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Conclusion de la quatrième partie

p. 261


Texte intégral

1Au milieu des années 1960, les Français achètent à crédit, mais pas « tout » et moins que leurs homologues européens. En 1967, 6 % des ménages ont emprunté pour acheter une voiture et 14 % pour acquérir des biens de consommation durables autres que l’automobile, soit 20 % des ménages1. Environ 35 % des biens électroménagers sont alors achetés à crédit contre 55 % en Allemagne de l’Ouest et 60 % en Grande-Bretagne. Depuis sa « réhabilitation » gouvernementale en 1953, le crédit à la consommation s’est donc diffusé mais avec modération. Aux obstacles matériels – crise du logement tardivement résorbée, puissance électrique domestique insuffisante –, s’ajoutent les contraintes d’une politique du crédit restrictive.

2Pour Jacques de Fouchier, alors président-directeur général de la Compagnie bancaire et vice-président de la Banque de Paris et des Pays-Bas, cette politique est la conséquence d’une conception passéiste que les autorités financières ont des liens entre épargne financière et endettement des ménages2. Pour ces dernières, l’endettement des ménages nuirait à l’épargne financière (entendue comme dépôt dans les Caisses d’épargne, achat de valeurs mobilières, etc.) qui alimente le marché des capitaux et donc le financement des entreprises. Pour Jacques de Fouchier, en revanche, cette vision « largement héritée du xixe siècle » ne serait plus adaptée « aux nouvelles réalités ». Selon lui, en ce qui concerne le financement des entreprises, l’obsolescence rapide des équipements productifs due au progrès technique appelle surtout un autofinancement croissant. D’autre part, en ce qui concerne le financement des besoins des ménages, l’allongement de l’espérance de vie réduisant la portée de l’héritage dans la transmission du patrimoine, le crédit permettrait, dans un contexte de plein emploi, de satisfaire les exigences « légitimes » des jeunes générations.

3Novatrice, en particulier pour ce second point, cette conception est loin de faire l’unanimité au milieu des années 19603. Légitimé par nécessité, le crédit à la consommation reste sous contrôle et son expansion limitée.

Notes de bas de page

1  ABDF 1404200701/1, enquête INSEE de 1967 sur l’épargne et le patrimoine des ménages.

2  Archives Cetelem, Centre d’information et d’étude du crédit, « Les prêts aux particuliers et l’épargne », n° 20, décembre 1967.

3  Actuellement, l’idée de permettre aux jeunes générations d’avoir un « capital de départ », donc un endettement, est notamment évoquée par le parti socialiste et certaines associations comme le Midep (Mouvement pour l’instauration de l’égalité face au patrimoine).

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