Éléments statistiques sur cinquante ans d’aide européenne au développement
p. 7-12
Texte intégral
1Dès 2005, les États membres de l’Union européenne se sont donné pour objectif de consacrer à l’aide au développement 0,7 % de leur RNB, engagement singulièrement fort dans la communauté du développement. L’analyse quantitative de l’aide européenne, à travers cinquante ans de statistiques, permet d’apprécier la contribution des États membres à travers leurs institutions communes1.
L’aide publique au développement est mesurée par le Comité d’aide au développement de l’OCDE
2Définie dans les années 1960, l’aide publique au développement (APD) est mesurée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Créée en 1961, l’OCDE est l’héritière de l’OECE (Organisation européenne de coopération économique), elle-même instituée après la seconde guerre mondiale pour réunir les États-Unis et les pays bénéficiaires du plan Marshall. Ainsi, au départ, certains membres de l’OCDE ont eux-mêmes été des bénéficiaires d’aide. Aujourd’hui, l’organisation constitue un club, au sein duquel les pays industriels débattent des divers aspects de leur gestion publique afin d’y définir de « bonnes pratiques ». L’organisation ne consent pas de financement, l’emploi du terme « développement » visant à souligner une préoccupation alors naissante de la coopération internationale.
3La direction de la coopération au développement assure le secrétariat du Comité d’aide au développement (CAD), qui vise à promouvoir l’expansion de l’aide consentie par les pays membres en direction des pays en développement et à améliorer l’efficacité des ressources allouées. Si les membres fondateurs n’étaient qu’au nombre de neuf (Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, France, Italie, Portugal2, Royaume-Uni et la Commission de la Communauté économique européenne), le CAD compte aujourd’hui vingt-quatre membres (Australie, Canada, Corée, États-Unis, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse, ainsi que les grands pays donateurs de l’Union européenne3, auxquels s’ajoute la représentation de la Commission européenne).
4Le CAD constitue un élément important d’encadrement administratif et politique de l’aide publique au développement. Il procède à un examen régulier entre pairs des systèmes de coopération et de la politique d’aide au développement des pays membres. Il comptabilise les efforts d’aide, formule des recommandations afin d’accroître leur efficacité (« bonnes pratiques » de l’aide, agenda pour la coopération au XXIe siècle, etc.) et en vérifie l’application à l’occasion des examens entre pairs.
5La définition de l’aide publique au développement (APD) est arrêtée en 1969. Elle désigne toute dépense publique assortie des trois caractéristiques suivantes :
s’adresser à un pays en développement (PED) éligible, selon une liste préétablie ;
favoriser le développement économique et l’amélioration des conditions de vie dans le pays concerné ;
comporter un élément de libéralité minimum.
6L’élément de libéralité d’un prêt désigne l’écart entre le montant du prêt (le principal) et les remboursements prévisionnels actualisés (écart exprimé en pourcentage du principal). Un élément de libéralité de 40 % indique donc que le remboursement du prêt équivaut à une valeur actuelle de 60 % du principal. Plus la durée est longue, plus l’échéance du premier remboursement est éloignée, plus le taux d’intérêt est bas, plus la libéralité augmente. Lors du remboursement, l’aide est diminuée à hauteur de l’échéance en principal effectivement acquittée.
7Sont également comptabilisées comme APD l’aide alimentaire et l’aide d’urgence, l’aide aux réfugiés, les remises de dettes, certaines opérations précises de maintien de la paix (remise en état d’infrastructures, acheminement des secours d’urgence, déminage, démobilisation, organisation d’élections, etc.)
8L’aide européenne comporte toutes ces formes d’intervention, et se fait sous forme de subventions distribuées par la Commission et de prêts de la Banque européenne d’investissement.
L’aide au développement se répartit entre le bilatéral et le multilatéral ; l’aide européenne est classée dans l’effort multilatéral
9L’aide peut être consentie soit directement par un État (aide bilatérale), soit par l’intermédiaire d’un organisme international (aide multilatérale). La répartition entre ces deux modes d’acheminement s’est stabilisée depuis 1975 ; depuis cette année, l’aide multilatérale constitue autour de 30 % de l’APD globale de tous les pays de l’OCDE.
10Au sein de l’aide multilatérale, l’aide européenne voit sa part augmenter continûment.
L’évolution en montant de l’aide européenne fait apparaître quelques caractéristiques
11Une croissance soutenue caractérise l’aide européenne, qui résiste même à la crise de l’aide des années 1990 – pendant cette décennie, ce sera la seule aide à connaître une croissance soutenue.
12La répartition géographique fait apparaître une érosion lente de la part de l’Afrique. L’aide à l’Europe diminue avec l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale, au profit de l’Asie.
13La part des pays les moins avancés (PMA) et autres pays à faible revenu (PFR) baisse continûment jusqu’en 2001, puis elle raugmente après l’adoption des « objectifs de développement du millénaire ».
14Au total, l’aide européenne au développement connaît des évolutions en montants qui semblent continues, malgré les diverses évolutions en termes soit de nombre d’États membres, soit d’événements historiques. Cette aide, remarquablement stable, résiste à la concurrence des autres aides multilatérales. Elle progresse continûment à travers ses trois grands moments, les débuts (1957-1975), les élargissements et nouveaux paradigmes de l’aide (1975-1995) et la remise en cause de l’approche européenne du développement (1995-2010). C’est sans doute là une qualité remarquable de l’aide européenne.
Notes de bas de page
1 Bibliographie : “Financing for Development – Annual progress report 2010, Getting back on track to reach the EU 2015 target on ODA spending ?”, Commission Staff Working Document, Brussels, 21 avril 2010, SEC (2010) 420 final ; Organisation de coopération et de développement économiques, 2011 DAC Report On Multilateral Aid, 8 novembre 2011, DCD/DAC (2011) 21 final ; François Pacquement « Bâtir des politiques globales : l’aide au développement, source d’inspiration ? », Afrique contemporaine 2009/3, n° 231 (version anglaise : “Building global policies : development assistance, a source of inspiration ?”, IDGM, Sciences Po-Université d’Auvergne, octobre 2010) ; Julie Walz et Vijaya Ramachandran, Brave New World A Literature Review of Emerging Donors and the Changing Nature of Foreign Assistance, Center for Global Development, Working Paper 273.
2 En 1974, le Portugal s’est retiré du CAD et a demandé à être inscrit sur la liste des pays en développement établie par le CAD ; le Portugal a réintégré le CAD en 1991.
3 Soit 15 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.
Auteur
François Pacquement est chargé de mission réflexion stratégique et histoire à l’AFD. Il a servi l’aide au développement dans plusieurs institutions, notamment au Trésor, aux Affaires étrangères et à la Commission européenne. À l’AFD, il a exercé sur le terrain comme au siège, dans des fonctions tant opérationnelles qu’analytiques ou stratégiques. Chargé d’enseignement à Paris I Sorbonne (UFR sciences politiques), il est l’auteur de publications portant sur l’introduction à l’aide au développement ou sur son histoire, notamment : « Financement international du développement – Repères », Afrique contemporaine 2011/2 (n° 236) ; « Belles histoires de l’aide – introduction thématique au dossier sur l’histoire de l’aide », Afrique contemporaine 2011/2 (n° 236) ; « Le système d’aide au développement de la France et du Royaume-Uni : points de repère sur cinquante ans d’évolutions depuis la décolonisation », Revue internationale de politique de développement, 2010/1 (traduit en anglais) ; « Bâtir des politiques globales : l’aide au développement, source d’inspiration ? », Afrique contemporaine 2009/3 (n° 231) (traduit en anglais) ; Mieux gérer la mondialisation ? L’aide au développement – avec Aurélien Lechevallier et Jennifer Moreau, éditions Ellipses, 2007.
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