Qualité de la gestion, économie et efficience de la dépense publique dans les rapports annuels de la Cour des comptes sur la période de l’entre-deux-guerres
p. 179-199
Plan détaillé
Texte intégral
Introduction
1Dès les années 1920, la Cour a cessé d’être la simple « gendarmerie des comptes1 » créée par Napoléon Ier. Ses rapports s’attachent en effet dès cette époque à apprécier l’économie et l’efficience de la gestion publique2, qu’elle y dénonce le gaspillage, le défaut d’organisation des services ou l’absence de pilotage dans l’allocation des subventions. En ce sens, ses travaux s’insèrent étroitement aux réflexions qui guident doctrine et pouvoirs publics dans la définition et la mise en œuvre des réformes administratives et dont les maîtres mots sont déjà la prévision, l’organisation et le contrôle3. L’examen de la gestion, de ses coûts, voire de ses résultats ne pourra en être que l’indispensable complément.
2Dans un article publié en 1935, A. Pomme de Mirimonde tentera, du reste, de tordre le cou à « la fable selon laquelle une opinion mal avertie attribue à la haute juridiction des méthodes et des préoccupations surannées4 ». L’auteur appuie son propos sur la présentation du rapport annuel de 1935, lequel se compose de deux types d’insertions. Les premières, traditionnelles, ont trait « aux opérations proprement budgétaires des collectivités publiques » ; les secondes portent sur les « opérations extrabudgétaires relatives soit à des établissements de caractère économique gérés par des collectivités publiques, soit à des services publics et commerciaux confiés à des entreprises privées ». La Cour y dénonce les errements qu’elle observe tout en préconisant les réformes qui « donneraient aux usagers la possibilité d’obtenir au plus juste prix les prestations auxquelles ils ont droit5 ».
3Il est vrai que ses observations relatives à la qualité de la gestion, qu’il s’agisse de monographies, offices par exemple, ou d’observations générales communes à plusieurs ministères, imprègnent de plus en plus ses rapports au cours des années 1930. Il existe certes des différences notables entre les rapports annuels de la Cour des comptes d’avant et d’après la seconde guerre mondiale ; mais ces différences tiennent plus largement à la modification profonde qui découle de la réforme de 1936, qu’au désintérêt que la Cour aurait précédemment porté à la qualité de la gestion publique. « Avant l’introduction de la comptabilité administrative et des contrôles sur place, […] le rapport ne pouvait être qu’une sorte d’échantillon prélevé sur la masse des observations présentées à propos du jugement des comptes6 ».
4Contrairement à un contrôle organisé seulement à partir de caisses publiques, qui par nature donnent une vision parcellaire, morcelée et incomplète de la gestion publique, on dispose alors d’un classement des pièces justificatives, grâce en particulier aux bordereaux récapitulatifs qui les accompagnent, par ministère, chapitre, mois ou exercice. Saisie depuis le 1er janvier 1937 de la comptabilité administrative, la Cour reprend ses traditionnelles observations, mais en formulant désormais des observations plus générales. Elle peut alors porter une appréciation sur le fonctionnement des administrations et dénoncera, en particulier, leur cloisonnement.
« Les services de l’État chargés des achats, des ventes, des travaux, des subventions ne procèdent pas à leurs opérations d’une façon logique. Étrangers les uns aux autres, ils ne sont pas organisés pour mettre à profit les avantages qu’ils retireraient dans bien des cas d’une action commune7. »
5Cette vision d’ensemble va également lui permettre de porter des appréciations sur l’absence de vision prospective et la logique de guichet qui en résulte.
« Au lieu d’établir tout d’abord un programme fondé sur les besoins de chaque région et d’en faire la base des améliorations à apporter à l’équipement national, l’administration se borne le plus souvent à attendre les occasions qui s’offrent, à instruire les demandes qui lui sont présentées comme si chacune d’elles apportait une contribution à l’œuvre générale8. »
6Mais c’est également pour elle la possibilité d’apprécier la manière dont services centraux et services déconcentrés coopèrent :
« pour obtenir l’équilibre désirable, les départements ministériels devraient être très exactement informés de la totalité des besoins auxquels ils ont à pourvoir, mais ce renseignement fait défaut parce qu’il n’existe pas une coordination suffisante entre les services locaux et les services centraux et que ceux-ci ne disposent pas de la documentation et des statistiques qui seraient indispensables à leur action9 ».
7Mais, si la réforme comptable des années 1930 va permettre d’élargir, d’approfondir et de donner tout son essor au contrôle sur la gestion, la Cour s’est déjà résolument orientée en ce sens. Si ses insertions sur la qualité de la gestion publique vont, il est vrai, dans un premier temps rester centrées sur un service ou un organisme, et demeurer donc assez peu globales, très tôt cependant, la Cour va s’efforcer de formuler des observations générales relatives au fonctionnement des administrations publiques10, de sorte que ceux-ci ne sont déjà plus une simple collection de cas d’espèces. On pense, par exemple, aux démembrements de l’administration, aux marchés et contrats publics, aux subventions, aux dépenses d’investissements, etc.
8Il lui a, pour cela, fallu vaincre certaines résistances. Elle procédera, du reste, à une mise au point très claire sur la compétence qui est la sienne dans l’introduction de son rapport de 1934.
« Il paraît nécessaire d’insister sur ce point : les dispositions d’ordre financier qui se sont succédé depuis la Révolution française et se sont adaptées avec une logique rigoureuse au développement du régime parlementaire, ne sauraient prêter à la moindre erreur d’interprétation. Si la Cour des comptes ne possède aucun pouvoir de juridiction sur les ordonnateurs, elle n’en a pas moins un droit de contrôle sur les gestions des deniers publics et c’est en vertu de ce droit supérieur qu’elle a le devoir, à l’occasion de la vérification minutieuse des pièces comptables, de poursuivre ses investigations et de porter son examen critique sur les méthodes défectueuses, les défaillances de l’administration, l’irrégularité ou l’imprévoyance des contrats11 ».
9Il est notable également que ses méthodes de travail évoluent, que ses moyens d’information s’enrichissent, tandis qu’elle se trouve placée à partir de 1935 au cœur du processus de rationalisation et de centralisation des contrôles. La Cour bénéficie, par ailleurs, du décret du 28 avril 1934 qui permet à son premier président, sur avis conforme du procureur général, d’apporter à l’organisation de son travail toute modification permettant d’améliorer son rendement.
10Au-delà de la refonte du cadre juridique et comptable, il convient également d’insister sur l’importance des évolutions techniques qui vont permettre une meilleure centralisation des pièces comptables12. La mécanographie est, en effet, au cœur des opérations de centralisation des mandatements effectuées par la Comptabilité publique, avant transmission à la Cour des comptes des pièces qui lui sont envoyées. À partir des bordereaux établis par les contrôleurs des dépenses engagées donnant par chapitre budgétaire et par ordonnateur le total des dépenses du mois, « on établit des cartes perforées, comportant, entre autres, les indications suivantes : exercice, mois, ministère, ordonnateur, dépenses du mois, dépenses du mois antérieur, total des dépenses de l’exercice13 ». On procède ensuite à la centralisation de ces données et à « l’établissement de nombreux bordereaux récapitulatifs. La Cour des comptes peut ainsi faire porter son contrôle à son choix sur un chapitre budgétaire déterminé ». La comptabilité publique est alors « en voie de transformation » et tend « à devenir une comptabilité d’opérations14 ».
11Il existe enfin une certaine continuité dans les travaux de la Cour des comptes. De sorte que si l’on compare les thèmes de prédilection de ses insertions entre la première et la seconde guerre mondiale et ceux qui concentrent l’essentiel de ses critiques entre la Libération et le début des années 1960, on s’aperçoit que ceux-ci sont souvent les mêmes, les acteurs ont parfois changé, les compétences de la Cour ont évolué, mais ses préoccupations sont largement identiques. Le fait tient à ce que la première guerre et les crises économiques ont profondément modifié les conditions de la gestion et si profondément accru la tâche de l’administration qu’il est plus que jamais nécessaire « d’assurer l’économie dans la gestion des services publics » pour « répondre à l’importance de l’effort à accomplir et pour le seconder ». Or, en matière de dépenses, « l’ordre, indispensable à toute activité féconde est le plus souvent compromis par des méthodes défectueuses15 ». On peut, du reste, mettre en perspective les rapports de la Cour des comptes des années 1920 à 1938 avec l’analyse que présentera Gabriel Ardant en 194916 selon laquelle la répartition des dépenses « entre les différents emplois possibles doit assurer le maximum de bien-être à la collectivité » et permettre « d’assurer la gestion la plus économique des services publics17 ». Ces préoccupations sont indéniablement déjà celles de la Cour des comptes. Si l’on entend, en effet, par contrôle sur la gestion un contrôle portant sur le coût et le rendement de la dépense publique, c’est-à-dire sur l’économie et l’efficience de la gestion publique, il est alors évident que, dès les années 1920, la Cour s’approprie ces analyses18.
12La Cour va cependant entourer ses premières observations relatives au fonctionnement des services de maintes précautions. Son angle d’attaque tient le plus souvent à ce que le défaut d’organisation du service a conduit au gaspillage des deniers publics. Un exemple très significatif de cette stratégie se trouve dans son rapport annuel de 1923 au sujet du fonctionnement du service des Réfugiés : « la Cour, sans formuler un jugement d’ensemble sur le fonctionnement administratif du service […], doit, en raison des répercussions financières qui ont pu en résulter, signaler le long laps de temps qui s’est écoulé entre les débuts du fonctionnement du service et sa réglementation définitive, qui trop tardivement, a apporté un peu d’ordre dans les opérations et remédié au gaspillage des deniers publics19 ».
13Progressives donc, et accélérées par les réformes comptables des années 1930, ces évolutions se rattachent, du reste, à un ensemble de facteurs : évolution des modes de gestion, augmentation des dépenses publiques, affermissement des attentes du Parlement. Mais également, il ne faut pas l’oublier, aux réflexions menées sur l’objet même de la comptabilité publique qui, non plus exclusivement centrée sur le contrôle d’un agent, va progressivement recouper les fonctions traditionnellement dévolues à la comptabilité privée. Et il n’est pas étonnant que la Cour des comptes soit la première à relativiser l’importance de cette distinction lorsqu’il s’agira d’apprécier la gestion et, par voie de conséquence, le maintien de ses compétences.
14Tenant compte d’une manière croissante du coût et du rendement de la dépense publique (I), la Cour développera ainsi sur la période de l’entre-deux-guerres une analyse centrée sur la notion de prix de revient (II).
I. Un contrôle du coût et du rendement de la gestion publique
15La lecture des rapports de la Cour des comptes sur la période de l’entre-deux-guerres montre l’attention croissante qu’elle porte à l’organisation des services et l’appréciation concrète de la gestion administrative à laquelle elle se livre. Sur ce point, il est important de relever que ses observations consacrées à la qualité de la gestion seront très comparables, que les services soient gérés par l’État et ses démembrements ou par les collectivités locales. Cela dit, ses observations restent largement cantonnées aux démembrements de l’État, suite en particulier au développement du secteur parapublic et à la multiplication des Offices, et à la gestion des collectivités locales. Pour Michel Tardieu, la Cour des comptes est alors « plus à l’aise dans la surveillance minutieuse de la gestion des collectivités locales et des établissements publics que dans celle des administrations centrales. Les remontrances s’adressent beaucoup plus souvent aux féodalités administratives qu’au prince20 » et cette tendance s’explique sans doute par « le prudent désir des magistrats d’éviter les heurts d’aspect politique21 ».
16Sous ces réserves, l’examen de la gestion va cependant se révéler très rapidement un formidable outil d’amélioration de la gestion publique et générer des propositions très concrètes de perfectionnement des outils de gestion et de prévision tout en alimentant une réflexion de fond sur l’organisation des administrations.
A. Une attention constante portée aux travaux, marchés et opérations immobiliers
17La plupart de critiques faites en matière de programmation et de dépenses d’investissement immobilier que l’on trouve dans les rapports des années 1950-1960-1970 sont déjà présentes dans les rapports de la Cour des comptes de l’entre-deux-guerres : insuffisance des études préalables et, en particulier, carences importantes dans l’évaluation du coût prévisionnel, minoration volontaire des demandes de crédits, fractionnement abusif des marchés, etc.
1. Une économie des contrats largement défavorable aux personnes publiques
18Les contrats passés par les personnes publiques retiennent l’attention systématique de la Cour qui dénonce notamment l’usage abusif des marchés de gré à gré. Ceux-ci non seulement privent la personne publique des avantages du libre jeu de la concurrence, mais la complexité de leurs clauses contractuelles est, par ailleurs, une source de contentieux fréquents et coûteux. La Cour n’hésite pas également à se livrer à une appréciation critique des relations contractuelles qui unissent des entreprises privées aux personnes publiques pour constater, assez souvent, que l’équilibre du contrat est presque toujours favorable aux entreprises. S’agissant des marchés passés par l’Armement, la Cour des comptes va jusqu’à relever les écarts de prix :
« les marchés de gré à gré, passés à la même époque et dans la même région et parfois avec le même industriel, avaient néanmoins, pour des fournitures identiques, des prix sensiblement différents. Il n’entre nullement dans ses intentions de critiquer aucun de ces marchés parce qu’il ne lui appartient pas […] de discuter les prix fixés. Mais, les éléments d’information dont elle dispose ne suffisent pas à la convaincre qu’en aucun cas ces différences de prix n’ont permis à certains fournisseurs de réaliser des bénéfices exagérés22 ».
19Ses observations sur les conventions conclues entre la Ville de Paris et diverses sociétés de gestion immobilière dans ses rapports des années 1933 et 1935 pointeront les erreurs contenues dans les prix forfaitaires de la construction et feront apparaître le surcoût qui est en résulté pour les finances locales et la perte de plusieurs millions par la Ville de Paris en raison de l’application à ses travaux immobiliers des séries de prix établies par la société centrale des architectes23. Dans son dernier rapport publié avant la seconde guerre mondiale, la Cour des comptes se livrera également à une analyse des conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations immobilières en banlieue parisienne.
« L’examen de la convention montre qu’en réalité elle est surtout profitable à la société car, si le produit des ventes de terrain doit être exactement porté en recettes, augmenté des intérêts produits par le placement des fonds libres, les dépenses les plus importantes sont portées en comptes pour des sommes forfaitaires que les dépenses réelles ont été loin d’atteindre : la différence constitue un bénéfice non partagé avec le Département24. »
20La Cour va également s’intéresser à la gestion des forêts coloniales et énoncer quels sont, selon elle, les principes d’une saine gestion. « Une exploitation rationnelle des richesses coloniales doit non seulement procurer aux colonies les ressources qui leur sont nécessaires, mais encore être aménagée de façon à entretenir et même à développer ces richesses ». Or, les conditions d’exploitation ont eu pour conséquence que « la colonie, propriétaire des forêts, […] s’est trouvée frustrée de recettes importantes […] Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions que la situation de l’AEF soit restée précaire et que la métropole continue à lui verser pour le service de sa dette des subsides élevés […] L’exploitation du bois, abandonnée à des entreprises qui recherchent un profit immédiat, n’a pas été conduite avec un souci suffisant d’éviter le gaspillage, de repeupler la forêt et de ménager des ressources pour l’avenir25 ».
2. Une insuffisance des études préalables et de toute vision prospective
21Au-delà de la réalisation des travaux et de leurs modalités, ce sont également les conditions de préparation des projets et leur adoption qui sont analysées. S’agissant, par exemple, de la construction d’un théâtre, la Cour dénonce « la légèreté avec laquelle il a été procédé à l’étude préalable des travaux […] le projet ne reposait que sur des plans et devis intentionnellement réduits pour le faire accepter26 ». La Cour réitérera ce type de critiques s’agissant des collectivités locales qui n’hésitent pas à engager des dépenses importantes sans qu’une étude suffisamment approfondie n’ait été faite sur les projets envisagés, de sorte que ceux-ci se révélèrent impossibles à réaliser ou durent être modifiés en cours d’exécution27.
22Aux lendemains des réformes comptables des années 1934-1936, la Cour est en mesure de généraliser ces observations ponctuelles à la lumière des diverses sources d’informations dont elle dispose désormais.
« On ne peut qu’être frappé de la fréquence des dépenses engagées sans une étude sérieuse des projets envisagés qui doivent être modifiés en cours d’exécution. Le nombre de contrats ou de marchés dont les clauses, hâtivement rédigées, garantissent mal les intérêts de l’État ou des établissements publics, n’est pas moins surprenant. Il résulte de ces négligences des frais supplémentaires qui devraient être évités28. »
23Le gaspillage des fonds publics tient donc pour beaucoup aux méthodes suivies.
« Faute de doctrine et d’un programme, les administrations ne classent pas les projets par ordre d’intérêt et d’urgence […] Il en résulte que le particularisme local, parfois appuyé par de puissantes interventions, fait tort à la valeur de l’équipement national. C’est ainsi que des subventions souvent importantes pour des constructions d’hospices ont été distribuées par le ministère de la santé publique sans qu’il ait été suffisamment tenu compte des établissements hospitaliers qui existaient déjà et des besoins sanitaires de la région considérée. »
24La raison tient, en partie, à l’insuffisance, voire à l’inexistence de la documentation dont disposent les administrations centrales29.
25Forte de ces observations, la Cour fera en la matière une recommandation de principe dans son rapport de 1938 :
« Lorsqu’un projet revêt une certaine ampleur, il serait sage de fragmenter sa réalisation en tranches successives formant un tout par elles-mêmes. Le financement de chacune d’elles devrait être prévu de façon intégrale et précise sans qu’il dût être fait appel à des participations complémentaires et aléatoires30 ».
B. L’examen des dépenses de personnel et la recherche d’économies
26La Cour des comptes va sur la période porter une attention croissante aux dépenses de personnel. Elle considère, notamment, que l’augmentation des dépenses locales tient à l’explosion des dépenses de personnel, qui s’explique non seulement par la multiplication des emplois communaux, mais également par l’exagération des rémunérations31. Dans son rapport annuel de 1925, et reprenant sur ce point les données d’un rapport de l’Inspection des finances, la Cour explique, par exemple, que le nombre d’employés municipaux est passé, entre 1913 et 1921, de 136 à 229 à Vincennes, de 129 à 305 à Aubervilliers ou de 147 à 363 à Levallois32. Intéressantes également sont les comparaisons qu’elle va effectuer d’une commune à l’autre. Ainsi, dans le même département, deux communes voisines et de même population ont respectivement « un employé pour 84 et un pour 238 habitants33 ». La Cour n’hésite évidemment pas à considérer que « des économies pourraient sans doute résulter de la réorganisation de certains services, et surtout de la réforme du régime des pensions de retraite de la Ville de Paris34 » alors que les dépenses de personnel ont plus que décuplé entre 1914 et le début des années 1930. Mais la Cour s’intéresse aussi aux effectifs de la préfecture de la Seine où elle observe « la proportion toujours plus élevée des postes supérieurs par rapport aux effectifs totaux du personnel en fonction ». Le nombre des « sous-directeurs était de 14 en 1936, alors qu’aucun emploi de ce grade n’existait avant-guerre ; de même, le nombre de chefs de services est passé de 12 à 29 entre 1914 et 1936 ». Et la Cour de poursuivre :
« Le nombre croissant des emplois supérieurs s’explique peut-être par la multiplicité et la variété des tâches qui incombent à la préfecture de la Seine. Toutefois, certains services ne semblent pas toujours répondre à une nécessité35 ». « D’autres services sont dotés d’effectifs qui peuvent sembler excessifs […] Il est donc permis de se demander si certaines économies, compatibles avec la bonne marche des services, ne pourraient pas être réalisées dans les dépenses de personnel36 ».
27Il est intéressant également de relever ses observations relatives à la mise en œuvre de la « prime de gestion et de rendement » de 1926 (le décret du 22 mai 1926 prévoit que cette indemnité est allouée aux agents les plus méritants en proportion des services effectivement rendus au regard de la nature de l’emploi occupé). La Cour relève que cette indemnité est, en réalité, un supplément de traitement, puisque versée à tous, elle est fixée non en raison des services rendus, mais du rang ou du poste occupé37. La Cour se sent sans doute autorisée à ces observations, alors que le Parlement a précisément réduit lors de l’examen du budget pour 1932 les crédits demandés à ce titre afin de marquer sa volonté de voir ces indemnités attribuées selon les services rendus.
28Cette attention générale portée au coût de fonctionnement des services sera également déployée lorsque la Cour des comptes se verra charger, par le décret-loi du 20 mars 1939, du contrôle des associations subventionnées sans que ne soit précisée la nature de ce contrôle. Un arrêté du premier président du 19 mai 1941 crée au sein de la Cour un comité spécialement chargé d’exercer ce contrôle38 qui va consister à vérifier non seulement que les statuts sont réguliers et les comptabilités bien tenues, mais aussi à s’assurer que « leur gestion financière était saine, à rechercher si leurs dépenses correspondaient bien au but qu’ils se proposaient, à apprécier enfin si leurs frais généraux n’étaient pas excessifs39 ».
C. Une attention soutenue portée à la gestion locale
29Très tôt apparaît la nécessité de mener de front une politique financière plus rigoureuse tant au niveau de l’État que des collectivités locales40. À quoi servent, en effet, pour les contribuables « les économies réalisées sur le budget de l’État », si dans le même temps « la charge des impôts locaux ne cesse de s’alourdir » écrit un membre de la Cour des comptes à la veille de la seconde guerre mondiale41, renvoyant ainsi aux critiques formulées par la Cour elle-même.
« La Cour, qui a le devoir de signaler le mal, n’a pas qualité pour prescrire le remède ; mais elle ne croit pas excéder la limite de ses attributions en exprimant le désir que les budgets des communes soient rigoureusement contrôlés […] Il est inadmissible que les communes et les départements prélèvent sur les revenus des particuliers les moyens de couvrir des dépenses d’utilité discutable quand l’État doit faire face à des charges croissantes », écrit-elle dans son rapport de 192342.
30Il s’agit pour la Cour d’une question de principe. « La situation financière générale qui commande la plus stricte économie dans la gestion des deniers publics » impose à la Cour de « se montrer sévère sur ce point, quelles que soient d’ailleurs l’importance des sommes dépensées, ou les raisons que l’on puisse invoquer pour excuser les dépenses de cette nature43 ». Le rapport de 1925 contient, du reste, de très longues observations, c’est presque un rapport particulier au sein de son rapport annuel sur la situation financière des communes. La Cour des comptes va très loin dans ses analyses et recommandations. Elle commence par relever la diversité des situations locales et l’impossibilité « d’exprimer en quelques lignes une opinion générale sur la situation financière des communes » ; la situation des petites communes rurales, des grandes villes, des villes de banlieue est donc présentée séparément44. Suivent un ensemble de remarques générales sur la gestion des communes.
« Par leur insouciance, leur prodigalité et leur faiblesse devant les exigences de leur personnel et de leur clientèle, les assemblées et les administrations municipales, parfois mal préparées à une lourde tâche, ont trop souvent aggravé les difficultés réelles en présence45 ».
31Sont tout particulièrement dénoncées les dépenses que la Cour considère comme tout à fait abusives, dépenses de banquets et autres dépenses somptuaires de bouche. « La Cour espère que les conseils généraux, plus ménagers des finances départementales, renonceront à des errements vraiment trop onéreux46 ». Certaines dépenses apparaissent, par ailleurs tellement élevées que la Cour « en est venue à se demander si de telles dépenses n’étaient pas fictives47 ». Mais sont également dénoncées les dépenses des communes « qui dépassent de beaucoup les besoins des populations48 ». L’État est, du reste, largement responsable en raison de sa propension à accorder des subventions excessives pour la construction d’écoles, de travaux de voirie, d’adduction d’eau ou d’électrification49. Les critiques de la Cour des comptes s’étendent également à la « mauvaise administration » des collectivités locales. Les négligences de leur administration, la mauvaise organisation de leurs services ont, en effet, des répercussions qui peuvent s’avérer onéreuses pour les finances locales en raison des contentieux qu’elles entraînent et des condamnations qui en découlent.
32Deux exemples tirés de son rapport de 1931 l’illustrent. Des tolérances et permissions administratives irrégulières accordées par les services de la ville de Paris ont permis à une entreprise d’éclairage concurrente à l’entreprise concessionnaire d’étendre indûment son exploitation ; cette dernière a donc obtenu du juge une indemnisation de plus de 360 000 francs, auxquels s’ajoutent les frais d’instance, qui viennent ainsi grever le budget municipal en raison d’erreurs commises par l’administration municipale50. La commune de Chambéry a quant à elle été condamnée par le tribunal administratif pour avoir vendu deux fois le même terrain à deux particuliers. La Cour considère qu’une « telle erreur ne peut provenir que du désordre qui a régné dans l’organisation et le fonctionnement des services administratifs de la mairie […] Il est regrettable que dans une ville importante, des documents aussi essentiels que le plan de lotissement et l’état des propriétés communales n’aient pas été tenus à jour51 ».
33Plus largement cependant, la Cour considère que l’une des raisons du gaspillage que l’on observe dans la gestion des collectivités locales tient à « la défaillance de la tutelle administrative52 ». S’il y a longtemps que la Cour dénonce ces carences53, elle y revient tout particulièrement aux lendemains de la première guerre mondiale pour rappeler que « les lois du 5 avril 1884 et du 7 avril 1902 ont accordé aux communes une large autonomie, mais elles ont entendu réserver au pouvoir exécutif les moyens de prévenir, dans la gestion des intérêts municipaux, solidaires des intérêts de l’État, les actes d’imprudence, d’imprévoyance et de désordre. [Or,] les défaillances de la tutelle administrative doivent retenir l’attention de la Cour, lorsqu’elles ont pour résultat de compromettre la situation des finances locales, qui a nécessairement sa répercussion sur la situation financière du pays tout entier54 ».
D. Décentralisation administrative et examen de la gestion
34À compter de 1925, la Cour des comptes consacrera une partie de son rapport annuel aux offices55 et placera une partie de ses critiques sur le terrain de l’économie de la gestion publique56, alimentant ainsi les adversaires des nouvelles méthodes de gestion, mais œuvrant dans le même temps à l’amélioration de l’économie et de l’efficacité de la dépense publique. Elle le fera, du reste, sur la base d’une grille d’analyse qui recoupe largement celle qu’elle déploiera s’agissant des budgets annexes et, plus largement, à toutes les activités industrielles quelle que soit la forme juridique de leur exploitation : examen des frais généraux, examen des prix de revient, etc. Les observations que la Cour consacre aux offices dans son rapport de 1927 commencent ainsi par une observation d’ensemble : « Augmentation des dépenses publiques », alimentée par deux catégories d’observations : « dépenses administratives de personnel et de matériel » et « exagération des subventions de l’État aux offices ». Pour la Cour, « la décentralisation des services résultant de la création des offices aboutit à une augmentation des dépenses par suite de la multiplication des frais généraux57 ». La Cour dénonce, notamment, le montant des rémunérations :
« en dehors de cas de cumul, le traitement du personnel des offices est parfois hors de proportion avec le service auquel il correspond. [De même,] les frais d’installation, correspondant à l’acquisition ou à la location d’immeubles, atteignent souvent un prix élevé, auquel s’ajoutent des charges d’entretien plus ou moins considérables. À tous égards, l’autonomie financière des offices paraît donc de nature à alourdir encore le poids des dépenses publiques58 ».
35La Cour est, sur ce point, on ne peut plus claire : « Le coût de certains services augmente quand ils passent de l’administration centrale d’un ministère à l’administration autonome d’un office59 ». C’est, du reste, à une appréciation complète des conditions de fonctionnement des offices que la Cour se livre60. Ainsi, lorsqu’elle examine la gestion de l’Office national industriel de l’azote, ses critiques portent sur la régularité douteuse de certaines décisions de gestion (signées du reste, « par délégation du ministre, par un haut fonctionnaire qui se trouvait être à la fois directeur des Poudres, président de la commission consultative instituée pour choisir les procédés à adopter et lui-même inventeur et détenteurs des brevets qu’il s’agissait d’appliquer61 ») ; sur la gestion financière, l’organisation commerciale des ventes, en un mot sur la gestion de l’office. Son examen s’étend à l’ensemble des décisions de gestion de l’office et, en particulier, à ses relations d’affaires. La Cour critique ainsi la convention passée en 1927 avec le Comptoir français de l’azote. Chargé de vendre les produits fabriqués par l’office, il agit vis-à-vis de ce dernier comme un commissionnaire, dispositif qui, pour la Cour, « se révèle nettement insuffisant et mal adapté ».
36Adoptant très souvent une analyse comparable à celle qu’elle a également développée s’agissant des collectivités locales, la Cour argumente en considérant que :
« ce n’est pas à l’heure où la nécessité des économies est unanimement reconnue, qu’il convient d’étendre la liste des services publics ou de se départir vis-à-vis des services anciens de l’exercice intégral du contrôle dont une longue expérience a démontré l’efficacité ; ce n’est pas lorsque les administrations centrales sont obligées de procéder à d’importantes réductions dans le nombre de leurs fonctionnaires qu’il convient de créer de nouveaux emplois […] La Cour croit demeurer dans les limites qui sont les siennes en signalant aux pouvoirs publics […] les méthodes d’administration […] qui lui paraissent préjudiciables à la bonne gestion des finances publiques62 ».
37Elle poussera la similitude de ses analyses au mode de financement que sont les subventions dont elle a déjà critiqué l’utilisation s’agissant des collectivités locales. De la même manière seront dénoncées les insuffisances des contrôles exercés par l’État sur la gestion des offices. Le cœur des critiques de la Cour tient ici au fait que leur mode de fonctionnement prive les pouvoirs publics des « garanties normales du contrôle budgétaire ». Même lorsque l’État exerce une surveillance sur la gestion financière ou comptable de ces organismes, au travers notamment de la consultation du ministère des Finances des conventions passées avec des sociétés ou par la présence de commissaires du Gouvernement au sein de leur conseil d’administration, la Cour déplore l’absence, y compris au sein du ministère des Finances, d’un service « spécialement chargé d’établir l’unité et la coordination des services de contrôle ».
38Un exemple en est donné dans son rapport annuel de 1933 au sujet des mines de potasse d’Alsace. La Cour considère les contrôles financiers de l’État insuffisants « aussi bien pour la répartition du bénéfice, que pour l’engagement des dépenses ». Si « en rachetant les mines de potasse d’Alsace, l’État a doté le domaine national d’un capital d’une haute valeur […] il importe que la gestion soit sauvegardée de manière à sauvegarder les droits du Trésor et les intérêts du budget général63 ». Dans ce même rapport, la Cour des comptes cumulera ces observations pour l’ensemble des activités exercées de manière autonome, qu’il s’agisse de la Réunion des musées nationaux, de l’Office national du tourisme, ou des Mines domaniales d’Alsace. Au-delà des offices, ses critiques concernent l’insuffisance des contrôles des « organismes publics ou privés qui, dans des domaines chaque jour plus variés, font appel aux concours financiers de l’État : établissements nationaux et régies autonomes, sociétés mixtes ou sociétés privées bénéficient d’avances, de garanties ou de subventions contractuelles de l’État ».
39Et de citer les compagnies de navigation maritimes et aériennes, les sociétés d’électricité, les compagnies pétrolières, les banques coloniales, les docks et entrepôts64.
40La Cour demande une réorganisation générale des contrôles car il convient que les contrôles de l’État puissent s’« exercer d’une manière effective sur la gestion de toutes les entreprises publiques ou privées en relation avec l’État65 ». Cette responsabilité est celle du ministère des Finances qui doit être en mesure de centraliser et de coordonner l’ensemble. Elle le fait, par exemple, dans son rapport annuel de 1931 s’agissant des mines de la Sarre. La Cour demande que les attributions du contrôle financier confié depuis 1926 à un inspecteur des finances soient clairement précisées, car « ni l’arrêté de nomination, ni aucune instruction ultérieure n’ont précisé les attributions de ce contrôleur » alors qu’il lui appartient d’assurer un « contrôle permanent de la gestion financière de l’entreprise66 ». Cette insertion fait suite à un référé auquel il n’a pas été répondu et dans lequel la Cour demandait également « que les rapports de ce contrôleur lui fussent communiqués, ainsi que le bilan, les comptes d’exploitation et le rapport du directeur général67 ».
41La diminution des contrôles qui résulte de la création d’un office apparaît à la Cour des comptes d’autant moins admissible que l’objet des missions confiées à certains de leurs personnels semble parfois « totalement étranger au but même qui a motivé l’institution de l’office ». Il arrive, en effet, qu’un ministère fasse « supporter par l’office des dépenses qui auraient dû figurer » à son budget, de sorte que l’on « peut craindre que l’intermédiaire des offices ne soit parfois utilisé pour effectuer des dépenses de l’État dépassant les crédits alloués par le Parlement68 ».
« Aucun résultat vraiment utile ne pourra être obtenu tant que les responsabilités seront dispersées, les bonnes volontés, les négligences et les défaillances du contrôle ignorées ou dépourvues de sanction. Il en serait tout autrement le jour où une seule autorité serait chargée de recevoir tous les rapports, de correspondre avec tous les agents, de prendre toutes les mesures utiles pour donner suite aux observations reconnues fondées69 ».
42La sauvegarde des intérêts financiers des offices constitue également une préoccupation de la Cour qui alerte les pouvoirs publics sur l’insuffisance des moyens juridiques dont ils disposent pour assurer le recouvrement de leurs créances alors qu’aucun texte ne les autorise à utiliser la procédure des états exécutoires, leurs créances ne pouvant être assimilées à celles de l’État.
43« Les offices industriels, bien loin d’être placés, à ce point de vue, sur un pied d’égalité avec les entreprises privées, se trouvent en état d’infériorité manifeste, puisque à part de rares exceptions, ils ne sont pas admis à utiliser les modes de recouvrement prévus par le code de commerce, notamment la traite et le billet à ordre70 ».
II. La Cour des comptes et la notion de prix de revient dans l’entre-deux-guerres
44Au début du XXe siècle, un certain nombre de voix, tant au Parlement71 qu’au sein de la doctrine72, demandent une évolution profonde de la comptabilité publique, alors qu’au XIXe siècle déjà, des propositions ont été formulées pour introduire les principes de la comptabilité privée73.
45Les principes appliqués sur un plan budgétaire et comptable seraient « des formules dont la solennité seule masque le néant74 » et la cause du gaspillage des fonds publics. Les règles d’unité et d’universalité entendues comme elles le sont empêchent, en particulier, « tout rapprochement entre les recettes et les dépenses correspondantes et rendent très difficiles, pour ne pas dire impossible, l’appréciation du prix de revient de tel service75 ». La comptabilité publique n’est donc plus adaptée à l’évolution des services publics ; « tout se transforme dans les services publics, nos comptabilités seules persistent, avec des simplicités et des confusions où se combinent de façon surprenante la science de nos mathématiciens consommés et la naïveté de nos cuisinières76 ».
46Ces enjeux sont tout à fait présents dans les rapports de la Cour des comptes qui va s’attacher à apprécier la qualité de la gestion au travers de la détermination des prix de revient, qu’il s’agisse des services publics locaux, des budgets annexes ou des services autonomes et des offices.
47S’exprimant à propos des chemins de fer, la Cour des comptes va considérer que l’assimilation des réseaux d’État et des réseaux privés peut se justifier au regard de la gestion de ces exploitations :
« nul ne contestera la nécessité qui s’impose aux établissements industriels de l’État de tenir leurs comptes en s’inspirant des méthodes commerciales consacrées par l’usage. La Cour est la première à reconnaître que les cadres traditionnels sont trop rigides […] Elle admet que les règles budgétaires et comptables auxquelles sont soumis les services publics soient assouplies en faveur de ces entreprises, conformément à l’esprit et aux méthodes de l’industrie privée77 ».
« Étendues à une gestion industrielle, les dispositions du décret du décret du 31 mai 1862 se révèlent à la fois trop formalistes et incomplètes : trop formalistes, parce qu’elles organisent […] une comptabilité de crédits, […] un contrôle du payeur et des nomenclatures détaillées ; incomplètes, parce qu’elles n’ont en vue que le contrôle d’une caisse ».
48Or, dans le cadre d’une exploitation industrielle, « seuls les résultats réels importent, et ce sont précisément ces résultats que toute comptabilité industrielle se propose de mettre en évidence78 ».
49La Cour tente alors d’imposer l’idée selon laquelle la nécessité d’exercer un contrôle uniforme sur la gestion justifie le maintien de sa compétence peu important le fait qu’il soit ou non fait application des règles de la comptabilité publique. Au-delà de ses observations sur le contrôle des offices qui aboutiront au décret du 15 décembre 193479, ses protestations à l’encontre des textes écartant son contrôle de certaines activités industrielles au motif que s’y applique la comptabilité commerciale, telles les chemins de fer, sont limpides.
50Son rapport public de 1928 est ainsi l’occasion d’affirmer qu’elle « croit à la nécessité de maintenir [son contrôle] sur les entreprises publiques à forme industrielle ou commerciale80 ».
« Aucune assimilation complète n’est possible entre une entreprise industrielle publique et une entreprise industrielle privée, quel que soit l’aspect sous lequel les choses sont envisagées. C’est ainsi qu’une entreprise publique n’a pas d’actionnaires supportant directement, sur leur fortune personnelle, les fautes de gestion des administrateurs. Elle ne peut faire faillite. Les déficits sont, en fin de compte, couverts par l’ensemble des contribuables, dont les mandataires doivent être régulièrement et complètement renseignés sur la gestion de l’entreprise81 ».
51La Cour ne se range, en effet, absolument pas aux arguments selon lesquels l’abandon des règles de la comptabilité publique entraînait l’abandon de son contrôle.
52L’adaptation des formes de la comptabilité publique à des exigences nouvelles ne saurait porter atteinte à la compétence du juge des comptes. Le contrôle de la Cour des comptes « n’est pas lié indissolublement à l’observation des règles imposées par le décret du 31 mai 1862 à l’ensemble des services publics ». Déterminant est le fait que la Cour justifie sa compétence sur un autre fondement : la gestion de deniers publics82.
53Ainsi, son contrôle « n’est pas attaché par l’existence d’un budget, ni à une forme spéciale de comptabilité. Il peut et doit s’exercer aussi bien sur les comptes produits dans les conditions prévues par le décret du 31 mai 1862 que sur des comptabilités tenues dans la forme commerciale83 ». Le raisonnement de la Cour est qu’aucun autre mode de contrôle, pas plus la compétence de l’Inspection des finances que la compétence de commissions de contrôle financier jouant un rôle analogue à celui de commissaires aux comptes, ne peut présenter les avantages présentés par le contrôle qu’elle exerce sur les comptabilités. Et la raison en est la nécessité tenant à donner « au contrôle des garanties essentielles d’unité, de généralité et d’indépendance84 ». Elle va déployer exactement la même analyse s’agissant des régies exploitées au niveau des collectivités locales. La Cour « ne voit que des avantages à l’adoption des méthodes du commerce pour la description des opérations des régies de chemins de fer d’intérêt local et des tramways, mais à la condition que l’emploi de ces méthodes donne lieu à une réglementation d’ensemble dont elle aurait à contrôler l’application85 ».
« L’examen réfléchi et approfondi de toutes les opérations des régies par une même juridiction permet seul, en effet, de dégager la signification absolue et relative des comptes, parce qu’il aboutit seul à des vues d’ensemble pouvant conduire à l’établissement de règles uniformes de gestion [or,] il importe de remarquer qu’en l’absence de telles règles, les résultats accusés par les diverses comptabilités ne seront pas comparables entre eux86 ».
54Plus largement, la Cour des comptes va ainsi développer une analyse cohérente de la qualité de la gestion publique au regard des notions d’économie et d’efficience de la dépense publique qu’elle va appliquer aux activités de nature industrielle et commerciale, que celles-ci soient gérées au niveau local directement ou au travers de concessions de service public, ou au niveau de l’État via les budgets annexes, ou sous forme de régie, ou au travers des offices. Elle va, en particulier, s’intéresser à la détermination complète des coûts de revient, ainsi que l’illustrent les exemples suivants issus de ses rapports de l’entre-deux-guerres.
A. Prix de revient et services publics locaux
55La première guerre a conduit les communes à mettre en place des services de ravitaillement et la Cour consacrera plusieurs insertions à la gestion de ces services. Elle se plaint, en particulier, des difficultés qu’elle rencontre pour contrôler leurs opérations.
« Les éléments du contrôle de la Cour pèchent toujours par quelque côté : les délibérations sont incomplètes, les procédés de gestion mal connus, les décomptes incomplets, les rapprochements entre les existants et les doit-rester impossibles. [Or,] ce sont les contribuables qui payent en fin de compte : si les marchandises et les denrées sont livrées trop bon marché aux détaillants, on peut craindre que le consommateur ne ressente pas tous les effets de cette diminution de prix, mais on est sûr que, comme contribuable, il comblera l’insuffisance des recettes communales ».
56Et la Cour de donner l’exemple de Nîmes, où il est possible que l’on ait « payé la viande à un taux inférieur au prix de revient, mais [où] il est certain que les contribuables ont pourvu la différence ou y pourvoiront un jour87 ». Ces interrogations visant à identifier les coûts complets seront étendues par la Cour des comptes à la tarification de l’électricité. Ayant déjà abordé ces questions dans le cadre de son rapport annuel de 1928, elle revient sur ce point dans son rapport de 1935 pour demander que soient revus les principes qui s’appliquent aux concessions de distribution d’électricité et la manière dont les clauses contractuelles déterminent le prix de base du kilowattheure. Il convient pour cela de pouvoir déterminer les résultats réels de l’entreprise et de ne pas se limiter à la prise en compte des recettes d’exploitation. De ces éléments dépend, en effet, l’appréciation qui peut être portée sur le prix de revient réel et sur l’efficacité du contrôle exercé par les collectivités locales sur les tarifications88.
B. Prix de revient et services industriels de l’État
57Lorsque les activités industrielles et commerciales de l’État n’ont pas été exercées par l’intermédiaire d’établissements autonomes, elles ont souvent pris la forme de budgets annexes ou de régies. Il en est ainsi respectivement du service des Poudres ou de celui de mise en culture des terres du ministère de l’Agriculture. C’est, du reste, dans le cadre de l’examen de la gestion de ces services que vont apparaître dans les rapports annuels de la Cour des comptes les premières monographies.
1. Les budgets annexes : l’exemple du service des Poudres
58Dans un certain nombre de cas, les activités industrielles de l’État ont parfois été érigées en budget annexe. On présente alors la formule comme conférant une relative autonomie aux services industriels de l’État, l’enjeu étant, notamment, de mettre en relation le coût du service et ses recettes, de permettre le recours à l’emprunt et la création de fonds d’amortissement et de réserve. Il s’agit, d’une manière générale, de donner à ces services les moyens de leur développement en distinguant dépenses d’exploitation et dépenses de premier établissement, et de dégager les résultats de leur exploitation89.
59Le service des Poudres est, par exemple, constitué en budget annexe par la loi du 13 juillet 1911, lequel est conçu de telle façon que, pour un exercice donné, le montant des cessions soit équivalent au montant des dépenses de fabrication. L’arrêté interministériel du 26 août 1911 portant règlement sur la comptabilité du service des Poudres prévoit que les prix de cession aux services consommateurs doivent, en principe, être calculés sur la base du prix de revient comptable.
60La Cour va constater que, derrière cette apparence, se dissimulent en réalité des subventions du budget général, puisque tous les coûts ne sont pas inclus dans la détermination du prix de revient. Elle relève ainsi qu’on ne tient pas compte des charges représentées par les immeubles et les autres dépenses d’établissement, d’où la faiblesse artificielle du prix de revient. La Cour considère que la détermination d’un prix de revient raisonnable doit se faire par une « méthode rationnelle de comptabilité, où entreraient en ligne de compte les éléments ordinaires des prix de revient industriels90 ». La sauvegarde des intérêts du Trésor consiste donc « à éliminer aussi complètement que possible de la comptabilité de ce service les différentes causes d’altération des prix de revient qui l’affectent91 ».
2. Les activités exercées en régie : l’exemple du Service de mise en culture des terres
61En examinant le compte présenté par le comptable et les renseignements obtenus par un rapport d’inspection, la Cour consacre plus de seize pages de son rapport de 1922 à la gestion du Service de mise en culture des terres créé en 1917. La Cour dénonce tout d’abord les frais d’exploitation et les dépenses de main-d’œuvre.« La surabondance du personnel, que l’examen des pièces du compte ne permet pas de découvrir, a été constatée sur place par les corps de contrôle ». Le rapport d’inspection considère que « d’importantes économies paraissent pouvoir être réalisées ». Dans certains cas, les effectifs dépassent, en effet, « le double de l’effectif qui serait nécessaire92 ». La Cour s’intéresse ensuite à l’achat des machines et aux commissions vertigineuses perçues par des intermédiaires pour de « prétendus services » ; et ce d’autant plus qu’un haut fonctionnaire avait averti le service que, compte tenu du prix réel des fournitures, la commission avoisinait les 65 %. On s’étonne, dit naïvement, la Cour « qu’après une semblable constatation le marché n’ait pas été résilié93 ». Elle examine ensuite l’achat des pièces de rechange et observe l’exagération des dépenses même si « les dépenses les plus excessives sont celles des carburants et lubrifiants ». Ici comme ailleurs, le mal a pour la Cour les mêmes causes « le défaut de contrôle, l’absence de comptabilité matière sérieusement suivie94 ».
« Contrairement aux principes essentiels qui doivent dominer la gestion de toute entreprise commerciale ou industrielle sérieusement organisée, la régie d’État de la motoculture ne procède à aucun amortissement […] Il est clair qu’aucun industriel avisé ne procéderait de cette manière95 ».
62La Cour reviendra quelques années plus tard sur les conditions de fonctionnement de ce service pour critiquer sa « gestion économique » et insister sur le fait que « la régie de la motoculture a toujours été dirigée avec un défaut absolu d’esprit commercial », puisque « le prix des travaux n’a jamais correspondu aux dépenses exposées96 ». La Cour appréciera, du reste, non seulement la gestion, mais également les résultats de l’action publique. L’État, pour maintenir une production agricole suffisante, a tenté d’introduire le machinisme et l’utilisation de tracteurs. Or, les carences, dont la détermination du prix de revient des services, sont telles que l’administration doit reconnaître que « les propriétaires de tracteurs avaient préféré faire exécuter leurs travaux par le service de la motoculture que de les faire avec leurs propres appareils97 ». Il est donc « permis de douter que les sacrifices imposés aux contribuables aient toujours été utiles, puisque, l’administration l’a reconnu elle-même, l’insuffisance des prix demandés à l’agriculture par la régie d’État a paralysé le développement de l’initiative privée ». La Cour se livre là à une critique en règle de la manière dont l’État a tenté de soutenir la production agricole et ce sont, en réalité, les résultats de la politique mise en œuvre qui sont très directement appréciés par la Cour. Celle-ci saisit, du reste, l’occasion de rappeler que « nul fait ne montre mieux que celui-ci qu’il ne suffit pas d’ouvrir un compte spécial ou de créer un office pour donner l’État des aptitudes commerciales98 ». Car « ces services, mieux et plus pratiquement organisés, auraient pu être moins coûteux pour le Trésor et, sans doute, beaucoup plus profitables pour le perfectionnement des méthodes agricoles dans notre pays99 ». Cet exemple reste cependant relativement isolé sur la période étudiée. Dans ses observations sur les dépenses de personnel ou de travaux, par exemple, la Cour des comptes s’attachera à l’économie de la dépense et dénoncera, le cas échéant, les gaspillages et les dépenses exagérées. Elle s’intéressera également à l’efficience de la dépense : atteindre les mêmes résultats en gérant mieux. Mais elle ne s’aventurera guère à une appréciation portant sur l’efficacité d’un dispositif ou d’une politique publique. Dans son rapport sur les exercices 1937-1938, la Cour consacrera ainsi de longs développements à l’utilisation des crédits des grands travaux et des financements importants découlant des lois du 7 juillet 1934 et du 18 août 1936. La politique de grands travaux conduite dans les années 1930 génère, en effet, d’importants programmes de travaux immobiliers ; l’on veut à la fois améliorer l’équipement du pays et lutter contre le chômage. Si la Cour n’a pas, à cette époque, estimé devoir apprécier les conséquences économiques de ces dépenses, en particulier au regard de l’objectif de lutte contre le chômage, elle a, en revanche, porté son attention, au travers des rapports établis sur l’emploi de ces crédits par les Comités de contrôle financier des divers départements ministériels, sur les « méthodes administratives et financières qui ont présidé à leur répartition et à l’utilisation de ces importants crédits100 ».
Conclusion
63Il apparaît, au terme de ce rapide survol de la période de l’entre-deux-guerres, que se trouve alors posée de manière évidente l’existence de liens indissociables entre examen de la gestion, réorganisation des administrations, perfectionnement des méthodes administratives et évolution du cadre comptable, et que s’amorce ainsi un ensemble de réflexions qui permettront non seulement la poursuite de l’effort de rationalisation administrative, mais aussi des évolutions ultérieures parfois profondes du cadre de gestion. Mais ces constats posent également des questions de fond entre qualité de la gestion et responsabilité, et entre efficacité de la dépense et fixation de priorités. Des constats récurrents qu’elle établit en examinant la gestion des collectivités locales, la Cour en arrive, en particulier, à une critique portant sur leur mode de financement. La propension de l’État de subventionner les investissements locaux est en cause. Les « subventions exagérées ont ainsi la double conséquence particulièrement fâcheuse d’imposer à l’État des dépenses qui pourraient être évitées et d’inciter les communes à faire elles-mêmes des sacrifices sans réelle utilité101 ». Tout comme l’est le mode déresponsabilisant de financement par l’impôt du secteur public local. Critiquant l’attribution aux communes d’une partie des contributions indirectes et de l’impôt sur le chiffre d’affaires, la Cour considère que, par la mise à disposition de ressources que les communes « n’ont pas à demander aux taxes communales, ces lois ont favorisé le gaspillage et méconnu le principe essentiel d’une bonne gestion des deniers publics : la responsabilité des assemblées locales devant le contribuable102 ».
64Les observations de la Cour des comptes sur cette période illustrent également les enjeux que présentent les systèmes d’information dans la décision de dépense et la coordination des acteurs, tout comme l’importance d’une approche prospective au regard des besoins à venir. C’est ainsi de l’examen des errements qu’elle a pu observer dans les dépenses d’investissement que la Cour tirera la nécessité d’une planification nationale.
« L’absence de plans sérieusement étudiés, dans le cadre desquels seraient classés, selon l’intérêt qu’ils présentent et l’urgence qui s’attache à leur réalisation, tous les projets de travaux faisant l’objet de demandes de subvention, a entraîné dans le passé […] les plus nuisibles conséquences. Il paraît indispensable de procéder enfin à une sélection. [Mais] l’élaboration de pareils plans à l’échelon national suppose que les administrations centrales auront à leur disposition une documentation précise et soigneusement tenue à jour. L’établissement de la carte sanitaire et de la carte scolaire constituerait, à cet égard, un progrès important […] Au moment où de nouveaux programmes de grands travaux sont à l’ordre du jour, la Cour a cru nécessaire d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les errements et les vices de méthode dont la prolongation risque de compromettre l’efficacité de l’effort qui est ainsi demandé à la nation103 ».
65Il en va de même du pilotage des services déconcentrés.
« Pour obtenir l’équilibre désirable, les départements ministériels devraient être très exactement informés de la totalité des besoins auxquels ils ont à pourvoir, mais ce renseignement fait défaut parce qu’il n’existe pas une coordination suffisante entre les services locaux et les services centraux et que ceux-ci ne disposent pas de la documentation et des statistiques qui seraient indispensables à leur action104 ».
66Partant de l’examen des comptabilités, la question de l’insuffisance de la documentation statistique officielle deviendra récurrente, la Cour y voyant le levain indispensable à l’amélioration de la gestion publique. Cette question lui paraît particulièrement importante dans le domaine des marchés publics pour lesquels « les administrations doivent se mettre d’accord avec l’entrepreneur ou le fournisseur sur le cours exact des matières premières au moment de la signature du contrat. La détermination des bases qu’il faut adopter suppose une documentation statistique complète, pratiquement utilisable et d’une indiscutable objectivité. Or, une semblable documentation n’existe que très imparfaitement, à l’heure actuelle en France, [de sorte que] les administrations […] se voient souvent obligées de recourir aux index établis par diverses publications dues à l’initiative privée. [Or la Cour] estime qu’il n’est pas sans danger de laisser à des groupements privés le soin d’enregistrer des cours qui seront ensuite admis sans discussion105 ».
67Au-delà de ce point précis, la Cour demande, à la veille de la seconde guerre mondiale, que l’on procède à une réorganisation des services officiels de statistique qui apparaissent insuffisamment coordonnés. Cette réforme est une nécessité « à l’heure où se multiplient les interventions de l’État dans le domaine économique et où les mouvements de prix, par le jeu des formules de révision, ont une répercussion parfois considérable sur les finances publiques ».
« La recherche et la publication des renseignements statistiques se trouvent, en effet, dispersées entre de nombreux ministères, voire même, comme c’est le cas pour le ministère des Finances, entre plusieurs directions d’un seul département ministériel. Cet éparpillement auquel l’existence de Conseil supérieur de statistique, conçu comme un organe de centralisation et de coordination, n’apporte qu’un remède insuffisant, nuit aussi bien à l’établissement complet et à la présentation rationnelle des documents qu’à leur prompte utilisation. L’absence d’une vue d’ensemble, rend, par ailleurs, à peu près inévitables les lacunes et les doubles emplois106 ».
Notes de bas de page
1 L’expression est de Roger Léonard, premier président de la Cour des comptes, « La Cour des comptes et le contrôle des finances publiques », RPP, n° 737, septembre 1963, p. 3.
2 Le contrôle des trois « E » porte sur l’économie et consiste à s’assurer que les coûts soient minimisés, l’efficience porte sur le rendement et vérifie que l’option correspondant au rendement maximum a été choisie, l’efficacité compare les moyens engagés et les résultats obtenus.
3 Pour une analyse d’ensemble, Stéphane Rials, Administration et organisation (1910-1930), de l’organisation de la bataille à la bataille de l’organisation dans l’administration française, Bibliothèque Beauchesne, 1977, p. 93-180, la doctrine administrative.
4 A. P. de Mirimonde et H. Devillez, « Le rapport public de la Cour des comptes et les réformes financières actuelles », RSLF, 1935, p. 419.
5 Ibid., p. 419-420.
6 Pierrette Rongère, La Cour des comptes, thèse de la Fondation nationale des sciences politiques sous la direction de M. Bernard Gournay, 1963, dactylographiée, p. 216.
7 Rapport public sur les années 1937-1938, JO, 15 déc. 1938, p. 1.
8 Rapport public..., op. cit.
9 Ibid., p. 4.
10 Il existe quelques tentatives antérieures. Dans son rapport publié en 1912, et après avoir année après année relevé les mêmes faits, la Cour considère qu’il convient de reprendre « la question de principe en l’envisageant dans toute sa généralité […] et à la signaler d’une manière spéciale à l’attention des pouvoirs publics ». La conclusion de son rapport, consacrée sur plusieurs pages à ces questions, se veut générale. La Cour précise que « la méconnaissance des prescriptions légales présente au point de vue de la gestion des services publics les dangers les plus sérieux », en raison de l’importance de ces dépenses dans les budgets publics ; la Cour insiste en particulier sur le fait que les règles qui s’y appliquent ont bien pour objet de « créer des garanties spéciales en faveur des services publics », Rapport sur les comptes de 1910 remis au président de la République le 15 juillet 1912 p. 79. Pour synthèse de ce rapport, RSLF 1912 p. 681-694.
11 Rapport 1934, p. 13-14.
12 M. Thomazeau, inspecteur des finances, « La mécanographie au ministère des Finances », L’État moderne, p. 37-42.
13 M. Thomazeau, « La mécanographie... », op. cit., p. 40.
14 René Carmille, La mécanographie dans les administrations, Sirey, Paris, 1942, p. 76.
15 Rapport public 1938, p. 1.
16 « Fondements économiques et sociaux des principes budgétaires », RSLF 1949, p. 406-445.
17 Op. cit., p. 407.
18 On ne peut comparer sans autre précision les rapports publics avant et après la réforme de 1956 qui va détacher l’exécution budgétaire pour la renvoyer dans un rapport spécifique, « le rapport public s’attachant plus spécialement à l’aspect administratif et financier de la gestion des services publics », Christine Berthon-Goffin, Réforme administrative et Cour des comptes, thèse dactylographiée, Paris II, 1976, p. 43.
19 Rapport sur les comptabilités vérifiées en 1921-1922, Paris, 1923, p. 34.
20 M. Tardieu, À quoi sert la Cour des comptes ?, Hachette, 1967, p. 121.
21 Ibid.
22 Rapport public 1927, p. 61.
23 Op. cit., p. 92-93.
24 Rapport public 1938 (JO, 15 décembre 1938), p. 37.
25 Rapport public 1938, op. cit., p. 34.
26 Rapport public 1922, p. 106.
27 Rapport public 1938 (JO, 15 décembre 1938), p. 37.
28 Op. cit., p. 1.
29 Op. cit., p. 5.
30 Op. cit., p. 1.
31 Répondant aux préoccupations de la Cour des comptes qui dénonce régulièrement les dépenses de personnel des collectivités locales et l’existence de dépenses exagérées ou abusives, un décret-loi du 20 juillet 1935 va créer un Comité supérieur de l’administration départementale et communale qui a pour mission de rechercher les dépenses excessives.
32 Rapport 1925, p. 118.
33 Rapport 1923, p. 136.
34 Rapport sur les comptabilités vérifiées en 1936 et 1937, Imprimerie nationale 1938, p. 163.
35 Ibid.
36 Ibid., p. 164.
37 Rapport 1933, p. 38.
38 Rapport public sur les années 1940 à 1945, p. 6.
39 Ibid.
40 Ces critiques récurrentes sont également celles que l’on va assez régulièrement retrouver dans les rapports postérieurs à la seconde guerre mondiale. Le rapport public de 1948 sera à ce sujet cinglant « les départements, lorsqu’ils entreprennent de grands travaux de construction, ne sont pas toujours animés d’un souci suffisant d’économie ; leurs initiatives aboutissent en effet trop souvent à des résultats décevants, sinon désastreux », rapport public 1948, JO, 28 décembre 1948, p. 150.
41 J. B. Veraguth, conseiller maître à la Cour des comptes, « Organisation du contrôle des finances départementales et communales », L’État moderne, 1939, p. 218.
42 Op. cit., p. 137.
43 Op. cit., p. 138.
44 Rapport public 1925, p. 99 à 101.
45 Op. cit., p. 101.
46 Rapport public 1927, p. 100.
47 Ibid.
48 Op. cit., p. 219.
49 Ces critiques seront réitérées lorsque ces dépenses s’effectueront au travers de syndicats intercommunaux, comme en témoignent ses rapports des années 1953, 1954 ou 1958. La Cour reprochera à certains syndicats intercommunaux d’entreprendre « des travaux d’une ampleur dispendieuse sans se soucier ni des facultés contributives des usagers, ni de l’importance réelle des plus-values que procurent les sommes investies », rapport public 1958, p. 43.
50 Rapport public 1931, p. 138.
51 Op. cit., p. 145.
52 Rapport public 1923, p. 136.
53 Dans son rapport de 1910, la Cour écrivait, par exemple, que si ses observations rejoignent largement celles de l’Inspection générale du ministère de l’Intérieur, elles font également « apparaître la mauvaise volonté des préfets pour l’application des lois toutes les fois qu’une question politique est en jeu », « Observations de la Cour des comptes sur les comptes de 1910 », RSLF 1912, p. 690.
54 Rapport public 1923, p. 136.
55 Dans ce rapport, ses observations sur les services de l’État sont ainsi regroupées en trois sections : le budget général, les comptes spéciaux et les offices et établissements divers de l’État.
56 Exemples : « les frais d’installation, correspondant à l’acquisition ou à la location d’immeubles, atteignent souvent un prix élevé, auquel s’ajoutent des charges d’entretien plus ou moins considérables », Rapport de 1925, p. 80-81. « Parmi les dépenses de matériel qui auraient pu être évitées ou réduites si le service avait été géré par l’État, on doit signaler l’acquisition coûteuse de l’immeuble affecté à l’Office national du commerce extérieur ». Cet immeuble, acheté par une société en 1919 pour 1 300 000 francs, « a été revendu à l’office un an après pour 2 500 000 francs ». À cette somme, il convient « d’ajouter les dépenses d’aménagement et de mobilier qui ont encore absorbé près d’un million », Rapport annuel 1927, p. 78.
57 Op. cit., p. 80.
58 Rapport public 1925, p. 80-81.
59 Op. cit., p. 79.
60 Le Parlement se montre très sensible à ces questions comme en témoigne, par exemple, l’intervention d’A. Tardieu à la Chambre le 8 novembre 1927 : « Personne dans l’état actuel ne fabrique de l’azote aussi cher que l’État français ». Voir S. Rials, Administration et organisation (1910-1930)..., op. cit., p. 217.
61 Op. cit., p. 32.
62 Op. cit., p. 82.
63 Rapport au président de la République et observations de la Cour des comptes sur les comptabilités vérifiées en 1930-1931, Paris, 1933, p. 115.
64 Op. cit., p. 116.
65 Op. cit., p. 118.
66 Op. cit., p. 87.
67 Rapport public 1931, p. 88.
68 Rapport public 1927, p. 80.
69 Rapport public 1933, p. 119.
70 Rapport public 1931 sur les comptabilités vérifiées en 1928-1929, p. 25.
71 Le Sénat adopte lors de sa séance du 14 février 1924 une résolution demandant au Gouvernement de faire établir les comptes de tous les ministères, de toutes les entreprises industrielles, de toutes les administrations dont il a la charge, suivant les règles de la comptabilité en partie double. Le sénateur Mauger demanda lors de ces débats à ce que l’on fournisse au Parlement l’ensemble des informations dont il avait besoin pour connaître la situation financière véritable de l’État et considérait que l’application de la comptabilité commerciale faciliterait le contrôle parlementaire, Débats, p. 92.
72 Voir, par exemple, Marcel Soquet, La réforme de la comptabilité publique, Paris, Dunod, 1934, et la thèse de M. Alfred Guerlet, Le bilan de l’État, Alger, 1916.
73 Les principes budgétaires classiques, annualité, unité et universalité, sont fortement critiqués au nom de l’efficacité de la gestion publique. On pense évidemment à Léon Say demandant en 1888 que l’on dresse enfin un bilan de l’État, la comptabilité ne permettant alors qu’un bilan du Trésor car « est-il possible de faire apparaître dans nos écritures cette situation exacte de l’actif et du passif, que tout commerçant doit étudier tous les soirs pour se rendre compte de l’état de ses affaires » ?, Sénat, séance du 26 mars 1888.
74 Pierre Baudin, Le budget et le déficit, p. 12.
75 Op. cit., p. 18.
76 Op. cit., p. 12.
77 Rapport public 1928, p. 21.
78 Op. cit., p. 142.
79 Voir sur ce point la contribution sur les offices dans ce volume.
80 Rapport public 1928, p. 142-143.
81 Rapport public 1928, p. 22.
82 Rapport public 1928, p. 21.
83 Op. cit., p. 22.
84 Op. cit., p. 22.
85 Op. cit., p. 142.
86 Op. cit., p. 143.
87 Rapport 1922, p. 77-78.
88 Voir A. P. de Mirimonde et H. Devillez, op. cit., p. 435.
89 Voir, par exemple, E. Allix, « La réorganisation financière des PTT », RPP 1923, p. 130-141, et Georges Bouctot, « La Grande usine des PTT, du budget annexe à l’autonomie budgétaire », RPP 1926, p. 170-186.
90 Rapport 1923, p. 68-69.
91 Op. cit., p. 69-70.
92 Rapport public 1922, p. 38-39.
93 Op. cit., p. 41.
94 Op. cit., p. 41-42.
95 Op. cit., p. 42.
96 Rapport public 1925, p. 55.
97 Rapport public 1922, p. 43.
98 Op. cit., p. 42.
99 Rapport public 1925, p. 55.
100 Op. cit., p. 5.
101 J. B. Veraguth, op. cit., p. 219 ; ces critiques ont déjà été formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 1922.
102 Rapport public 1923, p. 136.
103 Rapport public 1938, p. 6.
104 Op. cit., p. 4.
105 Rapport public 1938, p. 4.
106 Op. cit., p. 5.
Auteur
Stéphanie Flizot est maître de conférences en droit public, titulaire de l’habilitation à diriger les recherches. Ses travaux et publications portent sur les finances et la gestion publiques, appréciées sous un angle historique et de droit comparé, ainsi que sur la fiscalité. Sa thèse consacrée aux relations entre les institutions supérieures de finances publiques et les pouvoirs publics dans les pays de l’Union européenne a obtenu le prix de la Cour des comptes et est parue à la LGDJ. Elle a également publié récemment « Les règles constitutionnelles de limitation de l’endettement, l’exemple allemand », in Jus politicum n° 8, juillet 2012 ; « L’organisation de la Cour des comptes européenne, enjeux et défis », audition devant le Comité du contrôle budgétaire du Parlement européen, COCOBU, 30 mai 2012, Future Role of the European Court of Auditors : Challenges ahead and possible reform, http://www.europarl.europa.eu/document/activities/cont/201205/20120514ATT45035/20120514ATT45035FR.pdf ; « Les services locaux du ministère des Finances : enjeux et débats aux lendemains de la Première Guerre mondiale », Gestion et Finances publiques – La revue, numéro spécial Histoire des finances publiques, mars 2012 ; « L’évaluation des fraudes fiscales, panorama européen », Gestion et Finances publiques – La revue, numéro spécial Contrôle fiscal, décembre 2011 ; « La mise en place des Cours des comptes en Europe, XIVe-XIXe siècles », in A. Dubet et M.-L. Legay, La Comptabilité publique en Europe, 1500-1850, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 93-106 ; « Les tendances relatives à l’organisation et aux réformes du contrôle de l’État sur les collectivités locales en Europe », in A. Hastings-Marchadier, La performance et les contrôles financiers de l’État sur les collectivités locales, LGDJ, 2011, p. 319-333.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances, 1918-1946
Les hommes, le métier, les carrières
Nathalie Carré de Malberg
2011
Le choix de la CEE par la France
L’Europe économique en débat de Mendès France à de Gaulle (1955-1969)
Laurent Warlouzet
2011
L’historien, l’archiviste et le magnétophone
De la constitution de la source orale à son exploitation
Florence Descamps
2005
Les routes de l’argent
Réseaux et flux financiers de Paris à Hambourg (1789-1815)
Matthieu de Oliveira
2011
La France et l'Égypte de 1882 à 1914
Intérêts économiques et implications politiques
Samir Saul
1997
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (I)
Dictionnaire biographique 1790-1814
Guy Antonetti
2007
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II)
Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
2007
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
2012
Wilfrid Baumgartner
Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
Olivier Feiertag
2006