 1980, AFT, 93021/10.
78 Compte rendu de la réunion DAII-CNET du 16 novembre 1976, 105 p., p. 88.
79 Voir par exemple G. Théry, H. Longequeue, « Télécommunications, le redressement est engagé », L’Usine nouvelle, mai 1970, p. 43.
80 R. Veilex, en introduction à la réunion DCO-DGT du 1er décembre 1980, AFT 93022/92.
81 « Vidéomatique 1987 », DGT/DACT/A/CP 105, 23 novembre 1979. CAC F 90 bis 4841.
82 C. de Beauregard, compte rendu de la réunion interministérielle tenue à Matignon le 31 octobre 1979, 18 décembre 1979. CAC F 90 bis 4834.
83 M. du Mesnil, « Les services et produits nouveaux des télécommunications », rapport de mission, mai 1979, 76 p., p. 39. CAC F 90 bis 4832.
84 « Note sur les conséquences du rattachement de TDF au secrétariat d’État aux PTT, position de la DACT », 21 mars 1980. CAC F 90 bis 6108.
85 « Problèmes juridiques posés par les réseaux en fibres optiques. Note pour le DACT », 10 avril 1981, 8 p. CAC F 90 6111.
86 IBM est ici visé. Discours de Dallas, Intelcom 79, 26 février 1979, AFT 88001/01.
87 J. Pomonti in A. Giraud, J.-L. Missika, D. Wolton (dir.), Les réseaux pensants. Télécommunications et société, Paris, Masson, 1978, 287 p., p. 40.
88 Dossier promotion et développement. CAC F 90 bis 4841.
89 MM. Servan-Schreiber et Théry, discours et entretien diffusés le 8 décembre 1980.
90 « Plan de communication », DACT, juin 1980, AFT 95035/03.
91 Ibid.
92 Secrétariat d’État aux PTT, 13 minutes, 1981. Archives audiovisuelles France Télécom : 9302 AV 28.
93 Robert Veilex notamment, après son refus de rejoindre le CNET, perdra ses responsabilités. La DCO sera supprimée.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les ingénieurs des Télécommunications dans la France contemporaine
Ce livre est cité par
- Thierry, Benjamin. (2015) De l’abonné au minitéliste. Communication. DOI: 10.4000/communication.6079
- Giry, Benoit. (2015) La faute, la panne et l’insatisfaction. Une socio-histoire de l’organisation du travail de traitement des réclamations dans les services du téléphone. Sociologie du travail, 57. DOI: 10.4000/sdt.1519
- Paloque-Bergès, Camille. (2022) Coder l’écriture plurilingue en numérique. Terminal. DOI: 10.4000/terminal.8314
Les ingénieurs des Télécommunications dans la France contemporaine
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3