Chapitre XXVI. Le semestre noir (I). La levée des hypothèques (juillet-décembre 1947)
p. 915-937
Texte intégral
1L’annonce du futur Plan Marshall semble rendre possible la levée d’une triple hypothèque, qui pèse sur la direction de l’économie et des finances : celle de la balance des paiements en dollars, celle de l’inflation et celle de l’appareil dirigiste. Mais, dans l’attente, nécessairement longue, de la mise en place du système complexe de l’aide, la situation française est critique en ce second semestre de 1947. Et, en retour, l’imbrication, désormais étroite, entre la politique économique et financière intérieure et l’attitude à l’égard de Washington ne contraint-elle pas les gouvernants de lever cette triple hypothèque, afin de bénéficier dans les meilleures conditions de la future aide Marshall ?
I. LES LENTEURS POUR LEVER L’HYPOTHÈQUE DES DOLLARS : LA FRANCE MENDIANTE
2En juillet 1947, la préparation du programme d’aide aux seize États d’Europe par la Conférence de coopération européenne s’annonçait longue, malaisée et incertaine, comme on l’a vu au chapitre précédent. De toute façon, les délais nécessaires pour élaborer le rapport, le faire approuver par l’Administration de Washington, puis par les différentes instances des deux assemblées du Congrès ne laissaient pas espérer une arrivée effective de dollars avant le printemps de l’année 1948. D’ici là, il s’agissait de tenir. Or, la France — ainsi que d’autres États européens, comme l’Italie ou l’Autriche par exemple — se trouve dans une situation dramatique à l’été de 1947, quant à sa balance commerciale et à ses paiements en dollars, ce qui l’incite à solliciter Washington, avant même l’adoption du Plan Marshall.
1. La « situation angoissante » du stock d’or et des devises (août-septembre)
Le gouffre des dollars
3Au début du mois de juin, face à l’éventualité d’importations massives de blé des États-Unis — plus d’un tiers de la récolte de métropole et d’Afrique du Nord — Robert Schuman préfère réduire la ration, plutôt que d’alourdir les achats effectués en dollars. À cette date, précise-t-il, les études prévoient déjà un déficit de 400 millions de dollars1. En effet, la situation de la trésorerie en dollars au 1er juillet paraît alarmante. Les crédits ouverts par l’Ex-Im Bank ou par la BIRD sont presque arrivés à épuisement, les perspectives de ressources à envisager à partir des exportations sont mauvaises, en partie du fait de la hausse des prix intérieurs français. Le programme initial des importations du second semestre était pourtant modeste — quoique fondé sur l’espoir d’un nouveau crédit de 250 millions de dollars de la BIRD — car il devait tenir compte de facteurs défavorables. Tout d’abord, trois difficultés pour les échanges commerciaux : d’une part, l’intégration dans la zone dollar — outre les États-Unis, le Canada et l’Allemagne — de tous les États d’Amérique du Sud, avec lesquels la France avait signé des accords commerciaux, tarit une partie des sources d’approvisionnement, dans la mesure où les comptes se sont trouvés déséquilibrés au cours du premier semestre (c’est le cas avec le Chili, l’Uruguay, le Brésil, l’Argentine). Ensuite, certains États, comme la Norvège et la Suède, prohibent l’entrée de certains produits secondaires. Enfin, la fermeture relative de l’Est européen rend la France encore plus dépendante de la zone dollar. Lors de l’établissement du programme d’importation du second semestre, les responsables français savaient qu’ils pourraient compter sur des expéditions de charbon en provenance des États-Unis beaucoup plus abondantes que pour le programme du premier semestre, dont la réalisation avait été très insuffisante. L’idée originelle consistait à prévoir des crédits très supérieurs à ceux du semestre précédent (112,6 millions de dollars contre 80,6 au premier semestre), afin de combler le retard dans la réalisation du Plan2. Mais, du fait de la mauvaise récolte de blé, i) convenait d’envisager un crédit plus de six fois supérieur pour les importations (125 millions contre vingt millions de dollars, soient 1,250 million de tonnes contre 200 000 tonnes au premier semestre) que, en tout état de cause, il n’était pas question de réduire, la ration ayant déjà été ramenée à 250 grammes. Les objectifs initiaux se limitaient, en fait, au maintien de l’activité atteinte en juillet 1947 (sauf pour les raffineries, qui devraient traiter 3,5 millions de tonnes de brut, contre deux millions au premier semestre) et, pour le ravitaillement, à la ration établie à la même date. Lors du Comité économique interministériel du 9 juillet, il est signalé que « le ministre des Finances a fait connaître la situation angoissante qui résulte pour la France de l’amenuisement de son stock d’or et de ses ressources en devises »3.
4La nécessité de faire face à l’inflation intérieure et aux problèmes de ravitaillement conduit, du fait de l’exiguité des ressources en devises, à réduire les importations de biens d’équipement4. Une semaine plus tard, André Philip signale que malgré, une amélioration globale des exportations (qui couvrent la moitié des importations au premier semestre de 1947, contre seulement trente-sept pour cent pour l’année 1946), la part dirigée vers la zone dollar ne couvre qu’un dixième des achats : « C’est le signe le plus grave d’une évolution qui nous conduit fatalement, dans le délai de quelques mois, à une pénurie totale d’or ou de devises fortes, c’est-à-dire à une asphyxie de notre économie qui tire soixante pour cent de ses importations vitales de la zone dollar »5. Au début de juillet, il est encore affirmé pour le CEI : « Il faudra multiplier nos accords commerciaux dans le même moment avec acharnement et étendre leur champ, créant ainsi des ententes régionales avec les pays dont la puissance économique n’est pas écrasante »6. Mais, à la séance du 17, André Philip constate, avec pessimisme : « Le lent glissement de nos achats dans les pays à monnaie forte vers la zone des pays à accords, ne saurait avant longtemps, en raison de la situation économique mondiale, nous offrir une solution pour sortir de cette situation dramatique »7. Dans ces conditions, l’activité française est unilatéralement subordonnée à ses ressources en dollars. Il est décidé en conséquence, de limiter le programme d’importation à un peu plus d’un milliard de dollars, comme au précédent semestre. Sur ce total, 623 millions avaient été prévus pour les achats dans la zone dollar : mais, comme Robert Schuman juge impossible d’assurer la couverture d’un tel volume d’achats, il est décidé de bloquer les allocations à cinquante pour cent de leur montant initial, sauf pour le blé, le charbon et le bois en provenance d’Allemagne (soit 450 millions de dollars). Ces réductions sont destinées à restreindre les importations aux « approvisionnements strictement indispensables en matières premières et denrées alimentaires ». Et, sur proposition d’André Philip, il est également décidé de limiter « au maximum indispensable la satisfaction des marchés intérieurs, afin d’exporter le plus gros volume possible de marchandises »8. Mais une telle décision se heurte pratiquement aux possibilités effectives d’exporter, et aux tendances des ministres techniques à ne pas trop sacrifier le marché intérieur, dans un contexte de restrictions déjà grandes.
5Quoiqu’il en soit, du fait des bouleversements du commerce mondial et de la reconstruction monétaire acceptée à Bretton Woods, la balance en dollars de la France devenait le principal indicateur de son relèvement et aussi des contraintes pesant sur lui.
La double défaillance, britannique et française
6À la fin du mois d’août, deux informations assombrissent encore la situation, déjà sérieuse.
7Le 20 août, le gouvernement britannique suspend la convertibilité de la livre, décidée quelques semaines plus tôt. A long terme, c’était la fin de la fiction de codirection monétaire internationale anglo-américaine, imaginée à Bretton-Woods : Washington allait désormais assumer seul la tâche, et la défaillance britannique confortait a posteriori le diagnostic formulé dans le discours de Harvard sur l’affaiblissement des États européens. Dans le court terme, cette suspension prive la France d’une ressource d’environ 70 millions de dollars. D’autre part, la BIRD reste dans l’expectative, tant que ne seront pas fixées les grandes lignes du futur Plan Marshall, et le rôle qu’on lui attribuera : pas question d’espérer la seconde tranche de 250 millions de dollars avant la fin de l’année, dans le meilleur des cas9.
8Aussi, le 27 août, le gouvernement français décide-t-il de suspendre tous ses achats, déjà réduits, dans la zone dollar, à l’exception des importations vitales de blé, de charbon, de pétrole et de matières grasses. En revanche, le programme sterling est augmenté. Le lendemain, la ration hebdomadaire de pain est réduite à 200 grammes, niveau jamais atteint depuis 1940. Avant même de connaître les contours du futur Plan Marshall, le gouvernement français décide d’appeler Washington à son secours.
2. La longue marche vers l’aide intérimaire (septembre-décembre 1947)
Le communiqué de Robert Lovett
9À la fin de juillet, lors de la Conférence internationale des Céréales, qui se tient à Paris, Tanguy-Prigent a fourni un mémorandum aux autorités américaines faisant état d’un déficit de 550 000 tonnes pour les mois d’août et septembre. Et le 1er août, les responsables français ont expliqué à William Clayton — alors à Paris pour suivre la Conférence des Seize — que, au cas où l’aide du futur Plan n’interviendrait que vers mars 1948, la crise financière française exigerait de réduire sévèrement les importations, ce qui ne manquerait pas de contrarier la stabilisation financière, et d’entraîner des problèmes sociaux et politiques graves. Jefferson Caffery, parfaitement au fait de la situation financière française, estime que jusqu’au 31 mars 1948, le déficit prévisible de la France avec la zone dollar représente autour de 470 millions de dollars, ou de 350 en cas de dévaluation. Il souligne pour Lovett l’urgence du problème financier français et ses « implications vis-à-vis de la politique extérieure américaine dans cette région »10. A la fin du mois d’août, à la nouvelle que probablement l’URSS allait proposer du blé à la France « à un moment politiquement propice », le Département d’État décide d’« anticiper une telle offre »11. Et, le 3 septembre, Robert Lovett fait un communiqué à la presse, dans lequel il annonce que, si les États-Unis attendent la mise en œuvre du Plan Marshall, « il sera trop tard pour sauver l’Europe ». Il recommande, en conséquence, une session spéciale du Congrès et suggère que l’Ex-IM Bank et la BIRD prolongent l’aide temporaire12. Le surlendemain, Jean Monnet, sur le point de se rendre aux États-Unis, rencontre Vincent Auriol, qui le charge d’y expliquer « la nécessité absolue qu’il y a à (nous) aider de toute urgence »13. Le Commissaire au Plan, partisan quelque temps auparavant de la participation communiste au gouvernement, s’est ravisé, car il pense que cela « (mettrait) en retrait les États-Unis pour le concours qu’ils peuvent (nous) accorder »14.
Jean Monnet conseille une « aide intérimaire »
10Le Commissaire au Plan transmet à Hervé Alphand une série de notes, élaborées le 10 septembre. Il fait état de 230 millions de dollars disponibles pour les achats du second semestre, ce qui équivaut à peine aux ressources nécessaires pour assurer les achats de blé et de charbon jusqu’à la fin de l’année, et implique l’arrêt de tous les autres15. Il envisage successivement trois hypothèses : l’absence d’aide extérieure jusqu’au 1er juillet 1948 ; une aide limitée aux 250 millions de dollars du second prêt de la BIRD ; les 250 millions, auxquels s’ajouterait une « aide intérimaire » des États-Unis. Dans le premier cas, le niveau d’activité serait ramené à la situation de septembre 1945. Dans le second, à celle de mars 1946 (soit soixante-dix pour cent de 1938) ! Il rejette d’avance tout effort nouveau en direction des autres zones monétaires (le maximum ayant déjà été pris en compte, avant le 26 août) et conclut : « La solution ne peut donc se trouver que dans une aide américaine intérimaire, accordée par exemple pour la fin de cette année »16. Il estime, compte tenu des 130 millions de dollars disponibles au Fonds de stabilisation des Changes (105 millions en or ; 25 millions en dollars), que celui-ci risque de cesser ses paiements au cours de la seconde quinzaine d’octobre. Il évalue les besoins nets pour la période allant du 1er novembre 1947 au 1er avril 1948, au cas où les achats d’approvisionnements seraient repris (à l’exception des équipements), à environ 600 millions de dollars. C’est ce chiffre qui est transmis par Paul Ramadier à William Clayton, le 19 septembre17.
Les fonds de tiroir
11Quelques jours plus tard, le président du Conseil et le ministre des Finances rencontrent à Paris John Mac Cloy, toujours dans l’expectative, et John W. Snyder, secrétaire au Trésor, qui s’informe des suggestions françaises pour résoudre le dollar gap. Robert Schuman mentionne le solde du second crédit de l’EX-IM Bank (il ne reste que 200 millions sur les 650 rapportés par Léon Blum, dont une centaine pourrait être employé aux approvisionnements en charbon et en matières premières, si le Conseil de la Banque l’autorisait). En outre, il signale quatre recettes en souffrance : les créances issues des dépenses de troupes américaines en France ; l’or monétaire récupéré en Allemagne ; les trente-trois tonnes d’or de la Banque d’Indochine au Japon ; les avoirs français non déclarés, y compris dans des comptes suisses. John Snyder oppose des objections techniques pour chaque suggestion18. Au même moment, Henri Bonnet s’entretient avec Robert Lovett, qui se montre plus compréhensif, et l’assure de l’aider pour l’or allemand et les dépenses des troupes américaines, mais se montre peu « encourageant » sur l’accord de l’EX-IM Bank et, d’une façon générale, évoque les « difficultés considérables » rencontrées par l’Administration américaine pour satisfaire les besoins européens19. L’ambassadeur à Washington fait remarquer que les retards de la BIRD pourraient avoir pour effet que « le développement et la reconstruction de la France pourraient être compromis quand le Plan Marshall entrerait en vigueur »20. Peu après, Robert Schuman, dans une note à Vincent Auriol, signale la « pénurie aiguë de dollars », et confirme qu’il ne faut pas compter sur la seconde tranche du crédit de la BIRD avant la fin de l’année. Il conseille, comme en avril 1947, de recourir au chantage du faible et d’insister sur « les conséquences économiques, sociales et politiques que comporterait l’arrêt actuel des importations essentielles et que comporterait encore l’arrêt éventuel des importations de blé et de charbon »21. Même au cas (hypothétique) où la France bénéficiait rapidement des différentes recettes en souffrance — représentant un total d’environ 300 millions de dollars — cela ne pouvait guère couvrir les besoins que jusqu’à la fin de l’année. Il fallait donc envisager une aide intérimaire directe, proposée par l’Administration au Congrès22. Georges Bidault se rend pour cela à Washington, où il rencontre Harry Truman, le 2 octobre. Robert Lovett, qui a préparé l’entrevue, précise, dans un mémorandum pour son président, l’inquiétude des membres du gouvernement Ramadier qui redoutent, au cas où l’aide américaine n’arriverait pas dans les prochaines semaines, la chute du gouvernement, et son remplacement par un autre, dans lequel il serait impossible d’exclure les communistes. Le sous-secrétaire d’État annonce que probablement Georges Bidault va employer le chantage du faible, en dépeignant « un sinistre tableau en termes d’alternative entre une aide américaine accrue ou une France communiste »23. Peu après, Alphand, alors à Washington pour débattre du rapport des Seize, et Valensi engagent la négociation avec le Département d’État, qui réclame « une très abondante documentation », afin de pouvoir se justifier devant le Congrès24. Ils s’entretiennent avec Clayton et font part, outre du règlement effectif des différentes créances — pour couvrir le déficit d’ici la fin de 1947 — d’une aide minimale de 360 millions de dollars pour le premier trimestre de 194825.
12Les discussions se déroulent entre experts, parallèlement aux rencontres sur le rapport des Seize et le futur Plan Marshall.
La proposition Truman et le long périple au Capitole
13Le 16 octobre, après son voyage à Washington, Georges Bidault prononce une conférence de presse, dans laquelle il affirme que, lors de la période intérimaire, les besoins essentiels de la France seront satisfaits. Une semaine plus tard, Harry Truman annonce la décision de convoquer le Congrès en session spéciale pour le 17 novembre, et parle d’une aide immédiate de 642 millions de dollars pour la France (à laquelle 357 millions pourraient être attribués) et l’Italie. Cette somme est jugée insuffisante par Henri Bonnet26. Une note du SDECE, destinée à Jean Chauvel, signale que le président des États-Unis a choisi le chiffre d’aide le plus élevé parmi ceux proposés par les experts, afin de pouvoir céder sur un certain nombre de points vis-à-vis du Congrès, dont il paraît assuré qu’il va réduire les chiffres. Cependant, il est précisé : « Le principal argument du président Truman sera que les chiffres proposés sont absolument nécessaires pour combattre le communisme en France »27. À Washington, la question de l’aide intérimaire interfère avec la préparation des débats sur le futur Plan Marshall. Le 11 novembre, Marshall et Lovett présentent un projet de loi d’aide intérimaire pour la France, l’Italie et l’Autriche devant les Commissions des Affaires étrangères des deux assemblées. Au sujet de la France, Lovett indique que, à partir d’un chiffre de 459 millions de dollars (pour les quatre mois allant du 1er décembre au 31 mars 1948), une « étude réaliste » a réduit ce chiffre à 328 millions de dollars. Les responsables français n’ont qu’à se consoler en pensant aux réductions, beaucoup plus fortes, opérées simultanément pour l’Italie (de 575 à 227 millions de dollars) et l’Autriche (de quatre-vingt-cinq à quarante-deux millions)28. Le 12 novembre, l’ambassade américaine remet au Quai d’Orsay un aide-mémoire, dans lequel il est fait état d’une aide intérimaire de 328 millions de dollars. Mais l’utilisation n’en est pas libre : elle doit s’appliquer au financement d’un programme détaillé d’importations (pour la période allant du 1er décembre 1947 au 31 mars 1948), dont la plus grosse part revient au charbon (125 millions de dollars, dont 116 pour le charbon américain et neuf pour celui d’Allemagne) et au blé (111 millions de dollars). Le lendemain, une réunion entre experts se déroule au Quai d’Orsay, conduite par Daniel J. Reagan et Hervé Alphand. Ce dernier fait remarquer que les prévisions du Département d’État sur les paiements commerciaux ne s’écartent pas de celles des services français pour la métropole, mais sont insuffisantes pour la ZFO et les TOM et, surtout, « très inférieures à la réalité » pour les dépenses non commerciales29. Au total, un déficit non couvert de 140 à 150 millions de dollars résulte de la confrontation des chiffres français et américains. La négociation se poursuit donc à un double niveau : entre administrations française et américaine, et entre l’Administration et le Congrès de Washington. Un Comité spécial se constitue peu après pour assurer cette négociation : il se compose de Hervé Alphand pour les Affaires étrangères, Guillaume Guindey pour les Finances, Roger Nathan pour l’Économie nationale et Michel Denis pour le Commissariat général au Plan. L’inquiétude des services français est accrue par le fait qu’une proposition nouvelle est lancée à la fin de novembre : l’attribution d’une aide de soixante millions de dollars à Tchang Kaï Tchek, fermement soutenu par la plupart des chefs républicains, alors que le général Marshall se montre beaucoup plus réservé à son égard, depuis sa mission en Chine30. Cependant, le 27 novembre, le Sénat — l’assemblée la plus acquise à la politique du Département d’État — rejette (par cinquante-six voix contre trente) la proposition, formulée par huit sénateurs républicains, de réduire le montant de l’aide intérimaire proposée31.
14Au même moment, la situation financière française apparaît dramatique. Les délais nécessaires aux débats du Congrès (prévus sur trois semaines) et l’insuffisance du montant proposé conduisent les autorités françaises à réclamer cent millions de dollars supplémentaires et la possibilité d’utiliser les fonds de manière rétroactive pour les contrats du début décembre32. D’autre part, la crise gouvernementale et la vague de grèves, parfois violentes, conduites par la CGT, rendent encore plus critique la fin de cette année. À la nouvelle de la constitution du gouvernement Schuman, le 22 novembre, la réaction des milieux gouvernementaux et politiques américains est nettement favorable, en particulier celle de John W. Snyder au Trésor, jusque là plutôt réservé — on l’a vu — sur l’aide 33Désormais, l’adoption de la loi est proche. Les autorités françaises attendent, à la fois avec impatience et quelque inquiétude, les décisions du Congrès sur deux aspects : le montant de l’aide, et les conditions d’utilisation.
Le montant : une bouffée d’oxygène
15Le projet de loi sur l’aide à l’étranger poursuit son parcours au Capitole. Le 2 décembre, le texte est voté par le Sénat. Puis, commence l’examen de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants. Or, la Chambre basse est, davantage que le Sénat, animée d’un double souci (que l’on retrouvera à propos de l’aide Marshall elle-même) : d’abord, réduire le montant de la part d’aide à l’Europe, et dégager soixante millions de dollars pour la Chine ; ensuite, amender le projet de loi, de telle sorte que le contrôle américain sur l’utilisation des fonds soit très strictement assuré. Sur le premier aspect, l’intervention des Représentants conduit effectivement à diminuer le chiffre initial proposé par l’Administration — et maintenu par le Sénat — de soixante-quinze millions de dollars. Lors du vote définitif de la loi, le 15 décembre 1947, l’aide intérimaire totale se monte à 522 millions, sur lesquels la France se voit attribuer 284 millions de dollars (soit quarante-quatre millions de moins que dans le projet de l’Administration ; et soixante-treize millions, par rapport au premier chiffre lancé par Harry Truman), contre 181 millions à l’Italie et cinquante-sept à l’Autriche. Le gouvernement français a informé les autorités américaines qu’il resterait un déficit non couvert jusqu’au 31 mars 1948 d’environ 143 millions de dollars. Une estimation, même plus serrée, effectuée par Ivan B. White — à la direction des Affaires européennes — fait état d’un déficit résiduel de soixante-dix à soixante-quinze millions34. Quoi qu’il en soit, la France ne peut pas attendre le vote de la loi et, a fortiori, la conclusion de l’accord bilatéral. Le 13 décembre, Bernard de Margerie, adjoint de Guillaume Guindey, annonce à Caffery que, si l’aide intérimaire n’est pas disponible avant le 20 décembre, la situation sera critique35. Le lendemain, le gouvernement Schuman bénéficie d’une avance de 150 millions de dollars, et peut ainsi procéder à des achats de pétrole et de charbon avant la signature de l’accord bilatéral. Et il lui faut bientôt solliciter une somme supplémentaire : le 29 mars 1948, il reçoit vingt-huit millions de dollars afin d’assurer la soudure avec le Plan Marshall.
Des conditions « inacceptables » ?
16Pour les conditions assortissant l’attribution de l’aide, il convient de distinguer deux étapes : le vote de la loi américaine par le Congrès, puis la conclusion d’un accord bilatéral entre Paris et Washington.
17Pour la première étape, la Commission des Affaires étrangères de la Chambre aggrave les conditions d’attribution de l’aide, par rapport au texte de l’Administration, dans un sens jugé « inacceptable » par le Quai d’Orsay36. Il s’agit surtout de la section six, où il est question de la possibilité pour le Président de mettre fin à l’aide. On sait, grâce aux télégrammes de Henri Bonnet, que certains Représentants ont tenté, en vain, d’y faire insérer certaines allusions aux gouvernements et administrations à participation communiste37. D’autres clauses, contenues dans la section cinq, comportent des manifestations virtuelles d’ingérence. Les services français insistent surtout sur trois d’entre elles (les paragraphes f, h et i) :
- Le paragraphe f prévoit la faculté pour les administrateurs de l’aide intérimaire « de contrôler les méthodes de production, de collecte et de distribution de certains produits essentiels tels que le charbon et le blé. On pourrait aisément en conclure que l’ONIC, par exemple, perdrait toute la liberté d’action » ;
- « Le paragraphe h nous interdirait de négocier avec l’étranger des cessions de produits de même nature » ;
- Le paragraphe i donne la possibilité aux représentants du gouvernement des États-Unis, y compris les Comités du Congrès, d’« observer » la distribution des produits et de « donner leur avis » à son sujet38.
18Robert Schuman et René Mayer ont fait état auprès de Foster Dulles — conseiller spécial du général Marshall — des « inconvénients » de cette rédaction. Ce dernier en est convenu, et est intervenu par téléphone auprès des chefs du parti républicain à Washington39. Parallèlement, Marshall et Dulles envoient, de Londres, un télégramme à Lovett, afin qu’il intervienne auprès du sénateur Vandenberg et lui signale les « inquiétudes » du gouvernement français, particulièrement à cause des dispositions assurant à un comité du Congrès le droit de superviser, en France, la production des denrées similaires à celles procurées par l’aide, ou encore celles offrant aux Américains la faculté d’utiliser l’équivalent en francs des marchandises fournies. Selon le secrétaire d’État, ces deux clauses, si elles étaient appliquées, « confirmeraient la thèse que les États-Unis tentent de réduire la France au statut d’une colonie américaine »40. Quelques jours plus tard, Lovett reconnaît auprès de Henri Bonnet les « défauts » du projet de loi, mais affirme ne plus pouvoir intervenir. L’ambassadeur, faisant allusion à la fin des grèves en France, souligne « ... le paradoxe qu’il y aurait, au lendemain du succès que venait de remporter le gouvernement français, et qui était tellement apprécié ici, à lui marquer un manque total de confiance et à lui causer les plus graves embarras »41. Au total, dans la loi du 16 décembre 1947 sur l’aide à l’étranger, l’allusion à la présence des communistes a disparu — suite à l’intervention de l’Administration — mais les trois points de la section cinq ont été maintenus42.
La contrainte de l’opinion : prévenir le « soupçon d’injonction extérieure »
19La seconde étape était la rédaction d’un accord bilatéral entre la France et les États-Unis.
20Un premier projet américain, envoyé le 15 décembre 1947, comprend également trois articles, qui risquent de causer des « embarras » au Gouvernement, car ils comportent des obligations pour la conduite intérieure de l’économie française :
- L’article 2 fait référence à la nécessité pour le gouvernement français de prendre les mesures « propres à accroître son aptitude à mettre son économie nationale à même de s’équilibrer ».
- L’article 5 (paragraphe 2) reprend le texte du projet de loi sur la possibilité pour les représentants du Gouvernement américain d’« observer » la distribution des produits et de « donner (leur) avis ».
- L’article 6 oblige le gouvernement français à une « publicité complète et continue par tous les moyens »43. Le gouvernement propose alors, le 24 décembre, une solution, qui consiste à retirer ces articles de l’accord, et à les réintroduire dans un échange de lettres, ce qui leur épargnerait une publication, et donnerait l’impression qu’il s’agit d’une libre acceptation française. La veille, il a été précisé, à l’adresse de Henri Bonnet que « la présentation serait infiniment meilleure aux yeux du public français »44. À propos du premier point, il est recommandé : « Il faut éviter de laisser croire que toutes les dispositions qu’à l’avenir nous sommes décidés à prendre pour rétablir notre économie et qui, nécessairement, seront souvent impopulaires, sont le résultat d’une pression américaine »45. Puis, Georges Bidault demande à Henri Bonnet de confirmer la proposition française — qui recueille l’approbation de René Mayer, de Robert Schuman et de Vincent Auriol — auprès du général Marshall : « Le secrétaire d’État doit comprendre qu’un effort maximal doit être fait pour rendre acceptable par les Français les modalités d’application exigées par le Congrès »46. Du côté américain, on n’est pas insensible à l’argument. Jefferson Caffery, sous réserve que la solution proposée ne contredise pas le texte de la loi, reconnaît que cela pourrait aider « ... à couper l’herbe sous le pied des éléments hostiles aux Etats-Unis et au gouvernement Schuman »47. Trois jours plus tard, il reçoit Georges Bidault, qui justifie l’idée d’une lettre au gouvernement français, reprenant en substance les articles incriminés et s’engageant de sa propre part, « sans qu’aucun soupçon d’injonction extérieure ne puisse être invoqué »48. Le ministre français ajoute qu’il est en accord avec les objectifs du projet, mais pas avec les modalités d’exécution. Il précise pour l’ambassadeur américain : « Je le signerai presque certainement, mais ce peut être le dernier acte officiel de ma carrière. Je ne suis pas préoccupé de ce que feront ou diront les communistes, mais je suis préoccupé par des attaques possibles d’amis de de Gaulle et d’autres éléments très nationalistes »49. Cependant, l’Administration américaine repousse la solution proposée, le Congrès refusant de dissocier les obligations générales de l’aide et celles portant directement sur l’économie française. Le 30 décembre, les deux gouvernements se mettent finalement d’accord sur une proposition de Washington : un texte très bref, faisant allusion à la loi américaine, ce qui évite d’en répéter les clauses « dont la publication risque de heurter l’opinion française »50. Une annexe est jointe à l’accord, dont la première section importe particulièrement, puisqu’elle intéresse l’« équivalent en monnaie française » des dollars donnés à la France, ce que l’on va nommer bientôt la « contre-valeur ». L’accord est officiellement signé, le 2 janvier 1948, par Caffery et Bidault qui, après avoir obtenu l’avis du Conseil d’État, décide de ne pas le soumettre à la ratification parlementaire, afin d’éviter un débat public.
II. LA LEVÉE DE L’HYPOTHÈQUE INFLATIONNISTE ET DIRIGISTE
1. Jean Monnet et la Commission du Bilan national
21Au début de septembre, Jean Monnet contacte Robert Schuman, qui accepte de lui voir confier l’élaboration d’un programme de stabilisation économique et financière.
22Dès la fin de juin, le Commissaire au Plan avait fait part à Vincent Auriol de l’urgence de mesures à la fois psychologiques et matérielles, afin que les ressources (capital, travail, produits agricoles) soient apportées sur le marché. Il avait notamment parlé de la nécessité d’une profonde réforme fiscale, de la réduction des charges (militaires et de Sécurité sociale) et avait suggéré, pour établir ce programme, de mettre sur pied un « comité de la renaissance française » ne comprenant, à l’image d’un comité de guerre, que quelques ministres, et faisant appel à la « collaboration de tous les Français »51. Peu après l’annonce de l’arrêt des importations autres que vitales, Jean Monnet obtient, le 9 septembre, une double création : celle d’un Comité d’Assainissement financier (comprenant, outre lui-même, le président du Conseil, les ministres des Finances et de l’Économie nationale, le gouverneur de la Banque de France), qui doit livrer ses conclusions au 1er octobre ; et celle d’une Commission du Bilan national. Le Commissaire au Plan, qui en est le président, a voulu utiliser les mêmes méthodes que pour le premier Plan, en faisant appel à toutes les forces sociales du pays : ainsi, à côté du directeur du Trésor (François Bloch-Lainé, qui vient de remplacer Ludovic Tron), du sous-gouverneur de la Banque de France (Jean Saltes), du directeur des Prix (Louis Rosenstock-Franck), et du directeur de cabinet de Matignon (André Boulloche), figurent Pierre Le Brun (secrétaire de la CGT), Pierre Ricard (Vice-président du CNPF) et Martial Brousse (Président de la CGA). Pierre Uri, jeune collaborateur de la rue de Martignac, va en être la « cheville ouvrière » (Jean Vergeot).
Une triple stabilisation libérale...
23Lors de sa première séance, le Comité d’assainissement financier fixe comme objectif final la « stabilisation ». Le même jour, Jean Monnet rédige un mémorandum, dans lequel il précise qu’il s’agit d’atteindre une triple stabilité : celle de la monnaie, des prix et des changes.
24Il développe une conception keynésienne de la stabilisation, qui ne saurait être « une affaire purement budgétaire et financière »52, mais doit résulter de l’établissement d’un bilan comparatif entre l’ensemble des charges supportées et des ressources rendues disponibles. Le diagnostic est clair : ce sont les charges issues du passé ancien (la guerre), ou récent (la reconstruction, la modernisation, la Sécurité sociale, en plus des charges administratives et militaires), qui excèdent le total de ressources, peu extensibles dans l’immédiat (absence de chômage, semaine de quarante-cinq heures en moyenne). Telle est la source fondamentale de l’inflation, qui, par effet cumulatif, alourdit les charges, à travers les « investissements somptuaires », la « consommation excessive de certaines classes », les subventions alimentaires, et un « appareil de distribution pléthorique ». Elle risque ainsi de faire échouer toutes les tâches : si les charges demeurent trop lourdes, la France ne disposera que d’« une armée de façade », d’une « sécurité sociale illusoire », d’une « reconstruction à peine amorcée ». Il conclut : « Le moment est venu de choisir ». On reconnaît un raisonnement voisin de celui du Pierre Mendès France de 1944-45, sur la nécessité de « choisir » entre les charges, afin de ne pas les compromettre toutes. Mais Jean Monnet considère que la stabilisation préconisée alors était inopportune : « Dans la période qui a suivi la Libération, il n’était pas possible d’assurer la stabilité des prix et de la monnaie car les ressources étaient vraiment trop réduites et il fallait, avant tout, remettre en marche les transports et la production ». Il pense que l’écart entre ressources et charges est, à la fin de 1947, sensiblement diminué par rapport à la Libération, ne serait-ce que par « la quantité de ressources qui se cachent et que les Français devraient remettre en jeu ». Le moment est opportun : « Nous pouvons stabiliser, si nous savons choisir entre les tâches et les charges que nous continuerons à assumer et celles que nous devons ajourner jusqu’à ce que l’essor de la production soit suffisant ». En réduisant « les demandes au niveau des ressources », en stabilisant la monnaie, il pense « redonner la confiance au pays » et réinjecter dans le circuit les « ressources cachées », les « stocks de toutes sortes » (bétail, or, devises) : « Un des effets essentiels d’une politique de stabilisation sera de les faire sortir et de les faire servir à l’expansion de l’économie française ». Il ajoute qu’une telle politique « ... dans un pays démocratique comme la France, ne peut se faire dans la pénurie et par des contrôles excessifs et de plus généralement inefficaces ». La stabilisation de la monnaie doit elle-même faciliter celle des prix à un niveau acceptable et celle des salaires — les uns et les autres n’étant que des « résultantes ». Il s’agit bien d’une « perspective de remise en ordre ». D’autre part, il s’agit de stabiliser les changes à « un niveau qui permette l’harmonisation de l’économie française avec les économies des autres pays ».
25Sur ce double point, le commissaire au Plan s’écarte des analyses de l’ancien ministre de l’Économie nationale de 1944-45, et préconise ouvertement un certain ajustement aux « réalités » du marché et des changes.
... Mais antidéflationniste
26La stabilisation jugée nécessaire ne pouvait manquer d’affecter les investissements du Plan. Jean Monnet n’hésite pas à reconnaître que « pendant la période de remise en ordre de l’économie française, il faudra se résoudre à réduire le programme d’investissements prévu par le Plan, même dans les activités essentielles ». C’est là le « prix payé pour les désordres de l’année 1947 », notamment la réduction insuffisante des dépenses courantes. Mais il ne peut s’agir que d’une pause temporaire (pendant la période s’étalant sur la fin de 1947 et le premier semestre de 1948). La politique de stabilisation ne saurait être assimilée à une politique déflationniste : « L’arrêt de l’inflation ne signifie pas une déflation économique ». Il s’agit de ne pas « recommencer les erreurs » des lendemains de la première guerre mondiale, où « on a sacrifié le développement d’avenir de l’économie à la stabilisation financière », ou encore celles de la déflation des années 1930. Car, « la modernisation et la stabilisation ne vont pas l’une sans l’autre ». Ainsi, après cette pause temporaire, « il faudra donc reprendre à plein l’effort de modernisation et d’équipement vital pour le maintien à long terme de la stabilité ». Pour Jean Monnet, la réalisation du Plan apporte — outre les avantages signalés, pour panser la « plaie ouverte » par la rupture de juillet — la garantie d’une véritable stabilisation : « Une stabilisation véritable doit jeter les bases d’une stabilité qui s’entretient elle-même et non étayer par des interventions incessantes une stabilité contrainte et précaire ».
Aide américaine et effort national : le répit
27Alors que les débats sur le futur Plan Marshall sont à peine entamés entre les Seize et Washington, Jean Monnet escompte, dès ce moment, un financement non-inflationniste des investissements, grâce à l’utilisation de l’aide américaine : « ... dès que la stabilisation sera acquise, les risques d’inflation résultant des investissements pourront être entièrement conjurés si l’on affecte au financement de ces investissements la contrepartie en francs de l’aide américaine ». L’aide américaine apparaît ainsi doublement nécessaire : pour accroître les ressources immédiates en produits alimentaires, matières premières et biens d’équipement (lorsque les importations en seront reprises), mais aussi pour assurer le financement public des investissements du Plan, à travers sa contrepartie en francs. Elle offre l’occasion d’un « court répit pour se moderniser et rattraper un monde en progrès », et fonder les bases d’une « stabilisation véritable », celle qui repose sur une économie modernisée et ouverte. Le répit de « trois à quatre ans » doit être mis à profit pour parvenir, à son terme, « ... avec (nos) seules exportations à la fois payer nos importations et nos engagements ».
28On reconnaît les propos de 1945-1946, mais précisés par l’expérience du dramatique dollar-gap des trois premiers trimestres de 1947, et la négociation de la future aide Marshall.
29Quoi qu’il en soit, l’initiative dans la réduction des charges revient aux autorités françaises : « La rapidité de l’assainissement définitif dépend donc du moment où viendra l’aide américaine provisoire ou définitive, mais la rapidité du retour à la confiance dépend pour l’essentiel du gouvernement ». Jean Monnet propose, d’ici la fin du mois d’octobre, de chiffrer le bilan des charges et des ressources, la fameuse « balance sheet » empruntée aux Anglo-saxons, et d’envisager, dès la fin de septembre, un programme réduit d’investissements (jusqu’au mois de mai 1948), ainsi que la couverture par les impôts ordinaires des autres dépenses, à l’exception de la réparation des dommages de guerre, elle-même ralentie (par la réduction des dépenses ordinaires, civiles et militaires — pour cent milliards — et l’alourdissement de la fiscalité — 150 milliards). Le bilan doit permettre de faire ainsi apparaître l’« écart inflationniste », afin de le réduire.
2. La fin des « dirigistes »
30Alors que la situation des marchés et des prix agricoles — et surtout de la viande — se dégrade, le ministre de l’Économie nationale tente de reconstituer un appareil dirigiste. L’hypothèque est levée en deux actes.
Le baroud d’honneur d’André Philip et François Tanguy-Prigent (28-30 août)
31Mis en confiance par les débats du Congrès de la SFIO, tenu à Lyon à la mi-août — le Congrès s’est déclaré en faveur d’un Office national de la Viande, des mutuelles d’achat et d’un contrôle des prix et du marché à tous les échelons — André Philip présente, à la séance du CEI du 28 août, un projet de loi attribuant à l’État le monopole d’achat de la viande, la faculté d’approvisionner les centres de consommation par la réquisition, la centralisation des abattages et le contrôle de la répartition et de la distribution des animaux sur pied et de la viande. Faisant allusion à la poursuite de la hausse des prix, malgré l’amélioration des quantités produites, le ministre de l’Économie nationale annonce : « L’expérience faite sur le marché de la viande semble donc condamner définitivement la liberté. Il est nécessaire de renverser la politique dans ce domaine » (...) « un rationnement sévère de la consommation de la viande aurait une influence directe sur la tenue des prix »53. Il laisse entendre qu’une telle mesure conférerait au gouvernement une « autorité particulière », au moment où l’on parle de stabilisation avec les Seize, et signale l’existence d’un rationnement de la viande et d’un contrôle des prix au Canada. Il conclut : « Au moment où le gouvernement vient de prendre des dispositions graves pour économiser nos ressources en devises, il est favorable d’alerter l’opinion et de créer une atmosphère de salut public »54. Seul François Tanguy-Prigent, également signataire du projet de loi, soutient son collègue. Il déplore la concurrence hommes/animaux dans la consommation des céréales panifiables, signale la « situation tragique » de la collecte (en août 1947, pour le blé, deux millions de quintaux ont été collectés, contre neuf millions en août 1946) : la réquisition du bétail est nécessaire pour réduire le prix de la viande, et diminuer massivement la consommation de céréales secondaires55.
Deuxième acte : le Conseil des ministres et le rejet
32Les autres ministres présents à la séance du CEI s’opposent au projet de loi. Paul Ramadier doute qu’un tel projet puisse être voté, « ... l’opinion publique n’y étant pas favorable »56. Lors de la même séance, la décision est prise de libérer, au 10 septembre, le marché des vins de consommation courante aux stades de la production et de la distribution (sous réserve d’une fraction à la disposition du ravitaillement). Le président du Conseil y affirme que « ... dans l’état actuel de l’Administration et devant les réactions de l’opinion », il est conduit « à choisir un régime de liberté ». Sans grande conviction, il ajoute : « Si une hausse paraît devoir se manifester au début de l’expérience, on peut espérer que, les premiers besoins étant satisfaits, les cours s’affaisseront ensuite »57.
33Après de tels constats, le projet Philip apparaît comme totalement anachronique. Paul Ramadier affirme ne pas pouvoir « reprendre le contrôle du marché de la viande pour lequel il ne dispose d’aucun moyen (...). Le système des réquisitions nécessite un appareil administratif qui a disparu sous la pression de l’opinion publique (...) Il faut attendre que l’opinion publique ait évolué, et que les services administratifs aient pris conscience des nécessités nouvelles. Aucun achat prioritaire n’a été effectué par les Préfets au cours du dernier mois en dépit d’instructions cinq fois renouvelées »58. Les ministres MRP font chorus : Robert Schuman « craint que les mesures prévues ne soient trop rigoureuses », et Pierre-Henri Teitgen « ne pense pas que l’opinion publique soit actuellement préparée à les admettre »59. L’affaire est renvoyée devant un Conseil des ministres exceptionnel, réuni le surlendemain60. Peu avant la séance, Vincent Auriol a convoqué Philip et Tanguy-Prigent, qu’il a « secoués assez vivement mais amicalement », car, à ses yeux, le projet de loi « est inapplicable constitutionnellement, politiquement, financièrement »61. Lors de la séance, fort animée, le scénario précédent se répète : le projet de loi, défendu par ses seuls auteurs, se heurte à un scepticisme général. Les deux ministres d’État — Yvon Delbos, radical, et surtout Marcel Roclore, modéré — estiment que le projet est « utopique », « impossible à appliquer », en particulier à cause des délais nécessaires et des résistances au recensement du bétail, opération préalable à la réquisition demandée. Les ministres MRP estiment également que le Parlement ne votera pas cette loi. Vincent Auriol lui-même intervient pour condamner l’institution, à ce moment, d’un Office de la Viande, qui « exige un personnel compétent et une large trésorerie, un régime d’autorité sinon totalitaire ». Il suggère et fait accepter de garder le plan comme recours ultime, mais d’appliquer, dans l’immédiat, des « mesures moins brutales » : plan de congélation, fermeture périodique des boucheries, achats prioritaires par les Préfets, surveillance de la circulation62.
Dissensions socialistes et éviction des « dirigistes »
34Les deux ministres désavoués ne désarment pas, vont trouver Léon Blum dans sa semi-retraite de Jouy-en-Josas, et menacent de déposer leur texte, malgré la décision du Conseil. Le lendemain, Vincent Auriol rend également visite à Blum et lui fait part de sa crainte que la démission de Philip, soutenu éventuellement par le Comité directeur de la SFIO, n’entraîne celle de Ramadier. Tous deux conviennent qu’il faut éviter la crise, dont la SFIO serait la principale victime. Léon Blum avertit Auriol qu’il lui « faudra apaiser le délire de Philip et Tanguy ». Ils considèrent que les deux ministres ne sont d’ailleurs pas à la hauteur de leur tâche : « une vraie catastrophe », note Auriol dans son Journal à propos de chacun d’eux63. L’affaire s’imbrique dans les dissensions entre la majorité du Comité directeur, acquise à Guy Mollet et favorable à des mesures dirigistes, et Paul Ramadier, soutenu par Vincent Auriol, Léon Blum et Daniel Mayer. Mais les premiers hésitent à franchir le pas : lors de la session des 2 et 3 septembre, ils n’osent se prononcer en faveur de la démission du président du Conseil, à la veille des élections municipales, et escomptent que ce dernier, de plus en plus découragé, partira de lui-même64. Au Conseil des ministres du 3 septembre, André Philip dénonce, une ultime fois, l’indécision et la faiblesse du gouvernement, partagé entre une politique libérale, voulue par les radicaux et une partie du MRP, et les orientations dirigistes, qui, selon lui, répondent aux difficultés de l’heure. Vincent Auriol intervient énergiquement pour soutenir Paul Ramadier, agite l’épouvantail de de Gaulle, car, au cas où le Comité directeur se prononcerait contre le gouvernement, la propagande gaulliste sur la tyrannie des partis se trouverait confortée65. André Philip et François Tanguy-Prigent s’inclinent. Alors que, le mois suivant, le gouvernement Ramadier, affaibli, doit faire face, à partir du 13, à des grèves, notamment celle des transports parisiens, ils acceptent même d’être les victimes du remaniement gouvernemental, le 23 octobre 1947. De manière significative, c’est le modéré Marcel Roclore, qui reçoit le portefeuille de l’Agriculture. L’hypothèque dirigiste est bien levée, malgré l’attribution — pour trois semaines ! — d’un « superministère » de l’Économie nationale à Jules Moch.
Le « ministère géant » de Jules Moch et son plan avorté
35Jules Moch apprend, alors qu’il est à New York, l’attribution qui lui est faite d’un « ministère géant, résultant de la fusion de quatre départements »66. Se plaignant auprès de Vincent Auriol de l’« état de confusion et de désorganisation extraordinaire » de l’Économie nationale, il en décide la réorganisation, par l’institution de huit secrétaires-généraux, qui sont des hauts fonctionnaires67. Pour la première fois, depuis 1944, le MEN peut espérer mettre en œuvre une politique économique globale. Lors du Conseil des ministres du 5 novembre, Jules Moch présente les premières lignes de son plan. Après l’épuisement de la subvention pour le charbon, renouvelée le 5 septembre, le gouvernement se trouve placé devant le dilemme suivant : ou bien rétablir les subventions et déséquilibrer davantage le budget, ou bien, par souci d’équilibre budgétaire, réajuster les prix des produits industriels de base, en particulier ceux des entreprises nationalisées68. Or, contrairement à la politique menée depuis le début de 1947, le nouveau ministre de l’Économie défend la seconde option. Plutôt que de maintenir les prix de base, avec des subventions et un déficit budgétaire accru, il préfère établir les prix industriels à un niveau plus proche des coûts réels, partant accepter leur augmentation. Il fait adopter un accroissement du prix du charbon de soixante-quinze pour cent, puis, dix jours plus tard, un relèvement des tarifs du gaz et de l’électricité (de quarante-cinq pour cent), de la SNCF (d’environ vingt-cinq pour cent) et du métro parisien (de soixante-quinze pour cent). En procédant ainsi, Jules Moch, bien que lui-même se soit manifesté, à plusieurs reprises, proche des anciens planistes de la CGT, enregistre clairement l’échec de la politique de maintien des prix de base, amorcée par Léon Blum. Il s’en remet à une politique de « vérité » des prix. Il prend acte des distorsions considérables entre prix agricoles et alimentaires — à l’indice 1 300 environ en novembre 1947, par rapport à l’indice 100 en 1938 — et prix industriels de base — charbon à l’indice 750, gaz à 660 — ou des transports — tarifs SNCF à 780. La non-maîtrise des prix agricoles par l’équipe gouvernementale précédente était en grande partie à l’origine des revendications de plus en plus pressantes des hausses de salaires (à l’indice 650 !) et des traitements. Lui, en revanche, tente de les maintenir, mais sans mesure « dirigiste ». Dès son arrivée en fonction, il fait adopter, dans la région parisienne, le principe de la double étiquette, consistant à obliger chaque détaillant des marchés à afficher prix de vente et prix d’achat en gros. Un contrôleur par marché est placé à la disposition des consommateurs. Sur la courte période d’application de l’expérience, la hausse sur les prix des légumes a été effectivement freinée, en dépit d’une résistance réelle des détaillants69. Il restait l’épineuse question des salaires, rendue urgente par le développement, les premiers jours de novembre, des grèves dans les régions parisienne et marseillaise, et la revendication par la CGT d’un minimum vital à 10 800 francs. Lors de l’ultime Conseil des ministres du gouvernement Ramadier, le 19 novembre — alors que les grèves se multiplient, en particulier à Marseille, dans les mines du Nord ou la métallurgie parisienne — Jules Moch envisage un plan global, traitant à la fois des rapports prix-salaires et de l’exécution du budget. Il propose de désamorcer les motifs matériels, jugés légitimes, des mouvements de grèves, afin d’essayer de conforter la minorité de la CGT, hostile aux communistes : pour cela, il envisage, pour les salariés (du secteur public et privé), une indemnité de vie chère, sans hiérarchie, de 1 500 francs. La nouveauté, selon lui, réside dans le fait qu’il faut simultanément envisager une hausse des prix industriels — de l’ordre de trente-cinq pour cent en moyenne — qui intègre la hausse des prix de base récemment décidée et celle des salaires : l’essentiel consiste alors à tenir les prix alimentaires, puisque, désormais, tous les prix se situent autour de l’indice 1 300, palier auquel on peut s’accrocher. Il ne recommande pas de mesures « dirigistes » pour prévenir la hausse des prix alimentaires, mais l’extension de l’expérience de la double étiquette, les achats prioritaires et la propagande auprès des consommateurs, l’État devant se borner à contrôler les prix des seules denrées qui pèsent sur les budgets modestes. Quant au déficit budgétaire, il devrait être résorbé par des réductions de frais généraux des entreprises nationales — qu’il faudrait leur imposer au besoin — et la création de ressources nouvelles. Ce plan n’eut aucune suite, du fait de la démission, le même jour, de Paul Ramadier, violemment attaqué en Conseil des ministres par Georges Bidault, et déjà affaibli par les précédentes déclarations publiques de Guy Mollet, sur l’éventualité d’un gouvernement Blum70. Louis Franck considère néanmoins que Jules Moch était alors le seul homme apte à sauver le ministère de l’Économie nationale de la subordination qui l’attendait. Il a été le premier — depuis Pierre Mendès France — à tenter une « remise en ordre globale », à travers un palier salaires-prix réaliste71. Cependant, la logique de ce « plan » n’était pas « dirigiste » : elle reposait sur une politique de « vérité des prix », accompagnée de compressions budgétaires, pour l’État comme pour les entreprises nationalisées.
36Ce n’est pas le moindre paradoxe que l’un des dirigeants socialistes les plus proches des anciens planistes d’avant guerre ait, avec d’autres il est vrai, tracé quelques-unes des grandes lignes du plan Mayer.
***
CONCLUSION DU CHAPITRE XXVI
37L’acceptation de l’aide Marshall et la participation de la France à l’élaboration du système complexe de sa mise en place coïncide avec l’une des périodes les plus critiques pour les finances françaises, en particulier pour les paiements extérieurs. L’aide intérimaire vient alléger la situation, sans toutefois lever radicalement l’hypothèque du « dollar gap ». Les négociations à son sujet ont cependant permis de mesurer, avant l’application du Plan Marshall, les difficultés d’ajustement entre besoins français et préoccupations américaines. Les gouvernants de la Troisième Force n’ont plus désormais de solution alternative, leur seul véritable atout consistant à recourir au chantage des faibles, en agitant l’épouvantail communiste. A moyen terme, ils communient assez largement avec les responsables de Washington autour des postulats de Harvard. Mais, cela n’empêche pas, à court terme, des divergences d’appréciation sur les modalités concrètes de l’aide. L’une des contraintes essentielles, perçue à la fois — même si ce n’est pas avec la même intensité, ni les mêmes paramètres — à Paris et à Washington, provient du déphasage entre experts/gouvernants et opinion. En France, l’exigence sourcilleuse d’indépendance nationale — présente bien au-delà de la zone (étendue) d’influence du parti communiste — exige de prévenir le « soupçon d’injonction extérieure ».
38De ce fait, sur le conseil de certains experts, dont Jean Monnet, la perspective proche de l’aide Marshall fournit l’occasion et les moyens et, tout à la fois, pousse les gouvernants (dès le cabinet Ramadier), soucieux d’agréer par avance les futurs donateurs, à envisager de lever l’hypothèque de l’inflation et du système dirigiste hérité de l’Occupation, discrédité et inefficace.
Notes de bas de page
1 AEF, Papiers Cusin, 5 A 13, c. r. de la séance du 2 juin 1947 du CEI, n° 024/A, 6 p.
2 Cf. supra, chap. XXIII.
3 AN, F60 903, c. r. de la séance du 9 juillet 1947 du CEI, doc. 38. Les réserves se montent alors à 450 millions de dollars.
4 Idem. 565 millions de dollars sont prévus pour le premier semestre.
5 AEF, 5 A 13, c. r. de la séance du 17 juillet 1947 du CEI, n° 031/A, 7 p.
6 AN, F60 903, doc. cité.
7 AEF, 5 A 13, doc. cité, souligné par nous.
8 Idem. Les ressources de la Banque de France sont hypothéquées par les engagements de change à terme couvrant les importations de charbon et de denrées alimentaires.
9 MAE, A 194-6, d. aide intérimaire, note pour le président de la République, 23 septembre 1947, 2 p.
10 FRUS, 1947, vol. III, p. 726, télégramme de J. Caffery au secrétaire d’État, Paris, 2 août 1947, traduit par nous.
11 Ibid., télégramme de R. Lovett à l’Ambassade à Paris, Washington, 3 septembre 1947, traduit par nous.
12 Ibid., p. 737 ; cf. Vincent Auriol, Journal.., op. cit., t. 1, p. 797, note 20.
13 Ibid., p. 438.
14 Ibid.
15 MAE, A 194-6, d. aide intérimaire, notes du CGP de la part de M. Denis à Hervé Alphand, 12 septembre 1947.
16 Idem. Déjà, le 9 septembre, il parle d’aide intérimaire, cf. JM, AMF 12/1/7.
17 Idem, télégramme de Jean Chauvel, nos 2929-36, Paris, 8 octobre 1947, 1 p.
18 Idem, télégramme de la délégation française à New York à Georges Bidault, signé Hervé Alphand, 25 septembre 1947, 3 p.
19 Idem, note DAEF au ministre des Finances, 25 septembre 1947, 4 p.
20 Idem.
21 Idem, note pour le président de la République, 23 septembre 1 947, 2 p.
22 Idem, télégramme de Jean Chauvel, cité.
23 FRUS, 1947, vol. III, p. 762-3, traduit par nous.
24 MAE, A 194-6, d. aide intérimaire, télégramme de Henri Bonnet, nos 2939-44, Washington, 3 octobre 1947, 2 p.
25 Idem, télégramme de Henri Bonnet, nos 2992-3000, Washington, 10 octobre 1947, 4 p.
26 MAE, B. 9.6, d. 1947, lettre de Henri Bonnet à Georges Bidault, 28 octobre 1947, 5 p.
27 Idem, note du SDECE, réf. 13.2/3524 GB.LD., 30 octobre 1947, 1 p.
28 Idem, télégramme de Henri Bonnet, nos 3445-8, Washington, 12 novembre 1947.
29 Idem., télégramme de Hervé Alphand à Henri Bonnet, nos 3455-57, Washington, 13 novembre 1947.
30 Idem, télégramme de Henri Bonnet, nos 3640-5, Washington, 26 novembre 1947, 3 p.
31 Idem, télégramme UP, 27 novembre 1947.
32 Idem, télégramme de Henri Bonnet, nos 3678-80, Washington, 30 novembre 1947.
33 MAE, A 194-6, d. aide intérimaire, télégramme de Henri Bonnet, nos 3747 à 49, Washington, 7 décembre 1947.
34 FRUS, 1947, vol. III, p. 808-9.
35 Ibid., p. 816.
36 MAE, A 194-6, d. aide intérimaire, télégramme à Henri Bonnet, 9 décembre 1947, 1 p.
37 Idem, note DAEF pour Hervé Alphand, 9 décembre 1947, 3 p.
38 Idem.
39 Idem.
40 FRUS, 1947, vol. III, p. 814-815, télégramme de Marshall à Lovett, Londres, 10 décembre 1947, traduit par nous.
41 MAE, B. 9.6, d. 1947, télégramme de Henri Bonnet, nos 3790 à 3793, 12 décembre 1947.
42 Cf. NDE, 16 décembre 1947.
43 AN, 457 AP 20, d. 530-5, télégramme de Hervé Alphand, à Washington, nos 3899-3900, Paris, 23 décembre 1947, 2 p.
44 AN, 457 AP 20, d. 530-5, télégramme de Hervé Alphand, à Washington, nos 3899-3900, Paris, 23 décembre 1947, 2 p.
45 AN, 457 AP 20, d. 530-5, télégramme de Hervé Alphand, à Washington, nos 3899-3900, Paris, 23 décembre 1947, 2 p.
46 Idem, télégramme de Georges Bidault, n° 3906-7, 24 décembre 1947, 2 p.
47 FRUS, 1947, vol. III, télégramme de J. Caffery à G. Marshall, 24 décembre 1947, p. 820-1.
48 MAE, A 194-6, d. cité, note de Georges Bidault, s. d., 4 p. s.p.n.
49 FRUS, 1947, vol. III, p. 823, traduit par nous.
50 AN, 457 AP 20, d. 530-5, télégramme de Georges Bidault, n° 3917-9, 27 décembre 1947, 2 p.
51 Vincent Auriol, Journal..., op. cit., t. 1, p. 309 et 438.
52 JM, AMF 12/1/7, Mémorandum sur les moyens à prendre pour préparer la stabilisation, ex. n° 67, 9 septembre 1947, 36 p. + annexes. Toutes les citations jusqu’à la note suivante sont issues de ce document. Nous avons développé certains passages de notre contribution pour le colloque sur « La puissance en 1948 », intitulée « Jean Monnet en 1948 : cinq batailles pour reconquérir la puissance » (Augsbourg, mai 1984) et parue in R. Frank, R. Girault, La puissance française en question 1946-1949 ! Paris, 1989, p. 177-199.
53 AEF, 5 A 13, c. r. de la séance du 28 août du CEI, doc. n° 040/A, 7 p.
54 Idem.
55 Idem.
56 Idem.
57 Idem.
58 Idem.
59 Idem.
60 Vincent Auriol, Journal..., op. cit., t. 1, p. 414-5.
61 Ibid., p. 414.
62 Ibid., p. 416.
63 Ibid., p. 417.
64 Ibid., p. 434.
65 Ibid, p. 430.
66 Jules Moch, Une si longue vie, Paris, 1976, p. 258. Il regroupe les Affaires économiques, la Reconstruction, le Ravitaillement, les Transports et Travaux publics.
67 Ibid., p. 258. Jules Moch parle de « dépolitiser les départements ministériels » (Vincent Auriol, Journal... op. cit., t. 1, p. 500.
68 Vincent Auriol, op. cit., t. 1, p. 514-5.
69 Jules Moch, Une... op. cit., p. 258-9.
70 Vincent Auriol, Journal... op. cit., t. 1, p. 557. Georges Bidault : « Les gens demandent un mur où s’appuyer contre la pression révolutionnaire ».
71 Louis Franck, 697..., op. cit., p. 39 et interview (Neuilly, 10 novembre 1986).
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Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II)
Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
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Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
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Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
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