Conclusions générales
p. 1327-1354
Texte intégral
1Au terme de ce travail, nous disposons de matériaux de réponse à nos interrogations initiales. En particulier, grâce à notre triple approche de l’État, nous pouvons tenter de résoudre la question centrale posée en ouverture : ces deux décennies ont-elles correspondu à une période marquée par des ruptures majeures quant aux pratiques, aux structures et à la stratégie de l’État, ou bien, de manière plus complexe, ces différentes composantes de la direction de l’économie et des finances ont-elles connu, à des degrés divers, un processus de conversion ?
2Au-delà des éléments de mesure apportés dès le premier chapitre, les trente-quatre suivants permettent d’éclairer le comment et le pourquoi de cette évolution, et notamment d’évaluer jusqu’à quel point elle a été souhaitée, subie, voire contrariée par des groupes définis de décideurs.
Les pratiques : d’une politique de l’offre à une politique de la demande ?
3Si l’on s’en tient à certains discours de l’époque ou analyses postérieures, la période serait marquée en amont par une politique libérale de l’offre — la déflation des années 1932-1935 — et en aval par une politique interventionniste de la demande, en particulier grâce à un vigoureux financement public de l’investissement. Or, on a vu que l’enchaînement des faits s’avère beaucoup moins simple. Le paradoxe apparent de l’impasse de trésorerie souligne que les charges n’ont jamais été aussi lourdes par rapport aux ressources Qu’avant la Guerre, et non après.
4Ainsi, dans les pratiques de politique économique et financière, on a pu constater qu’il s’agit bien plus d’une substitution dans la nature des charges, et surtout d’un infléchissement dans la manière de les équilibrer avec les ressources (existantes et à créer), plutôt qu’un gonflement de leur volume. Ainsi, les charges de la Reconstruction n’interviennent pas sur une tabula rasa libérale. Cette substitution s’opère à travers des étapes multiples, dont la succession n’est pas linéaire.
5L’un des caractères spécifiques de la France sur toute la période, par rapport aux autres pays industrialisés, notamment européens, réside dans l’importance des charges supportées par l’État en comparaison avec ses ressources, soit parce que, dans ces pays, les dépenses supportées aux débuts de la Crise étaient comparativement moindres, ou les recettes supérieures, plus spécialement lors de la Reconstruction (c’est le cas des États qui, comme le Royaume-Uni, connaissent alors une politique d’austérité et d’alourdissement du prélèvement fiscal).
6En France, deux types de charges ont relativement régressé : la guerre et la dette. Les charges militaires pèsent lourdement de 1938 à 1944, du fait du réarmement, puis des « dépenses d’Occupation », mais s’amenuisent ensuite jusqu’aux décisions de 1951. Certains experts, tel Jean Monnet, auraient même en 1946 souhaité les réduire encore. Mutation bénéfique certes, mais qui n’est rendue possible que du fait de l’intégration de la France dans l’OTAN et de l’essor de l’aide financière américaine à des fins militaires (à l’extrême fin de notre période).
7Ainsi, le désengagement de ces charges et le transfert des besoins de la défense à ceux de la modernisation auraient été, de fait, payés du prix de la perte de l’autosuffisance militaire. Est-ce à dire qu’il s’agit là d’un choix délibéré ? Le dilemme ne saurait être posé in abstracto, et il est probable que, même avec une vigoureuse réaction déflationniste sacrifiant tout ou partie des dépenses d’ordre économique, la France n’aurait pu tenir son rang de grande puissance militaire. L’alternative a été explicitement perçue lors de l’accroissement de l’effort d’armement, après le déclenchement des hostilités en Corée : les notes adressées par François Bloch-Lainé à Maurice Petsche en septembre 1950 en témoignent (cf. supra, chapitre XXXV). Dans le contexte du réarmement coréen, la nécessaire poursuite du financement de la croissance implique bien, selon le schéma tracé par le directeur du Trésor et retenu par les gouvernants d’alors, une intégration atlantique renforcée.
8Autre charge qui a régressé et ainsi facilité la substitution bénéfique : la dette publique. Là encore, il faut y voir l’imbrication d’évolutions conjoncturelles, de mutations structurelles et de pratiques délibérées.
9À partir de la fin de 1935, la France connaît une inflation plus ou moins vive, sans solution de continuité jusqu’en 1952 (si ce n’est la stabilisation relative, qui s’étend du début de 1949 à la fin du premier semestre 1950), facteur incomparable d’allégement des charges de la Dette. Il faut y ajouter la politique volontaire du Trésor — inaugurée par Yves Bouthillier en 1940 et poursuivie par Pierre Cathala en 1942 et, dans une moindre mesure, par Aimé Lepercq en 1944 — de conversions faciles, et même abusives, dans une conjoncture de pléthore monétaire et de pénurie économique. L’État y a gagné de transférer une partie des charges des engagements passés vers celles des réalisations de l’avenir. Mais ces pratiques ne sont pas étrangères au « marasme du marché financier », déploré par le Conseil national du Crédit de manière récurrente. Le prix de cette autre substitution a été de rendre plus difficile la mobilisation de l’épargne. Cependant, en fin de période, les gouvernants modérés ont voulu renverser la situation en rendant attractive la politique d’emprunt de l’État, mais au prix d’un alourdissement des charges futures du Trésor : ainsi, Maurice Petsche et son anticonversion de 1949 et surtout Antoine Pinay et son emprunt de 1952.
10Parallèlement, les pratiques relatives à l’établissement des ressources ont subi des infléchissements très nettement perceptibles. Dès 1947, les recettes ordinaires représentent presque 70 % du total des charges de Trésorerie, ce qui représente (de très loin) le meilleur chiffre des quinze années antérieures. Et de 1949 à 1951, ce dernier évolue entre 84 et 88 %. C’est au moment où les recettes budgétaires parviennent à couvrir les dépenses ordinaires, et même une fraction des charges extraordinaires, que l’État consent l’effort maximal pour la modernisation. L’apogée du financement public des investissements (analysé au chapitre XXXIV) correspond à la période (1949-50) où l’impasse représente la part la plus faible (15 ou 16 %) des charges totales de Trésorerie. Cela résulte pour une grande part des efforts en matière fiscale de 1945 et surtout de 1948-1949. Fait notoire, d’ailleurs relevé peu après par l’ambassadeur David Bruce, ce sont des gouvernants radicaux (Henri Queuille, Edgar Faure) ou modérés (Maurice Petsche), qui ont ainsi accru le prélèvement fiscal, bien qu’il fût, en grande partie, supporté par leur base électorale de classes moyennes. Edgar Faure en vient même à dénoncer la démagogie « antiétatique et antifiscaliste » de la campagne lancée par son collègue Édouard Daladier à la fin de 1949. Il est vrai que deux facteurs ont facilité cette conversion.
11Tout d’abord, les observateurs américains, et notamment les tuteurs de l’ECA à Paris, n’ont de cesse en 1948-49 de souligner combien la rigueur fiscale est faible en France, par comparaison avec les autres États de l’OECE. Ensuite, une partie des ressources nettes de la Trésorerie provient précisément des francs Marshall, qui représentent respectivement 13 et 7 % du total des charges de trésorerie en 1949 et 1950. Ainsi, les responsables de l’aide américaine n’ont pas dispensé les autorités françaises d’alourdir les prélèvements fiscaux, même si les sommes attribuées à la France ont allégé d’autant les efforts nationaux.
12De plus, contrairement à ce qui s’écrit souvent, la véritable mutation dans les pratiques est repérable non pas en 1945, mais en 1948. Jusqu’à cette date, le Trésor n’intervient pas dans le financement des investissements des six « secteurs de base » du plan Monnet, dont pourtant trois relèvent d’entreprises nationales (Charbonnages ; EDF-GDF ; SNCF et Air France). En pleine dérive inflationniste, ce sont les crédits bancaires à moyen terme, réescomptables auprès de la Banque de France, qui, non sans réticences (malgré la présence d’établissements bancaires nationalisés) assurent les premiers efforts de financement. « La limite de l’absurde étant atteinte, sinon dépassée » (François Bloch-Lainé), le Trésor devient, seulement en 1948, par le biais du FME, le véritable banquier des activités de base1. Mais cette conversion tardive s’effectue non sans douleur, ni sans l’intervention empressée d’avocats vigilants face à des menaces répétées. Le financement des investissements destinés à atteindre les objectifs du Plan Monnet s’est heurté aux velléités déflationnistes des gouvernants. On a pu le mesurer en 1948, 1950 et 1952 (cf. supra, chapitres XXXI et XXXV). Et l’un des facteurs essentiels qui a permis de préserver la plus grande partie des crédits résulte de l’utilisation de ce qu’on a appelé la logique de l’amont. L’engagement effectif des grands programmes dès 1945-46, avant même avoir obtenu l’assurance de ressources correspondantes, a permis à Jean Monnet et à la Triple Alliance, suivis par le Trésor, de faire valoir en 1948-51 que de renoncer aux travaux permettant d’achever ces programmes coûterait davantage aux finances publiques que de les poursuivre.
13Ainsi, contrairement à l’avant-guerre, où les volontés « reflationnistes » de 1936 ont été découragées par l’insuffisance des ressources financières, la logique économique des priorités du Plan de 1946 s’est en grande partie imposée, entre 1948 et 1952, à une stricte orthodoxie financière. La définition d’objectifs de modernisation et d’équipement peu contestables, avant même d’avoir rassemblé les moyens financiers et institutionnels, a sans doute permis d’inverser la hiérarchie traditionnelle entre logique financière et logique économique, même à l’heure de l’arrivée au pouvoir de gouvernants financièrement orthodoxes, tels Henri Queuille et Maurice Petsche.
14Au cours du rite annuel d’affrontement sur les crédits d’investissements, qu’on a analysé dans le détail, les experts du Plan, de l’Économie nationale et du Trésor en sont venus à formuler une nouvelle orthodoxie caractérisée par un triple ajustement des charges et des ressources : aux recettes ordinaires d’équilibrer des dépenses ordinaires (civiles et militaires) serrées au plus juste ; à un surcroît de fiscalité, la charge de la Reconstruction, tâche de solidarité nationale ; à l’épargnant français et au contribuable ... américain de financer les investissements de l’avenir. C’était assurément réserver à ces dernières charges les modes de financement les plus aléatoires et dépendant en partie de décisions prises au Capitole. La conversion du Trésor n’aurait sans doute pas été rendue possible sans cette manne d’Outre-Atlantique. Mais cette néo-orthodoxie, en ne mêlant pas les genres, a eu le mérite de mettre en regard de l’effort d’investissement quelles ressources étaient mobilisées et de souligner que l’effort fiscal n’a pas été directement utilisé à cette fin. Elle a permis en 1949-50 de préserver l’essentiel des crédits jusqu’au moment où, en 1951, la réduction de l’aide Marshall et l’intensification du réarmement ont quelque peu bouleversé cet équilibre fragile.
15Enfin, si, dans les pratiques des Finances, la politique de l’offre a cédé du terrain, experts et gouvernants ont pu faire l’expérience de mesures destinées, non pas nécessairement à accroître, mais aussi à comprimer la demande. À partir de 1939, et surtout entre 1940 et 1944, l’État s’est engagé dans une politique austère de contrôle des prix, salaires et divers revenus, dont les instruments, bien qu’affaiblis et discrédités à la Libération, ont été en grande partie maintenus dans les années suivantes. Ainsi, comme l’a souvent signalé Pierre Mendès France, une politique de la demande doit changer de signe, selon que la conjoncture est déflationniste ou inflationniste. Et, de ce point de vue, la conversion, dans l’État, à une politique de la demande, s’est effectuée parallèlement au passage, dans l’économie, de la dépression à la pénurie. De 1948 à 1952, la particularité des gouvernants, pressés par les experts, a été de ne pas se rallier à une stricte politique d’ajustement des charges aux ressources certaines, et de résister, au moins partiellement, à leur tentation déflationniste.
Les structures (I) : les services. Innovations ou greffe ?
16Nous avons analysé l’évolution des structures de l’État sous trois de leurs aspects : les services de l’Administration, les responsables et les traits de mentalités qui les caractérisent.
17Les analyses sur les services se sont souvent limitées à la question de savoir si l’Économie nationale avait pu constituer un ensemble de structures aptes à rivaliser avec les Finances. De surcroît, ce souci de renverser la hiérarchie entre services financiers et services économiques a été fréquemment attribué à la gauche socialiste et/ou syndicaliste2.
18L’évolution des années trente aux années cinquante nous est apparue de manière plus complexe.
19Le souci de créer une structure administrative de coordination économique se manifeste dès 1930, sous un gouvernement modéré, qui crée le sous-secrétariat d’État à l’Économie nationale. Il est vrai que sa promotion au rang de ministère date du premier gouvernement de Front populaire. Si le département ne survit pas à la première chute de Léon Blum, plusieurs de ses satellites (Comité national de Surveillance des Prix, Caisse nationale des Marchés de l’État) ou des organismes placés sous sa tutelle (Conseil national économique ; Statistique générale de la France et Institut de Conjoncture) ont joué un rôle durable. Mais la véritable insertion de ces services proprement économiques dans l’État intervient en 1939, et surtout en 1940, lorsqu’à Vichy, le ministre des Finances coiffe désormais une structure dualiste, où les directions financières traditionnelles sont équilibrées par la création de directions économiques, chargées de veiller aux prix, à la répartition, au commerce extérieur. Sur le temps long, c’est d’ailleurs cette formule, inaugurée par Yves Bouthillier, d’intégration de l’Économie par les Finances qui va prévaloir à partir de 1962. Mais, dès 1948, la solution, imaginée par l’équipe Mayer-Gaillard, d’un secrétariat d’État à l’Économie nationale le soumet de fait au ministre des Finances. L’échec du « grand » ministère de l’Économie nationale de Pierre Mendès France a sans doute pesé dans cette subordination ultérieure. Mais d’autres facteurs ont également joué.
20De même, c’est sous le régime de Vichy que l’État se dote de ministères techniques substantiels, et notamment d’un ministère de la Production industrielle, hypertrophié par rapport à l’ancien ministère du Commerce. Certes, cette dernière structure prolonge des pratiques anciennes d’intervention en direction de branches industrielles décisives — telles les mines ou l’industrie électrique — mais elle innove par l’ampleur de ses services et de ses moyens et par la multiplication, dans sa mouvance, d’organismes où cohabitent les experts de l’État et des firmes privées (OCRPI, CO, Sections de Répartition...), inaugurant ainsi l’intégration de l’organisation professionnelle dans l’appareil étatique.
21Cependant, ce ne sont ni l’Économie nationale, ni les ministères techniques (en particulier l’Industrie), qui ont été les maîtres d’oeuvre de l’intervention de l’État pour la Reconstruction et la modernisation d’après guerre. Au mieux, elles en ont assuré l’exécution. Deux structures différentes ont contribué à les en empêcher.
22Tout d’abord, la seule véritable innovation dans le paysage administratif français : le Commissariat général au Plan.
23À la différence du ministère de l’Économie nationale de PMF qui, par une inlassable et vaine bataille institutionnelle, essaie de s’imposer par des textes aux services de la rue de Rivoli, le Commissariat général au Plan, véritable outsider administratif, ne vise pas à concurrencer les structures existantes, mais demeure une construction légère, délibérément souple et située en marge, nantie toutefois de la tutelle unique, et donc de l’autorité de Matignon. Même s’il est devenu un service durable, le Commissariat apparaît fortement tributaire des conditions mêmes de sa genèse et, en particulier, de la personnalité de son fondateur, Jean Monnet. L’homme, qui mêle les expériences cumulées des affaires commerciales et bancaires privées en France et à l’étranger, la responsabilité d’organismes intergouvernementaux pendant et entre les deux guerres, ainsi que la gestion ministérielle à Alger tire parti du (rare) privilège de se trouver au (triple) carrefour stratégique de la définition des objectifs économiques nationaux, de la négociation des moyens financiers internationaux (c’est-à-dire américains) et de la concertation entre partenaires sociaux. À propos de Jean Monnet, tel haut fonctionnaire à la trajectoire fort classique, comme Louis Franck (École Polytechnique, Tabacs, direction des Prix), s’étonne de cette incomparable « virtuosité » en matière de relations publiques. Ce dernier n’a pas tort de signaler que les Mémoires du premier Commissaire au Plan paraissent fort peu prolixes sur les « moyens d’une telle influence » ou sur « les méandres de ces heureuses trajectoires »3. On a vu combien les puissantes relations de Jean Monnet, surtout outre-Atlantique — notamment William Clayton, David Bruce, Dean Acheson ou John Mac Cloy — ont conforté sa position d’intermédiaire obligé au sein de l’appareil d’État français.
24Ce n’est pas le moindre paradoxe que ce soit les responsables de la rue de Martignac qui, en dernier ressort (c’est-à-dire en 1947) se soient subordonné les services économiques issus de l’appareil de répartition de Vichy (soit l’OCRPI), devenus la direction des Programmes, privant ainsi l’Économie nationale de la haute main sur le Plan, que PMF avait cependant réclamée au début de 1944 et qu’André Philip espérait encore au printemps 1946, lorsque le Commissariat au Plan était alors destiné à vivre... six mois !
25Le Commissariat va conserver de ses traits originels — au moins partiellement — une triple caractéristique.
26Ses responsables misent surtout sur son rôle pédagogique et intellectuel d’incitation et de persuasion auprès de l’État, des entrepreneurs ou de l’opinion, en faveur de la modernisation et de la productivité, plutôt que sur des prérogatives officiellement consignées dans des textes. La « salive » (E. Hirsch) apparaît comme son arme principale, bien davantage que l’arsenal législatif ou réglementaire. A sa manière, le CGP a rassuré les entrepreneurs sur le fait qu’une importante demande en matière d’investissements allait se développer, sinon « à perte de vue... », comme le réclamait Auguste Detœuf en 1936, du moins sur une période de moyen terme.
27En second lieu, la rue de Martignac se veut le refuge de la concertation sociale, à travers les commissions de modernisation. Cependant, elle subit elle aussi les retombées de la « plaie ouverte » par la cassure du tripartisme. Le consensus autour de la modernisation aura été, somme toute, limité aux premiers mois de la mise en œuvre du Plan. Et, on l’a vu, les responsables des commissions de modernisation sont davantage issus de l’appareil d’État après le premier Plan. L’ « économie concertée » au début des années cinquante apparaît beaucoup plus comme un idéal que comme une réalité vivante. Plusieurs adhésions patronales ont été suspendues à l’importance du financement public corollaire. « Sans le Plan, on n’aurait pas eu d’argent », confie l’ancien dirigeant d’une importante firme sidérurgique, qui ajoute, en guise de réciproque : « Si la rue de Madrid avait eu de l’argent, elle n’aurait pas accepté le premier Plan »4. De même, les retards dans l’accroissement du pouvoir d’achat salarié et la politique de refus de la CGT et du PCF à partir de la fin de 1947 compromettent pour une grande part l’adhésion ouvrière.
28Enfin, le CGP a contribué au développement de l’information et de l’analyse statistiques, ainsi que de la prévision. Même si l’INSEE naît en 1946 à l’Économie nationale et le SEEF en 1950 aux Finances, leur essor se trouve largement impulsé par le Plan. Et la première tentative — fruste, on l’a vu, mais politiquement et psychologiquement décisive — de comptabilité nationale se développe au sein de la Commission du Bilan, en 1947, sous la conduite de Pierre URI et des responsables de la rue de Martignac, avant de prendre officiellement place aux Finances sous la houlette de Claude Gruson, et grâce à la haute protection de François Bloch-Lainé.
29Lors du premier Plan cependant, on a vu que les ajustements annuels en matière d’investissements s’effectuent selon la logique de l’amont, sans le secours de la Comptabilité nationale, encore en gestation. Les opérations de calcul les plus complexes relèvent alors de la règle de trois, quand il ne s’agit pas de la soustraction. Ce n’est pas le moindre paradoxe que l’un des Plans dont l’impact a été le plus perceptible sur l’économie française ait été celui pour lequel les travaux en matière de calcul aient été les plus sommaires. Inversement, alors même que la planification a contribué, lors des années suivantes, à élaborer des méthodes sophistiquées de calcul macro-économique, son efficacité n’en a pas été nécessairement accrue, bien au contraire.
30Deux facteurs, il est vrai, ont compensé les déficiences de la statistique et de la formalisation économique entre 1948 et 1952 : la grande clarté, voire le caractère simpliste des secteurs prioritaires, renforcé par les compressions de crédits qui ont compromis les velléités de diversification ; et le fait que les grands programmes correspondants relevaient de quelques grandes entreprises, dont un grand nombre étaient nationales de surcroît. On a vu, a contrario, les difficultés et le semi-échec du Plan en matière agricole, où la dispersion est de règle.
31Jamais, ultérieurement, l’influence du Commissariat au Plan ne sera supérieure à celle acquise du temps de Jean Monnet, même sous Pierre Massé5. Il faut préciser qu’il a alors bénéficié d’une triple circonstance favorable. Tout d’abord, le large consensus national sur les priorités des secteurs de base, contestées réellement par aucune grande force sociale, ni par aucun responsable politique. Ensuite, la relative efficacité des moyens d’action de l’État dans une économie largement protégée et disposant encore de certains des instruments dirigistes de l’Occupation. Enfin, l’importance de l’aide financière américaine (notamment en 1949-50), dont la contrepartie en francs est, jusqu’à 1951, presque exclusivement employée à financer les investissements de base du plan. C’est probablement l’un des plus grands mérites du Commissariat au Plan et de Jean Monnet d’avoir ainsi permis d’affecter de manière sélective une manne gratuite qui, si elle avait été saupoudrée indistinctement pour couvrir l’ensemble des charges de trésorerie, aurait été sans nul doute gaspillée à moyen terme. Mais, en retour, cela n’aurait pas été réalisé aussi aisément, si Jean Monnet n’avait été à la fois l’artisan du consensus national comme du consensus atlantique autour du Plan6.
32La seconde structure qui empêche l’Économie nationale et les ministères techniques de dominer la direction de l’économie a été le ministère des Finances lui-même.
33Tout en empêchant l’intrusion de l’Économie nationale dans les affaires financières (notamment extérieures) et en lui retirant, dès 1948, la gestion des diverses participations publiques, les Finances résistent victorieusement à la prétention de la rue de Martignac de diriger le financement des investissements du Plan. Ce n’est donc que tardivement (en 1948), et sous la poussée du Commissariat au Plan, que se greffe sur les services traditionnels de la rue de Rivoli, et notamment du Trésor, un appareil de financement public des investissements du Plan qui, malgré le caractère provisoire énoncé dans les textes fondateurs, s’avère durable. La direction du Trésor assure désormais la gestion du FME (futur FDES), de la Commission des Investissements (futur Comité directeur du FDES) et de ses huit groupes de travail. Innovation majeure et contrepartie de sa victoire, le ministère des Finances instaure la concertation avec les autres ministères au sein de la Commission des Investissements, qui se comporte en véritable Aréopage de la modernisation, sous la poussée de la Triple Alliance (Plan, Économie nationale et ministères techniques), à laquelle le Trésor prête une oreille bienveillante. Dans les groupes de travail, la concertation s’étend même aux dirigeants des entreprises, nationales ou privées.
34Ainsi, l’intervention financière de l’État en faveur de la modernisation apparaît maximale en 1949-50, apogée du financement public, alors que les structures administratives du dirigisme de l’Occupation (Économie nationale, ministères techniques et notamment Industrie) subissent une forte régression d’effectifs et de moyens d’action, non sans d’ailleurs que leurs responsables manifestent quelque amertume, à l’instar de Gaston Cusin.
35La mutation dans l’affectation des charges supportées par l’État s’effectue bien davantage sous le signe de la conversion des services de la vénérable rue de Rivoli, plutôt que par une rupture administrative assurant l’essor de nouvelles structures. Bien plus, les Finances ont amorti et/ou assimilé le développement de ces structures (en acclimatant rue de Rivoli la Comptabilité nationale ou les organes de financement public), affaiblissant ainsi les ministères qui cherchaient à rivaliser avec elles pour la direction de l’économie.
36Ainsi, loin d’être amoindri, le ministère des Finances se trouve conforté dans la hiérarchie administrative, en ajoutant à ses tâches traditionnelles de caissier et de trésorier des administrations les nouvelles fonctions de banquier de la croissance. Et cette conversion s’opère lorsque disparaissent ou régressent sensiblement les structures qui ont assuré, sous l’Occupation, la direction par la répartition des quantités produites et consommées. L’appareil dirigiste financier s’épanouit au moment où le dirigisme économique, du moins à l’intérieur — car le protectionnisme demeure — s’allège de manière significative. Il reste toutefois de l’aventure de l’Économie nationale et de son hypertrophie de 1940-1945, outre l’INSEE (dont le rattachement apparaît formel), la direction des Prix (dont l’action se fonde largement sur la législation de 1945, qui reste en vigueur jusqu’en 1978, et même 1985) et celle des Relations économiques extérieures (DREE), dont le maintien s’explique par les lenteurs de la libération des échanges. Mais leurs responsables respectifs ne professent pas, malgré les critiques adressées, un dirigisme dogmatique. Un signe à cet égard : en 1954, lors du gouvernement Mendès France, Louis Franck « bien que réputé l’animateur de l’administration le plus dirigiste de (notre) pays (...) [ne cache pas] ses préférences pour la solution libérale »7.
Les structures (II) : les hommes. Ruptures individuelles et continuités socioprofessionnelles
37La continuité des structures rend assez largement compte de celle des responsables. Du côté des experts, les ruptures socioprofessionnelles apparaissent en effet fort limitées sur les deux décennies étudiées. La traditionnelle hégémonie des financiers sur les ingénieurs, fondée sur la prestigieuse trilogie (École libre des Sciences politiques, Faculté de Droit, Inspection des Finances), n’a pas été réellement entamée.
38Certes, on a conté la tentative de relève technicienne, conduite en 1936 par Jean Coutrot et Jacques Branger, appuyés sur les réseaux formés autour de X-Crise et soucieux de faire triompher « l’esprit ingénieur » sur l’esprit financier, de tracer des perspectives antidéflationnistes et antimalthusiennes, et d’envisager « l’abaissement du prix de revient national » par le développement de la productivité. Bien qu’ils aient dû leur promotion à la victoire du Front Populaire et aux choix de Charles Spinasse, ils représentent davantage la fraction « planiste » du mouvement technicien (voire patronal), qu’une relève puisée dans le planisme syndical de la CGT.
39Mais leur insertion, limitée et éphémère, dans l’appareil d’État (à l’exception de Jacques Branger, responsable de la Caisse des Marchés de 1936 à 1970, ou encore d’Alfred Sauvy, à la tête de l’Institut de Conjoncture jusqu’en 1945 et son entrée à l’INED) reflète plutôt les défaillances de l’Establishment financier d’alors, que l’ascension d’une relève techniquement armée et administrativement crédible. Malgré des diagnostics et des innovations fécondes (la dernière en date, de la part de Jean Coutrot, a été, en 1941, le Plan comptable), ces ingénieurs apprentis-économistes ne disposaient ni des moyens administratifs, ni des soutiens politiques suffisants pour porter ombrage aux experts traditionnels qui, de surcroît, raffermissent leur prééminence avec le changement du rapport des forces socio-politiques en 1937-38.
40La défaite et l’Occupation en 1940 fournissent les conditions originales d’une première expérience en France de technocratie au sens strict, au cours de laquelle l’élite des experts est promue au rang de gouvernants, débarrassés de surcroît de tout contrôle parlementaire. On a souvent noté l’irruption d’un amalgame d’experts, comprenant des ingénieurs des Grands Corps de l’État (tel Jean Bichelonne), des dirigeants d’entreprises nationales (Jean Berthelot) ou privées (François Lehideux). Mais on a assez peu souvent souligné la présence également de représentants de l’Establishment financier, avec Yves Bouthillier, Jacques Barnaud, Jacques Guerard... Même si les experts « économiques » voient leur place considérablement accrue par la création de structures déjà citées, les experts « financiers » ne perdent pas leur position hégémonique, dans la mesure où le ministère des Finances assure des fonctions élargies et demeure le responsable des ajustements d’ensemble.
41À la Libération, l’analyse des ruptures ou continuités du personnel administratif de la direction économique et financière se présente, on l’a vu, de manière complexe. La continuité aux échelons moyens et subalternes de responsabilité se combine avec quelques évictions, limitées mais symboliques, au plus haut niveau. Manière d’atténuer l’impression, fortement répandue dans l’opinion résistante, que « trois années de collaboration sincère avec l’Occupant ont déconsidéré le haut personnel économique » (Emile Laffon). Les bénéficiaires de ces renouvellements sont les « exceptions », c’est-à-dire les hauts fonctionnaires notoirement résistants, qui tirent ainsi parti d’une prime de non-représentativité de leur milieu socioprofessionnel, à l’exemple du général de Gaulle lui-même. Mais leur entourage social et culturel d’origine, leur formation ou leur carrière ne les distinguent guère de celles des experts défaillants. Si des personnalités nouvelles apparaissent ainsi — et souvent pour longtemps — aux plus hauts postes de l’État, la continuité socioprofessionnelle, elle, n’est guère entamée. La tentative, amorcée par le groupe planiste autour de Gaston Cusin, de concurrencer durablement l’Inspection des Finances par une Inspection de l’Économie nationale — qui puise ses principaux membres parmi les anciens intendants des Affaires économiques de Vichy — fait long feu, parallèlement à la velléité de maintenir les structures dirigistes de l’Occupation et d’articuler répartition de court terme et planification à moyen terme. Privés du contrôle du Plan, et affaiblis par le démantèlement de l’appareil dirigiste, ces inspecteurs sont progressivement réduits dans leur nombre et leurs prérogatives et se trouvent subordonnés de fait aux Finances.
Les structures (III) : la conversion des mentalités. De la vulgate austéro-libérale à la logique expanso-atlantique
42Au début des années trente, l’Establishment financier puise ses principes dans un dogme et une vulgate que nous avons qualifiée d’austéro-libérale. Dans leur pratique financière à l’intérieur, les grands experts se montrent à la fois austères — dans le souci de maintenir l’équilibre des finances publiques par la compression des dépenses et la limitation des prélèvements fiscaux — et libéraux, l’idéal demeurant un État léger pour la Nation. Libéraux également à l’extérieur, ils vantent les bienfaits de la libre convertibilité des monnaies, de la liberté des mouvements de capitaux et de marchandises. Mais la Crise économique incite à des pratiques contraires à ces principes, à travers le développement du protectionnisme bilatéral à l’extérieur, et la multiplication des dépenses en faveur de secteurs, d’entreprises ou de collectivités locales en difficulté. Une minorité d’experts, autour d’Emmanuel Mönick ou de Robert Coulondre, tente d’alerter les gouvernants sur les risques d’enserrer l’économie dans un « étau ». Mais ce groupe austéro-libéral apparaît d’autant plus minoritaire que ses recommandations impliquent la dévaluation, redoutée pour ses retombées sociopolitiques.
43L’irruption d’un groupe d’experts productivistes autour de Charles Spinasse n’exerce qu’une influence limitée à court terme. Et le retour de Paul Reynaud rue de Rivoli en 1938 marque la consécration des principes austéro-libéraux, même si la pratique se trouve en porte à faux, du fait de dépenses accrues, pour le réarmement en particulier.
44L’Occupation entraîne la conversion des experts au dirigisme, l’élite des ingénieurs comme des inspecteurs des Finances s’apprêtant à « organiser l’intérim de la liberté ». Certains, tel Jean Bichelonne, envisageant des formes durables de direction étatique de l’économie, notamment pour la répartition des quantités.
45À la Libération, l’échec du ministère de Pierre Mendès France et les difficultés de l’Économie nationale en 1946 marquent les limites de l’influence du groupe « planiste », s’appuyant à la fois sur une grande construction abstraite, inspirée du Plan de la CGT de 1935, et sur la réutilisation de l’appareil dirigiste de Vichy.
46À partir de 1947-48, s’impose un large groupe expanso-atlantique, impulsé par le Plan et la Triple Alliance, à laquelle s’ajoutent les dirigeants des entreprises nationales des secteurs de base. La logique expanso-atlantique associe un important financement public national et américain, des dépenses d’équipement productif, la stabilisation des dépenses courantes, le renforcement des prélèvements fiscaux, mais aussi le desserrement du dirigisme des prix et des quantités. La direction du Trésor s’y rallie, entraînant ainsi les Finances dans une conversion à une politique de la dépense. Cela, en dépit de quelques réticences austéro-libérales exprimées rue de Rivoli, autour de Guillaume Guindey, hostile à l’emploi de la contrevaleur de l’aide Marshall par souci de rigueur financière (sans parler des quelques fidèles de Pierre Mendès France, tel Gabriel Ardant, adeptes d’une politique d’austérité à la britannique).
47On a signalé l’importance, sur le temps moyen, de l’effet de génération de ces grands experts de 1947-48, qui se définissent par des traits de mentalité commune assez stables. Âgés entre trente et quarante ans, ils ont en partage leur ralliement à la Résistance intérieure ou (surtout) extérieure et vont demeurer longtemps à la tête des grandes directions des ministères, puis des entreprises nationales ou privées (François Bloch-Lainé, Roger Gœtze, Claude Gruson, Guillaume Guindey, Hervé Alphand, Pierre-Paul Schweitzer, Robert Marjolin, Étienne Hirsch, Pierre Uri...). Guillaume Guindey a évoqué l’influence assez exceptionnelle exercée par ce groupe de « copains ». Leurs mentalités ont été davantage marquées par les exemples à ne pas suivre de la part de leurs aînés, comme Jacques Rueff, sorte d’antimodèle pour Claude Gruson, François Bloch-Lainé, ou Pierre-Paul Schweitzer. À la hantise du dirigisme et de la prodigalité de l’État, ils ont substitué celle de la déflation, de la stagnation ou de la « politique d’ajustement » qui, au nom de l’équilibre financier, sacrifie l’expansion économique.
48On ne peut cependant les qualifier de « dirigistes », dans la mesure où ils ont soutenu le démantèlement progressif de l’appareil de direction par les quantités et les prix bâti sous Vichy. Adeptes d’un keynésianisme plus ou moins explicite, ils préconisent l’« intervention compensatrice » de l’État, selon les termes de Robert Marjolin8. Pour la plupart de ces experts, y compris au Plan, l’apogée du financement public de 1949-1950 ne saurait être durable, car il s’explique par des raisons conjoncturelles, et le désengagement de l’État, notamment la « débudgétisation » des investissements, doit intervenir parallèlement à la renaissance du marché financier et au retour à un plus grand équilibre entre offre et demande globales. L’appareil, essentiellement financier (et non économique) de l’État (notamment le FME), ne doit cependant pas alors disparaître, afin de jouer un rôle contra-cyclique, dans l’éventualité d’une future contraction de la demande. Mais la relève des experts s’est largement effectuée de manière endogène. Parmi eux, on ne distingue guère d’intrus par rapport aux profils de carrière classique — que ce soit les inspecteurs des Finances pour l’appareil financier ou les ingénieurs de l’État pour les ministères techniques. Il n’est guère que des experts du Plan, tels Robert Marjolin, Étienne Hirsch ou Pierre Uri — sans parler de Jean Monnet, à la trajectoire comparable à aucune autre — qui n’aient pas suivi les étapes habituelles. Ces derniers possèdent en commun la triple (et rare) ouverture sur l’entreprise, les questions internationales et le dialogue social. Encore avons-nous souligné leur position relativement en marge dans l’appareil d’État.
49Dans l’Administration traditionnelle, la rupture dans les mentalités ne recoupe pas des bouleversements socioprofessionnels. Les experts hissés à la tête des services après la Libération ont en partage avec leurs aînés le milieu social et culturel d’origine, la formation et la carrière. La « distinction » — et ce sont par ces interstices que l’histoire s’insinue — provient du fait que les nouveaux promus constituent ces brillantes « exceptions », par leur ralliement à la Résistance, à l’heure de l’« apparente trahison des élites » (Jacques de Fouchier). S’ils s’inspirent de principes antagonistes par rapport à ceux de leurs aînés, ils sont issus du même sérail, sortes de « porphyrogénètes infidèles » selon l’expression rapportée par François Bloch-Lainé, dont la propre trajectoire jusqu’à la Guerre n’a guère été distincte de celle de Jacques Rueff. Somme toute, des frères ennemis.
50Le caractère endogène de cette relève, associé à l’assimilation de quelques nouveaux venus, peu nombreux, et à la conversion des mentalités, a largement contribué à assurer la pérennité des Grands Corps de l’État, quelque peu atteints par le discrédit touchant les élites après l’Occupation. Ainsi, ont pu être amorties les poussées exogènes — assez confuses, il est vrai — allant dans le sens d’un bouleversement des hiérarchies administratives.
... Au total, une chronologie révisionniste
51Ainsi, se trouve largement révisée une chronologie opposant de manière manichéenne les années noires de l’avant-Guerre ou de la Guerre à la période faste d’après 1945.
52Selon les domaines envisagés, la chronologie diffère.
53Financièrement, le déplacement massif en faveur de l’économie n’intervient qu’en 1948, bien après la Libération.
54Économiquement et techniquement, les grands diagnostics ont été formulés dès les années trente. Aussi bien pour l’organisation administrative (conscience de la nécessité d’un appareil d’informations statistiques dès 1935 et 1938 ; volonté de coordination des interventions en 1935-36), que du côté des grands programmes nécessaires pour desserrer les goulots du complexe énergico-sidérurgique (en 1937). L’élaboration des programmes eux-mêmes date de l’avant-guerre ou de l’Occupation : 1938 et 1941 pour l’énergie électrique ou les Charbonnages, 1941 pour l’électrification de la SNCF. Dès 1944-45, de grands programmes des secteurs de base sont engagés, avant même l’élaboration du Plan Monnet. Les objectifs économiques ont ainsi précédé la mobilisation des moyens financiers. La logique de l’amont a contraint cette fois-ci les finances à suivre l’économie.
55Administrativement, les structures durables s’égrènent de 1936 (Comité national de Surveillance des Prix, Caisse nationale des Marchés de l’État, Office du Blé), 1937 (SNCF), 1938 (Institut de Conjoncture), 1939-41 (Contrôle des prix, des Salaires et du commerce extérieur, lettres d’agrément, appareil de répartition, loi du 23 mars 1941 sur le financement, DGEN...), 1945-46 (nationalisations, INSEE et Commissariat au Plan) à 1948, lorsque se met en place l’appareil de financement public des investissements, et 1950, où s’amorce la Comptabilité nationale.
56Mentalement, les réflexions sur l’expansion, la productivité, les risques d’une politique déflationniste et malthusienne apparaissent dès 1936 chez Jean Coutrot, en 1937 lors de l’Enquête sur la Production ou à Vichy au ministère de la Production industrielle et dans certains grands CO. Et c’est seulement en 1948 que la logique expanso-atlantique, sous la pression de la Triple Alliance, gagne les Finances.
57De tels infléchissements chronologiques ne peuvent s’expliquer par des mouvements internes à l’État, mais nécessitent de les articuler aux évolutions sociopolitiques.
Les ajustements stratégiques intérieurs et les déphasages État-société : un débat peut en masquer un autre...
58On a pu analyser l’existence, lors de ces deux décennies, d’un double mouvement simultané.
59La chronologie des mutations de la direction étatique de l’économie n’apparaît guère linéaire. Elle connaît une évolution relativement chaotique, tributaire pour partie des ébranlements sociopolitiques qui secouent la France, au coeur de grands bouleversements internationaux. Ces mouvements ne sauraient être qualifiés d’« exogènes », ne serait-ce que parce qu’ils influent sur la nature des gouvernements. Ainsi, la poussée à gauche (en 1936 et en 1944) ou à droite (1940), dans des situations d’affrontements sociopolitiques intérieurs, doublés de tensions extérieures, a imprimé sa marque sur la direction de l’économie et des finances. Mais les mouvements analysés à l’intérieur de l’État reflètent ceux issus de l’extérieur de manière déformée, réfractée et souvent retardée, selon des déphasages qu’on a eu souvent l’occasion d’étudier. En particulier, on a signalé les glissements et les chevauchements entre deux débats, à la fois imbriqués et distincts.
60Hors de l’État, dans le débat public, l’affrontement entre libéralisme et dirigisme recoupe assez largement, sur le terrain idéologique, l’antagonisme entre défenseurs et adversaires du capitalisme. D’un point de vue culturel, la dénonciation dans les principes de l’État-Providence assimilé à l’« État-Moloch » équivaut à vanter les mérites des élites et des mécanismes économiques hors de toute intrusion étatique. A l’inverse, l’appel à l’intervention de l’État s’accompagne souvent d’une condamnation des mécanismes libéraux, qu’il convient de tempérer, contrarier ou neutraliser.
61Mais, à l’intérieur de l’Etat, les alternatives ne se manifestent jamais sous cette forme simpliste et portent bien davantage sur les degrés, les formes et modalités d’intervention. Certes, les débats internes ne sont pas sans liens avec ceux qui se déploient à l’extérieur, mais à travers de multiples médiations, et notamment les structures de l’État, déjà évoquées. Il est d’autre part des nécessités de technique financière ou économique qui s’imposent, quels que soient les experts et les gouvernants. Ainsi, on a vu combien pouvait apparaître erronée l’identification sommaire entre gauche socialisante ou socialiste et dirigisme d’une part, libéralisme et forces modérées de l’autre.
62Les groupes du centre et de la droite se réfèrent au modèle libéral, mais, dans les pratiques à l’œuvre depuis 1931, jusqu’à la Guerre, l’interventionnisme économique et financier ne cesse de se renforcer. Et d’une certaine manière, jusqu’à 1936 et même 1939, il existe aussi une sorte de tabou du dirigisme à l’intérieur du mouvement ouvrier. On l’a vu à travers les réticences publiques des dirigeants de la SFIO à l’égard du planisme. Léon Blum subit ce que l’on a appelé la contrainte de Tours ou le complexe d’Ugolin (cf. supra, vol. I), à savoir la pression du modèle révolutionnaire qui, dans le débat public, le conduit à récuser toute perspective gestionnaire antérieure à la Révolution sociale. Ce sont d’ailleurs les éléments les plus modérés dans la SFIO (ou a fortiori dans la CGT), voire révisionnistes par rapport à un révolutionnarisme hégémonique, qui s’investissent le plus dans les réflexions planistes.
63L’évolution des structures et des pratiques de direction économique et financière se trouve ainsi imbriquée, mêlée aux affrontements sociopolitiques. On a, en particulier, souligné la trilogie conflictuelle (salariés ; agriculteurs ; entrepreneurs industriels et commerciaux) que constitue alors la société française. Experts et gouvernants ne peuvent négliger le « tumulte public » des pressions exercées sur l’État. Il en résulte des ajustements stratégiques, pour lesquels on a pu d’ailleurs déceler des déphasages entre ces deux groupes de décideurs. Distinguons les périodes, délimitées par les trois grands ébranlements sociopolitiques intérieurs (1936 ; 1940 ; 1944).
64De 1932 à 1935, on a constaté une assez grande harmonie entre experts et gouvernants (radicaux ou conservateurs), pour mettre en œuvre une politique horizontale de soutien aux entrepreneurs, petits ou grands, aux agriculteurs et aux rentiers, stratégie de compromis radical à l’origine de l’interventionnisme protecteur, qui s’opère au détriment des salariés. C’est l’époque (1934) où un expert célèbre (Louis Germain-Martin) devient gouvernant. Mais les velléités, à partir de 1934, de s’engager dans une véritable politique de l’offre, appuyée sur une déflation brutale, apparaissent en déphasage par rapport à la masse des groupes sociaux qui bénéficient, directement ou indirectement, de l’aide du Trésor. D’où, d’ailleurs, le recours avorté à une Réforme de l’État. Les dépenses qui en ont résulté ont été à la fois insuffisantes pour une relance par la demande et peu compatibles avec les principes libéraux. A cet égard, la « superdéflation » Laval de 1935 y a adjoint encore quelques entorses, par l’intrusion de l’État dans les contrats privés. Au début de 1936, la politique déflationniste, comme l’indique Wilfrid Baumgartner, « a atteint sa limite politique » (supra, vol. I), d’autant qu’elle est identifiée dans une partie de l’opinion aux conditions de sa genèse, à savoir les violences du 6 février.
65Le printemps 1936 coïncide avec une relève doublement exogène : elle résulte de l’arrivée comme gouvernants des opposants politiques à la déflation ; mais surtout elle intervient « à chaud », insérée au vaste mouvement de grèves et d’occupations, qui impose largement le rythme d’application et infléchit le contenu des réformes entreprises. Malgré la tentative de relève technicienne à l’Économie nationale, les experts traditionnels des Finances — en particulier Jacques Rueff et Jean Jardel — maintenus en place et nourris de préceptes austéro-libéraux, ne communient pas dans la politique de la demande « reflationniste » des nouveaux gouvernants socialistes. Ils exercent un rôle actif dans l’amortissement des réformes et le freinage des dépenses civiles, en appelant à la « pause » avant la lettre. Ils contribuent à inciter les gouvernants à opérer le « Luna Park économique », propre à dérouter une partie de leur base sociale et électorale.
66Cependant, une fois levées certaines hypothèques liées aux conditions d’apparition de la politique reflationniste (hypothèques d’un gouvernement Blum, d’un franc surévalué et, surtout, d’un partage capital-travail favorable aux salariés), certaines réformes sont abandonnées (comme les quarante heures en 1938), mais plusieurs innovations techniques de direction économique et financière peuvent être assimilées. Alors, s’explique l’effet de retardement noté pour certaines structures créées en 1936, mais dont le fonctionnement effectif ne se manifeste qu’à partir de 1938, telle la Caisse nationale des Marchés. Cependant, cette assimilation s’effectue à travers une défaite ouvrière, qui brise un (hypothétique) consensus social autour de la reprise, comme en témoignent les réactions à la fin symbolique du « Blumtag ». Et, même après la régression de la part du travail dans le revenu national et la perspective d’une demande quasi « à perte de vue » (A. Detœuf) du fait du réarmement, la relance des investissements se fait attendre. Le primat du sociopolitique l’emporte jusqu’à la fin de 1938 sur les perspectives de reprise, dont les manifestations précèdent de peu le déclenchement de la Guerre.
67Après la défaite de 1940 et l’Armistice, experts et nouveaux gouvernants (parmi eux, on trouve beaucoup d’experts promus) s’accordent pour appliquer des principes austéro-dirigistes de compression de la demande, particulièrement sévères pour les non-vendeurs. Ils batissent un appareil dirigiste inédit et pléthorique de répartition par les prix et les quantités, non sans mimétisme à l’égard des structures de l’Occupant et hors de toute concertation sociale.
68Les salariés subissent les effets d’une double pression (française et allemande), tandis que les entrepreneurs dont les produits ne sont pas favorablement situés par rapport aux courants d’approvisionnement et aux besoins de l’Occupant subissent les malheurs des temps. Sans doute, des innovations de direction de l’économie et des finances répondent aux pressions objectives de la pénurie, mais elles apparaissent déphasées par rapport aux attentes de l’opinion, qui tend à les assimiler aux exigences de l’Occupant qu’elles contribuent à satisfaire, et, de surcroît, se révèlent de plus en plus inefficaces.
69Après 1944, une vague de réformes résulte de la poussée sociopolitique de la Résistance, entraînant la définition d’objectifs économiques et sociaux élevés, avant la mise en place de moyens financiers et de structures administratives appropriées. Selon un effet de retardement déjà noté, ce n’est que lorsque se disloque la coalition de gouvernants qui avaient mis en œuvre les réformes — notamment après la fracture de 1947 — que les experts des Finances, poussés par la Triple Alliance, assument la couverture des charges ainsi accrues. Mais les risques financiers se trouvent alors tempérés par le glissement sociopolitique et par l’ampleur de l’aide américaine. Les innovations de 1945-1946, en particulier le Plan et les entreprises nationalisées, se trouvent alors assimilées par la direction de l’économie, alors que les conditions sociopolitiques de leur genèse et les craintes qu’elles suscitaient ont été dissipées. Et, selon une situation symétrique par rapport à celle de 1936, ce sont des experts convertis qui poussent à une expansion sélective en faveur des secteurs de base, malgré une inflation non sélective, des gouvernants conservateurs ou radicaux tentés par des réflexes déflationnistes.
Forces politiques et direction de l’économie : quelques traits de mentalités de moyenne durée...
70Avant la Guerre, les gouvernants modérés se divisent en deux tendances, d’importance fort inégale. La plupart souscrivent, ainsi que les radicaux, à des principes austéro-protecteurs. Il n’est guère que Paul Reynaud et quelques isolés pour avoir mesuré les risques d’un abandon des principes austéro-libéraux, dont le respect implique toutefois une mesure redoutée, la dévaluation, indispensable au rétablissement de la « symbiose » avec les grandes nations commerçantes. La Guerre et l’Occupation en conduisent une grande part à se rallier à des perspectives austéro-dirigistes, afin de comprimer la demande en ces temps de pénurie et de prélèvements allemands. Affaiblis par la poussée socio-politique de la Résistance, les modérés réapparaissent toutefois à partir de 1948 — notamment Maurice Petsche — et, en compagnie de radicaux comme Henri Queuille ou Edgar Faure, se convertissent aux exigences expanso-atlantiques. Non sans paradoxe (apparent), l’apogée du financement public des investissements intervient en 1949-50, sous la conduite d’un des ministres des Finances les plus conservateurs de la période, Maurice Petsche. On a également signalé l’émergence d’un néo-radicalisme autour de René Mayer et Félix Gaillard, dont l’action a été doublement marquante : pour accélérer le démantèlement (déjà amorcé toutefois) de l’appareil dirigiste hérité de Vichy et opérer la stabilisation financière et monétaire, retardée depuis 1944. Ce groupe va également, sans grand résultat immédiat, tenter d’avancer sur la voie de la libération des échanges.
71À gauche, le parti communiste ne manifeste pas d’attachement à des principes rigides de direction de l’économie, dans la mesure où celle-ci ne peut prévaloir sur les rapports sociopolitiques, considérés par lui comme décisifs. D’où les hésitations, les réticences (en 1935 ou en 1944) et les fluctuations à l’égard du renforcement des moyens d’intervention de l’État, et des « réformes de structures » (comme le plan de Pierre Mendès France ou les nationalisations), appréciées diversement, en fonction de la puissance relative de la « classe ouvrière organisée » et de l’hégémonie communiste en son sein. En période « chaude » — soit de mobilisation ouvrière intense — les communistes visent surtout à accroître le poids de la principale confédération ouvrière dans la direction de l’économie, voire, comme en 1945-1946, à en assumer eux-mêmes une part des responsabilités et à participer au consensus productiviste autour du Plan Monnet. En période « froide » — de reflux ou d’isolement, comme après 1947 — ils mènent surtout une politique de refus, de préservation tribunicienne, et dénoncent l’État-patron. Rappelons d’ailleurs que les communistes ne peuvent être qualifiés sans réserve de « dirigistes », ne serait-ce que du fait de la décision prise en 1945 par l’un des leurs (François Billoux) de rétablir la liberté de création des fonds de commerce — supprimée depuis 1939 — ou de celle, adoptée par Marcel Paul en 1946, d’abolir les Offices professionnels et d’attribuer ainsi, au grand émoi d’André Philip, les pouvoirs de sous-répartition aux syndicats patronaux. En outre, les dirigeants du PCF ont soutenu le plus souvent l’accroissement des dépenses sociales, sans toutefois se désintéresser de l’équilibre financier, sous réserve d’accroître le prélèvement fiscal sur les plus hauts revenus, patrimoines et profits. Le « faire payer les riches » de la campagne de 1936 a été encore prononcé deux générations plus tard. Quant aux relations extérieures, ils manifestent continûment une grande hostilité à l’égard du libéralisme financier ou économique, lui préférant le protectionnisme. Enfin, il faut souligner l’une des caractéristiques stratégiques de longue durée du PCF. Tout en défendant d’abord les salariés de l’industrie, il envisage périodiquement une alliance politique avec une large partie des classes moyennes. Pour le PCF, l’enjeu n’est pas d’abord économique, mais sociopolitique : une fraction de petits entrepreneurs et de paysans, inefficaces économiquement, voire dangereux d’un point de vue monétaire, peut être considérée politiquement indispensable à sa stratégie d’alliance. C’est le cas en 1936-38 ou en 1944-46. Le PCF s’est ainsi opposé à plusieurs reprises au compromis moderniste et réformiste d’une alliance verticale entre les entrepreneurs les plus efficaces et les salariés, aux dépens des petites entreprises et de la plus grande part de la paysannerie. D’où son hostilité radicale à certains projets des planistes ou du mouvement technicien (autour de Jean Coutrot), ou encore ses réticences à l’égard de la politique mendésienne9.
72D’autre part, à partir de l’automne de 1947, la « plaie ouverte » par la Guerre froide entraîne, comme le redoutait Jean Monnet dès juillet, l’engagement des communistes dans une politique, parfois âpre, de double refus : celui d’une austérité de type britannique pour les salariés à l’intérieur et celui du plan Marshall à l’extérieur. Les analyses alarmistes des communistes sur l’aide américaine et la « coca-colonisation » de la France sollicitent grandement les textes et apparaissent erronées sur le terrain économique et financier10. En revanche, elles ont été politiquement efficaces pour contraindre experts et gouvernants à prévenir dans l’opinion le « soupçon d’injonction extérieure » (supra, vol. II), en écartant toute intrusion intempestive et en se montrant fort discrets publiquement sur l’ampleur de l’aide. Et, non sans paradoxe, le PCF a contribué à faire de la France le principal bénéficiaire de l’aide, après le Royaume-Uni. L’importance de l’audience communiste dans l’électorat — estimée à environ 30 % par l’ambassadeur David Bruce en 1950 — fait de la France, selon le Département d’État, le « principal pion de l’URSS » et du Plan Marshall l’ « arme principale de la Guerre froide » (supra, vol. II). La France, du fait qu’elle connaissait le plus fort parti du refus de toute l’OECE, a ainsi disposé d’une aide incomparablement supérieure à son poids économique relatif.
73La SFIO, quant à elle, à travers une grande diversité de nuances, manifeste quelques constantes. En particulier, une prédilection pour accroître les dépenses, tout en répugnant à élever le prélèvement fiscal (en particulier, en 1936-37), ainsi qu’une certaine velléité de libéralisation à l’extérieur. En outre, ce sont certains éléments du courant socialiste qui se montrent les plus ardents (en 1934-36 comme en 1943-44) pour proposer des « réformes de structures ». Ce sont également des experts et des gouvernants socialisants ou socialistes (autour de Gaston Cusin et d’André Philip), qui ont essayé de maintenir le plus durablement des structures de l’appareil dirigiste de Vichy en 1944-46, afin de l’utiliser dans des perspectives planistes. En revanche, on a vu combien, malgré l’illusoire confusion terminologique (délibérément entretenue par Jean Monnet ?), le Plan de la rue de Martignac présentait peu de similitude avec celui de la CGT de 1935. Mais l’hétérogénéité socialiste est apparue surtout lorsqu’au sein même de la SFIO, en particulier autour de Paul Ramadier et de Jules Moch, dès 1947, le ralliement à des mesures de desserrement de l’appareil dirigiste annonce déjà la libéralisation conduite en 1948 par René Mayer et Félix Gaillard. L’une des sources de division provient en partie de l’engagement de certains socialistes en faveur d’un compromis économique moderniste et vertical entre salariés et grands entrepreneurs, alors que d’autres restent fidèles à la traditionnelle alliance politique républicaine entre classe ouvrière et classes moyennes.
74Enfin, la SFIO (et notamment Léon Blum) a été, dès 1946, le courant politique le plus favorable à l’articulation entre réformes sociales et aide financière américaine, dont la cohabitation s’est réalisée non sans tension.
75Dans ce spectre des courants politiques, une place particulière doit être accordée à Pierre Mendès France, dont les orientations de 1943 à 1952 présentent des traits originaux, qu’on peut qualifier d’austéro-dirigistes. Austère sur le terrain monétaire et financier, il condamne le laxisme monétaire au-delà de l’occasion manquée de 1945, et dénonce le caractère inflationniste du déficit budgétaire en période de pénurie. Dès mars 1947, il parle de la nécessité de « choisir » entre les charges et propose de privilégier l’équipement — il estime la réussite du Plan Monnet à seulement 50 % — en comprimant sévèrement la consommation. Et, afin de consolider cette politique d’austérité du côté des prix et des quantités, il propose de maintenir durablement les disciplines de l’appareil dirigiste de Vichy. Pierre Mendès France s’inspire de la politique des travaillistes, conduite par Stafford Cripps, planiste d’avant guerre (surnommé parfois « Sir Austerity »), qui mêle réformes de structures et sévère compression de la demande intérieure. Il salue d’ailleurs, à la fin de 1950, les « fruits de la politique d’austérité en Grande-Bretagne », où le gouvernement renonce, non sans grandeur, à sa part d’aide Marshall pour 195111. Pour Pierre Mendès France, « les pays où le communisme est puissant (...) sont les pays qui ont cédé plus ou moins à l’inflation »12. On pourrait retourner la proposition : la France ne peut s’engager dans une politique d’austérité à la britannique parce que le parti communiste, qui y est influent, en particulier chez les salariés, y est radicalement opposé. D’une manière générale, le projet moderniste et austéro-dirigiste de Pierre Mendès France apparaît doublement en porte à faux avec les spécificités des forces sociales et politiques en France : la présence de multiples petites et moyennes entreprises, relativement préservées par l’inflation latente qu’elles contribuent à entretenir, et l’hégémonie dans la classe ouvrière d’un parti communiste hostile à la fois à une politique d’austérité et à un compromis réformiste vertical entre patronat moderniste et salariés. Au-delà de déterminations personnelles, on peut ainsi interpréter la trajectoire solitaire de ce Cassandre.
Direction de l’économie et ajustement international : affaiblissement et modèle dominant
76La direction étatique de l’économie et des finances ne peut, au cours de ces deux décennies, négliger l’ajustement à la conjoncture internationale. Trois séries de faits ont été mis en évidence.
77Tout d’abord, l’État en France renforce ses moyens d’intervention économique et financière lors de la Crise, de la Guerre et de l’Occupation qui, dans le même temps, accélèrent le double affaiblissement relatif de l’économie française et de l’État français dans le monde. On a vu que dès 1931-33, sur le terrain commercial et monétaire, experts et gouvernants doivent ajuster leurs décisions sur les initiatives prises par les grandes nations commerçantes en matière de dévaluation (Royaume-Uni, États-Unis), ou de contrôle des changes (Allemagne notamment). Et la dépendance financière de la France se manifeste à partir de 1934 — et ne cesse plus jusqu’en 1952, et au-delà — lorsqu’il s’agit d’emprunter auprès de banques néerlandaises, puis britanniques.
78Ensuite, on a noté l’existence d’une discordance française, surtout monétaire, aussi bien dans les années 1931-1936 que 1949-1952. Le franc connaît, par rapport à l’évolution des autres grandes monnaies, une évolution spécifique, marquée à la fois par une dépréciation souvent supérieure, mais pas nécessairement sanctionnée par des dévaluations en proportion, d’où une situation de surévaluation aussi bien en début qu’en fin de période. L’une des conséquences en est le recours à des mesures protectionnistes, en particulier la mise en place du bilatéralisme, qui — malgré les velléités de libération des échanges à partir de 1949, vite abandonnées en 1952 — maintient l’économie française dans une situation de relative fermeture, ce qui rend d’autant plus efficace l’action de l’État. Cette discordance française reflète pour partie une vulnérabilité plus grande à l’inflation, mal prédominant à partir de la fin de 1935, après la brève parenthèse déflationniste. Cette vulnérabilité résulte sans doute du poids relatif de charges trop lourdes pour des prélèvements trop faibles avant la Guerre, phénomène aggravé sous l’Occupation par les ponctions allemandes. D’une manière plus générale, la vulnérabilité française à l’inflation provient notamment de la trilogie conflictuelle de la société française, dans laquelle les salariés d’un côté, et les petits entrepreneurs ou les agriculteurs d’un autre résistent (plus ou moins efficacement selon les moments) aux politiques de compression de la demande et, inversement, font pression pour obtenir, directement ou indirectement, des ressources redistribuées par le Trésor. Leur poids est d’autant plus efficace lorsque le système politique est parlementaire et que s’exerce la liberté syndicale. Entre 1940 et 1944, a contrario, les Finances peuvent mettre en œuvre une politique austère hors de toute pression parlementaire ou syndicale, mais les prélèvements financiers et matériels de l’Occupant se substituent — et bien au-delà — aux sollicitations intérieures. On comprend cependant pourquoi, en 1934, les défenseurs d’une vulgate austéro-libérale ont suspendu toute politique de compression des dépenses à une Réforme de l’État, ajournée dans les faits (si l’on excepte la période 1940-1944) ... jusqu’en 1958.
79Enfin, — et c’est l’aspect que nous avons le plus analysé — experts et gouvernants doivent intégrer, parmi les paramètres retenus pour définir la direction de l’économie et des finances, la stratégie de l’(ou des) économie(s) dominante(s).
80Avant la Guerre, en 1936-1937, Léon Blum escompte — en vain — pour la reprise, une attitude bienveillante de Londres et de Washington en matière monétaire, financière et commerciale. La marge de manœuvre des dirigeants français se trouve en partie réduite par les positions définies outre-Manche et surtout outre-Atlantique. À cet égard, Washington accepte de Daladier-Marchandeau en 1938 une politique du franc faible et même l’instauration d’une « démocratie militante » à travers le contrôle des changes, mesures accueillies avec réticence deux ans plus tôt lors du gouvernement Blum-Auriol, avant la levée de l’hypothèque d’un gouvernement de Front populaire.
81Après la défaite de 1940, gouvernants et experts, quelle que soit la diversité de leurs sentiments profonds à l’égard de cette évolution, situent durablement la direction de l’économie et des finances françaises dans la perspective de la pax germanica future, et de la division allemande du travail qui en résultera. Plusieurs des principaux experts pensent encore à la fin de 1941 œuvrer pour les intérêts de l’économie française en la mettant à l’école allemande, dans la mesure où, à court terme, « la collaboration économique est incluse dans l’armistice » et où, à long terme, « la paix économique se fait dès maintenant, bribe par bribe, par ententes privées » (René Norguet) (cf. supra, vol. I).
82Les experts des Finances comme de la Production industrielle estiment que les intérêts bien compris des deux États convergent, d’où une politique de « dépassement de l’Armistice » (Y. Bouthillier), allant dans le sens d’une « collaboration intelligente et compréhensive » (F. Lehideux) en matière économique et financière (cf. supra., vol. I). Ces choix initiaux impliquent une triple orientation. Tout d’abord, il s’agit de réorganiser durablement les structures économiques et financières de la France dans une Europe cartellisée et dominée par des courants continentaux sous hégémonie allemande. D’où l’idée de construire la paix « bribe par bribe » : les entreprises françaises seront d’autant plus fortes lors de la paix future, qu’elles auront su ménager leur place pendant le conflit par des accords au sein d’ententes avec les firmes allemandes. De surcroît, elles peuvent y gagner des retombées de l’avance technique et économique de l’Allemagne.
83Second effet, il a fallu « imiter en quelque mesure » l’appareil étatique dirigiste de l’Occupant, afin d’y articuler les nouvelles structures étatiques de Vichy.
84Enfin, dans le dialogue suscité entre industriels français et allemands, l’État veut jouer un rôle d’harmonisation et d’avant-garde. En l’absence d’une « négociation d’ensemble qui... eût permis d’obtenir d’utiles concessions allemandes », il faut traiter au coup par coup. Les autorités de Vichy tirent parti du double affaiblissement — politique et économique — de la France pour renforcer l’emprise de l’État sur les entreprises, dont certaines d’ailleurs appellent la puissance publique à leur secours.
85Experts et gouvernants escomptent convertir la dépendance économique et financière de la France en occasion de redressement pour l’avenir. Une telle attente supposait une « collaboration constructive », selon les termes de François Lehideux, laissant place à une négociation entre partenaires. Parallèlement à la stratégie politique plus générale de collaboration d’État, analysée par Henri Michel, Eberhard Jackel, Yves Durand, et surtout Robert Paxton, c’est en 1940-41 avec l’équipe Bouthillier-Lehideux que culminent les avancées en direction d’une collaboration économique et financière.
86Mais les désillusions se multiplient, du fait du déséquilibre originel dans les accords ou « contrats » signés, de la faiblesse des « contreparties », de l’aggravation des exigences unilatérales à partir de 1942 et des difficultés accrues. Avec le retour de Laval, les perspectives ne sont plus celles d’une collaboration, mais d’une tripartition de la production française (entre besoins allemands — civils et militaires — et besoins français) et de son intégration forcée dans l’économie de guerre allemande.
87La contradiction majeure de la direction de l’économie entre 1940 et 1944 provenait de l’espérance d’une rénovation à travers les relations établies avec un vainqueur jugé définitif et prêt à établir un nouveau dialogue lors de la paix prochaine, alors qu’il s’agissait d’un adversaire conduit à accroître ses exigences pour poursuivre un conflit de plus en plus âpre. Cependant, à condition de faire disparaître la « tâche originelle » (G. Cusin), une partie de l’appareil dirigiste de répartition des prix et des quantités pouvait être réutilisée dans d’autres perspectives, afin de faire face aux difficultés de l’heure.
88Le poids économique et financier des États-Unis d’après guerre a été perçu par les experts et gouvernants d’Alger avant même la fin du conflit. Jean Monnet est en 1945 l’un de ceux qui dispose des meilleurs contacts pour connaître la politique économique et financière internationale de Washington et perçoit combien la France a intérêt à manifester « son aptitude à comprendre cette politique » (cf. supra, vol. II), dans la mesure où elle doit solliciter l’aide financière américaine.
89Le Plan joue un rôle essentiel comme « prospectus » (Pierre Dreyfus) afin d’obtenir l’aide indispensable pour financer les investissements nécessaires aux objectifs du Plan. Ce dernier apparaît comme le lieu d’intersection entre le consensus national productiviste réuni par Jean Monnet et le consensus atlantique en formation sur la nécessité d’atteindre la « viabilité » au terme de la Reconstruction. En effet, les perspectives initiales de Washington d’un retour rapide au libéralisme commercial ont dû être différées devant l’ampleur des dégâts européens. Après la fracture de 1947, le Plan est présenté comme la version française des postulats de Harvard, selon lesquels le relèvement économique de la France est jugé, de part et d’autre de l’Atlantique, comme la meilleure arme à moyen terme pour gagner la Guerre froide. Pour Jean Monnet et, à sa suite, les experts et gouvernants français, la dépendance financière inévitable peut être, grâce au Plan, symbole du consensus social et politique de 1946 qui donne un « sens national » à l’effort entrepris, présentée comme la « promesse de l’indépendance future » (cf. supra, vol. II). Au total, la pression exercée par Washington à travers l’aide financière se manifeste de manière fort inégale selon les domaines envisagés. Elle apparaît faible quant à la direction de l’économie et des finances à l’intérieur. Certes, l’attribution de l’aide Marshall coïncide au printemps 1948 avec la levée de la double hypothèque dirigiste — par le démantèlement d’une partie des structures étatiques de répartition — et inflationniste — par la stabilisation Schuman-Mayer. Mais il s’agit là davantage d’une convergence entre Washington et Paris que d’une dépendance de celui-ci à l’égard de celui-là. Même l’approbation de l’affectation de la contrevaleur apparaît comme une « arme fragile » entre les mains de l’ECA. Globalement, un consensus expanso-atlantique réunit les deux États sur la réalisation prioritaire des objectifs du Plan. Avec la Guerre de Corée et la rétraction de l’aide, les divergences s’accusent toutefois, sans infléchir gravement les choix des gouvernants français. En matière de politique commerciale, Washington a dû abandonner les perspectives tracées par William Clayton et le Livre Blanc de 1945 d’un retour rapide au multilatéralisme généralisé ou en 1949 le conte d’Hoffman d’une intégration européenne. Le réalisme apparaît du côté des dirigeants français, qui ont fait admettre le « délai de convalescence », correspondant à la durée du Plan, avant d’atteindre la « viabilité », qui ouvrira la libération des échanges. En matière européenne, ils ont certes été aiguillonnés par l’ECA, sans que toutefois le rythme de construction économique européenne ait été très précipité par rapport aux volontés des gouvernants français, si l’on excepte le plan Schuman, situé relativement à contre-chronologie. Il est un domaine cependant où la pression américaine a fortement infléchi les positions françaises de 1945 : la politique à l’égard de l’Allemagne. Même un responsable aussi bien disposé que William Clayton parle de « revendication illégitime » à propos de la velléité française d’hégémonie industrielle, notamment sidérurgique, en Europe aux dépens de l’Allemagne. Les autorités de Paris ne pouvaient espérer profiter des postulats de Harvard en faveur du relèvement français, sans que ceux-ci ne s’appliquent aussi aux zones occidentales de l’Allemagne. Les documents étudiés ne laissent pas paraître de chantage explicite d’une remise en cause de l’aide Marshall en cas de maintien d’une politique française de fermeté à l’égard de l’Allemagne. Mais les gouvernants français de 1948 — et en particulier Georges Bidault — ont intériorisé par avance la corrélation. Et Jean Monnet a incité dès 1947 à la révision inévitable, en suggérant de convertir l’abandon humiliant en des propositions nouvelles sur la Ruhr dont, à terme, va surgir le Plan Schuman.
90À trois moments différents, experts et gouvernants ont été ainsi incités à s’inspirer de l’économie dominante.
91Avant la guerre, Jean Coutrot a souligné les efforts de normalisation et de productivité de l’Allemagne ou des États-Unis. Pendant la Guerre, le modèle dirigiste et cartellisé allemand a largement inspiré les experts français. Après le conflit, le modèle américain fondé sur les économies d’échelle, la productivité, les marchés concurrentiels — sans parler des méthodes de calcul macro-économique ou des théories keynésiennes introduites par l’OECE — fascine plusieurs experts, notamment au Plan. Mais les lenteurs de relèvement du pouvoir d’achat salarié, la vigueur de la campagne de refus du PC et de la CGT — celle-ci reposant en partie sur celles-là — ainsi que les craintes de nombreux petits entrepreneurs ou agriculteurs de voir disparaître de multiples protections, rendent compte de la relative discrétion des responsables français sur les bienfaits d’outre-Atlantique, malgré l’ampleur de l’aide Marshall (au grand mécontentement de leurs gestionnaires à l’ECA) et des limites des missions de productivité.
Au total, l’État, objet d’une double conversion...
92Sur les deux décennies étudiées, l’État a bien résisté aux ébranlements sociopolitiques de 1936, puis 1944-46. On a constaté la relative continuité des structures, à travers celles des services et des responsables. Les innovations administratives comme la promotion de nouveaux venus ont été somme tout fort limitées, même si elles ont pu être décisives. La continuité administrative — dominée par l’hégémonie confortée des Finances — et socioprofessionnelle — les experts promus après la Guerre sont issus du même sérail que leurs aînés — a été toutefois assurée au prix de la conversion des mentalités et des pratiques. Ainsi, l’Administration traditionnelle des Finances, aiguillonnée il est vrai par la Triple Alliance, a opéré la greffe d’appareils durables de financement public, de comptabilité nationale, de recueil et d’analyses statistiques, de surveillance des prix et du commerce extérieur. La génération des experts d’après guerre, soucieuse de se démarquer de l’antimodèle orthodoxe et animée par la hantise de rééditer les erreurs d’une politique de l’offre, a imprimé sa marque de pionniers d’une politique de la demande, inspirée d’un keynésianisme plus ou moins explicite. Confortés par la stabilité, ils ont après 1948 assez largement imposé leurs vues à des gouvernants tentés par les démons déflationnistes. Mais cette conversion s’est effectuée non sans pragmatisme, plusieurs d’entre eux se ralliant à une politique du « faire-faire » de l’État — plus que du « faire », du fait de l’abandon progressif de l’appareil dirigiste de Vichy — dans l’attente d’un retour à une place plus grande au « laisser-faire »13. Ainsi, s’expliquerait l’apparente contradiction entre les travaux des économistes soulignant les ruptures dans les dépenses postérieures à 1945, et ceux des historiens insistant sur la continuité des services et des responsables.
...l’État, laboratoire d’une double conversion
93Une telle conversion ne fut rien moins que spontanée, et ceci à un double titre.
94D’abord, à l’intérieur, elle apparaît après 1944 en réponse à la poussée sociale et politique de la Résistance et de la Libération. Cette conversion mentale et pratique, en garantissant les continuités administratives et socioprofessionnelles, a permis d’amortir cette poussée et de préserver les hiérarchies traditionnelles dans la société comme dans l’État. Processus qui éclaire la « restauration » de la France après 1944, analysée récemment dans son ambivalence par François Bloch-Lainé et Jean Bouvier14. L’appareil étatique a dérivé la pression exogène de forces sociales et politiques vers des mutations économiques devenues assimilables. Il a ainsi contribué à convertir une poussée sociale en expansion économique.
95D’autre part, cette conversion s’opère sous la pression de l’économie dominante d’après guerre, celle des États-Unis. Les responsables publics ont eu soin, face à l’affaiblissement économique et financier de la France, de convertir une dépendance devenue guère évitable en promesse d’expansion future. A la fois objet et acteur d’une conversion, l’État a ainsi exercé une action décisive pour assurer, à l’aube du second vingtième siècle, le passage de la dépression à la croissance.
Notes de bas de page
1 François Bloch-Lainé, Pierre de Vogue, Le Trésor..., op. cit., p. 32.
2 Cf. notamment Francis-Louis Closon, Jean Filippi, L’économie et ies finances, op. cit., p. 487 et suiv.
3 Louis Franck, 697..., op. cit., p. 314.
4 Entretien avec Henri Malcor (IHTP, 19 janvier 1983), cité dans notre contribution in De Monnet à Massé..., op. cit., p. 143.
5 Cf. De Monnet à Massé, op. cit., et La planification en crises... op. cit.
6 Cf. Michel Margairaz, « Autour des accords Blum-Byrnes... », art. cité.
7 Louis Franck, 697..., op. cit., p. 319.
8 Robert Marjolin, Le travail..., op. cit., p. 125.
9 Cf. Pierre Mendès France et l’économie (sous la dir. de Michel Margairaz), Paris, 1989, p. 335 et suiv.
10 On ne peut les reprendre sans les confronter aux chiffres de l’aide et à son affectation effective, comme tend à le faire Annie Lacroix dans certains de ses derniers travaux.
11 Cité in Michel Margairaz, « Pierre Mendès France... », contrib. citée in Pierre Mendès France et l’économie..., op. cit., p. 351.
12 Pierre Mendès France, Œuvres complètes, t. II, p. 344, cité in ibid.,.
13 Problématique proposée par Jean Bouvier in Pierre Mendès France et le mendésisme..., op. cit., p. 361 et suiv..
14 Cf. François Bloch-Lainé, Jean Bouvier, La France restaurée..., op. cit.
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