Annexe 5. Rapport au ministre sur les relations financières entre la France et l’Indochine (13 mai 1950, François Bloch-Lainé)
p. 539-541
Texte intégral
RAPPORT AU MINISTRE
1A/S Relations financières entre la France et l’Indochine.
2Mes Services cherchent, depuis un certain temps, non sans éprouver de grandes difficultés, à présenter sous une forme simplifiée un bilan des relations financières entre la France et l’Indochine, en répartissant dans un cadre établi en fonction du résultat recherché des renseignements chiffrés fournis par des documents d’archives ou obtenus auprès des divers services intéressés.
3Certes, les éléments chiffrés ainsi utilisés n’ont pas tous une valeur comptable, certaines contestations peuvent s’élever sur l’imputation ou l’évaluation de tel ou tel élément, d’autres n’ont qu’une valeur statistique. Je tiens à indiquer cependant que ces calculs ne paraissent comporter qu’une faible marge d’erreur et que la relative incertitude qui pèse de ce fait sur le résultat final ne saurait suffire à infirmer les conclusions de la présente note.
4Si, au cours de l’année dernière, la Métropole se trouvait encore débitrice vis-à-vis de l’Indochine, du fait qu’une partie des dépenses normalement à sa charge étaient supportées par le Trésor Indochinois, cette situation s’est renversée au 31 décembre 1949. À cette date apparaît au contraire une créance de la Métropole sur l’Indochine qu’aucune autorisation législative n’est venue sanctionner.
5Il convient de rappeler que le Trésor Indochinois, Trésor de plein exercice, assure non seulement le financement des budgets locaux, mais aussi celui des dépenses locales de la Métropole de caractère budgétaire.
6Le Trésor métropolitain, pour faire face aux dépenses dont le règlement est effectué pour son compte par le Trésor Indochinois, dispose de ressources locales. Il s’agit essentiellement de la contrevaleur en piastres des versements effectués chaque semaine à Paris à la Banque de l’Indochine pour permettre le règlement des excédents des transferts bancaires et partant la couverture de la monnaie indochinoise, ainsi que des paiements, par l’Administration des Postes métropolitaines, des mandats émis en Indochine.
7Jusqu’à la fin de l’année 1948, le montant total de ces recettes locales était inférieur de quelque 48 milliards de francs à celui des dépenses de caractère métropolitain financées par le Trésor Indochinois.
8Au cours de l’année 1949, par suite de l’accélération du mouvement des transferts, les recettes locales du Trésor métropolitain se sont élevées à plus de cent milliards de francs (...) alors que les dépenses locales qui comprennent essentiellement les dépenses militaires ne se sont élevées qu’à 55 milliards (...).
9Il s’ensuit qu’au 31 décembre 1949, le solde des opérations respectives des deux Trésors s’est traduit par un crédit de 50 milliards environ en faveur du Trésor métropolitain et que la position de celui-ci s’est trouvée apurée et est même devenue créditrice (...), c’est-à-dire qu’actuellement compte tenu du fait que le rythme des dépenses et des recettes de caractère métropolitain reste approximativement le même, le Trésor métropolitain a consenti au Trésor indochinois une avance de plusieurs milliards. Il est normal de prévoir qu’à la fin de l’année le solde des opérations respectives des deux Trésors se traduira, comme en 1949, par un crédit de l’ordre d’une cinquantaine de milliards au profit du Trésor métropolitain, qui aura ainsi accordé au Trésor indochinois une avance du même montant.
10Or, les avances dont bénéficie le Trésor indochinois lui sont consenties sans qu’aucun texte les ait autorisées. On peut affirmer que les versements effectués chaque semaine à Paris à la Banque de l’Indochine, et qui sont de l’ordre de 1 milliard et demi à 2 milliards, comportent dorénavant pour une large part des avances irrégulières à l’Indochine. L’intitulé du compte « Acomptes versés à la Banque de l’Indochine correspondant à des dépenses métropolitaines en Indochine » auquel sont imputés les dits versements a donc perdu sa signification.
11Il y a d’ailleurs lieu de remarquer que ces avances doivent entraîner pour la presque totalité de leur montant une charge pour la trésorerie métropolitaine puisqu’elles trouvent en majeure partie leur origine dans les excédents de transferts en provenance d’Indochine (...). La trésorerie métropolitaine rembourse non seulement l’intégralité des dépenses métropolitaines exécutées localement (55 milliards en 1949) mais supporte encore par le jeu de la couverture de la piastre la charge de dépenses de caractère indochinois (44 milliards en 1949).
12Si les errements actuels sont poursuivis, la Métropole va consentir en 1950 aux États associés une aide de l’ordre de 50 milliards qui, dans les conditions où elle est octroyée, est irrégulière et dont il n’est tiré par ailleurs aucun avantage politique puisque son mécanisme en cache la signification et l’importance aux yeux des bénéficiaires.
13La seule solution ouverte pour régulariser cette situation consiste à demander au Parlement le vote de crédits applicables à un compte d’avances qui retracera l’aide financière de la France aux États associés.
14Toutefois, la couverture hebdomadaire par le Trésor des transferts bancaires, bien qu’elle revienne pour une large part à l’octroi d’avances à ces États, ne peut être suspendue dans l’attente d’une décision du parlement ; cette suspension équivaudrait en effet à la cessation brutale de la convertibilité de la piastre.
15J’ai l’honneur de demander en conséquence au Ministre de bien vouloir m’autoriser à continuer de créditer la Banque de l’Indochine des sommes nécessaires pour assurer cette convertibilité.
16Le Directeur du Trésor,
F. Bloch-Lainé.
17Source : AEF Fonds Trésor Β 33539.
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