Table ronde : Vers de nouveaux horizons
p. 203-227
Note de l’éditeur
Modératrice : Sylviane Guillaumont Jeanneney
Texte intégral
1Sylvianne Guillaumont Jeanneney
Notre dernière session est consacrée aux nouveaux horizons de l’Europe en matière d’aide au développement. Deux évènements importants sont survenus au cours de l’année 2011 : le G20 développement et, comme cela a déjà été évoqué, le « Haut forum sur l’efficacité de l’aide » qui s’est tenu à Busan. Par rapport à ces évènements, il est intéressant de voir comment devrait se situer la politique européenne de développement ou de coopération. Dans la déclaration finale du Haut forum figurent deux conclusions qui me paraissent importantes. La première est que, pour accroître l’efficacité de l’aide, il est indispensable de revenir à un principe essentiel de la déclaration de Paris, le « principe de l’alignement » des bailleurs sur la stratégie de développement des États receveurs de manière à permettre l’appropriation par ceux-ci de leur politique, appropriation considérée comme une condition d’efficacité de celle-ci. Dans ce but, il convient de mettre en œuvre une conditionnalité fondée sur les résultats de la politique et non pas sur ses instruments. Cette proposition a depuis longtemps été promue par l’Europe, qui l’a expérimentée pour sa propre aide budgétaire et Bernard Petit, ici présent, a beaucoup contribué à cette promotion. Une deuxième conclusion importante de la déclaration finale de Busan est la reconnaissance que les pays émergents sont des donneurs ou des bailleurs d’aide tout en restant des pays en développement et que, par conséquent, lorsqu’ils contribuent à l’aide au développement, ils ne sont pas obligés d’accepter tous les principes des bailleurs occidentaux. Ils ne le feront que sur une base volontaire. Cela a été assez difficile pour les États-Unis de se résoudre à cette partie de la résolution, qui devra être prise en compte par la politique européenne.
2L’Europe a elle-même défini sa politique pour les années à venir dans deux communications de la Commission, qui datent de 2011, l’une générale et l’autre relative spécifiquement à l’aide budgétaire au développement. Trois idées importantes ressortent de ces documents. La première idée est que l’objectif premier de l’aide au développement de l’Europe dans les années à venir sera la réduction de la pauvreté et qu’à cet objectif se joint celui de la démocratisation des États aidés, en vue de préserver les droits humains et de favoriser la bonne gouvernance. La deuxième idée est qu’il va falloir multiplier les partenariats et notamment les partenariats avec les nouveaux pays émergents et avec la société civile. La troisième idée de ces documents est que l’Europe n’est pas seulement un donneur d’aide, qu’elle mène une multitude de politiques qui agissent par ailleurs sur le développement des pays aidés et qu’il est donc extrêmement important dans l’avenir de coordonner ces politiques avec la politique d’aide au développement.
3Compte tenu à la fois des conclusions du Forum de Busan et de celles des Communications de la Commission européenne, je propose aux intervenants de ce panel de tenter de répondre à trois types de questions, même s’ils ont évidemment la liberté d’en évoquer d’autres. La première question est comment concilier le souci de la démocratie et de bonne gouvernance avec l’objectif réaffirmé d’alignement et de respect de la souveraineté des pays aidés. Je pose cette question parce que l’Europe souhaite développer son aide budgétaire, qui devrait logiquement être soumise à une conditionnalité de résultats comme l’a exposé Bernard Petit dans la session précédente. Mais, en même temps, l’Europe affirme qu’il y aura des critères d’éligibilité à cette aide budgétaire et toute la politique économique des pays en fait partie, l’Europe devant s’assurer non seulement de la transparence budgétaire, ce qui paraît normal pour une aide budgétaire, mais aussi de la qualité de la politique macro-économique, de la politique sociale, de la politique industrielle, etc. Donc, à la limite, toutes les décisions de politique économique sont concernées. Il me semble qu’il y a un problème de cohérence avec le « principe d’alignement ».
4Ma deuxième question est comment l’aide européenne doit-elle se combiner avec les autres aides ? D’abord avec les aides bilatérales européennes. Bernard Petit nous a dit qu’il existe maintenant un consensus entre l’Europe et les États européens sur les objectifs de l’aide au développement. Ceci est important mais, dans la pratique, quand il s’agit des projets de développement à réaliser dans un pays donné, l’Europe agit-elle en complément des aides bilatérales ou au contraire cherche-t-elle à être le leader ? Que se passe-t-il dans la pratique sur le terrain ? Se pose également la question de la coopération avec les autres bailleurs multilatéraux, notamment avec la Banque mondiale. Dans les années 90, l’Europe avait chanté sa propre musique, critiquant vivement les politiques d’ajustement structurel imposées à l’Afrique, J’ai l’impression qu’à l’heure actuelle on assiste plutôt à un alignement de l’Europe sur la pensée de la Banque mondiale. Dans le contexte actuel de la crise financière qui affecte les pays développés et de son impact sur les pays en développement, l’Europe devrait-elle proposer des réponses originales ou s’aligner sur les propositions de la Banque mondiale ? D’autre part, l’intervention des pays émergents et notamment de la Chine devrait-elle amener l’Europe à modifier ses principes d’intervention ou à continuer son petit « bonhomme de chemin », tout en laissant la Chine intervenir de son côté ? Comment combiner l’aide européenne avec celle des nouveaux bailleurs de fonds ?
5Ma troisième question est la suivante : l’Europe dit rechercher la cohérence de ses politiques, sachant que la politique d’aide n’est qu’une partie des actions qui affectent les pays en développement. Le traité de Lisbonne va-t-il vraiment être mis en œuvre en vue d’une bonne cohérence ? L’observateur extérieur que je suis constate certaines contradictions. Par exemple, l’Europe est favorable à l’intégration régionale des pays du Sud, considérant qu’il est important de réaliser de grands marchés intérieurs, mais en même temps il lui est arrivé de signer une APE avec un pays appartenant à une union, je pense à la Côte d’Ivoire dans l’Union monétaire ouest africaine. De même la politique agricole commune déjà évoquée cet après-midi, n’est pas sans contradiction avec la politique d’aide au développement. Par exemple, à l’heure actuelle, le Mali et le Burkina Faso essaient, en collaboration avec d’autres pays sahéliens, d’obtenir à l’OMC des compensations en raison des subventions octroyées par les pays industrialisés à leurs producteurs de coton. Quelle est à cet égard la position de l’Europe ? Va-t-elle, au sein de l’OMC, soutenir les pays africains ?
6Je pense que les personnalités autour de cette table connaissent bien mieux que moi toutes ces questions et vont pouvoir apporter quelques réponses. Dans une réunion comme la nôtre il me paraît souhaitable que les personnalités originaires des pays du Sud s’expriment en premier, puisque ces pays sont au premier chef concernés par l’aide au développement. Dans beaucoup de réunions sur l’aide au développement, nous entendons essentiellement les bailleurs, ce qui est surprenant. Donc, aujourd’hui, je vais me permettre de donner la parole d’abord à M. Tertius Zongo, parce qu’il représente un PMA (Pays Moins Avancé) et nous savons que c’est pour les pays les moins avancés que l’aide est la plus importante. Même si l’aide publique au développement ne constitue que 13 % des financements internationaux du développement, comme l’a rappelé, au Forum de Busan, Hillary Clinton, pour les PMA l’aide au développement reste majoritaire. Je donnerai ensuite la parole à M. Omar Kabbaj. Étant conseiller du roi du Maroc, il représente un pays à revenu intermédiaire. Après son intervention, je donnerai la parole aux bailleurs de fonds et enfin les représentants de l’Europe pourront nous donner leurs points de vue sur les perspectives de la politique européenne.
7Tertius Zongo
Merci, je crois que la manière dont Mme Guillaumont introduit son panel coupe nos intentions de base, mais, ceci dit, je voudrais féliciter les organisateurs de cette rencontre parce que lorsque j’ai vu la liste des présentateurs, j’ai été réjoui de constater qu’il s’agit d’une association de chercheurs, c’est-à-dire des universitaires et des praticiens. Ce n’est pas très habituel. Souvent, dans nos approches, nous percevons les universitaires comme enfermés dans leur laboratoire, ne pensant pas que ceux qui sont dehors peuvent apporter beaucoup, et ceux qui sont dehors pensent que les universitaires rêvent. J’apprécie aussi la démarche proposée par les organisateurs qui nous a permis de faire d’abord de l’histoire. C’est pourquoi, dans mon exposé, je vais dire deux ou trois mots sur l’histoire de l’aide pour mieux comprendre quelles sont les perspectives et répondre aux questions qui ont été posées.
8Vous savez, aujourd’hui, nous parlons de l’efficacité de l’aide ; mais ce n’est pas un sujet nouveau. Pourquoi donc parlons-nous de l’efficacité de l’aide ? Le fond de la question peut être résumé comme suit : quelle est la finalité de l’aide ? Quelle est la justification de l’aide ? Et dans le premier panel de ce matin, la question a été évoquée, comment évaluons-nous son efficacité, en quoi est-elle efficace ? De façon résumée, si vous regardez dans le temps, il y a eu trois grands courants de pensées quant à l’aide. D’abord, au début, la justification de la finalité était beaucoup plus fondée sur la solidarité. Il s’agissait de mettre en avant l’aspect moral des choses, l’impératif éthique de solidarité qui justifie que les peuples des nations riches devaient aider ceux des pays en développement.
9Après cela, on s’est concentré beaucoup plus sur des motivations politiques fondées sur les relations historiques entre les anciennes métropoles et les territoires nouvellement indépendants, la guerre froide et la lutte entre les deux blocs idéologiques. Comment maintenir chacun des pays en développement attaché à un bloc ? C’était cela la finalité.
10Par la suite, d’autres justifications ont vu le jour. Il s’agit des justifications économiques et financières de l’aide, mais aussi de celles dont on ne parle pas trop, à savoir, des motivations fondées sur la potentielle contribution de l’aide à la stabilité, à la sécurité et à la paix.
11Qu’est-ce que les nations développées se disent ? Si nous aidons ceux qui sont dans des conditions difficiles, le recul de la pauvreté dans le monde ouvrira de nouveaux marchés dont profiteraient nos entreprises en retour. C’est une motivation d’ordre économique et financier. Deuxièmement, si nous les laissons dans cet état de pauvreté, la corrélation n’est pas évidente, mais la pauvreté et la misère créent le terrorisme et l’insécurité. Et un des discours de l’ancien président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, y fait allusion. Il disait en substance : le monde consacre actuellement 900 milliards de dollars aux dépenses militaires et 60 milliards seulement à l’aide au développement, et si ces chiffres étaient inversés, nous aurions probablement beaucoup moins de pauvreté, d’insécurité et de terrorisme. C’est vrai que le terrorisme a parfois des causes idéologiques et politiques complexes, mais la pauvreté de masse favorise un climat d’insécurité sociale et économique, et de colère, dans lequel des idées véhiculées par les terroristes se répandent facilement. Il y a donc, dans les objectifs de l’aide, des motivations sous-jacentes de recherche de stabilité, de paix et de sécurité.
12L’aide a aussi des formes. En fonction des justifications, de la finalité, l’aide a connu plusieurs formes dans sa livraison. Nous avons vu l’aide humanitaire au début qui était basée prioritairement sur le principe de solidarité, jusqu’aux formes actuelles.
13Après que certains panélistes ont évoqué l’aide aux projets, nous avons noté une évolution vers l’aide programme et, Mme Guillaumont l’a dit, nous avons évolué qualitativement vers l’aide budgétaire sectorielle et globale. Mais aujourd’hui, comment apprécier l’efficacité de l’aide ? En réalité, lorsque nous regardons les pays développés, je ne veux pas dire qu’ils s’installent dans une sorte de lassitude, mais il y a une sorte d’impatience devant les résultats. Lorsque nous voyons dans le passé, comment le plan Marshall a fonctionné, comment il a permis de sortir l’Europe de ses difficultés, les mêmes bailleurs de fonds aujourd’hui, lorsqu’ils donnent l’argent aux pays en voie de développement, se demandent pourquoi nous donnons de l’argent à ces pays qui sont incapables de s’en sortir. Donc, la question essentielle aujourd’hui est une question de temps : que faut-il comme temps pour produire des résultats, et que voulons-nous comme résultats ?
14Sur cette base, nous pouvons très rapidement discuter de l’efficacité de l’aide. Il me semble que les pays donateurs se disent que pour rendre concrètes les notions de temps et de résultats, il faut que nous mettions des conditionnalités : je vous donne de l’aide, mais vous devez faire ceci et cela. Le problème de la conditionnalité renvoie à quelque chose qui semble être de l’ordre de l’évidence. Si vous remplissez cette conditionnalité, votre position changera. Or, dans les faits, ce n’est pas toujours évident. La conditionnalité peut être remplie mais la position ne change pas, parce que, comme je l’ai dit, la condition première est d’abord la volonté du pays à vouloir s’en sortir. Comment les responsables s’organisent-ils pour sortir de leur situation ? Il ne s’agit pas de venir leur dicter ce qu’ils doivent faire pour sortir de leur situation, mais de les accompagner. Toutefois, il faut remarquer que les approches ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord, et je crois que c’est un pas important, pour dire que nous devons quitter un peu ces considérations pour nous focaliser davantage sur des approches orientées résultats, des résultats qui se traduisent par un impact positif sur les conditions de vie des populations.
15C’est sur ce point que je vais peut-être m’attarder. Aussi, je crois que les leçons récentes doivent nous interpeller, parce qu’il y a comme un regain d’attention sur la question de l’aide. Regardez les différentes conférences qui se sont tenues, conférence sur les objectifs du Millénaire pour le développement à Deauville, la conférence de Monterrey sur le financement, celles de Paris, de Busan, de Corée du Sud sur l’efficacité de l’aide, de Marrakech sur l’harmonisation, etc.
16Le premier point de constat, c’est de saluer ces multiples cadres de rencontres qui permettent de réunir les acteurs pour s’enrichir mutuellement. Le deuxième constat, c’est de noter au cours de ces rencontres une forte volonté de garantir une efficacité de l’aide. Maintenant, comment mesurons-nous l’efficacité ? C’est une autre question. Nous allons sans doute l’aborder dans les discussions.
17Le troisième point de constat, qui me paraît aussi important lorsque nous parlons de l’aide, ce sont les acteurs. Si vous regardez dans le temps passé, c’était qui ? Le Gouvernement et les bailleurs de fonds. De plus en plus aujourd’hui, dans les discussions sur l’aide, vous avez les gouvernements, les donateurs, la société civile, le secteur privé et les parlements. Les acteurs sont diversifiés, ce qui est un point de force. Du côté des bailleurs de fonds, Mme Guillaumont l’a souligné, vous avez certains pays émergents, et l’expérience de Busan le prouve, comme la Chine et l’Inde qui n’étaient pas parties prenantes de ces grands forums et qui sont venus et ont imposé un certain nombre de conditions pour être partie prenante des conclusions de cette rencontre sur l’efficacité de l’aide. Donc, nous avons, même au niveau des partenaires techniques et financiers, de nouveaux acteurs. L’autre élément au niveau des partenaires est que des pays qui, autrefois, n’étaient que des pays bénéficiaires d’aide sont, aujourd’hui, des pays donateurs, donc ils connaissent les deux faces de la pièce. L’autre fait important, est l’introduction des stratégies globalisantes dans la recherche de l’efficacité de l’aide. Elles consistent à se dire : « Renforçons les capacités et appuyons les politiques nationales de développement », c’est-à-dire : comment appuyer les pays eux-mêmes pour qu’ils puissent être les acteurs de leur développement ?
18Ces interrogations sur les perspectives nous amènent à considérer l’environnement dans lequel évoluent ces économies. Comment le prenons-nous en compte ? Et l’environnement immédiat, c’est quoi ? C’est la crise économique, la crise de la dette. Dans cette situation, c’est quoi la perspective en matière de coopération ? L’environnement immédiat, ce sont, sur le plan politique, les événements en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Comment les intégrons-nous comme éléments essentiels lorsque nous voulons parler des perspectives d’aide ? Les éléments récents, ce sont les changements climatiques, qu’est-ce que nous en faisons ? En Afrique, les éléments récents, ce sont aussi les questions de démographie que nous ne pouvons pas du tout occulter. Que faisons-nous ? Ce sont des populations très jeunes, c’est quoi les stratégies de la coopération au développement face au chômage des jeunes ?
19Je voudrais mentionner quelques réflexions de la Commission de l’Union européenne sur la finalité de l’aide et qui nous rappellent que l’aide, c’est aider à rendre l’environnement économique plus favorable à l’activité économique, c’est-à-dire : l’aide n’est qu’un stimulant, l’aide n’est pas un élément magique qui décrète le développement. Ce qui importe, c’est que les pays eux-mêmes comprennent que l’essentiel, c’est qu’il leur revient de concilier les préoccupations de court, moyen et long termes, à travers une vision partagée dans une démarche participative qui inclut les populations à la base pour élaborer une véritable stratégie nationale de développement.
20Maintenant, en accompagnement de cette vision de développement, il y a la nécessité d’aller vers des nouveaux partenariats pour combler les immenses besoins. Toutefois, le premier point de cet accompagnement me semble être le respect des engagements pris. Mme Guillaumont l’a dit, lorsque nous regardons les problèmes d’harmonisation, d’alignement, qu’en est-il ? Nous avons fait le point à Busan. Sur treize indicateurs définis, un seul est respecté.
21Et lorsque nous faisons le point sur les causes de la non-mise en œuvre des engagements pris, ce n’est pas le fait des pays en développement. Si nous considérons l’engagement de s’aligner sur les systèmes nationaux, on entend les bailleurs de fonds dire qu’ils veulent s’aligner mais lorsque nous regardons les faits, personne ne veut s’aligner. Là-dessus, je dois reconnaître que l’Union européenne a fait des efforts considérables.
22Quand nous disons : « Faites en sorte qu’il y ait une division du travail, que chacun fasse ce qu’il sait faire le mieux », nous nous rendons compte que chacun veut faire ce qu’il souhaite faire, pas ce qu’il peut faire avec les autres pour produire des résultats. Donc, d’abord, respectons les engagements.
23Le deuxième point est que nous nous rendons compte qu’il faut chercher d’autres sources de financement et je crois qu’à ce niveau la France est en train de pousser avec la taxe sur les billets d’avion et bien d’autres nouveaux instruments de financement qu’il faut mettre en place parce que l’aide au développement classique aujourd’hui est insuffisante.
24Le troisième point, c’est le renforcement des capacités humaines et institutionnelles. Il faudrait que nous acceptions aussi d’encourager la coopération Sud-Sud. Qu’est-ce que c’est ? Aujourd’hui, nous avons les sommets Chine-Afrique et Inde-Afrique, que nous devons voir comme un cadre qui peut être porteur de changement et de développement au lieu de les combattre. Nous avons d’autres sommets qui permettent à la coopération Sud-Sud de trouver ses voies de développement et il faut les encourager. Nous devons aller vers plus de mobilisation de la société civile et plus de mobilisation du secteur privé. À ce titre, j’ai apprécié la communication qui a été faite par M. Olivier Cattaneo qui nous rappelle qu’il faut plus de secteur privé pour pouvoir impulser le développement.
25Aujourd’hui, lorsque vous discutez avec les partenaires, ils vous parlent à juste titre de redevabilité. Mais nos gouvernements doivent être redevables envers qui ? Sommes-nous redevables devant les bailleurs de fonds ? Non, nous devons être redevables devant nos populations, devant nos parlements, mais nous devons respecter nos engagements vis-à-vis des partenaires. Cela veut dire qu’il faut arriver à développer la capacité, au niveau local, pour que les populations puissent participer à la définition des politiques, à leur exécution et à leur contrôle. À ce niveau, je voudrais encourager l’Agence Française de Développement à continuer d’intervenir dans le financement de la décentralisation et le renforcement des pouvoirs locaux. C’est un axe de bonne gouvernance qui permettra à chacun de jouer son rôle.
26Un autre point que les bailleurs de fonds aiment évoquer, à juste titre, est de s’assurer que les fonds qu’ils ont apportés ont été bien dépensés. Or, nous l’avons dit, l’aide publique au développement ne peut pas, à elle seule, porter le développement d’un pays, nous avons besoin d’une efficacité de la dépense publique dans sa globalité. Il faut arriver à faire en sorte que l’aide ne soit pas simplement un transfert d’argent mais que l’aide soit un transfert qui s’intègre dans un programme plus global incluant le renforcement des capacités, géré par le pays lui-même à la satisfaction de toutes les parties. Il ne faut pas non plus mettre l’accent uniquement sur les dépenses mais aussi sur les recettes. L’amélioration de la mobilisation des recettes est la meilleure voie pour plus d’indépendance et plus de responsabilité. Il ne peut y avoir de politique d’aide au développement efficace qui permette de sortir nos pays de leurs situations de pauvreté et de la dépendance qui ne soit accompagnée d’une politique commerciale.
27Vous voyez, lorsque nous parlons de l’aide au développement, le plus souvent, on ne voit que le transfert d’argent pour réaliser des projets, mais la Commission de l’Union européenne nous rappelle que l’aide a pour vocation d’améliorer l’environnement économique afin de rendre plus favorable l’activité économique. Mais si l’activité économique devient plus favorable, vous produisez plus. Il faut par conséquent assurer un accès aux marchés. Cependant, allez à Genève voir ce qui se passe lors des négociations commerciales.
28Tous les pays qui étaient dans les mêmes situations que les pays africains, il y a 50 ans, tels la Corée du Sud, la Chine, et qui maintenant se sont développés, ont su allier aide au développement et politique commerciale. Nous ne pouvons parler de développement que si l’aide au développement permet d’accroître les capacités d’offre des pays et que la question d’accès aux marchés est traitée avec plus d’équité.
29Nous devons naturellement établir un certain nombre de priorités. J’en vois quelques-unes. C’est l’autosuffisance alimentaire. La sécurité alimentaire doit être un des axes forts dans les prochaines années. Ce sont les questions d’éducation, de santé. Pour les politiques en matière d’éducation, je ne les vois pas telles que nous les appliquons, mais j’aspire à une éducation qui amène à un changement de mentalité, un changement de comportement, parce qu’aujourd’hui, lorsque nous voyons nos jeunes qui sortent de l’école, dans notre univers francophone en particulier, vous avez le sentiment que l’école leur inculque plus un esprit institutionnel qu’un esprit d’entreprise, c’est-à-dire une tendance à être employé plus qu’à s’auto-employer.
30Il faut qu’il y ait un changement de comportement. Et nous devons investir pour ce changement de comportement pour les années à venir. Les questions d’eau, les questions d’assainissement, les questions de sécurité restent des questions prioritaires.
31Je vais m’arrêter sur ce point et répondre à une question de Mme Guillaumont. C’est vrai, il est tout à fait évident que les questions de démocratie, et c’est sur ce point que je réponds, deviennent de plus en plus importantes dans le dialogue sur la politique de l’aide. Comment faire pour que ces exigences toutes naturelles et de bon sens ne deviennent pas des conditionnalités politiques ? Si vous regardez l’Union européenne, dans les nouvelles définitions, les contrats en cours de discussion vont changer de nom, vont devenir contrat de bonne gouvernance. Je crois que la meilleure façon d’introduire la conditionnalité politique, c’est d’ouvrir la participation de la société civile, du secteur privé, à l’élaboration des politiques, au contrôle, mais aussi renforcer le Parlement dans son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement. Je ne vois pas comment l’Europe peut venir contrôler des conditionnalités politiques sur le terrain. Je vois plutôt que plus nous allons vers une démocratie participative en renforçant les capacités des acteurs pour plus de pression maison et d’obligation de transparence, plus nous serons efficaces sur le terrain. Créons cette capacité des pays à se contrôler plutôt que de vouloir mettre des conditionnalités politiques qui, plus ou moins, vont créer un certain nombre de problèmes car n’apportant pas les réformes structurelles endogènes requises.
32Omar Kabbaj
Je voudrais, d’abord, comme les autres orateurs, remercier l’IGPDE et l’AFD pour l’organisation de ce colloque. Je voudrais également, puisque nous célébrons le 70e anniversaire de l’AFD, et que nous n’avons pas beaucoup parlé de l’AFD malheureusement aujourd’hui, je voudrais, témoigner en tant que je suis associé avec cette organisation depuis six ans, avec Mme Guillaumont qui est là depuis beaucoup plus longtemps. J’ai vécu un développement extraordinaire pendant ces six ans, à la fois en termes volumétriques et en termes de qualité de développement des ressources humaines de l’institution, et également de son rayonnement géographique, qui s’est très étendu par rapport à ce qu’elle était il y a quelques années. Je voulais apporter ce témoignage.
33Je voudrais démarrer mon intervention en disant que cette réunion se tient à un moment crucial pour le monde et pour l’aide publique au développement. Nous avons vu hier et aujourd’hui les menaces de dégradation par les agences de notation de la Communauté européenne et de la BEI et demain peut-être d’autres organismes multilatéraux. Il me paraît donc difficile dans cette situation de se projeter sur l’avenir tel que nous le souhaitons, au niveau de ce panel.
34Je voudrais également souligner ce que le professeur Bossuat ce matin appelait le plan Marshall. Pour ma part, le plan Marshall faisait, semble-t-il plus de 5 ou 6 % du PIB des États-Unis sur quelques années, alors que l’aide publique au développement actuelle n’atteint pas, en moyenne, 0,4 % du PIB des pays donateurs. Qu’en est-il du futur compte tenu de la situation dont je viens de parler, qui est malheureuse, et avec laquelle il faut que nous vivions ?
35Nous avons beaucoup parlé des ACP, mais pas des autres régions du monde et en particulier de la région Méditerranée. Tertius Zongo ayant traité un peu plus de l’Afrique subsaharienne, je propose donc de me limiter à la région Méditerranée, qui connaît d’importantes évolutions en ce moment, en prenant pour exemple mon propre pays, le Maroc. Les problèmes de ces pays étant similaires, et d’ailleurs la Communauté européenne a toujours traité ce pays de la même manière, avec le même type d’accords et en prenant souvent le Maroc comme modèle ou cobaye.
36Les relations actuelles avec la Communauté européenne sont excellentes et bénéficient d’un régime de statut avancé qui est le niveau le plus élevé avant celui de plein membre, ceci depuis 2008, mais ces relations n’ont pas toujours été à ce niveau. Le Maroc ayant été indépendant dès 1955, il n’a pas pu bénéficier des accords d’association, dont ont bénéficié les territoires d’outre-mer. En 1963, par un geste politique fort, il a demandé la pleine adhésion à la Communauté économique européenne. Cette demande n’a reçu aucune réponse et ce n’est qu’en 1966, donc trois ans après, que des négociations ont pu être entamées. Ce démarrage des négociations a pu se faire quelques jours après l’entrée du premier sous-marin russe en Méditerranée (propos de notre ambassadeur à Bruxelles de l’époque). C’est un secret peut-être historique qui a réveillé un peu la Communauté. Mais très vite, les négociations ont été perturbées par la politique de la chaise vide de la France à l’époque et n’ont pu être conclues qu’en 1969, soit six ans après la première demande. Donc, cela n’a pas toujours été aussi excellent que cela l’est actuellement.
37Ce premier accord était un accord, comme nous les appelions à l’époque, un accord d’association et qui était étendu à la Tunisie, à l’Égypte et à d’autres pays de la région. Cet accord était essentiellement commercial et, bien qu’il accordait des avantages tarifaires, il se limitait à certains produits et était truffé de limitations, du genre quota et date, etc.
38En 1976, un accord appelé AMAIS avait introduit une clause intéressante pour le Maroc, dans la mesure où il permettait l’admission des produits industriels marocains, à l’exception des produits agro-industriels, en franchise de droit et sans limitation.
39Immédiatement après la conclusion de l’accord, les importations de textile furent stoppées totalement parce qu’il y avait une crise à l’époque en France et dans d’autres pays, cet arrêt couvrant même les produits déjà en route.
40J’ai tenu à apporter ce témoignage historique pour compléter ce qui a été dit ce matin au niveau historique concernant les relations avec les pays. Il convient de souligner que ce type d’accord qui a été généralisé à presque tous les pays de la région, ne comportait ni formule Stabex, ni système de préférences généralisées par définition qui bénéficiait à d’autres pays.
41Depuis, les accords plus récents ont comporté des cadres financiers intéressants, dont la compensation pour la pêche dans les eaux territoriales marocaines, les facilités de voisinage, les financements BEI à travers la FEMIP, pour lesquels je remercie mon ami Fontaine Vive. Le Maroc s’est lancé, depuis le début des années 2000, dans un vaste programme de réforme tendant à la préservation des cadres macroéconomiques et au lancement de programmes importants de développement de tous les secteurs de l’économie. Le côté social a également bénéficié du programme marocain de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain).
42Que pouvons-nous faire maintenant peut-être pour améliorer davantage ces relations ? Je crois que le commerce est essentiel. Il faut absolument que ce que nous avons dans le commerce puisse être amélioré. Le Maroc, par exemple, offre dans le dernier accord la pleine franchise pour tous les produits industriels européens, qui va être effective totalement l’année prochaine. Donc, depuis cinq ans, nous diminuons chaque année les droits de douane.
43Ils seront à zéro l’année prochaine sur les produits industriels. Mais l’Union européenne en revanche maintient les restrictions sur les produits agro-industriels et utilise encore les dates pour les produits agricoles, comme les tomates. Il y a beaucoup de choses qu’il faudrait peut-être regarder. Je crois que cela permettrait d’avoir des relations plus équilibrées.
44Autre phénomène, nous pouvons imaginer, à l’instar de ce que le FMI fait, puisqu’il y réfléchit actuellement, rétablir le genre de facilités compensatoires pour les déséquilibres des prix actuels sur les marchés. Pour vous donner un exemple, les importations d’énergie au Maroc, sous toutes les formes, font 200 % des exportations de tous les phosphates et dérivés. Deux fois plus est dépensé dans les importations énergétiques. Si l’Union européenne pouvait contribuer à résoudre un peu ces problèmes, sans parler du blé qui est importé essentiellement d’Europe et du sucre également.
45L’autre suggestion que je ferais, c’est peut-être la coopération avec les pays émergents, telle qu’elle ressort d’ailleurs du vœu de l’Union européenne, puisque pour le Maroc il y a une certaine sympathie par exemple dans les pays du Golfe où nous pourrions établir des relations bilatérales ou trilatérales. Nous pouvons aussi envisager, ce qui existe déjà, des genres de coopération par site entre la région Méditerranée, et particulièrement le Maroc et l’Afrique subsaharienne, et l’Union européenne. Il y a évidemment la taxe sur les transactions financières que peut-être l’Union européenne peut appuyer davantage pour qu’elle puisse voir le jour. Et en tant que membre du Comité sur l’eau du secrétaire général de l’ONU, voir si l’Union européenne ne peut pas augmenter ses financements de l’eau et de l’assainissement parce que non seulement c’est un problème qui devient très grave au niveau mondial, mais en plus la région Méditerranée est celle qui a le coefficient hydrique le plus bas du monde. C’est une région où il faut absolument aider à faire cela. Il faut également trouver des ancrages avec le secteur privé et la société civile, ce qui peut remplacer un peu l’aide proprement dite.
46Voilà un peu ce que je voulais dire. Pour répondre à l’une des questions de Sylviane Guillaumont, les relations de l’Union européenne avec les organisations multilatérales, particulièrement la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Je crois, et je suis désolé de le dire à mon ami Bernard Petit, lorsqu’il est dit que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international sont des méchants et que tous les autres sont gentils, je ne suis pas d’accord. D’abord, je reprends ce qu’il a dit lui-même, à savoir que les pays qui disent cela au sein de l’Union européenne, vont au Fonds monétaire pour dire qu’il faut absolument résoudre les problèmes. Et ceci n’est pas uniquement vrai pour nos régions. C’est vrai pour la Grèce, etc. Je ne veux pas devenir l’avocat du Fonds monétaire, mais il y a le besoin de financement. C’est ce que nous faisons avec la Grèce actuellement. À l’époque, j’ai entendu beaucoup de ministres dire aux missions du Fonds : « Mais pourquoi voulez-vous fixer mon déficit à 10 %, c’est une affaire de souveraineté ». Maintenant, c’est fini, plus personne ne dit cela. Tout le monde a compris que le déficit budgétaire, c’est mauvais, mais à l’époque c’était général. Le Fonds monétaire venait chez Philippe de Fontaine Vive demander combien le Club de Paris allait mettre. Il allait demander aux banques, bien que dans l’Afrique subsaharienne il n’y ait pas beaucoup de crédits bancaires, combien elles allaient faire.
47Il n’y avait pas de réduction de dettes, il n’y avait pas encore de plan Baker, pas de plan Brady, etc. Ils arrivaient avec un bilan de balance de paiement en disant au ministre : « Monsieur, moi je veux bien que vous fassiez 10 %, mais expliquez-moi comment vous allez faire, compte tenu des ressources que vous avez, plus les ressources internes ». C’est peut-être arithmétique, c’est peut-être bête, mais ils n’avaient pas le choix et il y avait les critères de performance tous les trimestres. C’est ce qui arrive maintenant avec la Grèce. Et ces chiffres sont liés aux critères de performance, si vous dérapez, même de 1 000 dollars, vous ne pouvez pas retirer les ressources du fonds.
48Je crois à la coopération entre donateurs. J’y ai toujours cru et c’est ce qui se fait maintenant dans tous les pays. Toutes les agences de l’Union européenne, de la Banque mondiale, du Fonds, etc. existent partout et travaillent en bonne harmonie. Bien sûr, ils ont besoin de la coopération des pays et comme l’a dit Tertius Zongo, il faut essayer de trouver quelque chose qui concilie le souci de gouvernance avec le respect de souveraineté. Ce n’est pas facile. Voilà, moi je suis pour la coopération internationale.
49Philippe de Fontaine Vive
Je vais essayer de parler en premier, ce sera d’autant plus facile que de ce qui a été dit avant moi, des deux derniers intervenants, je n’ai rien à retirer. Je suis en plein accord. Nous allons pouvoir poursuivre le dialogue de façon consensuelle. Je voudrais commencer par remercier les organisateurs en souhaitant bon anniversaire à l’Agence Française de Développement. Cela fait plaisir de revenir entre amis dans cette salle où effectivement, par moments, nous présidons le Club de Paris, nous sommes donc dans le camp des méchants, d’autres fois nous venons soutenir la déclaration de Paris, l’Agence Française de Développement, donc nous sommes dans le camp de ceux qui aident, alors qu’en fait nous faisons la même chose. La deuxième raison de vous dire merci de m’avoir convié aujourd’hui, c’est que, même s’il faut surveiller un peu le Blackberry, cela fait du bien de penser à autre chose qu’à la crise financière, aux dégradations de nos notations. Il faut aussi, lorsque nous évoquons ces problématiques d’aide au développement, avoir à l’esprit cette atmosphère générale. L’argent est rare, il est de plus en plus rare. Je ne veux pas doucher tous les espoirs mais enfin la décennie à venir s’annonce particulièrement difficile, donc il vaudrait mieux que nous ayons un ordre du jour un peu consensuel pour arriver à progresser plutôt que de se disputer les uns, les autres.
50Quand vous proposez comme nouvel horizon (parce que c’est le titre de ce panel), qu’il y ait plus d’Europe, cela me fait plaisir et cela me surprend pour deux raisons. La première, c’est un peu ce que j’ai entendu dans la journée, c’est comme si l’Europe c’était ailleurs, comme s’il y avait la France et les Français, et l’Europe. Comme si l’Europe existait en dehors de la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les autres États membres. C’est quand même extraordinaire maintenant qu’il y a un outil communautaire, qui a sa logique propre bien entendu. Mais l’Europe n’existe pas en dehors des 27 États membres. Faisons attention un peu à la façon de présenter les choses. Et puis, en Europe, il y a les politiques, c’est bien, qui vont s’exprimer. Des gens qui incarnent l’esprit pionnier de la Commission et il y a des gens qui ont des missions plus ciblées comme la Banque européenne d’investissement. Pour dire les choses simplement, la BEI, vis-à-vis de ses sujets, et vis-à-vis de la haute représentante de l’Union européenne, a le même rapport que l’Agence Française de Développement par rapport au Gouvernement français. C’est cela le parallèle qu’il faut avoir à l’esprit.
51Nous sommes le banquier de l’Europe pour notamment le devoir de solidarité avec le reste du monde, mais nous ne sommes que cela. Donc, il y a une partie de vos questions, Mme Guillaumont, que je renverrai gentiment à ceux qui sont plus compétents que moi en matière politique, même si demain, quand je prendrai l’avion pour aller rencontrer à Tunis l’actuel premier ministre et celui qui va le remplacer dans quelques jours, je devrai parler un peu de politique quand même, parce que nous ne faisons pas de bonne politique sans bonne finance. La Grèce est là pour nous le rappeler et peut-être d’autres pays également.
52La deuxième raison qui m’a un peu surpris lorsque nous avons évoqué l’Europe comme un nouvel horizon pour la politique de coopération française, puisque cela fait quand même 53 ans qu’elles cohabitent, donc c’est un peu étonnant. Je me suis dit, même si je connais évidemment bien Dov Zerah et l’Agence Française de Développement, j’ai lu le dernier rapport parlementaire sur l’Agence Française de Développement, écrit par MM. Christian Cambon et André Vantomme, excellent rapport d’information, mais alors ils qualifient : « l’Agence Française de Développement de bras séculier de la diplomatie française, l’AFD est un peu tout à la fois, on parle souvent de couteau suisse de la coopération française ». Bel hommage sur le fait que nous savons tout faire à l’AFD, ce qui est très bien. Je préférerais que dans le prochain rapport parlementaire, nous puissions parler de porte-drapeau français de la coopération européenne. Cela me plairait plus, c’est-à-dire que l’Europe devienne partie intégrante de la politique française et non pas comme quelque chose d’étranger. Du coup, j’ai lu jusqu’à l’annexe VII de ce rapport et si vous allez à l’annexe VII, vous verrez la lettre de mission donnée par le Premier ministre français au directeur général de l’Agence Française de Développement, donc Monsieur Fillon, datée du 21 septembre 2010 et, à ma grande surprise, l’Europe est absente. Pourtant nous entendons l’actuel président de la République parler beaucoup d’Europe ces temps-ci. Vous les entendrez, je pense, sur les télévisions ce soir, ou demain. De façon étonnante, lorsqu’il signe la lettre de mission triennale du directeur général de l’Agence Française de Développement, l’Europe est totalement absente. Je compte sur Dov pour qu’à la prochaine lettre de mission, l’Europe y ait une part totalement essentielle parce qu’à mon avis elle représente à elle seule trois horizons, pour répondre en partie aux questions de Mme Guillaumont.
53Premier horizon, c’est celui de l’Union. Aujourd’hui, rien n’est possible tant que nous resterons dans la dispersion qui est celle que nous connaissons actuellement. D’un côté, les statistiques montrent que l’aide des Européens représente 55 %, voire plus, de l’aide publique mondiale, et la réalité vue du Burkina Faso, vue du Maroc et vue d’ailleurs est que l’Europe est absente, parce que l’Europe n’est pas incarnée, l’Europe est dispersée, l’Europe a son propre petit programme et c’est à cela que vous faisiez référence tout à l’heure. La France a son programme, l’Allemagne a son programme, la BEI a son programme, etc. Et, en plus, comme nous ne sommes pas assez dispersés, une trentaine au total (les 27 + différents bras financiers), en plus nous allons dépenser de l’argent en le confiant à New York, à Washington, à Genève, dans des organisations internationales, etc. Au total, aucune visibilité de ce que fait l’Union européenne. Il faut faire des choses, nous avons commencé parce que c’est bien de dire ce qu’il faudrait faire mais encore faut-il donner l’exemple. Donc, avec l’Agence Française de Développement, nous avons décidé de nous faire confiance, donc avec l’AFD et son homologue allemande qui s’appelle la KFW, nous avons passé un accord de confiance mutuelle, parce que nous avons comme ambition à terme que lorsque nous allons dans un pays non européen, nos équipes travaillent ensemble et évitent de dupliquer ou de tripler les procédures, les rencontres avec les ministres, les analyses techniques, les appels d’offres. Toute cette bureaucratie pour que nous apparaissions comme un visage européen, parfois incarné au premier chef par l’AFD, d’autres fois par la KFW et d’autres fois par la BEI et tous ceux qui voudront bien s’y joindre. C’est un effort essentiel.
54Deuxième question que vous avez posée, madame Guillaumont, toujours dans cet horizon d’Union européenne : où veut se placer la Commission européenne ? Je dois avouer, mais je vais écouter avec intérêt nos deux amis venant de la Commission européenne, moi-même je ne le sais pas, pourtant je travaille tous les jours avec eux. Ils hésitent entre deux modèles et suivant les directions générales, suivant les moments, suivant les personnalités, soit ils sont dans cette dynamique d’union que je viens d’évoquer, qui supposerait de dire que la haute représentante fait de la politique, alors que nous déléguons l’argent à des opérateurs pivots, comme l’AFD en France, comme la KFW en Allemagne, comme quelque chose que je ne sais pas nommer aujourd’hui en Europe ou à une union des gens qui savent à peu près mettre en place des projets, donc c’est un modèle d’Union européenne possible mais qui n’est pas celui qui existe aujourd’hui. Ou, deuxième modèle, vouloir être non seulement celui qui synthétise la politique des États membres, dans une intégration européenne, mais qui veut le level playing field, c’est-à-dire que nous mettons aux enchères l’argent communautaire et l’agence qui est la plus sympathique, qui peut s’appeler Banque mondiale, agence des Nations unies ou agence européenne, a le droit de la mettre en œuvre.
55Je n’aime pas cette deuxième façon de se comporter mais c’est un peu ce qui est en jeu à l’heure actuelle ; quel est le modèle que retiendra Bruxelles ? Est-ce celui d’une bonne coordination mais avec une délégation, ou est-ce celui de la mise aux enchères au nom d’un level playing field ?
56Deuxième horizon : il faut être efficace. Comme vous l’avez développée avant moi, je vais être beaucoup plus court sur cette partie. Mais l’argent public est rare. Nos contribuables en ont de moins en moins à consacrer à des politiques publiques. Donc, nous devons systématiquement, nous qui portons cet argent public, être le plus efficaces possible et j’aurais tendance à me remémorer ce que disait le général de Gaulle, il y a quelques années, mais d’une façon plus brève. Dans ce devoir de solidarité, il a inventé la Caisse centrale de coopération économique, c’est-à-dire qu’au lieu de faire des dons dispersés à peu près de façon désordonnée, il a voulu créer un instrument qui permet de rationaliser, et c’est devenu aujourd’hui, sous un autre nom, l’Agence Française de Développement. Les Européens qui ont créé à six en 1958 le traité de Rome, ont fait la même chose. Au lieu de se dire que nous allions dilapider des dons qui, sous leur forme modèle, s’appellent fonds structurels ou autres, ils ont créé la Banque européenne d’investissement et pour aider les tiers, nous allons leur demander d’avoir un certain professionnalisme. Donc cette question de l’efficacité n’est pas nouvelle et aujourd’hui, où l’argent public est encore plus rare, nous devons à tous le fait d’être aussi économe que possible de ce que coûte notre intervention. Il faut que le maximum d’argent qui nous est confié passe aux pays bénéficiaires et pas dans nos frais de gestion, dans notre organisation, ce qui est un vrai risque qui existe pour tous.
57Troisième horizon européen, il a été cité par Omar Kabbaj, à savoir le devoir d’innovation. Nous avons des habitudes de coopération bilatérale, interétatique, cela existe, c’est important. Il y a des sujets pour lesquels c’est irremplaçable. Mais je dirais que c’est dépassé en bonne partie par le monde moderne, qui est non seulement multilatéral mais qui est beaucoup moins hiérarchisé. Vous le voyez dans la société française. Nous le voyons dans la société européenne, les fondations privées ont pris une importance qui n’existait pas. Les relations avec les collectivités locales sur lesquelles Omar Kabbaj est revenu sont importantes.
58Bernard Petit a mentionné une innovation qui consistait aussi à financer directement les associations qui sont porteuses et plus efficaces que les structures étatiques pour des petits projets sur le terrain. Tout cela, c’est autant d’innovations qu’il faut développer, me semble-t-il, les partenariats public/privé également mais en aidant les États des pays dits en développement à résister aux grands groupes internationaux face à qui ils n’ont pas les moyens de négocier intelligemment. Et c’est pour cela, pour prendre l’exemple de la Méditerranée, que nous avons décidé, à titre temporaire, pendant un an, un an et demi, de donner accès aux pays méditerranéens à la logistique dont nous disposons en Europe, à la BEI, sur les partenariats public/privé, pour leur permettre de mieux négocier avec les grands groupes internationaux.
59Et le capital ? Il n’y a pas que des prêts. Je n’ai pratiquement entendu parler que de prêts et de garanties. Il faut qu’il y ait de l’argent qui prenne des risques, qui aille s’investir dans les pays en développement. Dans le vocabulaire anglo-saxon, il faut de l’equity. Nous devons développer, que ce soit dans la micro-finance des petits projets ou dans les fonds d’investissement de taille beaucoup plus significative, il faut que nous utilisions notre force financière, même si l’Europe est en crise à l’heure actuelle, pour amener ceux qui veulent bien prendre des risques dans les pays en développement, à prendre véritablement ces risques, et c’est ainsi que nous arriverons à un sursaut de développement, et c’est là-dessus que je conclus.
60Dov Zerah
Nous fêtons notre 70e anniversaire. Le 2 décembre 1941, le général de Gaulle se rend compte que dix-huit mois après son appel, voulant créer un État, ayant déjà récupéré quelques territoires de notre empire, il lui fallait une banque centrale et une direction du Trésor. Puisque la Banque de France était à Paris et les portes fermées, la direction du Trésor, qui s’appelait à l’époque la direction générale des Mouvements des Fonds publics, était à Vichy. Il crée ainsi la Caisse centrale de la France libre à Londres, le 2 décembre 1941. Je dois dire d’ailleurs que, dans notre culture d’entreprise, nous avons quelque peu un gène de résistant à la pauvreté et de volonté de lutte pour le développement. Les choses ont évolué, nous sommes aujourd’hui une agence. Le but n’est pas de parler de l’AFD.
61Les premiers dirigeants de l’Agence sont des européens convaincus, c’est en particulier le cas de notre père fondateur qui fut un compagnon de route de Jean Monnet, Pierre Denis. Dès sa création, l’Agence est délibérément, volontairement européenne. Je dois dire qu’il faudrait insister sur au moins trois points concernant l’Union européenne.
62D’abord, l’aide l’européenne, la coopération européenne est une des premières politiques communes. Cela s’est établi dans les années 1960, en même temps que la politique agricole commune, en même temps que la politique commerciale. C’est la politique d’aide au développement qui est la première à être établie, avant la politique régionale, avant toutes les autres politiques communes qui n’interviendront qu’au début des années 1990, au moment de la constitution du marché unique européen.
63Le deuxième élément fondamental qu’il ne faut absolument pas oublier, c’est qu’elle a été créée sur la base du partenariat avec les ACP. Ce sont les conventions de Yaoundé, de Lomé. Ce point est important. Elles ont été créatrices d’un certain nombre de mécanismes dont nous ferions bien de nous inspirer encore aujourd’hui, je veux mentionner le Stabex et le Sysmin.
64Je voudrais insister sur la réforme qui est intervenue dans les années 2000. Dans les années 2000, la Commission européenne a décidé de déléguer des fonds à des bailleurs de la Communauté. C’est ainsi que nous, Agence Française de Développement, comme la KFW, nous sommes les deux banques bilatérales à avoir le plus bénéficié de ce mécanisme de délégation. Depuis 2008, la Commission a délégué à l’Agence 120 millions d’euros. C’est très simple, la Commission sait dans quels domaines nous avons des compétences et savoir-faire : de tradition, c’est par exemple le développement agricole. Nous avons donc de nombreuses délégations de crédits de la Commission européenne pour notamment la mise en place de gestion de périmètres irrigués au Sénégal ou au Mali. Mais la réciproque est aussi vraie. Nous déléguons aussi des fonds à la Commission européenne pour les gérer de manière collective parce que dans un pays comme, par exemple, Haïti, après le terrible tremblement de terre, il n’est pas possible pour une coopération bilatérale, quelle que soit son importance, de faire les choses toute seule. Il est donc important de mettre en commun des moyens et de les confier à des institutions multilatérales comme la Commission ou la Banque mondiale.
65Enfin, il faut mentionner notre accord de reconnaissance mutuelle de procédures entre la KFW, l’Agence et la BEI. Je voudrais vous citer un exemple tout simple, pour faciliter la compréhension du mécanisme. La grande agglomération de Tunis a besoin de faire un réseau de transport urbain. Nous établissons le dossier, avec tout ce que cela comporte et nous allons le proposer à la KFW et à la BEI qui l’acceptent. À partir de là, nous sommes leader même si nous avons mis le financement le plus faible dans la corbeille. Sur ce, grâce à la facilité de voisinage, la Commission européenne vient se joindre à nous. Et, ce qui est très important, c’est que le 10 décembre 2010 nous avons signé à Tunis un seul document avec les autorités tunisiennes. Nous étions quatre à signer un seul document et je crois qu’en termes d’efficacité, c’est un élément essentiel pour lequel il faut aller plus loin.
66La conditionnalité, je vais être simple au risque d’être un peu provocateur et en distanciation par rapport à mon ami Tertius Zongo. Il ne peut plus ne pas y avoir de conditionnalité économique et politique. Aujourd’hui, il y a une telle demande de la part de nos concitoyens de redevabilité de ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons, comment nous le faisons, que nous ne pouvons pas, nous ne pouvons plus fermer les yeux sur un certain nombre de pratiques économiques et politiques. Et là, il ne peut y avoir qu’une approche multilatérale ; il faut qu’il y ait l’Europe et il ne peut y avoir que l’Europe. C’est grâce à l’Europe que ces conditionnalités politiques et économiques peuvent être présentées.
67C’est la raison pour laquelle a été créé dans les années 1950, le Club de Paris. Il a été créé pour éviter que la gestion bilatérale de la dette d’un pays ne vienne à forcer le pays à accepter un certain nombre de conditions. Nous ne pouvions pas, nous n’aurions pas pu faire ce qui a été fait en Côte d’Ivoire, en Lybie, sans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut bien être clair aujourd’hui et les derniers événements le démontrent. Nous pouvons être critiques à l’égard de la gouvernance mondiale, nous pouvons considérer que cela ne va pas suffisamment vite, suffisamment loin. Mais s’il y a un domaine sur lequel la gouvernance mondiale a montré son efficacité au cours des dernières semaines, c’est la gestion de la crise dans certains pays.
68La communauté internationale a été rapide pour établir un certain nombre de listes, de sanctions, de mesures et ça, ce sont des éléments essentiels. Et nous avons besoin de plus d’Europe en la matière. Lorsque j’étais jeune attaché financier en 1984-1986 à Bruxelles et que j’ai siégé au Comité de développement et dans toutes les enceintes de ACP, nous étions dix ; c’était facile de donner une identité lorsque nous sommes dix autour de la table, à vingt-sept c’est plus compliqué. Au conseil d’administration de la BEI, il est difficile de trouver des positions communes lorsque nous sommes vingt-sept autour de la table. Il n’en demeure pas moins que nous avons besoin de plus d’Europe sur cette conditionnalité économique et politique.
69Concernant les pays émergents, j’ai cru comprendre que, dans la journée, quelques propos négatifs ont été prononcés à l’égard de la Chine. Eh bien, c’est une erreur. Je vais vous dire pourquoi. Aujourd’hui, il y a 850 millions d’habitants en Afrique subsaharienne, en 2050 il y en aura 1,8 à 2 milliards. L’Afrique subsaharienne est le continent qui va connaître la croissance démographique la plus importante. Si nous ne réussissons pas dans les quarante ans le développement économique de l’Afrique subsaharienne, il n’y a pas besoin de faire de longs discours sur ce que nous aurions comme conséquences ou effets collatéraux en Europe. C’est une urgence de tous les pays européens de faire en sorte qu’il y ait un développement économique en Afrique subsaharienne, et bienvenue aux Chinois.
70Ah, certes, nous pouvons ne pas être contents qu’ils aient apporté un crédit commercial dans telle ou telle condition. Nous pouvons ne pas être contents qu’ils aient remporté un appel d’offres alors qu’ils ne correspondaient pas à tous les critères. C’est possible, ce n’est pas faux, mais ils sont en train de faire de gros efforts pour évoluer. Il y a trois semaines encore j’avais de longues discussions à Pékin avec le ministre des Finances chinois. Ils ont conscience que leur image de marque en Afrique n’est pas bonne et ils veulent travailler avec nous, Français, avec nous, Européens, et c’est un élément fondamentalement positif et important. Nous aurons besoin des Indiens, des Brésiliens, des Sud-Africains qui aussi veulent s’investir dans le développement de l’Afrique subsaharienne. Nous avons besoin de tous et nous devons le faire dans le cadre de la déclaration de Paris qui a déterminé les éléments pour que nous soyons le plus efficace possible.
71Juste avant de conclure, je vais vous parler d’une de mes idées fixes, d’une de mes marottes, le coton. En juin 2002, j’écrivais un article dans Le Monde pour appeler l’attention des uns et des autres sur les subventions américaines. Sur la décennie 2000, la production américaine a augmenté de 40 %, la production chinoise de 60 % et la production indienne de 100 %. Dans le même temps, la production subsaharienne diminuait de moitié. Alors, nous pouvons trouver toutes les explications que nous voulons, ce sont les subventions. Ce sont d’autant plus les subventions que les Chinois et les Indiens peuvent en accorder parce qu’ils ont toujours le statut de pays en développement, et donc les subventions qu’ils accordent ne sont pas aussi critiquables que pourraient l’être celles accordées par d’autres ensembles économiques.
72Eh bien moi, je le dis de la manière la plus simple, que les Américains, les Chinois, les Indiens ou les Européens, notamment ces derniers pour des raisons d’aménagement du territoire en Espagne et en Grèce, accordent des subventions à leurs « cotonculteurs », pourquoi pas, mais il faut une compensation aux Africains. C’est indispensable. Nous ne pouvons pas insister sur les mérites du commerce international, du développement de la globalisation, de la mondialisation, et laisser tout un secteur aussi essentiel à l’activité économique de certaines zones d’Afrique subsaharienne, être sujet à caution, remis en cause, uniquement parce qu’il y a des subventions qui viennent perturber les marchés et les prix.
73Pour conclure, je dirais que vouloir plus d’Europe ne signifie pas que l’aide européenne doit être réduite à son expression communautaire. Non, l’aide européenne doit acquérir une identité et peut-être qu’aujourd’hui cette identité passe par un partenariat fort avec la BEI ou avec des agences bilatérales comme l’AFD ou la KFW. Les acteurs bilatéraux sont essentiels car ils jouissent d’une expérience et d’une légitimité très forte sur un certain nombre de sujets. Plus d’Europe passe par mieux d’Europe dans un concert harmonieux entre la Commission européenne et les bailleurs bilatéraux.
74Dieter Frisch
Je voudrais dire que nous ne sommes pas des porte-parole de l’Union actuelle. Nous n’avons plus l’influence que nous avions peut-être à un certain moment. Nous avons des opinions sur ce qui se passe et sur ce qui pourrait se passer. Nous sommes des hommes libres, autrement Bernard Petit n’aurait pas pu dire certaines choses et moi non plus. Je voulais saisir l’occasion pour exprimer ma satisfaction sur le fait que le thème France/Europe/Afrique/coopération au développement ait pu être mis à l’ordre du jour, malgré la lettre de mission de M. Fillon qui ne mentionne pas l’Europe, mais effectivement elle est là. Je suis étonné de l’attraction que ce thème a exercée et du nombre de personnes qui ont passé une journée avec nous sur ces thèmes.
75Sur le fond, il y aurait tellement de choses à dire. Si je lis « nouveaux horizons », je dis : poursuivons dans la voie que nous avons suivie en innovant, en allant de l’avant, en nous adaptant à des contextes changeants, sans penser, comme les politiques le font parfois, qu’il y ait besoin de ruptures tout le temps et qu’il faille toujours partir de zéro vers quelque chose de nouveau. Si nous regardons les conventions successives, nous allons constater qu’entre une convention comme Lomé I et Cotonou, nous ne reconnaissons plus qu’il s’agit de la même chose, plus ou moins, ou du même groupe de pays, car les choses ont tellement évolué au fil des négociations. Je souhaite pour ma part que ce soit le cas pour l’avenir, que ceux qui sont maintenant aux commandes prennent le temps de l’évaluation de ce qui s’est fait, de ce qui ne va pas bien, pour corriger et aller de l’avant.
76J’aurais un souhait, c’est que cette voie qui est déjà tracée avec le consensus de 2005, que Bernard Petit a mentionné, que ce consensus sur les grandes lignes d’une politique commune, donc États membres plus Communauté, que cette voie trouve aussi son application dans le concret. Le concret, c’est le code de conduite que les ministres ont approuvé un ou deux ans après, où ils ont dit : « nous allons désormais coordonner nos politiques et nous allons vers une véritable division de travail ». Là, il y a un chemin énorme à faire. Il faut certainement commencer avec le cadre communautaire. Il ne faut pas dire tout de suite qu’il faut tout le monde autour de la table, cela ne marchera jamais. Nous sommes déjà suffisamment nombreux dans l’Union européenne actuelle pour que ce soit très difficile de se coordonner et de trouver une division du travail, mais il faut commencer par cela, la Commission ne revendiquant aucun leadership à cet égard. Elle a un rôle d’animation, mais si quelqu’un d’autre a de bonnes idées, il est toujours le bienvenu.
77Il ne faut pas que quelqu’un monopolise les choses. Je ne pense pas non plus qu’il y ait besoin d’une centralisation supplémentaire dans la gestion des fonds publics. Dans mes jeunes années, nous gérions environ 5 à 7 % de l’aide totale que les État membres mobilisaient. Aujourd’hui, nous sommes autour des 20 % et j’ai toujours considéré que les 20 % constituaient à peu près la masse critique qui permet à la Commission d’être un vrai acteur, mais qu’il faut pour le reste plutôt coordonner que centraliser les instruments. Parce que si la Commission atteint la limite de sa capacité de gestion et arrive, ce qui est malheureusement le cas, à distribuer vers d’autres canaux multilatéraux l’argent mis dans le budget ou dans le FED communautaire, je trouve que nous sommes sur une mauvaise voie. La Commission n’est pas là pour gérer un budget de transit où l’argent arrive et elle le passe à la FAO, au PNUD etc., qui ne sont certainement pas plus efficaces que nous.
78Sur la question de la conditionnalité, je relierai même à la Chine. J’ai été un peu surpris par l’intervention de Dov Zerah, à la fin, sur le fait que nous ne pouvons plus ne pas avoir de conditionnalité, alors que moi je me considère encore aujourd’hui comme extrêmement critique à l’égard du concept de conditionnalité. Mais je ne sais pas si nous parlons de la même chose. Je crois que si nous parlions de la même chose, nous devrions être davantage d’accord parce que la conditionnalité qui a été pratiquée comme une politique de conditions imposées à des pays pour qu’ils fassent des réformes structurelles dans un certain sens, disons consensus de Washington, cette conditionnalité n’a jamais marché. La Banque mondiale reconnaît depuis longtemps qu’une réforme structurelle qui n’est pas discutée, voulue, appropriée, acceptée par le pays en question n’est pas soutenable, n’est pas durable. Donc cette conditionnalité-là, nous avons voulu l’éviter et lui substituer le concept du dialogue, des engagements réciproques. Un engagement réciproque engage le pays, pas parce que nous le forçons mais parce qu’il est convaincu que c’est la voie à suivre. Pour ma part, j’accepte la conditionnalité dans un seul cadre très précis, c’est-à-dire celui des pays qui, voulant devenir membres de l’Union européenne, doivent accepter le prix d’entrée dans le club. Là, je n’hésite pas à utiliser le terme.
79Dans les relations avec les pays tiers, j’hésiterais fort. Je suis toujours de l’avis qu’il faut parler beaucoup, se convaincre. Si nous n’y arrivons pas, il faut à la limite suspendre une certaine forme de coopération ou passer par les canaux privés de la société civile. On ne peut pas nous obliger à coopérer avec un pays qui gère mal ses propres ressources, etc. Mais penser que l’on peut l’obliger à faire ceci ou cela, j’ai des doutes.
80Pour avoir les Chinois à bord, pour faire quelque chose ensemble, il ne faut certainement pas venir avec une approche de conditionnalité, politique surtout. Nous ne pouvons pas penser que les Chinois vont jouer avec nous en matière de droits de l’homme ou de démocratie. Ce n’est tout de même pas concevable. Nous pouvons en revanche imaginer qu’ils jouent le jeu avec nous sur un concept de bonne gestion et de souci de développement. C’est un concept que j’essaierais de discuter si j’étais encore en activité. Je pense que nous devons essayer de mettre un terme à une concurrence qui peut devenir vraiment stérile, où nous avons l’impression que si nous avons la moindre réflexion sur un problème sensible, bonne gestion ou choix des priorités ou droit de l’homme ou démocratie, les pays partenaires peuvent nous dire : « Nous nous tournons vers les Chinois, eux ne posent pas tellement de questions embarrassantes ». Là, il faut vraiment trouver un terrain commun, mais restons à un niveau où nous pouvons espérer que les Chinois sont prêts à travailler avec nous, et évitons les terrains où ils ne sont pas à l’aise jusqu’à nouvel ordre.
81Bernard Petit
Trois remarques rapides. La première est que le débat depuis tout à l’heure tourne autour du rôle de la Commission européenne comme donateur. Bien sûr, c’est un donateur important, 10 milliards de dollars ou 9 milliards d’euros par an, c’est énorme. C’est un des grands donateurs dans le monde mais, à mon sens, le rôle principal de l’Europe, ce n’est pas celui-là. Le rôle principal de l’Europe, c’est d’utiliser le pouvoir d’initiative que lui a conféré le traité et sa capacité d’initier des politiques. Initier des politiques dans le but de fédérer les États membres, mais dans le bon sens. Ce n’est pas pour prendre le pouvoir. Fédérer les États membres autour d’objectifs, de visions communs. Le meilleur exemple que j’ai de cela, c’est la réunion d’Accra sur l’efficacité de l’aide après la déclaration de Paris. Les Européens, sur proposition de la Commission, ont pris pour Accra une position très ambitieuse qu’ils ont défendue, jusqu’au dernier jour, à la dernière nuit, même en rouvrant le document qui avait été approuvé par tous. Voilà le rôle principal de la Commission, initier les politiques. Naturellement, pour faire cela, la Commission devrait être une espèce de centre d’excellence pour les politiques globales et sectorielles, ce qui, je crains, n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui, avec un certain nombre de restructurations qui ont eu lieu. C’est toujours difficile pour un ancien de critiquer les nouveaux, donc je ne veux pas critiquer.
82Deuxième point, je serai très bref car je suis 100 % d’accord avec Dieter sur la conditionnalité politique. Il y a une différence fondamentale entre conditionnalité politique et dialogue politique. Cotonou déjà a introduit des innovations importantes en matière de dialogue politique mais le dialogue, ce n’est pas la sanction. La conditionnalité implique sanction. Le dialogue implique engagements mutuels et toute une procédure, qui est définie dans Cotonou, de consultation, de discussion, avant peut-être d’interrompre la coopération. J’ajouterais qu’il existe quand même une corrélation négative entre le concept de conditionnalité et les principes dont tout le monde se gargarise, d’Accra ou de Paris, sur l’alignement et l’appropriation. Comment un pays peut-il s’approprier sa politique de développement, ce que dit la déclaration de Paris ou Accra, si les donateurs lui imposent un certain nombre de conditionnalités de politique économique qui, naturellement, influent sur la stratégie du pays ? Si nous sommes sérieux, nous devons arrêter de parler d’appropriation. C’est un autre débat. Moi je préfère, à ce concept de conditionnalité de politique économique a priori, substituer un autre concept qui est celui d’une conditionnalité fondée sur les résultats et c’est ce que la Commission a essayé de faire avec son concept de MDG Contract. La Commission a dépensé à ce titre 1,8 milliard d’euros dans une dizaine de pays. Le concept consistait à dire à un pays : « vous aurez un minimum d’aide budgétaire tous les ans pendant six ans et, au-delà de ce minimum, l’aide sera modulée en fonction des résultats atteints sur la base d’indicateurs que nous allons décider en commun ».
83Dernier commentaire sur la division du travail et l’efficacité de l’aide. Je pense qu’il y a un fossé énorme entre la rhétorique et l’action. La rhétorique de Paris ou d’Accra est pertinente. Le code de conduite européen sur la division du travail est pertinent, mais ce n’est pas ce qui se passe sur le terrain. Je vous donne simplement un exemple qui m’a toujours frappé. Au Kenya, pour acheter les médicaments, il y avait encore, il y a un an et demi, vingt donateurs qui se bousculaient pour les acheter. Ils les achetaient en passant par treize centrales d’achat différentes, et d’ailleurs pas celle du Kenya. Ça, c’est l’efficacité de l’aide ! En fait, mon sentiment est que nous sommes entrés dans un processus de banalisation technocratique de l’aide. La bureaucratie l’a emporté, ce qui enlève tout espace à l’inspiration politique. J’ai le sentiment que le monde change à une vitesse incroyable, que le secteur privé, les différents acteurs s’adaptent avec la même rapidité à ce changement, et qu’en revanche, sur l’aide au développement c’est business as usual.
84Sylviane Guillaumont Jeanneney
Voilà, le moment de la clôture arrivé. Il me reste à remercier tous les membres du panel, parce que je pense que cela a été très intéressant et je les remercie d’avoir essayé de répondre à certaines de mes questions.
Auteurs
Sylviane Guillaumont Jeanneney est professeur émérite à l’université d’Auvergne, chercheur au Centre d’études et de recherches sur le développement international (CERDI), consultante de la fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI), Fellow de l’Oxford Centre for Studies on African Economies. Elle est membre du conseil d’administration de l’Agence Française de Développement. Elle a été présidente de l’Association française de sciences économiques et membre du Conseil d’analyse économique. Elle a publié de nombreux ouvrages et articles dans des revues internationales. Ses principaux centres d’intérêt sont le développement économique, la coopération internationale, les politiques monétaire, budgétaire et de change et les questions environnementales.
Tertius Zongo est fondateur de Skylimit Consulting Group, dont il assure la direction. Il a exercé les fonctions de Premier ministre du Burkina Faso de juin 2007 à avril 2011. Il a été ambassadeur à Washington (2002-2007), ministre délégué chargé du Budget et du Plan puis ministre de l’Économie et des Finances (1995-2000), chef du département de la coopération multilatérale puis directeur général de la coopération au ministère de l’Économie et des Finances (1988-1995). Ancien secrétaire général de la Chambre de commerce, de l’industrie et de l’artisanat du Burkina Faso et ancien directeur général de l’Office national des céréales, il a été gouverneur à la Banque mondiale et au FMI et administrateur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Banque ouest-africaine du développement (BOAD). Titulaire d’une maîtrise en économie et gestion des entreprises de l’université de Dakar et d’un DESS en administration des entreprises de l’IAE de Nantes, Tertius Zongo est grand officier de l’Ordre national du Burkina Faso et docteur honoris causa de l’université chrétienne LOGOS de Floride. Il a notamment contribué à la rédaction de Perspectives économiques en Afrique : 2002-2003 (Banque africaine de développement et OCDE), The Macro-economic Management of Foreign Aid : Opportunities and Pitfalls (FMI, 2006), Budget Support as more effective Aid : Recent experiences and emerging lessons (Banque mondiale, 2006).
Omar Kabbaj est, depuis 2006, conseiller du roi Mohammed VI. Il est membre du conseil consultatif auprès du secrétaire général de l’ONU sur l’eau et l’assainissement (UNSGAB) et du conseil d’administration de l’Agence Française de Développement (AFD). Il a servi successivement comme chef du service de la commercialisation des minerais à la direction des participations (1963-1966), attaché au département du contrôle des crédits puis chef du département financier à la Banque nationale pour le développement économique (BNDE, 1966-1970), directeur général de la Sucrerie nationale du Tadla (SUNAT, 1970-1974), directeur général de la Sucrerie nationale de canne du Sebou (SUNACAS) et chargé de mission au cabinet du ministre du Commerce, de l’Industrie, des Mines et de la Marine marchande (1974-1977). Directeur de cabinet du ministre des Finances (1977-1979), il rejoint ensuite le conseil d’administration du groupe de la Banque mondiale. En 1980, il devient membre du conseil d’administration du FMI, représentant le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Iran, le Ghana, Oman et l’Afghanistan. En 1993 il est nommé ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l’incitation économique. Élu en 1995 président du groupe de la Banque africaine de développement (BAD), il est réélu en 2000 puis nommé président d’honneur. Diplômé de l’École supérieure de commerce de Toulouse, il est décoré de l’Ordre du Trône (Ouissam El Arch). Il a reçu une motion de félicitations et d’encouragement de la Chambre des représentants des États-Unis pour son œuvre à la tête de la Banque africaine de développement (BAD).
Philippe de Fontaine Vive est premier vice-président de la Banque européenne d’investissement où il a été nommé en 2003. Il est chargé de l’innovation, de la responsabilité d’entreprise et des relations avec la société civile, ainsi que des activités en France et dans les pays partenaires méditerranéens. Il a déroulé sa carrière à la direction du Trésor où son dernier poste était celui de chef du service du financement de l’État et de l’économie. Il a également été sous-directeur en charge des participations de l’État, sous-directeur dette, développement et marchés émergents, chef du bureau transports et urbanisme, conseiller pour les affaires internationales du ministre de l’Économie et des Finances et chef du bureau des assurances de dommages. Vice-président du Club de Paris (1996-2000) et secrétaire général du conseil de direction du Fonds de développement économique et social (FDES) entre 1995 et 1996, Philippe de Fontaine Vive a été administrateur suppléant de la Banque mondiale (1990-1992) et membre du conseil de surveillance de l’Agence Française de Développement (1996-2000). Il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, licencié en économétrie et ancien élève de l’École nationale d’administration.
Dov Zerah est directeur général de l’Agence Française de Développement (AFD) depuis juin 2010. Ancien élève de l’École nationale d’administration (1980, promotion Voltaire), il débute sa carrière à la direction du Trésor jusqu’à en devenir, en 1991, sous-directeur. En 1993, après avoir été directeur de cabinet du ministre de la Coopération, il rejoint l’AFD comme directeur délégué à la direction générale. De 1995 à 1997, il dirige le cabinet du ministre de l’Environnement avant de diriger celui de la commissaire européenne, Édith Cresson, jusqu’en 1999. De 1999 à 2002, M. Zerah est président de DAGRIS (Développement des agro-industries du Sud) et de la Compagnie cotonnière (COPACO). Il est nommé directeur des Monnaies et Médailles en 2002 avant de devenir conseiller maître à la Cour des comptes en 2007.
Diplômé en sciences économiques de l’université de Bonn et en langues modernes de l’université de Heidelberg, Dieter Frisch a servi à la Commission européenne de 1958 à 1993, dont 24 ans dans diverses fonctions relatives à la politique de coopération au développement. Directeur général du développement de 1982 à 1993, il a été notamment négociateur des conventions de Lomé III et IV. Il est l’auteur de nombreux articles et notamment d’un opuscule sur La politique de développement de l’Union européenne : un regard personnel sur 50 ans de coopération internationale, ECDPM, 2008. Il est membre du conseil d’administration du Centre européen pour la gestion de la politique de développement (ECDPM, Maastricht) dont il préside le comité de programmation. Dieter Frisch est aussi cofondateur de Transparency International et en est membre du conseil consultatif et conseiller spécial pour les affaires européennes.
Bernard Petit est directeur général honoraire de la Commission européenne, consultant pour la fondation Bill et Melinda Gates, président du conseil d’administration de la fondation TuBerculosis Vaccin Initiative (TBVI) et membre du conseil d’administration de la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international (FERDI). Il a servi pendant 37 ans à la Commission européenne (1971-2008), exclusivement sur les questions de développement. Il a notamment exercé les fonctions de directeur des politiques globales et sectorielles, a été responsable de plusieurs divisions traitant en particulier des financements, de la programmation, des politiques macroéconomiques, de l’appui budgétaire et de la prospective. Responsable de la “Task force”, il a été chargé de la négociation de l’accord de Cotonou (1998-2000) et négociateur en chef de la première révision de cet accord (2004-2005). Il a occupé les fonctions de directeur général adjoint de la direction générale du Développement jusqu’en décembre 2008. Bernard Petit est titulaire d’un doctorat de spécialité de droit européen de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, diplômé du centre universitaire d’études des Communautés européennes de la Faculté de droit de Paris et de l’École supérieure de commerce de Marseille. Il est chevalier de l’Ordre national du mérite.
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