Stratégies nationales et enjeux internationaux à l’origine de l’aide au développement communautaire : la France, l’Afrique subsaharienne et les conventions de Yaoundé
p. 15-30
Texte intégral
Introduction
1Le but de cette contribution est d’analyser le rôle de la France dans le domaine de la coopération au développement de la Communauté économique européenne (CEE) pendant les années 1960. À cette époque, la politique d’aide au développement de la CEE se concentre sur l’Afrique francophone, une région qui est au centre des intérêts politiques et économiques français. La question qui se pose est ainsi de comprendre les termes du rapport entre Paris et la Communauté en Afrique.
2Dans une première partie, on se concentrera sur les origines de la politique de coopération au développement de la CEE et sur l’entrée en vigueur du régime d’association qui lie à la CEE un certain nombre d’États africains. Dans un second temps, on analysera les résultats de la convention de Yaoundé (1963), les accords de la CEE avec le Nigeria et les pays de la Communauté est-africaine et la deuxième convention de Yaoundé (1969). Enfin, on présentera des éléments de réflexion pour tirer un bilan de la coopération européenne et évaluer le rôle de la France pendant toute la période.
I. la mise en place d’une politique de coopération au développement
A. Les origines de la politique de coopération au développement de la CEE
3Le traité de Rome avait prévu que les colonies françaises, belges, la Somalie sous tutelle italienne et certains territoires d’outre-mer néerlandais seraient associés à la CEE. L’objectif de l’association était le développement économique et social des territoires africains et l’instauration d’étroites relations économiques entre ces derniers et la CEE. À cette fin, un Fonds européen de développement (FED), doté de 581,25 millions de dollars, devait financer les investissements à caractère économique et social dans les territoires associés. En même temps, les barrières tarifaires entre ces derniers et la CEE seraient graduellement abaissées de façon à éliminer toute discrimination en faveur de la puissance coloniale. De plus, les exportations des pays associés ne seraient pas soumises au paiement du tarif extérieur commun (TEC), ce qui leur garantissait un certain avantage par rapport aux exportations des pays tiers. À terme, une aire de libre-échange eurafricaine serait créée.
4Pendant les négociations sur le Marché commun, la France avait fait de l’association des territoires d’outre-mer une condition sine qua non pour son adhésion à la CEE1. À la différence des cinq autres États, le Gouvernement français devait évaluer les conséquences de la création d’un marché commun non seulement sur son territoire métropolitain mais aussi sur l’Union française. En fait, en 1957 la France était encore à la tête d’un empire colonial important. La France et ses territoires d’outre-mer étaient en marché commun. Dans les territoires d’outre-mer français circulait une monnaie, le franc CFA, étroitement liée au franc français. Par ailleurs, Paris s’était engagé à financer un ambitieux programme de développement économique et social des pays d’outre-mer2. Étant donné la situation, Paris ne pouvait pas entrer dans un marché commun européen sans d’abord avoir obtenu une série de garanties : le FED devait permettre de partager, au moins en partie, les coûts liés au financement du développement de l’outre-mer. L’aire de libre-échange eurafricaine devait préserver les liens franco-africains et ouvrir le marché africain aux pays de la Communauté européenne. En même temps, cela préservait le rêve de l’Eurafrique auquel une partie importante de la classe politique et de l’opinion publique française restait attachée3.
5À la conclusion des négociations, Paris avait ainsi obtenu une série de garanties économiques, qui avaient des implications politiques importantes. Mettre fin à l’union douanière franco-africaine aurait conduit à une séparation économique des territoires d’outre-mer (TOM) et à terme à leur indépendance politique. En 1957, avec la guerre d’Algérie en cours, le monde politique français n’était pas prêt à envisager l’indépendance des TOM.
B. L’entrée en vigueur de la convention d’association
6Les traités sur la CEE et Euratom, signés à Rome le 25 mars 1957, sont rapidement ratifiés par les parlements des six pays membres, et entrent en vigueur le 1er janvier 1958.
7Dans la Commission de la CEE, la direction générale des Pays d’outre-mer (DG VIII) présidée par Robert Lemaignen4 est chargée de gérer le régime d’association et la mise en route du FED. L’entrée en vigueur du FED est particulièrement compliquée puisqu’il faut élaborer les procédures de fonctionnement du fonds, prendre contact avec les territoires associés par l’entremise des autorités responsables, préciser les compétences respectives du Conseil et de la Commission, et surmonter la méfiance française qui juge l’action de la Commission trop envahissante. Paris, en fait, pendant la mise au point des règlements du FED, s’efforce de limiter au maximum l’instauration de rapports directs entre la Commission et les États associés5. En mars 1960, à la veille de l’indépendance des pays africains, Michel Debré, à l’époque Premier ministre, écrit à Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, pour se plaindre de l’attitude de la Commission :
« La Commission me paraît abuser de ses droits pour tout ce qui touche à ses rapports avec les États de la Communauté. Des experts sont envoyés sans qu’il nous soit demandé au préalable la moindre autorisation. Une correspondance directe est échangée sans que nous en soyons informés. J’ajoute que j’ai remarqué des positions politiques prises, soit par les membres de la Commission, soit, fait plus grave, par des fonctionnaires de la Commission. En bref, une habitude se crée qui consiste à oublier non seulement que c’est la France qui a signé le traité sur le Marché commun, mais que c’est la France qui, en fin de compte, et elle seule, a la responsabilité politique de la Communauté à l’égard de la coopération européenne6. »
8En conclusion de sa lettre, Michel Debré demande d’envoyer des instructions au représentant permanent de la France à Bruxelles pour rappeler à l’ordre la Commission. Si l’indépendance des pays africains rend rapidement obsolètes les termes de cette démarche, Paris reste toujours très attentif aux rapports que la Commission développe avec les pays africains et aux projets qu’elle finance par le biais du FED7.
C. L’indépendance des pays africains et la convention d’association
9En 1960, les pays africains associés deviennent indépendants8. Dans ce nouveau contexte, le régime d’association, négocié quand les territoires africains étaient encore des colonies, peut-il rester en vigueur ? Les discussions entre les Six et la Commission sont très vives : la Commission estime que l’indépendance des États africains n’entraîne pas la fin du régime d’association, à condition que ces derniers soient d’accord. Selon la Commission, la convention reste valide jusqu’à son échéance normale. Après son expiration, il faudra négocier un nouveau traité d’association sur la base du modèle grec. Le Gouvernement français se trouve sur une position très proche de celle de la Commission, mais pour des raisons différentes : Paris estime que le moment d’engager de nouvelles négociations avec les pays associés n’est pas encore venu. Les États africains doivent d’abord prendre les mesures de leur indépendance et profiter des bénéfices de l’association et du FED. Par ailleurs, comme la Communauté franco-africaine (instituée en 1958 par de Gaulle) est en pleine transformation, et comme les accords de coopération n’ont pas été encore signés, Paris préfère attendre avant de proposer aux États africains des nouvelles négociations9. En conséquence, le Gouvernement français propose d’adopter des simples modifications au système en vigueur.
10La position des Pays-Bas est tout à fait à l’opposé de celle de Paris. Le Gouvernement néerlandais considère que l’indépendance des États africains a entraîné la caducité du régime d’association. La Haye veut mettre fin au régime préférentiel en matière d’échanges tarifaires dont jouissent les pays associés. Ces derniers, toutefois, pourront continuer à bénéficier du FED.
11Sans partager la position française, les quatre autres membres de la CEE ne se rallient pas aux vues néerlandaises. Ils considèrent que l’abolition du régime d’association n’est pas politiquement souhaitable. Une telle solution reviendrait à supprimer les avantages dont jouissent des États indépendants et à maintenir ces avantages pour les territoires encore sous tutelle. La manœuvre sera jugée hostile par les pays africains. Les quatre estiment préférable d’adopter une solution provisoire pour résoudre les problèmes d’ordre politique et juridique.
12De leur côté, les États africains ne tardent pas à faire savoir qu’ils souhaitent rester associés à la CEE. En fait, malgré l’influence importante du concept de panafricanisme, les pays associés souhaitent garder leurs relations privilégiées avec la CEE10.
13La convention est ainsi maintenue mais avec quelques modifications pour tenir compte de la nouvelle situation : les États africains présenteront eux-mêmes les demandes de financement au FED ; des rencontres seront organisées avec les représentants des États associés pour discuter des questions d’intérêt commun. Enfin, ces derniers sont libres de choisir les modalités de leur représentation à Bruxelles : déléguer un pays membre de la CEE ou accréditer un ambassadeur.
14Après l’indépendance des pays africains, le problème de la coordination entre politiques bilatérales et politique communautaire devient encore plus urgent et délicat. Cela concerne tout particulièrement la France qui continue à investir des sommes considérables en Afrique subsaharienne11. Paris s’efforce ainsi de contrôler, ou au moins d’influencer, la présentation des projets au FED de la part des pays associés. Paris ne veut pas se retrouver à financer les projets les moins intéressants ou les plus coûteux. Michel Debré souligne la nécessité que les États africains gardent une collaboration étroite avec Paris dans tout ce qui concerne Bruxelles12. En même temps, il faut garder sous contrôle la Commission afin qu’elle ne prenne pas d’initiatives sans avoir d’abord consulté les États membres. Dans une note, Debré écrit :
« S’il n’y a pas prééminence de l’action française dans la distribution de l’aide donnée par la Commission de Bruxelles aux États de la Communauté, nous nous trouvons dans la situation politique déplorable de dépenser beaucoup d’argent sans en avoir le bénéfice, et d’avoir, d’autre part, à Bruxelles, un organisme qui peut suivre une politique tout à fait différente de celle que nous entendons suivre13. »
15D’ailleurs, en 1963, à la suite d’une rencontre entre le commissaire au développement Henri Rocherau et le ministre français de la Coopération, Raymond Triboulet, il est décidé d’instituer un système d’information et de consultation entre les administrations respectives14.
II. L’Afrique sub-saharienne et les accords avec l’europe communautaire
A. La convention de Yaoundé
16Le 20 juillet 1963, les Six et les 18 pays africains associés se retrouvent à Yaoundé, au Cameroun, pour signer la nouvelle convention qui prolongera pour 5 ans le régime d’association. Le principe de la zone de libre-échange, malgré une sérieuse mise en discussion, est maintenu. En même temps, le TEC est baissé sur certains produits tropicaux particulièrement importants, en diminuant ainsi la marge de préférence dont bénéficient les États associés par rapport aux pays tiers. Le FED est augmenté de 581,25 à 730 millions de dollars. De nouvelles formes d’aides sont prévues : les aides à la diversification et à la production qui doivent aider les pays associés à affronter la fin des prix garantis de la zone franc (qui sont supprimés à la suite de l’entrée en vigueur du Marché commun européen).
17Les négociations entre les Six, et entre les Six et les EAMA, ont été difficiles. Les discussions s’étaient tout particulièrement concentrées sur la zone de libre-échange et la coopération financière. Les préférences tarifaires dont bénéficiaient les pays associés suscitaient beaucoup de réticences, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. Par ailleurs, Bonn et La Haye sont hostiles à l’idée de prévoir des aides pour indemniser les pays africains des pertes qu’ils subiront par l’abolition des prix garantis de la zone franc. Ils estiment que la France cherche à se décharger sur l’Europe d’une politique devenue désormais trop coûteuse et non compatible avec les règles du Marché commun. Prévoir des compensations en faveur des États associés pour la suppression des prix garantis de la zone franc reviendrait à admettre une responsabilité communautaire. Celle-ci est jugée économiquement dangereuse, parce qu’elle stimulera la production de cultures non compétitives et déjà très présentes sur les marchés mondiaux. Elle est aussi politiquement inopportune, étant donnée l’origine coloniale de la zone franc. En outre, les cinq estiment qu’une telle responsabilité risque d’être financièrement trop onéreuse pour le budget de la Communauté. Seule la Belgique est disposée à un effort, à condition d’établir des compensations partielles, décroissantes et temporaires. Les autres pays européens sont beaucoup plus intransigeants.
18La définition du montant du FED et sa répartition entre les Six est aussi problématique. Une solution est trouvée seulement quand l’Italie accepte d’augmenter de façon substantielle sa contribution15. Quant aux compensations pour la fin des prix garantis de la zone franc, les cinq finissent par accepter l’institution (temporaire) d’aides à la production et à la diversification.
19De leur côté, les pays africains sont assez déçus du déroulement de ces négociations. Ils craignent de faire les frais de la construction du Marché commun européen : ils n’auront plus droit aux prix garantis de la zone franc sans que des compensations suffisantes soient établies16. Ils demandent, en particulier, de maintenir le régime commercial prévu dans le traité de Rome et d’instituer des garanties de vente pour les produits tropicaux. Ils veulent que les règles de la politique agricole commune (PAC) soient appliquées aux produits africains complémentaires ou concurrents de produits européens et que les taxes nationales sur la consommation des produits tropicaux soient abolies. Mais leurs propositions restent pratiquement sans réponse. En fait, les États africains n’ont aucun moyen de pression sur les Six. Pour augmenter leur poids dans les discussions, ils ont créé l’Organisation africaine et malgache de coopération économique (OAMCE) mais elle ne réunit pas tous les États associés. Des intérêts économiques divergents ou concurrents partagent les pays africains. Donc, sauf pour quelques détails, ceux-ci sont obligés de refuser ou d’accepter les propositions des Six. Les modifier remettrait en cause le compromis, plutôt précaire, trouvé au sein du Conseil des ministres de la CEE17.
20Les pays associés estiment ainsi que le FED ne dispose pas de ressources suffisantes et que les aides à la production ne sont pas assez importantes. Les préférences tarifaires sont mises en cause par les réductions du TEC et l’Allemagne conserve ses contingents traditionnels pour l’importation de bananes du continent américain. Mais, malgré ces défauts, les négociations avec les pays européens et la signature de la convention ont représenté des moments significatifs pour les États africains. Ils ont discuté avec les Six sur un pied d’égalité : dans le préambule de la convention, les signataires ont tenu à manifester leur « volonté mutuelle de coopération sur le plan d’une complète égalité ». Il s’agit là d’une confirmation ultérieure de leur (récente) indépendance. D’autre part, le marché européen s’ouvrira plus largement à leurs produits et ils obtiennent une aide financière consistante. Enfin, l’association à la CEE permet aux États africains de renforcer leurs relations avec les pays européens dans un contexte privilégié. Un tel avantage est encore plus marqué si on considère qu’ils auraient eu très difficilement les capacités diplomatiques pour nouer des liens avec chaque État membre de la Communauté européenne.
21Si on compare les négociations pour la convention de Yaoundé à celles des années 1956-1957, la situation semble ne pas avoir trop changé. La France continue à défendre le principe d’une zone de libre-échange eurafricaine. Elle veut à la fois partager avec les cinq les charges pour le développement de ses anciennes colonies et continuer à garder ces pays sous son influence. Cependant, par rapport à 1957, Paris commence à se montrer sensible aux revendications des pays en développement. Pour de Gaulle, en fait, il est devenu désormais clair que l’association des pays africains à la CEE constitue un problème pour les relations que la France veut établir avec le reste du Tiers Monde. Les préférences accordées aux pays associés sont particulièrement contestées. Cet avantage est justifié au GATT sur la base d’une prochaine construction d’une zone de libre-échange eurafricaine. Cependant, elles sont considérées comme illégitimes par un bon nombre de pays tiers. D’ailleurs, dans la CEE, Bonn et La Haye auraient préféré éliminer les préférences dont bénéficiaient les pays associés et adopter une politique non discriminatoire envers le Tiers Monde.
22Jusqu’en 1961-1962, la France avait fait des préférences tarifaires un élément essentiel du régime d’association. À partir de cette date, Paris se montre moins ferme dans la défense de ce principe. En marge d’une note qui résumait le contenu des déclarations du secrétaire d’État américain à la conférence de Punta del Este (août 1961), de Gaulle écrit :
« M. Foccart, d’une manière générale, je crois que les préférences que nous accordons et que nous faisons accorder par les Six aux États africains ne se justifient pas à la longue. D’autre part, l’avenir de l’Amérique latine et des rapports avec nous sont d’une importance capitale. Nous ne devons pas les sacrifier à une chimère de « fidélité » aux Africains. Inscrire cette affaire à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil des affaires africaines18 ».
23Les préférences tarifaires accordées aux pays associés deviennent ainsi une carte à utiliser lors des négociations pour le renouvellement de l’association. Ces préférences peuvent être réduites en échange d’une diminution des taxes (nationales) sur la consommation et à condition d’indemniser les pays associés pour les pertes qu’ils auraient subies19. Olivier Wormser, directeur des Affaires économiques et financières au Quai d’Orsay, est très clair sur ce point. En mai 1962, s’adressant à la représentation permanente de la France à Bruxelles, il écrit :
« Nous ne devons pas attacher à ces préférences, du point de vue économique, une importance excessive. Mais elles présentent un intérêt du point de vue politique et psychologique et constituent pour nous un atout dans la négociation actuelle et dans celle menée avec les Anglais […] Notre consentement final à une modification en baisse du TEC est évidemment une de nos principales cartes dans la négociation et ne doit pas bien entendu être donné prématurément20 ».
24Un tel changement dans la position française est lié à l’évolution plus générale de la politique étrangère de de Gaulle. Une fois terminée la guerre d’Algérie, le général de Gaulle peut déployer une politique étrangère plus ambitieuse. Les voyages, en Amérique latine ou en Asie, témoignent de la volonté du général de s’adresser aux pays non-alignés, et de mener avec eux une véritable politique de coopération21. Dans ce contexte, les liens privilégiés que la France entretient avec les États africains ne doivent pas constituer un obstacle à l’approfondissement des rapports avec les autres pays du Tiers Monde. La politique de coopération au développement de la CEE peut ainsi être orientée dans une direction moins discriminatoire.
B. Les accords avec le Nigeria et la Communauté est-africaine
25Pendant les années 1960, la CEE élargit progressivement ses relations avec les pays africains. Fin 1963, le Nigeria demande l’ouverture des négociations pour un accord d’association avec la CEE. Il s’agit d’un geste important de la part du deuxième État le plus peuplé du continent africain, qui jusqu’à ce moment a maintenu une attitude négative envers le régime d’association. Le Nigeria précise qu’il ne souhaite pas adhérer à la convention de Yaoundé mais qu’il veut négocier un accord d’association particulier. Le Gouvernement nigérian déclare aussi ne pas vouloir bénéficier des aides au développement. L’accord ne doit inclure que des mesures tarifaires et commerciales.
26La demande nigériane met Paris en difficulté. Par son importance, le Nigeria risque de devenir le leader des pays associés et de modifier le contenu du régime d’association. Pendant les négociations, Paris s’efforce ainsi de réduire la portée de l’accord et surtout d’éviter que celui-ci puisse constituer un modèle alternatif à Yaoundé. Le contexte international a aussi son importance. Il était fortement probable que l’accord provoquerait des contestations au GATT et à la CNUCED. D’autre part, Londres et Washington font savoir au Gouvernement nigérian qu’ils s’opposent à la conclusion d’un accord préférentiel avec la CEE22.
27L’Allemagne fédérale et surtout les Pays-Bas ont des positions complètement différentes, ils veulent profiter de ces négociations pour élargir la politique d’aide au développement de la CEE au reste de l’Afrique.
28Le compromis final, ratifié par l’accord signé en juillet 1965 à Lagos, prévoit une série d’avantages commerciaux et tarifaires. Le Nigeria doit bénéficier d’un régime commercial proche de celui de Yaoundé, à l’exclusion de quatre produits sensibles pour lesquels sont prévus des contingents tarifaires. Le Nigeria, à son tour, devra accorder à la CEE des avantages tarifaires limités.
29Les Pays-Bas et l’Allemagne peuvent ainsi se réjouir de la conclusion d’un accord entre la CEE et un pays africain de langue anglaise. Le Nigeria a réussi à imposer ses priorités, obtenant des avantages tarifaires sans avoir rien cédé sur le fond. D’autre part, aux yeux de Paris, l’accord de Lagos reste assez limité et il ne représente pas une alternative à Yaoundé. Par ailleurs, Paris fait savoir que la ratification de l’accord dépendra du déroulement des discussions avec la Tunisie et le Maroc pour la conclusion d’accords d’association. Par la suite, l’accord de Lagos ne sera pas ratifié et n’entrera pas en vigueur à cause des divergences entre la France et le Nigeria lors de la guerre du Biafra.
30L’exemple du Nigeria est rapidement suivi par trois pays de l’Afrique orientale : le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda, membres de la Communauté est-africaine. Ces pays font savoir à la CEE qu’ils sont intéressés à la conclusion d’un accord d’association limité au plan commercial. Les trois États demandent, en particulier, des préférences tarifaires pour les produits agricoles des zones tempérées (concurrents des produits européens) et le café. En échange, les trois pays proposent des concessions tarifaires, valides toutefois erga omnes.
31Ces propositions sont inacceptables pour la France, puisqu’elles auraient amené à l’institution d’un régime plus favorable que celui de Yaoundé, avec des inconvénients économiques mais aussi politiques pour les États associés. Ces derniers, en fait, doivent se défendre face aux autres États africains d’avoir signé un accord de type néocolonialiste qui partage l’Afrique. Si d’autres États en développement obtenaient des avantages plus importants qu’eux, les EAMA perdraient beaucoup de crédibilité23.
32De son côté, la Commission n’est pas prête à accorder des avantages tarifaires unilatéraux et est inquiète de la multiplication des modèles de conventions. Elle aurait préféré voir adhérer les trois pays à la convention de Yaoundé, hypothèse par contre refusée par ces derniers. Les négociations continuent ainsi jusqu’en 1969 quand l’accord d’Arusha est signé. L’accord prévoit que les trois pays africains éliminent les restrictions quantitatives et les barrières tarifaires sur les exportations de la CEE. En échange, la Communauté accorde un régime similaire à la convention de Yaoundé, mais avec des quotas importants sur le café et d’autres produits agricoles concurrents des exportations des pays associés. L’accord ne prévoit aucun type d’assistance technique ou financière24.
C. La deuxième convention de Yaoundé
33La décision de privilégier Yaoundé par rapport à l’accord d’Arusha est particulièrement importante parce que, à la même époque, sont en cours les négociations pour le renouvellement de la convention d’association. Débutées officiellement en décembre 1968, les négociations se terminent fin juin de l’année suivante.
34Dans ses aspects essentiels, la convention n’est pas modifiée. Cependant, certaines problématiques commencent à émerger de façon évidente. Les discussions menées dans le cadre de la deuxième conférence de la CNUCED à New Delhi (1er février-29 mars 1968) amènent les pays de la CEE à accepter le principe d’un système de préférences généralisées en faveur des pays en développement. Grâce à ce programme, les exportations des pays en développement (jusqu’à un quota prédéterminé et avec certaines importantes exceptions) bénéficieront d’un accès facilité au Marché commun. Mais comment concilier la convention d’association avec le nouveau système en cours d’élaboration ? Selon Bonn et La Haye, la nouvelle convention aurait dû préparer la transition vers un régime dont tous les pays du Tiers Monde auraient bénéficié. La Haye et Bonn continuent à défendre l’idée d’une politique communautaire d’aide au développement basée sur une approche mondialiste. En fait, l’Afrique francophone n’a jamais été une priorité pour les Pays-Bas et la République fédérale allemande, qui ont des relations beaucoup plus importantes avec les pays d’Afrique anglophone, d’Asie ou d’Amérique latine25. La Haye demande ainsi la fin des préférences inverses (les préférences accordées par les États associés aux Six), la diminution du TEC sur les produits tropicaux et une déclaration (à attacher à la convention) de la part des Six qui précisera que le nouvel accord ne sera pas un obstacle à l’entrée en vigueur d’un système de préférences généralisées.
35Aux Pays-Bas s’oppose la France qui est sur des positions très défensives. En 1968-1969, la France traverse une période de transition politique et économique difficile. Dans ce contexte, le Gouvernement français n’est pas disposé à reformer le régime d’association. Sur les préférences tarifaires, Paris est plus rigide qu’en 1962. Il s’oppose fermement à ce que les Six puissent évoquer une possible élimination des préférences inverses. Paris fait valoir qu’elles font partie de la zone de libre-échange eurafricaine et sont économiquement importantes (au moins pour la France). Enfin, elles constituent l’apport des pays africains au régime d’association, ce qui est important pour éviter d’en faire des simples bénéficiaires de l’aide européenne.
36En ce qui concerne le TEC, Paris est disposé « à faire un geste » envers les pays en développement ; cependant, une diminution du TEC est possible seulement sur les produits non concurrents des pays associés et à condition de garder le principe de zone de libre-échange. Quant à la CNUCED, les travaux viennent à peine de commencer et ne doivent pas influencer les négociations avec les pays associés. Si la CEE institue un système de préférences généralisées, celui-ci ne devra pas interférer avec le régime d’association, comme les pays associés eux-mêmes le demandent. Paris ne manque pas de protester contre une certaine attitude de la Communauté « qui, cédant au chantage permanent des pays tiers sous-développés, ainsi qu’à celui du pays le plus industrialisé du monde, paraît se préoccuper davantage des intérêts des pays tiers que de ceux de ses associés de la première heure26 ».
37Entre les Pays-Bas et l’Allemagne, d’un côté, et la France, de l’autre, se trouvent l’Italie, la Belgique et le Luxembourg, qui estiment que la CEE, tout en devant se montrer attentive aux autres régions en développement (en particulier l’Amérique latine), doit garder une relation particulière avec les pays africains associés.
38De leur côté, les États associés souhaitent le maintien des préférences tarifaires, le renforcement des mesures pour favoriser la commercialisation de leurs produits et à des prix rémunérateurs, et l’introduction de mesures spécifiques pour le soutien des prix des produits exportés. Mais leurs demandes restent en grande partie insatisfaites.
39À la conclusion des négociations, il est décidé que le régime commercial continuera à fonctionner sur le principe du libre-échange, tandis que le FED est confirmé à hauteur de 900 millions de dollars. Le TEC sera légèrement abaissé sur certains produits tropicaux particulièrement importants pour les pays d’Amérique latine ou d’Asie. Les aides à la transformation et à la diversification sont éliminées, mais pour répondre à une demande des pays associés, il est prévu qu’en cas de chute grave des prix, la partie du FED réservée à l’aide en cas de circonstances exceptionnelles pourra être utilisée.
Conclusions
40À la fin des années 1960, Paris peut se considérer satisfait. L’association a permis de partager, au moins en partie, les coûts de la mise en valeur des territoires africains, sans que cela amène à une diminution de l’influence française dans la région.
41Grâce à la zone de libre-échange eurafricaine, Paris a maintenu des liens privilégiés avec ses anciennes colonies. En 1967, malgré une certaine diminution, la France était encore le principal pays exportateur dans les États associés et leur principal client. En 1966, la France avait importé 45 % des exportations des pays associés dans la CEE27, et avait exporté 67 % des produits en provenance de la CEE écoulés dans les pays associés28. Les quotas des cinq avaient augmenté mais ils n’étaient pas encore comparables aux parts de marché gardées par les entreprises françaises. Une telle situation aide à comprendre pourquoi Paris attache au principe de la zone de libre-échange et aux préférences inverses une telle importance : celles-ci apportaient de réels bénéfices à l’économie française.
42En ce qui concerne le FED, la France a remporté la plupart des appels d’offres. Les sociétés françaises, implantées depuis longtemps dans les territoires africains, avaient un avantage considérable sur les entreprises concurrentes européennes. À parité de contributions, Paris et Bonn avaient obtenu respectivement, fin 1966, 43,85 % et 9,14 % des appels d’offres29. Bien sûr, cette situation était fortement critiquée. Vers la moitié des années 1960, un accord est conclu entre Paris et Bonn pour inciter les sociétés françaises à s’associer avec les sociétés allemandes de manière à ce que la République fédérale puisse récupérer une plus large partie des fonds investis dans le FED.
43Toutefois, si le rôle de la France reste considérable dans la définition d’une politique communautaire d’aide au développement, les relations eurafricaines ont évolué à la suite de l’indépendance des pays africains d’une part, et de l’affirmation progressive de la Commission dans la gestion des aides communautaires de l’autre.
44Malgré les efforts de Paris pour contrôler, ou au moins coordonner le dialogue entre la Commission et les pays africains, des relations directes s’étaient établies. Les pays africains avaient envoyé leurs ambassadeurs à Bruxelles et s’étaient efforcés de trouver des interlocuteurs dans la Commission, tout particulièrement à la DG VIII30. De son côté, celle-ci, pour mieux gérer le FED, avait recruté un nombre croissant d’experts qui ont été envoyés dans les pays africains. Ces experts dépendaient formellement d’une association indépendante, l’AEC (Association européenne de coopération) mais qui, dans les faits, était gérée par la Commission31. L’AEC permit de développer un réseau de contacts et d’experts indépendant des États membres.
45Le rôle de la France reste donc fondamental dans le cadre communautaire, tout particulièrement pendant les négociations pour le renouvellement de la convention d’association, c’est-à-dire dans ces moments où l’initiative revient principalement aux États.
46En 1970, le Gouvernement français se réjouit de constater que son influence dans les pays associés n’est pas contestée ni mise en discussion par aucun des cinq32. Cette situation est toutefois destinée à changer avec l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE. Au lendemain du sommet de La Haye (décembre 1969) qui aurait ouvert la voie aux négociations avec Londres, le Gouvernement français est conscient que son rôle dans la définition d’une politique communautaire d’aide au développement ne sera plus le même et que l’ensemble eurafricain subira des grands changements33. En effet, l’adhésion britannique à la CEE et la participation de l’Afrique anglophone, des pays des Caraïbes et du Pacifique aux négociations pour le renouvellement de la deuxième convention de Yaoundé modifieront, de manière essentielle, le contenu et les instruments de la politique de coopération communautaire.
Notes de bas de page
1 Yves Montarsolo, L’Eurafrique, contrepoint de l’idée d’Europe, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2010 ; Guia Migani, La France et l’Afrique subsaharienne. Histoire d’une décolonisation entre politique de puissance et idéaux eurafricains, Bruxelles, Peter Lang, 2008, p. 45-66 ; Gérard Bossuat, Marie-Thérèse Bitsch (dir.), L’Europe unie et l’Afrique. De l’idée d’Eurafrique à la convention de Lomé I. Bruxelles, Bruylant, 2005 ; René Girault, « La France entre l’Europe et l’Afrique » in Enrico Serra (dir.) La relance européenne et les traités de Rome. Actes du colloque de Rome, 25-28 mars 1987. Milano, Giuffré, 1989, p. 351-378 ; Pierre Guillen, « L’avenir de l’Union française dans la négociation des traités de Rome », Relations internationales, n° 57, printemps 1989, p. 103-112.
2 Benoît Claveranne, La zone franc. Au-delà de la monnaie, Paris, Economica, 2005 ; René Sandretto (dir.), Zone franc. Du franc CFA à la monnaie unique européenne, Paris, Éd. de l’Épargne, 1994 ; Hubert Gerardin, La zone franc, Paris, L’Harmattan, 1989.
3 Guia Migani, « L’Eurafrique » in Yves Bertoncini, Thierry Chopin et alii (dir.), Dictionnaire critique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2008, p. 159-161 ; Y. Montarsolo, L’Eurafrique…, op. cit. ; G. Bossuat, M.-Th. Bitsch (dir.), L’Europe unie et l’Afrique…, op. cit., p. 9-229 ; Rik Schreurs, « L’Eurafrique dans les négociations du traité de Rome, 1956-1957 », Politique Africaine, n° 49, mars 1993, p. 82-92.
4 Sur les débuts de la Commission et de la DG VIII cf. Robert Lemaignen, L’Europe au berceau. Souvenirs d’un technocrate, Paris, Plon, 1964 ; Michel Dumoulin (dir.), La Commission européenne, 1958-1972. Histoire et mémoires d´une institution, Luxembourg, OPOCE, 2007, p. 391-404 ; Véronique Dimier, « L’institutionnalisation de la Commission européenne (DG Développement). Du rôle des leaders dans la construction d’une administration multinationale, 1958-1975 », Études internationales, n° 3, septembre 2003, p. 401-427 ; Guia Migani, « The Commissioner Robert Lemaignen and the African states : the origins of the European Development Policy (1958-1961) », Historische Mitteilungen der Ranke-Gesellschaf, Band 18, 2005, p. 150-161.
5 Ainsi s’exprimait l’ambassadeur français à Bruxelles : « Certes, ce problème des rapports de la Commission et des autorités locales d’outre-mer n’est pas explicitement réglé par le traité […] Il n’en demeure pas moins évident que la position prise depuis quelque temps par la Commission tend de plus en plus à l’établissement d’un contact direct entre cet exécutif européen et des personnalités d’outre-mer […] Il conviendra, en outre, d’examiner au plus près les intentions de la Commission en ce qui concerne ses “contacts directs” avec les pays de la Communauté française. » Archives du ministère (français) des Affaires étrangères (MAEF), DE-CE, 721. Lettre du Représentant permanent de la France au ministre des Affaires étrangères, 25 octobre 1958. Cf. aussi Véronique Dimier, “The birth of a European diplomatic service : from contrôleurs techniques to the delegates of the Commission in ACP countries”, in Anne Deighton, Gérard Bossuat, Les Communautés européennes, acteurs de la sécurité mondiale. Bilan de cinquante ans de relations extérieures, Paris, Soleb, 2007, p. 114-129.
6 Archives FNSP, Fonds Debré, 2 DE 21, Lettre au ministre des Affaires étrangères, 3 mars 1960.
7 « Il convient ainsi que les États africains présentent leurs projets en accord avec la France, que la Commission s’assure de l’assentiment de la France avant de décider le financement d’un projet même si celui-ci a été présenté au Fonds européen avec son consentement, [et] que les membres et les fonctionnaires de la Commission s’abstiennent de tout commentaire sur les problèmes posés par le fonctionnement du Fonds. Il n’est pas tolérable que la France soit accusée par eux d’entraver le fonctionnement de cet organisme. » Arch. nat., Fonds public Foccart, dossier 2605, compte rendu du conseil restreint du mercredi 29 juin 1960 sur les rapports entre la CEE et les États africains et malgache associés.
8 Sur la décolonisation française en Afrique, entre autres, cf. Frédéric Turpin, De Gaulle, Pompidou et l’Afrique, 1958-1974 : décoloniser et coopérer, Paris, les Indes Savantes, 2010 ; G. Migani, La France et l’Afrique subsaharienne…, op. cit. ; Tony Chafer, The end of empire in French West Africa : France’s successful decolonization ? New York, Berg, 2002 ; Charles-Robert Ageron, Marc Michel (dir.), L’Afrique noire française : l’heure des indépendances, Paris, CNRS, 1992 ; Guy Pervillé, De l’Empire français à la décolonisation, Paris, Hachette supérieur, 1991 ; Jacques Thobie, Gilbert Meynier, Catherine Coquery-Vidrovitch, Charles-Robert Ageron, Histoire de la France coloniale, 1914-1990, Paris, A. Colin, 1990.
9 Le représentant permanent de la France auprès des Communautés européennes s’exprime ouvertement à ce propos : « Il est essentiel que nous puissions proposer et faire accepter aux Institutions de la CEE une solution transitoire et conservatrice qui permettrait à l’évolution des pays de la zone franc de se poursuivre à l’abri des remous que ne manquerait pas de provoquer une révision immédiate du régime d’association. » Archives MAEF, DE-CE, 722. Note de la Représentation permanente de la France à Bruxelles, 3 juin 1960.
10 Archives historiques de l’Union européenne (AHUE), CEAB 02/2035, Synthèse de l’échange de vues qui s’est déroulé lors de la dernière session du Conseil sur le problème de l’association des Pays et territoires d’outre-mer à la CEE, 27 juin 1960. Cf. Guia Migani, « La Communauté économique européenne et la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU : la difficile convergence de deux projets de développement pour le continent africain (1958-1963) », Journal of European Integration History, 2007, n° 1, p. 133-146.
11 Gérard Bossuat, « French development aid and cooperation under de Gaulle » in Contemporary European History (2003-2011), p. 431-456 ; Frédéric Turpin, De Gaulle, Pompidou et l’Afrique…, p. 61-147 ; G. Migani, La France et l’Afrique…, op. cit., p. 147-165 ; Maurice Vaïsse, La grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle, 1958-1969, Paris, Fayard, 1998, p. 480-500.
12 Arch. nat., Fonds public Foccart, 2605, compte rendu du conseil restreint du mercredi 29 juin 1960 sur les rapports entre la CEE et les États africains et malgache associés.
13 Archives FNSP, Fonds Debré, 2 DE29, note sur la politique européenne, 28 juin 1960.
14 « Ces rencontres ont eu lieu alternativement à Bruxelles et à Paris, l’ordre du jour étant fixé à l’initiative de la partie invitante, complété éventuellement par la partie invitée. Leur rythme a été plus ou moins régulier, compte tenu des besoins et des aléas politiques […] Au cours de ces réunions qui se sont tenues au niveau des directeurs ont été étudiés aussi bien des problèmes généraux […] que des projets particuliers. Les résultats n’en ayant pas toujours été satisfaisants, elles ont été complétées, depuis mars 1967, par des réunions de techniciens portant sur un problème spécifique […] S’il est difficile de dresser un bilan il est évident qu’une telle procédure a permis un échange de vues entre les différents services et facilité l’établissement d’une coopération efficace. » Archives MAEF, De-Ce, 803, Bilan de la convention de Yaoundé, note n° 19, janvier 1968.
15 Sur l’Italie, Guia Migani, « L’associazione dei territori d’oltremare francesi durante i negoziati per i trattati di Roma » in Luciano Tosi, Lorella Tosone (a cura di), Gli aiuti allo sviluppo nelle relazioni internazionali del secondo dopoguerra. Esperienze a confronto. Padova, CEDAM, 2006, p. 225-240.
16 « Ces États estiment en effet insuffisante l’aide de la Communauté et redoutent en même temps que la France ne se prévale des termes de la nouvelle convention d’association pour supprimer intégralement les surprix. » Centre des archives économiques et financières (CAEF), Fonds Trésor, dossier B 62.169, note pour le ministre, 12 juillet 1962.
17 Sur les facteurs extérieurs qui ont pesé sur ces négociations (les négociations avec la Grande-Bretagne, la question du Commonwealth, les États-Unis), voir G. Migani, La France et l’Afrique subsaharienne…, op. cit., p. 228-246. Sur les négociations de Yaoundé cf. I. William Zartman, The politics of trade negotiations between Africa and the EEC : the weak confront the strong. Princeton, Princeton Univ. Press, 1971 ; Enzo Grilli, The European Community and the Developing countries, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1993, p. 14-21 ; John Ravenhill, Collective clientelism, Lomé conventions and North-South Relations, New York, Columbia Univ. Press, 1985, p. 47-72.
18 Arch. nat., Fonds privé Foccart, 786, note à l’attention du président de la République, 9 août 1961.
19 G. Migani, La France et l’Afrique subsaharienne…, op. cit., p. 219-246.
20 Arch. nat., Fonds public Foccart, 2612, télégramme pour l’ambassade française à Bruxelles, 28 mai 1962.
21 Cf. aussi M. Vaïsse, La grandeur…, op. cit., p. 501-542 ; Christian Nuenlist, Anna Locher, Garret Martin (dir.), Globalizing de Gaulle. International perspectives on French foreign policies, 1958-1969, Lanham, Rowman & Littlefield Publishers, 2010.
22 Cf. Guia Migani, « Gli Stati Uniti e le relazioni eurafricane da Kennedy a Nixon » in Daniele Caviglia, Antonio Varsori (dir.), Dollari, petrolio e aiuti allo sviluppo. Il confronto Nord-Sud negli anni ’60-70, Milano, Franco Angeli, 2008, p. 59-61.
23 Sur le débat en Afrique autour de la CEE et de la convention de Yaoundé, voir G. Migani, « La Communauté économique européenne et la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU… », op. cit., p. 133-146.
24 Sur les accords de Lagos et d’Arusha, voir Obadiah Mailafia, Europe and Economic Reform in Africa. Structural adjustment and economic diplomacy, New York, Routledge, 1997, p. 51-54.
25 Sur les politiques de développement néerlandaise et allemande, voir respectivement : Esther Helena Arens, “Multilateral Institution-Building and National Interest : Dutch development policy in the 1960s” et Heide-Irene Schmidt, “Pushed to the Front : the Foreign Assistance Policy of the Federal Republic of Germany, 1958-1971”, in Contemporary European History, vol. XII, novembre 2003, p. 457-472 et p. 473-507. Sur la position néerlandaise et allemande par rapport à la politique d’aide au développement de la CEE, voir Anjo G. Harryvan et Jan Van Den Harst, « A bumpy road to Lomé. The Netherlands, Association, and the Yaoundé Treaties, 1956-1969 » et Andreas Wilkens, « L’Allemagne et l’Afrique, 1949-1963 », in G. Bossuat, M.-Th. Bitsch (dir.), L’Europe unie et l’Afrique…, op. cit., p. 319-344 et 287-300.
26 Archives MAEF, DE-CE 804, télégramme 413-20, Bruxelles le 27 mars 1969.
27 Le quota belge était de 26 %, allemand 13 %, italien 12 %, néerlandais 4 %. Archives MAEF, DE-CE, 803, Bilan de la convention de Yaoundé, janvier 1968, note n° 1.
28 Le quota allemand était de 10 %, néerlandais 4,9 %, belge 11,1 %, italien 7 %. Ibid.
29 Paris et Bonn avaient contribué au premier et au deuxième FED avec respectivement 200 et 246,5 millions de dollars, ce qui correspondait aux 34,41 % et 33,7 % du total. Charlotte Bué, « La politique de développement de l’Union européenne : construction et projection de l’Europe par le Sud, 1957-2010 », thèse dirigée par Guillaume Devin (Sciences Po Paris, 2010), annexes thématiques, p. 28.
30 Véronique Dimier, “Constructing Conditionality. The Bureaucratization of EC Development Aid” European Foreign Affairs Review, n° 2 (2006), p. 263-280.
31 Cf. Ouvrir l’Europe sur le monde ; 50 ans du service extérieur de la Commission européenne, Luxembourg OPOCE, 2004. Voir aussi V. Dimier, «The birth of a European diplomatic service…», op. cit., p. 114-129.
32 « La politique africaine de la France au sud du Sahara trouve dans le régime d’association tel qu’il est défini par la convention de Yaoundé et par celle qui doit lui succéder un instrument bien adapté à ses fins […] Nous n’en restons pas moins, du côté européen, l’interlocuteur privilégié de ces États et nous trouvons dans la politique actuelle de l’association le moyen de maintenir et de développer dans des conditions satisfaisantes nos intérêts et notre influence dans la région considérée. » Archives MAEF, DE-CE, 805, note, 5 juin 1970.
33 Ibid.
Auteur
Guia Migani est docteur en histoire de l’université de Florence et de Sciences Po Paris, elle est chercheur post-doc à l’université de Padoue. Elle travaille sur la politique européenne de coopération au développement, les relations eurafricaines, la guerre froide et l’intégration européenne. Son dernier projet de recherche porte sur l’évolution de l’aide européenne entre 1973 et 1986. Spécialiste des relations eurafricaines, elle a notamment publié La France et l’Afrique subsaharienne, 1957-1963. Histoire d’une décolonisation entre idéaux eurafricains et politique de puissance, Bruxelles, Peter Lang, 2008 et « Les accords de Lomé et les relations eurafricaines : du dialogue Nord-Sud aux droits de l’homme » in E. Robin-Hivert, G.-H. Soutou (dir.) L’Afrique dans la mondialisation, Paris, PUPS, 2012. Avec Antonio Varsori, elle a dirigé l’édition de l’ouvrage, Europe in the International Arena during the 1970s, Peter Lang, 2011.
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