Chapitre XXI. La Résistance : une triple relève (1941-août 1944)
p. 721-768
Texte intégral
1L’originalité de la Résistance française, comme mouvement politique et national, repose sur le caractère à la fois unifié de son organisation et multiple de ses composantes (à la différence d’autres pays). On retrouve cette caractéristique à propos de la direction des finances et de l’économie, pour laquelle se manifestent simultanément une grande variété de projets pour l’après-guerre et la nécessité, dès la formation du CFLN, le 3 juin 1943 à Alger, de définir une politique cohérente de relève de Vichy. Les différents clivages ne recoupent pas seulement la distinction, certes importante, entre Résistance intérieure et extérieure, car chacune d’elle apparaît également hétérogène. Pour la clarté du propos, nous avons distingué la relève des « légistes », celle des combattants, ainsi que la direction des finances et de l’économie envisagée par le CFLN d’Alger pour la France libérée.
I. LA RELÈVE DES LÉGISTES : LONDRES, PARIS, ALGER
2De 1942 à 1944, parallèlement à l’action politique et militaire et en liaison avec elle, plusieurs groupes d’experts, chargés de réfléchir aux structures, responsables et orientations de la direction économique et financière de l’après-Libération, se sont réunis dans divers lieux occupés par les organes de la Résistance intérieure et extérieure. On peut distinguer, au sein d’un faisceau de propositions, plusieurs courants et groupes assez stables, desquels émergent certaines personnalités, qui vont marquer l’après-guerre.
1. Londres : Hervé Alphand et la commission d’étude (décembre 1941-mai 1943)
3On connaît, grâce aux papiers de Pierre Maisonneuve, retrouvés par Richard Kuisel, la teneur des débats et les protagonistes de la Commission d’étude pour les problèmes économiques, créée à Londres par le général de Gaulle, en décembre 19411.
4Il ne semble pas toutefois que les travaux et rapports de cette commission aient eu une grande influence, dans la mesure où les hypothèses formulées dépendaient de paramètres inconnus trop nombreux (sur la date et les conditions de la Libération, et la situation en France même), et où le général de Gaulle n’a guère accordé d’attention à ses débats. Accaparé par le souci de faire reconnaître la France libre, puis combattante, par les Alliés, il manifeste en outre une grande prudence sur la définition des traits de l’économie d’après guerre, tenant à en laisser le soin à une représentation de la Nation. Le 23 juin 1942, il formule toutefois, en accord avec les mouvements de résistance des deux zones, et en réponse au fameux discours de Laval, prononcé la veille, quelques orientations, parmi lesquelles « un puissant renouveau des ressources de la nation et de l’Empire par une technique dirigée »2. Au sein de la cinquantaine de membres de la commission, présidée par Hervé Alphand — qui a rejoint le général en mai 1941, et devient, à la fin de 1941, le directeur des Affaires économiques du Comité national français — les débats font surgir des désaccords, à la fois sur les questions nationales et internationales : le type de relations à établir avec Washington — sur lesquelles Georges Boris manifeste précocement ses inquiétudes — la part du secteur libre et dirigé ou nationalisé, le poids respectif de l’Administration et des organisations professionnelles3. Beaucoup de ces discussions tournent à l’affrontement d’hypothèses d’écoles. D’ailleurs, les protagonistes eux-mêmes ne semblent pas avoir conservé une trace très vive de ces travaux : Hervé Alphand ne les mentionne pas dans son Journal et Robert Marjolin, qui vient le seconder à la fin de 1941, parle d’un « souvenir très vague »4. Il paraît toutefois schématique d’opposer des « néo-libéraux » (Alphand, Pleven, Hirsch) — terme plus commode que précis — à des socialistes comme André Philip, Georges Boris ou Robert Marjolin5. Les contours entre les différentes tendances apparaissent plus complexes, et Marjolin ne peut être qualifié sans nuance de socialiste : depuis 1938, et sa collaboration à l’Europe nouvelle, il a pris ses distances avec Léon Blum (il se considère, dès cette date, comme « social-démocrate »), et apparaît beaucoup plus keynésien que planiste ou, a fortiori, socialiste. A Londres, il devient membre du Reform club, où il côtoie notamment Lionel Robbins6.
5La sous-commission Alphand, dans son rapport de juillet 1942, tout en recommandant la création d’un ministère de l’Economie, envisage, à terme, l’intervention de l’État, surtout à travers la politique monétaire, financière et fiscale, de préférence à un contrôle sur les prix et les quantités7. Le séjour londonien de ces experts ou hauts fonctionnaires leur a permis d’apprécier les vertus des raisonnements macro-économiques, de la comptabilité nationale et des préceptes keynésiens8. L’influence du planisme d’avant guerre ou du dirigisme socialiste semble beaucoup plus limitée, perceptible davantage aux marges de la commission — à l’exception du cas d’André Philip, qui tient d’ailleurs à faire part des idées énoncées chez les Résistants de France occupée — chez d’anciens dirigeants syndicalistes de la CGT (Christian Pineau, Albert Gazier, Robert Lacoste) en contact avec Londres, mais présents dans la Résistance intérieure9. Les responsables les plus proches du général de Gaulle et dont la continuité des tâches est la plus nette à ses côtés — René Pleven, Hervé Alphand — apparaissent comme ceux qui, tout en envisageant des interventions étatiques monétaires et financières globales en faveur du « plein emploi », se montrent les plus réservés sur les atteintes durables aux règles du marché.
2. Le CGE et le rapport Courtin : le manifeste d’une conversion
6On connaît, grâce aux travaux de Diane de Bellescize, l’histoire du CGE : constitué en juillet 1942 sous le nom, vite abandonné, de Comité des Experts, le Comité général d’Études de la Résistance (appelé, après mai 1943, Comité national d’Études — CNE) résulte de la décision de Jean Moulin, sur une suggestion de François de Menthon, de doter la Résistance d’un organe de réflexion sur les structures, institutions, cadres et orientations pour l’après-Libération10.
Un Aréopage à dominante néo-libérale
7Cet Aréopage de six, puis neuf membres (avec l’entrée, à l’été 1943, de Michel Debré et Jacques Charpentier, et, à l’hiver, de Pierre Lefaucheux), n’est qu’un reflet déformé des forces (notamment combattantes) de la Résistance. Il apparaît étroit dans sa composition socio-professionnelle, dominée par les « légistes » : sept docteurs en droit, dont quatre professeurs (François de Menthon, Paul Bastid, Pierre-Henri Teitgen et René Courtin), deux membres du Conseil d’État (Alexandre Parodi et Michel Debré) et un avocat ; un ingénieur et un fonctionnaire des Finances. De plus, l’« éventail politique est peu ouvert ». La démocratie chrétienne se trouve en bonne place et, plus généralement, il y domine une « pensée néolibérale », elle-même « surreprésentée dans les administrations de Londres et d’Alger, puis dans le gouvernement provisoire de la Résistance »11. Le courant socialisant ou socialiste y est peu influent : seul Robert Lacoste, ancien dirigeant CGT des fonctionnaires, en est issu. Quant aux communistes, dont la représentation dans le CGE est évoquée à la fin de 1943, ils se heurtent à « une fin de non-recevoir unanime », dont Robert Lacoste a pu dire qu’elle a été délibérée12. Du fait de cette sorte de réfraction par rapport à la diversité de la Résistance, le CGE est surtout en contact avec les mouvements où la « pensée néo-libérale » est dominante, tels Combat, l’OCM, CDLR ou CDLL. Différents documents, issus des archives du commissariat à l’Intérieur, attestent, en outre, de l’existence d’un réflexe conservateur, qui se manifeste peu après l’été de 1943, dans plusieurs mouvements et au CGE lui-même, du fait de la crainte d’une hégémonie communiste13. Une note du CGE (datée du 5 juillet 1943), retrouvée dans les papiers Massigli, indique notamment les risques qu’il redoute, au cas où persisterait le conflit entre de Gaulle et Giraud : si la nation devait trancher, le chef de la France libre l’emporterait sur l’évadé de Kœnigstein, soutenu par des « groupes presque exclusivement bourgeois », mais « l’élimination des derniers éléments bourgeois ne permettrait probablement pas aux éléments syndicalistes indépendants et aux paysans isolés de résister à la pression communiste »14. D’une manière générale, le CGE, selon sa plus récente historienne, « s’est essentiellement attaché à ce qui pour lui était primordial : la restauration immédiate de l’État »15. Le CGE se préoccupe également de définir les grandes lignes de la politique économique d’après guerre. L’initiative en revient à François de Menthon — alias « Tertius » ou « Joyeuse » — le fondateur, avec Jean Moulin, du CGE.
Les déphasages experts-« opinion »
8Professeur agrégé d’économie politique à la Faculté de Nancy, puis affecté à la Faculté de Lyon à la rentrée de 1940 (où il est introduit par ses collègues Paul Bastid — le « Primus » du CGE — et André Philip dans la résistance lyonnaise), François de Menthon, issu d’une vieille famille savoyarde et militant démocrate-populaire d’avant guerre lié à l’Aube, est le fondateur de Liberté, qui, en novembre 1941, fusionne avec Vérités pour constituer Combat. Peu après la fondation du CGE, à partir de septembre 1942, à Lyon puis à Paris, des travaux sont conduits par les quatre membres du CGE d’alors (Menthon, Bastid, Lacoste et Parodi), auxquels se joignent Pierre-Henri Teitgen (« Quintus »), collègue et ami de Menthon — également professeur à la Faculté de Droit de Nancy et démocrate-chrétien — ainsi que, à la fin de 1942, René Courtin (« Bérard », « Cordier » ou « Economicus »), professeur d’économie politique à Montpellier, contacté par les dirigeants de Combat au début de 194216. Ce dernier est choisi pour rédiger le rapport du CGE « sur la politique économique d’après guerre » et « devait y consacrer tout son temps pendant une année »17. Le rapport est achevé dans ses grandes lignes en juillet 1943, fait l’objet de dernières sessions en août et septembre, puis est publié dans la clandestinité, en novembre 1943. L’épais rapport (111 pages), fréquemment intitulé « Rapport Courtin », résulte des réflexions, outre du rapporteur, de Teitgen, de Lacoste, ainsi que d’Emmanuel Mönick, demeuré en contact fréquent avec le CGE. François de Menthon, qui en préface la version publique, imprimée à Alger en août 1944, rappelle que le travail a consisté à rechercher les « tendances » ou « préférences » de l’« opinion française » (bien que clandestine), d’« analyser l’orientation des divers mouvements de résistance, confronter les thèses nouvelles ou anciennes des partis politiques et des confédérations syndicales », puis, lors d’une seconde étape, de « convier au travail techniciens et spécialistes, afin de concilier ces aspirations avec les exigences de la science et du réel »18.
9Mais cette « conciliation » se révèle malaisée et rend largement compte de la grande prudence du rapporteur. René Courtin énonce, parmi les « revendications de l’opinion française », la « nécessité d’une transformation économique et sociale », à la fois dans les équipes dirigeantes et les méthodes de direction économique. Il précise : « L’idée s’est justement répandue que les anciennes classes dirigeantes avaient failli à leur mission et ne disposaient plus de l’autorité nécessaire pour assurer la direction de la politique et de l’économie (...). De nouveaux problèmes vont être posés qui imposeront l’emploi de méthodes également nouvelles »19. Il résume alors la double aspiration de l’« opinion » : « La France doit profiter des circonstances exceptionnelles qui accompagneront la libération du territoire pour assurer la relève de la bourgeoisie défaillante et bouleverser la structure du pays qui doit s’engager hardiment dans la voie de l’économie planifiée »20. Le CNE, par sa plume, tient d’emblée à souligner « avec le maximum de vigueur la puissance de ce courant révolutionnaire », et formule ainsi la mise en garde qui en découle : « Négliger l’importance de ce mouvement, faire abstraction des préoccupations valables qu’il implique, n’aboutirait pas seulement à enlever à la France une de ses chances les plus fortes de redressement ; une semblable incompréhension ne manquerait pas de provoquer un mécontentement d’une gravité telle que des convulsions sociales, l’anarchie et la révolution sanglantes pourraient difficilement être évitées »21. Tout le rapport est destiné à « concilier » la double revendication « révolutionnaire » (économique et sociale), issue de la Résistance intérieure, et les préférences des auteurs, qui restent attachés aux principes régulateurs des mécanismes libéraux (aussi bien nationaux qu’internationaux), comme aux rapports sociaux fondamentaux.22
10Il s’agit donc de délimiter la part du feu, en proposant des aménagements transitoires, qui, tout en s’écartant des méthodes d’avant guerre, permettent de sauvegarder les ressorts de l’économie libérale, ainsi que les bases essentielles de la hiérarchie sociale. Les auteurs n’hésitent pas à dénoncer l’« incroyable ignorance des milieux dirigeants » de l’avant-guerre, de même que la « force des préjugés libéraux »23. Or, selon eux, il existe des solutions techniques, qui répondent aux problèmes majeurs de la France et permettent de faire l’économie de transformations radicales, inopportunes même si elles sont attendues par la Résistance. Ils pensent d’ailleurs que ce déphasage entre experts et « opinion » peut se résorber par une meilleure appréciation des questions économiques24.
11Trois aspects majeurs de la politique économique d’avant guerre sont nettement rejetés : le malthusianisme économique, la déflation des salaires, et le protectionnisme25. De même, le corporatisme de Vichy est critiqué, ainsi que certaines propositions, issues surtout de l’OCM26.
12L’une des conclusions majeures du rapport sur les expériences antérieures est ainsi formulée : « Il n’est pas vrai qu’une économie statique soit plus saine qu’une économie dynamique et permette d’éviter les crises et les périodes de dépression »27.
Un quadruple objectif
13On peut relever quatre objectifs généraux fixés à la direction de l’économie.
14Tout d’abord, au niveau macro-économique, les auteurs évoquent la nécessité d’une « économie progressive », fondée sur l’« emploi total ». A travers la terminologie, l’inspiration keynésienne est évidente (Keynes est d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises, plutôt pour son projet de système monétaire international, il est vrai) : « L’emploi total implique la réalisation d’un équilibre économique qui a généralement fait défaut à partir de 1930 et qui pourrait cependant rapidement être menacé après la guerre, si certaines erreurs étaient renouvelées. Cet équilibre général est indépendant du régime économique en vigueur : il doit être recherché tant en économie dirigée qu’en économie libérale »28. Parmi les conditions supposées par l’« emploi total », figure la politique contracyclique de l’État : « L’action régulatrice à exercer par l’État doit essentiellement présenter un caractère préventif », en particulier grâce au développement des moyens statistiques de prévision, confiés à l’Institut de Conjoncture29. Pour assurer l’« emploi total », la baisse des prix doit être évitée, non par des mesures malthusiennes, mais « par une politique monétaire appropriée s’opposant à la contraction de la demande »30. En particulier, l’État doit favoriser le développement des investissements (notamment en comprimant les dépenses courantes et les dépenses exceptionnelles non productives), l’« emploi total » ne pouvant être maintenu si leur rythme se ralentit : « Il semble que pendant plusieurs années nos ressources doivent être uniquement consacrées à l’équipement du pays »31. De même, à travers la fiscalité, les auteurs s’inspirent de perspectives convergeant avec l’« euthanasie du rentier » : « L’État a toujours la possibilité de prélever par la voie fiscale une partie importante des profits et des rentes qui pourront être redistribuées au profit des classes plus déshéritées »32. Le second objectif est d’ordre microéconomique. Il repose sur les principes du cercle vertueux keynésien : « Les salaires doivent rester fonction de la productivité » ; il est proposé « la généralisation des modes de rémunération qui proportionnent le salaire à la productivité »33. Sont également reprises des idées, chères à Jean Coutrot, sur l’intérêt des mesures de normalisation, spécialisation et rationalisation, pour lesquelles il est reconnu que les CO ont « fait oeuvre féconde »34. Le troisième objectif relève de préoccupations socio-politiques : « Une des bases essentielles de la politique économique [doit] être l’intégration de la classe ouvrière à la vie du pays ». Du fait de la poussée sociale, liée à l’essor de la Résistance, « la participation des travailleurs aux responsabilités sociales et même techniques et économiques des entreprises ne peut être différée »35. Pour cela, il est proposé de faire entrer une représentation du personnel dans les Conseils d’Administration, et de constituer des Comités d’entreprise tripartites, dont les membres seraient désignés par les syndicats, ainsi détournés d’une « attitude d’opposition systématique » par l’établissement d’un « circuit de confiance »36. On peut reconnaître là sans doute l’effet de la participation d’Alexandre Parodi, l’un des meilleurs praticiens — on l’a vu — de la concertation sociale dans l’avant-guerre.
15Enfin, en matière internationale, l’économie française est « appelée à s’intégrer à un vaste marché »37. Parmi les diverses possibilités, les auteurs penchent pour une « unité économique » de la France avec les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse (abolissant contingents et protectionnisme administratif, dans la lignée des travaux du Comité économique de la SDN), doublée d’une union monétaire38. Cette « union européenne occidentale » devrait appartenir à une union « plus vaste », car « sentimentalement et politiquement, [la France] se sent plus atlantique qu’européenne »39. Ils soutiennent l’idée de la création d’une institution monétaire internationale, destinée à stabiliser les changes et à engager des actions concertées contre une éventuelle dépression, en assurant « le maintien ou le gonflement de la demande », notamment par des grands travaux internationaux40. À cet égard, ils déclarent « provisoirement » préférer le plan Keynes au plan White, dans la mesure où il implique moins de sacrifices et davantage de souplesse pour les États débiteurs comme la France41.
La « nécessité d’un plan »
16Pour définir des mesures économiques, financières et monétaires, il est fait preuve d’une grande prudence. Les auteurs distinguent la période de reconstruction et les perspectives de plus long terme. Il est reconnu la « nécessité d’un plan de reconstruction », privilégiant quatre préoccupations : éviter le chômage, accroître le niveau de vie par l’augmentation de la consommation, développer les investissements publics et privés et rétablir les équilibres fondamentaux, afin de supprimer alors l’appareil dirigiste de contrôle des quantités et des prix42. Le rapport signale l’impossibilité de fixer à l’avance la durée d’application de ce plan, pendant laquelle les contrôles devront être maintenus. Outre les rations vitales pour la consommation, toutes les ressources devront être consacrées à l’équipement : l’État doit y veiller, car « il serait à craindre (...) que, livrés à eux-mêmes, les industriels ne donnent aux équipements une orientation défectueuse »43. Et tout abandon prématuré des contrôles « aboutirait à sacrifier à la consommation des riches à la fois la consommation des pauvres et les investissements (...) il faut opter entre le présent et l’avenir, le bien-être et la grandeur »44. La nécessité d’opérer des choix globaux n’est pas éludée. Cependant, les auteurs envisagent le « desserrement des contrôles », lorsque la consommation aura retrouvé les niveaux d’avant guerre. Or, si la faiblesse de l’offre leur paraît relativement durable dans l’industrie (du fait des destructions, des prélèvements, de l’usure de l’outillage et des difficultés d’importation), ils pensent que l’équilibre avec la demande pourra être atteint « assez rapidement » dans l’agriculture : ils parlent de supprimer le rationnement du pain « au bout de quelques semaines », geste d’autant plus opportun qu’il « sera politique de chercher à donner satisfaction (...) aux consommateurs et aux agriculteurs excédés du régime actuel »45.
17Dans l’industrie, il est prévu le maintien provisoire du rationnement et de la répartition autoritaire, et leur suppression lorsque le volume de l’offre atteindra soixante-dix à quatre-vingts pour cent du niveau d’avant guerre. Dans l’intervalle, l’État devra veiller à fixer le rythme des investissements et à infléchir leur répartition, en privilégiant les transports, les sources d’énergie, les matières premières, les matériaux de construction, la grosse métallurgie. Pour ce faire, il devra être institué un « Conseil des Investissements », « véritable bureau du Plan », chargé d’établir un plan d’équipement pendant toute la période de reconstruction, qui s’impose à tout le secteur public et serve de guide pour l’attribution d’autorisations en matière de constructions et d’agrandissements46. Il s’agit d’un organisme indépendant, constitué par un petit nombre de hauts fonctionnaires (cinq ou sept), présidé par le président du Crédit national et assisté d’un comité consultatif d’industriels et d’un corps d’inspecteurs47. Il se substituerait à l’OCRPI et aux CO : le contrôle du recours à l’épargne permettrait de supprimer celui opéré par les quantités et les prix.
18À long terme, « le Conseil des Investissements devrait constituer une institution permanente de direction économique ». En période « normale », il doit veiller au programme d’équipement public ; en période de dépression, il doit jouer un rôle contracyclique pour « assurer la reprise de l’emploi et le gonflement de la demande »48. D’une manière plus générale, la politique financière et monétaire, en modulant la demande globale, doit permettre d’éviter une hausse exagérée des prix et le gaspillage de l’épargne, sans recourir pour autant au contrôle strict des prix et des quantités. Selon une formule, à laquelle René Courtin sacrifiera fréquemment dans ses articles du Monde, après la Libération : « la monnaie dirigée serait ainsi substituée utilement à l’économie dirigée »49. Il est bien précisé, à propos de la politique monétaire : « L’insuffisance des conceptions orthodoxes traditionnelles est maintenant reconnue », notamment sur les nécessités d’assurer l’« emploi total » et l’accroissement du revenu national. De tels impératifs toutefois « dépassent mais (...) ne s’opposent pas aux préoccupations traditionnelles »50. La conversion fondamentale, à laquelle les « Sages » convient les futurs gouvernants de la France libérée, porte sur le maniement de la politique financière et monétaire. Si celle-ci, selon une perspective keynésienne, est judicieusement ajustée aux besoins de la politique d’« emploi total », les mécanismes libéraux d’ajustement par les prix et le marché peuvent être préservés. Une fois les contraintes de la période de reconstruction surmontées, l’appareil dirigiste de Vichy peut être abandonné, à condition de conserver des leviers d’ajustement de la demande globale, tel le Conseil des Investissements51.
19Pour la période immédiatement postérieure à la Libération, les auteurs n’ignorent pas que l’une des difficultés consistera alors à réduire la demande globale, notamment en restreignant les disponibilités monétaires, d’autant plus qu’une hausse générale des salaires leur paraît « inévitable pour des raisons psychologiques et peut-être économiques »52. Ils recommandent un grand emprunt de consolidation, dont le succès est probable, s’il intervient peu après la Libération et l’enthousiasme qu’elle aura suscité. Ils proposent une taxe sur l’enrichissement opéré depuis le début du conflit, mais déconseillent un prélèvement sur le capital, dont le rendement leur paraît infime, du fait d’exigences contradictoires entre assiette et facilités de recouvrement53. Quant aux mesures de blocage provisoire d’une partie des moyens de paiement et de leur restitution échelonnée — telles qu’elles apparaissent dans les projets du gouvernement belge, établis à Londres le 20 juin 1943, et vont inspirer Pierre Mendès France en 1944 — les auteurs se montrent fort réservés à leur égard : « Il est essentiel de signaler que la plupart des financiers publics et privés qui ont été consultés par nous se sont montrés résolument hostiles à un tel projet »54. Les responsables consultés, à la Banque de France en particulier, considèrent comme impossible, dans un pays aussi vaste que la France, de réaliser le blocage des billets (on compte environ un milliard de coupures supérieures à cent francs). En outre, « certains ne manqueraient pas d’y voir une prise de position totalitaire et brutalement anticapitaliste »55. De surcroît, seuls les achats courants seraient gênés, alors que la plupart des opérations industrielles ou commerciales et d’investissements y échapperaient. Dans le domaine extérieur, ils recommandent d’établir rapidement un nouveau cours de change avec les monnaies américaine et britannique, de supprimer les entraves au commerce international — après avoir éliminé préalablement les mesures de contrôle intérieur de rationnement et de répartition — puis d’envisager le retour éventuel à la liberté des mouvements de capitaux et des changes. Pour le reste, ils se montrent prudents sur les « réformes de structures », souhaitées par une fraction importante de la Résistance : ils proposent la nationalisation des branches d’industries monopolisées, mais « progressive », limitée et respectueuse des méthodes de gestion privée56. Et, en introduction, ils ont mis en évidence les risques d’une « nouvelle oligarchie (...) plus pesante encore que celle du capitalisme »57.
Un nouveau MEN
20La conclusion du rapport, consacrée à la « coordination de l’action économique », ne rejette pas moins de trois solutions — un ministère de l’Économie nationale (MEN) intégrant Finances et ministères techniques ; un MEN dépouillant les autres ministères de leurs services économiques ; un ministère de la Production industrielle dominant — pour s’arrêter à une quatrième : créer un ministère de l’Économie nationale, qui s’approprierait quelques services de la Production industrielle, notamment la Section centrale de l’OCRPI, mais n’entamerait pas l’indépendance des ministères de la Production industrielle et des Communications, ni, bien entendu, celle des Finances. Le MEN comprendrait notamment le Conseil des Investissements, le service des Salaires et des Prix, ainsi qu’une Direction des Relations avec l’étranger. Ses moyens d’action seraient la présidence d’un Comité interministériel (où seraient débattues les principales questions économiques entre les ministères techniques), ainsi que le contreseing, auquel devraient être soumis tous les textes émanant des autres ministères, concernant les prix, les salaires, le volume de la production et de l’emploi58. Le souci des auteurs est apparu de ménager l’« opposition tenace d’une puissance administration » [celle des Finances], à l’égard du nouveau venu. Ils précisent néanmoins : « Même ainsi allégée, la tâche du Ministre resterait lourde. Le succès de son action dépendrait également de l’autorité qu’il saurait prendre à l’égard de ses collègues »59.
3. La réaction envers le rapport Courtin
Du déphasage de court terme entre Résistance des Légistes et des « activistes »...
21Les réactions en France occupée au contenu du Rapport Courtin témoignent d’un déphasage entre la Résistance des Légistes et celle des combattants. Emmanuel d’Astier de la Vigerie, commissaire à l’Intérieur, s’en inquiète, en mai 1944, auprès d’Alexandre Parodi, alors délégué général du CFLN : « Lachaux et le CGE semblent former un cercle trop fermé aux vœux et aux consultations de la Résistance ; (...) dans la délégation (Cléante mis à part), on ne sollicite pas assez les avis de la partie activiste de la Résistance, des mouvements, et, en particulier, dans le Nord, du Front national »60. Les orientations du Rapport semblent, en effet, ne satisfaire personne. Les différents mouvements de résistance et les diverses organisations politiques s’exprimant dans la clandestinité manifestent, parfois vivement, leurs critiques. Au printemps de 1944, la direction du PC diffuse clandestinement aux organisations de Résistance et aux CDL ses « observations » sur le Rapport. Il y est reproché une triple timidité : quant aux nationalisations, à « la participation des travailleurs à la direction de l’économie » et aux prélèvements sur les enrichissements et le capital61. En outre, les dirigeants communistes redoutent que les propositions de libéralisation commerciale et financière à l’extérieur ne compromettent l’indépendance nationale à l’égard des puissances anglo-saxonnes. Ils affirment, en guise de conclusion, la primauté de la relève des combattants sur celle des légistes : « Les problèmes d’organisation économique ne seront pas réglés par quelques experts méditant à l’abri du besoin et du risque (...). Le peuple qui se bat entend fixer lui-même les bases économiques de la Nation, qui ne serait plus sans ses sacrifices. Les experts viendront après pour exécuter les directives qu’ils auront reçues de lui. C’est la technique qui doit servir la volonté politique de la France libérée, non l’inverse »62. Les services du commissariat à l’Intérieur, d’Alger, critiquent ce qu’un rapport qualifie de « timide effort du replâtrage du passé », dénotant la trace du « libéralisme classique de Sciences-Po »63. D’une manière générale, plusieurs des mouvements, les communistes, les socialistes et la CGT, réunifiée dans la clandestinité, reprochent aux orientations du Rapport l’insuffisante détermination à l’égard des « réformes de structures ». Mais, à un autre pôle, les tenants du libéralisme considèrent le Rapport comme hétérodoxe. Charles Rist, éminent représentant de l’orthodoxie libérale, reçoit Courtin, le 31 août 1943, afin de discuter du Rapport, et qualifie dans son Journal de « dirigisme effréné » les idées de son groupe, bien que le rapporteur « lutte tant qu’il peut »64 Les critiques de Pierre Lebon, président de l’Union de Banques à Paris et membre de la Fédération républicaine, témoignent également des inquiétudes des fractions conservatrices de la Résistance65.
... aux influences de moyen terme sur les gouvernants
22Si le contenu du Rapport Courtin déçoit en grande partie les attentes socio-politiques rénovatrices, voire — non sans ambiguïtés pour certains — révolutionnaires de plusieurs des mouvements de Résistance, ses orientations techniques de direction économique et financière vont inspirer plusieurs des responsables, destinés à assurer la relève de l’État vichyste. Certes, le CGE ne parvient pas à faire adopter son rapport par le CFLN, mais il pèse d’une double manière sur les conditions de la relève à la Libération. Tout d’abord, ce sont, pour l’essentiel, les propositions du CGE de novembre 1943, qui sont retenues pour la nomination des secrétaires généraux des ministères (dont la mission consiste à s’emparer des services à la Libération et à en assurer l’interim, en attendant l’arrivée du Gouvernement provisoire). Après un hiver 1943-44 de tensions entre le CFLN et les Résistants de l’intérieur, heurtés de ne pas avoir été consultés, le CNR s’incline et accepte la plupart des noms présentés. Parmi eux, cinq sont des membres du CGE : Robert Lacoste (à la Production industrielle), René Courtin (à l’Économie nationale, après avoir été pressenti pour les Finances), tous deux auteurs du Rapport, ainsi que P.-H. Teitgen, P. Bastid et J. Charpentier66. Trois autres sont proposés par lui : Emile Laffon (à l’Intérieur), Emmanuel Mönick (aux Finances), et Pierre Miné (au Ravitaillements. Le CNR, en regard, « fait figure de parent pauvre », avec trois postes (dont celui de Paul Bastid, membre du CGE), et malgré la faculté de désigner des commissions consultatives, destinées à assister les secrétaires généraux (constituées tardivement et sans rôle effectif) : les techniciens ont été privilégiés par rapport aux combattants67. D’autre part, certains membres du CGE, et notamment les auteurs du Rapport, vont jouer un rôle ultérieur important pour la direction de l’économie. Après le grand vide résultant, en juin 1943, du drame de Caluire, puis de l’arrestation, en septembre, de Bollaert, c’est seulement en mars 1944 qu’Alexandre Parodi est désigné en qualité de délégué général, contribuant ainsi à créer une sorte d’« interpénétration » entre la Délégation générale du CFLN en France et le CGE, au point que ce dernier se mue en véritable rouage du futur dispositif gouvernemental de la France libérée68. Cette nomination apparaît décisive pour expliquer comment certains des Légistes de la clandestinité deviennent des gouvernants de la Libération. Ainsi, dans le premier gouvernement provisoire installé à Paris, Parodi reçoit le ministère du Travail (après avoir été pressenti pour les Finances), tandis que Robert Lacoste est confirmé à la Production industrielle69. De plus, même si René Courtin, après août 1944, refuse successivement la direction de la Banque de France, la charge de procureur général à la Cour des Comptes et ne figure plus ensuite dans les équipes gouvernementales, les idées exprimées dans son rapport cheminent, ne serait-ce que pour amortir les effets de la poussée de la Résistance des Combattants : les premiers ministres des Finances de la France libérée (Aimé Lepercq et René Pleven) partagent avec lui la double conviction qu’il faut envisager de recourir, pour une période transitoire, à des mesures de dirigisme — surtout monétaire et financier — et à une partie des « réformes de structures », attendues par un grand nombre de Résistants de l’intérieur, sans toutefois remettre en cause, à terme, les mécanismes libéraux. Parmi les témoignages des acteurs d’alors, Michel Debré souligne dans ses Mémoires qu’on peut toujours « lire avec profit la seconde partie du rapport où il est traité des « impératifs permanents » de la politique » (op. cit., p. 202). Et le rapport exprime un état d’esprit général au sein de la Résistance, celui qui se reconnaît dans la volonté de « refaire la France », selon le titre adopté par Emmanuel Mönick et Michel Debré, pour leur commun ouvrage.
II. LA RELÈVE DES COMBATTANTS : PROGRAMME DU CNR ET « RÉFORMES DE STRUCTURES »
23Certains responsables du CFLN d’Alger ont pris conscience, dès sa formation (3 juin 1943), des risques d’un trop grand divorce entre Légistes et « activistes » : c’est le cas, en particulier, des deux commissaires successifs à l’Intérieur, eux-mêmes en contact avec la Résistance en France occupée, André Philip, puis Emmanuel d’Astier.
1. Les aspirations rénovatrices de la Résistance intérieure
24Dès juillet 1943, André Philip envoie en mission, au nom du CFLN, l’ingénieur Émile Laffon (« Lachaux » ou « Guizot »), ainsi chargé de consulter les mouvements, syndicats et partis clandestins, qui viennent d’être regroupés au sein du Conseil national de la Résistance (CNR), et de leur soumettre un projet de Charte économique et sociale. Le compte-rendu de sa mission donne un aperçu assez précis des aspirations de la Résistance intérieure et de la manière dont il convient de les traiter. Dans le « Rapport Guizot », rédigé en septembre 1943 par Émile Laffon sur les deux mois de sa mission, il signale l’« accord général » des mouvements pour un « grand ministère de l’Économie », qui ne subordonnerait toutefois pas les Finances, ni l’Agriculture — il serait « politiquement inacceptable » qu’il n’existe pas de ministère de l’Agriculture — et pour la constitution d’un « bureau du Plan » (reprenant les services de la Section centrale de l’OCRPI). Il ajoute que « le rapport Courtin ne résout pas tout », notamment sur trois questions70. Tout d’abord, il insiste sur la nécessité d’utiliser les CO et organes de répartition de Vichy (« au moins pour les premiers temps de la Libération ») : « Sans eux, l’économie exsangue de la France libérée se perdrait dans l’anarchie », mais sous la triple condition de les épurer (car ils sont « impopulaires » et dirigés par les « représentants des trusts »), d’en réduire le nombre et de les rattacher aux directions générales du MPI.
25D’autre part, il importe de renouveler les hauts fonctionnaires : « Trois années de collaboration sincère avec l’Occupant ont déconsidéré le haut personnel économique ». Il ajoute que, à travers les mesures d’emprisonnement décidées par l’Occupant en 1943, « plusieurs se garantissent pour l’avenir. C’est le moment où les dossiers se constituent pour les plaidoyers de demain. Mény, Pebrel, Norguet, ces agents de la collaboration économique respirent enfin dans leur résidence nouvelle d’Allemagne... Ces hommes ne peuvent plus servir l’État »71. Un mémorandum de même époque, résumant la position des représentants de CDLL, Combat, Libération, de l’OCM et du CGE — retrouvé dans les papiers Massigli — va dans le même sens : « Il leur apparaît que dans l’ensemble, le corps des hauts fonctionnaires n’a pas concouru à la Résistance. Si certaines individualités peuvent être mises en avant, ils ne craignent pas d’être démentis en affirmant que ce ne sont que des exceptions »72. Émile Laffon, tout en reconnaissant que la France est « pauvre en hommes », recommande d’observer un triple critère pour les choix futurs : désigner des hommes « patriotes et résistants », « absolument indépendants des grands intérêts privés » et « disposant d’une compétence certaine »73. Le cumul de telles qualités ne pouvait que restreindre le nombre des prétendants. Enfin, il rappelle que le Comité d’Études de Londres s’était rendu compte de l’aspiration commune aux mouvements d’une « rénovation profonde de la vie politique française », d’où la nécessité d’une Charte économique et sociale, qui puisse « constituer un jour le legs politique de la Résistance au peuple français »74. Il s’agit là d’un des premiers épisodes de la (longue) histoire du programme du CNR.
2. Le legs commun des Combattants : le programme du CNR
Un hiver de débats et une unanimité ambiguë
26Le CNR, constitué le 27 mai 1943, grâce à la dernière mission de Jean Moulin, est chargé de représenter les divers mouvements de Résistance, ainsi que, suivant la proposition défendue de manière tenace par ce dernier, les syndicats et partis politiques d’avant guerre organisés dans la clandestinité75. En juillet 1943, lors de sa mission, Laffon propose un texte, largement inspiré d’un programme socialiste, publié dans le Populaire clandestin en juin et juillet 1943 (après une première mouture en janvier), comprenant en particulier d’importantes « socialisations », un « plan arrêté par le pouvoir politique », une « part active de la gestion technique des entreprises » attribuée aux salariés, ainsi que « l’orientation et le contrôle de la production par l’État »76. Le Rapport Guizot de septembre nous apprend que la plupart des mouvements (Combat, Franc-Tireur, Libération-Sud, Libération-Nord, OCM), les syndicats (CGT, CFTC) et la SFIO sont favorables au projet. Mais l’Alliance démocratique, représentée par Joseph Laniel, « s’oppose fermement à l’esprit et à la lettre de la Charte », et souhaite « revenir au plus vite au libéralisme total dans le cadre national tout en acceptant une coordination des échanges internationaux ». Quant au représentant de l’Union républicaine et démocratique, Louis Marin, il a parlé de « projet naziste, fasciste et vichyssois »77.
27Du fait de cette opposition des deux partis de la droite d’avant-guerre, le Front national et le parti communiste, prêts à accepter la Charte si l’unanimité s’était faite, refusent de prendre parti, afin de ne pas diviser la Résistance sur un texte. Mais l’échec n’est que transitoire. Dans une étude récente, Claire Andrieu analyse avec soin l’élaboration collective des cinq moutures successives d’un texte qui, à partir d’un projet rédigé par Pierre Villon (représentant du Front national au bureau du CNR) en novembre 1943, et après quatre mois de débats clandestins, devient, à la date du 15 mars 1944, le « Programme d’Action de la Résistance », communément appelé le programme du CNR78. Contrairement aux affirmations fréquentes, reprises en particulier par Claude Bourdet, il ne semble pas qu’il y ait eu une prépondérance communiste au bureau du CNR, si ce n’est à travers une « véritable gravitation politique », reflet de l’hégémonie politique de la pratique communiste dans la Résistance, plus que d’un noyautage par les hommes79. Et l’unanimité obtenue, des communistes aux représentants de la droite, sur le texte du programme « ne l’a pas été à la sauvette ni à l’arraché, mais à la suite d’une consultation prolongée de chaque sensibilité représentée au CNR d’après le choix mûrement réfléchi de Jean Moulin »80. Il est vrai que cette unanimité — unique dans l’histoire française — entre mouvements, syndicats et partis est conjoncturellement liée aux nécessités de l’unité contre l’Occupant, et se trouve largement tempérée par le caractère très général des formulations du programme, qui, de ce fait, vont susciter des « lectures » très disparates, après la Libération, entre les groupes qui en souhaitent une application rapide et maximale, et ceux qui veulent en limiter la portée.
Le programme du CNR et les « réformes de structures »
28Le programme du CNR prévoit, outre le rétablissement des libertés syndicales et des lois sociales, et l’élaboration d’« un plan complet de sécurité sociale », plusieurs réformes économiques, dont :
« l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
(...) la participation des travailleurs à la direction de l’économie »81. Les débats clandestins ont ainsi conduit les divers courants du CNR à s’aligner sur les partisans des « réformes de structures » (les socialistes et la CGT, de manière la plus précoce). Mais leur ardeur à envisager leur application ne pouvait que s’avérer fort inégale.
3. André Philip, Jules Moch et la résurgence du Plan de la CGT de 1935
29L’un des membres du CFLN tente, au même moment, de relier davantage les organes d’Alger aux débats de la Résistance intérieure : il s’agit d’André Philip, qui, nommé en avril 1944 commissaire d’État aux Relations avec l’Assemblée et aux Études — « commissaire de la parole », commentent certains — crée à Alger une nouvelle commission, où parviennent des échos de l’Assemblée consultative, dont les membres se trouvent eux-mêmes en contact avec les partis et mouvements de la France occupée.
« Au lendemain de la guerre, l’économie française sera dirigée »
30D’avril à juillet 1944, Philip réunit la « Commission d’Étude des Problèmes économiques de l’après-guerre », dont nous avons retrouvé la plupart des procès-verbaux82. Répartie en quatre sous-commissions (organisation administrative de la vie économique ; étude des organes directeurs de répartition et de direction ; technique de nationalisation ; réorganisation de l’économie rurale), la commission est présidée par Laurent Blum-Picard, ancien directeur des Mines. Louis Vallon en est le secrétaire général. André Philip a fait appel à des hauts fonctionnaires (Jean de Largentaye, Hervé Alphand, Robert Bordaz), des syndicalistes non communistes, comme Albert Gazier, et des délégués de l’Assemblée consultative, comme Jules Moch83. Les socialistes, anciens confédérés et ex-planistes semblent particulièrement bien représentés. Lors des deux premières séances, André Philip fixe les orientations des quatre sous-commissions. D’emblée, il signale l’ampleur des changements à attendre, ainsi que les questions en suspens : « Tout le monde sait qu’au lendemain de la guerre, l’économie française sera dirigée, tout le monde sait qu’elle aura une politique sociale entièrement nouvelle. Partisans de l’économie dirigée ou de l’économie libérale sont d’accord pour reconnaître, les uns avec satisfaction, les autres avec regret, qu’une telle direction sera indispensable (...). Il s’agit de savoir ce que l’on veut faire de l’OCRPI et des Comités d’organisation (...). De toutes façons, il y aura des nationalisations. Il est nécessaire d’en étudier la technique »84. Sur la question des comités d’organisation, un accord apparaît pour les maintenir, tout en en réduisant le nombre (une quarantaine au lieu de 150) : « Au moment de la Libération nous serons les successeurs, sinon les héritiers de Vichy », résume Louis Vallon dans son rapport du 2 juin 194485. Toutefois, les divergences subsistent pour savoir si les directeurs, qui seront nommés à leur tête, appartiendront ou non à la profession, et si leurs pouvoirs seront intégrés à l’Administration. Blum-Picard considère que l’« étatisation est indispensable face à la carence patronale », mais le représentant de Hervé Alphand, Guy Roze, estime impossible « de confier la direction d’une profession à qui n’en est pas... » sinon, ajoute-t-il, « ce ne pourra être qu’un politicard »86. Louis Vallon souligne, lui, le « malaise » issu de l’écart entre les traitements des hauts fonctionnaires et les salaires privés. Quant aux nationalisations, la sous-commission sur la « structure des sociétés de service public » débat surtout, au début de mai, des divers modes d’indemnisation. Aucun accord ne se dégage, mais, au contraire, plusieurs solutions possibles, les deux thèses extrêmes se trouvant défendues respectivement par Jean de Largentaye, soucieux de « respecter le plus possible la propriété privée par le remboursement de la valeur réelle des entreprises » et par Jules Moch, partisan, lui, de ne distribuer aux anciens actionnaires qu’une rente viagère, non négociable : « Il faut essayer de décapitaliser la France », conclut-il87.
Un avatar du Plan de la CGT de 1935
31L’apport le plus élaboré de la Commission résulte de la « Note sur le Ministère de l’Économie », rédigée par Jules Moch, le 31 mai 1944, et débattue par la sous-commission de l’organisation administrative au début de juin88. Le dirigeant socialiste présente, en treize points, à la fois de nouvelles structures gouvernementales et une organisation réformée de la production, déjà formulées dans un projet de constitution datant de 1942, rédigé avec François Moch, puis soumis à des représentants de Combat, de Libération, et envoyé à Georges Boris. Il rattache son projet de Ministère de l’Economie à un programme de « larges socialisations » (il ne faut ni « étatiser », ni « bureaucratiser », à travers Y « autorité accrue de corps de fonctionnaires-patrons », précise-t-il, mais « socialiser »), au sein d’une grande construction abstraite, dont les traits rappellent ceux du Plan de la CGT de 193589. L’économie elle-même se répartirait en trois types d’entreprises : le premier, nationalisé, se composerait d’une vingtaine de « secteurs autonomes » (pour chacune des branches essentielles, dont les mines, la métallurgie, la banque), gérés par un Conseil général tripartite (État, direction, travailleurs). Le second correspond aux entreprises privées « contrôlées ». Le troisième est le secteur libre, essentiellement composé de petites et moyennes entreprises. La structure gouvernementale serait modifiée par la création d’un « ministère de l’Économie », regroupant à la fois les services classiques des Finances, ainsi que quatre directions : Statistiques, Commerce extérieur, Prix et Plan, cette dernière constituant « la pièce maîtresse de la nouvelle organisation ». Sa « tâche essentielle » serait « la préparation du Plan économique quadriennal ou quinquennal »1. Lors de la réunion du 22 mai, André Philip acquiesce à l’idée, émise par Jules Moch, de « faire partir le Plan de la base »90. Le Plan serait préparé par les « secteurs autonomes », présents au sein de chaque branche nationalisée, et par le secteur privé contrôlé, qui le soumettraient au ministère de l’Économie. Celui-ci effectuerait alors un ajustement progressif entre les prévisions d’investissement, les possibilités financières, l’état de la consommation des branches et les échanges extérieurs. Dans l’esprit des deux dirigeants socialistes, la direction du Plan du ministère de l’Économie doit constituer l’organe dirigeant, au carrefour de la politique économique à court terme et de la stratégie du Plan, élaboré pour quatre ou cinq ans. André Philip va tenter d’appliquer cette conception, lorsqu’il sera ministre de l’Économie nationale et des Finances, au début de 1946. Toutefois, il pense que l’élaboration technique du Plan ne doit pas revenir au ministère de l’Économie, mais aux ministères techniques, car « cela dresserait les autres ministères contre lui », ajoutant que son plus fort moyen d’action sera le secrétariat du Comité économique, chargé de suivre l’exécution du Plan91. Le Plan constituerait le « budget économique de la Nation », et, après avoir été discuté en Conseil des ministres, serait soumis, une fois par législature, au Parlement en fin de première année. Le CNE serait, quant à lui, supprimé.
Les « Réformes économiques de structures » (18 juillet 1944)
32Ces diverses propositions constituent l’essentiel du rapport de la Commission, rédigé par André Philip, le 18 juillet 1944, et intitulé « les Réformes économiques de structures »92.
33Parallèlement, le commissariat d’André Philip rassemble plusieurs études sur des expériences étrangères, surtout britanniques, en particulier des analyses du projet Beveridge, du programme du Labour sur le logement, ou encore des rapports sur les comités mixtes de production93. Ainsi, toute une fraction des projets inspirés par le commissaire aux Études provient d’Outre-Manche.
III. LA RELÈVE DES GOUVERNANTS : LES PROJETS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU CFLN D’ALGER (JUIN 1943-AOÛT 1944)
34Une troisième série d’initiatives va peser sur la future direction de l’économie à la Libération. Il s’agit des mesures et projets envisagés au sein du CFLN d’Alger. Les gouvernants de l’exil préparent la relève de Vichy.
1. Les responsables du CFLN et les dosages successifs
Le premier CFLN : une équipe technocratique ?
35Peu après sa création, le 3 juin 1943, le CFLN commence à fonctionner selon des principes de travail de type gouvernemental. Son activité est doublement entravée par la dyarchie conflictuelle de Gaulle-Giraud (jusqu’en octobre 1943), et par la non-reconnaissance de jure des Alliés (seule une reconnaissance de facto est annoncée à la fin d’août). On sait, grâce à André Kaspi, combien le rôle de Jean Monnet — originellement chargé de mission auprès du général Giraud par le président Roosevelt — a été efficace, pour réaliser « un rapprochement par concessions mutuelles » (Louis Joxe) entre les deux généraux rivaux94. Il est notamment parvenu à « démocratiser » l’évadé de Kœnigstein, resté très proche des principes socio-politiques défendus à Vichy95. Dans la composition du premier CFLN (3 juin-3 novembre 1943), les commissaires chargés des affaires économiques et financières ont plutôt été désignés par le général Giraud que par de Gaulle. C’est le cas pour trois d’entre eux. Tout d’abord, René Mayer. Réfugié en Espagne peu après le débarquement de novembre 1942, il télégraphie à Londres de Madrid, le 3 février 1943, en se mettant aux ordres du général de Gaulle. En l’absence de réponse, il propose ses services au général Giraud, qui l’invite à se rendre à Alger, et le nomme, par une ordonnance du 26 mars 1943, secrétaire aux Communications. Au sein du CFLN, il devient commissaire aux Communications et à la Marine marchande (CMM), poste qu’il conserve lors des deux remaniements successifs (des 6 novembre 1943 et 4 avril 1944), jusqu’au retour en France96. De même, Maurice Couve de Murville, directeur des Finances extérieures de Vichy jusqu’à son départ pour Alger, en février 1943, devient Commissaire aux Finances, après avoir exercé des fonctions importantes dans l’administration Giraud. Il abandonne son commissariat à Pierre Mendès France, lors du remaniement de novembre 1943. Bien qu’originellement considérés comme des « hommes de Giraud », René Mayer et Maurice Couve de Murville vont, après l’éviction de leur protecteur, collaborer avec le général de Gaulle. D’après des témoignages convergents — ceux de Louis Joxe, secrétaire général du CFLN, et de Robert Lévi, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, principal collaborateur du cabinet de René Mayer — le commissaire aux Transports aurait même attiré l’attention de Jean Monnet sur l’importance de la Résistance intérieure (et sur le prestige acquis par de Gaulle en son sein), et lui aurait lancé cet avertissement : « Si vous continuez à négliger ainsi la Résistance, ni vous ni moi ne rentrerons en France »97. Enfin, Jean Monnet lui-même est nommé à la tête du commissariat à l’Approvisionnement, à l’Armement et à la Reconstruction (CAAR) : c’est le seul moment de sa (longue) carrière, où il exerce officiellement une fonction ministérielle. Parallèlement, sont désignés par de Gaulle, René Massigli aux Affaires étrangères, André Diethlem à la Production et René Pleven aux Colonies (ce dernier est très lié à Jean Monnet). Les responsables de l’économie et des finances au sein du CFLN se composent donc surtout de Résistants de l’extérieur (de Londres ou d’Alger) et d’« experts » : techniciens, hauts fonctionnaires (Couve de Murville, Diethelm, Massigli), ainsi que d’hommes ayant exercé des responsabilités dans les affaires privées (René Pleven, René Mayer, Jean Monnet). Une tendance parallèle est d’ailleurs apparue — on l’a vu — dans l’équipe de Darlan de 1941.
Les dosages issus d’un double remaniement
36Cependant, parviennent rapidement à Alger des échos de critiques, émanant de la Résistance intérieure, quant à cette composition. Dès le 1er septembre 1943, un mémorandum, déjà cité, indiquant la position de représentants de quatre mouvements et du CGE (transmis à René Massigli) indique que le CFLN, dans son état du moment, est jugé « insuffisamment représentatif aux yeux de la Métropole », au point qu’il est suggéré de le modifier avant l’arrivée en France, afin « de ne pas prêter le flanc à la critique »98. Le général de Gaulle, à deux reprises, est conduit à élargir le CFLN en direction de représentants des partis et des mouvements de résistance intérieure. Lors d’un premier remaniement, le 3 novembre 1943, il fait appel à Pierre Mendès France, alors combattant du groupe Lorraine à Londres, pour remplacer Couve de Murville aux Finances. Et, le 4 avril 1944, un second aménagement, destiné à intégrer deux commissaires communistes (François Billoux, commissaire d’État, et Fernand Grenier, commissaire à l’Air), permet de désigner un ancien sénateur radical, Paul Giaccobi, en qualité de commissaire à la Production et au Ravitaillement (à la place d’André Diethelm). L’équipe ainsi constituée reflète des dosages nécessaires : la part des hauts fonctionnaires régresse relativement, par rapport à l’été 1943, au profit des « politiques ».
Les hauts fonctionnaires et la prime de non-représentativité
37Les hauts fonctionnaires n’en sont pas moins présents auprès des commissaires. Ainsi, Pierre Mendès France est épaulé dans son cabinet par Roger Goetze, Jean de Largentaye, et, à la tête des services des Finances, Guillaume Guindey, Didier Gregh et Pierre Denis (alias « Rauzan »)99. René Mayer s’entoure de Jean Lévi, ingénieur en chef à la SNCF en poste à Alger, et de Georges Ricroch, détaché du ministère des Travaux publics depuis 1941 pour s’occuper du « Méditerranée-Niger ». René Massigli s’appuie sur Jacques-Camille Paris et Hervé Alphand100. Outre les hauts fonctionnaires déjà en poste en Afrique du Nord, il est vrai que — comme le signalent la plupart des mouvements de résistance, selon le rapport cité d’Émile Laffon — ceux qui ont quitté la France font figure d’« exceptions »101. Beaucoup de ces responsables vont d’ailleurs bénéficier, de ce fait, en compagnie de certains hauts fonctionnaires résistants notoires en France occupée, d’une sorte de prime de non-représentativité de leur milieu professionnel. C’était d’ailleurs le cas, au premier chef, du général de Gaulle lui-même. La plupart vont connaître ensuite — d’autant plus qu’ils sont souvent jeunes — une longévité remarquable à des postes de responsabilité dans l’Administration, ou, pour certains, dans les entreprises, publiques (comme Georges Ricroch à la RATP), ou privées. Les hauts fonctionnaires ou les techniciens n’en demeurent pas moins, toutes choses égales au sein de CFLN, mieux représentés à la direction des finances ou de l’économie que dans les départements plus « politiques ». Pour le Général, ces questions n’occupent pas le premier rang des affaires gouvernementales. De plus, il ne s’embarrasse pas des contraintes d’une exacte représentativité. Pour de telles fonctions, il privilégie les « compétences », et s’en remet plus volontiers à des techniciens qu’à des représentants de partis ou de mouvements de résistance (Giaccobi et Mendès France ne sont pas des dirigeants de premier plan du parti radical). Lorsqu’il est conduit à intégrer ces derniers (Henri Queuille pour le parti radical, Le Troquer pour la SFIO, Henri Frénay pour Combat et Emmanuel d’Astier pour Libération en novembre 1943), il leur confie des postes jugés plus prestigieux. Il convient toutefois, au delà des dosages, de définir une direction cohérente de l’économie et des finances pour la France libérée.
2. Les difficultés de coordination de la direction des finances et de l’économie
Une tentative de coordination par le CEI et Hervé Alphand
38Les débats sont vifs au sein du CFLN pour la direction future de l’économie. Afin de respecter une certaine cohérence, trois expériences successives sont tentées, pour mettre en place un organisme de coordination économique. Tout d’abord, à la fin de 1943, un Comité économique officieux, sans réelle efficacité. Puis, un Conseil supérieur du Ravitaillement (institué par une ordonnance du 29 février 1944), dont la première séance se tient le 9 mars, sous la présidence de Henri Queuille, commissaire d’État : sa compétence se limite aux denrées alimentaires. La tentative échoue rapidement102. Enfin, aux termes du décret du 24 avril 1944, est créé un Comité économique interministériel (CEI), réunissant tous les commissaires intéressés par les questions économiques. Hervé Alphand, pour lequel est créée, à la fin d’août 1943, une direction des Affaires économiques au commissariat aux Affaires étrangères, en devient le secrétaire général. Il ne dépend que du général de Gaulle, pour lequel il prépare des notes de synthèse sur les questions les plus importantes. C’est lui qui fait insérer à l’article 3 du décret du 24 avril la phrase, selon laquelle le secrétaire général « assure (...) la conduite des négociations avec les pays alliés et neutres », alors que, jusqu’à ce moment, différents commissaires se répartissent les négociations, selon le type de pays et d’échanges. Les services d’Hervé Alphand jouent un rôle de coordination pendant tout le printemps 1944, en particulier Raymond Offroy, qui transmet des suggestions d’arbitrage au général de Gaulle, également conseillé par Louis Joxe et le secrétariat général du CFLN.
Le consensus sur le maintien des organes dirigistes de Vichy
39Quelques questions ne suscitent pas de controverses au sein du CFLN. Ainsi, pour les organismes dirigistes de répartition de Vichy (OCRPI, Sections de Répartition, CO), un premier projet d’André Diethelm (janvier 1944) en propose la suppression et le remplacement par des syndicats obligatoires103. Mais, peu après son arrivée au commissariat à la Production, Paul Giaccobi prévoit le maintien de l’OCRPI, de ses organes régionaux et leur assimilation progressive par les directions de la Production industrielle. Il envisage également « de maintenir en vie le plus grand nombre » des Comités d’organisation, assortis d’un délégué provisoire, assisté d’un Comité paritaire consultatif. En revanche, « l’abrogation immédiate » de la Corporation paysanne apparaît d’une « nécessité politique inéluctable »104. Pierre Mendès France abonde dans ce sens : « Il me paraîtrait en effet très dangereux de dissoudre ces groupements économiques dans un moment où l’économie dirigée nécessitera le recours à des organes d’action effectifs ». Il ajoute cependant qu’il convient « d’épurer leurs cadres et de les soumettre au contrôle des organisations ouvrières et des organisations de résistance »105. Le 10 mai 1944, le CEI adopte les propositions de Giaccobi. De même, le commissaire aux Finances signale, en août 1944, à propos du contrôle des prix institué par Vichy : « Le système a fait ses preuves. Si le marché noir existe en France, cependant les prix officiels et clandestins n’ont pas suivi le mouvement d’inflation et le renversement de tendances qu’on peut prévoir à la Libération (...) permet d’espérer si l’on utilise sagement les outils existants, une amélioration de la situation actuelle »106. L’ordonnance sur la direction et le contrôle des prix en France (adoptée en juin 1945) — qui va, dans ses grandes lignes être appliquée pendant quatre décennies — est préparée par les services de Mendès France, en grande partie à partir de la réglementation de Vichy107. En accord sur ce point avec les Légistes, les gouvernants envisagent d’utiliser les « outils existants » du dirigisme vichyssois, sous réserve de les épurer, de rétablir les libertés syndicales et de supprimer la Corporation paysanne.
Les divergences sur la politique monétaire et financière
40Des divergences apparaissent, sur la politique financière et monétaire à mener après la Libération, qui ne sont pas sans effet sur les problèmes de reconstruction et de modernisation à moyen ou long terme. Pierre Mendès France fait connaître ses propositions monétaires et financières d’échange de billets avec blocage partiel, le 26 février 1944, sans que le CFLN ne les approuve explicitement108. Selon les services du Comité économique, les projets de PMF posent « le principe d’une politique financière de déflation menée à une échelle qui imposait à ses yeux un contrôle absolu par ses services de l’ensemble de la politique économique et sociale »109. Les textes prévoient le blocage des comptes, l’échange des billets, le contrôle des titres au porteur, la taxation de l’enrichissement et des plus-values, ainsi que le contrôle de « l’établissement d’un plan de production — établi autant que possible en liaison avec les plans anglais, belge et hollandais — et [le contrôle] des investissements nouveaux pour assurer leur concordance avec le plan »110. Dès l’arrivée en France, le Commissaire aux Finances réclame la haute main sur, outre les directions financières, celles relatives aux prix, au commerce extérieur, aux assurances privées, à la statistique, de même que sur la DGEN et les intendants des Affaires économiques.
41Parallèlement, PMF demande d’établir officiellement la livre au niveau de 200 francs (taux appliqué dans l’Empire), contraignant ainsi les gouvernants, par une surévaluation manifeste du franc, à une politique de rigueur en matière de finances, de prix et de salaires. Politique financière et monétaire austère et politique économique dirigiste (par le maintien du contrôle des prix, des salaires et des quantités à répartir). Cela témoigne, de la part de PMF d’une « tendance nettement pessimiste (...) l’état d’appauvrissement de la France entraînera un abaissement considérable du niveau de vie sur celui de 1939, même pour les classes les plus défavorisées »111. De tels projets suscitent des réactions hostiles, à la fois par leur contenu socio-politique et du fait des prétentions hégémoniques du commissariat aux Finances sur les autres départements. Dès le 15 mars 1944, PMF, considérant que « le gouvernement n’est pas fermement décidé à manifester (...) la vigueur, la volonté et l’esprit d’équipe indispensables », remet une lettre de démission au général de Gaulle (la première des trois qu’il lui envoie en une année)112. Trois jours plus tard, le chef du GPRF annonce devant l’Assemblée consultative que le Gouvernement aura le devoir de prendre « les mesures rigoureuses qui s’imposeront quant au rationnement, aux prix, à la monnaie, au crédit, afin que chacun (...) puisse recevoir sa part de ce qu’il est vital de consommer »113. « Succès apparent », commente, pour Georges Boris, Pierre Mendès-France, qui reste à son poste, non sans toutefois manifester son amertume : « Personne ne veut courir le risque de l’impopularité. Que sera-ce quand nous serons sur place ? »114.
42Les deux principaux contradicteurs du commissaire aux Finances sont ses collègues des Affaires sociales (Tixier) et de la Production (Giaccobi). Adrien Tixier juge inévitable une augmentation immédiate des salaires, en raison d’une perte de pouvoir d’achat, par rapport à juin 1940, estimée entre cinquante et soixante pour cent115. PMF qui, en revanche, propose l’étalement des hausses sur un an, considère que le commissaire aux Affaires sociales « s’est laissé complètement entraîner par les représentants de la CGT, lesquels (...) ne veulent pas être moins démagogues que les communistes »116 Quant à Paul Giaccobi, il s’oppose à PMF, à la fois par ses propositions de « relèvement de tous les prix à la production », et son ralliement à un taux de change supérieur à 200 francs pour une livre. Tenant pour « impossible, pour des raisons politiques, une déflation rigoureuse », il pense que le maintien de la livre à 200 francs « devrait être accompagnée de mesures économiques si sévères qu’elles entraîneraient vraisemblablement de graves perturbations sociales et politiques »117. Il redoute les effets explosifs du blocage des prix et des salaires, ainsi que ceux d’une « stérilisation de la circulation monétaire par un blocage des comptes tellement rigoureux que (...) il apparaîtrait comme une confiscation pure et simple »118.
43Au début de juin, les services d’Hervé Alphand reconnaissent que, sans paraître « sérieusement ébranlés », les projets de PMF risquent toutefois de l’être, si « ... l’unité de doctrine n’existant pas entre les commissariats, une autorité forte et capable d’action assez rapide ne coiffe pas l’activité des départements économiques »119. Et ceux de Louis Joxe soulignent que la préparation des textes économiques dépend « de l’importance de la politique de déflation qui sera admise »120.
L’incertitude calculée du général de Gaulle : l’étalement dans le temps
44Le général de Gaulle, sans doute partagé entre l’adhésion à la rigueur des arguments techniques de PMF comme au réalisme des objections socio-politiques de Tixier et de Giaccobi, se rallie à l’idée, suggérée le 25 juin par Raymond Offroy, d’opérer un arbitrage qui lui évite de choisir, en distinguant la période de Libération stricto sensu et celle qui suivra. Lors de la première période, il est proposé d’accepter une certaine hausse des salaires par le commissaire aux Affaires sociales et de confier le contrôle des prix au commissaire à la Production. Ainsi en est-il décidé à la séance du CEI du 26 juin 1944121. Raymond Offroy précise toutefois que, pendant cette période, le CEI veillera à ce que les charges entraînées par les subventions demandées par Giaccobi et par les hausses de salaires de Tixier « ne soient pas telles qu’elles puissent rendre sans utilité pratique l’expérience monétaire prévue pour la seconde période »122. Une fois la Libération achevée, en effet, le commissaire aux Finances recevrait des pouvoirs exceptionnels et temporaires, afin de réaliser l’assainissement monétaire projeté. « Entre temps, le pays serait psychologiquement préparé à supporter cette période de privations, d’« égalité dans la misère » et on lui expliquerait que, de la réussite de cette épreuve dépend la possibilité de rétablir sur des bases saines l’économie française. Ce raisonnement serait matérialisé par l’annonce, au commencement de cette deuxième période, du début de réalisation du plan d’équipement et d’investissement qui aurait été préparé pendant la première »123.
45Ainsi, par l’étalement dans le temps de politiques contradictoires, le chef du GPRF peut se donner les moyens de ne pas décider sur l’heure. Le choix immédiat paraît d’autant plus malaisé que les multiples paramètres de la situation française à la Libération sont alors inconnus. Il peut à la fois se rallier aux mesures de court terme socialement et politiquement inévitables — la hausse des salaires, le relèvement de prix à la production — et réserver pour le moyen terme les mesures de rigueur monétaire et financière, accompagnées de la mise en œuvre d’un plan d’équipement cohérent. En résumé, le Général opte pour une politique d’inévitables concessions immédiates aux salariés et à certains producteurs, assortie de la perspective de mesures de rigueur financière ultérieure. Avec le risque toutefois que la première ne compromette la réussite des secondes. Au début de l’été 1944, le Général se garde donc de trancher et conserver en réserve les projets de PMF124. Cependant, avec l’approche de la Libération, les divergences s’aiguisent entre commissaires, en particulier Mendès France, Tixier et Giaccobi. Le premier semble assez optimiste, au début d’août, d’après les confidences transmises à Georges Boris : « Je crois qu’à la longue nous aurons gain de cause. Je crois même que dans son for intérieur le Général est convaincu maintenant. Malheureusement, il est arrêté par mille raisons secondaires qui touchent à la politique quotidienne beaucoup plus qu’aux perspectives lointaines »125. Outre la politique des prix et des salaires, les conflits se manifestent sur une question importante pour le moyen terme : la détermination des entreprises essentielles à l’effort de guerre et à la reconstruction. Giaccobi propose que le classement des entreprises essentielles soit le fait de son seul département, sans consultation du gouvernement, ni du Comité économique126. Pierre Mendès France souhaite que cela dépende de son commissariat, et que la Direction générale de l’Equipement national, « qui préfigure le futur bureau du Plan », lui revienne127. Le débat sur la détermination des entreprises essentielles recouvre en fait la rivalité entre Finances et Production, pour s’assurer la maîtrise des services du futur ministère de l’Économie et du Plan, sans même parler des prétentions de Jean Monnet à vouloir contrôler les importations. Hervé Alphand signale au général de Gaulle que, désormais, au Comité économique, « le contrôle et le pouvoir de coordination économique tel qu’il fonctionne actuellement sont illusoires », du fait « de la tendance de chaque commissaire de s’assurer une entière liberté de manœuvre et un pouvoir de décision sans appel »128. Le Général semble avoir été influencé par l’insistance des services d’Hervé Alphand à souligner l’inefficacité d’un système de commission interministérielle, où « les divergences entre ministres s’éternisent, s’il n’existe pas d’arbitrage », et à vouloir renforcer le secrétariat général du Comité économique, en attendant la constitution, une fois sur le sol métropolitain, d’un véritable « ministère de la Vie économique »129. Au moment de la Libération, en pragmatique, le général de Gaulle maintient donc plusieurs fers au feu. Il n’a toutefois pas renoncé à satisfaire (sous la condition que ce ne soit pas immédiat) les demandes de PMF, à la fois sur l’institution d’un puissant MEN et sur les mesures de résorption monétaire, deux orientations qui convergent avec son souci de restauration d’un État souverain.
3. Les contours d’un groupe européo-libéral
46Moins connus que les projets économiques et financiers intérieurs, des textes sur les aspects monétaires, économiques et commerciaux, du point de vue international, sont élaborés à Londres, et surtout à Alger, à l’automne 1943. Ils émanent d’un groupe de responsables, appelés à jouer un rôle ultérieur important dans la direction des échanges extérieurs130.
Le projet Alphand-Istel
47Au printemps 1943, avant même que le général de Gaulle ne débarque à Alger, Hervé Alphand et André Istel ont élaboré un projet d’institution internationale chargée de stabiliser les changes, sorte de pendant français des plans Keynes et White, qui sont débattus l’année suivante à Bretton Woods131. Les deux responsables français, reçus par Keynes à Londres, le 20 août 1943, opposent à son plan un « programme plus modeste qui consiste à partir d’accords bilatéraux qui s’interpénétreraient ensuite pour former un noyau destiné lui-même un jour à devenir le Clearing Union universel que Keynes songe à établir d’un coup de baguette »132. Projet plus progressif et pragmatique, le texte français s’appuie partiellement sur une note de mai 1942 et même sur l’expérience des accords Reynaud-Simon de décembre 1939133. Il s’agit à la fois de rétablir l’étalon-or, mais aussi d’envisager des procédures souples de concertation (sur des crédits réciproques, sur la répartition des activités et des marchés) pendant une période transitoire, afin d’opérer ensuite, sans douleur, une ouverture des frontières par étapes. Ce texte, même s’il n’engage pas officiellement le CFLN, témoigne du double souci, durable chez de nombreux responsables, d’un retour au multilatéralisme, tout en ménageant des délais d’adaptation pour l’économie française, éprouvée par l’Occupation et la guerre.
Les projets d’union économique européenne
48En mai 1943, Hervé Alphand, délégué du CFLN à la Conférence de Hot Springs, défend l’idée d’une période intérimaire, où les déséquilibres du commerce extérieur des États appauvris, comme la France, devront être comblés par des crédits134. Mais c’est surtout à partir de septembre 1943, à Alger, que les réflexions sur l’après-guerre se développent parmi les responsables les plus en contact avec les représentants des autres nations. À l’idée d’une libéralisation par étapes dans le temps, s’ajoute celle d’étapes dans l’espace, par la recherche d’une zone de libération limitée, dans une première phase, à certains États d’Europe.
49À ce moment, Jean Monnet et Hervé Alphand engagent pour le CFLN une négociation avec les responsables de l’Organisation des Nations unies pour les Secours d’urgence et la Reconstruction, l’UNRAA. À la fin d’août 1943, Hervé Alphand, des États-Unis, propose à Jean Monnet « de saisir cette occasion pour poser à nos Alliés le problème des droits de douane et du contrôle des échanges en Europe dont (vous) m’aviez parlé à Alger »135. Reprenant l’idée, lancée par Jean Monnet dans une note du 4 août 1943, selon laquelle « les pays d’Europe sont trop étroits pour assurer à leurs peuples la prospérité. Il leur faut des marchés plus larges », Hervé Alphand rédige, le 17 septembre 1943, une note de sept pages, où il prévoit la suppression des contingents d’importation dans un délai de trois à cinq ans, au profit de droits de douane modérés, ainsi que l’utilisation des bureaux européens de répartition des secours, pour en faire « le noyau d’une future coordination des productions européennes » et préparer des unions douanières, dont « l’avantage essentielle (sic) ... sera d’améliorer la division internationale du travail à l’intérieur d’un marché plus vaste que les marchés nationaux »136. Proposant de prendre contact d’abord avec le Benelux et les Pays-Bas, Hervé Alphand ajoute : « L’économie française, devant l’exemple de ses associés belge et hollandais, se trouvera en même temps placée devant la nécessité de se préoccuper davantage de l’exportation et par conséquent de moderniser ses moyens de production pour abaisser ses coûts de revient... Il ne faut pas se dissimuler cependant qu’une union de cette nature exigera des modifications profondes dans la structure de notre économie. Ces transformations seront nécessaires tôt ou tard ». [Cette organisation européenne] « ne constitue qu’un élément d’une organisation universelle »137. D’ailleurs, le diplomate rappelle que ces propositions constituent une application des engagements de libéralisation, qui, malgré leur caractère très formel, ont été souscrits par la France combattante, à travers son adhésion à la Charte de l’Atlantique, à l’accord sur l’UNRAA, ainsi qu’aux accords d’aide réciproque avec les États-Unis.
50Peu après, René Mayer diffuse une note sur une « fédération de l’Europe occidentale », afin d’éviter de « laisser subsister le cloisonnement douanier, générateur de désordres »138. Sa perspective est nettement atlantique autant qu’européenne : « le bloc anglo-saxon continuera à être économiquement et politiquement solidaire. Il est de l’intérêt de la France de se rapprocher de ce bloc »139. Il envisage les multiples hypothèses quant au contenu de cette fédération (« Super-État fédéral », « Zollverein » ?), à son étendue (inclusion, outre le futur Benelux, d’une « Lotharingie industrielle » ? de l’Espagne ? de l’Italie ?), aux obstacles intérieurs et internationaux pouvant s’opposer à sa constitution. Il suggère de désigner à Londres une commission d’étude. Hervé Alphand indique à René Massigli que les deux études « se complètent » et, retenant l’idée de la commission d’étude, suggère qu’elle se compose de Laurent Blum-Picard — bon connaisseur, en qualité d’ancien Directeur général des Mines, des questions métallurgiques et minières en Europe occidentale — de Jacques Kayser et d’André Gros (respectivement pour les questions politiques et juridiques)140. Enfin, Jean Monnet, en qualité de commissaire à l’Armement, à l’Approvisionnement et à la Reconstruction, a réuni, sous son autorité, un Comité de Reconstruction, chargé à la fois de mettre au point le ravitaillement de la France libérée, et, lors d’une seconde étape, la reconstruction de l’économie française. Faisant le point sur ses activités, à la mi-octobre 1943, il suggère que des décisions soient prises par le CFLN, pour « permettre l’adaptation de l’économie française au cadre international nouveau », et, en particulier, de prévoir des mesures permettant d’éviter « la remise en vigueur des régimes douaniers ou des méthodes qui consolideraient les conditions factices de production et empêcheraient que puissent être étudiés, d’accord avec les autres pays d’Europe, les moyens d’établir une économie plus large que les économies nationales protectionnistes d’avant guerre »141.
51Le 17 octobre, la question est débattue lors d’un « passionnant déjeuner chez de Gaulle », réunissant à Alger, Diethelm, Alphand, Monnet et Mayer142. Hervé Alphand plaide pour des négociations immédiates avec certains autres pays européens « pour organiser en Europe des secteurs d’échanges libres plus étendus que les territoires nationaux », notamment à travers des mesures sur les tarifs douaniers, le contrôle du commerce extérieur et la « distribution des productions européennes »143. Jean Monnet parle, pour l’Europe, de « constituer un ensemble économique unique d’échanges libres, en tenant compte du fait que le problème allemand doit en même temps faire l’objet d’une solution particulière ». Il reprend notamment l’hypothèse de la Lotharingie industrielle, sous la condition que les produits sidérurgiques « seraient exploités au profit de l’Europe entière par les nations européennes elles-mêmes »144. De Gaulle craint qu’une pareille « solution ait pour conséquence d’avantager l’industrie allemande en Europe et de développer la puissance germanique ». Voyant difficilement, pour l’après-guerre, « les Français et les Allemands faire partie d’une même union économique », il défend une « solution qui permettrait d’agglomérer des peuples ayant des traditions communes et des économies complémentaires à l’ouest de l’Europe », ce qui signifie avec la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, peut être la Rhénanie, l’Italie, l’Espagne ou la Suisse145. Il ajoute qu’une telle union économique « ne devrait pas tendre à l’autarchie, mais conclure avec les États-Unis, l’Empire britannique, l’URSS et l’Europe orientale des accords d’échanges »146. Il est décidé que Jean Monnet et Hervé Alphand, lors de leurs voyages à Londres et Washington, devront organiser l’étude technique de ces questions.
Dans l’immédiat : une « fausse bonne solution »
52Le rapport de la commission Blum-Picard apparaît réservé sur une union économique européenne, « une fausse bonne solution », et recommande plus modestement des accords partiels pour certains domaines de production147. René Massigli souligne dans ses Mémoires : « Tous les schémas étaient imaginables mais ce n’étaient que des schémas »148. Trop d’incertitudes pèsent, notamment sur les intentions des Trois Grands à l’égard de l’Allemagne, pour que le CFLN puisse réellement s’engager. De plus, lorsque le général de Gaulle parle, le 18 mars 1944, devant l’Assemblée consultative, d’une « sorte de groupement occidental (...) principalement sur la base économique », il a en vue un ensemble, dans lequel la France serait hégémonique, représentant un instrument destiné à conforter la thèse française du démembrement de l’Allemagne, et à préparer la substitution de la domination de l’industrie sidérurgique française sur le continent149. De telles perspectives ne pouvaient que rebuter les petits États, en particulier les Pays-Bas. Malgré les propos encourageants, tenus par Paul-Henri Spaak à René Massigli, le 17 juillet 1943 à Londres, sur un accord économique avec la France, les négociations du CFLN avec la Belgique et les Pays-Bas, même limités à un accord monétaire, échouent en 1944150. En décembre 1943, Gutt s’est plaint auprès d’Alphand, à propos de l’affaire de l’or belge, que le CFLN n’ait envisagé « aucune condamnation des agissements de M. Bouthillier et de la Banque de France, que l’opinion belge considère comme un véritable abus de confiance »151.
53D’autre part, comme le confie P. H. Spaak au comte de Romrée, représentant du gouvernement belge à Alger : « Dans nos relations avec la France, il y a une dernière difficulté : c’est la Hollande... Pour M. Van Kleffens et ses collègues, la route d’Alger passe toujours par Londres »152. Au total, les projets du groupe européo-libéral se heurtent à trop d’obstacles : « soupçons moscovites, froideur hostile de Washington, embarras britannique (...) Dans ces conditions, la large négociation dont Hervé Alphand rêvait aurait été très prématurée (...) il apparaissait que ceux-là n’avaient pas tort qui avaient prêché la prudence »153. Malgré leurs effets insignifiants pour l’immédiat, ces débats témoignent, pour la moyenne et la longue durée, de l’existence d’un groupe de responsables (Hervé Alphand, Jean Monnet, voire René Mayer), soucieux d’opérer le relèvement et la modernisation des structures économiques par une ouverture des frontières, doublement progressive : dans le temps (par la garantie d’une période transitoire et de mesures conservatoires) et dans l’espace (par la constitution d’une union économique régionale, comme prélude au retour au multilatéralisme). Ils en attendent une contrainte extérieure salutaire propre à précipiter les transformations économiques internes. Hervé Alphand l’a fort clairement exprimé, lors du déjeuner avec le général de Gaulle : « La création d’une union économique de cette nature aurait notamment pour conséquence d’obliger la France à procéder à des réformes profondes et salutaires de son économie »154.
4. Jean Monnet et le cordon ombilical d’Outre-Atlantique
54Le rôle stratégique que Jean Monnet va jouer, à partir de l’été 1943, dans la reconstruction de l’économie française provient d’un double atout, détenu par lui seul. Il est le mieux placé, grâce à ses nombreuses et importantes relations personnelles aux États-Unis, pour relier tous les fils des diverses négociations avec les multiples autorités américaines et alliées. De plus, il est celui qui, de manière précoce (dès septembre 1943), envisage de lier étroitement les questions des approvisionnements d’outre-Atlantique, de leur financement et de la reconstruction à moyen terme, au-delà du Relief (c’est à dire des secours immédiats). À travers ses fonctions — son commissariat cumule les responsabilités de l’Armement, de l’Approvisionnement et de la Reconstruction (CAAR) — il se situe au carrefour des décisions militaires, économiques et financières, intérieures et internationales.
La distinction de deux étapes successives et de deux programmes
55Au début de septembre 1943, soutenu par René Pleven, Maurice Couve de Murville et André Diethelm, Jean Monnet est chargé de se rendre à Washington, afin de négocier à la fois la question des dettes françaises, ainsi que celle des arrivages de produits industriels en Afrique du Nord155. Les responsables français redoutent alors que les organismes alliés de ravitaillement — encore en gestation — ne puissent satisfaire les besoins français. Dans le même temps, Jean Monnet est chargé d’obtenir la reconnaissance officielle du CFLN156. Il obtient parallèlement, le 25 septembre 1943, la signature par Robert Murphy de l’accord sur l’aide réciproque, dit de « modus vivendi », qui porte seulement sur l’Afrique du Nord. Les Américains fournissent, sans exiger de paiements immédiats, les matériels et services militaires, tandis que les Français livrent, de manière réciproque, les fournitures indispensables à l’effort commun de guerre157. L’accord est avantageux mais limité, car les fournitures civiles importées des États-Unis doivent être payées en dollars, et la métropole, une fois libérée, n’est pas incluse. Dès cette date, Jean Monnet, dans une importante note — déjà citée propose de distinguer deux étapes chronologiques :
celle du « Secours immédiat », « allant du commencement de la libération jusqu’aux décisions d’ordre international qui donneront une forme aux relations économiques dans le cadre mondial ».
celle de la « Reconstruction », « au cours de laquelle sera réalisée l’adaptation de l’économie française au cadre international nouveau »158. Dès lors, Jean Monnet fait élaborer par son commissariat deux séries de programmes d’importation, qu’il va lui-même négocier à Washington :
un programme prioritaire de « Secours immédiat alimentaire », pour les trois mois qui suivent « la phase des opérations militaires actives ». À partir des données recueillies sur la production française et les prélèvements, il est estimé à environ 2,8 millions de tonnes159 ;
un programme de « reconstruction », afin de « remettre en marche » l’économie française. Pour mener à bien ces deux programmes, Jean Monnet espère rapporter de Washington des accords financièrement avantageux, principalement un accord général de prêt-bail pour les fournitures, mêmes civiles, commandées pour la France libérée (ce qui dispenserait de régler les dépenses en dollars ou en or).
Continuités et novations administratives : la centralisation par Jean Monnet
56Jean Monnet aborde la question des structures administratives nécessaires. Il avertit que, lors de la période de secours immédiat, il faut redouter d’avoir à « répartir un déficit », comme dans tous les pays en guerre. « La solution a été inévitablement la même : contrôle complet par l’État de l’économie, de la production et de la distribution ; contrôle des exportations et des importations. Il ne s’agit pas, pour le moment d’opter pour un système économique ou pour un autre. Il faut faire vivre la France avec des ressources nécessairement inférieures aux besoins — aucune autre solution n’est possible »160. En outre, il précise que, d’après les rapports parvenus de France, « sauf le cas des collaborationnistes à éliminer, l’ensemble de l’administration française a été courageuse, compétente et, en gros, s’est bien tirée de l’administration de problèmes extrêmement complexes et difficiles (exception doit être faite pour les offices de recrutement de travailleurs, qui ont collaboré à la relève). Il semble donc qu’on doive envisager l’utilisation du mécanisme administratif dans son ensemble »161. Lui aussi préconise la réutilisation de l’appareil dirigiste de Vichy, lors du retour en France. Mais il souhaite créer, dans l’immédiat, des structures nouvelles, à Alger et à Washington, afin de centraliser, sous son autorité, l’ensemble des questions relatives aux approvisionnements.
57À Alger, Jean Monnet fait instituer un Comité de la Reconstruction — où sont représentés les principaux commissaires — placé sous la direction de son commissariat162. Selon une méthode fréquemment utilisée par la suite, il invoque les préférences américaines, pour demander un renforcement de ses attributions. Signalant que le nouveau secrétaire d’État, Stettinius, souhaite la création, dans la capitale américaine, « d’une organisation française unique (...) chargée de lui présenter les programmes français et d’en suivre avec lui la réalisation », il propose la création à Washington d’un « French Supply Council » ou Comité français des Approvisionnements, présidé par le délégué de son commissariat, et composé des représentants des autres commissaires du CFLN163. À la fin de septembre 1943, Jean Monnet obtient ainsi du CFLN de centraliser la négociation et l’organisation des approvisionnements pour l’Afrique du Nord, et, dans l’avenir, pour la France libérée : Christian Valensi est désigné comme représentant provisoire du CAAR, afin d’assurer la présidence intérimaire du Comité des Approvisionnements (voir graphique page suivante)164.
58Une fois à Washington, à la mi-novembre, Jean Monnet dirige lui-même le comité165. Sa position au sein du CFLN est d’autant plus forte qu’il a l’appui de Couve de Murville (Finances), Mayer (Transports), Diethelm (Production) et Pleven (Colonies). Le remaniement de novembre 1943 lui fait regretter, auprès de Massigli, le départ de Couve de Murville166. Lui-même change de titre et devient « commissaire en mission ». Son action pour l’Armement est achevée, car il a obtenu les accords nécessaires auprès des autorités américaines167. Mais sa « mission » apparaît bientôt à la fois monétaire, financière, économique et diplomatique : il est chargé de conduire toutes les négociations en suspens à Washington. Déjà adepte de la politique du « pragmatisme, (des) tables rondes et (des) conversations ininterrompues » (Louis Joxe), Jean Monnet va s’attacher à démêler à sa manière l’écheveau des relations entre le CFLN et les diverses instances alliées.
Débrouiller l’écheveau : privilégier Washington et Mac Cloy
59Arrivé à la mi-novembre à Washington, Jean Monnet signale, dans ses premiers télégrammes, « la plus grande confusion » qui règne parmi les services américains d’approvisionnement, notamment depuis le remplacement de Cordell Hull par Stettinius, et les chevauchements entre Département d’État et Guerre168. Mais la grande aisance avec laquelle Jean Monnet peut évoluer parmi les divers responsables américains, du fait de ses liens personnels, lui permet de débrouiller l’écheveau et de proposer lui-même la marche à suivre pour le CFLN.
60Sur le terrain de la reconnaissance officielle du CFLN, il n’avance guère. Il propose une tactique de la « boule de neige » (Pierre Denis), afin d’engager les États-Unis, à travers des accords particuliers, dans un « engrenage » tel que la reconnaissance suive. Mais Roosevelt reste inébranlable jusqu’en octobre 1944169. En revanche, il progresse sur la question des approvisionnements. D’emblée, il annonce : « Nous ne pouvons pas compter sur le mécanisme international du « Relief » pour préparer à temps les mesures pratiques qui permettront d’assurer à la France les importations de notre programme »170. Il recommande de ne pas compter de manière significative sur l’UNRAA, dont l’organisation n’est mise en place qu’en décembre 1943, à Atlantic City, où Hervé Alphand représente la France. Ne disposant que de 2,5 milliards de dollars, l’organisation doit fournir sur cette somme des secours aux pays incapables de payer leurs importations171. Dans l’imbroglio et la rivalité des services civils et militaires alliés à Washington et à Londres, Jean Monnet trouve rapidement la bonne porte. Il propose de s’adresser directement à John Mac Cloy — son ami personnel — sous-secrétaire d’État à la Guerre et président du Combined Committee of Civil Affairs (où siègent également les représentants britanniques). Roosevelt demeure intraitable sur la reconnaissance du CFLN, mais, selon Louis Joxe, « un esprit large, ouvert et généreux inspirait [Mac Cloy]. Il ne cessa de veiller sur nous »172. Jean Monnet assure que le Comité allié des Affaires civiles est décisif, car il établit les recommandations transmises au commandement en chef, au sujet du ravitaillement des régions libérées. Mais Londres manifeste encore des réticences à son égard. En outre, il obtient que Roosevelt charge le Général Hilldring, chef de la division des Affaires civiles au War Department, de préparer un plan de ravitaillement immédiat173.
61Le 25 novembre 1943, Jean Monnet remet le programme de ravitaillement, approuvé par le CFLN, pour les six premiers mois après les premières opérations de la Libération : il a doublé les estimations du programme initial, portant ainsi à six millions de tonnes les demandes présentées174. À ce moment, Jean Monnet demande la possibilité de centraliser lui-même à Washington l’ensemble des négociations économiques, financières et monétaires avec les Alliés. Il signale les dangers de la dispersion. Ainsi, les documents transmis à Alger à Murphy « n’atteignent pas leur destinataire », si bien que ... « la machine alliée qui discute pour nos questions continue à fonctionner sans nous (...) jusqu’à présent nous avons été renvoyés de Pierre à Paul »175. De plus, il demande de recommander à Pierre Viénot, représentant du CFLN en Angleterre, de ne pas engager de conversations séparées à Londres : « Le mieux serait que la balle me soit renvoyée », précise-t-il au début décembre176. Il ajoute : « la forme de l’administration américaine, sa complexe politique (sic), le rôle qu’y joue le Président et un certain nombre de personnes à Washington font que les décisions importantes ne peuvent être prises effectivement qu’à Washington et après de nombreuses discussions et compromis entre les administrations intéressées »177. Dans un rapport de janvier 1944, Hervé Alphand confirme : « Il apparaît indispensable de transporter aux États-Unis la discussion des principes généraux qui doivent être retenus par l’Administration de la France, alors que les modalités techniques d’exécution devraient être arrêtées à Londres »178. À la fin de l’année 1943, Jean Monnet affirme son espoir de voir le CFLN participer au Comité des Affaires Civiles, et ainsi « nouer en un seul endroit la discussion de cet ensemble de question »179. Le 20 janvier 1944, il annonce l’acceptation des Britanniques pour participer, auprès des Américains et du CFLN, au Comité des Affaires Civiles, afin de traiter des approvisionnements180. Il réitère sa demande de centraliser toutes les négociations avec les Alliés, et propose de déléguer le commandant Bernard (Étienne Hirsch), afin de lui confier la présidence du Comité des Approvisionnements à Londres. Intermédiaire irremplaçable, Jean Monnet coiffe désormais la préparation des approvisionnements pour l’après-Libération à Washington, centre des décisions, comme à Londres, pour leur application.
Le compromis Monnet-Acheson : « accrocher la question des crédits à long terme pour notre reconstruction »
62Jusqu’à ce moment, la question du financement des approvisionnements n’a pas avancé. Le 7 janvier 1944, Jean Monnet remet un mémorandum à Dean Acheson, alors assistant du secrétaire d’État, afin de modifier les clauses de paiement de l’accord du « modus vivendi », et négocier un accord de prêt-bail général, applicable à l’ensemble du territoire français. Il estime alors le déficit français global pour 1944 à 160 millions de dollars181. Parallèlement, Jean Monnet négocie la question de la monnaie à introduire lors de la Libération — il a pour mission d’y inclure la mention de la souveraineté française, alors que le CFLN n’est toujours pas reconnu de jure — ainsi que la question du taux de change182.
63Les négociations financières s’avèrent difficiles avec les différents interlocuteurs américains, certains voulant même faire payer une partie des fournitures militaires sur l’or français métropolitain. Jean Monnet compte profiter de ses appuis au Département d’État, et à la Guerre pour lever l’opposition de la Trésorerie — dont la position consiste à réclamer la remise de billets à l’armée et à laisser tous les règlements pour plus tard — et les hésitations de la Maison Blanche. Mais la question de la reconnaissance officielle du CFLN entrave tout progrès réel. La négociation d’un accord général de prêt-bail paraît à Jean Monnet de nature à éviter de toucher à l’or, mais aussi, à plus longue échéance, d’assurer les importations essentielles pour la reconstruction : « Seule l’existence d’un accord lend-lease (général) tel que celui que nous négocions nous donnera la base technique qui nous permettra de négocier avec l’administration américaine des crédits de reconstruction importants à long terme »183. Quelques jours plus tard, il ajoute, s’appuyant sur le texte de la section 3 C de la loi lend-lease : « Nous aurons enfin le moyen (...) d’accrocher la question des crédits à long terme pour notre reconstruction en utilisant la procédure qui permet à l’administration prêt-bail d’exécuter les programmes de commandes pendant 3 ans après la date d’expiration de la loi prêt-bail (...) nous pourrions placer (...) avant la fin des hostilités, la partie urgente de notre programme de reconstruction industrielle, qui pourrait être exécuté dans un délai de 3 ans après la guerre et serait réglé au moyen de crédits à très long terme »184. Jean Monnet signale que la France ne peut invoquer, pour obtenir le prêt-bail intégral, le précédent de l’Angleterre — qui a dû se défaire de la totalité de ses avoirs étrangers liquides au préalable — ou des Soviets, pour lesquels « la participation prépondérante qu’ils prennent à la guerre leur donne auprès des Américains des moyens d’action que nous n’avons pas »185. Jean Monnet négocie pendant plusieurs mois, en particulier avec Dean Acheson, une autre personnalité dont il est proche. Robert Marjolin, qui, en novembre 1943, est emmené par Jean Monnet, confirme : « Les principaux interlocuteurs de Jean Monnet à Washington étaient Hopkins, Stimson, Mac Cloy, Dean Acheson »186.
64À la fin de juin 1944, Monnet obtient, de manière officieuse, les bases du compromis suivant avec Acheson : livraisons militaires en pur prêt-bail jusqu’à la fin des hostilités, livraisons civiles immédiates payées comptant et fourniture d’équipements industriels au moyen de crédits à long terme. Dean Acheson, en accord avec la Federal Economic Administration (FEA), lui suggère en conséquence de préparer d’urgence un programme de remise en marche de l’économie française. Jean Monnet s’attelle alors à élaborer un programme d’un an, « premier programme de reconstruction qui contient une quantité importante de matériel industriel destiné à remettre les principales branches d’activité en état »187. Il conseille au CFLN, devenu GPRF le 2 juin, de presser l’allure, car les demandes soviétiques d’équipement industriel s’annoncent particulièrement élevées pour l’après-guerre.
65Dès lors, Jean Monnet est chargé, au nom du GPRF, de l’élaboration d’un double « plan » d’approvisionnement :
un « plan de six mois » de ravitaillement immédiat (ou « Plan A »), représentant 1,05 million de tonnes (dont 90 % proviendraient des États-Unis et de l’Empire britannique) ;
un « plan de remise en marche de l’économie française », d’environ deux milliards de dollars (payables officieusement par des crédits de 25 ans à 2 1/8 %). Dans ce dernier, il n’est consacré que 8 % (en valeur) aux produits de consommation, contre 23 % pour les équipements de production et 46 % pour les transports et services publics188.
La stratégie de Jean Monnet : un « Plan » d’importation pour les crédits, les crédits pour le « Plan »
66Jean Monnet souligne un aspect qui, pendant les années 1944-48, va rester l’une de ses principales préoccupations : la corrélation réciproque entre la synthèse des besoins français, le « Plan » (à cette date, il s’agit d’un plan d’importation, mais déjà lié à la reconstruction), et les crédits sollicités auprès de Washington. Le 8 juillet 1944, Cordell Hull a présenté au président Roosevelt un mémorandum, établi par le Département d’État et reprenant le compromis Monnet-Acheson. Roosevelt donne son accord de principe, mais encore officieux, et lit le mémorandum au général de Gaulle, lors de leur entrevue, le même jour189. Jean Monnet insiste, en vue de la séance du CEI du 3 août, sur la nécessité d’assortir l’accord de Prêt-bail en préparation du Plan de Remise en Marche. Car, sinon, le GPRF devra discuter avec les responsables américains sur chaque catégorie de matériel demandé, afin de vérifier s’il entre bien dans l’application de l’Accord : « Le plan de remise en marche est la pièce maîtresse des arrangements de prêt-bail et d’aide réciproque. Il est essentiel que le Président Roosevelt approuve les grandes lignes du Plan spécifiant le matériel dont nous avons besoin pour remettre en marche notre économie, en même temps que sera conclu l’accord de Prêt-Bail, ainsi qu’il l’a fait pour les plans russes. (...) ils forment en effet un ensemble, l’accord de prêt-bail étant un accord général de principe auquel le plan de remise en marche donne une forme concrète »190. Le Plan de Remise en Marche apparaît comme un « Plan-annexe » justifiant, de manière globale, les besoins français en équipements et matériel, et les rendant crédibles aux yeux des autorités américaines ainsi sollicitées. Les services de Hervé Alphand commentent ainsi le Rapport de Jean Monnet sur le Plan de Remise en Marche : « Il semble bien que ce plan corresponde au désir du gouvernement de permettre à la France de satisfaire le plus rapidement possible les besoins de sa population par la mise en œuvre de ses propres ressources »191. Dans son contenu, le Plan a été élaboré par les services de Monnet à Washington. Il comprend des commandes d’équipements, dont l’exécution pourrait intervenir, « un ou même deux ans après la fin de la période militaire »192. Pour élaborer ces chiffres, les services de Monnet ont tenu compte des capacités de production d’avant guerre, et procédé à une estimation des destructions probables, réquisitions allemandes et de l’usure anormale du matériel. Toutefois, le commissaire en mission reconnaît qu’il s’agit là de « bases forcément incomplètes », qui ne permettent qu’« une première approximation »193. Monnet a pu s’appuyer sur les bulletins de l’Institut de Conjoncture et divers renseignements transmis par la Résistance. De plus, à la fin d’août 1943, Robert Marjolin, qui accompagne Jean Monnet dans sa mission, a préparé un questionnaire sur les différentes branches d’industries, envoyé à des correspondants dans les CO et à l’OCRPI194. Au début de 1944, il devient chef de la mission française d’achat à Washington, sous l’autorité directe de Jean Monnet, qui lui sait gré de ne pas avoir participé à une intrigue dirigée contre lui, en son absence, par certains éléments du milieu diplomatique français à Washington195. Dans « l’exécution de cette tâche gigantesque », qui consiste à mesurer les besoins futurs de la France libérée, Marjolin apparaît comme « le principal collaborateur de Jean Monnet à Washington »196.
67Les chiffres par produits du plan initial, approuvés par le GPRF, sont rectifiés, à la suite des négociations avec les services américains. L’origine des fournitures demeure incertaine et soumise aux « Combined Boards », situés à Washington. Jean Monnet signale que « les États-Unis d’Amérique seront le principal fournisseur », même s’il envisage d’autres provenances, et notamment l’Empire français. Cependant, une note du Comité économique signale pour le général de Gaulle : « Étant donné l’importance des deux plans négociés par M. Monnet, nous avons eu de plus en plus tendance à écarter les accords commerciaux dont la conclusion aurait pu gêner la négociation de ces plans... des possibilités d’achat se sont révélées en Angleterre, en Suède, en Espagne, en Égypte, etc. ; dans tous les cas les contacts sérieux ont été ajournés jusqu’au moment où le plan de remise en marche aura été approuvé à Washington »197. Le Plan de Remise en Marche est estimé à 14,7 millions de tonnes, dont près de la moitié (sept millions) pour le charbon. Mais, en juillet, les négociateurs américains réduisent le chiffre à 1,5 million de tonnes, ce qui ne permet pas d’envisager de retrouver pour les transports le niveau d’avant guerre. Monnet souligne toutefois l’incertitude sur la situation charbonnière. Dès ce moment, l’ampleur des besoins souligne la vulnérabilité française, d’ailleurs chronique en ce domaine198 Ainsi, à travers sa « mission », Jean Monnet en est arrivé à s’interroger sur le bilan de l’économie française et à le présenter à ses interlocuteurs américains, pour obtenir d’eux qu’ils comblent le déficit.
Jean Monnet et la politique des comités
68Dans la perspective de la Libération prochaine, le 1er août 1944, parallèlement à l’élaboration des deux plans, Jean Monnet propose au CEI de créer, sous son autorité, une structure administrative propre à coordonner l’action combinée des missions d’achat, des organisations d’expédition auprès des armées alliées, des organismes gouvernementaux français et des services alliés fournisseurs et transporteurs : « J’ai, jusqu’à présent, centralisé à Washington l’établissement des programmes et les négociations avec les Alliés. L’organisation d’un Centre directeur, au siège du Gouvernement, s’impose et il n’existe pas »199. Il propose donc la création d’un « Comité des Importations », assuré par un commissaire « sans autre charge administrative », qui ne peut être que lui-même. Ce comité aurait une quadruple fonction : coordonner et établir les deux plans d’importation — les autres commissaires y délégueraient des représentants — réaliser l’exécution de ces plans par le biais des missions d’achat, attribuer les priorités de transports, établir en permanence « le bilan d’ensemble des ressources et des besoins français »200. La satisfaction des besoins de la France, au fur et à mesure de sa Libération, apparaît à Jean Monnet comme une « grande entreprise ». Il justifie pour cela la nécessité d’une « vue d’ensemble », en particulier pour le général de Gaulle : « Le moindre retard peut avoir des conséquences tragiques pour nos concitoyens, et graves pour l’ordre public. La vie politique du pays, et par conséquent l’autorité du Gouvernement dans les questions extérieures qui se poseront, seront profondément affectées par le fait que nous aurons ou non assuré rapidement, à nos compatriotes, la vie matérielle et du travail »201. Cette volonté de coiffer, par un « Comité des Importations », l’approvisionnement et la remise en marche de l’économie suscite les réticences de Paul Giaccobi qui, dans une lettre à Jean Monnet, parle de « surestimation des capacités de production à Washington »202. De plus, elle se heurte au projet de ministère de la Vie économique, souhaité par PMF. Le 3 août, le CEI accepte le principe d’un tel comité203. Et le 23 août, il décide la création d’une « Commission des Importations », mais avec le statut d’un simple organe technique du CEI. La présidence en est assurée par Jean Monnet, Hervé Alphand (en qualité de secrétaire général du CEI) et les représentants de trois commissaires (Ravitaillement, Production, Communication) lui sont associés, comme membres de la commission204.
69Par rapport aux propositions initiales de Jean Monnet, la Commission n’a donc qu’un caractère technique et reste subordonnée au CEI.
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CONCLUSION DU CHAPITRE XXI
70La période s’étendant de 1941 à la Libération de Paris a été particulièrement fertile en projets pour la relève des structures et des mesures de direction économique et financière de Vichy. Les incertitudes sur les conditions de la Libération sont telles que le général de Gaulle conserve plusieurs fers au feu, parmi lesquels les projets de son commissaire aux Finances. Si un certain consensus se manifeste pour maintenir des structures dirigistes de Vichy, le chef du GPRF, en stratège politique, doit tenir compte des aspirations de l’« opinion » résistante aux « réformes de structures » et à une certaine relève des classes dirigeantes. Et, à travers des contacts multiples pris aux États-Unis, Jean Monnet renforce son rôle dans l’appareil d’État, en apparaissant comme le seul responsable apte à articuler les besoins immédiats et la Reconstruction française, ainsi que les importations et les crédits, nécessairement sollicités auprès de Washington.
Notes de bas de page
1 Richard F. Kuisel, Le capitalisme..., op. cit., p. 274-280.
2 Charles de Gaulle, Discours et messages pendant la guerre 1940-1946, Paris, 1970, p. 217.
3 Cf. Georges Boris, Servir la République..., op. cit., p. 328 ; cf. Jean Bouvier « Sur la politique économique en 1944-1946 », in CHSGM, La Libération de la France, (actes du colloque international -Paris 28-31 octobre 1974), Paris, 1976, p. 835.
4 Robert Marjolin, Le travail d’une vie, Mémoires, 1911-1986, Paris 1986, p. 117.
5 Richard F. Kuisel, Le capitalisme..., op. cit., p. 275.
6 Robert Marjolin, Le travail.., op. cit., p. 73 et 117.
7 Richard F. Kuisel, Le capitalisme..., op. cit., p. 277.
8 Cf. Richard Marjolin, Le travail..., op. cit., p. 117 et suiv. et Georges Boris, Servir..., op. cit., p. 325.
9 Le groupe de travail de ces syndicalistes s’intitule Comité d’études économiques et sociales. Cf. Christian Pineau, La simple vérité, Paris, 1960.
10 La thèse de doctorat en droit de Diane de Bellescize, « Le Comité général d’études de la Résistance » (Paris II, 1974) a été partiellement éditée dans un ouvrage, intitulé Les neuf sages de la Résistance. Le Comité général des études dans la clandestinité, Paris, 1979, 302 p.
11 Diane de Bellescize, Les neuf sages..., op. cit., p. 133 et p. 256 ; cf. Les Cahiers politiques, n° II, juillet 1943.
12 Ibid., p. 59.
13 Cf. AN, Fia 3733, rapport Necker (pseudo. de Jacques Bingen), 1er avril 1944 ; document cité in Ibid., p. 160.
14 MAE, guerre 1939-1945, CFLN-GPRF, papiers Massigli, 1459, d. « Relations avec la Résistance — novembre 1941 — octobre 1944 », p. 84-88, Note sur les conséquences politiques de l’opposition de Gaulle-Giraud, signée CGE, Paris, 5 juillet 1943, 5. p.
15 Diane de Bellescize, Les neuf sages..., op. cit., p. 259.
16 René Courtin, Pour les autres et pour soi, inédit, Montpellier, 1969.
17 René Courtin, Rapport sur la politique économique d’après guerre, Alger, 1944, 111 p., préface de François de Menthon, p. 5. Il s’agit de la version publique du rapport.
18 Ibid., p. 5.
19 Ibid., p. 7-8.
20 Ibid., p. 8.
21 Ibid., p. 8.
22 Ibid., p. 9-11 et 12.
23 Ibid., p. 61.
24 Ibid., p. 17.
25 Ibid., p. 28-35.
26 Ibid., p. 17. Sur l’OCM et ses projets économiques, cf. Arthur Calmette, L’OCM : histoire d’un mouvement de résistance de 1940 à 1946, Paris, 1961 ; Maxime Blocq-Mascart, Chroniques de la Résistance, Paris, 1945, et Cahiers de l’OCM.
27 Ibid., p. 28.
28 Ibid., p. 34 ; souligné par nous.
29 Ibid., p. 36.
30 Ibid.
31 Ibid., p. 42.
32 Ibid., p. 27.
33 Ibid., p. 27 et 37.
34 Ibid., p. 38.
35 Ibid., p. 23.
36 Ibid., p. 25.
37 Ibid., p. 43.
38 Ibid., p. 43-53.
39 Ibid., p. 49
40 Ibid., p. 55-59.
41 Ibid., p. 56.
42 Ibid., p. 61.
43 Ibid., p. 70.
44 Ibid., p. 62 ; souligné par nous.
45 Ibid. p. 65-68.
46 Ibid., p. 74 et suiv.
47 Ibid., p. 75.
48 Ibid.
49 Ibid., p. 89 ; souligné par nous.
50 Ibid., p. 81 ; souligné par nous.
51 Ibid., p. 10.
52 Ibid., p. 86.
53 Ibid., p. 78 et 88-89.
54 Ibid., p. 90.
55 Ibid.
56 Ibid., p. 21 ; il faut voir sans doute l’influence de Pierre-Henri Teitgen ; cf. René Hostache, Le CNR, Les institutions de la clandestinité, Paris, 1958, p. 206 et Claire Andrieu ef alii, Les nationalisations de la Libération, De l’utopie au compromis, (actes du colloque organisé par le CRHMSS-Paris I en mai 1984), Paris, 1987, 392 p.
57 Ibid.
58 Ibid., p. 107-109.
59 Ibid., p. 109.
60 AN, Papiers d’Astier, lettre d’Astier à Alexandre Parodi, 22 mai 1944, citée in Diane de Bellescize, Les neuf sages..., op. cit., p. 203. Lachaux est le pseudonyme d’Émile Laffon, Cléante celui de Jacques Bingen, qui se suicide peu avant la Libération lors de son arrestation, le 13 mai 1944.
61 IRM, d. « Résistance - PCF 1944 », Observations du Comité central sur le rapport du CNE sur la politique économique d’après-guerre, aux organisations de Résistance et aux CDL, s.a., s.d., 24 p.
62 Idem, p. 24 ; souligné par nous.
63 AN, F1a 1391, Critique du rapport sur la politique économique d’après-guerre présenté par le Comité national d’Études de la Résistance, Commissariat à l’Intérieur, juin 1944. Document cité par Richard F. Kuisel, Le capitalisme..., op. cit., p. 294.
64 Charles Rist, Une saison..., op. cit., p. 353.
65 Cf. Pierre Lebon, Réflexions sur le rapport du CNE, s.-d., 7 p., cité in Jacques Debu-Bridel, De Gaulle et le CNR, Paris, 1978, p. 92.
66 Il y a une confusion entre Emmanuel Mönick et René Courtin dans Richard F. Kuisel, Le capitalisme..., op. cit., p. 295 et dans Diane de Bellescize, Les neuf sages..., op. cit., p. 230.
67 Ibid, p. 239.
68 Ibid., p. 233.
69 René Courtin, Pour les autres..., op. cit., p. 10.
70 MAE, Guerre 1939-1945 - CFLN-GPRF, 1459, Papiers Massigli, d. cité, p. 96-118, rapport sur la mission de Guizot en France (15 juillet au 12 septembre 1943), « confidentiel - secret », 22 p. On trouve également ce rapport Guizot dans AN, Fia 3738. Il a été reproduit dans le texte de Diane de Bellescize, Le Comité..., op. cit., annexe IV.
71 Idem, Rapport cité.
72 Idem, p. 93-95, Mémorandum, signé par des représentants de CDLL, CGE, Combat, Libération et l’OCM, 1er septembre 1943, 3 p. ; souligné par nous.
73 Idem, Rapport Guizot, cité.
74 Idem.
75 Cf. René Hostache, Le Conseil..., op. cit., 493 p. ; Henri Michel et Boris Mirkine-Guetzevitch, Les idées politiques et sociales de la Résistance (Documents clandestins 1940-1944), Paris, 1954, 410 p. ; Jean Moulin et le CNR, textes de Daniel Cordier, Paris, 1983, 192 p.
76 Cf. Claire Andrieu, Le programme commun de la Résistance, Des idées dans la guerre, préface de René Remond, Paris, 1984 (212 p.), p. 37. Le rapport Guizot, cité, contient dans son chapitre II, un historique de la Charte économique et sociale proposée par lui.
77 MAE, Guerre..., 1459, d. cité, rapport Guizot, cité.
78 Claire Andrieu, Le programme..., op. cit., p. 53 et suiv.
79 Cf. Claude Bourdet, L’aventure incertaine, De la Résistance à la Restauration, Paris, 1975 (475 p.), p. 280 ; cf. également ses interventions in CHSGM, La Libération de la France..., op. cit., p. 989-993.
80 Claire Andrieu, Le programme..., op. cit., p. 63.
81 Programme d’action de la Résistance (adopté par le Conseil national de la Résistance, le 15 mars 1944), reproduit in René Hostache, Le Conseil..., op. cit., p. 457-463, annexe I.
82 Les archives personnelles d’André Philip ont disparu dans le naufrage du navire qui les transportait d’Alger (témoignage de M. Loïc Philip ; Aix-en-Provence, juillet 1984). Cf. MAE, Guerre 1939-1945 - CFLN-GPRF, 686, d. « Commission d’étude des problèmes économiques d’après-guerre », avril 1944 et Idem, 687, mai-juillet 1944. Nous reprenons largement l’analyse des procès-verbaux des réunions de la Commission, déjà présentée dans notre contribution « La mise en place de l’appareil de direction économique (1944-1947) : des objectifs lointains aux choix du moment », 36 p. dactyl., au Colloque « La France de l’après-guerre : au tournant de la modernisation » (à paraître), p. 2-3.
83 Pierre Mendès France ne semble pas en faire partie, comme le suggère Richard Kuisel (Le capitalisme..., op. cit., p. 300).
84 MAE, Guerre 1939-1945 - CFLN-GPRF, 686, d. cité, p.-v. de la séance du 6 avril 1944, 2 p. et Idem, p.-v. de la séance du 7 avril 1944 - Rôle de la Commission économique, signé André Philip.
85 Idem, 687, Rapport du 2 juin 1944 par Louis Vallon. Un premier rapport, rédigé par Kaplan et Leprince (Commissariat à la Production) sur le BTP a servi de base aux discussions sur les CO.
86 Idem, 686, sous-commission des CO, p.-v. de la séance du 21 avril 1944, 3 p. et Idem, s/s commission de l’organisation professionnelle, p.-v. de la séance du 28 avril 1944, 3 p.
87 Idem, p.-v. de la sous-commission d’étude de la structure des sociétés de service public du 4 mai 1944 et Idem, p.-v. de la séance du 16 mai 1944.
88 Idem, annexe à la note 63 E, note sur le ministère de l’Économie par Jules Moch (délégué à l’Assemblée consultative), 31 mai 1944, 8 p. Ce document se trouve également dans AN., F1a 3792, en date du 22 avril 1944 ; cf. aussi Henri Michel et Boris Mirkine-Guetzevitch, Les idées..., op. cit., p. 304-337.
89 Idem, note citée.
90 Idem, 687, p.-v. de la séance du 27 mai 1944.
91 Idem, 687, p.-v. de la séance du 8 juin 1944.
92 AEF, Papiers Gaston Cusin, 5 A18, d. « 1944 ». Extrait de M. André Philip, « Sur les réformes économiques de structure » du 18 juillet 1944 à Alger, Études et Documents (mars-avril 1945), p. 49-55 ; cf. Richard Kuisel, Le capitalisme..., op. cit, p. 300 et suiv.
93 Cf. AN, F 60 895 d’« Études A. Philip » et AN, F 60 914.
94 André Kaspi, La mission de Jean Monnet à Alger, (d’après sa thèse de doctorat de 3e cycle, soutenue le 30 juin 1969), Paris 1971, 240 p. ; cf. Louis Joxe, Victoires sur la nuit, Mémoires, 1940-1946, Paris, 1981 (285 p.), p. 100.
95 Ibid., cf. également Jean Monnet, Mémoires, Paris, 1976, (642 p.), p. 79.
96 René Mayer, Études, témoignages, documents, réunis et présentés par Denise Mayer, Paris, 1983, (389 p.), p. 82.
97 Louis Joxe, Victoires..., op. cit., p. 100 et René Mayer, Études..., op. cit., p. 82.
98 MAE, Guerre de 1939-1945 — CFLN-GPRF, 1459, Papiers Massigli, d. « Relations avec la Résistance, novembre 1941-octobre 1944 », mémorandum cité.
99 Cf. Pierre Denis (P. Rauzan), Souvenirs de la France libre, Paris, 1947, 243 p.
100 Cf. René Massigli, Une comédie des erreurs 1943-1956, souvenirs et réflexions sur une étape de la construction européenne, Paris, 1978, 540 p.
101 Cf. supra, note 1.
102 Cf. AEF, B 33001, d. « A 82 bis. Conseil supérieur du Ravitaillement » : on y trouve les p.-v. de quelques séances, dont celle du 9 mars 1944.
103 AN, F60 914, d. « Notes pour le général de Gaulle 1943-1944 », projet du Commissariat au Ravitaillement et à la Production, 11 janvier 1944, 10 p. ; document également présent dans AN, F60 912, d. « Activité CFLN ».
104 AN, F60 896, d. « Comité économique interministériel avril-août 1944 », s.-d. « dossier préparatoire à la séance du 10 mai 1944 », doc. n° 10, 14 p.
105 Idem, note du Commissaire aux Finances au secrétaire général du Comité économique, doc. n° 97 F1A, Alger, 20 avril 1944, 1 p.
106 AN, F60 912, d. « Commission Queville », c. r. de la Commission interministérielle, 8 août 1944, 4 p.
107 Témoignage de Louis Franck (Neuilly, 10 décembre 1986).
108 Pierre Mendès France, Documents 1944-1945, doc. multigraphié CHSGM, 1979, c. r. d’une séance de travail chez M. Pierre Mendès France, le 18 décembre 1978, annexes 1 à 5, p. 3-52, cf. également Pierre Mendès France, Œuvres complètes, t. 2, Une politique de l’économie — 1943-1954, Paris, 1985, p. 561-572.
109 AN, F60 896, dossier préparatoire de la séance du 22 mai 1944, note pour M. Offroy, 4 juin 1944, 5 p.
110 Idem, note citée.
111 AN, F60 913, d. « salaires », Comité économique, commentaire du projet d’amendement du Commissaire aux Finances, s. d., s. a., 4 p.
112 Pierre Mendès France, Œuvres..., op. cit., t. 2, p. 33-34.
113 Charles de Gaulle, Discours..., op. cit., p. 407.
114 Pierre Mendès France, Œuvres..., op. cit., t. 2, p. 34-35, Lettre à Georges Boris, Alger, 30 mars 1944.
115 AN, F 60 896, d. cité, s.-d. « dossier préparatoire à la séance du 26 juin », Note du Commissaire aux affaires sociales, doc. n° 33, Alger, 14 juin 1944, 2 p.
116 Pierre Mendès France, Œuvres..., op. cit., t. 2, p. 35.
117 AN, F 60 896, d. cités, d. « dossier préparatoire à la séance du 22 mai 1944 », doc. n° 21, 10 p. et Idem, s.-d. « dossier préparatoire à la séance du 26 avril 1944 », doc. n° 6, 25 avril 1944, 2 p.
118 Idem, doc. cite.
119 Idem, s.-d. « dossier préparatoire à la séance du 27 mai 1944 », Note pour M. Offroy, 4 juin 1944, 10 p.
120 Idem, Note pour M. Joxe, 6 juin 1944, 3 p.
121 Idem, p.-v. de la séance du 26 juin 1944 du CEI, doc. n° 34, 2 p.
122 AN, F 60 914, d. « Notes pour le général de Gaulle — 1943-1944 », Note du secrétariat général du Comité économique, signée Raymond Offroy, Alger, 25 juin 1944, 2 p.
123 Idem, Note citée.
124 Cf. le discours du général de Gaulle du 25 juillet 1944, favorable aux mesures de PMF, in Charles de Gaulle, Discours..., op. cit., p. 448.
125 Pierre Mendès France, Œuvres..., op. cit., t. 2, p. 48-49, Lettre à Georges Boris, 8 août 1944.
126 AN, F 60 896, d. « 23 — Séance du 23 août 1944 du CEI », doc. n° 2, 10 août 1944, 2 p.
127 Pierre Mendès France, Œuvres..., op. cit., t. 2, p. 43, Note au secrétaire général du Comité économique, 22 juin 1944, 2 p.
128 AN, F 60 896, d. « Constitution du Comité économique », secrétariat général du Comité économique. Note pour le général de Gaulle, 26 juillet 1944, 4 p. Ce document se trouve également dans AN, F 60 914, d. « Notes pour le général de Gaulle — 1943-1944 », s.-d. « politique de Diethelm au débarquement ».
129 AN, F 60 914, d. « Notes pour le général de Gaulle — 1943-1944 », Secrétariat général du Comité économique, 11 août 1944, 4 p.
130 Cf. René Girault, « La France et les autres, les enjeux de la modernisation », 11 p. in La France de l’après-guerre..., op. cit. (à paraître). Nous reprenons ici plusieurs développements de notre article « Autour des accords Blum-Byrnes : Jean Monnet entre le consensus national et le consensus atlantique », Histoire, économie et société, n° 3, 3e trimestre 1982, p. 439-470, ainsi que des éléments de notre intervention au séminaire dirigé par René Girault (« Économie et Relations internationales » — Institut Pierre Renouvin — 13 mars 1985) intitulée : « Les États-Unis dans le relèvement français (1943-1952) ».
131 MAE, Guerre 1939-1945 — CFLN-GPRF, 725, Suggestions relatives aux relations monétaires internationales.
132 Hervé Alphand, L’étonnement d’être, Journal (1939-1973), Paris, 1977, p. 166. Passage cité par Robert Frank, « Contraintes monétaires, désirs de croissance et rêves européens (1931-1949) » in Le capitalisme français — 19e-20e siècles — Blocages et dynamismes d’une croissance, Paris, 1987, p. 287-306.
133 Cf. Robert Frank, in Français et Britanniques dans la drôle de guerre, Paris, 1979, p. 461-487 ; MAE, Guerre 1939-1945, Comité national français 1941-1943, 177, Projets internationaux d’organisation économique et financière, Note sur les problèmes monétaires français, 15 p. (document aussi in idem, 725). On y trouve également le plan White (en anglais), 11 p. et le plan Keynes (en anglais) datant de février 1943. Les deux plans ont été publiés simultanément le 7 avril 1943. Cf. AEF, B 33 284, Rapport de Jean de Largentaye sur la Conférence de Bretton Woods, 117p.
134 Idem, Télégramme n° WP 493/Diplo, 31 mai 1943. Texte de la déclaration de Hervé Alphand à Hot Springs.
135 MAE, Guerre 1939-1945 — CFLN-GPRF, Papiers Hervé Alphand, 1532, d. « dossier général août 1942-novembre 1943 », Lettre de la Direction des Affaires économiques (infra, DAE) à Jean Monnet, n° 288, 23 août 1943, 2 p.
136 La note de Jean Monnet se trouve reproduite in Henri Rieben et alii, ha greffe européenne, Lausanne, 1973, p. 113 ; La note de Hervé Alphand se trouve dans MAE, Guerre 1939-1945, CFLN-GPRF, 1532, d. cité, Note du 17 septembre 1943 a/s initiatives internationales du CFLN pour la reconstruction économique, n° 144 ; on la trouve également dans Idem, 632 et 728 et dans AEF, B 33 001, s.-d. 2 « comité de ta Reconstruction ». Cf. également notre article « Autour des accords... », cité.
137 Idem, Note citée.
138 MAE, Guerre 1939-1945, CFLN-GPRF, 728, « Reconstruction économique de l’Europe », Note de René Mayer, Alger, 30 septembre 1943, 5 p.
139 MAE, Guerre 1939-1945, CFLN-GPRF, 728, « Reconstruction économique de l’Europe », Note de René Mayer, Alger, 30 septembre 1943, 5 p.
140 Idem, nos 92-24, Note de la DAE, signée Hervé Alphand, Alger, 5 octobre 1943, 2 p.
141 Idem, Note sommaire au CFLN, s. a., 15 octobre 1943, et AEF, B 33 001, s.-d. 2 « Comité de la Reconstruction », Note du CAAR sur la première étape de la Reconstruction de la France, 22 octobre 1943, 4 p.
142 Hervé Alphand, L’étonnement..., op. cit., p. 168.
143 MAE, Guerre 1939-1945, CFLN-GPRF, 728 « Reconstruction économique de l’Europe », nos 104-105, c. r. d’une réunion (« note dont manquent les pages 1 et 2 trouvées hors-dossier »), p. 3-5. Il s’agit en fait du compte rendu incomplet de la réunion du 17 octobre 1943, on le trouve aussi dans AEF, B 12788.
144 Idem, c. r. cité.
145 Idem.
146 Idem.
147 Idem, 729, Rapport, 1er décembre 1943. Cf. également René Massigli, Une comédie..., op. cit., p. 46.
148 Ibid., p. 39.
149 Charles de Gaulle, Discours..., op. cit., p. 410. Cf. sur ce point Alan S. Milward, The Reconstruction of Western Europe 1945-1951, Londres, Methuen, 1984, et Frances lynch, « Resolving the paradox of the Monnet plan », Economic History Review, mai 1984.
150 Cf. René Massigli, Une comédie..., op. cit., p. 29 ; Robert Frank « Contraintes monétaires... », art. cité.
151 MAE, Guerre 1939-1945, Alger, 1222, d. « États-Unis - Relations économiques et financières de la France avec les États-Unis, novembre 1943-août 1944 », s. d. « VIII-Questions économiques, télégrammes de Jean Monnet », télégramme n° 3002, a/s des conversations financières franco-belges, 4 décembre 1943, 2 p.
152 Paul-Henri Spaak, Combats inachevés, t. 1, De l’Indépendance à l’Alliance, Paris, 1969 (315 p.), p. 171.
153 René Massigli, Une comédie..., op. cit., p. 50.
154 MAE, Guerre..., 728, c. r. cité ; souligné par nous.
155 AEF, B 33 001, s.-d. 3 c procès-verbaux du Comité des Programmes », p.-v. de la séance du 6 septembre 1943 du Comité des Programmes, 3 p.
156 Cf. André Kaspi, La mission..., op. cit.
157 MAE, Guerre..., 1222, d. et s.-d. cités, Télégramme de Jean Monnet au CFLN (Commissariat aux Finances), n° 77, 16 janvier 1944, 2 p. On trouve également ce document dans AEF, B 33 001.
158 Cf. B 33 001, s.-d. 2 cité Philippe Mioche, dans la version publiée de son doctorat de 3e cycle, Le Plan Monnet — Genèse et élaboration — 1941-1947, Paris, 1987 (323 p.), p. 125-145, n’insiste pas assez sur la distinction entre ces deux étapes.
159 AEF, B 33 001, s.-d. 2 « Comité de la Reconstruction », Projet de programme de priorité pour trois mois (1er novembre-31 janvier), 4 octobre 1943, 3 p. + Annexes.
160 AEF, B 33 001, s.-d. 2 cité, note citée.
161 Idem, note citée ; souligné par nous.
162 On trouve plusieurs p.-v. des séances dans AEF, B 33 001, s.-d. 2 « Comité de la Reconstruction ».
163 Idem, s.-d. 3, Note du CAAR, 12 septembre 1943, 6 p.
164 Source : Idem, s.-d. 3, Mémorandum — CFLN, 8 novembre 1943, 4 p.
165 Idem, mémorandum cité.
166 MAE, Guerre..., 122, s.-d. cité, Télégramme n° 2888, N 27 novembre 1943, 1 p.
167 Cf. Jean Monnet, Mémoires..., op. cit., p. 248 et Louis Joxe, Victoires..., op. cit., p. 210.
168 AEF, A 33 001, d. « Télégrammes Monnet A 52 b (h) », Télégramme de Jean Monnet à René Mayer pour le Président et les membres du CFLN, n° 2709 à 2718, « secret », 8 novembre 1943, 3 p.
169 Pierre Denis (P. Rauzan), Souvenirs..., op. cit., p. 182 et 187 ; cf. Jean Monnet, Mémoires..., op. cit., p. 260.
170 AEF, B 33 001, d. « Télégrammes Monnet A 52 b (h) », Télégramme cité.
171 Idem, d. 3, Rapport n° 1, novembre 1943-janvier 1944, signé Hervé Alphand, 15 p.
172 Louis Joxe, Victoires..., op. cit., p. 212.
173 AEF, B 33 001, d. « Télégrammes Monnet A 52 b (h) », Télégramme n° 2737, 10 novembre 1943, 2 p.
174 Cf. note 3. Les six millions de tonnes représentent la moitié du total des demandes européennes.
175 Idem, Télégramme pour René Mayer, René Massigli et le général de Gaulle, n° 15, « secret », 25 novembre 1943, 2 p.
176 Idem, Télégramme de Jean Monnet, n° 2939, 4 décembre 1943, 2 p.
177 Idem, Télégramme de Jean Monnet, n° 2975, 10 décembre 1943, 2 p.
178 Cf. note 3, page précédente.
179 Idem, Télégramme de Jean Monnet, n° 3058, 21 décembre 1943, 1 p.
180 MAE, Guerre..., 122, s.-d. cité, Télégramme de Jean Monnet, n° 103, 20 janvier 1944, 1 p.
181 Idem, Télégramme de Jean Monnet, n° 77, 16 janvier 1944, 2 p.
182 Idem, Télégramme de Jean Monnet pour Pierre Mendès France, n° 67, 27 janvier 1944, 2 p.
183 Idem, Télégramme de Jean Monnet, n° 734, 5 avril 1944, 3 p. ; souligné par nous.
184 Idem, Télégramme de Jean Monnet, n° 872, 19 avril 1944, 4 p. ; souligné par nous.
185 AEF, B 33 001, d. « A 52 b bis c ». « Approvisionnements par les Alliés ». Télégramme de Jean Monnet, n° 1469, 24 juin 1944, 3 p.
186 Robert Marjolin, Le Travail..., op. cit., p. 120.
187 AN, F 60 889, d. « Dossier économique », Résumé du plan de remise en marche rapide de l’économie française, Rapport de Jean Monnet, GRPF-Comité économique, doc. n° 48, Alger, 4 août 1944, 15 p. On trouve également ce document dans AN, F 60 896, d. c 23. Séance du 23 août 1944 ».
188 Idem, Rapport de M. Bonnet, doc. n° 43, Alger, 29 juillet 1944, 2 p. et 6 annexes, et Idem, Rapport de Jean Monnet a/s c Plan de six mois », Alger, 15 août 1944, doc. n° 54, 7 p. et annexes.
189 Idem, doc. n° 43, cité. Cf. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, L’unité — 1942-1944, Paris, 1956, p. 236.
190 Idem.
191 Idem, Note pour M. Offroy a/s du rapport de Jean Monnet, secrétariat-général du Comité économique, 5 août 1944, 1 p.
192 AN, F 60 889, d. cité, doc. n° 48, cité, p. 2.
193 Idem.
194 MAE, Guerre 1939-1945, CFLN-GPRF, Papiers Hervé Alphand, 1532, d. « Dossier général — août 1942 — novembre 1943 », Télégramme à Jean Monnet et René Massigli, n° 296, 27 août 1943.
195 Robert Marjolin, Le travail..., op. cit., p. 122. Louis Franck, alors réfugié à Washington, souligne la grande division des milieux français là-bas et l’importance des intrigues (interview, 10 décembre 1986).
196 Ibid, p. 119.
197 AN, F 60 910, d. « Notes pour le général de Gaulle », Note du secrétariat général du Comité économique, 14 août 1944.
198 AN, F 60 889, d. cité, doc. n° 48, cité.
199 AN, F 60 896, d. 21-21 bis, Rapport de Jean Monnet, doc. n° 44, Alger, 1er août 1944.
200 Idem, doc. n° 44, cité.
201 Idem.
202 Idem. Note sur le programme de remise en marche... de la part du commissariat au Ravitaillement et à la Production, doc. n° 56, Alger, 15 août 1944, 2 p.
203 Idem, p.-v. de la séance du 3 août 1944 du CEI, doc. n° 49, Alger, 4 août 1944, 1 p.
204 Et non pas de sept commissaires, comme souhaité par Jean Monnet (et repris par Philippe Mioche, Le Plan..., op. cit.).
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