Chapitre VIII. Un crédit à la consommation au service de l’industrie et des jeunes ménages salariés
Texte intégral
1Lorsqu’en 1953, Robert Buron préconise la levée des restrictions en matière de crédit à la consommation, c’est clairement pour faciliter l’écoulement sur le marché intérieur d’une production industrielle automobile et de biens domestiques en plein essor. De fait, durant les douze années 1953-1965, soit une « large décennie » la diffusion de ces biens est spectaculaire.
2Alors que seuls 7,5 % des ménages sont équipés d’un réfrigérateur en 1954, ils sont 63 % en 1966. La télévision connaît la même progression : 1 % des ménages est équipé d’un poste récepteur en 1954, 50 % en 1966. Quant à la voiture, 15 % des ménages sont motorisés en 1950, 50 % en 1965. En 1963, trois millions de foyers ont ainsi eu recours à un crédit du Cetelem depuis sa création dix ans auparavant. Précisément, quels sont les biens vendus à crédit ? Qui sont les Français qui recourent au crédit ? Ce recours entraîne-t-il un endettement important ?
I. La trilogie automobile, réfrigérateur, télévision
3L’analyse des encours de crédit à la consommation et celle des enquêtes de l’INSEE révèlent deux caractéristiques majeures : la part prépondérante de l’automobile dans les biens vendus à crédit (64 % des encours en 1965), la prééminence des dossiers de crédit de biens électroménagers (60 % à la même date).
4Cette répartition « en miroir » entre l’automobile et les autres biens « dits de consommation » illustre l’usage privilégié du crédit à la consommation pour faciliter les débouchés des industries nationales. Considérés jusqu’au milieu des années 1950, c’est-à-dire jusqu’à l’adoption de la réglementation de 1954, davantage comme un crédit à la production qu’un crédit à la consommation, les crédits accordés pour la vente d’un véhicule neuf se taillent la part du lion en raison d’un prix unitaire élevé. Plus récente, l’industrie de l’électroménager adopte le même principe d’un crédit à la consommation conçu avant tout comme un moyen d’écouler la production. Majoritaire en nombre de dossiers, ces « petits » crédits à l’électroménager constituent le principal vecteur de diffusion du crédit à la consommation dans les foyers français.
A. La prépondérance de l’automobile
5Représentant entre 58 % des encours en 1955 et 64 % en 1965, l’automobile occupe la première place, et de loin, dans le financement des ventes à tempérament1. Cette prépondérance s’explique en premier lieu par le caractère coûteux de ce bien. En 1965, un véhicule neuf de gamme moyenne se vend environ 12 000 francs (contre 1 000 francs pour un réfrigérateur) ce qui représente 75 % du salaire net moyen annuel. En second lieu, il faut souligner le rôle majeur joué par les constructeurs, dès l’entre-deux-guerres, pour organiser ce crédit en créant des filiales puis en généralisant le système des ristournes afin d’intéresser les distributeurs, garagistes et concessionnaires, à la vente à crédit2. Enfin, après 1945 le financement des ventes à tempérament des véhicules neufs est soutenu par les autorités financières qui jugent prioritaire le soutien à une industrie automobile nationale éprouvée par la guerre3. Jusqu’en décembre 1954, seuls les effets représentatifs de crédit automobile sont réescomptables à la Banque de France. Ce traitement privilégié de la vente à crédit d’automobiles résulte de la priorité accordée à une branche considérée comme un des fleurons du secteur industriel français. Lors de la préparation du premier Plan de modernisation et d’équipement, cette particularité est d’ailleurs vivement dénoncée par l’économiste et démographe Alfred Sauvy pour qui le crédit au logement aurait dû primer sur les facilités accordées à l’automobile in fine relatives4.
6Le taux de recours au crédit pour l’automobile, c’est-à-dire la proportion des achats à crédit dans le nombre des achats des ménages, figure ainsi parmi les plus élevés. Près d’une voiture neuve sur deux (45 %) – contre une sur cinq dans les années 1930 – et une voiture d’occasion sur trois sont achetées à crédit au milieu des années 1960. Cette dépendance de la construction automobile française à la vente à crédit constitue une caractéristique française5. Si l’on compare la ventilation de l’encours des crédits à la consommation avec d’autres pays européens, comme la Grande-Bretagne, la RFA ou la Belgique, on s’aperçoit ainsi que la part de l’encours due à des crédits consentis pour l’achat d’automobiles, même si elle occupe la première place, est moindre. En Belgique, par exemple, les crédits automobiles ne représentent qu’un tiers de l’encours (34 %) des crédits à la consommation en 1957, soit un ordre de grandeur comparable avec les crédits accordés pour l’achat d’articles ménagers (29 %)6. De même en Allemagne, où l’industrie automobile est pourtant particulièrement développée, le total des crédits consentis pour l’achat d’automobiles au début de l’année 1964 ne représente qu’un tiers des crédits totaux à la consommation7. Quant à la Grande-Bretagne, si elle représente le pays qui se rapproche le plus de la France quant à l’importance prise par les crédits automobiles dans l’encours total des crédits à la consommation, cette part ne s’élève « qu’à » 54 % en 1967 contre 67 % en France8.
7Dans l’Hexagone, ces achats à crédit se révèlent également saisonniers. Un pic est ainsi constaté par les établissements financiers au printemps. L’arrivée des beaux jours et son lot d’événements familiaux (baptêmes, communions, mariages, etc.) et de congés fait que « la voiture pour Pâques » est une caractéristique de ces achats à crédit9. L’on retrouve cette saisonnalité pour d’autres biens dont le taux de recours au crédit est également élevé : le réfrigérateur, acheté au début de l’été, et l’appareil de télévision à l’entrée de l’hiver10.
B. La part croissante de la télévision aux dépens du réfrigérateur
8En effet, la seconde catégorie de biens achetés à crédit en France après l’automobile, avec 20 % des encours, est relative aux appareils électroménagers, à la radio et à la télévision11. Si sur la décennie 1955-1965, cette part de l’encours est stable (20 % en 1955, 21,5 % en 1965), un pic est constaté pour les années 1959-1963 avec 25 % des encours. Il s’explique surtout par l’offre croissante de logements disponibles et la nécessité d’équipements qui en résulte. La barre des 300 000 logements achevés est en effet franchie en 1959. La décrue de l’encours constatée ensuite résulte principalement de la baisse des prix relatifs d’un bien moteur dans cette catégorie, le réfrigérateur. Encore à 7 francs le litre en 1961, ce prix tombe à 5 francs en 1965. Sous la pression des concurrents européens – l’Allemagne et l’Italie produisent respectivement 2 077 000 et 1 950 000 de réfrigérateurs en 1964 contre 1 090 000 pour la France –, les constructeurs français ont en effet baissé leurs prix12. Avec 85 % de réfrigérateurs produits d’une capacité inférieure à 250 litres, les prix de détail demeurent inférieurs à 1 250 francs soit environ un mois de salaire net mensuel moyen. Aucun autre appareil ménager n’a connu une baisse de prix aussi importante y compris l’aspirateur.
9Avec 86 % de la production écoulée sur le marché national, cette diminution des tarifs a un double effet. D’une part, elle accélère l’équipement des ménages en réfrigérateur d’une manière spectaculaire : 10 % en 1958, 40 % en 1961 et 60 % en 196513. D’autre part, elle diminue le taux de recours au crédit : 40 % en 1959 à 30 % en 196514. Ainsi, alors qu’il est l’élément moteur des ventes à crédit des « gros » appareils ménagers, le réfrigérateur se fait distancer par la machine à laver dont les prix demeurent plus élevés en raison d’une complexité accrue du produit (machine automatique). Quatrième producteur de machines à laver en Europe, derrière l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne, le marché français ne propose en effet que 25 % de la production à un prix de détail inférieur à 1 250 francs, 40 % des machines étant proposés à des prix supérieurs à 1 550 francs15. Aussi, pour ce bien, le taux d’équipement est-il moindre – 41 % en 1965 contre 59 % pour le réfrigérateur – et le taux de recours au crédit supérieur : 35 % en 1965.
10Mais c’est surtout la télévision qui fait une percée remarquable dans l’encours des ventes à tempérament et supplante le réfrigérateur. Celle-ci représente 4 % des encours en 1954 et 10 % en 1965. Cette expansion est le fruit de la volonté, tant des constructeurs que des organismes de crédit spécialisés, de favoriser la vente à crédit des téléviseurs. Le marché du financement de la télévision se partage ainsi entre le Cetelem et le CREG, tous deux associés à la SODETE (Société pour le développement de la télévision) et la Radiofiduciaire, filiale de Philips. Cette progression remarquable des encours résulte de prix de vente qui demeurent élevés. Contrairement aux machines à laver, et plus encore aux réfrigérateurs, il n’y a pas une gamme variée de prix pour ce produit. La télévision reste coûteuse. Aussi le taux de recours au crédit pour ce bien est-il aussi important que pour les voitures neuves : entre 40 et 45 % pour la période16. Et c’est grâce au crédit que le taux d’équipement progresse rapidement : 1 % en 1954, 25 % en 1962. Au sein de cette catégorie des appareils ménagers et de la télévision, la deuxième en volume d’encours après l’automobile, les crédits à la télévision se substituent donc progressivement à ceux finançant l’électroménager. En 1955, l’électroménager représente 14 % des encours de crédit à la consommation contre 6 % pour la télévision. En 1965, ces pourcentages sont respectivement 11,5 % et 10 %17.
11Enfin, une troisième catégorie de biens, qui incarne moins « l’impératif industriel », mais n’en est pas pour autant négligeable au sein des encours de financement de ventes à tempérament, concerne l’ameublement et le matériel de plein air.
C. Le « confort et l’évasion » : l’importance croissante de l’ameublement et du plein air
« Leur appartement serait rarement en ordre mais son désordre même serait son plus grand charme. Ils s’en occuperaient à peine : ils y vivraient. Le confort ambiant leur semblerait un fait acquis, une donnée initiale, un état de leur nature. […] Leur amour du bien-être, du mieux-être se traduisait le plus souvent par un prosélytisme bête : alors ils discouraient, eux et leurs amis, sur le génie d’une pipe ou d’une table basse, ils en faisaient des objets d’art, des pièces de musée.18 »
12Cet extrait du roman de Georges Perec, Les Choses, qui reçoit le prix Renaudot dès sa publication en 1965, illustre la société de consommation et de convoitise naissante et l’intérêt particulier pour l’ameublement du logement. Sylvie et Jérôme, jeune couple – 22 et 24 ans – de psychosociologues parisiens aspirent ainsi à « leur divan Chesterfield, leurs fauteuils de cuir naturel souples et racés comme des sièges d’automobile italienne, leurs tables rustiques, leurs lutrins, leurs moquettes, leurs tapis de soie, leurs bibliothèques de chêne clair19 ».
13Cet engouement pour les meubles prend toute son ampleur au début des années 1960. Après des années de crise du logement aiguë – en 1952, en région parisienne, 25 % des jeunes ménages vivent encore chez les parents d’un des deux conjoints – et dans une situation encore tendue, le « confort du nid » est l’objectif de nombreux Français. À la suite des années de « reconstitution mobilière » liée à la guerre, qui ont vu la naissance de Sofinco en 1951, le début des années 1960 marque plus que l’amélioration du quotidien, l’avènement du confort.
14À cette aspiration, « le confort, c’est le réconfort20 » , répond également le désir d’imitation. L’injonction américaine « Ne retardez pas sur les Jones » devient française notamment à la faveur de l’emménagement dans les grands ensembles où les jeunes ménages se côtoient21. Ces logements collectifs, HLM ou autres, « ne cessent d’engloutir des cargaisons de salles de séjour que des négociants continuent encore à appeler living-room22 ». Si le volume des meubles vendus s’accroît de 10 % par an de 1950 aux années 1960, une accélération s’observe à partir de 1960 fondée en partie sur un recours plus important au crédit. Sofinco, qui distribue près de la moitié des crédits à l’ameublement en 1963, note qu’à cette date un ménage sur quatre achète ses meubles à crédit23. Entre 1960 et 1965, alors que l’encours total de ventes à tempérament augmente de 70 % en francs constants, l’augmentation de l’encours national des crédits meubles atteint 170 %24. Cet engouement pour l’ameublement et l’aménagement du logement en général n’est pas propre à la France. En Allemagne de l’Ouest, le recours au crédit à la consommation pour le mobilier ainsi que l’achat de produits textiles nécessaires à l’aménagement du logement (tapis, rideaux, etc.) représente une part importante des prêts consentis : 20 % au début de l’année 196425.
15Pour la même période, l’on assiste également à l’essor du financement des ventes à tempérament du matériel de « plein air » (camping, caravaning, plaisance). Indissociables dans les statistiques du Conseil national du crédit, car regroupés dans la rubrique « divers » sauf pour les caravanes assimilées aux véhicules de tourisme26, ces crédits « divers » connaissent la même évolution que les meubles : + 170 % en francs constants entre 1960 et 1965. En 1962, l’on estime que 17 % des tentes et sacs de couchage et 40 % des caravanes, canots et voiliers sont achetés à crédit27. Ces crédits témoignent de l’évolution naissante de la société des loisirs évoquée par le sociologue Joffre Dumazedier dans son ouvrage Vers une civilisation du loisir ? paru en 1962. Avec trois voire quatre semaines de congés payés, la Régie Renault accorde une quatrième semaine à son personnel en 1962, les Français partent davantage en vacances. Ils sont 31 % à le faire en 1958, 45 % en 196428. Cet essor du financement des ventes à tempérament du matériel de « plein air » traduit l’amélioration du niveau de vie des ménages. Le constat « Aujourd’hui, on n’emprunte plus pour survivre mais pour vivre mieux » s’impose29.
16L’achat à crédit des deux-roues (motocycles et cycles), à la fois instrument de travail et élément de loisir accessible aux petits budgets au début des années 1950, s’effondre en une décennie. De 15 % de l’encours total des financements de vente à crédit en 1954, cette part des deux-roues passe à moins de 1 % en 1965. À cette date, moins d’une bicyclette sur dix est achetée à crédit.
17Autre bien de consommation témoin de cette amélioration du quotidien, la radio. Alors que près d’un quart des transistors est acheté à crédit en 1958, seuls 10 % des postes le sont en 196230.
18Dans l’ensemble, avec plus des 4/5 de l’encours – 91 % en 1954 et 86,5 % en 1965 – consacrés au financement de biens issus des industries mécaniques et électriques, le crédit à la consommation apparaît donc comme le serviteur de l’industrie nationale31. Dès lors, les prix de ces biens influent sur la composition de l’encours.
19Si cette composition est relativement stable dans ses grandes lignes, 66 % pour l’automobile et 20 % pour l’électroménager, des variations internes sont non négligeables, soulignant la relation étroite entre prix et crédit. Outre ceux pour lesquels l’offre de financement est la plus institutionnalisée, les biens achetés à crédit sont en effet avant tout ceux qui sont les plus coûteux. La baisse des prix relatifs des appareils ménagers, en particulier les réfrigérateurs, amène ainsi une diminution progressive de cette catégorie au profit des téléviseurs. Un autre facteur de variation réside également dans le niveau de vie. L’élévation progressive de ce dernier sur la décennie 1955-1965 fait ainsi disparaître progressivement de l’encours les deux-roues au profit des équipements liés aux loisirs. Enfin, la libéralisation des échanges consécutive à la construction européenne, dans la mesure où elle impacte les conditions de vente de ces secteurs industriels, a un double effet. Par l’effet prix, elle précipite l’évolution des taux de recours au crédit au sein du secteur électroménager (moins d’aspirateurs et de réfrigérateurs et plus de télévisions). Par l’offre accrue de produits étrangers sur le marché français, elle pose la question du financement à crédit de biens importés. Sur ce point, c’est la question des normes de qualité, auxquels les grands établissements de crédit sont très attachés, et donc de la certification, qui est posée. En décembre 1959, lors d’un entretien avec un industriel préoccupé par cette question, un directeur du Cetelem fait part de l’attention de son établissement à cet aspect tout en ne cachant pas que ce dernier, considérant avant tout son intérêt de prêteur, puisse avoir un point de vue différent.
« M. Morane me pose la question de notre attitude vis-à-vis du matériel étranger qui serait importé dans le cadre du Marché commun. Je lui réponds que nous serons certainement disposés à en financer la vente à crédit estimant qu’il serait parfaitement maladroit de reprendre indirectement les mesures de libération des échanges par le biais de restrictions financières. Mais, bien entendu, nous ne financerons que les matériels de bonne qualité.
À cet égard, M. Morane me demande si nous serions prêts à tenir compte des analyses de qualité des matériels étrangers qui seraient faites par les soins des différents Syndicats de producteurs français. Je lui confirme que tous renseignements de ce genre nous intéresseront vivement mais que nous tiendrons compte bien évidemment de la nuance de pessimisme dont ne manqueront pas d’être teintées les dites analyses32 ».
20Facilitant l’écoulement des biens industriels, à qui profite le crédit, autrement dit, qui sont les Français qui achètent à crédit ?
II. « J’escompte ma carrière »
« Sans doute [le crédit] ne fera-t-il pas surgir un palais : seulement un pavillon de banlieue ; et, pour garnir ce pavillon, des meubles ainsi qu’une automobile pour aller en ville ; c’est déjà beaucoup pour quelques signatures de traite 33 ».
21Entre le début des années 1950 et le milieu des années 1960, ce qui semble dominer la société française est le passage progressif de l’idée commune « qui paie ses dettes s’enrichit » à celle « qui emprunte s’enrichit34 ». L’arrivée à l’âge de la nuptialité des « nouvelles générations » issues du baby-boom, dont les démographes datent l’origine au milieu de la guerre (1942), traduit cette mutation. Dans un contexte de protection sociale généralisée, de haut niveau de l’emploi et d’élévation des salaires, l’acquisition des biens durables dans le cycle de vie des ménages s’effectue de plus en plus tôt.
22« Produire plus, posséder davantage, vivre mieux est devenu la grande ambition des nouvelles générations » : cette formule prononcée par un député en 1968 lors d’un débat visant à rationner l’usage du crédit à la consommation se vérifie déjà au milieu des années 196035. Pour les jeunes gens, l’idée âprement défendue par les établissements prêteurs que le crédit peut être « une forme moderne de l’épargne » n’est plus incongrue.
23Réalisées à partir de 1960, les enquêtes de l’INSEE sur l’endettement des ménages révèlent en effet qu’outre le niveau de revenu et le lieu de résidence, l’âge du chef de famille influe de façon déterminante sur le recours au crédit.
A. « Le crédit, c’est l’épargne de la jeunesse »
24Anticiper la hausse de ses revenus et ne pas craindre de s’endetter. Cette tendance se renforce nettement dans la première moitié des années 1960. En 1963, une enquête de l’INSEE montre ainsi qu’à cette date, il n’y a plus qu’un Français sur huit pour craindre une diminution de ses ressources contre un sur quatre en 1959, et 25 % des sondés sont persuadés que leur situation « va s’améliorer36 ».
25Ce sentiment de confiance en l’avenir est particulièrement prononcé pour les jeunes, ceux qui entrent sur le marché du travail. Avec la notion de « carrière » qui se généralise à tous les secteurs pour les salariés, « la possibilité d’anticiper sur son déroulement apparaît ». Dès lors, « pourquoi attendre d’être au sommet de sa carrière donc vieux, pour jouir des biens de ce monde ? Avec le crédit, j’escompte ma carrière37 ».
26Ainsi, alors qu’au milieu des années 1950 le « profil du Français qui achète à crédit » se présente comme un père de famille ayant un ou deux enfants, au milieu des années 1960 ce sont surtout les jeunes ménages récemment mariés (depuis un ou deux ans) qui s’endettent : 66 % d’entre eux ont un crédit contre 20 % en moyenne38. Les jeunes mariés aspirent alors au « confort sans attendre ».
27Dans ces achats à crédit, le rôle de la jeune épouse, et plus généralement de la femme, est mis en avant. Tant les publicités des prêteurs qui en font une cible privilégiée, que les « guides pratiques » éditées par certaines associations révèlent l’importance de la « femme acheteuse »39. Véritable économe du foyer bien qu’encore non émancipée sur le plan bancaire, la femme joue, dans la consommation, un rôle essentiel à double titre40. Non seulement, elle est acheteuse-consommatrice, c’est-à-dire qu’elle achète pour elle-même, mais surtout elle est « acheteuse-déléguée », c’est-à-dire qu’elle achète pour l’ensemble des membres du foyer. Ainsi, en 1961, « 14,5 millions de femmes achètent pour près de 40 millions de Français41 ».
28Cet enjeu, perçu dès l’entre-deux-guerres notamment avec les écrits de Marguerite Lamy qui proposent une méthode rationnelle des achats domestiques, est repris au milieu des années 195042. En 1955, l’Union féminine civique et sociale organise ainsi les premières journées de la « Bonne acheteuse » qui ont lieu chaque année dans différentes villes de France43. L’entrée y est gratuite et « la garde des enfants assurée ». Ces journées, qui sont l’occasion de dialogues et/ou de visites avec les commerçants, proposent « quelques orientations d’actions individuelles » centrées sur la compétence (savoir acheter), la cohésion (participer à des « équipes d’acheteuses ») et la maîtrise des achats afin de réfréner « la part des sentiments, des impressions, des impulsions d’origine incertaine et de forme inattendue [qui] est considérable dans nos attitudes et notre conduite » (sic)44. La télévision propose également au début des années 1960 une courte émission (3 minutes), le lundi à 19 h 57. Intitulée « Jeanne achète », celle-ci se présente sous la forme de « dessins animés » (sic) et porte sur des produits (textiles, machines à laver, etc.) et sur les procédés de vente (démarchage, crédit, etc.).
29Précisément, en 1963, l’Union féminine civique et sociale propose, signe des temps, un numéro consacré au crédit à la consommation45. Ses recommandations portent sur l’acquisition des trois « savoirs » : savoir réfléchir, savoir calculer et savoir informer. L’association insiste ainsi sur le fait qu’il ne faut recourir au crédit que « s’il est impossible de faire autrement », « si l’objet est utile » et surtout de qualité. Les mensualités ne doivent pas dépasser « 10 % des ressources du ménage » et le crédit doit être sollicité auprès d’un « organisme sérieux » qui offre le meilleur taux. Enfin, l’association se prononce pour l’interdiction du démarchage et pour l’institution d’une centrale des risques.
30Dans tous les cas, jusqu’en février 1966, date de l’application de la réforme des régimes matrimoniaux, les femmes mariées ne peuvent souscrire un crédit sans l’autorisation de leur époux. Toutefois, certains établissements de crédit, conscients de l’importance de ce « nouveau marché », anticipent l’application de la loi. Ainsi en octobre 1965, Radiofiduciaire crée le « crédit express », remboursable en six mois, qui permet à toutes les femmes sans distinction de contrat de mariage de faire une demande de crédit pour l’achat d’un appareil électroménager Philips de moins de 500 francs (plusieurs crédits peuvent être cumulés)46. Hormis cette exception, la signature et donc l’aval de l’époux sont exigés. Aussi la jeune épouse a-t-elle sans doute intérêt à lui faire part de son souhait d’équipement domestique dès leur « installation » (!).
31Les organismes de crédit ne s’y trompent pas mettant systématiquement en avant la jeune ménagère dans leurs documents publicitaires. Passée du statut de « reine de la mayonnaise », titre donné par le journal Le Figaro à la lauréate du concours national d’enseignement ménager de 1949, à celui sans doute plus avantageux de « fée du logis », la jeune épousée semble surtout aspirer à la « cuisine équipée » ou « cuisine américaine47 ». Symbole de la modernisation et de la rationalisation au sein de la sphère domestique venu d’outre-Atlantique, abondamment véhiculée par la presse, la cuisine équipée confère alors à la femme au foyer – le taux d’activité féminine ne repart à la hausse qu’après 1965 – une fonction de « technicienne », comparable, dans la sphère domestique, à celle des jeunes cadres masculins48. Si la cuisine « moderne » paraît alors incarner une sorte d’idéal, ainsi qu’en atteste le premier prix du concours Cetelem en 196149, les aspirations des ménagères et le recours au crédit varient cependant en fonction des catégories socioprofessionnelles et donc des revenus.
B. « Hier, le crédit des pauvres. Aujourd’hui, le crédit des classes moyennes »
32Ce titre d’un article du journal La Croix paru en 1955 résume la qualité des acheteurs à crédit50. Tant les enquêtes du CREDOC sur les budgets familiaux que celles de l’INSEE sur les intentions d’achat des consommateurs confirment que les ménages qui achètent à crédit disposent d’un revenu légèrement supérieur au revenu moyen des Français. En 1956, alors que la majorité des ménages ont des revenus annuels compris entre 4 000 et 7 500 nouveaux francs, les ménages qui achètent à crédit ont des revenus compris entre 7 000 et 11 000 nouveaux francs51. Et cette observation est une constante. En 1965, l’analyse du comportement des ménages par tranche de revenu annuel montre la même tendance. Le pourcentage d’achats à tempérament passe par un maximum pour les ménages dont le revenu annuel est compris entre 6 000 et 15 000 francs, sauf en ce qui concerne les achats de voitures où le maximum est atteint pour les ménages ayant un revenu situé entre 6 et 8 000 francs52. L’achat à crédit est donc le fait des familles ou des couples dont les revenus se situent au-dessus de la moyenne.
33La catégorie socioprofessionnelle influe également sur l’usage du crédit. Les employés, ouvriers et cadres moyens représentent ainsi la majorité des emprunteurs alors que les agriculteurs, les commerçants et artisans sont sous-représentés.
Tableau 8. Répartition des achats à crédit d’appareils ménagers en France par CSP et par types d’appareils en 1958 (en %)
CSP | Répartition globale | Répartition par type d’appareils | ||||||
Population française | Achats à crédit | Réfrigérateurs | Machine à laver | Télévision | ||||
Achats totaux | Achats à crédit | Achats totaux | Achats à crédit | Achats totaux | Achats à crédit | |||
Cadres | 5,5 | 9,4 | 9 | 13,3 | 6 | 10,7 | 2 | 9,4 |
Prof. libérales | 4,4 | 3,3 | 6 | 4,1 | 9 | 4,1 | 12 | 4 |
Agriculteurs | 17,2 | 2,2 | 7 | 1,9 | 8 | 3,8 | 3 | 1,5 |
Employés | 7,9 | 33 | 17 | 32,5 | 10 | 30,6 | 11 | 31,4 |
Commerçants artisans | 13,2 | 8 | 24 | 9,3 | 24 | 11,8 | 27 | 7,4 |
Ouvriers | 29,4 | 33,8 | 27 | 30,2 | 34 | 32,9 | 28 | 39,8 |
Divers | 22,4 | 10,3 | 10 | 8,7 | 9 | 6,1 | 17 | 7 |
Source : Cetelem.
34Avec un tiers des acheteurs à crédit, les employés représentent, compte tenu de leur « poids » dans la société, la première catégorie d’acheteurs à crédit. Outre le fait que l’achat d’un appareil ménager représente encore un effort important par rapport au revenu – un mois de salaire en moyenne pour un réfrigérateur –, ce constat souligne l’influence qu’exercent également la régularité et la suffisance du revenu sur la propension à user du crédit53. Pour un même revenu, les salariés ont ainsi davantage recours au crédit. Avec les ouvriers, les employés forment ainsi les deux tiers des acheteurs à crédit à la fin des années 1950. A contrario, les travailleurs indépendants recourent peu au crédit.
35Dans cette catégorie, les agriculteurs représentent un faible pourcentage d’acheteurs à crédit par rapport à la place qu’ils occupent alors dans la population. Cela tient, non seulement aux conditions de vie encore peu « modernisées » dans les campagnes à la fin des années 1950, mais également à leur tendance à s’endetter davantage pour leur exploitation que pour leur domicile. De même, les commerçants, artisans et professions libérales recourent peu au crédit pour l’équipement domestique qu’ils financent, compte tenu de la dépense que cela représente par rapport à leur revenu, lors de rentrées d’argent par à-coups. Leurs achats à crédit sont ainsi surtout tournés vers l’automobile.
36En effet, comme le montre le tableau supra, les catégories socioprofessionnelles n’ont pas toutes les mêmes priorités en matière d’équipement54. Si pour toutes les catégories, la radio arrive en tête des biens à acquérir, des divergences apparaissent ensuite dans la hiérarchie des besoins. Alors que les industriels, cadres et artisans privilégient l’aspirateur et le réfrigérateur, les ouvriers et les travailleurs agricoles privilégient la machine à laver. De même, pour les ouvriers, la télévision arrive juste derrière la machine à laver alors qu’elle figure en queue de classement pour les industriels, les commerçants ainsi que pour les agriculteurs. Cette hiérarchisation se retrouve dans les achats à crédit. Les employés achètent à crédit plutôt des réfrigérateurs alors que les ouvriers se concentrent surtout sur la machine à laver puis la télévision.
37Ces usages socialement différenciés des biens de consommation ne sont pas sans influence sur la géographie des biens achetés même si d’autres critères, comme le climat, entrent en considération. Dans le Nord et l’Est de la France, régions industrielles où les ouvriers sont nombreux, la machine à laver arrive en tête des biens achetés tout comme la télévision. La machine à laver domine également dans l’Ouest et le Nord-Ouest où elle dépasse le réfrigérateur. A contrario, l’aspirateur n’arrive qu’au quatrième rang dans le Nord et dans le Midi méditerranéen. Dans cette dernière région, l’achat de réfrigérateurs domine, sans doute pour garder le pastis au frais ! Quant à la radio, plébiscitée par toutes les catégories socioprofessionnelles, elle arrive en tête dans toutes les régions55.
38Ainsi aux critères d’âge et de revenu, il faut ajouter celui du lieu de résidence. En effet, les achats à crédit se révèlent être avant tout le fait de citadins qui vivent dans des régions urbanisées et industrielles.
C. Le crédit à la consommation : un crédit de citadins
39La proportion du nombre d’achats à crédit par rapport au nombre d’achats total croît avec la taille de la commune. Les ménages recourent ainsi beaucoup plus facilement au crédit s’ils habitent la ville que la campagne et a fortiori une grande ville.
Tableau 9. Crédit à la consommation et lieu d’habitation (1959)
Proportion du nombre d’achats à tempérament par rapport au nombre total d’achats de biens durables selon la catégorie des communes | ||||
Taille des communes (nombre d’habitants) | Ensemble biens durables (en %) | Automobiles (en %) | Confort ménager (en %) | Deux-roues (en %) |
Communes rurales | 17 | 22 | 30 | 27 |
10 000 habitants | 22 | 21 | 35 | 32 |
10 000 à 100 000 | 26 | 30 | 31 | 41 |
100 000 et plus | 25 | 28 | 34 | 50 |
Paris et banlieue | 27 | 31 | 39 | 55 |
Source : M. Drancourt, Une force inconnue. Le crédit, Paris, Hachette, 1961, p. 53.
40Parmi les régions où l’achat à crédit est le plus répandu figurent Paris et sa banlieue, qui occupent une place exceptionnelle, puis les régions fortement urbanisées et industrielles du Nord et de l’Est, plus particulièrement la Lorraine.
41Cette géographie générale du crédit recoupe celle observée par le Cetelem. Dans sa comparaison entre le nombre de foyers et le nombre de crédits Cetelem, l’établissement note une nette ligne de partage56. Cette ligne part du Mont-Saint-Michel passe à Avallon et atteint Arles. Presque tous les départements situés à l’est de la ligne (sauf la Gironde, la Loire-Atlantique et l’Indre-et-Loire) affichent des taux de crédit Cetelem par foyer supérieurs à 21 % avec des départements, en particulier ceux des régions citées supra (Paris, Nord, Lorraine mais aussi Midi méditerranéen), présentant des taux supérieurs à 30 %. Ce recours différencié au crédit en fonction du lieu de résidence s’explique par plusieurs facteurs.
42Le premier est lié à la disparité des niveaux de vie entre régions. Ainsi, pour appréhender l’évolution spatiale de ces crédits, et sans doute également déterminer sa politique d’implantation régionale, le Cetelem utilise l’indice Nicolas. Il compare ce dernier aux crédits qu’il accorde. L’indice Nicolas, du nom de son inventeur, Paul Nicolas, correspond à l’indice de richesse vive ou IRV57. Cet indice prend en compte deux éléments, l’importance de la population (P) et la « richesse qui vit » c’est-à-dire, selon Paul Nicolas, les revenus qui ne sont ni thésaurisés, ni épargnés, ni affectés à des dépenses incompressibles (R). Lorsque l’indice de richesse vive (R/P) est supérieur à 1 pour une localité (ou une région) donnée cela signifie qu’elle bénéficie d’un IRV moyen par habitant supérieur à la moyenne nationale et le contraire si ce dernier est inférieur à 1. Pour 1958, le Cetelem note que les trois régions qui lui apportent la majorité de sa clientèle – Paris et sa banlieue, le Nord et l’Est – sont aussi celles où l’indice de richesse vive est le plus élevé.
43Dans un article paru en 1955, un géographe, Abel Chatelain, mène une étude de la répartition de la richesse des populations en France fondée sur quatre critères : le montant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, critère assez classique, l’achat d’automobiles neuves de tourisme, signe selon lui d’une certaine « aisance », le nombre de postes récepteurs de TSF et le nombre d’abonnés au téléphone58. Pour tous ces critères, l’analyse montre clairement la même ligne de partage que celle évoquée supra pour les achats à crédit. À l’est de la ligne Mont-Saint-Michel – Avallon – Arles, les régions apparaissent plus riches que la moyenne nationale avec, au premier plan, la région parisienne regroupant les trois départements de la Seine, de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne59.
44Outre cette disparité des niveaux de vie entre régions, le second critère discriminant pour les achats à crédit est lié aux conditions de logement. Ainsi, les régions où l’on recourt le plus au crédit sont celles où l’on construit le plus de nouveaux logements, soit les régions les plus urbanisées. L’urbanisation grandissante de la France des années 1950 et plus encore 1960, et la construction notamment des grands ensembles, favorisent le recours au crédit. L’accès à un logement doté de normes de confort dit « moderne » (eau courante, électricité, salle de bains, cuisine d’une superficie suffisante pour être « équipée », antenne de télévision), distinctes de l’habitat populaire, incite ses occupants à un nouvel équipement domestique que le crédit rend accessible ainsi que le soulignent des associations ouvrières :
« Les familles sont obligées de faire certaines dépenses qui, sans être vitales, sont imposées par les conditions d’habitation : la machine à laver est d’autant plus indispensable dans un HLM qu’aucune buanderie n’est prévue pour la lessive ; le frigidaire devient une nécessité dans des habitations conçues sans cave ; en l’absence d’équipements collectifs : stade, piscine, jardin d’enfants, maison de la culture, cinéma, la télévision elle-même devient un dérivatif qui assure à certaines heures la tranquillité aux parents. Mais l’argument le plus convaincant reste la vente à crédit : “Achetez maintenant, vous paierez plus tard”, “Avec le crédit, vous paierez sans vous en apercevoir”60 ».
45Au voisinage des familles ayant accès à ces biens s’ajoute en effet la pression des démarcheurs dont le travail de porte-à-porte est facilité par cet habitat groupé. Tout comme pour les corons du nord et de l’est de la France, ceux-ci arpentent les couloirs des grands ensembles. D’aucuns, en particulier les intellectuels catholiques, dénoncent avec vigueur ces pratiques. Dans Témoignage chrétien paru le 8 mars 1963, Pierre Belleville, dans un article qu’il consacre au « Crédit, asservissement des temps modernes », établit un lien étroit entre nouveau logement et endettement individuel :
« Mais parlons tout de même de vie sociale. Si les besoins sont mal compris, si les traites de fin de mois s’accumulent, ne serait-ce pas par hasard, parce qu’aucun effort n’a été fait pour organiser socialement l’accès au confort. Les grands ensembles ne manquent pas seulement d’écoles et de centres sociaux. Ils manquent, par exemple, des équipements collectifs qui auraient permis d’éviter certains investissements individuels. Ils manquent de centres d’équipements ménagers où l’on puisse se renseigner, demander des conseils, réunir les éléments d’un choix réel61 ».
46De fait en Europe du Nord, en Suède par exemple, l’habitat collectif nouvellement construit est doté d’équipements collectifs, notamment de buanderie ce qui évite l’achat individuel de machine à laver. Pour autant, les jeunes ménages français des classes moyennes sont-ils plus endettés que leurs homologues européens ? L’essor des achats à crédit en France au début des années 1960 représente-t-il un danger pour le budget familial ?
III. Faible endettement et retard d’équipement
47Dans son roman Roses à crédit paru en 1959, Elsa Triolet fait de son héroïne Martine une victime de la société de consommation naissante62. Confondant confort et bonheur, celle-ci se laisse aller aux achats compulsifs, s’endette et finit par perdre son mari – Daniel, passionné de roses – et enfin, la vie. Cette vision noire car critique est loin de correspondre à la situation réelle. Jeune, appelé à connaître une évolution de carrière et donc une élévation de ses revenus, l’acheteur à crédit français se caractérise par sa solvabilité. En effet, si dès la relance du crédit à la consommation initiée par Robert Buron en 1953, un dispositif de contrôle de l’endettement des emprunteurs est envisagé, ce dispositif ainsi que ceux proposés ultérieurement restent lettre morte. Car, comparé aux autres Européens, l’endettement des Français reste limité.
A. Le projet de « carte personnelle de crédit » : normes de consommation et normes d’endettement
« À une échéance plus lointaine, et si le crédit à la consommation devait prendre en France une importance plus grande, on pourrait imaginer un système de cartes d’acheteurs, combiné à la carte d’identité (comme on a parfois pensé à le faire pour la carte d’identité fiscale), permettant de suivre les engagements pris par chaque individu, tant pour protéger l’organisme prêteur contre les risques d’impayés que pour préserver l’acquéreur d’achats effectués imprudemment, sans tenir compte de sa capacité d’épargne63 ».
48Évoquée dans une note sur le crédit à la consommation de 1953 dans le cadre du « plan Buron », l’idée d’une « carte d’acheteur » destinée à protéger notamment les emprunteurs demeure sans écho pendant plus d’une décennie. En effet, si le projet d’une centrale des risques est discuté en 1957, pour limiter les risques des prêteurs, celui d’une protection des emprunteurs contre un endettement excessif, pendant de la centrale, ne ressurgit qu’en 1964 à la faveur de l’expansion du crédit à la consommation64.
49Cette année là, le député UNR de Seine-et-Marne, Guy Rabourdin dépose une proposition de loi portant réglementation du crédit à la consommation des particuliers par l’institution de « ratios d’engagements » et la possession d’une « carte personnelle de crédit65 ».
50Présentée comme une mesure de « protection sociale », cette proposition de loi se veut aussi « une arme économique ». Le ratio d’engagement, compris comme le rapport entre le revenu des particuliers, compte tenu du nombre de personnes à charge, et le montant mensuel des crédits contractés, est ainsi comparé au coefficient de trésorerie imposé aux banques en 1960. La proposition prévoit ainsi que tout octroi d’un crédit est subordonné à la présentation de cette « carte personnelle » où doit être inscrit le montant des engagements mensuels de l’emprunteur. Pour les salariés, la délivrance de ces cartes est dévolue à l’employeur qui doit y indiquer le montant de salaire mensuel augmenté des diverses indemnités et allocations familiales66. C’est également ce dernier qui doit faire parvenir à la banque les documents liés à la domiciliation du salaire afin de garantir le paiement des échéances.
51Déposée pour la première fois en janvier 1964, mais non retenue, cette proposition de loi revient de façon récurrente devant la Commission des finances jusqu’au début des années 197067. Sous couvert de « protection sociale », elle n’est pas sans traduire une vision normative à la fois des usages du crédit à la consommation et de la solvabilité des emprunteurs :
« […] ce qui est plus grave, c’est que le consommateur prétend tout posséder plus vite et tout ensemble : c’est la voiture, puis le logement, prétention normale certes, puis les appareils ménagers, la télévision et jusqu’aux vêtements que l’on vend à tempérament.
Le résultat est celui-ci : c’est que la famille (de 2 enfants par exemple) dont le revenu mensuel moyen est de 1 200 francs a pris des engagements mensuels qui atteignent souvent 300 à 500 francs ».
52Ainsi, au milieu des années 1960, la télévision est encore perçue par certains comme un bien superflu et la norme d’endettement maximum estimée commence, pour les plus critiques à l’égard du crédit, à 25 % des revenus mensuels.
53La proposition de loi révèle également un paternalisme avéré à l’égard des consommateurs. Considérés comme imprévoyants ou ignorants, la deuxième caractéristique pouvant expliquer la première, ces derniers sont assujettis au contrôle de l’employeur. Par la détention de la « carte personnelle de crédit » et l’accord de domiciliation du salaire en banque, ce dernier se voit en effet attribuer un rôle clé dans la prévention d’un endettement potentiellement excessif. Cette « mise en fiche » et surveillance des modes de vie des emprunteurs-salariés, dans une société où la salarisation se généralise, n’est pas sans rappeler le contrôle qui s’exerçait sur les ouvriers au xixe siècle68.
54À cette vision normative et paternaliste s’ajoute également le souhait de rationner le crédit à la consommation dont « l’expansion inconsidérée » est mentionnée à plusieurs reprises dans l’exposé des motifs. Cette volonté politique de restreindre l’usage du crédit et d’imposer des normes de consommation et d’endettement, qui émane ici d’un parti de droite, n’est toutefois pas entendue, tant par les autorités financières, que par la Chambre de commerce de Paris. Sollicité sur ce point par le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque de France, Jacques Brunet rejette toute intervention en ce sens :
« J’ai l’honneur de vous faire savoir que l’adoption des mesures envisagées par l’honorable parlementaire supposerait en premier lieu la mise en place d’une importante organisation à défaut de laquelle le système envisagé n’aurait guère d’efficacité. Elle obligerait, en second lieu, à retenir le principe d’une limitation individuelle des engagements pris par les particuliers qui se heurteraient sans doute à certaines objections touchant à l’exercice des libertés publiques et aux conditions de fonctionnement des établissements de crédit69 ».
55Évoquant des « restrictions à la liberté des particuliers dans leur comportement de consommateur » et de « nouvelles sujétions administratives pour les entreprises », la Chambre de commerce de Paris adopte la même position, jugeant cette proposition « disproportionnée et inutile70 ».
56En effet, même si la connaissance statistique du crédit à la consommation demeure encore imparfaite, l’endettement des Français apparaît limité et l’inquiétude d’un endettement excessif généralisé fantasmée.
B. Un endettement limité malgré une tendance à la hausse
57Combien les Français dépensent-ils pour leurs achats à crédit et quelle part de leur revenu disponible cela représente-t-il ?
58Cette question n’est pas sans poser au préalable la question du recensement du crédit à la consommation. Les mesures réglementaires adoptées en juillet 1954 font que les premières statistiques sont publiées en 1955. Mais ces statistiques ne concernent que les ventes à tempérament financées par les organismes bancaires enregistrés par le Conseil national du crédit71. Les prêts personnels des banques, accordés depuis 1959, ainsi que l’ensemble des crédits à la consommation qui émane du secteur commercial, ne sont pas recensés.
59En 1963, face au développement du crédit à la consommation et confrontée à cette lacune statistique, la Direction du service des banques et des établissements financiers de la Banque de France suggère la création d’une « centrale de l’endettement des particuliers » qui inclurait, non seulement l’ensemble des crédits à la consommation, mais aussi les crédits au logement72. Rappelant que « dans l’économie de bien-être à laquelle tous les Français aspirent », le « crédit aux ménages » apparaît « de plus en plus comme l’un des instruments propres à le réaliser », la Direction des banques souligne l’intérêt qu’il y aurait pour la Banque à faire évoluer les statistiques pour mieux appréhender cette évolution.
60Elle s’inscrit en cela dans la continuité des travaux menés par les Allemands dans ce domaine73. Analysant la nouvelle statistique trimestrielle allemande mise en place en janvier 1963 par la Deutsche Bundesbank, elle note le progrès que représentent l’accès à une ventilation par modalités de financement incluant les nouveaux prêts personnels créés en 1962 (Anschaffungs-darlehen), d’une part, et la ventilation des crédits, non plus seulement en fonction de l’objet financé, mais aussi en fonction de la qualité du bénéficiaire, d’autre part74. Souhaitant appréhender l’endettement des particuliers, c’est précisément sur la ventilation en fonction de la qualité du bénéficiaire que propose le modèle allemand, c’est-à-dire intuitu personae, et non sur l’objet de la dépense financé, qui fonde alors la distinction des statistiques françaises au sein des ventes à tempérament (équipement professionnel/crédit aux particuliers), que la Direction insiste. Mais ce vœu reste pieux, la statistique française incluant les prêts personnels accordés par les banques que dix ans après les Allemands, en 197275.
61Sans doute le faible empressement français à améliorer l’instrument statistique sur le niveau d’endettement des particuliers résulte-t-il de la modestie de ce dernier. Les chiffres fournis, même approximatifs, révèlent en effet un endettement limité.
62Un dirigeant du Cetelem se plaît à souligner, non sans arrière-pensées, que la production de nouveaux crédits à la consommation, qui atteint 740 millions de NF en 1960, apparaît presque dérisoire dans un pays où les consommateurs dépensent alors annuellement près de 1 830 millions à la Loterie nationale ou au PMU, 2 900 millions pour le tabac et 10 milliards pour les boissons alcoolisées (sic)76. De même, entre 1964 et 1965, le montant des crédits nouveaux à la consommation s’élève à 317 millions de francs, en augmentation de 8 % alors que la hausse des salaires atteint 10 % représentant un gain net de près de 20 milliards de francs, soit 70 fois plus que l’augmentation des encours de crédit77. Ainsi, entre 1959 et 1964, le rapport entre le revenu disponible et le volume des crédits à la consommation en cours progresse, mais faiblement, passant de 0,74 % à 1,31 %78.
63L’endettement des ménages est alors, comme aujourd’hui, majoritairement constitué par les emprunts immobiliers qui représentent plus de 90 % de cet endettement. En 1958, l’encours de crédit à la consommation des particuliers s’élève ainsi à 94 milliards d’anciens francs contre 1 200 milliards pour les emprunts immobiliers79. Malgré un essor réel dans la première moitié des années 1960, en 1963 la part des crédits à la consommation dans les crédits à l’économie atteint son maximum avec 2,1 %, l’expansion de ce crédit demeure donc limitée. Ce constat ne fait que se confirmer si l’on compare la situation française avec celle des principaux pays européens.
64Le tableau 10 sur le niveau comparé de l’endettement moyen par habitant en Allemagne de l’Ouest, France, Grande-Bretagne et États-Unis montre en effet que la France figure parmi les pays où le niveau moyen de dette est le plus faible80. À cet égard, il faut noter la différence de niveau, dans un rapport de 1 à 10 environ, entre le niveau d’endettement américain et le niveau européen. Même en Grande-Bretagne où le crédit à la consommation a connu un développement précoce sous l’impulsion de l’industrialisation et de l’intérêt que les sociétés financières ont manifesté pour ce crédit, à travers notamment les pratiques de ventes à l’abonnement (vouchers) ou de location-vente (hire-purchasing), le niveau d’endettement n’est pas du même ordre de grandeur qu’outre-Atlantique81. Cette différence mérite d’être soulignée, car, alors que le développement de ce crédit aux États-Unis a longtemps été considéré comme un modèle par quelques contemporains soucieux d’acclimater les Européens à l’endettement, il apparaît que la situation américaine est moins un modèle appelé à se généraliser qu’un cas particulier82.
65Comparés à leurs homologues européens et bien sûr américains, les Français apparaissent donc comme les moins endettés même si une hausse est perceptible et qu’un certain rattrapage s’effectue dans la première moitié des années 1960.
Tableau 10. Endettement comparé par habitant (en francs)
1962 | 1965 | |
France | 97 | 154 (a) |
RFA | 161 | 163 |
Royaume-Uni | 161 | 212 |
États-Unis | 994 | 1037 |
Source : Rapports du Conseil national du crédit pour les années citées.
66Plusieurs facteurs expliquent cet endettement limité des Français. Premièrement, d’une manière générale, même si les achats de biens durables sont multipliés par trois de 1955 à 1963, le poids relatif de ces dépenses dans le budget des ménages pour les deux grands groupes de biens pouvant être achetés à tempérament, les biens électroménagers et les véhicules, demeure relativement faible83. En 1958, celui-ci représente moins de 6 % des dépenses totales de consommation. À titre de comparaison, la dépense pour la consommation de viande représente alors plus de 10 % du budget total. Ainsi, même si le niveau de vie des Français s’élève – de 1950 à 1958 les dépenses de consommation consacrées à l’alimentation et aux boissons passent de 47 % à 42,7 % du total – il apparaît que pour les familles nombreuses qui empruntent pour acheter des biens durables, le poste de dépenses qu’elles compriment pour rembourser leurs dettes est bien celui de l’alimentation encore prégnant84.
67À cette structure du budget familial qui limite les achats de biens durables en général, et à crédit en particulier, s’ajoute la prudence des établissements prêteurs qui limite de facto l’endettement des particuliers. Les normes d’endettement fixées par les organismes de crédit varient alors de 15 %, pour les crédits octroyés par les établissements spécialisés comme le Cetelem, à 20-25 % pour les prêts personnels accordés par les banques. Ces plafonds sont relativement bas si on les compare à ceux admis dès la fin des années 1980 (33 % des revenus disponibles). D’autre part, il faut souligner que ces plafonds d’endettement sont également fonction des revenus des emprunteurs. « On ne prête qu’aux riches ». Sans revenir sur l’usage généralisé de cette maxime (sic), le pourcentage d’endettement recommandé, tant par les prêteurs que par les usagers du crédit (associations notamment comme l’Union féminine civique et sociale)85, varie en fonction des ressources.
Tableau 11. Pourcentage mensuel d’endettement prescrit (1966)
Revenu mensuel | Pourcentage |
400 francs | 10 % |
400 à 600 francs | 15 % |
600 à 1 000 francs | 20 % |
Plus de 1 000 francs | 25 % |
Source : C.-P. Meslier, Tout à crédit, op. cit., p. 28.
68Ainsi, le Cetelem, dont la clientèle est composée à 70 % d’ouvriers et d’employés, retient une limite de 15 % des revenus pour les crédits affectés alors que les banques, qui proposent des prêts personnels principalement pour une clientèle de cadres, admettent un plafond de 20 à 25 %. Comme il a été vu supra à propos du profil type de l’acheteur à crédit, cette politique favorise incontestablement les classes moyennes, les familles dont les revenus se situent au-dessus de la moyenne, dans l’accès au crédit à la consommation d’origine bancaire.
69D’une manière générale, la hausse des revenus favorise le recours au crédit. Ainsi, si l’endettement par habitant est limité en France, on observe un certain rattrapage dans la première moitié des années 1960. Trois facteurs expliquent ce rattrapage. Outre l’évolution économique (hausse du niveau de vie), joue également l’évolution démographique et urbaine. Protégées par l’État-providence depuis leur naissance, confiantes dans les perspectives de leur « carrière », les nouvelles générations font fi des prescriptions moralisatrices et conservatrices vantant les vertus de l’épargne qui pouvaient freiner leurs aînés dans leur désir d’achat à crédit. D’autre part, celles-ci vivent désormais majoritairement dans des villes moyennes ou grandes où la construction de logements neufs se multiplie.
70Ce rôle de la politique du logement dans l’évolution du crédit à la consommation est à souligner. Celle-ci constitue un effet de levier à double titre. Par les nouvelles normes d’habitation qu’imposent les logements neufs, cette politique encourage l’achat à crédit, non seulement de biens électroménagers pour équiper le logement, mais aussi de voitures pour rompre l’isolement d’habitations souvent édifiées à la périphérie des villes insuffisamment desservie par les transports collectifs. Par l’encouragement systématique à l’accession à la propriété, elle constitue également un des vecteurs essentiels de diffusion et d’enracinement de l’usage du crédit dans les pratiques des ménages.
71Encouragé et légitimé par les pouvoirs publics afin de soulager les dépenses de l’État dans ce domaine, le crédit immobilier est en effet la première pratique d’endettement généralisée avec laquelle les Français se familiarisent. La généralisation de la copropriété et les aides publiques au logement tournées vers les classes moyennes font de ce crédit le fer de lance de l’endettement des ménages. La Compagnie bancaire ne s’y trompe pas, proposant dans ses bureaux communs aux quatre sociétés qui la composent, à la fois du crédit au logement (Union de crédit pour le bâtiment, Compagnie française d’épargne et de crédit) et du crédit à la consommation (Cetelem).
72Néanmoins, malgré cette croissance de l’endettement des Français qui tend à rapprocher ce dernier du niveau des autres pays européens au milieu des années 1960, un écart substantiel demeure. Cet écart explique en partie le retard d’équipement des ménages.
C. Le retard de l’équipement domestique français
73En effet, alors qu’en 1962, 78 % des ménages britanniques ont la télévision, ils ne sont que 25 % en France. Il en est de même pour les aspirateurs, 71 % des ménages britanniques en possèdent un contre 32 % pour les Français ainsi que pour les machines à laver, 43 % contre 31 %86. En 1964, même si les taux d’équipement ont progressé, le retard français perdure. Seule l’Italie affiche des résultats moins bons87.
74Une des causes de ce retard hexagonal réside dans ce que l’on peut appeler les obstacles « matériels » que constituent en particulier le logement et la fourniture d’électricité.
75Même si les besoins demeurent importants au lendemain du rapatriement d’un million de Français d’Algérie, l’accès au premier s’améliore. Il en est autrement pour l’accès à l’énergie électrique. Indispensable pour la diffusion des biens électroménagers, cet accès est insuffisant. Lors de l’élaboration du IVe Plan de modernisation et d’équipement, Électricité de France se voit ainsi assigner des objectifs pour que la consommation d’électricité à usage domestique s’accroisse afin de se rapprocher du niveau enregistré par les pays voisins. En 1959, la consommation d’électricité domestique par abonné en France est en effet deux fois moindre qu’aux Pays-Bas ou en Allemagne, quatre fois moindre qu’en Suède et en Grande-Bretagne et six fois moindre qu’en Suisse88. Cet écart important résulte principalement du fait que la part de l’électricité dans l’ensemble des formes d’énergie utilisée est encore relativement faible en France. Le gaz et plus encore le charbon y sont encore largement employés89. Ainsi, le nombre d’appareils électriques de cuisine pour cent abonnés atteint 59 en Suisse alors qu’il n’est que de 4,8 en France.
Tableau 12. Taux comparés d’équipement ménager (1964)
Italie | France | Grande-Bretagne | Allemagne | États-Unis (1962) | |
Réfrigérateur | 33 % | 52 % | 35 % | 64 % | 98 % |
Machine à laver | 17 % | 38 % | 53 % | 50 % | 95 % |
Télévision | 34 % | 40 % | 80 % | 55 % | 87 % |
Source : CIEC, 1962 et archives Cetelem.
76Aussi est-ce pour remédier à cette situation que le Commissariat général au Plan demande à EDF de lancer une « politique commerciale plus dynamique ». Cette demande s’inscrit dans le cadre du Marché commun et de la nécessité pour les industries françaises de biens électroménagers « de s’appuyer sur un large marché intérieur afin d’être en mesure de faire face à la concurrence étrangère et d’aborder eux-mêmes la compétition sur les marchés extérieurs90 ». Afin de tenir ces objectifs, les services financiers d’EDF se tournent vers la Banque de France. Leur demande vise à faire inclure les frais d’installation des appareils ménagers dans le montant des crédits accordés aux particuliers. Si cette demande de l’entreprise nationale reçoit l’agrément du Comité des banques et établissements financiers en mai 1962, la direction de la Banque s’y oppose catégoriquement91. C’est sur ses propres deniers qu’EDF lance ainsi l’opération « compteur bleu », visant à doter chaque foyer urbain d’une puissance électrique suffisante, en 196392. Au-delà du cas particulier que représente le financement des frais d’installation des branchements électriques, cette prise de position de la Banque n’est pas sans intérêt dans l’analyse des causes du faible endettement des Français et donc du développement limité du crédit à la consommation.
77Car un autre obstacle à la diffusion du confort ménager sur lequel il convient de s’interroger est l’offre de crédit. Il apparaît ainsi symptomatique qu’en Europe, seule l’Italie ait un niveau global d’équipement inférieur à la France. L’offre de crédit à la consommation y est encore peu organisée. Pour le cas français, il convient davantage de s’interroger sur la politique menée par la Banque de France en matière de crédit à la consommation.
78En effet, si celle-ci adopte, comme en 1959-1960, des mesures favorables à son expansion, cette politique traduit-elle véritablement une « conversion » ou bien une simple aide conjoncturelle aux industries nationales les plus dépendantes de ce crédit et les plus exposées à la concurrence européenne ? D’autre part, en dehors de la politique de contrôle quantitatif, quel rôle joue le coût de ce crédit dans la faiblesse de l’endettement des Français au titre de la consommation ? Incriminé de façon récurrente, tant par les autorités financières que par les acteurs sociaux, dans quelle mesure représente-t-il pour les particuliers un frein réel à l’endettement ?
Notes de bas de page
1 Il s’agit des encours totaux de crédit destinés au financement des véhicules particuliers (voitures neuves et voitures d’occasion). La part des voitures d’occasion dans le total est de 50 % environ, cf. Rapports annuels du CNC pour les années citées.
2 Cf. chapitre I supra et P. Fridenson, « French Automobile Marketing, 1890-1979 », art. cité, p. 145.
3 Cf. chapitre I supra, « Durant l’Occupation, 1 178 voitures neuves sont vendues en tout et pour tout en France, 15 596 étant livrées aux troupes allemandes. C’est dire l’inexistence du marché automobile français, donc la disparition d’un marché de consommation », J.-L. Loubet, « Quelle place pour l’automobile ? », dans S. Effosse, M. de Ferrière le Vayer et H. Joly, Les entreprises de biens de consommation sous l’Occupation, op. cit., p. 319-331.
4 S. Effosse, « Investir ou consommer ? L’opposition entre la voiture et le logement en France au temps des Trente Glorieuses », art. cité.
5 P. Fridenson, Histoire des usines Renault, t. 1, op. cit., p. 145 et 173-174 et « French Automobile Marketing, 1890-1979 », art. cité.
6 ABDF 1427200301/314, dossier sur le financement des ventes à tempérament en Belgique.
7 ABDF 1370198301/5, « Le crédit à la consommation en France et en Allemagne », 22 juin 1964 ; B. Stücker, « Konsum auf Kredit in der Bundesrepublik », art. cité. Notons que dans les années 1950 en RFA, les Caisses d’épargne, un des prêteurs majeurs du crédit à la consommation avec 20 % des parts de marché de ce secteur en 1956, lancent le slogan « Épargnez d’abord, conduisez ensuite », R. Belvederesi-Kochs, « Moral or Modern Marketing ? Sparkassen and Consumer Credit in West Germany », art. cité.
8 ABDF 1427200301/318, note sur l’organisation du crédit à la consommation en Grande-Bretagne, 26 septembre 1968.
9 H. Durand, L’Abondance à crédit, op. cit., p. 11.
10 A contrario, la machine à laver est un marché non saisonnier.
11 Ces crédits représentent 20 % des encours en 1955 et 21,5 % en 1965 après un pic à 26 % en 1960.
12 Archives Cetelem, L’Officiel du froid, VIes Journées internationales d’études du Salon des arts ménagers, n° 157, mai 1966, vol. XXXV.
13 De la 4 CV à la vidéo, op. cit.
14 Le Cetelem note qu’avec la baisse des prix « la proportion des achats faits à crédit a baissé de moitié entre 1961 et 1964 », rapport annuel pour l’année 1964, p. 8.
15 Archives Cetelem, « La vente à crédit des matériels ménagers en France », 1965.
16 I. Gaillard, La télévision, op. cit., p. 85-87 et p. 103-110 et « Télévisions et crédit à la consommation : une approche comparative France-RFA, 1950-1970 », Entreprises et Histoire, art. cité.
17 Cf. rapport annuel du CNC pour les années citées.
18 G. Perec, Les Choses. Une histoire des années soixante, 1990 (1re éd. 1965), Pocket, p. 15 et 24.
19 G. Perec, Les Choses..., op. cit., p. 156.
20 La Vie française, 5 février 1954, « Pour ou contre le crédit à la consommation », article cité de R. Sédillot.
21 H. Durand, L’Abondance à crédit, op. cit., p. 4
22 De la 4 CV à la vidéo, op. cit., p. 174.
23 Sofinco, Les 50 années qui ont changé la France, op. cit., p. 43. En 1958, la part des meubles achetés à crédit est de 16 %.
24 Rapports annuels du CNC pour les années considérées. En 1965, la part des crédits meubles représente 9 % de l’encours des crédits à la consommation des particuliers.
25 ABDF 1370198301/5, « Le crédit à la consommation en France et Allemagne », note citée.
26 La décision de la Banque de France de décembre 1960, reprenant les prescriptions du Code de la route, précise que les caravanes neuves sont assimilées aux voitures neuves lorsqu’elles peuvent être immatriculées, soit lorsqu’elles ont un poids minimum de 750 kg. Dans le cas contraire, elles sont assimilées au matériel de camping, ABDF 1357200901/84.
27 Études et conjoncture, octobre 1965 cité dans « Le comportement du consommateur à l’égard du crédit à la consommation » par Mme Niaudet (secrétaire général du CREDOC), Revue de l’IAE, Le crédit à la consommation, n° 28, 1966, dans ABDF 1357200901/78.
28 J.-P. Rioux, « L’évolution de la consommation », dans J. Marseille (dir.), Puissance et faiblesses de la France industrielle, XIXe-XXe siècles, op. cit., p. 269.
29 P. Vergnes, « Le crédit à la consommation et son financement bancaire », Revue de l’IAE, Le crédit à la consommation, n° 28, 1966, dans ABDF 1357200901/78.
30 M. Guillot, « Le crédit à la consommation dans les budgets familiaux », Consommation, n° 4, 1958, p. 50 et E. Fesneau, Le poste à transistors à la conquête de la France, op. cit.
31 Notons qu’il s’agit des crédits recensés par le CNC, c’est-à-dire des crédits d’origine bancaire (établissements financiers enregistrés). Pour les autres sources de crédit à la consommation (Unions économiques et commerçants), la majeure partie des crédits accordés concerne le secteur textile, autre secteur majeur de l’industrie française à l’époque considérée.
32 Archives Cetelem, note citée pour M. Krafft, du 22 décembre 1959.
33 H. Durand, L’Abondance à crédit, op. cit., p. 7 (et p. 91 pour le titre de ce grand II) .
34 Cf. chapitre IV supra.
35 Exposé des motifs de la proposition de loi « portant réglementation du crédit à la consommation des particuliers par l’institution de « ratios d’engagements » et la possession d’une carte personnelle de crédit », présentée par M. Rabourdin, Assemblée nationale, annexe au procès-verbal de la séance du 19 juillet 1968, dans ABDF 1370198301/4.
36 Enquête citée par H. Durand, op. cit., p. 91-92.
37 Ibid. Cette formule de 1961 préfigure celle plus radicale de 1968 « Jouissez d’abord, vous paierez ensuite », citée dans J.-P. Rioux, « L’évolution de la consommation », art. cit., p. 260.
38 En 1958, 57 % des achats à crédit sont faits par des acheteurs ayant un enfant ou plus. La composition de la famille influe sur l’achat à crédit : les ménages ayant trois enfants ou plus représentent 10 % de la population française, mais 21 % des acheteurs à crédit, M. Drancourt, Une force inconnue, le crédit, op. cit., p. 48-49.
39 Union féminine civique et sociale, « La Femme acheteuse et la Vie économique », fiches documents d’Action sociale et civique, n° 6, avril-juin, 1961 et n° 23, juillet-septembre, 1965 et R. Pulju, Women and Mass Consumer Society in Postwar France, op. cit.
40 Il faut attendre la réforme des régimes matrimoniaux en juillet 1965 (appliquée au 1er février 1966) pour que la femme mariée soit libre d’ouvrir un compte bancaire et de souscrire un crédit sans l’autorisation de son mari.
41 Union féminine civique et sociale, « La Femme acheteuse et la Vie économique », n° 6, avril-juin, 1961, art. cité, p. 41.
42 M. Lamy (diplômée d’enseignement ménager de la ville de Paris), Bien acheter pour mieux vivre, Paris, Dunod, 1932 dans C. Leymonerie, Des formes à consommer, thèse citée chapitre II.
43 Union féminine civique et sociale, « La Femme acheteuse et la Vie économique », n° 6, 1961, art. cité.
44 Ibid., p. 38.
45 Union féminine civique et sociale, « Le crédit à la consommation », Fiches documentaires d’action sociale et civique, n° 14, avril-mai 1963.
46 C.-P. Meslier, Tout à crédit, op. cit., p. 168-169.
47 C. Duchen, « Occupation Housewife : the Domestic Ideal in 1950’s France », French Cultural Studies, 2, 1991, p. 1-11 ; R. I. Jobs, « Travailleuses familiales et fées du logis. Les jeunes femmes comme agents de modernisation dans la France de l’après-guerre », dans L. Bantigny et I. Jablonka, Jeunesse oblige. Histoire des jeunes en France XIXe-XXIe siècles, Paris, PUF, 2009, p. 137-151 et R. J. Pulju, Women and Mass Consumer Society in Postwar France, op. cit.
48 R. Oldenziel and K. Zachmann (eds), Cold War Kitchen. Americanization, Technology and European Users, MIT, Cambridge, London, 2009. Entre 1962 et 1975, le taux d’activité féminine en France progresse de 33,4 % à 38,7 %.
49 Cf. chapitre VII supra.
50 La Croix, 25 mai 1955, dossier de presse FNSP.
51 M. Guillot, « Le crédit à la consommation dans les budgets familiaux », Consommation, n° 4, oct.-déc. 1958, p. 55.
52 J. Niaudet, « Le comportement du consommateur à l’égard du crédit à la consommation », art. cité, p. 17.
53 En 1959, le revenu moyen annuel par ménage est de 13 250 nouveaux francs, soit 1 104 NF par mois. En 1966, le salaire net mensuel est de 1 362 F, mais un ouvrier gagne en moyenne 753 F, un employé de bureau 802 F et un cadre moyen 1 441 F, Statistiques et études financières et H. Durand, L’Abondance à crédit, op. cit.
54 ABDF 1357200901/87, UNIMAREL, « Qui possède les appareils électrodomestiques et les téléviseurs ? Analyse socioprofessionnelle et géographique des clientèles, 1957-1961 », Paris, février 1962, 27 p.
55 ABDF 1357200901/87, op. cit.
56 Rapport annuel du Cetelem pour l’année 1963.
57 P. Nicolas, rédacteur en chef puis directeur général de la revue Vendre, délégué national des « directeurs commerciaux de France », administrateur du Bureau français pour l’étude de la Distribution, auteur du Marché français paru en 1935, a exposé les fondements de son indice notamment dans la revue Vendre, n° 264 (1952) et numéro spécial d’août 1954.
58 A. Chatelain, « La répartition de la richesse des populations en France », Revue de géographie de Lyon, vol. 30, n° 4, 1955, p. 291-308, disponible sur http://www.persee.fr.
59 Ibid., p. 304.
60 Article de Flash-Regard de février 1969. Flash-Regard est le bulletin ronéotypé du Centre de culture ouvrière de la vallée de la Fensch, au cœur de la Lorraine sidérurgique, qui entend œuvrer au « développement des loisirs et à l’amélioration de toute la vie sociale ». Ces nouvelles normes d’habitat, et par conséquent, de consommation sont observées dès le début des années 1960, cf. sur ce point l’étude sociologique rapportée par G. Noiriel, Les ouvriers dans la société française XIXe-XXe siècle, Paris, Le Seuil, 1986, p. 224 : « Les habitations HLM sont conçues pour des normes de consommation tout autres que celles du quartier populaire antérieur. Dans une enquête effectuée auprès des habitants d’un grand ensemble de la région parisienne, 60 % des ménages estimaient leur mobilier insuffisant et 44 % avaient dû prendre un crédit, juste après leur emménagement, pour s’équiper. Très rapidement, le changement de logement entraîne une restructuration du budget, avec une augmentation des dépenses de loyer, de transport et de remboursement du crédit ».
61 « Le crédit : asservissement des temps modernes » par P. Belleville, Témoignage chrétien, 8 mars 1963.
62 E. Triolet, Roses à crédit, Paris, Gallimard, 1959.
63 Archives communales de Laval, fonds Robert Buron, 19 S 177, note sur le crédit à la consommation du 22 avril 1953.
64 Il faut néanmoins signaler le projet R. Sommade de 1961.
65 Proposition de loi déposée le 29 janvier 1964 dans ABDF 1370198301/4. Notons que d’autres députés UNR comme L. Heitz, député de la Somme, font également pression sur le ministère des Finances en ce sens.
66 Pour les autres catégories, ce rôle est attribué à la direction des Contributions directes ou au percepteur.
67 Le 18 mai 1967 et le 18 juillet 1968. En avril 1970 puis en mars 1971, la proposition est de nouveau présentée par l’UDR mais cette fois par H. Dupont-Fauville, ABDF 1370198301/4 et archives de la CCIP, boîte III, 3, 41 (11), Travaux de la Commission financière et fiscale et de la Commission du commerce intérieur (versées en 2009 aux archives départementales de Paris sous la cote 2 ETP/3/3/41 11) ; cf. également S. Plot Les enjeux d’une mise en risque. La construction du surendettement comme problème public (1989-2010), thèse citée, p. 435-436.
68 Sur le rôle dévolu à l’employeur dans la relation de crédit par la loi du 12 janvier 1895 sur la saisie-arrêt des salaires, A. Albert, « Le crédit à la consommation à la Belle Époque », art. cité, p. 1071-1078.
69 Lettre de J. Brunet au ministre des Finances et des Affaires économiques du 8 mars 1965, ABDF 1357200901/67.
70 Archives de la CCIP, boîte III, 3, 41 (11), Travaux de la Commission financière et fiscale et de la Commission du commerce intérieur (versées en 2009 aux archives départementales de Paris sous la cote 2 ETP/3/3/41 11).
71 Ces statistiques sont effectuées par le canal de la Commission de contrôle des banques.
72 ABDF 1357200901/67, notes de la Direction du service des banques et des établissements financiers, « Statistiques relatives à l’endettement des particuliers », 9 août 1963, et « Mesures envisagées pour obtenir une statistique du crédit aux ménages », 20 août 1963. En 1963, le recensement des financements des crédits relatifs à la construction et à l’acquisition de logements à usage familial n’est pas encore établi.
73 ABDF 1357200901/67, note de la Direction du service des banques et des établissements financiers, « La nouvelle statistique allemande du crédit aux consommateurs », juillet 1963.
74 La nouvelle statistique trimestrielle, die Konsumentenkreditstatistik, s’ajoute depuis le 1er janvier 1963, aux statistiques antérieures mensuelles relatives aux ventes à crédit Teilhzahlungskredite ou Tzk (ventes à crédit financées par les instituts spécialisés) et aux « petits crédits » ou Kleinkredite ou Kk (prêts personnels de petits montants). Elle permet de recenser une nouvelle formule de prêt personnel, Anschaffungs-darlehen ou Ad et de séparer, dans les trois modalités de financement, les crédits destinés à l’équipement professionnel de ceux destinés à la consommation des ménages. Ces statistiques trimestrielles ne recensent pas les crédits « non organisés » des vendeurs. Toutefois, lorsque ces derniers se refinancent auprès des banques, leurs crédits sont recensés dans la statistique mensuelle des ventes à crédit (dont l’équivalent n’existe pas en France). Participent à l’élaboration de la statistique dans l’ordre d’importance des encours au 31 décembre 1962 : les instituts de crédit spécialisés dans le financement des ventes à tempérament (37,9 %), les caisses d’épargne (31,7 %), les banques (17,5 %) et les instituts de crédit du secteur coopératif, industriel, artisanal, commercial, rural (12,9 %), dans ABDF 1357200901/67, note de la Direction du service des banques et des établissements financiers, « La nouvelle statistique allemande du crédit aux consommateurs », juillet 1963.
75 Quant à l’Observatoire de l’endettement des ménages, il n’est créé qu’en 1989.
76 J. Chicoye, « Achats à crédit », art. cité, p. 792.
77 Archives Cetelem, « Bilan d’une politique de réglementation des ventes à crédit : l’exemple français », 24 novembre 1966, 12 p.
78 En 1959, les revenus disponibles des ménages s’élèvent à 185,74 milliards de NF pour un encours de crédit aux particuliers (biens professionnels exclus) de 1,37 milliard de F. En 1964, les ménages français disposent de 306 milliards de F de revenus et les crédits en cours représentent 4,01 milliards de F, H. Durand, L’Abondance à crédit, op. cit., p. 23 et J. Niaudet, « Le comportement du consommateur à l’égard du crédit à la consommation », art. cité, p. 19.
79 J. Chicoye « Achats à crédit », art. cité, p. 790. Notons que les statistiques relatives au recensement des financements du logement sont encore, comme pour les crédits à la consommation, peu précises pour l’époque considérée. Les chiffres cités sont donc à prendre comme des ordres de grandeur.
80 Cf. chapitre VIII supra.
81 S. O’Connell, Credit and Community, op. cit.
82 G. Katona, Aspirations and Affluence : US Western Europe, 1971. Rappelons que les pionniers du Cetelem, en particulier Boris Méra, ont fait de nombreuses missions aux États-Unis dans les années 1950, cf. chapitre III supra. Sur la singularité du modèle américain concernant la diffusion du crédit à la consommation, J. Logemann, « Different Paths to Mass Consumption : Consumer Credit in the United States and West Germany during the 1950s and ‘60s », art. cité ; « Americanization through Credit ? Consumer Credit in Germany, 1860s-1960s » et « From Cradle to Bankruptcy ? Credit Access and the American Welfare State », dans J. Logemann (ed.), The Development of Consumer Credit in Global Perspective, op. cit., p. 201-219.
83 J. Niaudet, « Le comportement du consommateur à l’égard du crédit à la consommation », art. cité, dans ABDF 1357200901/78.
84 Ibid. et J. Chicoye, « Achats à crédit », Revue de l’action populaire, art. cité, p. 790.
85 Ce pourcentage d’endettement de 10 à 15 % évoqué par les établissements de crédit et certaines associations comme l’UFCS rejoint celui également recommandé par la revue Que Choisir ? quelques années plus tard, en 1971, J. Lazarus, L’Épreuve de l’argent, op. cit., p. 46.
86 Bulletin du Centre d’information et d’étude sur le crédit, 1962. Seul le réfrigérateur est plus diffusé en France qu’en Grande-Bretagne : 37 % contre 22 %.
87 E. Scarpellini, Material Nation : a Consumer’s History of Modern Italy, op. cit.
88 ABDF 1357200901/87, note de la Direction des services financiers et juridiques d’EDF, 13 juin 1962.
89 En 1960, l’électricité ne représente en France que 1 % des consommations à usage domestique (15 % en Suisse, 6 % aux États-Unis et en Suède, 4 % en Grande-Bretagne et 2 % en RFA) contre 73 % pour les combustibles solides (charbon) et 26 % pour les combustibles fluides (gaz), ABDF 1357200901/87, note de la Direction des services financiers et juridiques d’EDF du 13 juin 1962 citée.
90 Note sur le « Financement des frais d’installation d’appareils ménagers », du 2 août 1962 et chapitre VII supra.
91 Lors du Comité des banques et des établissements financiers du 29 mai 1962, ce dernier se déclare favorable à la requête d’EDF, mais en août le gouverneur J. Brunet suspend cette décision en ne la transmettant pas au Conseil national du crédit. Lors de la séance du Comité des banques du 9 novembre 1962, le gouverneur maintient sa décision non sans provoquer un débat animé avec les représentants des établissements financiers, ABDF 1357200901/87.
92 J. Dubois, « La société de consommation électrique », dans H. Morsel (dir.), Histoire de l’électricité en France, t. III : Une œuvre nationale : l’équipement, la croissance de la demande, le nucléaire (1946-1987), Paris, Fayard, 1996, p. 635-673.
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