L’évaluation du prix de revient dans les années 1950 : le contrôle financier des administrations centrales
p. 381-400
Texte intégral
Introduction
1Introduit en 1890 et formalisé par la loi dite Marin du 10 août 1922, le contrôle de la régularité des dépenses des administrations est renforcé dans l’entre-deux-guerres. D’une part, les décrets des 25 et 30 octobre 1935 étendent son champ d’application aux offices et établissements dotés de l’autonomie financière, d’autre part, le décret du 1er septembre 1936 intègre les ordonnateurs secondaires dans le dispositif en établissant un contrôle local des dépenses engagées. Après la seconde guerre mondiale, l’extension du contrôle financier des administrations se poursuit. Il est un temps question de fusionner le contrôle des dépenses engagées et l’Inspection générale des finances. Ce projet, porté par André Philip, suscite une réaction virulente de l’Inspection qui ne voit dans le contrôle qu’une « machine à signer et parapher1 ». La critique, pour péjorative qu’elle se veut, n’en dénote pas moins une réalité. Le contrôle de la régularité financière des engagements de dépenses a peu évolué, il reste cantonné à sa mission originelle de respect du cadre financier posé par la loi de finances. Cette tâche est certes essentielle au maintien de la démocratie financière. Les contrôleurs des dépenses engagées peuvent légitimement revendiquer, grâce à la tenue de la comptabilité des engagements de dépenses, le rôle de dernier rempart entre les velléités dépensières des administrations et la lettre de la loi de finances. Mais dans un contexte d’accélération de l’intervention de l’État et de réorganisation de ses modalités de contrôle, la question de son évolution devait être posée.
2La création du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics par le décret du 9 août 1946, la constitutionnalisation des missions de la Cour des comptes en 1946 par l’affirmation de son rôle d’assistance au Parlement, ainsi que l’extension de ses missions aux caisses de sécurité sociale avec la loi du 31 décembre 1949, traduisaient cette évolution. Il ne s’agissait plus d’apprécier la simple régularité des opérations financières et de laisser l’appréciation de la « bonne administration » aux services, mais d’orienter les acteurs financiers traditionnels vers un nouvel axe d’analyse de la dépense publique : celui de la bonne gestion.
3Cette perspective d’évolution du système suscita de fortes divergences à la tête du ministère des Finances comme l’illustre l’opposition entre deux grandes figures de cette époque, Roger Goetze et Gilbert Devaux. Pour le second, alors directeur général de la Comptabilité publique, l’ordre public financier est avant tout juridico-comptable. Le point d’orgue de cette logique réside dans les décrets des 30 septembre et 14 novembre 19532. Ils poursuivent l’effort de déploiement d’une logique comptable organisée autour des comptes de l’État. La comptabilité des engagements de dépenses, déployée au plus profond de l’appareil administratif, permet d’étendre la tenue de « comptes » à l’ensemble des administrations. La circulaire du 17 décembre 19553 qui organise la comptabilité des engagements de dépenses à l’échelon local s’inscrit dans cette perspective. Tel que pensé par Devaux, l’ordre comptable règne sur l’ensemble de l’administration4.
4Parallèlement à l’œuvre de Gilbert Devaux, Roger Goetze, directeur du Budget de 1949 à 1956, souhaite imprimer au budget une logique plus économique. La promotion de ce regard sur les finances publiques se traduit en de nombreux endroits de l’ordre juridico-financier. Au niveau organique, Goetze crée le bureau des études de la direction du Budget (le premier bureau) qui traduit une volonté de pilotage financier de la dépense publique5. Au niveau budgétaire, Goetze est le rédacteur final du décret du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’État qui situe le budget dans son contexte économique tout en intégrant la notion de politique globale6. Cette position suscitera la réprobation de Gilbert Devaux qui dénonce la position des experts financiers au sein de l’administration. Il s’oppose à ce qu’il considère comme une tentation de substitution d’un ordre technocratique à l’ordre juridique existant.
5Cette opposition entre les tenants d’un ordre juridique et les partisans d’une approche plus « économique » de l’ordre financier allait aussi se traduire au sein des services. Avec le décret du 23 janvier 1956, le contrôle des dépenses engagées devient le contrôle financier central. Derrière le terme « financier », cette réforme impliquait-elle une rénovation du contrôle vers une approche gestionnaire des dépenses de l’État ?
6Symptomatique de l’évolution des années 1950, le décret du 23 janvier 1956 propose bien un cadre rénové dont l’orientation financière est indiscutable, pour autant, sa réception par les contrôleurs est très variable traduisant la difficulté à faire évoluer les pratiques… même au sein de l’administration financière !
I. L’évolution du contrôle des dépenses engagées vers le contrôle financier central
7Les contrôleurs financiers des offices industriels, institués en 1935, sont devenus contrôleurs d’états en 1955, libérant le titre de « contrôleur financier ». Les contrôleurs des dépenses engagées souhaitaient que soit reconnu le caractère globalement financier de leur mission. Ils ont obtenu7, avec l’adoption du décret du 23 janvier 1956 relatif au statut particulier des contrôleurs financier, que le terme « contrôleur financier central » soit substitué à l’ancien « contrôleur des dépenses engagées ». Le décret de 1956 est avant tout un décret statutaire qui rénove assez peu le contenu de la mission. Il tente de revaloriser la fonction en ciblant les recrutements sur des hauts fonctionnaires des finances ou assimilés finances8. Pratiquement, ce sont les administrateurs civils de la rue de Rivoli qui vont constituer le vivier du recrutement dans les années à venir. En outre, la nomination du contrôleur passe sous la seule autorité du ministre des Finances, auparavant nommé par décret contresigné (faisant intervenir le premier ministre), elle relève désormais d’un arrêté.
8La mission, quant à elle, évolue peu : « cela n’a rien changé au travail » selon un contrôleur9. Il s’agit toujours d’appliquer la loi de 1922, c’est-à-dire, fondamentalement, d’établir le respect de l’autorisation parlementaire en matière de recette et de dépense publique.
9Dès lors, faut-il admettre, à l’image d’André Caussin, que le changement de titre relève d’une coquetterie de l’association des contrôleurs financiers, ou comprendre qu’au sein même du contrôle des divergences existent quant à l’évolution de la mission elle-même ? Inversement, si le changement de dénomination traduit une évolution vers le « financier », il faut questionner ce financier au regard du contexte et des pratiques susceptibles d’être observées.
10Il est clair que le fond de la mission de contrôle, la régularité juridique de la proposition d’engagement de dépense, ne change pas. Au mieux, ce sont ses modalités qui évoluent, passant d’un contrôle systématique et fastidieux de l’ensemble des pièces à un contrôle par sondage, ou selon l’importance des dossiers. Il s’agit là du résultat de la pression liée à l’augmentation du volume des dossiers. Mais la mission des contrôleurs financiers centraux dépasse cette simple régularité juridique puisque, selon la loi de 1922, ils doivent rendre un « avis » sur les différentes propositions émanant des administrations et établir un « rapport » communiqué à la Cour des comptes et aux commissions financières du Parlement.
A. L’avis financier
11L’article 4 de la loi du 10 août 1922 dispose que :
« les contrôleurs des dépenses engagées donnent, au point de vue financier, leur avis motivé sur les projets de lois, de décrets, d’arrêtés, contrats, mesures ou décisions soumis au contreseing ou à l’avis du ministre des Finances, ainsi que sur les propositions budgétaires et les demandes de crédits additionnels de toute nature des départements ministériels auxquels ils sont attachés ».
12Le contrôleur est bien chargé, depuis 1922, d’émettre un avis financier sur les différents actes des ministères. Malgré son renforcement après la seconde guerre mondiale, la mesure reste assez peu appliquée, principalement en raison de l’opposition des ministères contrôlés jaloux de leur autonomie.
1. Un conseil financier sur la « soutenabilité » budgétaire ?
13La loi de 1922 prévoyait que les actes des ministères devaient être accompagnés d’un avis du contrôleur. Il s’agissait d’attirer l’attention des ministres sur les conséquences financières des diverses mesures en gestation avant qu’elles n’acquièrent une valeur juridique contraignante. Si l’objectif était bien de prodiguer un conseil financier aux administrations, dans la mesure où ces avis devaient accompagner la proposition, ils constituaient aussi une source d’information précieuse pour le ministère des Finances.
14Consciente du risque que pouvait représenter l’ingérence d’un agent du ministère des Finances au cœur de la décision administrative, la loi Marin en avait circonscrit le champ dès 1922. Les avis ne devaient concerner que les « conséquences financières » des mesures et ne pouvaient pas porter sur l’opportunité des décisions. Trente ans plus tard, une autre circulaire rappellera qu’il ne s’agit pas d’examiner l’opportunité des décisions10 mais bien de permettre au contrôleur « d’exercer dans toute sa plénitude son rôle de conseiller financier ». Le ministère des Finances insistait auprès des contrôleurs pour que l’ensemble des conséquences financières soit étudié, qu’elles soient directes, indirectes, immédiates ou à venir11… S’agissait-il d’évaluer la « soutenabilité » des budgets ultérieurs ?
2. Un conseil difficile à imposer aux administrations
15En pratique, les avis peinent à s’imposer. Les administrations ne sollicitent pas les contrôleurs. Après la seconde guerre mondiale, les directeurs du budget successifs12 vont régulièrement rappeler à l’ordre l’ensemble des administrations. Une première circulaire du 10 août 1945 (Didier Gregh), puis une circulaire du 9 juillet 1951 (Goetze), rappellent la nécessité des avis. Malgré cela, les avis des contrôleurs ne sont toujours pas sollicités préalablement à la transmission au ministère des Finances de textes ayant une incidence financière. Goetze insiste à nouveau sur le caractère impératif de l’avis préalable. Cet avis constitue un élément indispensable à l’instruction financière du dossier et, dès lors, une aide à la décision, autant pour le ministère des Finances que pour le porteur du projet. La circulaire du 29 janvier 1954 relative à « l’application de l’article 4 de la loi du 10 août 1922 sur le contrôle des dépenses engagées » est explicite :
« À l’occasion de l’examen des projets de textes élaborés par les différents départements ministériels et qui me sont communiqués pour signature, je suis souvent amené à constater que les dossiers transmis ne comportent pas l’avis du contrôleur des dépenses engagées placé près le ministre intéressé13 ».
16Goetze conclut abruptement qu’il ne saurait laisser subsister un tel état des choses : « Mes services ont reçu pour instruction de se refuser désormais à examiner les propositions qui ne seraient pas accompagnées de la note susvisée et qui n’auraient pas été soumises au contrôleur des dépenses engagées intéressé14 ». À peine nommé à la tête de la direction, Devaux, successeur de Goetze, doit réitérer cette observation par circulaire le 20 février 195715. Il semble que les services ont fait peu de cas de ces revendications, puisque peu de temps après son entrée en fonction, Raymond Martinet en rappelle l’existence par la circulaire du 25 avril 1961 :
« À l’occasion de l’examen des projets de textes ou des demandes statutaires ou indemnitaires, élaborés par les différents départements ministériels, il m’a été donné de constater que ces derniers adressent le plus souvent leurs propositions en annonçant l’envoi « ultérieur » de l’avis du contrôleur financier. Cet avis ne parvient ensuite que rarement à mes services16 ».
3. Un conseil finalement centré sur l’aspect budgétaire
17Si la démarche qui consiste à demander à des experts financiers de remettre un « avis » qui relève du conseil semble pertinente, il faut remarquer qu’à aucun moment le législateur n’a entendu astreindre la production de cet avis d’une sanction. Pourquoi les ministères qui y voyaient une ingérence dans le champ de l’opportunité des décisions s’y seraient-ils pliés ? Finalement, les seuls avis « légitimes » aux yeux des ministères contrôlés étaient ceux joints aux projets proprement budgétaires17. Il était difficile de nier la portée « financière » des demandes de crédits et dès lors, le passage par le bureau du contrôleur financier s’imposait. Ce dernier était alors chargé d’étudier l’évolution du budget et de commenter le volume des crédits demandés18. Ce n’est ici qu’une intervention a minima qui est demandée au contrôleur. Le cadre budgétaire prime et le contrôleur doit prêter une attention particulière aux mesures nouvelles par opposition aux réévaluations et aux mesures de portée plus restreintes… comprendre d’un coût modéré. La direction du Budget attend des suggestions quant à une optimisation de la ventilation des crédits et souhaite avant tout isoler des disponibilités permettant de mieux doter des chapitres plus sollicités. Il s’agit pour le contrôleur de s’attacher à la validation de la sincérité financière des évaluations proposées. Dès lors, il faut bien comprendre que le regard posé sur la « gestion des crédits » selon les termes de la documentation des contrôleurs financiers doit être compris comme une meilleure « gestion budgétaire des crédits ». Et c’est bien en ce sens que cet « avis constitue un utile instrument de travail19 » selon Jean Rossard, alors chef de bureau à la direction du Budget.
B. Le rapport
18Au-delà des avis financiers remis par les contrôleurs, ces derniers doivent produire un rapport annuel. Selon les termes de l’article 7 de la loi du 10 août 1922 :
« Chaque année, les contrôleurs des dépenses engagées établissent un rapport d’ensemble relatif au budget du dernier exercice écoulé, exposant les résultats de leurs opérations et les propositions qu’ils ont à présenter ».
19Le même article précise la forme du document « Ces rapports sont dressés par chapitre budgétaire et par ligne de recettes » ainsi que ses destinataires :
« ils sont, ainsi que les suites données aux observations et propositions qui y sont formulées, communiqués par les contrôleurs des dépenses engagées au ministre des Finances et aux ministres intéressés et, par l’intermédiaire du ministre des Finances, à la Cour des comptes et aux commissions financières des deux Chambres ».
20Les rapports constituent donc théoriquement une source d’information financière précieuse quant à la gestion de la dépense publique des administrations d’État.
1. Vers une approche « coûts et rendements »
21Les rapports remis dans les années de l’entre-deux-guerres peuvent être considérés comme très factuels et uniquement budgétaires, au sens où ils insistaient sur les conditions financières et administratives de l’exécution du budget de l’exercice précédent. Ils retraçaient dans une première partie la consommation des crédits, transcrite au sein des comptabilités tenues par le service (le « résultat de leurs opérations »). Dans une seconde partie, ils rapportaient divers incidents d’ordre juridique et réglementaire survenus au cours de l’exercice pour éventuellement insister sur des aménagements nécessaires aux procédures financières. Les « propositions » étaient rarement organisationnelles au sens large20.
22Au milieu des années 1950, les travaux du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics sont diffusés. La direction du Budget souhaite faire évoluer les pratiques du contrôle interne, qu’il soit opéré par les administrations ou par le ministère des Finances. Une circulaire du premier bureau de la direction du Budget21 du 25 novembre 1955 incite les administrations à promouvoir l’« analyse et la détermination des coûts et des prix de revient des services administratifs de l’État ». Le texte cherche à transposer, avec les aménagements adéquats, la pratique de recherche des coûts et prix de revient existant dans le secteur privé afin d’aller vers une amélioration de la productivité22. La circulaire fait par ailleurs référence aux travaux du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics dont il s’agit bien, dans le fond, de diffuser les pratiques. Elle est accompagnée d’une annexe de huit pages comportant des tableaux proposant une grille type de calcul. Cette dernière insiste sur la nécessité d’aller vers un coût complet (appelé « coût réel ») de chaque activité en y intégrant les coûts de structure (appelés « les dépenses indivises »). Il s’agit ici d’inclure dans le prix de revient d’une activité, le coût de l’occupation des locaux, les dépenses réalisées par d’autres services, mais aussi « la variation des stocks, l’amortissement, les immobilisations ou l’étalement dans le temps de certaines charges non périodiques ».
23Pour autant, l’approche n’est pas caricaturale, le prix de revient ne devient pas un nouveau paradigme administratif. Cette donnée constitue un des éléments constitutifs des prises de décisions. La circulaire prend soin de préciser que « les considérations de prix de revient ne peuvent être seules déterminantes » mais qu’elles doivent « permettre des comparaisons instructives » et peuvent être « un facteur particulièrement efficace de bonne gestion administrative ».
2. L’évolution des rapports des contrôleurs financiers centraux
24L’évolution du cadre d’analyse financière promu par l’État se concrétise au niveau des rapports des contrôleurs financiers. Il s’agit certainement d’obtenir un autre type d’information sur les pratiques administratives mais aussi d’accompagner l’effort de mutation des administrations. Une circulaire du 12 juin 195623 adressée aux contrôleurs financiers leur propose une rénovation des rapports annuels. Dans la mesure où la loi n’est pas modifiée, la circulaire ne peut pas imposer une nouvelle forme aux rapports, mais elle poursuit le travail d’adaptation des documents au besoin global d’information financière. En 1942 déjà, une circulaire avait admis que les observations des contrôleurs soient groupées par nature au lieu d’être présentées par chapitre budgétaire. Il s’agissait de donner un peu de hauteur aux remarques et analyses prodiguées. La circulaire du 26 janvier 1946 avait quant à elle insisté sur la nécessité de produire les documents avant le 30 juin, afin de les situer dans le cadre de la discussion des budgets de l’année à venir.
25En 1956, Roger Goetze note que les rapports ne parviennent pas toujours régulièrement rue de Rivoli. Il admet que :
« l’établissement de ces documents constitue souvent un travail assez fastidieux et que, d’une part, le caractère très souvent général des observations présentées, d’autre part, la multiplicité des questions évoquées, ne rendent pas toujours susceptibles d’exploitation effective les rapports établis24 ».
26Afin de rendre de l’intérêt à cet exercice, il propose de :
« modifier leur nature en substituant à un ensemble d’observations nombreuses portant sur toute l’étendue des questions soulevées par l’exercice de votre contrôle l’étude approfondie de quelques problèmes importants et peu nombreux qui vous paraissent les plus dignes d’attention, ces études devant permettre soit d’améliorer le fonctionnement des administrations près desquelles vous êtes en fonction, soit d’obtenir une meilleure utilisation des crédits, soit de réaliser des économies ».
27Dès lors, il est loisible aux contrôleurs de donner une nouvelle dimension aux documents annuels qu’ils ont l’obligation de produire et de les orienter vers une fonction plus financière. Il peut s’agir de concourir à l’effort national de réalisation d’économies, d’accroître l’optimisation de l’allocation des moyens, ou d’aller vers une amélioration de la « performance » des administrations.
II. Évolution des contrôleurs ou évolution des administrations ?
28Très rapidement, les contrôleurs accusent réception de la circulaire. Les rapports sur la gestion de la fin des années 1950 comportent régulièrement une référence au texte. Il peut s’agir d’un élément d’introduction précédant l’annonce du plan du rapport25, d’un simple visa26 ou d’une mention au sein d’une lettre introductive27. Pour autant, il faut s’interroger sur la mise en œuvre pratique de cette nouvelle disposition : quelles sont les modifications qui apparaissent dans les rapports à partir de juin 1956 ? Ces évolutions résultent-elles d’une évolution du contrôle financier ou des administrations elles-mêmes ?
29Le contrôle financier, à l’image de toute organisation, ne saurait être analysé de manière univoque. La formation et la « culture » de chaque contrôleur sont des éléments qui concourent à façonner une vision de la fonction propre à chaque acteur. Il faut donc, pour observer l’évolution des pratiques, s’attacher à observer les individus pour établir des typologies. Ainsi, on note que certains contrôleurs vont proprement ignorer ou appliquer d’une manière tellement peu convaincante les nouveaux axes d’investigations de la fonction qu’on notera une forme de permanence du contrôle à travers les rapports annuels. Parallèlement, d’autres contrôleurs vont faire évoluer leurs rapports annuels en intégrant des éléments d’analyse financière et, dans certains cas, établir en relation avec les administrations concernées un véritable audit financier d’un pan d’activité de l’État.
A. Une évolution divergente des rapports selon les contrôleurs
30Dans certains ministères, les rapports n’évoluent pas ou très peu. Ici, il est clair que le comportement du contrôleur prime : il ne souhaite pas faire évoluer la mission. Au ministère de l’Intérieur, Robert Jacquet ne comprend pas (ou refuse de comprendre) la portée de la circulaire du 12 juin 195628. Au secrétariat des affaires économiques, le contrôleur financier continue, à la fin des années 1950, à ne vérifier que la régularité des procédures administratives. Jean Noury reprend dans son rapport sur l’exercice 1956 les sempiternels reproches adressés aux administrations : la tendance aux engagements tardifs de dépenses sur des crédits présentant des disponibilités dont le seul objectif semble de consommer plus que d’utiliser de manière pertinente les sommes mises à disposition29. Dans son rapport sur le même ministère pour 1957, il précise qu’il continue à réclamer que l’administration respecte le caractère préalable du visa sur les ordres de mission et explique qu’il a obligé le cabinet du ministre à justifier le dépassement de délai de 5 jours d’un ordre de mission d’un contrôleur d’État30. On imagine aisément l’effet que ce type de comportement tatillon génère au cœur d’administrations prises entre l’urgence des situations et la lettre de la règle. Enfin, on peut encore observer un exemple caricatural de résistance à l’évolution au contrôle financier du ministère de l’agriculture. On peut comprendre que le rapport de Charles Rouzoul pour l’exercice 1958 reste très classique, il est plus étonnant de constater que ceux consacrés aux exercices 1967, 1968 et 1969 par Jacques Rény le sont tout autant ainsi que celui de… 1974 par Jean Chenard. Les seules analyses concernent les améliorations à apporter à l’organisation administrative en vue de se rapprocher d’un respect à la lettre de la réglementation31.
31À l’inverse, une majorité de contrôleurs va intégrer des remarques plus « gestionnaires » dans les rapports. Ces remarques, selon les termes de la circulaire de 1956, viseront à « améliorer le fonctionnement des administrations », à « obtenir une meilleure utilisation des crédits » ou à « réaliser des économies ».
1. Une rénovation a minima des rapports : la recherche d’une meilleure utilisation des crédits
32Sur ce point, la circulaire de 1956 n’apporte en fait pas une grande évolution. Les contrôleurs surveillent l’exécution des crédits depuis la création du contrôle. On peut noter quelques évolutions techniques, mais elles ne représentent pas, loin de là, une révolution des rapports annuels.
33Au ministère des Armées (section air), René Bertin-Mourot introduit dans ses rapports des statistiques financières qui mettent en perspectives les exercices budgétaires. Il apprécie les taux d’exécution budgétaire en relation avec les reports de crédits, titre par titre. Il s’agit d’adapter plus finement la dotation aux réalités de l’exécution. Le rapport pour 1960 en offre une illustration :
« Afin d’arrêter ce gonflement régulier des reports constatés à la fin de chacune des dernières années il apparaît souhaitable : d’une part d’éponger au budget de 1962 les reports qu’il est possible de prévoir à la fin de 1961 [grâce à une étude quantitative de la vitesse de consommation des crédits qui permet de dégager des constantes]. D’autre part, d’éviter à l’avenir d’ouvrir des crédits de paiement qui dépassent les besoins des services et les possibilités d’absorption de l’industrie32 ».
34Parallèlement, sa satisfaction à noter dans le rapport pour 1958 que « la gestion des services de l’air reste, comme nous l’avons déjà signalé, dans l’ensemble, très satisfaisante », traduit en fait l’absence d’incidents administratifs dans l’exécution du budget33 comme en témoigne la précision apportée dans le rapport pour 195934.
35Le changement de contrôleur financier n’apporte pas de modification du regard porté sur la section « air » du ministère des Armées. Avec René Ebner, les rapports restent très orientés sur les pratiques juridico-administratives dont les améliorations sont seules pensées comme sources de progrès. Le rapport pour 1962 est particulièrement clair sur ce point. Il reprend la structure traditionnelle des rapports (résultats d’ensembles/observations particulières) et ne détaille dans la seconde partie que des points de technique juridico-financière35. Ici encore, la « gestion » ne s’entend que d’un point de vue « budgétaire » : il s’agit de gérer et de bien gérer les crédits36.
36Pour autant, les contrôleurs tentent parfois de proposer des modifications à cet ordre juridico-financier en vue d’accroître l’optimisation de la « gestion budgétaire ». Conscient des limites de la spécialité des crédits, Ebner propose, dans le rapport pour 1961, d’aller vers une globalisation des crédits d’équipement du ministère afin d’améliorer le taux d’exécution budgétaire37. Cette globalisation ne serait cependant pas accordée au ministre concerné… mais au ministre des Finances !
2. De la simple recherche d’économies à l’efficacité de la dépense publique
37La recherche d’économies constitue un des éléments moteurs de l’action financière. Il n’était pas besoin d’insister sur ce point pour motiver les contrôleurs. Leurs rapports sont parsemés de remarques indignées sur certaines pratiques. Noury, dans son rapport sur l’exercice 1956 du secrétariat aux affaires économiques, reprend en détail les conditions d’une mission à Brazzaville pour noter qu’« une meilleure préparation du voyage eut été sans doute possible et aurait pu éviter aussi bien le contretemps que le débours supplémentaire38 ». La recherche d’économies peut générer des remarques savoureuses. Le contrôleur financier près le ministère de l’Intérieur remarque dans son rapport pour les exercices 1965 et 1966 le poids très important de la « sûreté nationale ». Cette dernière absorbe (hors services communs) les trois quarts des ressources du ministère. Pour le contrôleur, la réalisation d’économies doit logiquement passer par la réduction du nombre de compagnies républicaines de sécurité. Il constate néanmoins qu’il s’agit d’une « question dont le caractère politique l’emporte sur les considérations d’ordre purement financier39 »… Nous sommes alors six mois avant mai 1968 !
38Certains contrôleurs financiers vont dépasser la simple recherche d’économies pour analyser d’une manière plus « neutre » l’efficacité de la dépense publique. Gustave Chadzinsky et Musnier de Pleigne, dans leur rapport sur l’exercice 1958 de l’Assistance publique à Paris, témoignent de cette préoccupation en plusieurs endroits. Ils font ainsi état de ce que le magasin central pourrait grouper ses commandes avec celles de la préfecture de la Seine et obtenir de meilleurs prix d’achat comme cela se pratique déjà pour les marchés de textiles. Le rapport s’attache aussi à l’étude du prix de revient de certaines opérations. Il étudie ainsi le coût de la fabrication du sérum physiologique à la Pharmacie centrale pour remarquer qu’il est inférieur à celui du commerce. Les contrôleurs émettent cependant des réserves quant à la possibilité d’étendre la production interne à d’autres produits au regard de la relative faiblesse des quantités exigées par l’Assistance publique40. On retrouve le même type de raisonnement concernant la meunerie et la boulangerie dont les contrôleurs suggèrent qu’elles pourraient fournir d’autres administrations proches. Le contrôle ajoute qu’il faudrait aussi comparer le prix de revient des produits fabriqués au tarif des boulangeries industrielles. Confirmant leur attirance pour les produits de bouche, les contrôleurs se félicitent de ce que la boucherie charcuterie a suivi les préconisations relatives à la rationalisation des achats afin d’accroître la rentabilité41 du service.
3. L’amélioration du fonctionnement des administrations
39Au-delà de l’efficacité de la dépense publique point la question de l’organisation administrative. En 1958, Chadzinsky poursuit l’analyse comparative des coûts observés pour certaines tâches entre des prestataires de services extérieurs et les services administratifs. Après avoir préconisé l’externalisation des grosses réparations des véhicules de l’Assistance publique, il note avec satisfaction la réorganisation du garage central, autour de fonctions strictement essentielles (chauffeurs, dépanneurs, laveurs, graisseurs). Il poursuit ses remarques sur l’organisation des services l’année suivante en proposant d’équiper les ambulances de récepteurs radio, afin d’éviter des allers-retours inutiles, ou de rationaliser l’emploi des infirmières diplômées42. Toujours en 1959, Le contrôleur financier près le ministère des Affaires étrangères décide de substituer une étude spécifique sur l’Agence comptable des chancelleries diplomatiques et consulaires à son rapport. Le document de 16 pages constitue une véritable proposition de réorganisation de l’administration dont le contrôleur semble penser qu’elle intéresse le ministre lui-même43.
40Successeur de Chadzinsky au contrôle de l’Assistance publique, Michel Tixier suggère dans son rapport sur l’exercice 1959 la renaissance du service d’inspection économique, supprimé en 1945. Le service, selon lui, « devrait pouvoir contrôler sur place la gestion des chefs d’établissement […] et informer l’administration centrale de ses constatations44 ». L’administration, dans sa réponse, explique que, depuis 1948, c’est la sous-direction des finances qui a repris les attributions de l’ancienne direction des affaires économiques, mais qu’elle « se borne à effectuer la liquidation matérielle des dépenses, sans exercer aucun contrôle sur les conditions dans lesquelles ces dépenses sont intervenues ». Tixier insiste donc dans son rapport sur la nécessité de réintroduire un véritable contrôle « économique » des administrations. Il préconise ensuite, dans son rapport sur l’exercice 1961, que les gros équipements (blocs opératoires) soient standardisés afin de permettre des économies d’échelle. Après avoir essuyé un refus du corps médical estimant que chaque chirurgien a ses habitudes, il insiste et obtient de la commission chirurgico-administrative qu’elle dresse une liste type de matériel chirurgical permettant des marchés plus intéressants45. Enfin, le même Tixier va jusqu’à proposer une analyse prospective de l’activité en évoquant les avantages financiers de l’hospitalisation à domicile46. Organisation des services et efficacité de la dépense ne sont jamais très éloignées !
B. Une approche rénovée et partagée du contrôle financier des administrations
41Intégrant la circulaire relative à la rénovation des rapports annuels au-delà de sa lettre, certains contrôleurs vont dépasser la simple recherche d’économies, la poursuite de l’amélioration d’utilisation des crédits budgétaires ou l’analyse des réorganisations administratives pour proposer de véritables rapports d’audit financier des administrations contrôlées. Le service du contrôle financier n’a pas les moyens de mener des études approfondies. Il faut donc insister sur le fait que cette profonde rénovation du contrôle n’est possible que si les administrations se sont elles-mêmes engagées dans l’analyse financière de leurs activités. Dès lors, le contrôleur financier peut saisir les études existantes et les mettre en perspective avec les données financières qu’il possède. L’objectif de « conseil financier » est alors atteint, il permet d’encourager les administrations à poursuivre leurs mutations ou de mettre en avant des pratiques jugées vertueuses. Deux contrôleurs, Charles Rouzoul et Roger Bessière, ainsi que deux administrations, le ministère des PTT et le ministère de l’Éducation nationale, s’illustrent sur ce point.
1. Au ministère des PTT
42Au ministère des PTT, les rapports annuels de Rouzoul sont caractéristiques de l’évolution dans l’analyse financière. Son rapport sur l’exercice 1957, du 26 juin 1958, ne s’attache qu’à l’organisation financière de l’administration contrôlée. Il y fait mention de la circulaire de 1956 et propose une étude générale. Cette dernière porte sur « les particularités de l’organisation comptable de l’administration des PTT et le régime du payement sans ordonnancement, ni mandatement préalable ». Au sein de l’étude focalisée sur l’organisation financière du ministère, le contrôleur s’est « efforcé de dégager des solutions de nature […] à atténuer les inconvénients présentés par la situation actuelle47 ». L’année suivante, en 1959, il propose une analyse du « service social des PTT48 » sous l’aspect réglementaire et organisationnel. Si l’étude intègre quelques éléments liés au prix de revient des journées de colonies de vacances rapporté aux montants demandés aux familles en fonction de l’indice des agents, les données restent globales et établies au niveau national. Le travail évolue en 1960, le rapport porte alors sur le « musée postal49 ». Rouzoul établit dans un premier temps le résultat de l’activité. Le fonctionnement du musée postal est globalement excédentaire mais cet excédent ne permet pas de financer les importantes dépenses d’équipement. Devant le caractère structurel du déficit, le contrôleur envisage « l’aliénation de quelques timbres possédés à plusieurs exemplaires […] source de revenus, non négligeable certes, mais non renouvelable ». Il évoque aussi un déménagement du musée vers une zone plus visitée ou une fusion avec le musée des télécommunications, quand bien même il se « permet de douter, que même mieux situé et augmenté d’une section télécommunications le musée, s’il s’attache à compléter ses collections, puisse jamais équilibrer ses ressources et ses charges ». Le contrôleur note que seul le Louvre et l’armée (tombeau de Napoléon) disposent de recettes suffisantes avant d’insister sur le fait que ce n’est pas uniquement sous un aspect financier qu’il faut apprécier la nécessité d’un musée50.
43Enfin en 1961, achevant l’évolution de ses rapports, Rouzoul propose une étude très complète de 57 pages consacrée au « service des transports des Postes et Télécommunications ». Le travail aborde l’ensemble des aspects de la mission avant de consacrer plus d’une dizaine de pages à « l’étude des prix de revient51 » et à ses conséquences. Les données de base sont produites par les divers services de l’administration qui, selon le contrôleur, « ne pouvait se dispenser de procéder à l’étude la plus serrée possible des prix de revient du service automobile ». Il décrit ensuite les éléments d’analyse du coût de chaque opération « par type de véhicule, par groupe de types comparables et par grand service ». Il précise que deux séries de prix de revient moyen sont établies par l’administration : « l’une pour l’ensemble des régions de provinces, l’autre relative à la région de Paris où se manifestent des besoins particuliers notamment en matière de transports postaux52 ». Intégrant les éléments de la circulaire du 25 novembre 1955, l’étude distingue les coûts des différentes fonctions, qu’elles soient régionales ou nationales, pour tenter d’appréhender un coût complet53.
44Le contrôleur signale par ailleurs qu’une fiche est tenue par véhicule et par atelier sur laquelle « il est à remarquer que la dépense de main-d’œuvre est calculée, non pas à l’occasion de chaque réparation, mais à la fin de l’année. […] Le coût horaire de la main-d’œuvre est le quotient des frais de fonctionnement des ateliers par le nombre d’heure de travail “facturables”54 ». Les frais généraux s’imputent sur ceux de la main-d’œuvre mais sont distincts dans le calcul. Ils permettent bien de séparer les coûts directs et indirects.
45Enfin, le contrôleur évoque l’utilisation faite de ces données. Au-delà du simple établissement du coût de chaque activité, l’administration des postes et télécommunication est en mesure de mieux mesurer ses besoins nouveaux en termes budgétaires et d’optimiser son programme d’achat après avoir fixé la durée optimale d’utilisation de chaque type de véhicule55. En outre :
« L’administration centrale ne se contente pas de tirer des renseignements fournis par les chefs des services extérieurs, des données statistiques. Par la comparaison des résultats obtenus d’une année à l’autre et d’une région à l’autre, elle juge de l’efficacité de l’action des directeurs régionaux et elle ne manque pas d’appeler leur attention sur les redressements qui lui paraissent nécessaires56 ».
46Le contrôleur pointe ainsi plusieurs types d’observations faites en 1960, par l’administration elle-même. Il isole une forme de contrôle de gestion interne qui permet, par exemple, de recadrer les directions départementales dont la consommation de carburant apparaît supérieure à la moyenne admise, celles dont le coût kilométrique des réparations dépend trop de services rendus à d’autres services de la région, ou celles d’un faible rendement du personnel. Enfin, il remarque que l’administration va jusqu’à diligenter des enquêtes quand elle pointe des aberrations57.
47Dans ses conclusions, le contrôleur s’attarde évidemment sur la nécessité d’adapter l’offre de réparation à la demande en fonction du nombre de véhicules, isolant les effets de seuil de l’activité58. Il évoque « l’organisation rationnelle » du service et l’efficacité des contrôles internes mis en place59. In fine, le contrôleur insiste sur le fait qu’il a « préparé le présent rapport [afin] qu’il serve d’exemple aux administrations qui utilisent un parc automobile important60 ».
2. Au ministère de l’Éducation nationale
48Conscient de la nécessité de se montrer économe des deniers publics dès 1954 dans son rapport pour 1953, le contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale avait réclamé une standardisation des équipements afin de réaliser des économies. Il se félicite dans son rapport pour 1954 de ce qu’une commission a été mise en place en vue d’établir ces normes. Bessière déplore parallèlement que la commission n’ait pas abouti à la conclusion qu’il valait mieux utiliser « les magasins d’académie » qui sont des organes interdirections et permettent par leur politique d’achat en nombre, « dans de nombreux cas, de fournir un matériel excellent à des prix plus favorables ». Dans le même ordre d’idée, il suggère d’optimiser l’utilisation des locaux, par exemple des salles du Conservatoire national des arts et métiers sous-utilisées en journée, afin de pallier le manque de locaux à l’Université de Paris. Il semble qu’il n’a pas été écouté et il le déplore61. Bessière se réfère plus loin aux travaux du Comité du coût et rendement des services publics et plus largement à la notion de « productivité » dans le service public62. Dans le rapport pour l’exercice 1956 du 30 mars 1957, il étudie un « système plus rationnel qui permettrait une meilleure utilisation des crédits ». Il préconise la généralisation d’une expérience menée dans l’académie de Caen qui organise les services autour d’un pôle financier régional centré sur le recteur considéré comme ordonnateur secondaire. Selon lui, le résultat serait, outre « une modernisation des méthodes de travail […] un allégement du budget de l’Éducation nationale de plusieurs milliards de crédits devenus inutiles63 ». Fin janvier 1958, Bessière poursuit le mouvement de transformation des rapports qu’il propose à l’occasion de celui consacré à l’exercice 1957. Après avoir rappelé le contexte budgétaire très contraint, il propose une approche globale de l’enveloppe d’investissement du ministère en insistant sur le fait que les économies réalisées sur certains investissements permettraient de financer plus de constructions64. Ensuite, faisant siennes les recommandations du premier bureau de la direction du Budget, il propose une étude de huit pages sur le coût des opérations de construction du ministère. Dans cette étude, il établit la nécessité de prendre en compte l’ensemble des coûts liés aux constructions avant d’opérer des choix éclairés. Il critique la recherche de mauvaises économies, comme celles qui pourraient être réalisées sur le prix d’achat du terrain mais qui se trouveraient anéanties par les surcoûts de constructions. C’est par exemple le cas quand les communes cèdent gratuitement des « mauvais » terrains65.
49Le dernier rapport de Bessière au ministère de l’Éducation nationale, rédigé en 1959, porte sur l’exercice 1958 et constitue une référence en termes de performance du service public. La première partie du rapport, constituée de 33 pages, est intitulée « la notion de productivité dans les services relevant de l’Éducation nationale ». Selon son auteur, il s’agit bien de mettre en perspective « les résultats obtenus et les moyens mis en œuvre66 » et « d’examiner si l’Éducation nationale a apporté aux problèmes qui lui étaient posés des solutions inspirées du souci d’une meilleure productivité, c’est-à-dire à la fois d’un accroissement des résultats et d’une économie de moyens67 ». Cette démarche de performance est tellement novatrice qu’une annotation manuscrite en marge s’en étonne : « est-ce le rôle du CF ? ».
50Ce rapport tout à fait remarquable aborde plusieurs thèmes. Dans un premier temps, l’étude porte sur la « notion de productivité en matière d’enseignement ». On y trouve des statistiques sur l’encadrement des différents niveaux d’enseignements (supérieur, second degré, premier degré, technique). Ces statistiques sont corrigées des postes vacants et distinguent les titulaires des non-titulaires. Elles sont ensuite comparées aux données fournies par l’UNESCO. Le contrôleur propose alors une analyse qui insiste sur les difficultés prévisibles de recrutement au regard de l’évolution de la situation démographique qui ne va pas manquer d’accroître les besoins alors que le nombre de candidats potentiels aux différents concours n’aura pas assez augmenté. Il conclut que « dans cette période, les pourcentages d’admissions à certains examens ou concours ne peuvent être maintenus68 » et propose trois mesures : « recul de l’âge de la retraite, augmentation de la durée du travail, effort de productivité69 ». Parmi de nombreuses remarques, on note que le contrôleur se déclare choqué « que des installations coûteuses sont utilisées, comme certains amphithéâtres de facultés, moins de 500 heures par an70 ». Il constate, désabusé, la multiplication des ouvertures de classes de maternelle et insiste sur l’absence d’obligation d’accueil d’enfants de moins de 6 ans avant de déplorer la présence dans ces mêmes classes « d’une institutrice, détentrice d’un baccalauréat et d’un certificat d’aptitude à l’enseignement71 ». Il poursuit en dénonçant les groupes scolaires à effectifs insuffisants et préconise « le regroupement de classes avec organisation du « ramassage » des écoliers […] dans les régions où la nature le permet ». Il s’agit, selon lui, de dégager plusieurs milliers d’emplois de maîtres !
51Dans un deuxième temps, l’étude porte sur « la notion de productivité et le fonctionnement des établissements d’enseignement ». Il s’agit ici, dans la droite ligne de la circulaire du 25 novembre 1955 et des travaux du Comité central d’enquête sur le coût et rendement des services publics (qui sont tous les deux expressément cités), de procéder à « une analyse des prix de revient et des coûts des divers services72 ». Le contrôleur précise qu’il a dû opérer une série de retraitements comptables qui tendent vers l’établissement d’une comptabilité analytique. Ce travail a été établi sur la base d’une enquête statistique menée en 1958 en liaison avec la direction du Budget et qui porte sur l’examen des comptes de 12 lycées de l’académie de Bordeaux. Après une explication de la méthodologie employée mettant en exergue les spécificités des lycées concernés (situation, effectifs relatifs internes/externes, présence d’école normale d’instituteurs, etc.), l’auteur propose une analyse des résultats globaux de l’enquête qui établit des effets de seuil. S’il paraît évident que sous un certain seuil de fréquentation, les établissements sont financièrement assez peu efficaces, l’étude démontre parallèlement qu’au-dessus d’un autre seuil « le groupement ne se traduit pas par un abaissement du prix de revient unitaire ». Elle est ponctuée de références à l’entreprise au sein desquelles les dirigeants « justifient leur tendance à la concentration des moyens en vue de réduire les frais généraux » tout en concédant qu’il y a « certes, dans les domaines, une limite aux regroupements, aux intégrations, aux unifications, limite au-delà de laquelle les inconvénients l’emportent sur les avantages73 ».
52L’étude s’attache encore à la répartition des dépenses entre l’internat et l’externat, aux personnels enseignants, au rapport du nombre d’agents de services au nombre d’élèves, au chauffage, aux frais de nourriture…
53Enfin dans un troisième temps, le contrôleur rapproche « productivité et investissements ». Ici Bessière affirme que « la dispersion des établissements [est], pour l’Éducation nationale, un mal très répandu [et] préjudiciable, dans les circonstances actuelles, non seulement aux finances publiques, mais à l’enseignement même74 ». Ainsi, « prévoir la construction de collèges en des lieux où l’effectif ne saurait dépasser 3 à 400 élèves, c’est se condamner à l’avance à un sous-emploi des personnels et des installations ». Il insiste ensuite sur la nécessité d’anticiper les frais de fonctionnement lors des programmes de construction dans le prolongement des remarques inscrites dans le rapport précédent avant d’exhorter l’administration à grouper et à standardiser ses achats.
54Le rapport est émaillé de nombreuses autres remarques (révision de la carte scolaire, attention portée à la durée des études…) à tel point qu’on ne s’étonne plus de l’annotation portée en marge du rapport : est-ce le rôle du CF ?
Conclusion
55Au regard des divergences constatées, tant au niveau des contrôleurs financiers centraux que des administrations, il est difficile d’établir un mouvement global d’évolution de la fonction de contrôle financier des administrations. Il est évident que la résistance des administrations à une trop forte présence des « finances » au cœur de leur action a constitué un frein puissant à l’analyse des coûts et rendements. Les « bureaux » ont pu légitimement considérer que l’analyse du coût d’une opération militaire, ou de la justice pénale, ne devait pas être envisagée. Au mieux ont-ils pu considérer que la question présentait peu d’intérêt. Force est de constater que certains contrôleurs financiers centraux ont, au moins partiellement, conforté cette idée.
56Inversement, là où les administrations se sont lancées dans l’expérience d’une forme de contrôle de gestion, les contrôleurs ont pu relayer la démarche au-delà des attentes des services… suscitant peut-être l’inquiétude. Fallait-il que la rue de Rivoli connaisse avec autant de finesse la qualité de la gestion administrative ? Sur ce dernier point, il est vraisemblable que le changement de directeur du Budget n’aura pas incité à généraliser les expériences. Succédant à Roger Goetze, Gilbert Devaux a certainement montré peu d’empressement à encourager l’émergence d’experts financiers susceptibles de porter un regard autre que strictement juridique sur la dépense publique. C’est en fait une dérive vers le contrôle de l’opportunité des décisions qu’il convenait d’éviter et sur ce point, en l’absence d’un soutien fort de la hiérarchie, les contrôleurs ne pouvaient pas aller au-delà de la loi de 1922, a fortiori contre des administrations jalouses de leurs prérogatives.
57Enfin, la diffusion des rapports des contrôleurs financiers aura, elle aussi, entravé le développement d’une analyse financière pertinente. Centralisés par la direction du Budget, les rapports sont ensuite distribués à la Cour des comptes et aux commissions des finances du Parlement. Malgré la Ve République et la « rationalisation » des pouvoirs des élus, au regard de l’évolution des rapports, leur relecture, voire leur réécriture (le caviardage), devient une étape importante. Les rapports des années 1960 en témoignent, certains contiennent une note du bureau C1 de la direction du Budget qui synthétise les informations importantes et précise dans quelle mesure le rapport doit ou ne doit pas être modifié avant transmission à la Cour des comptes75. Dès lors, les facteurs de résistance à l’évolution des rapports étaient trop importants pour leur permettre de changer de dimension.
Notes de bas de page
1 BREF, daté du samedi 6 avril 1946, archives privées Nathalie Carré de Malberg.
2 Son article 1er situe très clairement les choses. « Les règles de la comptabilité publique ont pour objet de déterminer les obligations et les responsabilités des ordonnateurs de dépenses publiques, des ordonnateurs de recettes publiques et des comptables publics. »
3 Circulaire du 17 décembre 1955 (n° 12 B61 63-17 et n° 3928 CD), JO du 18 décembre 1955, p. 12277.
4 Voir dans ce volume Philippe Masquelier, p. 445-518.
5 Nathalie Carré de Malberg, Entretiens avec Roger Goetze, haut fonctionnaire des Finances, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997, p. 237-254.
6 Lucile Tallineau, « L’inspiration keynésienne du décret du 19 juin 1956 », La direction du Budget face aux grandes mutations des années cinquante, acteur… ou témoin ?, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 163-185.
7 « Le changement de titre de contrôleur des dépenses engagées en contrôleur financier s’est fait à la demande de l’association pour montrer que les contrôles ne s’exerçaient pas que sur les dépenses engagées, mais sur tout ce qui était financier et concernaient la gestion financière », témoignage d’André Caussin, contrôleur financier, entretien avec Laure Quenouëlle, n° 4 du 11 avril 1991, archives orales, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, cassette n° 5.
8 Article 5 du décret du 23 janvier 1956 : « Peuvent être nommés contrôleurs financiers de 2e classe :
– les magistrats de la Cour des comptes ayant au moins le grade de conseiller référendaire ;
– les inspecteurs des Finances appartenant au moins à la 2e classe ;
– les directeurs, chefs de service, directeurs adjoints et sous directeurs de l’administration centrale des Finances ;
– les contrôleurs d’État justifiant d’un minimum de trois ans d’ancienneté dans leur grade ;
– le secrétaire général, le caissier général, les directeurs adjoints et sous directeurs de la Caisse des dépôts et consignations ;
– les administrateurs civils de l’administration centrale du ministère des Finances, des services centraux des administrations financières et de la Caisse des dépôts et consignations appartenant au moins à la première classe de leur grade. »
9 André Caussin, contrôleur financier, archives orales, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, cassette n° 5.
10 « Bien entendu, ces avis motivés doivent être donnés d’un point de vue essentiellement financier et le contrôleur ne saurait, à l’occasion de l’examen des projets qui lui sont transmis, formuler des observations sur des questions d’opportunité dont les ministres demeurent seuls juges. » Circulaire n° 6-1-B/3 du 29 janvier 1954, SAEF PH 196.
11 Instruction du 10 août 1924 : les avis doivent « relever toutes répercussions directes ou indirectes, immédiates ou à venir, aussi bien en recettes qu’en dépenses, qu’une mesure est susceptible d’entraîner pour le Trésor public ».
12 Les trois directeurs du Budget de 1949 à 1966 : R. Goetze (juillet 1949 – décembre 1956), G. Devaux (janvier 1957 – juin 1960), R. Martinet (juillet 1960 – avril 1966).
13 Circulaire n° 6-1-B/3 du 29 janvier 1954, SAEF PH 196.
14 Circulaire n° 6-1-B/3 du 29 janvier 1954, SAEF PH 196.
15 Circulaire n° F 1-11 du 20 février 1957, SAEF PH 196.
16 Circulaire n° F 3-21 du 25 avril 1961, SAEF PH 196.
17 La forme de ces avis n’a pas changé depuis 1922. Les termes de la documentation des contrôleurs financiers de 1985 sont extrêmement proches de ceux figurant dans son édition de 1942. Éléments de documentation relatifs au contrôle des dépenses engagées, Imprimerie nationale, 1942, pages 22 à 30.
18 Documentation des contrôleurs financiers, I Db-01, page 43.
19 Rossard, La prévision en matière budgétaire, conférence du 16 novembre 1951, Paris, ITAP, page 6.
20 Pour une illustration, rapport du contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1937, SAEF B33329.
21 Circulaire n° 02-E/55.11.24/55.12 du 25 novembre 1955 adressée à Messieurs les ministres et secrétaires d’État signée Gilbert-Jules et Pflimlin.
22 « La connaissance des coûts et des prix de revient doit permettre aux pouvoirs publics de disposer de données quantitatives pour apprécier l’organisation des services, les moyens dont il convient de les doter, les réformes à entreprendre, les répercussions que peut entraîner l’extension de la diminution de leur activité », circulaire du 25 novembre 1955.
23 Circulaire B3/24 du 12 juin 1956 signée R. Goetze.
24 Circulaire B3/24 du 12 juin 1956 signée R. Goetze.
25 « Rédigé selon la circulaire B3/24 du 12 juin 1956 et par la note B3/57 du 26 octobre 1957, le présent rapport comprend trois parties », rapport du contrôleur financier sur la gestion 1956 du secrétariat aux affaires économiques, (Noury) SAEF, B 28217. « Le présent rapport, établi conformément à la circulaire du 12 juin 1956, comporte 4 parties ». Rapport du contrôleur financier près le ministère d’État chargé des affaires culturelles pour l’exercice 1959 (Guy Germain de Saint-Pierre), SAEF, B 30 957.
26 Rapport du contrôleur financier près l’Assistance publique à Paris « établi conformément à la circulaire du 12 juin 1956 » (Chadzinsky puis Musnier de Pleigne), SAEF B 30 960.
27 « Au lieu et place du rapport annuel que doit produire chaque contrôleur financier, et comme la circulaire n° B3-24 du 12 juin 1956 en donne la possibilité, j’ai l’honneur de vous faire parvenir, sous ce pli, une étude sur l’Agence comptable des chancelleries diplomatiques et consulaires ». Étude sur la réorganisation de l’Agence comptable des chancelleries diplomatiques et consulaires, 16 pages, signé Rambeaud, 12 mars 1959, SAEF, B 30 958.
28 « À vrai dire, peu de problèmes se rapportant à la gestion 1959 méritent, par leur importance, d’être évoqués dans le rapport annuel et d’ailleurs ils ont donné lieu à des échanges de communications écrites ou verbales qui ont permis d’aboutir à leur règlement plus ou moins rapide ». Jacquet, rapport du contrôleur financier du ministère de l’Intérieur sur la gestion 1958, juin 1959, 21 pages, B 30964.
29 « La gestion des crédits de matériel ouverts aux divers services du secrétariat d’État aux Affaires économiques n’a pas appelé d’observations particulières. Il a toutefois été remarqué qu’a l’approche de la date limite des engagements de ces crédits (30 novembre) les services gestionnaires ont, selon l’habitude, présenté des propositions d’engagement absorbant la presque totalité de la marge disponible ». Noury, rapport du contrôleur financier sur la gestion 1956 du secrétariat aux affaires économiques, SAEF, B28217.
30 « Malgré cette prise de position, de nouveaux ordres de mission furent présentés dans le courant du mois de décembre postérieurement à la date de départ, bien que dans la quasi-totalité des cas il eut été possible de les établir en temps utile. Dès lors, il était difficile d’éviter un incident qui se produisit au sujet de la présentation, le 12 décembre, d’un ordre de mission concernant M. Z., contrôleur d’État, daté de la veille, pour un déplacement qui avait eu lieu le 6 décembre. Cette mission fut en définitive régularisée dans un but d’apaisement, au vu des explications fournies par le bureau du cabinet ». Noury, rapport du contrôleur financier sur la gestion 1957 du secrétariat aux affaires économiques, SAEF, B30958.
31 « Cette note examinera successivement : dans une première partie, les résultats de la gestion, le rythme de la consommation des crédits et les remarques qu’appellent ces données numériques ; dans une seconde partie, la critique d’errements administratifs à la lumière de l’exercice du contrôle sur les activités du ministère ; cet examen portera cette année sur la gestion des crédits afférents aux dépenses de personnel et aux vacations, celle de certains crédits d’équipement (industries agricoles et alimentaires, élevage), enfin sur l’éventualité d’une modification dans la gestion des crédits de paiement ». Rapport sur l’exécution du budget 1969 du ministère de l’agriculture, SAEF B30958.
32 Bertin Mourot, rapport du contrôleur financier près le ministère des Armées (Air) pour l’année 1960, SAEF B30959.
33 Bertin Mourot, rapport du contrôleur financier près le ministère des armées (air) sur le contrôle du budget de la section Air de la défense nationale de l’année 1958, SAEF, B30959
34 « Bien que plus de 25 400 visas aient été demandés en 1959, peu de dossiers ont motivé des observations qui mériteraient d’être rappelées dans le présent rapport. Il convient de signaler à nouveau que ceci est dû en grande partie au travail très efficace et très important effectué au sein des commissions consultatives centrales des marchés de l’Air à l’activité desquelles je participe ». Bertin Mourot, rapport du contrôleur financier près le ministère des Armées (Air) pour l’année 1959, SAEF B30959.
35 Chapitre II : Observations et suggestions du contrôleur financier.
1 : Visa préalable du contrôleur financier.
2 : Exécution des marchés par anticipation.
3 : Lettres de commande avant marché.
4 : Durée d’établissement et d’approbation des marchés et avenants.
5 : Fractionnement des commandes : – dans le cadre de marchés – hors marchés
6 : Exécution des dépenses de transport de matériel.
7 : Dotation en matériel roulant.
8 : Remarques particulières aux dépenses d’équipement : – dotations disponibles en fin de gestion – comptabilité des opérations d’investissement.
Ebner, rapport du contrôleur financier près le ministère des armées (air) sur le contrôle du budget de la section Air des armées de l’année 1962, SAEF B30959.
36 Ebner insiste sur les progrès accomplis par le ministère sur ce point « l’importance des résultats qui ont été obtenus au cours de l’effort poursuivi pour ramener le montant des reports à une valeur normale, […] pouvant être au surplus considéré comme satisfaisant eu égard aux problèmes que pose la gestion de crédits de paiement d’investissement tels que ceux de la section Air du budget des Armées », rapport du contrôleur financier près le ministère des Armées (air) sur le contrôle du budget de la section Air des Armées de l’année 1963, SAEF B30959.
37 « À l’intérieur d’un même budget, les crédits de paiement ouverts pourraient être sans limitation virés d’un chapitre d’équipement à un autre par simple arrêté du ministre des Finances et des Affaires économiques », Ebner, rapport du contrôleur financier près le ministère des Armées (air) sur le contrôle du budget de la section Air des armées de l’année 1961, SAEF B30959.
38 Noury, rapport du contrôleur financier sur la gestion 1956 du secrétariat aux affaires économiques, SAEF B28217.
39 Au ministère de l’Intérieur, « s’il s’agissait de réaliser des économies de quelque importance, compte tenu des retards dans son équipement, il faudrait nécessairement réduire ses effectifs, c’est-à-dire pratiquement ceux des compagnies républicaines de sécurité ». Babault, rapport sur la gestion des exercices 1965 et 1966, 4 septembre 1967, SAEF B30964.
40 « Le sérum physiologique revient à 90 francs le litre, alors qu’il coûte 135 francs dans le commerce. Néanmoins, nous persistons à penser qu’il ne serait pas judicieux d’étendre considérablement les fabrications de la Pharmacie centrale et d’adjoindre à celle-ci une usine dont les frais d’établissement et de fonctionnement ne seraient pas couverts par une production qui, malgré son volume, resterait évidemment très inférieure à celle des entreprises industrielles ». Chadzinsky, rapport du contrôleur financier près l’Assistance publique à Paris, exercice 1958, SAEF B30960.
41 « Nous avions signalé, dans notre précédent rapport, qu’il était nécessaire d’utiliser tous les morceaux provenant des animaux abattus et de mettre fin à la pratique, très onéreuse, d’achats “d’avants” de bestiaux et de revente à des tiers “d’arrières”. Une meilleure organisation de la Boucherie charcuterie, qui produit des pâtés, du bœuf en gelée, des saucissons, a permis l’utilisation de la totalité des animaux et l’achat “d’avants” à cessé. » Le contrôle financier ne peut que se féliciter de l’application de ces nouvelles méthodes qui ont pour effet de réduire très sensiblement les dépenses de viande. Chadzinsky, rapport du contrôleur financier près l’Assistance publique à Paris, exercice 1958, SAEF B30960.
42 « Par ailleurs, les ambulances doivent être dotées d’un appareil récepteur de radio, comme les voitures de police, afin d’éviter, en cours de journée, des retours au garage, suivis de nouveaux départs. Nous demandions, par ailleurs, la suppression de l’infirmière diplômée qui accompagne toutes les ambulances, et son remplacement par une aide-soignante apte au brancardage. Ces infirmières diplômées sont, en effet, immobilisées sans utilité et leur emploi dans les services hospitaliers apparaît bien préférable ». Chadzinsky, rapport du contrôleur financier près l’Assistance publique à Paris, exercice 1958, SAEF B30960.
43 « Bien que le Quai d’Orsay ait paru en saisir l’importance, la démarche du contrôle financier n’eut alors que peu de résultat et ne se traduisit par aucune mesure efficace. Le problème n’a, cependant pas été perdu de vue, ainsi que j’ai pu le constater à diverses reprises au cours d’entretiens avec le directeur du personnel des Affaires étrangères. Ce haut fonctionnaire m’a même fait savoir récemment que son ministre s’y intéressait particulièrement ». Rambeaud, étude sur la réorganisation de l’Agence comptable des chancelleries diplomatiques et consulaires, 12 mars 1959, SAEF B30958.
44 Tixier, contrôleur financier près l’administration générale de l’Assistance publique à Paris, rapport sur l’exercice du contrôle au cours de l’année 1959, SAEF B 30960.
45 Ibid.
46 « Il est certain que c’est par le développement de ce mode de soins dont le prix de revient est nettement inférieur à celui des hôpitaux qu’il sera possible de limiter les charges que représente pour les organismes de sécurité sociale l’hospitalisation de malades dans les services d’aigus ou même de convalescence ». Op. cit., p. 21.
47 Rouzoul, rapport du contrôleur des dépenses engagées près le ministère des PTT sur les opérations de l’exercice 1957 « Paiement des dépenses de personnel sans ordonnancement préalable », 26 juin 1958, 25 pages, SAEF B30966.
48 Rouzoul, rapport du contrôleur financier près le ministère des PTT, sur les opérations de l’exercice 1958 « service social des PTT », 43 pages, SAEF B30966.
49 Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1959 « Musée postal, habillement des agents des PTT », 42 pages, SAEF B30966.
50 « L’importance réelle d’un musée ne se mesure pas à celle des visiteurs qu’il reçoit. On peut le déplorer sur le plan financier mais n’aurait-elle pour résultat que de favoriser les recherches de spécialistes, d’enrichir l’esprit de quelques curieux, de susciter le désir et le besoin de connaître chez les jeunes, l’existence d’un musée se justifierait suffisamment. Ainsi en est-il du Musée postal dont l’organisation ne prête pas à critiques sérieuses, qui renferme des collections de grande valeur et qui mériterait d’être plus fréquenté ». Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1959 « Musée postal, habillement des agents des PTT », SAEF B30966.
51 I : Historique ; II : Évolution ; III : Organisation administrative ; IV : Personnel d’exécution ; V : Moyens financiers ; VI : Matériel ferroviaire et matériel de transbordement ; VII : parc automobile ; VIII : Garage et ateliers ; IX : Différents contrôles appliqués au Service automobile ; X : Auto-école : remboursement des frais d’obtention du permis de conduire ; XI : Accident et contentieux ; XII : Achat de matériel roulant ; XIII : Les marchés ; XIV : Étude des prix de revient ; XV : Action de l’administration centrale sur le fonctionnement du service automobile.
52 Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 45.
53 Il s’agit au niveau régional de ventiler les différentes dépenses de fonctionnement (carburant, huile, pneumatiques, pièces détachées et frais de réparation. Frais de personnel des garages ateliers, dépenses d’outillage, mobilier, matériel et fournitures de bureau, charges annuelles de loyer, entretien d’immeubles, eau, gaz, électricité, dépenses consécutives aux accidents et dommages ; taxes fiscales) et au niveau national de prendre en compte l’ensemble des fonctions d’encadrement (amortissement des véhicules et intérêt du capital ; frais généraux – personnel, bâtiment et matériel de l’administration centrale et de l’inspection générale – ; frais de service à caractère national, coût des prestations fournies à d’autres services et travaux remboursables).
54 Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 47.
55 « L’administration remplace assez rapidement les fourgonnettes de la distribution postale et les véhicules de série qui sont d’une revente relativement facile ; elle conserve au contraire les véhicules spécialement aménagés pour ses services, plus difficiles à revendre ; par ailleurs, l’examen des fiches de réparation est susceptible de déceler l’existence de défectuosités de certains organes ou de relever des négligences dans l’utilisation des véhicules et de permettre d’y remédier ». Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 51.
56 « Enfin, pour l’organisation et le contrôle des services et du parc, les comparaisons d’un département ou d’une région à l’autre et d’une année à l’autre donnent des résultats appréciables ; sur la consommation de carburant, qui représente presque le tiers du prix de revient kilométrique total ; sur les réparations et le fonctionnement des ateliers, grâce à la connaissance du nombre d’heures de réparation aux 1 000 kilomètres, du prix de l’heure de réparation et du coût kilométrique des pièces détachées et des travaux confiés aux ateliers privés ». Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 52.
57 Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 53.
58 Un problème plus intéressant est posé par l’installation dans des localités relativement peu importantes d’ateliers de réparation. On peut se demander en effet si l’existence de ces ateliers, dans des endroits où le personnel et les machines-outils ne seraient pas suffisamment employés, n’amènerait pas l’administration à payer plus cher qu’elle ne le ferait si elle avait recours à l’industrie privée. Le contrôle financier s’en est préoccupé dès 1954 et a demandé : « l’administration des PTT a-t-elle avantage financier à étendre le système des réparations en régie ? S’il est rentable dans certaines conditions, l’est-il partout ? […] Toute la question est là en effet et ce n’est pas l’ensemble du parc administratif qu’il faut considérer mais le nombre de véhicules à garer et à entretenir sur le plan local. […] L’étude des prix de revient en facilitant le choix entre la régie administrative et le recours à l’industrie privée, paraît de nature à prévenir toute aventure. » Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 55.
59 « Quoi qu’il en soit, il faut souligner que l’administration des Postes et Télécommunications a su créer un service des transports qui se caractérise par une organisation rationnelle, un contrôle efficace de la gestion, un entretien aussi satisfaisant que dans le secteur privé, pour un coût moindre et une étude très sérieuse des prix de revient qui permet de suivre de près la marche du service et de corriger les défaillances, sinon de les prévenir ». Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960 « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 56.
60 Rouzoul, rapport du contrôleur financier sur les opérations de l’exercice 1960, « Services des transports des postes et télécommunications », SAEF, B30966, page 57.
61 Bessière, rapport du contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour 1953 (rédigé en mars 1954), SAEF, B30962.
62 Bessière, rapport du contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour 1953 (rédigé en mars 1954), SAEF, B30962.
63 Bessière, rapport du contrôleur financier près le ministère de l’Éducation nationale sur l’exécution du budget de l’exercice 1956, SAEF B30962.
64 « C’est là, dira-t-on, essentiellement œuvre de techniciens, qui doivent faire prédominer l’esprit d’économie lors de l’implantation des bâtiments, de l’étude des avant-projets, de la définition des procédés de construction ou du choix des matériaux. Nous verrons que l’objectif ne peut être atteint si ne sont associés à cet effort ni les futurs utilisateurs des constructions mises en chantier, ni le secteur administratif chargé de gérer les crédits de programme. Et dès le choix du terrain, ces derniers doivent être mis devant leurs responsabilités ». Bessière, rapport du contrôleur financier près le ministère de l’Éducation nationale sur l’exécution du budget de l’exercice 1957, SAEF B30962.
65 « Les cessions gratuites de mauvais terrains sont à l’origine de dépenses supplémentaires d’une telle importance que l’État aurait souvent intérêt à y renoncer et à acquérir directement des terrains mieux adaptés ». Bessière, rapport du contrôleur financier près le ministère de l’Éducation nationale sur l’exécution du budget de l’exercice 1957, CAEF B30962.
66 Bessière, rapport du contrôleur financier près le ministère de l’Éducation nationale pour l’année 1958, SAEF B30962, p. 3.
67 Bessière, rapport du contrôleur financier près le ministère de l’Éducation nationale pour l’année 1958, SAEF B30962, p. 3.
68 Op. cit., p. 10.
69 Op. cit., p. 11.
70 Op. cit., p. 13.
71 « Il ne semble pas absurde de se demander si des enfants de 2 à 5 ans ne pourraient être confiés à la garde de personnels d’une qualification moins élevée, et par conséquent plus faciles à recruter, libérant ainsi un nombre important d’institutrices titulaires qui pourraient être utilisées de manière plus efficace ». Op. cit., p. 14.
72 Bessière, op. cit., p. 21.
73 Op. cit., p. 25.
74 Op. cit., p. 33.
75 Voir précisément les rapports des contrôleurs financiers près l’Assistance publique à Paris, SAEF, B30960.
Auteur
Sébastien Kott est maître de conférences, habilité à diriger des recherches, en droit public à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense. Il enseigne les finances publiques, le droit fiscal et le droit du service public. Ses recherches portent sur l’encadrement juridique de la gestion publique. Il a soutenu une thèse sur le contrôle financier central exercé par le ministère des Finances publiée aux éditions du Comité pour l’histoire économique et financière de la France en 2004 sous le titre : Le contrôle des dépenses engagées, évolutions d’une fonction. Ses publications récentes s’inscrivent dans un cadre interdisciplinaire : « La coordination des politiques publiques à travers la préparation du budget » dans le cadre du colloque organisé par le laboratoire d’économie « Economix » et intitulé Coordination et sciences sociales ; « Le développement des relations entre la Cour des comptes et le Parlement 1815-1832 », paru dans la Revue française de finances publiques.
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