Chapitre XXIII. Poussée réformatrice et négociations atlantiques (octobre 1945-mars 1946)
p. 807-844
Texte intégral
1Avec les premières élections générales et la réunion de la première Constituante, les gouvernements sont conduits à mettre en œuvre une partie des réformes de la direction de l’économie et des finances contenues dans le programme du CNR. L’une des innovations majeures est la rédaction d’un Plan à moyen terme, appuyé sur un large consensus social, et définissant des objectifs économiques élevés.
2Mais, dans le même temps, une grande négociation à Washington, doit faciliter l’obtention des moyens financiers et matériels tributaires de ces objectifs.
3À l’articulation de ces deux démarches — nationale et internationale — un homme, Jean Monnet, accroît son rôle stratégique au sein de l’appareil d’État Le scénario qu’il propose aux gouvernants français a-t-il quelque chance de succès auprès de leurs interlocuteurs d’outre-Atlantique ?
I. JEAN MONNET À L’ARTICULATION ENTRE STRATÉGIE NATIONALE ET INTERNATIONALE (OCTOBRE 1945-MARS 1946)
4Avec les premières élections générales depuis 1936, la France connaît de nouveau un contrôle démocratique des gouvernants. Mais les débats constitutionnels maintiennent encore une année le pays dans le provisoire. Au milieu des tentatives multiples de direction des finances et de l’économie, une personnalité — jusque-là périphérique dans l’appareil d’État — joue un rôle stratégique : Jean Monnet. Exploitant sa position privilégiée, au carrefour entre l’effort national et l’aide extérieure — c’est à dire américaine — et entre la définition des objectifs économiques et des moyens financiers, il apparaît comme celui qui articule le plus grand nombre de paramètres de l’économie et des finances françaises. Il lui faut une année pour élaborer le document auquel son nom reste attaché — qui va symboliser le relèvement d’après-guerre1.
1. L’articulation, à l’adresse de Washington, entre les besoins financiers et les contraintes commerciales
Le scénario imaginé par Jean Monnet : « comprendre » la politique de Washington
5Lorsque la guerre s’achève, en août 1945, le Président Truman supprime brutalement le régime du prêt-bail. A ce moment, la France est largement débitrice des États-Unis, à la suite de la conclusion de plusieurs accords, depuis ceux de 1942 jusqu’à ceux du 28 février 1945 signés par Jean Monnet, qui a négocié un important programme d’importation d’équipements, conformément à son plan de remise en marche de l’économie française. Parallèlement, la France a contracté certains engagements, notamment à travers l’article VII des accords de prêt-bail, qui prévoit « une action concertée des États-Unis et de la France », qui « devra tendre à l’élimination de toutes les formes de discrimination dans le commerce international, et à la réduction des tarifs et barrières douanières ».
6Désormais, il s’agit pour la France d’éviter une rupture dans le flux des importations indispensables. Le général de Gaulle vient à Washington, en août 1945, rencontrer Harry Truman et s’assurer de l’ouverture de négociations avec l’Export-Import Bank, dont la conduite est confiée, du côté français, à Jean Monnet. Celui-ci cherche à obtenir un crédit destiné à financer les approvisionnements de matériel d’équipement interrompus (pour 655 millions de dollars), ainsi qu’un nouveau crédit de 550 millions de dollars. Il rédige un mémorandum, en date du 24 août, où il annonce que ce nouveau prêt ne peut servir qu’au financement des besoins urgents d’équipement : « Pour l’avenir, nous aurons besoin d’autres prêts qui nous permettront d’acquérir des équipements aux États-Unis afin de moderniser notre industrie et de placer la France au premier rang des nations industrielles de l’Europe Occidentale »2. Dès cette date, Jean Monnet considère Washington comme la source à la fois de financement et d’approvisionnements nécessaires au relèvement français. D’autre part, il est sans doute l’un des Français qui connaît le mieux les préoccupations américaines. Il les résume, une semaine plus tard, pour Georges Bidault, René Pleven et Robert Lacoste, ministres des Affaires étrangères, des Finances et de la Production industrielle : « La préoccupation dominante du Gouvernement et de l’opinion américaine est d’assurer la reprise rapide des relations économiques internationales par le maintien de la stabilité monétaire et l’abaissement des barrières douanières »3. Pour le premier objectif — la stabilité monétaire — les Américains comptent sur les futures institutions, issues des accords de Bretton Woods. Pour le second — l’abaissement des barrières douanières — ils envisagent une vaste négociation multilatérale, au sein d’une conférence internationale sur le commerce et sur l’emploi4. Hervé Alphand, directeur général des Affaires économiques au Quai d’Orsay, qui se rend à Washington à la fin du mois d’août 1945, confirme les craintes du Département d’Etat de voir la France maintenir une protection excessive5.
7À la fin de septembre 1945, Jean Monnet, resté à Washington pour diriger le Conseil Français des Approvisionnements, a plusieurs échanges, par lettres ou par conversations directes, avec William Clayton, sous-secrétaire d’État pour les Affaires économiques, qui réaffirme ses préoccupations libérales, sa volonté de voir la France renouveler ses engagements de l’article VII des accords de prêt-bail et souhaite des concessions immédiates dans les industries cinématographique et aéronautique6. Jean Monnet lui annonce, conformément aux propositions qu’il a faites au général de Gaulle quelques semaines auparavant, que le gouvernement français a l’intention de présenter aux autorités américaines le « plan » qu’il est en train de préparer, que ce plan « sera établi avec l’idée de créer des conditions donnant à notre pays la possibilité de devenir une unité active dans l’économie mondiale », et que, pour sa réalisation, il sera nécessaire de présenter des « demandes substantielles » à Washington7. Jean Monnet parvient à obtenir l’accord de Clayton sur le scénario suivant, qu’il soumet ensuite au gouvernement français :
Procéder à un échange de notes avec le gouvernement américain, où le gouvernement français renouvellerait les engagements de l’article VII de l’accord de prêt-bail, et accepterait de participer à la future conférence internationale (prévue pour le printemps 1946) sur la politique commerciale ;
En échange, les autorités américaines accepteraient d’ouvrir des négociations particulières préalables avec la France, où les deux gouvernements procéderaient « ensemble à l’examen des besoins totaux de la France et des ressources actuellement disponibles, ou qui peuvent être rendues disponibles pour mettre la France en mesure de participer au développement ordonné du commerce mondial »8.
8Quelques jours plus tard, Jean Monnet rédige un mémorandum, où il précise : « Aussi, le cours ultime de la politique française est-il étroitement lié à celle que les États-Unis poursuivent dans les mois à venir, et à l’aptitude de la France à comprendre cette politique »9. La politique américaine, selon lui, s’oriente dans deux directions complémentaires :
Vers une politique de retour au multilatéralisme commercial ;
Vers une aide financière en dollars, afin de rendre possible cette politique. Il cite l’exemple du Royaume-Uni, qui négocie au même moment un important prêt à Washington, et propose que la France suive ses traces en obtenant rapidement — « d’ici trois mois » — l’ouverture d’une négociation permettant de « passer complètement en revue sa situation ». Il annonce toutefois : « Si elle (la France) doit obtenir des États-Unis l’aide dont elle a besoin, il lui faut s’orienter délibérément vers une politique d’expansion et de liberté commerciale »10.
Suivre l’exemple britannique
9Jean Monnet propose de faire dépendre la réponse française aux propositions américaines de libéralisation des échanges de l’ampleur de l’apport financier que Washington consentira à fournir à la modernisation de l’économie française. Il prépare, en accord avec les services de Hervé Alphand, Guillaume Guindey11 et Robert Marjolin12, un texte pour justifier cette démarche, ainsi que les projets de lettres à échanger avec le Département d’État13, et les envoie au général de Gaulle, à Georges Bidault et à René Pleven. Il ajoute qu’il recommande « au gouvernement l’adoption rapide des propositions ci-dessus », afin que les « besoins français soient exposés à l’Administration et au Congrès avant l’acceptation par le Congrès des accords qui découleront des négociations anglo-saxonnes en cours »14. Sa solution est acceptée : l’échange de lettres s’effectue le 8 novembre 1945. Jefferson Caffery, ambassadeur des États-Unis à Paris, souligne, dans un télégramme au secrétaire d’État James Byrnes, combien le gouvernement français juge important cet engagement de ralliement à une politique libérale, tout en insistant sur le fait que les Américains, dans la future négociation, devront présenter, en échange des crédits consentis, la liste complète des concessions qu’ils souhaitent obtenir du gouvernement français15. Jean Monnet est alors « chargé par le gouvernement de se rendre immédiatement à Washington afin de mettre au point avec les autorités américaines le programme des négociations qui seront ensuite préparées à Paris par M. Monnet en collaboration avec les différents ministères intéressés »16. La publication, en novembre 1945, du Livre blanc américain précise les exigences américaines, qui se trouveront au cœur de la conférence préparatoire sur le commerce international, prévue primitivement pour avril 1946. Il y est question de quatre types de « libération », dont le premier — libération des restrictions imposées par les gouvernements (tarifs, discriminations...) — risque d’être amplement abordé au cours des futures négociations franco-américaines comme il l’est, à ce moment-même, dans les discussions anglo-américaines17. Au même moment, Christian Valensi, attaché financier à l’ambassade de Washington, résume pour René Pleven ses impressions sur les négociations anglo-américaines : « Ils [les États-Unis] préparent certainement en matière commerciale une offensive très étendue en faveur de la liberté du commerce, de l’abandon de tout système discriminatoire et de tout régime de contingents »18.
10Il semble, d’après les informations transmises par Caffery à Washington19, que la difficile constitution du gouvernement de Gaulle, après les élections du 21 octobre 1945, ait retardé la mission de préparation des négociations, confiée à Jean Monnet. Un second échange de lettres est alors effectué, à la fin de décembre 1945, dans lequel le Quai d’Orsay demande de retarder la date de la conférence préparatoire, afin de disposer de délais suffisants pour préparer les pourparlers franco-américains20. Cependant, ce retard place la France dans la situation que Jean Monnet voulait éviter : en effet, le 6 décembre, l’accord anglo-américain est conclu. En échange d’un prêt très important (3,750 milliards de dollars) et avantageux (à 2 % sur 50 ans, avec paiement des intérêts seulement à partir de 1951), les Britanniques doivent réduire la période transitoire (prévue pour cinq ans à Bretton Woods) à un an pour le maintien du contrôle des changes, s’engager à abaisser leurs tarifs douaniers, et à éliminer toute discrimination (notamment la préférence impériale). René Massigli commente ainsi l’attitude du principal négociateur britannique, en faisant allusion aux multiples échappatoires : « Je suis conduit à me demander si Lord Keynes n’a pas voulu cette fois encore créer une situation contractuelle permettant de faire légalement défaut »21. La presse britannique parle d’« ultimatum américain », de « Munich économique »22. Les services du Quai d’Orsay vont alors s’appuyer sur les exigences américaines formulées vis-à-vis des Britanniques pour préparer le dossier des futures négociations. Georges Bidault pense que la France va se trouver dans une situation analogue à celle du Royaume-Uni et croit disposer d’un atout vis-à-vis de Washington : le chantage au protectionnisme, que William Clayton ne cesse de pourfendre23. Le 11 janvier 1946, Guillaume Guindey et Hervé Alphand s’entretiennent avec Keynes, particulièrement éprouvé par les discussions de Washington et fort pessimiste : « Je pense que la tâche de M. Monnet sera extrêmement difficile (...) l’atmosphère s’est considérablement détériorée ces derniers mois (...) la tendance américaine est d’exagérer les efforts déjà faits (...) vous aurez contre vous un fort courant d’opinion ». Il ajoute : « Le State Department est, certes, bien convaincu que ces conceptions sont erronées... mais l’opinion publique ne le suit plus »24. Et, lorsqu’il apprend que le prêt sollicité par la France est destiné à réaliser un programme de modernisation de l’économie française, destiné à accroître la productivité par rapport à 1938, il conseille de prévoir des « solutions de rechange » et poursuit : « À votre place... je me limiterais... à l’importation des biens d’équipement indispensables pour retrouver un niveau de production analogue à 1938 (...) une reconstruction se fait essentiellement, d’une part avec des briques, d’autre part avec du travail »25. Or, malgré ces propos — qui vont se révéler fort lucides — et les appréhensions initiales de Jean Monnet d’arriver à Washington après la conclusion du prêt britannique, lui-même va préparer la négociation, dans la même perspective d’obtenir à Washington l’ensemble des crédits nécessaires à la réalisation du Plan, dont le général de Gaulle vient de lui confier la préparation. Henri Bonnet, ambassadeur à Washington, a signalé, au début décembre, à la suite d’un entretien avec Vinson, secrétaire au Trésor, à propos de la ratification par la France des accords de Bretton-Woods que « ... une prompte notification de notre décision en la matière serait bien vue ici et pourrait constituer un utile préambule à toute amorce de nouvelles conversations financières »26. Trois semaines plus tard, la ratification est adoptée par l’unanimité des députés de la Constituante, parallèlement à la dévaluation du franc. Mais cet « utile préambule » saurait-il suffire ?
Le Plan comme instrument de l’hégémonie sidérurgique française ?
11L’élaboration du Plan français coïncide chronologiquement avec les premières semaines d’application des accords de Postdam sur les limites à apporter à la production allemande et notamment celle d’acier, plafonnée à 5,8 millions de tonnes. Au même moment, au Quai d’Orsay, les deux principaux directeurs, Hervé Alphand (Affaires économiques et financières) et Maurice Couve de Murville (Affaires politiques), font connaître à Washington l’intention de la France de s’assurer l’hégémonie sidérurgique en Europe, fondée sur l’effacement partiel de la Ruhr. Cela signifiait pour la France la nécessité d’obtenir d’Allemagne des quantités accrues de coke et de charbon cokéfiable, du fait des lacunes du « complexe énergico-sidérurgique » (déjà perçues avant guerre), soulignées par Alan Milward27. L’historienne Frances B. Lynch voit un lien de cause à effet entre les décisions de Potsdam et la résurgence de l’idée de Plan en France. Elle attribue même à Hervé Alphand — en s’appuyant sur un seul document d’octobre 1945 — la paternité de l’idée d’un plan de cinq ans28. En fait, dès septembre — on l’a vu — Jean Monnet a parlé d’un plan, associé au projet d’obtenir la poursuite des crédits américains, sans qu’on puisse déceler l’effet direct de Potsdam. La perspective initiale est financière et américaine, même si les préoccupations sidérurgiques et allemandes, et notamment sur l’assurance de l’accès au coke de la Ruhr, interviennent de manière complémentaire, lors de l’élaboration du Plan29.
2. Réformes de structures, Plan et aide américaine (décembre 1945-mars 1946)
La position stratégique de Jean Monnet : les crédits pour financer le Plan, le Plan pour obtenir les crédits
12La nomination de Jean Monnet à la tête du Commissariat général au Plan — créé par le décret du 6 janvier 1946 — répond sans conteste à une exigence intérieure, reconstruire et moderniser la France, formulée par les forces politiques dominantes aux élections du 21 octobre 1945 (le PCF et la SFIO sont majoritaires dans la première Constituante), mais elle s’inscrit aussi chronologiquement dans la continuité de la préparation des négociations avec Washington. Le Plan doit à la fois formuler des objectifs pour la modernisation de l’économie française, et servir de base à la mesure des besoins en dollars, nécessaires au financement du programme d’importation en approvisionnements et en équipements. Le choix de Jean Monnet par le général de Gaulle ne correspond-il pas au souci d’associer les premiers efforts de reconstruction à l’aide américaine, jugée indispensable, et aux perspectives de libération des échanges qui y sont liées ? N’est-il pas également associé à la préoccupation, rappelée par Gaston Palewski — alors directeur du cabinet du général de Gaulle — à un récent colloque, de court-circuiter les ministres communistes, auxquels ont été réservés des ministères économiques, afin de les écarter des trois grands départements (Intérieur, Affaires étrangères, Défense) ?30. Placé, à sa demande, sous la seule autorité du Président du gouvernement, Jean Monnet se situe alors à un carrefour stratégique, au cœur de la décision des objectifs économiques et des moyens financiers nécessaires pour les atteindre. « Au point d’intersection et de rencontre entre la politique étrangère et la réforme intérieure, lieu d’intervention privilégié des grands hommes d’État »31, il est l’interlocuteur principal et le plus écouté outre-Atlantique. Il dispose également, depuis la fin de 1945, d’un groupe de collaborateurs (Auboin, Hirsch, Marjolin, Gaillard), renforcés bientôt par l’arrivée des meilleurs spécialistes de l’Institut de Conjoncture (outre Alfred Sauvy et Jean Fourastié de manière éphémère, Jean Vergeot, Jacques Dumontier, René Froment, puis Pierre Gavanier), qui commencent à mesurer les retards de la productivité en France32. Il se met au travail « sur une table rase », car, ajoute-t-il en reprenant l’analyse de Boris, dans des termes quasi identiques, « les différents plans (par branche) n’étaient ni coordonnés ni arbitrés entre eux »33. Le 5 décembre 1945, il remet au général de Gaulle une note intitulée « Propositions au sujet du plan de modernisation et d’équipement », où on retrouve également des préoccupations de Boris : « modernisation et reconstruction doivent être poursuivies simultanément » ; « obligation de produire davantage et moins cher » « urgence ». Mais il ajoute deux éléments fondamentaux, absents dans les projets du ministère de l’Économie nationale : « Je ne cachais pas cependant qu’elle [la voie à suivre pour la grandeur de la France] passait par l’octroi de crédits étrangers, du moins la voie rapide, mais j’avais montré combien l’autre était dangereuse » ; d’autre part, le souci effectif d’associer tous les éléments vitaux de la nation à l’élaboration du Plan, par les commissions de modernisation34.
La formation du Commissariat au Plan et la préparation de la négociation : le diagnostic et les remèdes
13À la séance du 14 décembre 1945 du Comité économique interministériel, Jean Monnet présente le projet d’organisation du Commissariat au Plan. Il insiste sur le « vieillissement », le « retard » de l’économie française, la nécessité de ne pas la reconstruire à l’identique, mais de la moderniser, ainsi que de dégager « une vue d’ensemble », afin de permettre aux différents ministères de « coordonner spontanément leur action sous l’influence d’une opinion publique avertie »35. Il apparaît, pour les ministres présents ainsi que pour le général de Gaulle, que le Commissariat au Plan est un organisme temporaire, destiné à élaborer le Plan pendant six mois, en contact avec les ministères, alors que son application relève du ministère de l’Économie nationale et des ministères techniques. François Billoux, ministre de l’Économie nationale, souligne d’ailleurs que son caractère temporaire est une « garantie » pour « la collaboration entre tous les intéressés »36. Il signale que les monographies, amorcées à la direction des Programmes, peuvent fournir des informations précises, d’autant plus que cette direction sera ensuite chargée de son exécution. Il semble que la création du Commissariat au Plan soit d’autant mieux acceptée, que celui-ci ne concurrence pas les ministères existants pour la politique économique au jour le jour, la préparation du Plan ne devant pas retarder l’exécution des programmes de court terme. Il est vrai que Jean Monnet a pris garde de faire rattacher le commissariat à la Présidence du Gouvernement, « pour exercer l’autorité la plus large »37.
14La double tâche complémentaire — dégager les premiers axes du Plan et préparer le dossier des négociations de Washington — est menée à bien par l’équipe de la rue de Martignac, en liaison avec Guillaume Guindey au ministère des Finances et Hervé Alphand au Quai d’Orsay. Il s’agit de réaliser la fameuse « balance sheet » entre les besoins de reconstruction et de modernisation, les ressources disponibles et prévisibles, et les apports nouveaux nécessaires pour les quatre années à venir. Dès le 15 janvier 1946, une note de huit pages, transmise par Monnet aux services d’Hervé Alphand, effectivement mise au point par Jean Vergeot38, fournit l’essentiel du diagnostic et des remèdes envisagés par le commissaire général au Plan. Cette synthèse, claire et simplifiée comme Jean Monnet les affectionne, présente une prévision sommaire de la balance des paiements de 1946 à 1949 (à partir d’estimations établies en référence à la situation de 1929 ou de 1938), dont on peut tirer trois enseignements majeurs :
La couverture des seuls besoins courants et des quelques achats d’équipements déjà prévus épuise pratiquement, à la fin de 1946, les réserves en or et en devises (sans même parler du programme nouveau d’équipement) ;
L’élimination des postes anormaux et le rétablissement d’un « équilibre durable de la balance » exige « un grand effort de production et d’exportation » et cela, « par une modernisation complète de notre appareil et de nos méthodes de production » ;
Les besoins indispensables d’importation d’approvisionnements courants et d’équipements (« ce programme ne pourra certainement être réalisé sans d’importants achats d’outillages, notamment aux États-Unis », pour 2 à 2,5 milliards de dollars) impliquent, outre la mobilisation des avoirs privés à l’étranger (estimés à 1,4 milliard de dollars), un apport supplémentaire d’environ quatre milliards de dollars pour les quatre années à venir. Il s’agit là de la meilleure hypothèse (élimination, dès 1946, des importations anormalement coûteuses, solution au problème du charbon et du fret en 1946, et résorption du déficit courant pour 1949)39.
15Les conclusions de la note déterminent, dès ce moment, l’objectif des négociations : « L’appui financier que nous pourrons obtenir des États-Unis sera absolument décisif à ce sujet (...) Les États-Unis sont actuellement le seul pays qui puisse à la fois nous ouvrir un crédit important à des conditions favorables et nous fournir matériellement la plus grande partie de ce dont nous avons besoin »39.
16Ces éléments sont précisés dans les projets successifs, rédigés par Jean Vergeot, jusqu’au dossier officiel, qui est emporté par Jean Monnet à Washington — et qui va servir de base aux négociations avec les experts américains — après avoir été présenté, en même temps que le premier rapport du Commissaire général, à la première séance du Conseil du Plan, le 16 mars 1946. Le même mois, le Commissariat général au Plan publie ce dossier sous le titre Données statistiques sur la situation de la France au début de 1946. Mais les annexes sur les postes prospectifs de la balance des paiements jusqu’en 1950, confidentielles, n’y figurent pas40.
17On y trouve déjà les analyses et statistiques qui vont servir de fondement au premier Plan : à la fois sur le diagnostic (vieillissement du capital français entre les deux guerres mondiales, désinvestissement et perte de capital pendant la guerre, désinvestissement extérieur depuis la Libération, soit un total compris entre 1 000 et 1 200 milliards de francs 1938) et sur les remèdes (nécessité d’une modernisation profonde du capital français, impliquant « un apport extérieur de substance indispensable au démarrage »). Comme l’indique Jean Monnet dans un autre texte : « L’apport extérieur apparaît ainsi comme un multiplicateur du travail français »41.
18Dès janvier 1946, l’objet de la négociation est à la fois énoncé et chiffré : obtenir les quatre milliards de dollars, doublement nécessaires à la mise en œuvre du programme d’importation d’équipements prévu par le Plan et à l’équilibre de la balance des paiements, escompté pour 1950.
19Cette perspective du Plan comme garant de l’indépendance nationale explique en partie l’approbation unanime qu’il recueille parmi les ministres. François Billoux, ministre communiste de l’Économie nationale, puis de la Reconstruction après le départ du général de Gaulle, souligne la « nécessité de définir une politique qui implique un immense effort de production »42. Au Comité économique interministériel du 18 février 1946, l’accord est général sur les priorités, définies par Monnet et présentées par A. Philip, ministre des Finances et de l’Économie nationale, qui préfigurent les six programmes fondamentaux du Plan43. De plus, la « méthode souple » d’élaboration du Plan, fondée sur des commissions spécialisées, utilisant les données des services ministériels, mais sans être prisonnières de leurs cadres, en associant notamment les syndicats ouvriers, est largement appuyée par les ministres communistes, qui se sont toujours montrés hostiles aux organes de l’économie dirigée hérités de Vichy comme aux programmes du ministère de l’Économie nationale, élaborés par les seuls fonctionnaires44. Toutefois, rétrospectivement, on mesure l’ambiguïté qui pèse sur les relations entre le Commissariat du Plan et la politique économique de court terme. A. Philip est persuadé que lorsque le Commissariat au Plan, « ainsi qu’il est prévu par le décret du 3 janvier 1946, aura fini ses travaux le 1er juillet »45, le ministère de l’Économie nationale, qui reste l’organe dirigeant, contribuera à préparer et exécuter le Plan. Il croit retrouver la solution préconisée par Jules Moch à Alger, en 1944 : le Commissariat au Plan ne doit être qu’un organisme de propositions à longue échéance, le temps que le ministère de l’Économie nationale ait les moyens de passer de la répartition, mensuelle jusque-là, à une programmation trimestrielle, puis semestrielle, et, enfin, pour la durée du Plan. Cet allongement progressif des programmes de production proposés par le ministère de l’Économie nationale et décidés en Comité économique interministériel, doit, dans son esprit, faire du Commissariat au Plan, destiné à vivre six mois, un organisme subordonné au ministère de l’Économie nationale, qui doit devenir le responsable de la politique dirigiste de court terme comme de la planification à longue échéance46.
20A la fin de janvier, l’annonce de la désignation de Léon Blum comme ambassadeur extraordinaire par Félix Gouin — après la démission du général de Gaulle — sans que Georges Bidault en ait été averti, est mal accueillie au Quai d’Orsay et rue de Rivoli, où l’on souhaitait Bidault, ainsi qu’à Washington, où l’on aurait préféré Jean Monnet47. Mais les susceptibilités s’apaisent, lorsqu’il est entendu que les services de Hervé Alphand seront chargés de contrôler et de coordonner les instructions pour la délégation française, ainsi que d’assurer la conduite de la négociation elle-même, primitivement prévue pour la fin du mois de février48. Comment le Département d’État conçoit-il la négociation à cette date ? L’essentiel des vues américaines est exposé dans le télégramme que Byrnes envoie à Caffery, le 4 février 1946. Le secrétaire d’État repousse l’idée de soumettre le futur prêt au Congrès, comme dans le cas britannique49. Dans ces conditions, il évoque le recours à la future Banque internationale de Reconstruction et de Développement et, dans l’attente de son fonctionnement, envisage un prêt de l’Export-Import Bank de l’ordre de 500 millions de dollars, soit huit fois moins que l’objectif fixé par Jean Monnet ! D’autre part, il transmet les points qu’il veut voir figurer à l’ordre du jour des négociations : Caffery les remet au Quai d’Orsay, sous forme d’un mémorandum confidentiel, le 22 février 1946 : on y trouve notamment « les ressources françaises de change et les perspectives de balance des paiements » ; les « mesures que compte prendre le gouvernement français pour attirer le capital étranger, pour restaurer le tourisme et pour faire revivre les industries exportatrices » ; l’« utilisation des crédits américains déjà accordés » ; le « recours éventuel à la BIRD et à l’Export-Import Bank »50.
21S’attendant à une vaste négociation financière et économique, portant à la fois sur les relations franco-américaines du passé et à venir, les services économiques du Quai d’Orsay ont déjà préparé les dossiers sur toutes les questions en suspens : comptes de guerre, surplus, investissements américains en France51, nationalisations52, films américains53, missions d’achat et politique commerciale... Et, le 23 février, une réunion se tient, sous la présidence de F. Gouin : les principaux ministres, appartenant aux formations du tripartisme, approuvent les instructions à la délégation française, préparées par les services de Hervé Alphand54. Elles reprennent les analyses contenues dans le document du Plan — notamment le chiffre de quatre milliards de dollars — et précisent les engagements éventuels en matière commerciale.
La stratégie proposée par Monnet : moderniser d’abord, pour libérer ensuite
22La délégation est autorisée à faire état « de la mise en vigueur dans un délai rapide d’un tarif douanier ad valorem modéré » et « sans discrimination », et à annoncer que « le gouvernement français renonce définitivement à la politique des contingents comme méthode de protection de la production nationale », avec toutefois la réserve, essentielle, qu’il sera nécessaire de maintenir un programme d’importation pendant la période transitoire, au cours de laquelle la balance des comptes sera déficitaire. Cependant, dans l’hypothèse, escomptée, où les crédits américains seraient suffisants pour résorber le déficit de la balance des paiements en 1950, les négociateurs peuvent prendre deux engagements supplémentaires :
Appliquer au programme d’importation de la période transitoire le principe de non-discrimination (très favorable aux Américains) et renoncer, à la fin de cette période, à la conclusion d’accords bilatéraux comme avant la guerre ;
Supprimer, dans un délai limité (inférieur aux cinq années de la période transitoire, prévues par l’article XIV des accords de Bretton-Woods55) « toute restriction sur les paiements et les transferts courants », alors que le contrôle des changes continuera à s’exercer sur les mouvements de capitaux. À propos des relations économiques et monétaires entre l’Union française et l’étranger, la délégation française devra consulter le gouvernement sur des engagements éventuels. Sur ce dernier point, un projet antérieur envisageait d’accepter la suppression, « dans un délai rapide », du pool-dollar pour les territoires de l’Union française qui n’étaient pas en union douanière complète avec la France (Maroc, Indochine, Togo, Cameroun) et auraient ainsi pu disposer librement de leurs dollars.
23La préparation de la négociation conduit à formuler trois remarques :
Les documents officiels (instructions, dossier statistique) reflètent un consensus du tripartisme au pouvoir56 sur les termes de la négociation : obtenir à Washington les moyens financiers de moderniser l’appareil productif français et d’équilibrer ainsi les paiements de 1950. Et, en contrepartie, souscrire à des engagements de libération quantitative et qualitative des échanges, dont la portée ne sera effective qu’au terme de cette période transitoire, à l’exception des deux mesures éventuelles citées. Cette position se situe dans la continuité de l’article VII des accords de prêt-bail, mais aussi des mesures, déjà approuvées par les trois grands partis, et destinées à faciliter l’intégration de l’économie française dans les échanges internationaux : la ratification des accords de Bretton-Woods ; la dévaluation du franc ; les mesures de réduction des dépenses et de maintien du niveau des salaires et des prix, afin de conserver la parité du moment. Au fond, Jean Monnet et Hervé Alphand ont réussi à obtenir le consensus en France autour du programme suivant : modernisons d’abord, libérons ensuite. Ils escomptent l’étendre au Département d’État, et obtenir les quatre milliards nécessaires à la réussite de la première étape de ce programme ;
Jean Monnet et le Quai d’Orsay s’attendent à un résultat analogue à celui des discussions anglo-américaines, à savoir des crédits importants, en échange d’engagements substantiels en politique commerciale. Cependant, plusieurs informations laissent entendre que les Français ne doivent pas espérer un prêt très élevé. Alors, que penser de l’obstination des négociateurs français ? On reviendra sur cette question centrale ;
Le consensus existe, mais des décalages apparaissent entre les textes officiels et les textes préparatoires rédigés au Commissariat au Plan ou au Quai d’Orsay. Ils portent en particulier sur la part respective de l’aide financière américaine et des réparations allemandes. Pour Jean Monnet, la première est quasi exclusive et les secondes pratiquement négligeables : cela apparaît nettement dans ses notes au Quai d’Orsay57, ou dans le projet d’exposé qu’il rédige pour Léon Blum58. Cela disparaît dans son premier rapport au Conseil du Plan59 ou dans ses interventions au Comité économique interministériel60. Il reconnaît d’ailleurs dans ses Mémoires : « Et j’ajoutais cette phrase qui avait alors une résonance politique mais dont je savais bien à quel point elle sonnait creux : une partie en devrait être obtenue de l’Allemagne au titre des réparations »61. Ces phrases, qui sonnent « creux », sont destinées à rallier en particulier les communistes, car ceux-ci insistent sur le nécessaire effort de relèvement national, afin de limiter l’aide américaine dont les contreparties, difficilement évitables selon eux, risquent de peser sur le choix de la politique économique française.
24Ces ambiguïtés vont apparaître plus nettement à l’issue d’une négociation qui ne se montre guère conforme aux attentes de ceux qui l’ont préparée.
II. RÉFORMES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES, DÉSILLUSIONS FINANCIÈRES (FÉVRIER-MAI 1946)
25La poussée de l’électorat vers la gauche aux élections d’octobre 1945 et la signature, le 7 novembre, du Programme de la Délégation des Gauches (contenant notamment la nationalisation des industries clés) conduit le gouvernement de Gaulle, puis, après la démission de ce dernier, celui de Félix Gouin, appuyé sur une majorité de tripartisme (PC, SFIO, MRP) à parachever les « réformes de structures ». Le premier semestre 1946 correspond à la fois à l’apogée et à la dernière vague de cette activité réformatrice, parallèlement à la préparation d’une grande négociation financière...
1. Les réformes de structures et leurs limites
26Les élections législatives d’octobre 1945, en appuyant l’action gouvernementale sur une représentation nationale et en donnant une majorité aux partis ouvriers (PC et SFIO) mettent à l’ordre du jour les « réformes de structures » (outre le Plan) contenues dans le programme du CNR.
Les nationalisations
27L’opinion, pendant toute l’année 1945, s’est montrée très largement favorable aux nationalisations62. Le départ du général de Gaulle ne marque pas de véritable accélération dans le processus de leur réalisation, sous certaines réserves. D’abord, la nationalisation de la Banque de France, des quatre premières banques de dépôts et la non-nationalisation des deux principales banques d’affaires sont marquées par le rôle de René Pleven et du Général lui-même. L’analyse des mécanismes et résultats des nationalisations n’est pas notre objet, délimité par l’appareil central de l’État. Dans la perspective de la direction des finances, cependant, les nationalisations bancaires se caractérisent par le faible renouvellement des équipes dirigeantes et de leurs pratiques63. En particulier, on va constater le poids très limité des banques de dépôts dans le financement sur fonds publics des investissements productifs. Ensuite, le remaniement ministériel après le départ du Général débloque une nationalisation qui n’aurait pas été réalisée sans cela : celle de trente-quatre sociétés d’assurances, souhaitée par André Philip et effective le 24 avril 194664.
28Les nationalisations industrielles ont, elles, suivi leur cours, quelque peu précipité toutefois — surtout pour l’Électricité — par le ministre (communiste) Marcel Paul : l’électricité et le gaz (le 8 avril 1946), les Charbonnages (le 17 mai 1946)65. La désignation des équipes dirigeantes, dans les deux cas, procède cependant de principes différents : aux Charbonnages, le secrétaire d’État, Auguste Lecceur, communiste, fait appel à des syndicalistes CGT, alors qu’à EDF/GDF, Marcel Paul s’appuie sur certains industriels, comme Pierre Simon — tout en écartant Roger Boutteville — ou de grands techniciens, tel Pierre Massé66. À la fin du printemps de 1946, la grande vague nationalisatrice reflue.
Une double réforme de structures : vers l’État-Providence et la concertation sociale ?
29Deux lois prolongent des mesures définies par des ordonnances, élaborées par Alexandre Parodi avant les élections. Elles sont le fait du ministre communiste du Travail, Ambroise Croizat : la loi du 22 mai 1946 achève la constitution de la Sécurité Sociale, en la fondant désormais sur un principe de solidarité nationale (alors que, jusque-là, elle était attachée au salariat) ; celle du 16 mai 1946 élargit la diffusion des comités d’entreprises (à tout établissement de plus de cinquante salariés), ainsi que leur rôle — limité, on s’en souvient, par PMF en 1945 — (possibilité d’assistance d’un expert-comptable, autorisation de débattre des salaires). Ce rôle d’organisateur de la concertation sociale n’empêche toutefois pas l’État de tenter de freiner la hausse des salaires, dont il décide souverainement l’évolution.
30Dès le 21 février 1946, la loi sur la semaine légale de quarante heures a été rétablie. Dans les faits, cela revient à majorer la rémunération des heures supplémentaires, généralisées : de vingt-cinq pour cent jusqu’à quarante-huit heures ; de cinquante, au-delà. À la réunion des secrétaires généraux aux Affaires économiques du 19 janvier (avant la démission de de Gaulle), Ambroise Croizat reconnaît qu’il « ne saurait être question d’un relèvement général des salaires »67. Il maintient sa position en restant ministre du Travail dans le gouvernement Gouin. Sans reprendre le programme d’austérité proposé par PMF, pressenti comme ministre des Finances pendant quelques jours après le 20 janvier 1946, André Philip, à la fois ministre des Finances et de l’Économie nationale, repousse la majoration des salaires, par volonté de tempérer l’inflation, dont le rythme s’est accéléré depuis six mois. L’élévation de la masse salariale accompagne l’allongement de la durée hebdomadaire de travail, nécessaire au relèvement de la production, accepté et même soutenu par les dirigeants de la CGT68.
Les communistes anti ou a-dirigistes ?
31Si ces réformes de structures ont été effectivement entreprises par des ministres communistes, elles se retrouvent plus largement dans l’héritage de la Résistance. D’autre part, les communistes n’apparaissent pas alors comme les plus soucieux d’accroître systématiquement le secteur nationalisé et pas davantage 1’« économie dirigée ». Alors que François Billoux est ministre de l’Économie nationale, les articles 42 et 43 de la loi de Finances (du 31 décembre 1945) abrogent la loi du 3 septembre 1939 et rétablissent la liberté de création de fonds de commerce. De multiples fonds sont d’ailleurs créés dans les semaines qui suivent, ce qui entraîne les réserves de plusieurs secrétaires généraux aux Affaires économiques, gardiens de l’héritage dirigiste. Celui de Toulouse souligne dans les créations la forte part des commerces de l’alimentation et des activités « où les profits, licites ou non, sont actuellement faciles ». Il déplore la part faible de l’artisanat et de l’industrie ; il conclut : « Cette liberté a abouti à une remarquable prolifération des intermédiaires »69. En période d’inflation et de pénurie profitable à tout vendeur, la liberté rendue par un ministre communiste aboutit surtout en effet à gonfler certaines branches de la distribution. Peu avant, François Billoux a annoncé : « La nationalisation des Banques doit permettre la mobilisation du crédit en vue du plan. La nationalisation de l’électricité viendra ensuite. Mais, en même temps que certains secteurs de l’Économie passent étroitement aux mains de l’État, il convient de rendre une plus grande liberté aux autres secteurs »70. C’est également Billoux qui allège les structures du MEN, héritées de Vichy. Quelques jours plus tard, il annonce la réduction d’effectifs d’un des services les plus lourds de l’Économie nationale, le Contrôle économique, ainsi que la répartition du ministère entre seulement quatre directions (Documentation et Statistiques, Programmes, Relations économiques extérieures, Prix et législation économique), consacrant notamment la suppression de la direction du Plan, désormais inutile avec la création du CGP. Ainsi, disparaît la dernière trace de la grande construction (neuf directions !) de PMF, qui fait figure d’architecture « à la Potemkine » (Jean Bouvier). Les communistes ont toujours manifesté un grand scepticisme à l’égard d’un Plan élaboré par les seuls hauts fonctionnaires. De même, Billoux annonce la disparition des secrétaires généraux aux Affaires économiques, parallèlement à la suppression de l’échelon administratif régional, opérée par Maurice Thorez, vice-président du Conseil, et déplorée par Michel Debré dans ses Mémoires71. Dès lors, les principaux cadres de l’économie dirigée se trouvent mis en cause. Parallèlement, Marcel Paul supprime, par la loi du 26 avril 1946, les Offices professionnels et les services héritiers de l’OCRPI. La répartition des grandes matières premières est encore décidée en CEI sur proposition de la Production industrielle et de l’Économie nationale. La sous-réparition est désormais confiée aux syndicats patronaux, qui se reconstituent au même moment. Jacques Duclos justifie la mesure, quelques jours auparavant, devant le Comité central : « Nous voulons mettre un terme à toute la bureaucratie parasitaire, qui est incapable de remplir correctement cette fonction de répartition des matières premières ; que le ministère de la Production industrielle procède à la répartition pour les principales usines, aux répartitions pour tel ou tel département, et les syndicats patronaux, les chambres artisanales de métier discutent par le canal de leurs représentants pour procéder aux attributions aux divers services ; qu’ils se battent, c’est normal »72. Ainsi, à la différence de certains socialistes, notamment planistes, les ministres communistes ne sont pas, par principe, adeptes du dirigisme étatique. Leur préoccupation est de peser en faveur d’un relèvement économique, qui s’accompagne d’un rapport social plus favorable à la classe ouvrière. Pour cela, ils comptent beaucoup plus sur la force militante de la CGT et sa présence dans des organes de concertation active, que sur des organes étatiques, même dirigés par certains des leurs. Ainsi, se comprend leur ralliement au Plan Monnet, par contraste avec leurs réticences à l’égard du Plan PMF.
32D’ailleurs, quelques mois plus tard, plusieurs dirigeants socialistes se plaignent de la mesure de suppression des Offices professionnels. Ainsi, lors de la séance du 3 décembre 1946, du Comité directeur de la SFIO, André Philip reconnaît : « Nous avons commis tous la grosse erreur d’accepter les textes de Marcel Paul supprimant les Comités d’Organisation. Il en est résulté que l’Etat n’a pas en mains le contrôle des répartitions qui est passé aux organisations patronales. Le dirigisme reste la seule solution au problème »73. Manifestant autant de scepticisme à l’égard du dirigisme étatique en régime capitaliste que de méfiance vis-à-vis des anciens rouages vichystes, les dirigeants communistes, dans leur stratégie d’isolement des « trusts », veulent apparaître comme les tenants de l’alliance politique classe ouvrière-petits producteurs. Dans son discours (interne et non publié), Jacques Duclos affirme : « Nous ne devons jamais perdre de vue que nous sommes en régime capitaliste et qu’il ne s’agit pas de plan de la lune, de croire que tout peut être réglé comme sur du papier à musique, et nous ne laisserons pas à d’autres, comme aux gens du PRL le soin, pendant la campagne électorale, de se présenter comme les partisans de la liberté »74.
2. Les mécomptes de l’« économie dirigée » et du ministère de l’Économie nationale
Les difficultés persistantes du ravitaillement
33Le ministre Longchambon ne parvient pas mieux que ses prédécesseurs à contrôler le marché — en particulier de la viande — du fait des errements antérieurs. Un arrêté du 15 janvier 1946 institue une double taxation des prix de gros et de détail. Mais il apparaît « complètement en porte-à-faux (...) il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de provoquer un retour en arrière (...) les prix excessifs ont été considérés comme normaux »75. Il s’avère impossible de provoquer une baisse des prix, ou bien de ravitailler le marché au prix taxé. En mars 1946, les secrétaires généraux notent, pour la viande comme pour les légumes frais, un « arrêt quasi total des arrivages dès que la taxation est strictement appliquée »76. Longchambon explique, le 13 mars, qu’il faudrait opter pour la « collecte totale » ou la « liberté totale », mais que la crainte d’une hausse des prix « oblige souvent à des solutions intermédiaires ». Le retour à la liberté est souhaité, mais exige des quantités suffisantes et le rétablissement de courants commerciaux normaux77. Ainsi, le retour à la liberté de vente des légumes, en mai, rétablit l’abondance, mais « il semble bien que ce soit la hausse [des prix] qui soit la règle et la baisse l’exception », les prix pratiqués se trouvant « souvent même supérieurs aux prix du marché noir »78. Le marché de la viande apparaît toujours aussi « erratique », marqué par « l’abondance dans les campagnes et la rareté dans les villes »79. Au début de février, les secrétaires généraux soulignent en outre le risque d’une « autarcie départementale qui défavorise grandement les départements déficitaires »80.
Prétentions et limites du MEN
34Pendant ce temps, les ministères de la Production industrielle et de l’Économie nationale éprouvent toujours de grandes difficultés à établir la répartition de l’acier et du charbon. Ce dernier est réparti mensuellement jusqu’en avril 1946, où la répartition peut être trimestrielle, comme sous l’Occupation ! Au même moment, Albert Gazier, secrétaire d’État à l’Économie nationale, « regrette la rétention que l’on peut constater actuellement dans les milieux industriels »81. Or, dans l’esprit d’André Philip, le MEN devait progressivement allonger les programmes de répartition, afin de rejoindre ceux définis dans le Plan, dont il devait assurer l’exécution. Le 27 avril 1946, une loi supprime la direction du Plan — comme en avait décidé Billoux — et crée l’INSEE. Parallèlement, le MEN est réduit à cinq directions (Administration générale, Prix, Contrôle des Entreprises nationalisées, DREE, Programmes). La direction des Programmes, héritière directe de la direction de la Répartition et indirecte d’une partie de la Section centrale de l’OCRPI (vingt agents en sont détachés, en plus des quatre-vingt-quatre permanents) est chargée d’harmoniser, conformément aux plans arrêtés par le Conseil du Plan, l’emploi des principaux facteurs de l’activité, établissant ainsi les priorités de répartition82. Disposant de quatre services (Crédit/Programmes industriels/Programmes agricoles/ Transports et Affaires d’Outre-Mer), cette direction est destinée, dans l’esprit des responsables du MEN, à assurer l’exécution du Plan, tel un véritable État-major stratégique. Le directeur, Pierre Grimanelli, polytechnicien, ingénieur des Tabacs, a été intendant à Poitiers sous l’Occupation et conservé à la Libération par Gaston Cusin. Cette direction est chargée de rassembler les « monographies » par branches, dont le contenu doit alimenter le Plan83.
35En fait, largement empêtré dans les difficultés de la répartition de court terme, le MEN ne paraît pas en mesure de disputer la direction du Plan en gestation à Jean Monnet et à son équipe, qui va se perpétuer au-delà des six mois originels. De plus, la suppression de l’échelon régional le prive des secrétaires généraux aux Affaires économiques. Il est décidé de les remplacer par des Inspecteurs de l’Économie nationale, dont il est espéré qu’ils pourront rivaliser avec l’Inspection des Finances qui, aux yeux de Gaston Cusin, « avait fait faillite »84. Mais, malgré la désignation de quelques noms connus et respectés (Louis Armand, Roger Nathan, Jacques Piette...), cette inspection générale fait rapidement figure de parent pauvre, à côté de son ainée. Dès 1947, elle apparaît de plus en plus contestée rue de Rivoli et réduite dans ses moyens85.
36D’autre part, la pénurie de charbon, en particulier allemand, pèse encore sur l’économie au printemps 1946 et pose la question des importations. Comme l’indique André Philip, le 13 mars 1946 : « Nous devons exécuter les accords de Bretton-Woods et ramener la France dans les échanges commerciaux internationaux. Mais l’élément indispensable de toute cette politique, c’est l’obtention des crédits »86. C’était là l’objet de la négociation, engagée au même moment par Jean Monnet, à travers le voyage de Léon Blum.
3. La négociation dite « Blum-Byrnes » : onze semaines pour quatre milliards illusoires (mars-mai 1946)
L’approbation du Plan par Washington
37Le départ de la délégation est plusieurs fois reporté, par suite de difficultés atmosphériques, puis d’une « grippe », contractée par Léon Blum. Celui-ci s’envole effectivement le 15 mars, accompagné de Robert Blum, son chef de cabinet, d’Emmanuel Mônick, gouverneur de la Banque de France et de François Le Norcy, directeur-adjoint au ministère des Finances. Après avoir défini les premières orientations du Plan et présenté le dossier des négociations au Conseil du Plan, Jean Monnet le rejoint, cinq jours plus tard, avec le reste de la délégation87. Or, dans l’intervalle, Truman et Vinson, secrétaire au Trésor, ont demandé au Congrès d’approuver le prêt britannique, en le présentant comme un « cas unique », qui s’explique par « l’importance économique de ce pays »88. « Nous arrivions au plus mauvais moment », confie, trente ans plus tard, Jean Monnet, qui, cependant, voit dans ce retard inopiné l’avantage de pouvoir s’appuyer sur les premières résolutions du Conseil du Plan89. Malgré cela, la délégation française maintient ses positions originelles90. Le 25 mars, Léon Blum prononce un discours (préparé par Jean Monnet) devant le Conseil national consultatif, dans lequel il présente le dossier français, en rassurant ses interlocuteurs sur la volonté française de s’ouvrir au commerce international91. La négociation se déroule alors en deux phases :
La première, jusqu’au 10 mai, est réservée conjointement à l’examen du Plan français et de la balance des paiements par un comité et deux sous-comités, où les experts français sont conduits par Jean Monnet, véritable chef de la délégation française92, et par Emmanuel Mönick, ainsi qu’aux discussions de politique commerciale ;
La seconde, du 10 au 27 mai, est consacrée à la recherche de crédits pour couvrir le déficit, à la solution des questions non résolues en politique commerciale et aux comptes de guerre.
38Les discussions sur le Plan et les prévisions de la balance des paiements durent plus longtemps que prévu, car les experts américains conduisent la délégation française à « donner plus de détails qu’elle ne prévoyait », et à modifier les calculs faits à Paris93. Les services américains vont pour ainsi dire « corriger » les prévisions, comme il apparaît sur le tableau suivant94. Alfred Sauvy explique dans ses souvenirs combien les demandes américaines ont incité les Français à « expliquer, peser, présenter des comptes, fournir le revenu national et ses composantes, etc. », et à s’orienter vers une véritable comptabilité nationale95. L’effet le plus notoire des « corrections » effectuées outre-Atlantique en est la réduction du déficit de près d’un quart. Ce résultat est obtenu par la double réduction, au sous-comité économique, du programme d’importation de près de 500 millions de dollars (notamment parce que des articles importés des Etats-Unis sont déclarés non disponibles) et des évaluations de dépenses de fret (les experts américains considérant que l’utilisation de la flotte française a été sous-estimée à Paris). Contrairement à l’analyse présentée par Léon Blum, faisant miroiter la promesse de substantielles exportations aux Américains, ceux-ci cherchent à limiter le programme français. Ce fut « ma découverte la plus stupéfiante », dira Léon Blum à son retour96. Les calculs du sous-comité financier, en revanche, conduisent à alourdir le déficit de plus de 500 millions de dollars97.
Tableau 14. — Prévisions et rectifications à Washington (avril-mai 1946). Balance des paiements de 1945 à 1949 (en millions de dollars) Projet français et correction de Washington
39Source : Michel Margairaz, « Autour des accords... », art. cité, p. 451.
40La situation de la France, à cet égard, a été très différente de celle de ses grands alliés, comme le montre la comparaison ci-après du revenu national et de son emploi pendant la guerre en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
41La délégation française est ainsi amenée à présenter dans le détail les objectifs du Plan, les prévisions pour les différents postes de la balance des paiements jusqu’en 1950, ainsi que les « résultats obtenus en matière monétaire, budgétaire et de contrôle des prix »98. Jean Monnet « a été amené à anticiper sur certaines décisions qui découleront nécessairement des objectifs déjà fixés par le Conseil du Plan », notamment sur le fait qu’il faudra développer des industries d’exportations, et que « l’accent soit mis sur les activités de production plus que sur certaines reconstructions ». C’est à Washington que Jean Monnet décide de repousser à plus tard la reconstruction de l’habitat99. Comme Jean Monnet l’avait pressenti et Keynes annoncé, l’approbation des grandes lignes du Plan est préalable à toute discussion sur le déficit et les moyens éventuels de le combler. Ainsi, le Plan Monnet est accepté à Washington avant même d’avoir été adopté par le gouvernement français : les experts américains jugent le Plan « raisonnable et possible » dans ses objectifs, et acceptent la méthode de travail au sein des commissions de modernisation100. Le consensus autour du Plan déborde les frontières de l’hexagone, pour s’étendre outre-Atlantique. D’autre part, l’examen des besoins français conduit à poser la question du charbon allemand. Léon Blum s’en entretient avec James Byrnes, le 19 mars101. Or, quelques jours plus tard, le gouvernement français apprend que la France ne se voit attribuer que 316 000 tonnes de charbon par mois pour le second trimestre, au lieu du million de tonnes jugé indispensable102. Il est alors décidé d’envoyer à Washington une mission, conduite par Auguste Lecœur, sous-secrétaire d’État au ministère de la Production industrielle, qui vient faire part à Clayton des propositions françaises pour accroître la production de la Ruhr, pour apporter à la Sarre des ressources en hommes et en matériel, à condition que la part de production destinée à la France soit largement augmentée103.
Des concessions limitées, mais un crédit très en deçà des espérances
42Les experts américains parviennent ensuite à réduire la part du déficit, qui pourrait être couverte par le futur prêt américain :
En faisant admettre un prélèvement plus important sur les réserves françaises en or et en devises104 ;
En portant à 940 millions de dollars l’aide autre que celle du Gouvernement américain : crédits publics d’autres pays, crédits privés, réparations allemandes105. Des déclarations officielles, postérieures aux accords, vont reprendre ce chiffre, alors que le rapport au président du Conseil sur les travaux du sous-comité financier précise qu’il s’agit là d’une « estimation très approximative », et que des « mécomptes seraient à craindre si l’on considérait qu’il s’agit de ressources certaines ». La suite va montrer combien ces réserves étaient fondées.
43Mais, même ainsi artificiellement réduit à deux milliards et demi de dollars, le déficit ne peut pas être couvert par un prêt du gouvernement américain, qui se refuse, comme c’était annoncé, à le soumettre au vote du Congrès, après la difficile ratification du prêt britannique, au début du mois de mai. Alors, « nous avons dû nous contenter de pièces et de morceaux », témoigne Guillaume Guindey106. La décision de principe d’accorder un crédit à la France, appuyée sur l’approbation du Plan, est prise à la séance du National Advisory Council du 25 avril107. Clayton propose le règlement des comptes de guerre, un prêt de 650 millions de dollars, par l’intermédiaire de l’Export-Import Bank, et un éventuel crédit de la BIRD pour 1947-48108. À la séance du 6 mai, la proposition du sous-secrétaire d’État est acceptée, malgré les réticences de Marriner Eccles, gouverneur de la Banque Fédérale, et le refus de William Mc. C. Martin, président de l’Export-Import Bank, de dépasser 500 millions de dollars109. Parallèlement, un comité spécial de politique commerciale travaille, du 8 avril au 10 mai, sous la présidence de Wilcox (directeur de l'Office de la politique commerciale au Département d’État) et de Pierre Baraduc, collaborateur de Hervé Alphand110. Or, dès la première séance, non seulement les experts américains ne demandent pas aux Français d’engagements nouveaux de libération des échanges, mais reconnaissent le bien-fondé de la thèse française « à la fois sur la nécessité transitoire du programme d’importation et de son caractère discriminatoire »111. La délégation française expose la décision d’établir un tarif ad valorem, dont la protection ne doit pas excéder celle d’avant guerre, ainsi que la résolution gouvernementale de revenir par étapes aux pratiques du commerce privé, en réduisant le rôle des missions d’achat, très attaquées dans les milieux d’affaires, aux États-Unis comme en France112. Mais elle n’a pas à aller au-delà, puisque les Américains se contentent d’une reprise des engagements antérieurs. En revanche, dans la dernière semaine d’avril, Wilcox souhaite qu’il soit procédé à une déclaration publique, assurant qu’une indemnité serait versée à tout ressortissant américain frappé par une nationalisation, ceci « afin de rassurer d’éventuels investisseurs »113. Léon Blum consulte Félix Gouin, André Philip, Georges Bidault et s’y déclare favorable. Mais Philip et Bidault souhaitent que la déclaration soit soumise au Conseil des ministres. Quelques jours plus tard, le lendemain du rejet de la constitution en France, le Département d’État renonce à faire figurer les nationalisations à l’ordre du jour. Wilcox précise qu’il appartient au gouvernement français de juger s’il doit « rassurer les milieux d’affaires américains »114. Ce n’est donc pas l’initiative d’un « fonctionnaire » américain, comme le dira plus tard Léon Blum115 mais bien l’exécutif américain qui a modifié sa position, et transforme — comme cela se produira souvent dans les relations franco-américaines — une condition explicite en une suggestion appuyée.
44Les discussions du comité portent alors sur trois questions ponctuelles, mais où les positions paraissent inconciliables.
Les importations de films : depuis plus de six mois, la question est traitée à Paris, entre l’ambassade américaine et les ministres des Affaires étrangères et de l’Information116. C’est la suppression du double programme après la guerre, qui nécessite de revoir l’accord franco-américain du 6 mai 1936. Le gouvernement américain voulait maintenir un contingent aux importations : il proposait d’abaisser le chiffre de films américains importés de 188 à 108117. Le gouvernement français préférait un système de contingentement à l’écran, que les Américains refusent à Paris, mais qu’ils finissent par accepter à Washington. La négociation « qui prit à certains moments un tour assez âpre, a dès lors porté essentiellement sur le nombre de semaines qui seraient réservées à la production française »118. L’accord final — 4 semaines par trimestre — résulte d’une transaction proposée par le délégué américain, le 19 avril.
Les brevets allemands : à la réunion du 24 avril, les délégués américains présentent la thèse selon laquelle devraient être mis dans le domaine public tous les brevets saisis à l’ennemi. Baraduc signale alors que cela représenterait un sacrifice important pour la France. Un mois plus tard, la situation n’a guère bougé119.
Les réparations des dommages de guerre subis par les ressortissants américains en France : à la réunion de la commission du 19 avril, les délégués américains réclament pour les ressortissants américains le même traitement que celui réservé aux Français. La délégation française serait d’accord, à condition d’intégrer l’accord dans une convention plus large afin de « ménager l’opinion française », qui concevait mal des compensations, alors que la réparation ne pourra être que partielle pour les Français120. Dans ce domaine non plus, les Américains ne veulent pas accepter d’autre formule que la leur.
45La négociation, à la demande des Américains, doit également régler la question des comptes de guerre. Un sous-comité des réclamations, présidé par Harry Labouisse et Emmanuel Mönick, procède aux ajustements de comptes, qui remontent jusqu’aux premiers accords de 1942, et recherche un règlement définitif. Les divergences apparaissent sur le coût des Liberty Ships et sur l’évaluation des surplus américains en France.
46Les négociations se prolongent dans une seconde phase, du fait des questions commerciales en suspens, mais surtout parce que la délégation française cherche à couvrir l’essentiel du déficit. À Paris, des responsables du gouvernement prononcent des paroles imprudentes : Félix Gouin, le 10 mai, et surtout André Philip, qui annonce le 19 mai, à Macon : « L’aide américaine doit nous permettre de réaliser, dans toute son ampleur, le programme économique dressé pour une période de cinq ans par le gouvernement »121. Le 21 mai, il n’est toujours question que d’un prêt de l’Export-Import Bank de 650 millions de dollars, utilisables pour une « liste très étroite de marchandises »122. Il n’y a toujours pas d’accord sur les Liberty Ships, ni sur les surplus. La délégation française envisage alors de faire une demande de prêt d’un milliard de dollars, réduite ensuite délibérément à 500 millions, auprès de la BIRD (qui ne fonctionne pas encore) et sollicite, en vain, un appui officiel du gouvernement américain auprès d’elle. Léon Blum, quoique fort optimiste devant la presse une semaine plus tôt — il annonce qu’il ne reste que des « questions de détail »123 — obtient, le 22 mai, une entrevue auprès de Harry Truman, au cours de laquelle il explique que « les résultats sont loin d’être atteints »124. Il informe la presse de son intention de quitter Washington le lendemain. Le 23, les Américains acceptent d’intégrer le paiement de 75 Liberty Ships dans le crédit de liquidation du prêt-bail125. Léon Blum décide de retarder son départ, rencontre Byrnes, et lui fait part de ses regrets de voir que la solution envisagée ne permet pas de couvrir les besoins français, ni d’assurer l’exécution du 126. Le lendemain, le différend porte sur la levée des limitations, dont est assorti le prêt de 650 millions de dollars, sur son taux, ainsi que sur les surplus, les brevets allemands, les dommages de guerre et le soutien du gouvernement américain à la demande française auprès de la BIRD127. Le 25 mai, Félix Gouin fait parvenir un télégramme à Léon Blum, où il lui indique qu’il n’y a aucun inconvénient à revenir à Paris faire un rapport au gouvernement, si l’accord n’est pas satisfaisant128. Le 27 mai, cependant, les négociations aboutissent. La délégation américaine accepte de réduire de quelques millions de dollars l’évaluation des surplus et d’assouplir l’utilisation du crédit de l’Export-Import Bank : pour le reste, elle n’a rien cédé.
Le bilan financier : Jean Monnet « a laissé miroiter les espérances »
47Le bilan financier des accords constitue, malgré les propos publics enthousiastes de Léon Blum, une grande désillusion. Certes, les livraisons en pur prêt-bail ont été effacées (soit une remise gratuite d’environ 1,5 milliard de dollars), ainsi qu’une partie des crédits antérieurs (359 millions de dollars). Reste un crédit de 720 millions de dollars (à 2 % en 35 ans), dans lequel il faut compter les 300 millions de dollars de surplus (alors que les experts de la rue de Rivoli les estimaient à 175 millions et Le Monde à 50 millions de dollars en valeur réelle), ainsi que 20 millions de dollars pour l’achat de 75 Liberty Ships, trop lents129. Ainsi, la délégation française a réussi à liquider avantageusement le passé : Léon Blum et Félix Gouin insistent surtout sur cet aspect. Encore faut-il remarquer que le paiement américain pour la solde des troupes a été très inférieur aux prévisions et représente à peu près ce que les Français ont dû régler pour les livraisons hors prêt-bail avant la fin des hostilités. En revanche, la France accepte la thèse américaine sur les dommages de guerre, ce qui lui coûte 8 à 10 milliards de francs130. La clause de réciprocité, présentée comme une concession par les Américains, ne peut faire illusion ! De même pour les brevets allemands. Quant à l’ouverture du marché français aux films américains, on sait combien cette concession émut la profession131 De plus, l’emprunt de 720 millions couvre en partie des commandes déjà passées. La France ne dispose, pour l’avenir, que d’un peu plus de 700 millions de dollars, à la suite du prêt de 650 millions de dollars de l’Export-Import Bank (à 3 % en 25 ans, contre 2 3/8 % en 30 ans pour celui de décembre 1945)132.
48Le bilan paraît sans rapport avec les chiffres escomptés : « En définitive il n’y a aucune commune mesure entre les conditions consenties à la Grande Bretagne et les résultats auxquels les conversations franco-américaines ont abouti », conclut une note de service de Hervé Alphand133. D’autre part, les promesses américaines (purement allusives dans le texte des accords) d’aide au gouvernement français pour obtenir du charbon allemand et un crédit de 500 millions de dollars auprès de la BIRD vont vite s’avérer illusoires :
1. A propos du charbon allemand :
49La seule décision prise à Washington consiste à décider l’envoi d’une mission en Europe, et d’inclure une déclaration bienveillante dans le mémorandum. Pour les Américains, la question du charbon allemand ne peut être que subordonnée à l’ensemble de leur politique allemande, pour laquelle les intérêts spécifiques de la France pèsent de peu de poids, face aux enjeux internationaux. D’où des promesses vagues, dont les responsables français avertis, comme Jean Monnet ou Hervé Alphand, savent ce qu’elles valent, à un moment où les deux puissances anglo-saxonnes infléchissent leur politique en faveur du relèvement économique de leurs zones134 ;
2. A propos du prêt de la BIRD :
50Léon Blum et Jean Monnet annoncent, à leur retour, un prochain prêt de 500 millions de dollars, jugé par ce dernier comme « un élément essentiel du redressement français »135. Plusieurs démarches se succèdent, en vain, durant l’hiver 1946. Il faut attendre le 9 mai 1947 pour que la BIRD accorde un prêt, de 250 millions de dollars seulement.
51Enfin, Jean Monnet souligne, dans une note préparatoire au rapport pour le gouvernement, que certaines ressources ne sont pas acquises (bien que les Américains les ait incluses pour réduire le déficit) : les réparations allemandes et les crédits des autres pays136.
52Dans la meilleure des hypothèses, les crédits obtenus laissent un déficit à couvrir largement supérieur à un milliard de dollars137. Comment est-il possible que, jusqu’aux derniers instants, les négociateurs français aient pu envisager que Washington allait couvrir la totalité du déficit jusqu’en 1950 ? Quelques jours avant l’issue des négociations, Jean Monnet écrit : « Le plan a permis la conclusion des accords ; les accords vont permettre l’exécution du plan »138. Deux membres importants de la délégation témoignent, trente-cinq ans après l’événement : « C’était une grande désillusion », confie Emmanuel Mönick. Guillaume Guindey confirme : « Ce fut une déception pour l’ensemble du gouvernement socialiste (M. André Philip, ministre des Finances, espérait beaucoup de l’allié américain) »139. On peut certes penser qu’il y eut, du côté français, « des illusions »140. Cependant, il apparaît peu vraisemblable que Jean Monnet, si bien informé sur les hommes et les réalités d’outre-Atlantique, ait cru, jusqu’au terme des négociations, que la France pourrait obtenir la couverture du déficit. Les indications fournies par l’ambassade de France à Washington et par la presse ne laissaient guère de doute141. Les Mémoires de Jean Monnet donnent une réponse : « Il n’y avait aucune chance, je le savais, d’obtenir d’un seul coup des crédits massifs. Il faudrait revenir d’année en année et faire la preuve de notre effort »142. Et, contrairement à tous les textes préparatoires qu’il rédige avant et pendant la négociation, il ajoute, à propos des crédits américains, qu’ils « ne couvraient qu’en partie les besoins évalués grossièrement jusqu’en 1950. Mais tel n’était pas, dans mon esprit, le but de notre mission » ; il conclut : « Ce que j’étais venu chercher, et ce qui était acquis, était l’assurance que nous pouvions commencer le plan sans crainte de rupture »143. Son principal souci n’a-t-il pas été d’obtenir l’approbation de Washington pour le Plan ? Mais serait-il parvenu au même consensus en France s’il avait tenu ce langage ? Tandis que la perspective d’obtenir, en une seule négociation, l’indépendance économique et financière vis-à-vis de Washington ne pouvait que rassurer les forces politiques les plus soucieuses d’assurer l’indépendance nationale face à la trop puissante Amérique, et tout particulièrement les communistes. Sa préoccupation profonde consiste à amorcer l’articulation Plan-aide américaine, alors que, dans la préparation de la négociation, il insiste sur le fait que les Français vont à Washington, pour obtenir les moyens de ne plus y retourner. Jean Monnet donne lui-même, trente ans plus tard, l’une des raisons pour laquelle « il a laissé miroiter les espérances à Paris trop longtemps »144. Le succès de la négociation, aux yeux de Jean Monnet, ne peut se mesurer dans le temps court145. E. Mönick le confirme : « La négociation a tout de même été utile parce qu’elle a montré le sérieux avec lequel Jean Monnet avait préparé son Plan. L’atmosphère créée à la Trésorerie américaine a beaucoup aidé par la suite et nous a permis au moment de la négociation du Plan Marshall d’obtenir des facilités »146. L’intérêt essentiel était de convaincre que la France était « a good concern » (Jean Monnet)147.
***
CONCLUSION DU CHAPITRE XXIII
53Les huit mois qui séparent les élections à la première Constituante et le premier référendum sont marqués par une double évolution, dont les composantes se développent non sans tension. À l’intérieur, c’est l’apogée des « réformes de structures », notamment les nationalisations, inscrites dans le programme du CNR. Pour ceux des experts ou des gouvernants qui veulent, pour des motifs socio-politiques, amortir cette poussée nationalisatrice, il n’est guère possible, pour des raisons économiques, d’éviter la nationalisation de secteurs décisifs au relèvement. Comme l’écrit René Mayer dans son Journal (op. cit. p. 345) : « Ce n’est pas facile de nationaliser sans nationaliser ». Mais, parallèlement, les instruments du dirigisme par les prix et les quantités, hérités de Vichy, s’avèrent incapables d’enrayer l’inflation.
54Dans le domaine international, l’affaiblissement financier et économique de la France conduit ses dirigeants à solliciter Washington et renforce le rôle d’intermédiaire obligé, joué par Jean Monnet. Si les charges du passé sont effacées, l’avenir financier reste incertain. Il n’existe pas de trace permettant d’affirmer que l’hostilité des États-Unis à la politique de la France à l’égard de l’Allemagne rend compte de leur manque de largesses148 De toute façon, la France, malgré les réseaux d’amitiés de Jean Monnet, n’aurait pu obtenir davantage à Washington, après l’important crédit accordé aux Britanniques et le poids de réflexes étroitement financiers.
55Cependant, malgré leurs résultats immédiats limités, les négociations de Washington ont servi de répétition générale, au cours de laquelle la France a pu présenter des positions novatrices dans trois domaines.
56Tout d’abord, l’idée avancée par Jean Monnet, que le Plan est doublement lié à une aide financière et matérielle américaine. Ensuite, la position, également défendue par le Commissaire au Plan, que la libération commerciale ne peut intervenir qu’après une période transitoire de modernisation. Enfin, dans son discours du 25 mars 1946, Léon Blum a eu recours à un argument « plus politique » (Jean Monnet), laissant entendre, à mots couverts — tripartisme oblige ! — que la « misère matérielle » de la France pouvait affecter les intérêts vitaux de Washington. Sorte de « chantage des faibles » (Alfred Grosser), l’argument était sans doute prématuré. L’appel à la solidarité atlantique, à connotation anticommuniste, n’allait trouver un écho qu’un an plus tard.
Notes de bas de page
1 Nous nous appuyons, pour une grande partie de ce chapitre, sur notre article « Autour des accords Blum-Byrnes... », cité. Cf. René Girault, « La France et les autres... », contrib. citée ; Richard F. Kuisel, Le capitalisme..., op. cit., chapitre VIII, p. 363-407 ; Alan S. Milward, The Reconstruction..., op. cit. ; François Bloch-Lainé, Jean Bouvier, La France restaurée..., op. cit., p. 119 et suiv.
2 MAE, A 196-5, d. « Négociations Ex. Im Bank », Mémorandum de Jean Monnet, 24 août 1945, 4 p. ; souligné par nous.
3 AN, F 60 921, d. « Jean Monnet », s.-d. « Lend-lease », Télégramme n° 1549, 1er septembre 1945 ; souligné par nous.
4 Dès le 30 juillet 1945, lors d’une conversation entre fonctionnaires français et américains, C. Wilcox, Directeur du Bureau de Politique Commerciale, demande à J. Wilcox, Directeur du Bureau de Politique Commerciale, demande à J. de Fouchier, Directeur adjoint de la Direction des Relations économiques extérieures au ministère de l’Économie nationale, de rétablir le plus rapidement possible la liberté du commerce entre la France et les États-Unis. « Foreign Relations of the United States » (désigné FRUS, infra), volume IV, 1945, France.
5 Cf. MAE, A 196-5, d. cité, Résumé des conversations de M. Alphand à Washington, « confidentiel », 26 août 1945, 2 p. : « Les représentants américains (...) craignent que, dans bien des domaines, les autorités françaises ne s’engagent dans la voie de l’autarcie, d’une protection douanière excessive et de la discrimination. »
6 Fondation Jean Monnet pour l’Europe (infra : JM), AMF 3/5/7, Traduction de la lettre de William Clayton à Jean Monnet, 25 septembre 1945, 2 p. : « Nous sommes de plus en plus émus devant l’évidence des intentions de votre gouvernement de contrôler les importations et les exportations françaises, ce qui est en contradiction avec les principes comportant l’abaissement des barrières commerciales et l’atténuation des contrôles de façon à permettre le développement du commerce international qui constitue notre but. »
7 JM, AMF 3/5/5, Résumé de la conversation entre Jean Monnet et William Clayton concernant la politique commerciale, 25 septembre 1945.
8 MAE, A 194-5, d. « Négociations de Washington », Projet de lettre de Jean Monnet à William Clayton, 17 octobre 1945, 1 p.
9 JM, AMF 3/5/6, Mémorandum concernant la future politique commerciale, rédigé par Jean Monnet, 10 octobre 1945 ; souligné par nous.
10 Idem, mémorandum cité ; souligné par nous.
11 Alors directeur-adjoint du Trésor, puis directeur des Finances extérieures au ministère des Finances.
12 Directeur des Relations économiques extérieures aux Finances, jusqu’au moment où il rejoint, à l’automne 1945, Jean Monnet au Commissariat au Plan.
13 Ces documents se trouvent dans MAE, A 194-5, d. cité et dans JM, AMF 3/5/9 à 3/5/13.
14 MAE, A 194-5, d. cité, Note de Jean Monnet au général de Gaulle, au ministère des Affaires étrangères, au ministre de l’Économie nationale et des Finances, 17 octobre 1945, 3 p. Ce document se trouve également dans MAE, A 196-5, d. « Négociations Ex. IM Bank ».
15 FRUS, vol. IV, 1945, France, p. 772.
16 MAE, A 196-5, d. cité, Télégramme de Georges Bidault à l’ambassade de Londres, n° 5881-5886, et de Washington, n° 7171-7175, 12 novembre 1945, 1 p.
17 Intitulé « Propositions du gouvernement américain concernant l’expansion du commerce mondial et de l’emploi », le livre blanc américain a été élaboré par des experts sous la direction de W. Clayton. Il y est également question de :
1° La libération des restrictions imposées par les entreprises privées et les cartels ;
2° La libération des restrictions imposées par peur de désordre pour certaines matières premières de base ;
3° La libération des restrictions imposées par peur du déséquilibre dans l’emploi et la production.
18 AEF, 5 A 9 (Papiers René Pleven), d. « Négociations franco-anglo-américaines », Note de Christian Valensi au ministre des Finances, 21 novembre 1945, 8 p.
19 FRUS, vol. IV, France, p. 773. Jefferson Caffery redoute que le programme de la Délégation des Gauches, qui comporte « tant d’aspects relevant d’une économie fermée », soit inconciliable avec la politique commerciale américaine.
20 MAE, A 194-5, d. cité, Lettre de Francisque Gay à Jefferson Caffery, 31 décembre 1945, 3 p.
21 AEF, 5 A 9, d. cité, Télégramme de René Massigli à René Pleven, François Billoux et Jean Monnet, Londres, 8 décembre 1945, 2 p.
22 MAE, A 194-5, d. cité, Note : « L’accord anglo-américain du 6 décembre 1945 », s. a., s. d-, 13 p.
23 MAE, A 196-5, Télégramme de Georges Bidault, cité : « La France se trouve donc vis-à-vis des États-Unis dans une position à peu près identique à celle de la Grande-Bretagne. Si le concours qu’elle attend du gouvernement américain ne lui était pas donné, la France ne saurait être en mesure de participer au rétablissement du commerce international sur les bases proposées par le gouvernement américain et qui ont recueilli l’agrément de tous les signataires de l’accord de prêt-bail. »
24 MAE, A 194-5, d. cité, c. r. de l’entretien du 11 janvier 1946 de MM. Guindey et Alphand avec Lord Keynes, 9 p. Très affaibli, Keynes devait mourir peu après, le 21 avril 1946.
25 Idem, c. r. cité.
26 AEF, 5 A 9, d. cité, Télégramme de Henri Bonnet au ministre, Washington, 5 décembre 1945, 1 p.
27 Alan S. Milward, The Reconstruction of Western Europe, 1945-1951, Londres, Methuen, 1984, p. 129 et suiv.
28 Frances M. B. Lynch, « Resolving the paradox of the Monnet Plan : National and International Planning in French Reconstruction », Economic History Review, XXXVII, n° 2, juillet 1984, p. 229-243.
29 Cf. également Raymond Poidevin, « Frankreich und die Ruhrfrage 1945-1951 », Historische Zeitschrift, n° 228, 1979.
30 Au colloque organisé par la Fondation nationale des Sciences politiques, les 4-5 décembre 1981, sur la modernisation de la France (1944-1952). Au débat sur la ratification des accords de Bretton-Woods, seul Pierre Cot regrette que le Plan n’ait pas été confié au ministre de l’Économie nationale : « Nous aurions trouvé plus démocratique que ce soit un ministre responsable devant l’Assemblée qui soit chargé de la rédaction et de la préparation du Plan. » Il déplore le fait de « rattacher à la Présidence du gouvernement des leviers de commande de plus en plus importants » (JO, Débats de l’Assemblée nationale constituante. Séance du 26 décembre 1945, p. 397).
31 Henri Rieben et alii, La greffe européenne, Lausanne, 1973, p. 90-91.
32 Cf. François Fourquet, Les comptes de la puissance — Histoire de la Comptabilité nationale et du Plan, Paris, 1980 (462 p.), p. 60 et suiv.
33 Jean Monnet, Mémoires..., op. cit., p. 278.
34 Ibid., p. 282. Cf. également la note de Jean Monnet de décembre 1945, reproduite dans les Mémoires de Guerre du général de Gaulle.
35 AN, F 60 901, doc. n° 205, c. r. de la séance du 14 décembre 1945, p. 1.
36 Idem, c. r. cité, p. 2.
37 Jean Monnet, Mémoires..., op. cit., p. 285.
38 Cf. MAE, A 194-5, d. cité, c. r. d’entretien du ministre avec Léon Blum, le 21 février 1946, 1 p. : « M. Vergeot, qui a fait le principal travail sur l’établissement des données statistiques de la situation française que la Délégation présentera aux États-Unis. »
39 Idem, Note à la Direction des Affaires économiques, 15 janvier 1946, 8 p. et 4 p. annexes.
40 Cf. tableau infra, source : AN, 307 AP (Papiers Raoul Dautry) 121.
41 Idem, Projet d’exposé pour M. Léon Blum, 6 mars 1946, 14 p.
42 AN, F 60 901, doc. 205, c. r. de la séance du 14 décembre 1945 du CEI, p. 4, André Philip y annonce : « Comme la Russie à la veille du premier plan quinquennal, nous devons sacrifier la consommation présente pour améliorer la production future... la France doit choisir entre le bien-être et la liberté. »
43 Idem, c. r. de la séance du 18 février 1946 du CEI.
44 Cf. Idem, c. r. cité, p. 8 ; Jean Monnet y déclare : « Cette méthode souple est la seule efficace. Elle utilise les services compétents, mais elle déborde les cadres administratifs étroits lorsqu’il est nécessaire. »
45 Idem, c. r. de la séance du 21 février 1946 du CEI, 17 p.
46 Le ministre de l’Économie nationale contresigne également les arrêtés de désignation des membres des commissions de modernisation.
47 Cf. Georgette Elgey, La République des illusions - 1945-1951, Paris, 1965, p. 118-119 ; cf. MAE, A 194-5, d. cité, Note de la DGER — Objet : réaction américaine au sujet de l’emprunt américain à la France, 4 février 1946, 1 p.
48 MAE, A 194-5, d. cité (cf. note 38) : « Le ministre des Finances est entièrement d’accord avec le Département pour estimer que conformément à ses attributions, c’est au service compétent du Département qu’il appartient d’assurer cette coordination indispensable. M. Jean Monnet, qui avait semblé d’un avis légèrement différent... a donné son approbation à ce principe. »
49 FRUS, 1946, vol. V, France, p. 409, Télégramme du secrétaire d’État à J. Caffery, n° 573, « secret », 4 février 1946, 7 p. m. : « An approach to Congress for a crédit to France along lines of Brit loan is not practicable. »
50 MAE, A 194-5, d. cité, Mémorandum confidentiel remis par l’ambassadeur des États-Unis au ministère des Affaires étrangères, 22 février 1946, 2 p.
51 En matière d’investissements américains, la France avait adopté une attitude très libérale, à travers la lettre de René Pleven à F. Vinson, secrétaire au Trésor, le 26 septembre 1945. L’Office des Changes donnait l’autorisation automatique chaque fois que les investissements portaient sur une entreprise nouvelle ou sous contrôle étranger. Le contrôle était plus étroit s’il s’agissait de participation à une société française. Guillaume Guindey ajoute, à propos des investissements étrangers : « Nous n’avons pas été submergés pendant cette période ». Interview de G. Guindey (1er février 1980) ; document multigraphié du Centre d’Histoire de la France contemporaine, Université de Paris X, p. 27.
52 Une note de la Direction des Affaires économiques du 23 février 1946 prévoit que « la délégation française pourrait être amenée à donner certaines indications précises sur les secteurs qui ne seront certainement pas nationalisés et dans lesquels il y aurait intérêt à encourager les investissements privés ». (MAE, A 194-5, d. cité.).
53 Au moment où la délégation part pour Washington, les discussions, qui durent depuis six mois, en sont au point suivant : les Américains proposent un contingent de 108 films américains, alors que la capacité d’absorption française est de 180 films par an. Les ministères de l’Économie nationale, des Finances, des Affaires étrangères et de l’Information proposent un contingentement à l’écran réservant sept semaines sur treize à la production française, solution rejetée par les Américains. Les Français veulent surtout éviter le contingent numérique.
54 MAE, A 194-5, d. cité, Instructions à la délégation française chargée des négociations financières et économiques aux États-Unis, Confidentiel, 23 février 1946, 9 p. Elles sont approuvées par F. Gouin, M. Thorez et F. Gay, vice-présidents du Conseil, G. Bidault, A Philip, F. Billoux (ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme), L. Blum et L. Joxe (secrétaire général du Gouvernement provisoire).
55 Les Français ont à l’esprit le délai d’un an fixé aux Britanniques.
56 Édouard Herriot se plaint, au lendemain des accords, de l’exclusion des autres partis.
57 MAE, A 194-5, d. cité, Note de Jean Monnet à la Direction des Affaires économiques, 15 janvier 1946, 8 p. et 4 p. annexes : « Nous ne pouvons pas compter sur les réparations allemandes pour nous apporter un appoint appréciable ».
58 AN, 307 ÀP 121, Projet d’exposé pour M. Léon Blum, cité : « Il n’en subsiste pas moins dans nos essais de prévisions, un solde non couvert du 1er janvier 1946 au 31 décembre 1949, de l’ordre de 4 milliards de dollars, dont il ne pourra probablement être comblé qu’une partie assez minime par les réparations allemandes ».
59 Dans le premier rapport du Commissaire général au Plan, à l’alinéa intitulé « nécessité d’un apport extérieur », il n’est question que des réparations allemandes : nulle trace de crédits américains.
60 Cf. AN, F60 902, c. r. de la séance du 18 février 1946 du CEI, cité. Jean Monnet y déclare : « La solution heureuse du problème allemand est plus nécessaire que les négociations pour obtenir des crédits américains ».
61 Jean Monnet, Mémoires..., op. cit., p. 294.
62 Cf. Antoine Prost, « Une pièce en trois actes » in Claire Andrieu et alii..., Les nationalisations..., op. cit., p. 242 et suiv. ; ainsi que Claire Andrieu in Ibid., p. 313 et suiv.
63 Cf. Ibid., p. 313 et suiv. ; Jean Bouvier, Un siècle de banque..., op. cit. ; François Bloch-Lainé, Jean Bouvier, La France restaurée..., op. cit.
64 Cf. Claire Andrieu in Claire Andrieu et alii, Les nationalisations..., op. cit., p. 340 et suiv.
65 Cf. Ibid. ; René Remond, Janine Bourdin, La France de l’après-guerre : au tournant de la modernisation, à paraître ; Henry Rousso, De Monnet à Massé, Paris, 1986 ; Jean-François Picard, Alain Beltran, Martine Bungener, Histoire(s) de l’EDF, Paris, 1985.
66 Cf. Jean-François Picard et alii, Histoire(s)..., op. cit. ; François Bloch-Lainé, Jean Bouvier, La France restaurée, op. cit. ; Pierre Massé, Aléas et progrès — Entre Candide et Cassandre, Paris, 1984, 355 p.
67 AEF, 5 A 15, d. « p.-v. des réunions des secrétaires généraux », p.-v. de la réunion du 19 janvier 1946, 10 p.
68 Cf. La thèse de Annie Lacroix-Riz, en partie publiée dans La CGT, de la Libération à la scission, 1944-1947, Paris, 1983.
69 AEF, 5 A 15, d. cité, p.-v. de la réunion du 22 mars 1946, 7 p.
70 Idem, p.-v. de la réunion du 1er décembre 1945, 11 p.
71 Michel Debré, Trois républiques..., op. cit., t. 1, p. 388 et suiv.
72 IRM, c. r. sténographique de la séance du 21 avril 1946 du comité central du PC à Gentilly.
73 OURS, c. r. sténographique des Comités directeurs de la SFIO, p.-v. de la séance du 3 décembre 1946.
74 IRM, c. r. cité.
75 AEF, 5 A 15, d. « Résumé des rapports des secrétaires généraux », Résumé des rapports de la 2e quinzaine de janvier 1946, 4 p.
76 Idem, Résumé des rapports de la 1re quinzaine de mars 1946, 4 p.
77 Idem, d. « p.-v. des réunions », p.-v. de la réunion des secrétaires généraux du 13 mars 1946, 11 p.
78 Idem, d. « Résumé... », cité, Résumé de la 1re quinzaine de mai 1946, 4 p. Cf. également BN, Fw 280, huit résumés de rapports d’inspecteurs généraux de l’Économie nationale.
79 Idem, d. cité, Résumé de la 2e quinzaine d’avril 1946, 4 p.
80 Idem, Résumé de la 2e quinzaine de février 1946, 4 p.
81 Idem, d. « Réunions... », cité, c. r. de la réunion du 1 7 avril 1946, 11 p.
82 AEF, 5 A 18, d. « 1946 », Note sur l’Administration centrale du MEN, par Jean Hamelin, s. d., 34 p.
83 Cf. AEF, 5 A 74, d. « monographies ».
84 Gaston Cusin, Les services..., op. cit., p. 15.
85 Cf. AEF, 5 A 15, d. « Inspection générale de l’EN ».
86 AEF, 5 A 15, d. « Réunions... », cité, c. r. de la réunion du 13 mars 1946, 11 p.
87 Guillaume Guindey, Pierre Baraduc, chef de service au quai d’Orsay, Michel Denis, Jean Martial, Maurice Viaud et Michel Debré, maître des requêtes au Conseil d’État, que son ami Emmanuel Mönick a pu adjoindre à la délégation afin que son voyage à Washington lui soit profitable pour sa carrière future (interview de G. Guindey, Paris, 10 décembre 1981).
88 Cf. Le Monde, 3-4 mars 1946, p. 1, colonne d.
89 Jean Monnet, Mémoires., op. cit., p. 295. Cette première réunion du Conseil du plan fixe l’objectif général de production de 1950 à 25 % au-dessus de celle de 1929, et envisage, pour 1950, une production de nouille de 65 mt., d’électricité de 25 M kwh, de 14,7 mt. d’acier et de fonte, ainsi que de 50 000 tracteurs par an pendant les cinq ans à venir.
90 FRUS, 1946, vol. V, France, p. 427, Byrnes à Caffery, 10 avril 1946 : « Plan estimates total foreign financial aid required for 4 years 1946-1949 at 4 billions ».
91 Cf. L’Œuvre de Léon Blum, 1945-1947, Paris, 1958, p. 188-196.
92 « Quand il (Jean Monnet) prenait part à une négociation il en prenait vite le commandement, reléguant les autres membres à un rang mineur ». Interview de G. Guindey (1er février 1980). Document multigraphié par le Centre d’histoire de la France contemporaine de l’Université de Paris X, P. 12.
93 MAE, A 194-5, d. cité, note de l’ambassade de France à Washington à l’attention de la DAE, 10 avril 1946, 3 p.
94 Source : MAE, A 194-5, d. cité, annexes confidentielles. Cf. tableau, infra, p. 832.
95 Alfred Sauvy, De Paul Reynaud..., op. cit., p. 182.
96 FNSP, Archives Léon Blum, 4 BL 2 Dr 3, exposé de Léon Blum devant le groupe socialiste, manuscrit, 26 juillet 1946.
97 AN, F60 923, rapport sur les travaux du sous-comité financier, 4 p.
98 MAE, A 194-5, d. cité, note citée.
99 Cf. Idem, télégramme de Léon Blum à Félix Gouin, André Philip, Georges Bidault, au CEI et au CGP, Washington, n° 1916-1925, 4 avril 1946 ; Idem, télégramme de Jean Monnet, 10 mai 1946 : « La partie la plus importante du programme d’habitation s’exécutera après 1950, avec d’autant plus de facilités que les productions de base (acier, matériaux de construction) auront été développées ».
100 Cf. FRUS, 1946, vol. V, France, p. 433 : à la réunion du National Advisory Council, le 25 avril 1946, E.-M. Berstein, représentant du Trésor, considère même que l’objectif d’atteindre en 1948 le niveau de vie de 1929 est modeste. Plusieurs députés s’étonnent, lors du débat de ratification des accords, que le Plan ait été approuvé à Washington avant de l’être à Paris (cf. JO, DP Assemblée nationale constituante, première séance du 1er août 1946, p. 2906). Cf. AN, F60 923, d. cité, annexe IV, rapport sur les travaux du sous-comité économique, s. d., 7 p.
101 FRUS, 1946, vol. V, France, p. 418-420.
102 Cf. le discours de Félix Gouin à Strasbourg, le 25 mars 1946.
103 Cf. AN, F60 923, d. cité, annexe VIII, rapport sur les négociations relatives à l’approvisionnement de la France en charbon, 26 juin 1946, 4 p. C’est le seul moment où un communiste du gouvernement participe à la négociation. Pierre Baraduc note à ce propos dans une lettre à Hervé Alphand : « J’espère que la présence de notre expert ne provoquera pas d’incident », 23 avril 1946. (MAE, A 194-5, d. cité).
104 Les réserves d’or sont réduites de 1,2 à un milliard de dollars cf. AN, F60 923, d. cité, annexe V, rapport sur les travaux du sous-comité financier, s. d., 4 p.
105 300 millions de dollars : crédits du Canada et de la zone sterling.
120 millions de dollars : crédits d’autres pays ;
300 millions de dollars : réparations allemandes ;
220 millions de dollars : investissements privés.
106 Interview du 1er février 1980, Document multigraphié cité, p. 11.
107 Le National Advisory Council chargé de l’examen des problèmes monétaires et financiers internationaux se compose de représentants du Département d’État, de la Banque Fédérale, de l’Export-Import Bank, du Département du Commerce et du Trésor.
108 FR US, 1946, vol. V, France, p. 431 -434, Minutes de la 22e réunion du National Advisory Council du 25 avril 1946.
109 Ibid., p. 440-446, Minutes de la 24e réunion du NAC du 6 mai 1946.
110 Le Comité spécial travaille en fonction de l’ordre du jour suivant :
1° Propositions américaines sur l’expansion du commerce et de l’emploi ;
2° Retour progressif au commerce privé pour les achats français aux États-Unis ;
3° Rôle du Conseil français des approvisionnements dans le contrôle des achats ;
4° Développement des exportations françaises ;
5° Protection des intérêts américains en France (réparation des dommages de guerre, indemnisation en cas de nationalisation, octroi d’aide réciproque d’anciens brevets allemands, exportation de films américains en France). Cf. MAE, A 194-5, d. cité. Note de l’ambassade de France aux États-Unis à la Direction des Affaires économiques, 10 avril 1946, 6 p.
111 AN, F 60 923, d. cité, Annexe VI, Rapport sur le comité de politique commerciale, s. d., 10 p.
112 Un membre de la délégation française envisageait même de révéler aux Américains le nouveau tarif, mais le Quai d’Orsay l’en dissuada. Depuis l’été 1945, les responsables du ministre de l’Économie nationale s’engagent vis-à-vis des Américains à reprendre les méthodes du commerce privé dès que la pénurie de devises aura cessé. Une note de Roger Nathan à Léon Blum, le 28 février, donne le contenu de la position française : « l’organisation étatique du commerce n’est due qu’à l’insuffisance de devises ». (MAE, A 194-5, d. cité). À partir de janvier 1945, les groupements d’achat ou les achats individuels sous licences se substituent aux missions d’achat, sauf pour les commandes des services publics.
113 MAE, A 194-5, d. cité, Télégramme de Léon Blum à Félix Gouin, André Philip et Georges Bidault, Washington, nos 2176-2178, 25 avril 1946.
114 Idem, Télégramme cité.
115 FNSP, 4 BL 2 Dr. 3, Exposé cité.
116 On peut difficilement écrire, à propos des films américains, que la délégation française, était « mal informée », comme le fait J. Lacouture in Léon Blum, Paris, 1977, p. 530.
117 Dans les Archives Jean Monnet, il existe dès l’automne 1945, une série d’échanges sur cette question. Cf. J. M., AMF 3/5/65 à 3/5/77.
118 AN, F 60 923, d. cité, Annexe VII, Rapport sur les négociations relatives à l’importation des films, 4 p. Avec ce système, défendu à l’Assemblée par Gaston Deferre, le cinéma français ne pouvait produire et distribuer que 48 films par an (contre les 84 correspondant aux 7 semaines demandées) contre 80 films produits en 1941-42 et 110 à 120 films par an de 1932 à 1939.
119 Marcel Paul se montre particulièrement hostile à cette concession.
120 La marge de manœuvre est nulle pour les Français car « ce principe en effet onéreux pour le gouvernement français a été la condition mise par le gouvernement des Etats-Unis à la signature de l’Acte de Paris sur les réparations » (MAE, A 194-5, d. cité, Note de la Direction des Affaires économiques, 2e bureau, 15 mars 1946, 5 p.) ; cf. AN, F 60 923, d. cité, Annexe VI... : la délégation française va finir par accepter l’extension aux sociétés américaines en France de la législation sur les dommages de guerre du fait que « cette mesure va vraiment décider les grandes sociétés pétrolières américaines à opérer elles-mêmes avec du matériel américain la reconstruction des raffineries leur appartenant ».
121 Le Monde, 21 mai 1946 ; souligné par nous.
122 Cette liste exclut notamment le coton.
123 Le Monde, 15 mai 1946.
124 MAE, A 194-5, d. cité, Télégramme de Henri Bonnet à la DAE, Washington, nos 2631-2632, 22 mai 1946.
125 Idem, Note au directeur général des Affaires économiques, 25 mai 1946.
126 FRUS, 1946, vol. V, France, p. 451-452, Mémorandum de la conversation entre Léon Blum, Henri Bonnet, James Byrnes et H. Matthews, 23 mai 1946.
127 MAE, A 194-5, d. cité, Note citée (cf. note 6, page précédente).
128 Idem, Télégramme de Félix Gouin à Léon Blum, 25 mai 1946, 2 p.
129 Les surplus représentent une masse hétéroclite d’équipements et d’objets depuis des jeeps, des pneus... jusqu’à des serviettes de toilette. Keynes avait donné le conseil aux Français de demander une somme forfaitaire. Les 300 millions de dollars représentent environ 20 % de la valeur neuve, ce qui est jugé excessif par les services de la rue de Rivoli. Faisant allusion aux surplus de la Première Guerre mondiale, Le Monde écrit : « L’histoire paraît se répéter » (1er juin 1946).
130 AN, F 60 923, d. cité, Rapport de Léon Blum et de la délégation française sur les négociations franco-américaines de Washington (mars-mai 1946), s. d., (28 p.), p. 17 et 27.
131 Un comité de défense, alerté par la diminution de la production française de plus de la moitié par rapport à l’avant-guerre (cf. supra) va regrouper réalisateurs, techniciens et vedettes. Il faut attendre septembre 1948 pour que la production française ait la garantie de seize semaines par an car, dans les accords Blum-Byrnes, elle devait disparaître au bout de quatre années. Cf. Le Monde, 10 novembre 1981 (« Les origines d’une méfiance »), et Patricia Huet-Lacombe, « La Guerre froide et le cinéma français 1946-1953 », Thèse de IIIe cycle soutenue en 1981 à l’IEP.
132 AN, F 60 923, d. cité, Rapport cité (cf. note 5, page précédente), p. 16.
133 MAE, A 194-5, d. cité, Note pour M. Alphand du 2e bureau de la DAE, 28 mai 1946, 2 p. ; souligné par nous.
134 Il est simplement mentionné dans la déclaration conjointe de M. Truman et F. Gouin : « Le gouvernement américain continuera à aider la France à se procurer un approvisionnement suffisant en charbon allemand ». Cf. MAE, A 196-5, d. cité : Dès août 1945, lors des conversations qu’il mène à Washington, Alphand rapporte « qu’une fraction de l’industrie lourde allemande (soit) actuellement remise en marche, contrairement au plan général de désarmement économique ». Et lorsque Byrnes rencontre Blum, le 19 mars 1946, il lui confie : « Everything possible has been done to increase production there ».
135 JM, AM F 4/6/9, Note sur la demande de crédit à la BIRD, 31 août 1946, 7 p.
136 JM, AMF 4/5/2, Note sur le Rapport au gouvernement français sur les négociations conduites par Léon Blum avec le gouvernement américain, 23 mai 1946, 15 p.
137 AN, F 60 23, d. cité, Rapport de Léon Blum, cité, p. 10.
138 JM, AMF 4/5/2, note citée.
139 Cf. Interview d’Emmanuel Mônick du 23 avril 1979 in Bulletin du centre d’histoire de la France contemporaine, n° 2, p. 56. Emmanuel Mönick avait été prévenu par Harry White, dès les premiers jours de la négociation, que la France obtiendrait beaucoup moins que ce qu’elle escomptait ; et cf. Interview de Guillaume Guindey du 1er février 1980. Document multigraphié..., p. 12.
140 Interview de Guillaume Guindey, citée.
141 Dès le 24 février 1946, Henri Bonnet, ambassadeur de France à Washington, prévient MM. Blum, Monnet, Guindey et Nathan que l’Administration ne veut pas demander de nouveaux crédits au Congrès et qu’il faudra se contenter de l’Expert-Import Bank. De même, dès le 9 février, Caffery a transmis au gouvernement français les propos du télégramme de Byrnes annonçant qu’il faudrait compter sur environ 500 millions de dollars (FRUS, 1946, vol. V, France, p. 412). De plus, l’engagement de Truman vis-à-vis du Congrès était bien connu de la délégation française avant même son départ.
142 Jean Monnet, Mémoires..., op. cit., p. 299-300.
143 Ibid. Alors que dans ses Mémoires, Jean Monnet parle de prêts échelonnés, dans ses archives, on trouve le résumé d’une conversation le 15 janvier 1946 à l’ambassade américaine, où il dit « Piecemeal credits would handicap French planning procédures », FRUS, 1945, vol. V, France, p. 399.
144 Interview de Guillaume Guindey (Paris, 10 décembre 1981).
145 Cf. MAE, A 194-5, d. cité, Télégramme de Jean Monnet, Washington, nos 2700-2715, 27 mai 1946 : « Au point de vue international le succès de la négociation marque entre les deux peuples un resserrement d’amitié qui doit s’accentuer dans l’avenir ».
146 Interview d’Emmanuel Mönick, citée.
147 JM, AMF 3/5/2, lettre de Jean Monnet à Clayton, 24 septembre 1945, 1 p.
148 Cf. Philippe Mioche, « Aux origines du Plan Monnet », Revue historique, n° 538, 1981, p. 405-437.
Notes de fin
1 Source : Évaluation de l’Institut de Conjoncture.
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