Chapitre IV. Le service militaire
p. 25-26
Texte intégral
Vous avez parlé de votre service militaire.
Oui, je l’ai fait en 1934-1935.
Dans quelles circonstances avez-vous été envoyé à Briançon ?
J’avais fait la PMS, mais comme je n’avais pas fait directement l’X, je n’étais pas passé par Fontainebleau pour être nommé officier du génie ou de l’artillerie. J’avais choisi l’artillerie, alors je suis parti à l’École militaire d’artillerie de Poitiers qui avait vingt-quatre brigades dont deux motorisées. Comme je ne me suis jamais entendu avec les chevaux, j’avais pris une brigade motorisée, ce qui n’empêchait pas d’avoir des éperons, pas très facile pour conduire un camion, mais c’était le règlement, il fallait avoir des éperons. Quand je devais claquer des talons, mes éperons étant mal mis, j’avais pris la mauvaise habitude de regarder avec surprise mes talons, ce que mon lieutenant-instructeur n’admettait pas ! Je n’étais donc pas très bien vu de mon lieutenant-instructeur.
Le concours de Poitiers se passait à ce moment-là d’une manière amusante : chaque brigade désignait avec l’accord de l’officier-instructeur mais en réalité c’étaient les garçons eux-mêmes qui les désignaient les deux premiers et les deux derniers, on n’était donc que quatre sur la brigade de 25 à peu près à passer le concours de sortie. Et on était classé, réparti selon la moyenne des deux premiers et des deux derniers. Alors, mon instructeur n’était pas très disposé à me mettre dans les deux premiers parce que je n’avais pas la présentation qui convenait ! Je n’étais pas le militaire qui convenait. Cela dit, il a dû se ranger à l’avis de la brigade et à sa stupéfaction, probablement plus grande que celle des autres, je suis sorti major général, alors ce n’était pas si mal. Ce major général voulait se marier, il a fait fixer la date de son mariage au 10 avril parce que de l’École on devait sortir le 4... Mais comme les militaires n’ont jamais d’ordre sans contrordre, aux environs du 1er avril, et ce n’était pas une plaisanterie, on nous a prévenus que l’on ne sortirait que le 10 ! J’ai donc dû demander le rapport du colonel pour lui expliquer mon cas et il m’a dit : « Vous prendrez vos quatre jours de permission de mariage et puis voilà. » Mais cela a eu une autre conséquence, c’est que l’on a eu « l’amphi-colonel » plus tôt que d’habitude. Le colonel était venu le 4 avril en disant : « Messieurs, vous me voyez plus tôt que d’habitude », en effet durant une année scolaire on ne le voyait donc que deux jours avant la fin, « mais la présence de votre major étant indispensable à cette cérémonie puisque je dois lui remettre le drapeau, je n’ai pas voulu l’empêcher de convoler en justes noces, alors voilà pourquoi vous me voyez aujourd’hui plus tôt ! » À l’amphi-garnison qui suivait, au grand étonnement général, le major, au lieu de choisir comme toujours Vincennes, Nice ou Grenoble, a demandé Briançon ! C’était une garnison qui était si peu demandée que l’autre, qui a été aussi affecté à Briançon, mon camarade, était 227e sur les 235 que comptait l’école !
Vous aviez choisi Briançon car vous aviez un goût particulier pour cette région ?
Non, parce que nous nous mariions ma femme et moi à ce moment-là et que c’est elle qui en avait eu l’idée : « Il faut quitter les parents et prendre une garnison de vacances ». Quoi de mieux que Briançon avec ses 1 300 mètres d’altitude pour passer l’été puisque nous sortions le 10 avril de l’école et qu’à ce moment-là, et ça a été la dernière année, la durée du service était de douze mois, cela se terminait en octobre, voilà. J’ai passé les six mois de sous-lieutenant, comme cela, à Briançon, dont j’ai gardé le meilleur souvenir et le plus attachant des souvenirs.
C’était un régiment d’artillerie à Briançon ?
C’était un régiment. Oh, il y en avait plusieurs, à Briançon. C’était une section du régiment d’artillerie de position de la frontière, le 154e régiment d’artillerie à pied. Ce n’était pas de l’artillerie de montagne, ce n’était pas même de l’artillerie habituelle, c’était de l’artillerie de position. C’est-à-dire que Briançon a une série de forts extraordinaires, qui datent de Vauban évidemment, et on mettait des pièces non pas dans les forts mais à côté, c’était un secteur fortifié, on l’appelait le secteur fortifié du Dauphiné.
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Entretiens avec Roger Goetze, haut fonctionnaire des Finances
Ce livre est cité par
- Fulla, Mathieu. (2016) Les socialistes français et l'économie (1944-1981). DOI: 10.3917/scpo.fulla.2016.01.0447
- Baruch, Marc Olivier. (2005) Histoire des gauches en France. DOI: 10.3917/dec.becke.2005.02.0543
Entretiens avec Roger Goetze, haut fonctionnaire des Finances
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