Chapitre III. Un marché prometteur : les explorateurs du crédit à la consommation
p. 61-77
Texte intégral
1Inopportun et dangereux pour les autorités du crédit, le crédit à la consommation n’en apparaît pas moins comme une « nécessité sociale » selon l’expression employée par les Unions économiques. La « misère générale », évoquée jusque dans les instances décisionnaires de la politique du crédit, fait ainsi craindre aux fabricants de biens domestiques – ameublement, électroménager – des difficultés d’écoulement au moment même où la production de ces biens augmente grâce à la modernisation et à la standardisation.
2Ce sont ces syndicats ou fédérations, en premier lieu celle de l’ameublement, qui, dès 1948, prennent l’initiative de contacter des groupes financiers susceptibles de fournir les capitaux nécessaires. En effet, l’activité des grandes banques de dépôt est, compte tenu de leur nationalisation en décembre 1945, tournée vers le financement quasi exclusif des entreprises et de l’État. En revanche, la manne que représentent les indemnités de nationalisation pour des sociétés financières issues de l’industrie (houillères notamment), et la nécessaire reconversion d’actifs due à l’achèvement de la Reconstruction laissent augurer des partenariats fructueux pour peu que la rentabilité et les prévisions de croissance du secteur soient bonnes.
3Demeure toutefois la question de la position des autorités monétaires et du crédit face à cette collaboration fabricants/groupes financiers dans le domaine du crédit à la consommation. Refusant la multiplication des prêteurs dans ce secteur, la Banque de France et le CNC peuvent-ils voir dans la constitution de grandes sociétés de financement de ventes à crédit, issues du monde bancaire, un moyen d’assainir le marché sans instaurer une réglementation ?
4C’est ce qu’il s’agit d’étudier dans ce chapitre en analysant en premier lieu, le rôle moteur des syndicats de fabricants – Fédération nationale de l’ameublement et Syndicat général de la construction électrique – dans la constitution des grandes sociétés de crédit à la consommation, en second lieu, l’opportunité que représente pour ces groupes financiers, la Banque générale industrielle et l’Union française de banques, ce marché du crédit à la consommation pour la réorientation de leurs actifs, enfin, la stratégie adoptée par ces groupes pour exercer leur nouvelle activité dans le cadre légal existant.
I. Des fabricants à la recherche de partenariats financiers : les initiatives de la Fédération nationale de l’ameublement (1950) et du Syndicat général de la construction électrique (1952)
5Dès 1948, la Fédération nationale de l’ameublement (FNA), réorganisée après guerre par le fabricant de canapés Robert Sarkis, élabore un projet de vente à crédit du mobilier. Forte de près de 8 000 adhérents industriels, artisans et négociants dont le chiffre d’affaires atteint 35 milliards de francs, la Fédération souhaite développer la vente du meuble moyen ou utilitaire, très en retard en regard des besoins des jeunes ménages dont les moyens sont limités. Présenté par M. Cayrel, directeur de la FNA, ancien député de la Gironde, à divers organismes publics et bancaires, ce projet ne recueille aucun agrément compte tenu de la conjoncture1. R. Sarkis ayant quitté la présidence de la FNA et le contexte économique évoluant, ce projet est représenté par Henri Aubry, le nouveau président, en avril 19502.
6Cette initiative du secteur de l’ameublement est intéressante à double titre. D’une part, d’un point de vue historique, c’est dans le secteur du meuble qu’est apparue la vente à crédit « moderne ». Dès 1865, Jacques-François Crespin, vendeur de meubles boulevard Barbès, à Paris inaugure la vente à l’abonnement qu’il étend aux autres commerçants en accord avec lui, technique de vente reprise quelques années plus tard par son disciple Georges Dufayel au Palais de la Nouveauté puis avec La Samaritaine dont il devient le véritable banquier3. D’autre part, elle souligne le rôle de la demande en la matière. L’arrêt presque total de la production de meubles durant l’Occupation et les besoins à la fois des sinistrés et des jeunes ménages augurent un marché porteur si la solvabilité des clients est assurée, car l’industrie du meuble est encore largement artisanale et les prix élevés4. La répartition des crédits accordés par les Unions économiques, dont un quart en moyenne va à l’ameublement, témoigne de l’importance de cette demande.
7Le projet de la FNA consiste à créer un organisme de crédit au capital souscrit par les adhérents. Le comité de direction, qui comprendrait la profession, la banque et la compagnie d’assurances partenaires, serait chargé d’étudier la candidature des négociants et d’assurer la mobilisation des chaînes de traites tirées par les négociants sur les acheteurs. Un fonds de garantie, alimenté par une caution du négociant, est également prévu. Un contrat d’assurance crédit complèterait la prise en charge des risques, le meuble ne représentant aucune garantie. Le fonds serait géré par la banque associée, dont la signature permettrait l’escompte des effets de mobilisation.
8Déterminée à faire aboutir son projet, la FNA présente ce dernier à plusieurs groupes bancaires parmi lesquels l’Union française de banques (UFB) dirigée par un ancien inspecteur des Finances, Jacques de Fouchier. Président de la FNA, Henri Aubry sollicite en effet par l’entremise d’un collaborateur de l’UFB, Guy d’Arragon, un rendez-vous avec Jacques de Fouchier dont « la réputation de créateur » constituait à ses yeux « un atout de plus5 ». Cette entrevue a lieu le 17 avril 1950. Elle montre l’intérêt de Fouchier pour ce projet dont il souligne néanmoins la nécessité de renforcer la garantie des risques :
« Bien que le principe de telles opérations ne rentre pas dans le cadre actuel de l’activité et des possibilités de l’UFB, les éléments favorables ci-dessous, par les chances de développement et de succès qu’ils laissent prévoir, donnent de l’intérêt à cette affaire pour laquelle le caractère interbancaire et l’expérience d’un organisme comme l’UFB apporterait une aide puissante.
Les moyens financiers que la FNA compte mettre en œuvre pour le fonctionnement de l’affaire méritent attention.
Le courant actuel favorable au crédit à la consommation permet d’envisager certains appuis et donne des chances intéressantes d’aboutir.
L’étude des garanties dont seraient assorties ces opérations semble maintenant reposer sur des bases sérieuses.
Toutefois, il serait encore nécessaire d’accentuer les responsabilités des adhérents dans les risques de chaque opération afin d’en améliorer la qualité6 ».
9Intégrant ces remarques, la FNA présente, en octobre 1950, une seconde mouture du projet qui associe le négociant à la bonne fin du crédit par l’instauration d’un prélèvement de 5 % sur le montant nominal de chaque opération de crédit7. Jacques de Fouchier demande alors à un proche collaborateur, Raymond Mathély, de « sonder » les réactions des autorités financières. La réponse ne se fait pas attendre : « La Banque de France est très réticente et ne fera rien pour encourager le projet8 ». Jacques de Fouchier hésite à s’engager.
10Pressée de réaliser son projet, la FNA décide alors de le mettre en œuvre avec deux autres partenaires qui acceptent de tenter l’expérience : la compagnie d’assurances La Fortune et la Banque générale industrielle, dirigée par un autre ex-inspecteur des Finances, Jack Francès9. Cette association donne naissance, le 2 avril 1951, à la Société de financement industriel et commercial dite Sofinco, une SARL au capital initial de 1 million de francs installée provisoirement au 3, rue de Bucarest, puis au 27, rue du Mail à Paris, au-dessus des établissements Albert Tronc, négociants en tissus d’ameublement dont Henri Aubry, président de la FNA, est également le gérant10.
11Un an et demi après le projet de la FNA, c’est le Syndicat général de la construction électrique qui souhaite créer un organisme de financement de vente à crédit. Son délégué général, un ancien conseiller à la Cour des comptes, Henri Davezac, se fait le porte-parole de la profession inquiète de voir les difficultés de ventes des appareils proposés (réfrigérateurs, machines à laver, etc.). Ces derniers, qui représentent plusieurs mois de salaires d’un ouvrier, peinent à s’écouler malgré le succès rencontré chaque année par le Salon des arts ménagers et des milliers de jeunes mariés et de mères de famille qui rêvent de cuisines américaines. Très organisé et structuré par branches, le Syndicat compte un nombre restreint de grands constructeurs (Thomson, Brandt, Conord) et des importateurs puissants (Frigidaire, Bendix, Frigéco). Très favorables à tout ce qui peut augmenter leurs ventes, ils militent donc pour la constitution d’une société de vente à crédit. Henri Davezac connaissant personnellement Jacques de Fouchier, c’est vers ce dernier qu’il se tourne en 1952 pour lui soumettre le projet11.
12La qualité des membres du Syndicat de la construction électrique, qui comporte davantage de grands industriels et moins d’artisans, sa réputation effacent la principale réticence que Jacques de Fouchier avait pu avoir par rapport à la Fédération nationale de l’ameublement. Le contexte général joue également un rôle. L’idée du crédit à la consommation est « dans l’air du temps », du moins en ce qui concerne la demande, car les autorités financières s’emploient toujours à en limiter l’accès. Aussi, Jacques de Fouchier fait-il étudier de manière approfondie un organisme de crédit propre à diversifier l’activité de l’Union française de banques.
II. Des groupes financiers en quête de nouvelles activités
13Sans revenir précisément sur la genèse de ces grands groupes financiers que représentent la Banque générale industrielle-La Hénin et l’Union française de banques, créées respectivement en 1949 et 195012, et sur le rôle de leurs dirigeants respectifs, Jack Francès et Jacques de Fouchier, tous deux anciens inspecteurs des Finances, il s’agit ici de montrer en quoi ces groupes ont besoin de trouver de nouveaux secteurs d’activité à l’orée des années 1950 et comment le secteur du crédit à la consommation leur fournit une opportunité d’emplois.
14La création de Sofinco, dont les conditions sont méconnues, s’effectue en deux étapes13. En avril 1951, la société est créée par trois principaux actionnaires : Henri Aubry, président de la FNA (30 % du capital), la Compagnie d’assurances La Fortune, dirigée par la famille Chegaray au Havre (30 %) et la Banque générale industrielle-La Hénin, fondée en 1949 à partir des biens restitués des mines de Carmaux nationalisées (30 %), les autres actionnaires ne représentant que 10 % du capital14.
15Fondée alors comme un simple organisme d’étude, Sofinco agit exclusivement comme mandataire de ses principaux actionnaires. Son intervention se borne à centraliser les demandes de crédit et, après études des opérations envisagées et de la surface des demandeurs, à fixer le montant des crédits susceptibles d’être accordés. Les crédits eux-mêmes sont consentis par la Banque générale industrielle qui perçoit les agios. La compagnie La Fortune assure la totalité des crédits au taux de 1,75 %. Sofinco se rémunère sur les frais de dossiers incorporés dans les frais divers de crédit réclamés aux acheteurs. Créée à la demande de la FNA pour faciliter les ventes à tempérament de meubles effectuées par les négociants adhérents, l’activité de Sofinco évolue cependant très vite sous la pression de ses deux autres actionnaires15.
16Cette diversification s’effectue dans deux directions : le financement d’articles textiles, notamment de trousseaux, à la demande de la compagnie La Fortune, et le financement des deux-roues, à la demande de la Banque générale industrielle, celle-ci ayant passé des contrats avec deux constructeurs : Vespa et Solex. Cette diversification précoce s’effectue donc dans des secteurs où la demande est forte16. Dès 1954, le financement des motocycles représente 65 % des crédits accordés par Sofinco contre seulement 15 % pour l’ameublement et 10 % pour le textile17. Si cette dernière activité est rapidement mise en sommeil, car elle s’est révélée « désastreuse » – 90 % des ventes de trousseaux donnent lieu à des impayés –, en revanche, le financement des motocycles devient l’activité principale de la société et en assure le développement18. Cette évolution, sur l’initiative de la Banque générale industrielle, contribue à distendre les liens avec la FNA et à précipiter l’évolution de Sofinco. Transformée en société anonyme dès 1953, celle-ci connaît une seconde naissance l’année suivante.
17En 1954, Sofinco fusionne en effet avec deux autres sociétés : la Société anonyme moderne pour le financement automobile (Samfa) et la Société alsacienne de participations, anciennement La Houve.
18Créée en mars 1953 par la famille Chegaray (51 % du capital), qui dirige un groupe de compagnies d’assurances, et la Banque générale industrielle associée à la Banque de l’Indochine (49 % du capital), la Samfa, dirigée par le baron Surcouf19, a pour vocation comme son nom l’indique le financement des ventes à crédit de véhicules, essentiellement d’occasion20.
19La Société alsacienne de participations, elle, est une société dont l’origine remonte à 1895, époque de la constitution d’une société anonyme de droit local pour l’exploitation d’une concession minière, La Houve, située à Creutzwald en Lorraine21. En 1930, cette société de droit local est transformée en société anonyme française : « La Houve, société anonyme des mines et de l’électricité ». En 1946, les lois de nationalisation transfèrent la totalité du domaine industriel de La Houve aux Houillères du bassin de Lorraine. Dès lors, la société qui perçoit deux indemnités de nationalisation – 800 millions de francs sous forme d’obligations Charbonnages de France pour sa concession minière et 326 millions de francs pour sa filiale nationalisée sous forme d’obligations de la Caisse de l’énergie22 – se consacre uniquement à la gestion d’un portefeuille de titres et de participations et change de nom, devenant la Société alsacienne de participations. En 1949, elle participe à la constitution de la BGI-La Hénin. Au début de l’année 1954, lorsque Jack Francès, qui dirige la Banque générale industrielle, propose, en accord avec N. Chegaray et H. Aubry, le projet de fusion des trois établissements afin d’accroître les moyens, la Société alsacienne approuve :
« Les lois de nationalisation, en privant votre société de la totalité de ses installations industrielles, lui ont imposé une orientation nouvelle ; elle l’a essentiellement recherchée, depuis cette époque, dans la gestion de son portefeuille et l’acquisition de diverses participations nouvelles. Mais, disposant encore d’importantes liquidités en regard d’un total de dettes inférieur à 3 % de l’actif, votre conseil d’administration s’est efforcé d’en trouver l’emploi rémunérateur dans une branche d’activité nouvelle, répondant à un besoin économique actuel et susceptible d’ample extension. […] La réunion de ces trois sociétés permettra, en effet, la création d’un établissement bénéficiant à la fois de la puissance financière de la Société alsacienne de participations et de la clientèle déjà acquise de ces deux organismes23 ».
20À la suite de la fusion, validée en novembre 1954, la Société alsacienne de participations ajoute à sa dénomination « et de crédit ». Entérinant cette nouvelle activité, la Société alsacienne de participations et de crédit (SAPC), crée un comité interne de gestion de la branche crédit, l’autonomie de fonctionnement des deux sociétés absorbées, la Sofinco et la Samfa, étant préservée. Administrateur de la SAPC, Jack Francès est, en tant qu’ancien inspecteur des Finances, nommé conseiller financier auprès de ce comité, la connaissance de ce secteur étant faible parmi les dirigeants de la SAPC, essentiellement issus de l’industrie24.
21Si la création et l’essor de Sofinco doivent beaucoup à des sociétés en quête de placements rémunérateurs pour leurs indemnités issues de la nationalisation des Houillères, celle de Cetelem repose sur la nécessaire reconversion d’activités.
22Dès sa création en 1950, l’Union française de banques est en quête de nouveaux financements. Fruit de la fusion de l’Union financière d’entreprises françaises et étrangères (UFEFE) créée en 1946 par Jacques de Fouchier et de la Banque française d’acceptation, ses activités, fondées sur les importations de matières premières payables en dollars ou en livres sterling, diminuent au fil des ans. Un relai d’activité est activement recherché. La première réalisation, parallèlement à l’intervention financière de l’État en faveur de la construction de logements par la loi du 21 juillet 1950, est la création de l’Union de crédit pour le bâtiment en 195125. Toujours dans le domaine du financement immobilier, et à la suite des difficultés et des scandales liés aux sociétés de crédit différé, un autre projet vise également à créer une importante société de crédit différé propre à assainir le marché. Mais le montage juridique et financier est complexe et la future Compagnie française d’épargne et de crédit nécessite de longs mois d’étude26. Aussi, lorsqu’au début de l’année 1952, Henri Davezac propose à Jacques de Fouchier de créer un organisme de financement de ventes à crédit d’appareils électroménagers, ce dernier, sensibilisé à cette question du crédit à la consommation depuis le démarrage de Sofinco, étudie ce projet avec attention.
« Henri Davezac tombait à pic. Jacques de Fouchier cherchait des “trous à boucher”, des besoins négligés à satisfaire. Il fallait coupler ses banquiers avec les industriels de la construction électrique, faire le bonheur des ménagères, donner le grand départ aux appareils domestiques en France grâce à la vente à crédit27. »
23Il confie à l’un de ses plus proches collaborateurs, Boris Méra, directeur général à l’UFB, une étude de faisabilité28. Ce dernier s’intéresse en premier lieu à l’expérience de Sofinco et donc à la vente à crédit de meubles et de deux-roues, en particulier de scooters Vespa. Il retient de la vente à crédit de ces derniers et des difficultés qui en sont nées, la nécessité de contrôler les distributeurs et de les associer à la bonne fin des crédits accordés. Il étudie également les projets élaborés dans ce domaine par les constructeurs électriques eux-mêmes, Arthur Martin et Frigidaire. Enfin, et c’est la grande idée de Jacques de Fouchier, il part, à la demande de celui-ci, aux États-Unis afin d’étudier la pratique du crédit à la consommation dans ce pays pionnier en la matière.
24Effectué en octobre 1952, ce voyage d’études confirme l’intérêt de développer en France le financement des ventes à crédit et apporte un nouvel éclairage sur les modalités à mettre en œuvre. De cette expérience, consignée dans un rapport de 25 pages où il relate les méthodes américaines et le comportement des Américains vis-à-vis du crédit à la consommation, Boris Méra conclut qu’il existe un fort marché potentiel en France et qu’il s’agit donc de créer cette « avance à l’allumage » qu’est le crédit pour augmenter la production et la distribution des biens de confort moderne. Sur le plan des méthodes, il retient surtout la facilité et la rapidité avec lesquelles les informations sont traitées29 :
« Je suis frappé, en ce qui concerne cette question du financement des ventes à crédit, par la simplicité de la procédure : pas de traites ou de billets, pas de comités de crédit mais une form à remplir, une réponse dans les 48 heures et, le plus souvent dans la journée, un contrat de vente sous condition à signer sur-le-champ30 ».
25Un point toutefois semble le déconcerter : le traitement réservé aux mauvais payeurs. La législation américaine autorisant la saisie des biens, lorsque les impayés atteignent un certain montant, les organismes de crédit peuvent procéder à cette saisie quelle que soit la situation personnelle de l’emprunteur.
26De cette mission aux États-Unis, Jacques de Fouchier retient l’idée majeure que le projet est viable pour peu qu’il innove par rapport aux pratiques traditionnelles afin d’en assurer la rentabilité. Compte tenu du faible montant des crédits, il plaide pour une simplification des tâches matérielles. Il décide ainsi la suppression des traites, des chaînes d’effets, soit la signature d’une lettre de change par échéance. Désormais, le client signe un contrat et reçoit un carnet de mandats postaux pour ses règlements31. De même, l’enquête de solvabilité est abandonnée ou plutôt transférée sur les distributeurs, les vendeurs, qui sont associés aux risques du crédit par le prélèvement d’un pourcentage du montant de crédit demandé. Enfin, il mise sur la mécanisation des tâches et s’attache les services du jeune directeur de la Compagnie générale d’organisation, Henri Guéroult, pour en assurer la mise en œuvre32 :
« Nous allons parier sur l’honnêteté des acheteurs […]. Nous ne ferons pas d’enquête de solvabilité. Une enquête coûte 10 000 francs. C’est une dépense justifiée pour une voiture de 800 000 francs, ridicule pour un poste de radio de 30 000 francs. Ensuite, pas de traites. L’encaisseur à domicile, l’encaissement par la banque sont trop chers. Les emprunteurs enverront eux-mêmes leurs mensualités. […] Les vendeurs d’appareils ménagers prendront la responsabilité de leurs clients, enverront simplement une demande de crédit. Ici, nous aurons des machines33 ».
27D’autre part, afin de prévenir les impayés liés à des changements de situation familiale, Jacques de Fouchier préconise l’instauration d’une assurance-vie obligatoire associée au crédit et gratuite pour le client : « Nous ne fournirons pas de sujets aux romans populistes […]. Tous nos clients seront automatiquement assurés sur la vie, l’invalidité permanente34 ».
28Si les garanties sont prévues – association du vendeur à la bonne fin des crédits et assurance-vie –, demeure, pour le nouvel organisme, la question du financement. Jacques de Fouchier, certain de l’intérêt du projet, s’attache à convaincre les banques actionnaires de l’UFB de participer à la création de cette nouvelle activité, non sans mal. Deux obstacles principaux émergent à la lecture des archives.
29L’un pourrait être qualifié de « psychologique ». Habituées à financer les entreprises ou l’État, les grandes banques concernées s’avèrent réticentes envers le crédit à la consommation qu’elle considère comme un crédit « populaire » qui risque de ternir leur réputation35. Cette réticence, voire ce mépris, joue davantage que le fait de dire, et non de croire, que « les Français n’achètent pas à crédit »36. Aussi leurs dirigeants dérogent-ils à leurs principes surtout par sympathie et par proximité sociale et professionnelle avec Jacques de Fouchier.
30L’autre obstacle pour les banques est surtout technique. Le point d’achoppement porte sur l’idée de Jacques de Fouchier de supprimer les traites. Cette suppression fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Bousculant la tradition, elle suscite plus particulièrement l’opposition du Crédit lyonnais et de son représentant, M. Krug37. Les objections principales portent sur le client qui « s’il n’y a pas la présentation de l’effet de commerce signé » ne paiera pas et sur les conditions de mobilisation des créances auprès de la Banque de France dont le concours, par le réescompte, est indispensable. En effet, si grâce à une note rédigée par Boris Méra, Jacques de Fouchier parvient à rallier in fine M. Krug à son point de vue lors d’un entretien, la discussion est autrement plus difficile avec la Banque de France dont les réticences à voir se créer un établissement de financement de vente à crédit vont au-delà de ce point technique.
III. Des autorités du crédit difficiles à convaincre
31Lors de la création de Sofinco en 1951, aucun espoir d’enregistrement comme établissement de financement de ventes à crédit n’était permis. En revanche, à la fin de l’année 1952, le projet de constitution d’un autre organisme de grande envergure peut augurer, compte tenu de l’amélioration de la situation économique et financière et du débat grandissant autour du crédit à la consommation, une évolution de la position conjointe de la Banque de France et du CNC. Cette évolution est toutefois loin d’être acquise.
32Parfaitement conscient de la réticence de la Banque de France à voir s’ouvrir une brèche dans sa position de refus d’extension du crédit à la consommation, Jacques de Fouchier mise donc sur un lobbying en rang serré – Syndicat de la construction électrique, grands constructeurs et banques associées – d’une part, et sur une argumentation sans faille de l’UFB, porteur du projet, d’autre part :
« Le novateur entreprenait le siège du ministère des Finances, de la Banque de France.[…] Encore des inventions. à lui, disait-on dans les bureaux. Quelques années plus tôt, Jacques de Fouchier était parfois considéré comme un explorateur importun des tranquillités officielles. Devenu chef du groupe de reconnaissance de quatorze grandes banques, il n’en apparaissait que plus encombrant38 ».
33Il s’agit avant tout de ne pas heurter la Banque et donc de contourner ses principaux arguments contre le crédit à la consommation en revêtant ce dernier de nouveaux oripeaux, plus présentables39. Cette présentation, sinon conforme du moins acceptable pour la Banque, est surtout le fruit du travail de réflexion mené par Boris Méra, inlassable rédacteur de notes dont le contenu, porté par la voix de Jacques de Fouchier, est transmis régulièrement à la Banque entre l’automne 1952 et le printemps 195340.
34En premier lieu, le Syndicat général de la construction électrique plaide pour cette industrie récente en France – en 1947, seulement 8 000 réfrigérateurs sont fabriqués et vendus au prix moyen de 1 000 francs le litre – dont le développement doit être encouragé, au même titre que l’industrie automobile, par un soutien de la demande. B. Méra, dans une note de synthèse du projet, souligne pour sa part :
« Pour ne pas être aussi spectaculaire que l’installation d’un train de laminoirs, la mise en place dans les maisons françaises de quelques centaines de milliers de frigidaires ou de machines à laver n’en constitue pas moins un investissement générateur d’économies d’argent et de travail et d’une portée économique et sociale sans doute au moins aussi vaste41 ».
35Progressivement, Jacques de Fouchier insiste sur le fait qu’il ne s’agit plus de créer un organisme de crédit à la consommation, mais un organisme de « crédit à l’équipement des foyers domestiques ». Le nouveau mot change tout. « Puisqu’il s’agissait d’équipement, tout devenait possible42 ». Il ne s’agit plus de financer des biens de consommation, mais des biens d’équipement ménager. Cette présentation convainc la Banque et le CNC. En effet, dans la perspective de l’enregistrement de cet organisme, ces derniers pourraient opposer à d’autres demandes (par exemple, demandes de l’ameublement ou de fabricants de linge de maison), ce critère d’ordre économique de biens « présentant le caractère d’un outillage43 ».
36Demeure, toutefois, le problème du financement lui-même et l’obtention de l’accès, indispensable, au réescompte. Sur ce point, Jacques de Fouchier s’emploie à rassurer la Banque de France sur les éventuels effets inflationnistes du crédit à la consommation. Sur un plan général, il revient sur les préjugés liés au crédit à la consommation, notamment sur le rôle que son développement aurait joué aux États-Unis dans la crise de 1929, véritable marotte des banquiers de l’époque, pour mieux les démonter44. Dans une note rédigée dans la perspective d’un entretien avec la Banque de France, il souligne ainsi que le montant des crédits à la consommation ne représentait alors dans ce pays que 8 % du revenu national et 6 % du total des crédits à l’économie et ne pouvait être à l’origine de la crise, chose admise aux États-Unis45.
37Sur un plan particulier, il présente pour son projet une formule associant épargne et crédit propre à déjouer l’inflation. Inspirés par les études en cours à l’UFB sur le crédit différé pour le logement, Jacques de Fouchier et son équipe élaborent en effet une formule analogue appliquée aux biens ménagers. Puisque la Banque ne veut pas entendre parler de consommation, mais d’épargne, la formule est idéale. Elle allie les deux dans un schéma vertueux. Le client désireux d’acheter un bien ménager verse un acompte à la commande puis trois mensualités d’épargne, la livraison intervenant dans un délai légèrement supérieur, trois mois et demi, le solde restant dû étant réglé en neuf mensualités. À cette première vertu d’épargne, cette formule en ajoute une seconde, le coût. Pour la rendre attractive par rapport à l’achat à crédit immédiat, le futur établissement propose un barème 30 % moins cher. Jacques de Fouchier prend toutefois soin d’ajouter que cette formule d’épargne-crédit avec livraison différée ne peut être exclusive et que le crédit « classique » avec livraison immédiate doit être prévu :
« En acceptant d’entreprendre cette expérience, les constructeurs qui participeront à la constitution du Cetelem et lui apporteront leurs affaires de ventes à crédit ne peuvent toutefois renoncer au facteur de concurrence – essentiel compte tenu des habitudes présentes du public – que constitue la vente à crédit avec livraison immédiate. Le Cetelem devra donc pouvoir traiter concurremment des opérations avec livraison immédiate et des opérations de livraison à terme […] en s’efforçant d’accroître, grâce à une propagande appropriée, la part [de ces dernières] dans le total46 ».
38Si lors des entretiens menés avec la Banque, cette part est estimée entre un tiers voire la moitié des opérations, Jacques de Fouchier se garde bien de consigner un pourcentage fixe dans les notes transmises47. Dans l’immédiat, le but est atteint et la formule fait mouche auprès des deux responsables de ce dossier à la Banque, Emmanuel de Sèze, directeur général du crédit et Pierre Dupont, directeur général de l’Escompte48.
39Reste pour l’UFB à obtenir le sésame du réescompte. D’après les témoignages des collaborateurs de l’UFB de l’époque, la bataille est rude. Elle se joue principalement contre le directeur de l’Escompte de la Banque de France de l’époque, particulièrement opposé à la suppression des effets de chaîne et à l’absence de garanties donnée par les constructeurs. Cette absence de garantie dans la bonne fin des crédits est souhaitée par l’UFB qui n’en voit pas l’intérêt :
« C’est donc surtout :
– dans une sélection des risques et un contrôle des vendeurs aussi poussés que possible ;
– dans la constitution de provisions permettant aux Établissements spécialisés de se constituer leur propre assureur ;
– enfin dans un développement des opérations qui rende possible le jeu de la loi des grands nombres que doivent être recherchées les véritables garanties des opérations de vente à crédit.
En abordant ce domaine, il convient d’avoir moins l’état d’esprit d’un banquier au sens classique que celui d’un assureur dont les garanties reposent sur des constantes fréquemment vérifiées49 ».
40Finalement, grâce au soutien indéfectible des constructeurs et à l’argumentation particulièrement précise et innovante apportée par le brain-trust de l’UFB, qui fait du crédit à la consommation un système d’épargne-crédit à l’équipement ménager, la Banque de France et le CNC donnent leur accord pour l’enregistrement de ce nouvel organisme en tant qu’établissement financier le 16 avril 1953.
41Un temps dénommé provisoirement Caisse de crédit à l’électroménager, ce dernier est créé le 6 mai 1953 sous le nom de Crédit à l’équipement électroménager ou Cetelem. Société anonyme au capital de 150 millions de F, située dans les locaux de l’UFB puis 19, rue La Pérouse à Paris, le Cetelem est, comme sa raison sociale l’indique le fruit du partenariat entre le Syndicat général de la construction électrique, le Syndicat national de la construction électrothermique et électrodomestique, les constructeurs d’une part (27 % du capital)50, et l’UFB (8 % du capital) ainsi que les 14 banques actionnaires de celle-ci (65 %), d’autre part51. Un temps pressenti comme actionnaire, car au premier plan de la fourniture d’énergie indispensable à l’essor de cette industrie, Électricité de France renonce à y participer, à la demande de la direction du Trésor52. Henri Davezac, initiateur du projet et représentant du Syndicat de la construction électrique est nommé président du conseil d’administration, Jacques de Fouchier vice-président et Boris Méra est le premier directeur général.
42Cette constitution du Cetelem, première société de financement de ventes à crédit de biens de consommation enregistrée depuis la décision du CNC en juillet 1949, interroge. Pourquoi la Banque de France et le CNC ont-ils accepté ce projet ? Pour au moins deux raisons, à la fois conjoncturelles et structurelles.
43Une raison conjoncturelle en premier lieu. Bien que condamné par la Banque, l’essor du crédit à la consommation est indéniable comme en témoignent la diffusion des Unions économiques et la nécessité de les contrôler entérinée en février 1953. Sans réglementation, ce développement présente un danger réel dont la Banque est consciente, pressée en cela par les pouvoirs publics sensibles aux scandales relayés par la presse. La création du Cetelem, sous les auspices des constructeurs et des grandes banques de la place, constitue ainsi à ses yeux une solution temporaire, un moindre mal, qui permet de différer d’autant le règlement général de la question.
44Bénéficiant d’un quasi-monopole53, de ressources importantes et donc de barèmes inférieurs à la concurrence, le Cetelem apparaît donc comme LA solution propre à assainir le marché du crédit à la consommation. En effet, sur le plan structurel, ce nouvel établissement remplit tous les critères établis dans le rapport Montbrial : capital important, personnalités honorables et connues, soutien des banques, etc. Dès lors que ces modalités de fonctionnement sont présentées sous un jour acceptable pour l’Institut d’émission, la formule d’épargne-crédit pour des biens domestiques apparentés à de « l’outillage », les apparences sont préservées et la solution retenue.
45Pour autant, si cet enregistrement représente pour la Banque un aboutissement, il en est différemment pour le gouvernement. Face à une croissance quelque peu ralentie au début de l’année 1953, ce dernier mise sur une relance par le crédit incluant le crédit à la consommation, non sans faire resurgir l’idée d’une réglementation générale évoquée mais abandonnée en 1949.
Notes de bas de page
1 ABDF CNC 1355200701/78, Projet de création pour l’ameublement, 11 mars 1949 et ABDF DGC 1331200301/53, note du 14 janvier 1950 sur les ventes à crédit de mobilier.
2 Archives Cetelem, note sur le projet de crédit à l’ameublement du 13 avril 1950.
3 Cf. chapitre II supra.
4 P. Garenc, L’industrie du meuble en France, Paris, PUF, 1958.
5 Inspecteur des Finances, major de sa promotion à 23 ans, Jacques de Fouchier (1912-1997) commence sa carrière dans la fonction publique, mais la quitte en 1946. Il fonde alors, en réunissant des capitaux français et étrangers, l’Union financière d’entreprises françaises et étrangères (l’UFEFE), pour financer l’importation des matières premières nécessaires à la reconstruction de la France. En 1950, l’UFEFE absorbe la Banque française d’acceptation et devient l’Union française de banques, première société du futur groupe de la Compagnie bancaire (créée en 1959). Sur J. de Fouchier, outre ses mémoires, Le Goût de l’improbable, 1984, et La Banque et la vie, 1989, cf. notamment H. Bonin, « Jacques de Fouchier » dans J.-C. Daumas, A. Chatriot, D. Fraboulet, P. Fridenson et H. Joly (dir.), Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010, et N. Carré de Malberg, Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances, 1918-1946. Les hommes, le métier, les carrières, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011.
6 Archives Cetelem, Obervations de M. de Fouchier sur le projet de crédit à la consommation envisagé par la FNA, 29 juin 1950.
7 Archives Cetelem, Projet de la Fédération nationale de l’ameublement, 10 octobre 1950.
8 Archives Cetelem, note de Guy d’Arragon du 27 avril 2003 « Naissance d’une idée ». Cette note, datée du 27 avril 2003, est un témoignage personnel sur la création du Cetelem recueilli lors de la préparation du 50e anniversaire du Cetelem. Entré à l’UFEFE en 1946, G. d’Arragon y reste jusqu’à son affectation au Cetelem au second semestre de 1953. Il a donc participé de près aux travaux préparatoires à la constitution de l’entreprise.
9 Polytechnicien (1934), inspecteur des Finances, Jack Francès démissionne de la fonction publique en 1950. En 1949, il participe à la création de la Banque générale industrielle-La Hénin dont il devient le directeur.
10 Sofinco, Les 50 années qui ont changé la France, 1951-2001, op. cit., p. 15. Ce n’est qu’en 1968 que Sofinco devient la Société de financement pour le crédit à la consommation.
11 Contrairement à ce que J. de Fouchier avance dans ses mémoires, La Banque et la vie, ce n’est pas lui qui a eu l’initiative de ce projet mais H. Davezac. Ce point est souligné dans plusieurs notes retrouvées dans les archives du Cetelem, notamment le témoignage de Guy d’Arragon sur les pourparlers et travaux précédant la création du Cetelem, ainsi que dans un manuscrit inédit écrit par Merry Bromberger sur J. de Fouchier également retrouvé dans les archives du Cetelem, Archives Cetelem, note citée de G. d’Arragon du 27 avril 2003 « Naissance d’une idée » et M. Bromberger, Jacques de Fouchier, 66 p.
12 H. Bonin, Les groupes financiers français, Paris, PUF, 1998.
13 La date de création de Sofinco, indiquée dans différents articles ou ouvrages, est souvent erronée (1950 au lieu de 1951 ou encore parfois 1954, date de son enregistrement en tant qu’établissement financier) malgré l’existence d’un « livre-anniversaire » réalisé à l’occasion de son cinquantenaire en 2001, Sofinco, Les 50 années qui ont changé la France, op. cit. Cela résulte sans doute de la difficulté à appréhender une création en deux étapes (1951 et 1954) et du peu de littérature consacrée à cet organisme, plus ancien que le Cetelem, mais moins « communiquant ».
14 ABDF dossier individuel des banques et établissements financiers, 0001200603/8, note du 21 octobre 1954. La famille Chegaray, via Noël Chegaray qui en est leur président-directeur général, contrôle deux compagnies d’assurances havraises : La Fortune et La Marine marchande. Elle a également des participations dans la compagnie d’assurances havraise Le Commerce.
15 Dans un protocole signé le 5 janvier 1953, Sofinco s’engage à réserver l’intégralité du financement de ses opérations à la BGI et à réserver toutes les polices d’assurance se rapportant à son activité à la compagnie La Fortune, cf. ABDF 000200603/9, rapport d’inspection de la Société alsacienne de participations et de crédit par J. Richon, avril 1956.
16 Cf. chapitre II supra.
17 ABDF 000200603/9, note sur le projet de fusion de Sofinco du 10 août 1954.
18 Le chiffre d’affaires de Sofinco passe de 85 millions de F en 1951 à 669 en 1952 et 2 031 en 1953, ABDF 000200603/9, rapport d’inspection de la Société alsacienne de participations et de crédit.
19 Il s’agit de Pierre-Jean Grasset.
20 Il faut souligner ici les liens étroits entre les compagnies d’assurances et la création d’entreprises de financement de ventes à crédit automobile. Les compagnies mettent à la disposition de ces entreprises leur réseau d’agents que leur apporte leur clientèle de particuliers et de garagistes. Ces financements portent en particulier sur des véhicules d’occasion, non gageables et donc délaissés par les grands organismes de crédit à l’automobile.
21 La concession houillère de La Houve est instituée par décret impérial du 28 avril 1858.
22 Société alsacienne de participations, procès-verbal du conseil de surveillance du 27 mars 1950.
23 ABDF 0001200603/9, note sur le projet de fusion. Notons que, juridiquement, c’est la Société alsacienne qui absorbe les deux autres sociétés, Sofinco et Samfa.
24 Le PDG de la Société alsacienne de participations, Robert Courau, né en 1888 en Algérie, est un X-Mines, Procès-verbal du conseil de surveillance du 29 juin 1954. La Sofinco est ainsi enregistrée comme établissement financier par la Banque de France le 21 octobre 1954.
25 S. Effosse, L’invention du logement aidé en France, op. cit., p. 241-242. Il faut également noter que l’UFB connaît un certain regain d’activité avec la loi du 18 janvier 1951 sur le nantissement de l’équipement professionnel.
26 J. de Fouchier, La Banque et la vie, op. cit., p. 78-81 et S. Effosse, L’invention du logement aidé..., op. cit., p. 318-324.
27 Archives Cetelem, manuscrit inédit (non daté) « Jacques de Fouchier » par Merry Bromberger, p. 34.
28 Les archives de Cetelem sont, sur ce point de la genèse de la création de l’entreprise, particulièrement précieuses. Elles ont été exploitées par plusieurs chercheurs qui mentionnent notamment ce travail préparatoire fondamental réalisé par B. Méra : S. Bertaux, Le crédit à la consommation à travers l’histoire d’un établissement financier, p. 28-35 et H. Ducourant, « Du crédit à la consommation à la consommation de crédits. Autonomisation d’une activité économique », thèse citée, p. 188-200. Sur le rôle de B. Méra et des autres proches collaborateurs de J. de Fouchier à l’UFB, voir les souvenirs de ce dernier dans ses mémoires, La Banque et la vie, op. cit., p. 68-72.
29 Archives Cetelem, UFB, B. Méra, notes sur le financement des ventes à crédit aux États-Unis, décembre 1952, 25 p. + annexes.
30 Archives Cetelem, lettre manuscrite de B. Méra à J. de Fouchier du 7 octobre 1952.
31 La pratique courante, en cas de crédit, est que le client doit signer soit un billet à ordre global, soit un billet à ordre à échéances successives, soit une chaine d’effets. La sécurité du commerçant repose alors sur la protection du droit commercial, et sur la rapidité de décision des tribunaux de commerce.
32 Archives Cetelem, manuscrit inédit de M. Bromberger, p. 35.
33 Manuscrit M. Bromberger, p. 35.
34 Ibid., p. 34.
35 Archives du Cetelem, note citée de G. d’Arragon.
36 Cette phrase, rapportée par Boris Méra, émane de « banquiers qui font autorité », H. Ducourant, Du crédit à la consommation à la consommation de crédits. Autonomisation d’une activité économique, thèse citée, p. 190.
37 Archives Cetelem, note du 8 septembre 1986, « Histoire de l’UFEFE de 1946 à 1953 ».
38 M. Bromberger, manuscrit cité, p. 35 et 35 bis.
39 Cette préoccupation est évoquée lors d’un entretien réalisé par P. de Charnacé auprès de J. de Fouchier le 23 avril 1985 (Archives Cetelem) : « Les premières réunions techniques regroupent donc l’UFB et le Syndicat de la rue Hamelin (donc certains constructeurs). M. de Fouchier insiste sur les précautions à prendre pour ne pas dresser immédiatement la Banque de France contre ce projet. À l’époque, qui parle de crédit (et surtout de crédit aux particuliers) est immédiatement considéré comme un fauteur d’inflation ».
40 Archives Cetelem, notes de l’UFB relative à la vente à crédit des biens d’équipement électroménagers, du 9 octobre 1952, du 16 décembre 1952, du 9 janvier 1953 et note relative à la création d’un organisme de financement de vente à crédit de biens d’équipement électroménagers du 6 février 1953.
41 Archives Cetelem, note citée du 9 janvier 1953.
42 Archives du Cetelem, manuscrit « Jacques de Fouchier » par M. Bromberger, p. 36.
43 Cet argument est explicitement présenté à J. de Fouchier par E. de Sèze, le directeur général du crédit à la Banque de France, archives Cetelem, note de J. de Fouchier à MM. Mathély et Méra du 25 février 1953.
44 M. Olney, “Avoiding default : The Role of Credit in the Consumption Collapse of 1930”, The Quaterly Journal of Economics, vol. 114, n° 1, Feb. 1999, p. 319-335. M. Olney souligne que les défauts de remboursements ont été si faibles que le Census Bureau a déclaré après coup : « Consumer credit was a safer investment in 1933 than cash in banks…Consumers did not repudiate their debts en masse…but merely tightened their belt until they could pay what they owned and then buy more. », p. 320. P.-C. Hautcœur, La crise de 1929, Paris, La Découverte, 2009, p. 30-34.
45 Archives Cetelem, note « relative au jugement porté aux États-Unis sur les effets imputables aux ventes à crédit pendant la crise de 1929 », de janvier 1953, 3 p.
46 Archives Cetelem, note citée du 6 février 1953, p. 2.
47 Dans une note adressée à P. Besse, secrétaire général du CNC du 19 décembre 1952 (archives Cetelem), l’UFB prépare « le terrain » en annonçant la difficulté d’appliquer une telle formule de livraison différée pour les distributeurs.
48 Dans une note du 9 février 1984 (archives Cetelem) qui consigne un entretien de P. de Charnacé mené auprès de B. Méra, ce dernier témoigne : « Quand M. de Fouchier a exposé ses projets de crédit ménager aux responsables du crédit à la Banque de France (M. de Sèze, M. Dupont), la technique du financement à terme a paru bien sûr excellente. M. de Fouchier s’en est donc servi pour “vendre son ours” et laisser entendre que les opérations devaient se partager moitié-moitié ».
49 Archives Cetelem, note sur les garanties à demander aux constructeurs dans les opérations de vente à crédit, mars 1953, 2 p.
50 Les constructeurs sont : Société Bendix, Sauter, Établissements Thermor, Thomson-Houston, Arthur Martin, Société d’électricité Mors, Établissements Lemercier frères, Société Paris-Rhône, Société Lavix, Société Chaboche, Établissements J. Noirot, Établissements Salva-Eclair, Établissements G. Pagot.
51 Il s’agit de la Banque de l’Union parisienne, Worms & Cie, Crédit lyonnais, Société générale, Banque nationale pour le commerce et l’industrie, Crédit industriel et commercial, Crédit du Nord, Banque de Paris et des Pays-Bas, Banque de l’Indochine, Union des Mines, Crédit commercial de France, Union européenne industrielle et financière, Société générale de Belgique et de la Banque italo-belge.
52 Archives Cetelem, lettre du 14 avril 1953 de la direction du Trésor (C.2 Activités financières).
53 Rappelons que le CREG reprend le financement des ménages la même année.
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