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Introduction générale

p. 7-22


Texte intégral

« Avec l’emploi stable, les jeunes ménages ouvraient un compte bancaire, prenaient un crédit Cofremca pour s’équiper d’un réfrigérateur avec compartiment de congélation, d’une cuisinière mixte, etc., étonnés de se découvrir, par la grâce du mariage, pauvres face à tout ce qui leur manquait, dont ils ne soupçonnaient pas le prix avant, ni la nécessité qui maintenant allait de soi. […] On achetait donc la télévision – qui achevait le processus d’intégration sociale. Le dimanche après-midi, on regardait les Chevaliers du ciel, Ma Sorcière bien-aimée. L’espace se rétrécissait, le temps se régularisait […]. On découvrait le bonheur d’ordre ».

Annie Ernaux, Les Années, Paris, Gallimard, Folio, 2010, p. 97-98.

1Le 1er avril 2010, la Banque postale lance une nouvelle campagne publicitaire. L’affichage montre un papillon bleu prenant son envol à la sortie de sa chrysalide. Ce symbole de renaissance traduit visuellement un slogan de rupture : « La Banque postale réinvente le crédit à la consommation1 ».

2Pourquoi « réinventer » le crédit à la consommation ? Parce que les conditions dans lesquelles celui-ci est consenti continuent de susciter des controverses, controverses particulièrement ravivées depuis la crise financière et économique de 2008. Ainsi, c’est en plein débat sur la loi Lagarde, qui vise à réformer le crédit à la consommation afin de renforcer la protection des consommateurs et de lutter contre le surendettement2, que la Banque postale obtient, après trente ans de tergiversations, l’autorisation de distribuer ce crédit3. Ce feu vert du gouvernement n’est pas un hasard. En contrepartie, l’Établissement doit inaugurer une pratique « vertueuse » de distribution de ce crédit, ouvrir la voie d’un crédit « nouveau ». Cette volonté de rupture signifie-t-elle que les prêteurs autorisés jusqu’alors ont proposé des « mauvais » crédits et que la législation qui les encadre est inadaptée4 ?

3La nécessité, aujourd’hui, de « réinventer » le crédit à la consommation renvoie donc au passé et appelle à une analyse en longue durée de ce phénomène. Si le crédit n’est pas propre à la période contemporaine5, en revanche le crédit à la consommation dans sa forme moderne – introduction d’un tiers entre le vendeur et l’acheteur, durée comprise entre six et vingt-quatre mois et finançant des biens durables ou semi-durables – l’est. Entendu comme « crédit bénéficiant à un ménage pour le financement de toute dépense autre que l’achat d’un bien immobilier »6, il est indissociable de l’avènement des biens de consommation issus de l’industrialisation, de la hausse du niveau de vie et de la société de loisirs et de services qui caractérisent le xxe siècle. Alors qu’en 1967, un ménage sur cinq sollicite un crédit à la consommation, c’est un ménage sur trois en 2010. Pour ces mêmes dates, les encours de crédit sont passés, en monnaie constante, de 7 à 150 milliards d’euros, représentant respectivement 8 % et 16 % des encours totaux de crédit aux particuliers7. En 2008, l’encours des crédits à la consommation représente ainsi 12,7 % de la consommation totale des ménages et un endettement par habitant de 2 200 euros8. Si ces chiffres confirment l’importance économique et sociale du crédit à la consommation, et la généralisation de son usage en France au cours de la seconde moitié du xxe siècle9, force est de constater cependant que celui-ci demeure encore méconnu sur le plan historique.

4Cette lacune est soulignée par l’ensemble des historiens qui ont contribué à l’histoire de la consommation en France au xxe siècle10. En effet, si la question du crédit et de l’endettement a fait l’objet de recherches pour la période moderne et le xixe siècle, il en est différemment pour la période suivante11. Dans la lignée des travaux anglo-saxons pionniers, les historiens ont privilégié une approche culturelle de la consommation12. L’histoire de la consommation est avant tout une histoire des objets consommés, de leur représentation, des manières de les consommer (usages sociaux), et non des moyens de les acquérir13.

5Ainsi, si les historiens de l’économie se sont intéressés au crédit, c’est au sens large14. En outre, privilégiant de façon traditionnelle l’étude de la production, et donc le financement des investissements, ils ont délaissé celle du crédit à la consommation des ménages. Ainsi, la seule synthèse historique jusqu’alors disponible est le fruit de praticiens du crédit, anciens collaborateurs d’un établissement financier15.

6Curieusement, à la fin des années 1990, ce constat de relatif désert historiographique, de dark continent (continent obscur), est effectué dans les mêmes termes outre-Atlantique16. Des ouvrages majeurs sur l’expansion de la société de consommation de masse aux États-Unis ou l’influence de l’American Way of Life sur les sociétés européennes ne mentionnent pas ou peu le rôle de ce crédit17. Hormis un ouvrage centré sur la première moitié du xxe siècle, ce qui s’explique compte tenu du décalage de la diffusion des biens de consommation avec la chronologie européenne, les travaux mentionnant le crédit à la consommation se concentrent principalement sur l’évolution des techniques bancaires, en particulier l’apparition des cartes de crédit18.

7Une décennie plus tard, ce constat est repris, mais nuancé grâce à des travaux récents19. La deuxième moitié des années 2000 constituent en effet un tournant dans l’exploration de ce continent obscur. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, la croissance de l’endettement des ménages tant au titre de l’immobilier que de la consommation, puis la crise mondiale de crédit qui en a résulté, a indéniablement stimulé l’intérêt des historiens, mais aussi des chercheurs des autres sciences sociales, pour le crédit à la consommation.

8Aux États-Unis, aux travaux des historiens s’ajoutent ceux des politistes qui s’attachent notamment à analyser les différences d’accès au crédit à la consommation dans une perspective comparative États-Unis-France dans la seconde moitié du xxe siècle20. De même, la question des circulations transnationales, en particulier celle de l’américanisation concernant les pratiques et les usages du crédit à la consommation, a été étudiée pour l’Allemagne de l’Ouest dans les années 1950 et 196021.

9En effet, en Europe, comme aux États-Unis, le crédit à la consommation a fait l’objet de nouvelles recherches. Pour l’Allemagne de l’Ouest, outre les travaux sur l’influence du modèle américain, des recherches ont été menées sur le rôle des Caisses d’épargne dans l’expansion du crédit à la consommation après la réforme monétaire de 1948 ainsi que sur l’institutionnalisation de ce crédit de 1948 à 197422. Au Royaume-Uni, c’est moins la politique du crédit à la consommation que l’accès et l’usage de ce dernier par les communautés ouvrières qui a retenu l’attention des historiens23. En Italie, le crédit à la consommation a surtout été étudié à travers la diffusion des biens de consommation24. En France aussi, la terra incognita, que représentait il y a peu cette histoire, commence à être explorée. L’intérêt des historiens français pour le crédit à la consommation s’est ainsi d’abord manifesté au sein de recherches sur la consommation et les consommateurs, d’une part25, et sur le crédit en général, d’autre part26.

10Parallèlement à ces travaux historiques, d’autres disciplines manifestent un intérêt renouvelé pour ce sujet. Si les juristes, par l’étude notamment du droit de la consommation, et les économistes ont investi depuis longtemps cette question27, l’attention des politistes et surtout des sociologues de l’économie est plus récente. Interpellés par le dévelop-pement du surendettement et la question de la relation de crédit, ces derniers ont multiplié les enquêtes sur le sujet et apporté des avancées significatives dans la connaissance des techniques de crédit et des modalités d’octroi du crédit à la consommation28. L’analyse des transactions de crédit a ainsi fait l’objet d’une attention particulière. Elle remet en cause une lecture évolutionniste qui verrait le passage de relations interpersonnelles dans le cadre d’une économie morale à une mise en fiche des personnes (identification économique) dans le cadre d’une économie capitaliste instituée29. Cette question de l’identification économique est précisément au cœur du débat sur l’instauration d’un fichier positif envisagé par la loi Lagarde. Car la création de ce fichier, recensant tous les crédits souscrits par les emprunteurs, aboutirait à une « nationalisation de l’information financière » et ferait perdre aux établissements prêteurs le contrôle sur les normes d’octroi du crédit, ce qui n’est pas sans susciter de vives réserves30.

11La nécessité de mieux appréhender les origines de cette crise mondiale du crédit fondée sur un endettement massif des particuliers a donc contribué à déplacer la focale d’analyse des chercheurs en général et des historiens en particulier. Délaissant l’approche culturelle, ces derniers, ici comme ailleurs, privilégient désormais une approche économique et sociale du crédit à la consommation.

12Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au début du xxie siècle, le marché du crédit à la consommation en France dans sa forme moderne se caractérise par trois phases de développement31. La première, jusqu’en 1965, correspond à un développement modéré ; la seconde, de 1966 à 1985, à un développement soutenu ; enfin, la troisième, de 1986 à 2008, à une progression accélérée. Ces variations du rythme de progression des crédits résultent de la combinaison de plusieurs facteurs, dont la réglementation en vigueur (déréglementation des années 1986-1987, par exemple), les prêteurs en présence (entrée massive des banques sur le marché en 1966-1967), les techniques de crédit utilisées (généralisation du crédit revolving dans les années 1990) et les usages sociaux du crédit (équipement domestique dans les années 1960, crédit de trésorerie dans les années 1990-2000). Si les périodes les plus récentes sont relativement bien connues, notamment grâce aux travaux des sociologues de l’économie, en revanche, la période initiale l’est moins.

13Or, la « réinvention » du crédit à la consommation sollicitée par la loi Lagarde 2010 n’est pas sans renvoyer à « l’invention » de ce dernier dans les années 1950. Les thèmes évoqués lors des débats précédents la loi, comme la technique du crédit (crédit affecté ou prêt personnel versus crédit revolving, par exemple), le coût du crédit (révision des taux de l’usure) ou la question des risques (fichier positif) trouvent ainsi un écho particulier, parfois en des termes identiques, dans les discussions menées cinquante ans auparavant.

14Aussi, est-ce pour replacer l’analyse de cet objet en longue durée et éviter le piège de « l’illusion de la nouveauté » que cette recherche est centrée sur la période « d’invention » du crédit à la consommation32. Encore convient-il de préciser le sens de cette expression. L’« invention » du crédit à la consommation renvoie à son institutionnalisation. Si ce dernier, dans sa forme moderne, apparaît au lendemain de la Première Guerre mondiale, c’est au sortir de celle-ci qu’il connaît un premier développement sous une forme quasi exclusive, la vente à tempérament.

15C’est pour encadrer cet essor, c’est-à-dire à la fois éliminer les pratiques les plus répréhensibles et en légitimer d’autres, que les autorités financières et politiques réglementent et légifèrent entre 1954 et 1957. Ces mesures marquent la naissance d’une politique du crédit à la consommation, dernière-née qui rejoint l’ensemble de la politique « dirigée » des crédits à l’économie inaugurée par la loi de nationalisation du crédit du 2 décembre 194533. Elles n’ont pas été adoptées sans discussion. Car l’institutionnalisation du crédit à la consommation pose la question de sa légitimation. Dans une France où le crédit a été nationalisé pour servir la reconstruction industrielle, et donc la production, quel rôle le crédit à la consommation peut-il jouer ? C’est sur ce processus de légitimation qu’il convient ici d’insister.

16Privilégiant l’analyse des conditions de distribution et d’accès au crédit ainsi que l’identification et l’évolution des normes de consommation et d’endettement, cette recherche se concentre sur les acteurs financiers et politiques du marché du crédit à la consommation. Elle se structure autour de quatre questions : pourquoi les autorités financières tardent-elles à réglementer ce crédit en dépit de la multiplication des scandales liés à l’essor du « crédit noir » ? Quels sont les enjeux de cette réglementation et les objectifs poursuivis ? Quels sont les instruments de cette politique et comment les risques sont-ils maîtrisés ? Enfin, dans quelle mesure cette politique a-t-elle favorisé l’usage du crédit et la diffusion des biens de consommation ?

17La première question marque chronologiquement le début de cette étude. C’est en effet, en octobre 1947, que le ministre de l’Économie nationale sollicite la Banque de France pour mener une enquête sur les conditions de financement à crédit des automobiles. Cette requête, motivée par plusieurs « affaires », donne lieu à un rapport circonstancié sur l’ensemble du financement à tempérament des biens dits de consommation. Préconisant des mesures s’inspirant notamment de la réglementation américaine (fixation de la durée du crédit, du versement initial) pour assainir la situation, le rapport reste lettre morte. À l’exception de l’automobile, alors considérée comme une « production » et dont le financement est accepté au réescompte de la Banque de France, aucun bien de consommation (textiles, meubles, électroménager, etc.) ne bénéficie de cette possibilité. La suspension par le Conseil national du crédit de l’enregistrement de tout nouvel établissement de crédit à la consommation laisse la porte ouverte, nécessité faisant loi, au développement du « marché noir du crédit ». Comme pour le logement à la même époque, la pénurie de crédit aboutit à l’essor de prêteurs clandestins. Pourquoi les autorités financières demeurent-elles alors attentistes ?

18La discussion du rapport de la Banque de France permet de soulever plusieurs arguments clés avancés par celle-ci. Le premier, monétaire, est lié à l’évolution des prix. Comment accepter, en période d’inflation, l’expansion du crédit à la consommation alors que ce dernier, en augmentant la solvabilité des acheteurs, permettrait aux vendeurs de maintenir des prix élevés ? Le second argument, économique, a trait aux priorités de la Reconstruction. La politique du crédit nationalisé doit être au service de la production et non de la consommation. Cette opposition se retrouve dans l’analyse des biens financés à crédit. L’automobile occupe d’emblée une place à part au sein « du financement des ventes à tempérament ». Cette situation privilégiée repose, non seulement sur la priorité donnée à ce secteur industriel « moderne », mais également sur un argument, cette fois juridique, qui limite les risques du prêteur. La loi Malingre de 1934 permet en effet de « gager » la voiture. Or, cette garantie réelle est l’apanage exclusif de l’automobile contribuant à définir, en négatif, les « autres biens de consommation ». Rejetés du financement légal, c’est-à-dire par des prêteurs enregistrés comme établissement financier accédant au réescompte de la Banque de France, ces biens sont alors financés par des prêteurs clandestins. Dans une France d’après-guerre appauvrie, le marché noir du crédit à la consommation prospère. Est-ce pour assainir ce marché que le gouvernement décide d’agir au début de l’année 1953 ?

19Cette année inaugure une nouvelle conjoncture économique. La stabilisation Pinay et la fin de la guerre de Corée inaugurent « l’expansion dans la stabilité ». La reconstruction industrielle est en voie d’achèvement. Dès lors, le problème n’est plus tant de produire que de vendre. Dans quelle mesure le crédit à la consommation peut-il favoriser la « relance de l’économie » et contribuer au « programme d’expansion économique » ? Mais quid de la politique des prix ? De fait, c’est l’avantage que représenteraient les économies d’échelle réalisées grâce à l’élargissement du marché intérieur dû à l’utilisation du crédit par les Français qui est désormais retenu. D’épouvantail, le crédit à la consommation se muerait-il en panacée ? Encore faudrait-il assainir le marché du crédit à la consommation, étape préalable indispensable à un essor programmé. Mais quels critères adopter pour à la fois éliminer les pratiques douteuses et en légitimer d’autres ? D’autre part, l’objectif étant le financement de certains biens industriels, quelle technique de crédit retenir ? Enfin, concernant le coût du crédit, faut-il, à l’instar de la Grande-Bretagne, le plafonner ? La Banque de France semble pencher pour une action sur les prêteurs. Mais la réglementation qu’elle instaure permet-elle une concurrence suffisante entre ces derniers pour garantir une baisse des taux ?

20Car, dans la perspective gouvernementale, la relance de l’économie passe par le développement du crédit à la consommation et donc l’instauration de conditions satisfaisantes de distribution et d’accès à ce crédit. La question de la distribution n’est pas sans renvoyer à celle de l’origine et de la nature des prêteurs. Traditionnellement affectées au financement de l’État et des entreprises, les banques ont-elles un rôle à jouer dans le crédit à la consommation ou bien les établissements financiers spécialisés sont-ils considérés comme des vecteurs privilégiés ? Disposent-ils de réseaux de distribution particuliers ? En effet, si les filiales de crédit des constructeurs automobiles bénéficient du réseau des concessionnaires ainsi que de celui des courtiers d’assurance, qu’en est-il des établissements d’origine bancaire et de ceux finançant d’autres biens ? L’identification des prêteurs implique également celle de leurs clients. Qui sont les véritables clients des entreprises de financement des ventes à tempérament ? Sont-ce les acheteurs-consommateurs ou bien les commerçants-vendeurs ?

21En effet, dans le cas d’un crédit « indirect », via les vendeurs, un problème majeur se pose aux établissements financiers, celui de la maîtrise des risques. Comment limiter les impayés lorsque le crédit est octroyé sans contact préalable avec l’emprunteur ? La sélection et la formation des vendeurs par les établissements de crédit apparaissent alors déterminantes. Mais ces établissements ont-ils tous les moyens de le faire ? Quels sont ceux qui plaident pour la création d’une « centrale des risques » ?

22Cette préoccupation des risques est d’autant plus vive que la concurrence se renforce. La construction du Marché commun en 1957 et la libéralisation des échanges qui s’ensuit contribuent, en effet, à faire évoluer le marché du crédit à la consommation en France. Deux facteurs influent sur ce dernier : l’entrée de nouveaux prêteurs et l’évolution des prix industriels. Jusque-là cantonnées essentiellement au refinancement, les banques françaises, à la suite de leurs homologues européennes, se lancent dans le crédit direct à la consommation. Contournant la réglementation qui vise uniquement les ventes à tempérament, elles proposent en 1959 des prêts personnels aux particuliers. Cette initiative soulève deux interrogations. Comment les autorités financières réagissent-elles ? Dans quelle mesure ces prêts personnels concurrencent-ils les ventes à tempérament, autrement dit financent-ils les mêmes objets ? L’analyse du marché du crédit ne peut en effet se faire sans celle des biens financés. Or, la nécessité pour l’industrie française de renforcer sa compétitivité face à sa principale concurrente, l’Allemagne, fait que des efforts importants sont réalisés pour comprimer les prix, en particulier pour les industries les plus exposées comme celle de l’électroménager. Face à la multiplication des « petits » dossiers de crédit qui fragilisent leur rentabilité, quelle stratégie les établissements de crédit mettent-ils en œuvre ? Cherchent-ils à créer de nouvelles techniques de crédit à même de satisfaire les besoins nouveaux ?

23La décennie 1960 s’ouvre en effet sur un effort de construction immobilière sans précédent. Or, le logement n’est pas sans influence sur l’essor du crédit à la consommation. D’une part, il contribue, avec le développement de l’accession à la propriété, à généraliser chez les Français l’usage du crédit. D’autre part, et dans tous les cas, l’accès à un logement neuf doté des éléments de confort moderne entraîne de nouvelles normes de consommation. Précisément, quels sont les biens achetés à crédit ? Privilégiant les ventes à tempérament, et donc le crédit affecté, la réglementation du crédit a-t-elle permis d’orienter les achats à crédit vers les biens industriels jugés prioritaires ? La diffusion de ces biens soulève également la question de leurs acquéreurs. Qui sont les Français qui achètent à crédit ? Le recours au crédit n’est pas sans impliquer, du côté de l’acheteur, l’engagement de rembourser, et du point de vue du prêteur, la recherche de garantie. La garantie réelle, le gage, ne s’appliquant qu’à l’auto-mobile, dans quelle mesure, dans une société salariale en voie de généralisation, le salaire ne remplace-t-il pas progressivement ce dernier ? Dès lors, quel niveau d’endettement les prêteurs retiennent-ils comme norme ?

24Cette question de l’endettement conduit à s’interroger plus généralement sur les résultats de la politique du crédit à la consommation instituée au milieu des années 1950. La réglementation mise en place a-t-elle créé des conditions favorables à l’essor de ce crédit ? Si sa part progresse quelque peu dans l’ensemble des crédits à l’économie (de 1,3 % en 1956 à 2,1 % en 1963), force est de constater qu’elle reste modeste au milieu des années 1960. La comparaison avec les autres pays européens, au sein du Marché commun (Allemagne de l’Ouest, Belgique) ou non (Grande-Bretagne), renforce ce constat. Dès lors, faut-il en déduire qu’en dépit de la volonté gouvernementale de faire du crédit à la consommation un des leviers de la croissance économique, ce dernier est resté, pour les acteurs de la régulation, « un mal nécessaire qu’il convient de restreindre au maximum » ?

25Emblématique de la politique du crédit instaurée en 1945, centrée sur le financement des investissements productifs, cette réticence envers le crédit à la consommation se dissipe avec la réforme du système financier français initiée par Michel Debré en 196634. Délivrées de leur corset réglementaire, les grandes banques se lancent à l’assaut des particuliers, tant pour les dépôts que pour les prêts, qu’ils soient immobiliers ou à la consommation35. L’extension de leur action précipite l’évolution du marché du crédit à la consommation (essor des prêts personnels et baisse des taux). À cette évolution des prêteurs, s’ajoute celle des biens achetés liée à la hausse du niveau de vie. Le premier équipement (radio, réfrigérateur, machine à laver) se généralisant, ce sont les loisirs et surtout les prêts à l’amélioration de l’habitat qui prennent le relais. Enfin, l’arrivée à l’âge adulte de la génération du baby-boom, habituée à la protection sociale généralisée et confiante dans une « carrière » qui augure une hausse continue des revenus, tend également à modifier les usages du crédit. Aussi, pour l’ensemble de ces facteurs, l’année 1965 marque-t-elle le terme chronologique de cette recherche.

26Celle-ci se concentre également sur le cas français, plus précisément métropolitain. En effet, si l’un des établissements majeurs, le Cetelem, a ouvert une filiale, « Cetelem Afrique », en Algérie en 1954, cette activité qui a perduré jusqu’en 1962, n’est pas étudiée36. En revanche, partant du cas français, cette recherche introduit une comparaison avec les autres pays européens, en particulier avec ceux qui représentent les plus importants marchés du crédit à la consommation, la Grande-Bretagne et l’Allemagne de l’Ouest. La référence aux États-Unis, pays pionnier dans ce domaine, s’impose également, mais ne fait pas l’objet d’une comparaison systématique. Ce travail a été récemment effectué et les recherches actuelles dans une perspective transnationale insistent surtout sur la singularité du cas américain37. Aussi, cette étude se concentre-t-elle sur la situation européenne. L’objectif est de montrer les similitudes ou les différences des réglementations, lorsqu’elles existent, et de dégager les caractéristiques des principaux marchés européens du crédit à la consommation afin d’identifier à la fois les moteurs et les freins à son développement en France. Il est également de déterminer si des moments clés et une chronologie commune émergent à travers cet essor.

27Dans cette perspective, les sources consultées reposent essentiellement sur les archives économiques et financières des acteurs institutionnels (ministère des Finances, Conseil national du crédit, Banque de France) et sur celles des établissements prêteurs (Cetelem, Sofinco, et dans une moindre mesure, Crédit lyonnais et Société générale).

28La demande d’une étude sur la situation du crédit à la consommation émanant du ministre de l’Économie nationale en 1947, les archives économiques et financières du ministère des Finances ont constitué la première étape du dépouillement. Mais le service en charge du crédit à la consommation au sein de la direction du Trésor, le B1 « Activités financières – épargne et crédit », a laissé peu de traces en dehors des questions liées à l’usure puis à la protection des emprunteurs au tournant des années 1960-197038. De fait, les notes consultées montrent que les discussions et projets sont centralisés par la Banque de France.

29Les archives de celle-ci, qui contiennent également celles du Conseil national du crédit, constituent ainsi le corpus majeur de cette recherche pour ce qui concerne l’élaboration, l’instauration et l’évolution de la réglementation du crédit à la consommation. Le fonds du Conseil national du crédit est particulièrement précieux pour la connaissance des situations étrangères et les discussions, parfois vives, qui ont lieu au sein du Comité des banques et établissements financiers où l’ensemble des acteurs, « régulateurs » et prêteurs, se réunit39.

30Le second corpus est fourni par les établissements prêteurs, les établissements financiers spécialisés, d’une part, et les banques, d’autre part. Parmi les premiers, les archives de la Sofinco et du Cetelem, créés respectivement en 1951 et 1953, ont permis de mieux restituer les conditions de leur création et surtout leur stratégie pour amorcer puis développer l’octroi du crédit tout en maîtrisant, ou non, le risque d’impayés. Méconnues voire inconnues, les archives de la Sofinco, intégrée aujourd’hui au groupe Crédit agricole S.A., demeurent largement inédites car peu accessibles40. Elles sont pourtant indispensables pour nuancer le panorama offert par les archives du Cetelem, longtemps valorisées par l’entreprise et de ce fait tôt exploitées par les chercheurs41.

31Le rôle des banques, dans le financement direct du crédit à la consommation, a été plus difficilement appréhendé. Si les archives historiques du Crédit lyonnais ont conservé quelques traces de l’expérience originelle des prêts personnels, en revanche, les investigations menées en ce sens auprès de la Société générale ont été peu fructueuses.

32Enfin, un troisième corpus, composés des papiers privés d’anciens ministres (Robert Buron pour l’Économie nationale) ou de personnalités influentes (Wilfrid Baumgartner, gouverneur de la Banque de France) ainsi que de sources imprimées (rapports du Conseil économique et social, enquêtes IFOP, INSEE, etc.) vient compléter ces archives financières.

33Le choix de privilégier le jeu des acteurs, les ministères de l’Économie nationale ou celui des Finances, la Banque de France, les prêteurs, les acheteurs à crédit, mais aussi de souligner les moments-clés du développement du crédit à la consommation en France par comparaison avec les autres pays européens – quels sont les facteurs déterminants et à quel moment ? – a conduit à adopter un plan mêlant développements thématiques et chronologie.

34Ainsi, dans une première partie, il s’agit d’analyser les conditions dans lesquelles le crédit à la consommation se développe en France dans l’immédiat après-guerre, depuis la requête du ministre de l’Économie nationale préoccupé par la situation du crédit automobile (1947) jusqu’aux premières initiatives privées pour investir un marché prometteur (1952). Cette partie s’attache à montrer, d’une part, que dans le contexte de la Reconstruction et de la « bataille de la production » ce crédit est considéré comme illégitime, d’autre part, que cette illégitimité contribue à son développement clandestin, enfin que l’existence même de ce « crédit noir » prouve celle d’une demande non satisfaite « qui constitue un marché porteur » pour des « explorateurs » avisés.

35Une deuxième partie est consacrée à la réhabilitation et à la réglementation du crédit à la consommation (1953-1957). Il s’agit d’analyser ici, non seulement les facteurs conjoncturels et structurels de cette réhabilitation, mais également de voir comment la réglementation sert à la fois à moraliser le crédit et, par la normalisation de ses modalités, à le légitimer.

36Une troisième partie a trait à la distribution des crédits par les établissements prêteurs depuis leur enregistrement par le Conseil national du crédit jusqu’aux réformes bancaires (1953-1965). Il faudra voir là comment ces établissements démarchent les commerçants-détaillants pour constituer leur réseau, mais également comment ils les sélectionnent et les forment pour limiter les risques. D’autre part, il s’agira également d’analyser comment les changements réglementaires induits par la construction européenne et la concurrence nouvelle des crédits directs des banques les amènent à faire évoluer leur stratégie commerciale.

37Enfin, dans une dernière partie, il s’agit de voir dans quelle mesure la politique du crédit à la consommation inaugurée en 1953 a atteint ses objectifs. L’analyse des biens financés amène ainsi à s’interroger sur la relation entre l’évolution des prix de ces derniers et la composition des encours des organismes de crédit. L’étude des acheteurs pose, elle, la question de l’évolution des usages du crédit en fonction des générations, les plus jeunes, davantage urbanisées, salariées et confiantes en leur avenir, y ayant recours plus tôt. Toutefois, il conviendra de voir si ce recours plus spontané résulte de meilleures conditions d’accès au crédit. Le coût de ce dernier, plus élevé que dans les autres pays européens, conduit en effet à soulever la question des limites des mesures réglementaires adoptées par les autorités financières.

Notes de bas de page

1 1. A. Michel, « La Banque postale veut promouvoir des crédits à la consommation vertueux », Le Monde, 1er avril 2010.

2  Suite à l’adoption par le Parlement européen de la directive relative aux contrats de crédit aux consommateurs (n° 2008/48/CE du 23 avril 2008), le projet de loi de Christine Lagarde, ministre de l’Économie et des Finances, est présenté en conseil des ministres le 22 avril 2009 et discuté au printemps 2010. La loi éponyme n° 2010-737 portant réforme du crédit à la consommation (JO du 2 juillet 2010) est adoptée le 1er juillet 2010 et entre en application le 1er mai 2011. Elle accroît les obligations des prêteurs en matière de vérification de la solvabilité des candidats au crédit afin de mieux « protéger » ces derniers.

3  La Banque postale devient une société anonyme à capitaux publics le 1er mars 2010. Ses premières offres de crédit à la consommation sont proposées le 1er avril 2010, N. Vézinat, « La Banque postale réinvente le crédit : genèse d’un service controversé (1971-2010) », dans « Crédit à la consommation. Une histoire qui dure », Revue française de Socio-économie, n° 9, 2012, p. 63-81, et Les Métamorphoses de la Poste. Professionnalisation des conseillers financiers (1953-2010), Paris, PUF, 2012 (publication de la thèse de doctorat de sociologie, « La Poste et ses conseillers financiers dans une approche socio-historique », sous la direction d’A. Grelon, EHESS, 2010).

4  Pour Sébastien Plot, « cette différenciation entre le bon et le mauvais crédit est le fer de lance de la réforme entamée par la ministre de l’Économie », Les enjeux d’une mise en risque. La construction du surendettement comme problème public (1989-2010), thèse de science politique sous la direction de B. Gaïti, université de Paris-Dauphine, 2011.

5  L. Fontaine, L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.

6  H. Balaguy, Le crédit à la consommation en France, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1996, p. 5.

7  Banque de France, « Le crédit à la consommation et son financement bancaire », 1970, ABDF 1370198301/4 et Observatoire des crédits aux ménages, 23e rapport annuel présenté par M. Mouillart, avril 2011, consultable sur le site de la Fédération bancaire française, www.fbf.fr. L’observatoire des crédits aux ménages a pris en 2006 le relais de l’observatoire de l’endettement des ménages créé en 1989. Présidé par M. Mouillart, professeur d’économie à Paris-Ouest Nanterre-La Défense, ses données s’appuient sur une enquête annuelle réalisée par la SOFRES auprès de 12 000 ménages. Il faut noter qu’à partir du boom immobilier (hausse des prix) du début des années 2000, la part de l’endettement des particuliers au titre du logement ne cesse de progresser. Le crédit à la consommation représentait ainsi 24 % des crédits aux particuliers en 1999 mais 16 % en 2010.

8  Sofinco, « L’utilité économique du crédit à la consommation », février 2009, consultable sur www.sofinco.com rubrique « Panorama du crédit conso ».

9  En 2008, la France est le troisième marché européen du crédit à la consommation derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne (142 milliards d’euros d’encours contre respectivement 328 et 225 milliards d’euros), L’Observatoire Cetelem, « Les marchés européens », 2009, p. 18.

10  J.-P. Rioux, « L’évolution de la consommation », dans J. Marseille (dir.), Puissances et faiblesses de la France industrielle, XIX-XXe siècles, Paris, Le Seuil, 1997 et A. Chatriot, M.-E. Chessel et M. Hilton, Au nom du consommateur. Consommation et politique en Europe et aux États-Unis au XXe siècle, Paris, La Découverte, 2004, p. 22.

11  A. Chatriot, « Protéger le consommateur contre lui-même. La régulation du crédit à la consommation », dans S. Chauveau (dir.), « Consommer en masse », Vingtième Siècle, n° 91, juillet-septembre 2006, p. 95-109. Il cite en particulier les travaux de G. Postel-Vinay, La Terre et l’Argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, Paris, A. Michel, 1997 et, pour le cas anglais, M. C. Finn, The Character of Credit. Personal Debt in English Culture, 1740-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

12  A. Appadurai (ed.), The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 1986 ; J. Brewer and R. Porter (dir.), Consumption and the World of Goods, Londres, Routledge, 1993 ; D. Roche, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles (XVIII-XIXe siècles), Paris, Fayard, 1997 et F. Trentmann (ed.), The Oxford Handbook of The History of Consumption, Oxford, Oxford University Press, 2012.

13  E. Fesneau, Le poste à transistors à la conquête de la France. La radio nomade (1954-1970), Paris, INA, 2011 ; I. Gaillard, La télévision. Histoire d’un objet de consommation, 1945-1985, Paris, CTHS-INA, 2012. Pour une synthèse récente sur l’histoire de la consommation en France à l’époque contemporaine, M.-E Chessel, Histoire de la consommation, Paris, La Découverte, 2012.

14  P. Baubeau, A. Lavit d’Hautefort et M. Lescure, Histoire publique d’une société privée. Le Crédit national, 1919-1994, Paris, J-C Lattès, 1994 ; J.-P. Allinne, Banquiers et bâtisseurs : un siècle de Crédit foncier, 1852-1940, Toulouse, CNRS éditions, 1983 ; M. Lescure, Les banques, l’État et le marché immobilier en France à l’époque contemporaine, 1820-1940, Paris, Éditions de l’EHESS, 1982 ; S. Effosse, L’invention du logement aidé. L’immobilier au temps des Trente Glorieuses, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003 ; P. Baubeau, « Les cathédrales de papier » ou la foi dans le crédit. Naissance et subversion du système de l’escompte en France, fin XVIIIe-premier XXe siècle, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de M. Lescure, université de Paris X-Nanterre, 2004.

15  R.-M. Gelpi, F.-J. Labruyère, Histoire du crédit à la consommation. Doctrines et pratiques, Paris, La Découverte, 1994. Traduit en de nombreuses langues, dont l’anglais The History of Consumer Credit : Doctrine and Practice, New York, St-Martins Press, 2000, cet ouvrage a contribué à diffuser le point de vue du Cetelem sur le développement du crédit à la consommation. Il faut également noter le travail pionnier de S. Bertaux mené dans le cadre d’une maîtrise d’histoire réalisée sous la direction de R. Bonnaud, Le crédit à la consommation à travers l’histoire d’un établissement financier, le Cetelem, 1953-1984, université de Paris VII, 1990.

16  L’expression est de l’historien américain Lendol Calder, cf. L. Calder, Financing the American Dream. A Cultural History of Consumer Credit, Princeton, Princeton University Press, 1999, p. 9.

17  D. Horowitz, The Morality of Spending : Attitudes toward the Consumer Society in America, 1875-1940, Baltimore, John Hopkins University Press, 1985 ; J. Schor, The Over-spent American, New York, Basic Books, 1998 ; S. Strasser, C. McGovern et M. Judt (dir.), Getting and Spending : European and American Consumer Societies in the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 ; L. Cohen, A Consumers Republic. The Politics of Mass Consumption in Postwar America, New York, Knopf, 2003 ; V. De Grazia, Irresistible Empire. America’s Advance through 20th Century Europe, Cambridge (Mass.), The Belknap Press of Harvard University Press, 2005.

18  M. L. Olney, Buy Now, Pay Latter : Advertising, Credit, and Consumer Durables in the 1920s, Chapel Hill, University of North California Press, 1991 ; Lloyd Klein, It’s in the Cards : Consumer Credit and the American Experience, Westport, Praeger, 1999 ; D. Evans and R. Schmalensee, Paying with Plastic : The Digital Revolution in Buying and Borrowing, Cambridge, MIT Press, 1999 ; R. Manning, Credit Card Nation, New York, Basic Books, 2000.

19  L. Hyman, Debtor Nation. The History of America in Red Ink, Princeton, Princeton University Press, 2011 et J. Logemann (ed.), The Development of Consumer Credit in Global Perspective. Business, Regulation, and Culture, New York, Palgrave Macmillan, 2012.

20  G. Trumbull, “Banking on Consumer Credit : Explaining Patterns of Household Borrowing in the United States and France”, dans J. Logemann (ed.), The Development of Consumer Credit in Global Perspective, op. cit., p. 157-182.

21  J. Logemann, “Different Paths to Mass Consumption : Consumer Credit in the United States and West Germany during the 1950s and 1960s”, Journal of Social History, Spring 2008, p. 525-555 ; “Americanization through Credit ? Consumer Credit in Germany, 1860s -1960s”, in “Consumer Finance”, Business History Review, vol. 85, issue 3, Autumn 2011 et “From Cradle to Bankruptcy ? Credit Access and the American Welfare State”, dans J. Logemann (ed.), The Development of Consumer Credit..., op. cit., p. 201-219.

22  B. Stücker, « Konsum auf Kredit in der Bundesrepublik », in « Die Bundesdeutsche Massenkonsumgesellschaft, 1950-2000 », Jahrbuch für Wirtschafts-geschicht, 2007/2, p. 63-88 et R. Belvederesi-Kochs, “Moral or Modern Marketing ? Sparkassen and Consumer Credit in West Germany”, in J. Logemann (ed.), The Development of Consumer Credit..., op. cit., p. 41-62.

23  M. Tebbutt, Making Ends Meet : Pawnbroking and Working Class Credit, Leicester, Leicester University Press, 1983 ; P. Johnson, Saving and Spending : the Working Class Economy in Britain, 1870-1939, Oxford, Clarendon Press, 1985 ; A. Taylor, Working Class Credit and Community since 1918, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002 et S. O’Connell, Credit and Community : Working-Class Debt in the UK since 1880, Oxford, Oxford University Press, 2009.

24  R. Scatamacchia, « Dalle Virtù Massaie agli acquisti a rate. Le tentazioni del credito al consumo », dans G. Conti, O. Feiertag e R. Scatamacchia (a cura di), Credito e nazione in Francia e in Italia (XIX-XX secolo), Pisa University Press, 2009, p. 437-456 ; E. Scarpellini, “The invention of modern consumers and consumer credit in 1950-1960s Italy : people, goods, and culture”, dans S. Effosse et I. Gaillard (dir.), « Consommer à crédit en Europe au XXe siècle », Entreprises et histoire, n° 59, juin 2010, p. 92-101 et E. Scarpellini, Material Nation : A Consumer’s History of Modern Italy, Oxford University Press, 2011.

25  A. Chatriot, « Protéger le consommateur contre lui-même. La régulation du crédit à la consommation », art. cité ; S. Effosse, « Investir ou consommer ? L’opposition du logement et de la voiture en France au temps des Trente Glorieuses », dans A. Aglan, O. Feiertag et Y. Marec (dir.), Les Français et l’argent. Entre fantasmes et réalités, Rennes, PUR, 2011, p. 109-122.

26  I. Gaillard, « Il credito al consume in Francia », dans G. Conti, O. Feiertag e R. Scatamacchia (a cura di), Credito e nazione in Francia e in Italia..., op. cit., p. 457-467 et S. Effosse « Le développement du crédit à la consommation en France pendant les Trente Glorieuses », dans G. Chastagnaret, J.-C. Daumas, A. Escudero y O. Raveux (eds.), Los niveles de vida en Espana y Francia (siglos XVIII-XX), Alicante, 2010, p. 317-334.

27  F. Falletti (magistrat), La vente à crédit des biens de consommation, Paris, Litec Droit, 1981 ; J. Calais-Auloy (dir.), Le Droit de la consommation en France. Une étude préparée pour la Commission de la Communauté européenne, New York, Van Nostrand Reinhold Company, 1981 ; H. Balaguy, Le crédit à la consommation en France..., op. cit. ; G. Caire, Analyse économique des biens durables de consommation, Paris, L’Harmattan, 1999.

28  H. Ducourant, « Du crédit à la consommation à la consommation de crédits. Autonomisation d’une activité économique », thèse de doctorat de sociologie sous la direction de B. Convert, université de Lille 1, 2009 ; L. Lacan, J. Lazarus, A. Perrin-Heredia et S. Plot (dir.), « Vivre et faire vivre à crédit », Sociétés contemporaines, n° 76, octobre-décembre 2009 ; G. Laferté, M. Avanza, M. Fontaine et E. Pénissat, « Le crédit direct des commerçants aux consommateurs : persistance et dépassement dans le textile à Lens (1920-1970) », Genèses, n° 79, 2010/2, p. 26-47 ; H. Ducourant, « Crédit à la consommation et endettement des individus : des idées reçues et des outils pour les combattre », Revue française de socio-économie, n° 9, 2012, p. 11-21 et J. Lazarus, L’épreuve de l’argent. Banques, banquiers, clients, Paris, Calmann-Lévy, 2012 (publication de la thèse de doctorat de sociologie sous la direction de L. Boltanski, L’épreuve de l’argent. Une sociologie de la banque et de ses clients, EHESS, 2009). Sur le surendettement, voir également les travaux de l’économiste G. Gloukoviezoff, De l’exclusion à l’inclusion bancaire des particuliers en France. Entre nécessité sociale et contrainte de rentabilité, thèse de doctorat d’économie, université de Lyon II, 2008.

29  G. Laferté, « Théoriser le crédit de face-à-face : un système d’information dans une économie de l’obligation », dans Entreprises et histoire, n° 59, juin 2010, p. 57-67 ; G. Laferté (dir.), « L’identification économique », Genèses, n° 79, juin 2010, p. 2-5 ; « De l’interconnaissance sociale à l’identification économique : vers une histoire et une sociologie comparées de la transaction à crédit », Genèses, n° 79, juin 2010, p. 135-149 ainsi que C. Lemercier et C. Zalc, « Pour une nouvelle approche de la relation de crédit en histoire contemporaine », Annales. Histoire, Sciences sociales, 2012/4, p. 979-1009.

30  Les travaux du politiste S. Plot, Les enjeux d’une mise en risque. La construction du surendettement comme problème public (1989-2010), thèse citée, p. 435-436. Notons que la création d’un registre national des crédits aux particuliers ou fichier positif, dispositif qui existe déjà en Allemagne, Belgique, Espagne et Italie (actuellement la Banque de France ne répertorie que les incidents de paiement et les interdictions bancaires soit des données « négatives ») et qui avait été étudié dans le cadre de la loi Lagarde, a été retiré du projet de loi Hamon sur le renforcement des droits des consommateurs présenté le 2 mai 2013.

31  Banque de France, « Le crédit à la consommation et son financement bancaire », 1970 ; DAFSA, Les établissements de financement des ventes à crédit, Paris, 1977 ; Eurostaf, Le crédit à la consommation en France : analyse et conclusions, Paris, 1997 ; Eurostaf, Le marché du crédit à la consommation en France, Paris, 2008.

32  En référence aux propos de Pierre Vilar (Or et monnaie dans l’histoire, 1978) cités par Alain Plessis dans l’ouvrage qu’il a écrit avec J. Marseille, Vive la crise et l’inflation !, 1983, p. 168 : « Rien n’est plus périlleux que l’illusion de la nouveauté, qui n’est souvent qu’ignorance de l’histoire. Non que l’histoire ait pour fin de démontrer que rien n’est nouveau. Mais il lui arrive de faire la preuve que tout n’est pas aussi nouveau que l’opinion commune ne l’imagine ».

33  C. Andrieu, « À la recherche de la politique du crédit, 1946-1973 », Revue Historique, CCLXXXI/2, avril-juin 1983, p. 377-417 ; M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991 ; E. Monnet, Politique monétaire et politique du crédit en France pendant les Trente Glorieuses, 1945-1973, thèse de doctorat de sciences économiques sous la direction de P.-C. Hautcœur, EHESS, 2012.

34  L. Quennouëlle-Corre, « Les réformes bancaires et financières de 1966-1967 », dans Michel Debré, un réformateur aux Finances, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 85-117.

35  H. Bonin, La banque et les banquiers en France, du Moyen Âge à nos jours, Paris, Larousse, 1992, p. 219-229 et O. Feiertag, « La bancarisation de la société française dans les années 1968 », dans A. Aglan, O. Feiertag et Y. Marec (dir.), Les Français et l’argent..., op. cit., p. 163-175.

36  Concernant cette expérience, il faut mentionner l’existence dans les archives du Cetelem de dossiers intitulés « Cetelem Afrique, 1954-1962 ». Il semblerait que l’implantation du Cetelem en Algérie en 1954 (à Alger et à Oran) se soit faite sur l’insistance des importateurs locaux notamment de Thomson, très influent dans le Syndicat de la construction électrique actionnaire du Cetelem, et d’Electrolux. Sur ce point, cf. dans les archives Cetelem, la note de P. de Charnacé sur la création du Cetelem Afrique du 4 février 1985 ainsi que son entretien avec J. de Fouchier (note du 26 avril 1985) et les mémoires de G. de Chaunac, La vie m’a fait crédit, Paris, Pour Mémoire, 2001.

37  G. Trumbull, “Banking on Consumer Credit : Explaining Patterns of Household Borrowing in the United States and France”, dans J. Logemann (ed.), The Development of Consumer Credit..., op. cit., p. 157-182 et J. Logemann, “Different Paths to Mass Consumption : Consumer Credit in the United States and West Germany during the 1950s and 1960s” ; “Americanization through Credit ? Consumer Credit in Germany, 1860s-1960s”, art. cité.

38  Cette faiblesse est déjà mentionnée par S. Bertaux, Le crédit à la consommation à travers l’histoire d’un établissement financier, le Cetelem, 1953-1984, p. 1 dans son mémoire de maîtrise d’histoire fondé sur les archives du Cetelem.

39  Parmi les archives historiques de la Banque de France, si les versements de la direction générale des Études ont fourni dès les années 1980 des études générales sur le crédit à la consommation, ce sont ceux, plus récents, de la direction générale du Crédit qui permettent une recherche approfondie. En 2003, des études sur le développement et la politique du crédit à la consommation englobant à la fois le secteur bancaire, recensé, et le secteur commercial, évalué, sont ainsi versées par cette direction. En 2006, le service des banques et établissements financiers, qui en dépend, verse également les dossiers individuels des prêteurs. Enfin, en 2009, la découverte de plus d’une vingtaine de cartons du service de la réglementation bancaire et financière a incontestablement orienté cette recherche. Particulièrement riches en information sur les projets et débats de la période, notamment sur la distinction en France entre le crédit bancaire et le crédit « commerçant », ces documents inédits se sont révélés être une source précieuse.

40  Le 1er avril 2010, Sofinco, entré dans le Crédit agricole S.A. en 1999, a fusionné avec Finaref créé par lui-même et La Redoute en 1970. Cette fusion a donné naissance à Crédit agricole Consumer Finance. Non inventoriées à ce jour, les archives de la Sofinco nous ont été communiquées grâce à la direction de la Communication de la société et à la collaboration des archives historiques du groupe Crédit agricole S.A.

41  Après une période de fermeture consécutive à une réorganisation des services (création en 2007 de BNP Paribas Personal Finance issu du rapprochement entre le Cetelem et l’Union de crédit pour le bâtiment), les archives du Cetelem, désormais conservées avec les archives historiques du groupe BNP Paribas, sont aujourd’hui inventoriées et communicables. Sur l’histoire de ces deux organismes, outre le livre déjà cité d’anciens collaborateurs, R.-M. Gelpi et F.-J. Labruyère, Histoire du crédit à la consommation, existe également la synthèse éditée lors du trentième anniversaire de l’établissement, De la 4 CV à la vidéo. 1953-1983, ces trente années qui ont changé notre vie, préfaces de R. Rémond, J. Ferniot et M. Jullian, conclusion de M. Roy, Paris, Communica international, 1983. Réalisé par Sofinco pour son cinquantième anniversaire, l’ouvrage 1951-2001. Les 50 années qui ont changé la France, Paris, Sofinco-Creapress éditions, 2001, ne présente pas le même intérêt pour les chercheurs. Fin 2010, Crédit agricole Consumer Finance (Sofinco) et BNP Paribas Personal Finance (Cetelem) gèrent respectivement un encours de crédits à la consommation de 78,1 et 76,7 milliards d’euros, cf. www.ca-consumerfinance.com, rubrique « Panorama du crédit conso » et www.bnpparibas-pf.com, rubrique « Chiffres clés ».

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