Chapitre XVIII. Vichy et les contraintes, contrôles et « contrats » allemands (1940-1942)
p. 591-629
Texte intégral
1Une note des services de Jacques Barnaud, en date du 30 décembre 1941, intitulée « exposé succinct de la collaboration franco-allemande dans le domaine économique », signale que les rapports économiques franco-allemands ont, depuis l’Armistice, « pris une importance de jour en jour croissante »1. Il y est fait mention de trois types de transactions avec l’Occupant — sans tenir compte du butin et des prises de guerre effectuées depuis la défaite. Deux relèvent plutôt de la politique commerciale : la cession de produits (alimentaires ou industriels) et le placement de commandes allemandes auprès de différentes industries. Le troisième porte sur l’acceptation de participations allemandes dans des affaires françaises. Nous consacrons entièrement le chapitre suivant à ce dernier type, qui dépend davantage de la direction des Finances extérieures. Pour les deux premiers, il convient de mesurer quel a pu être leur poids sur la direction de l’économie et, en particulier, sur l’attitude des responsables de l’État.
2L’une des variables décisives est naturellement l’ampleur plus ou moins grande des besoins de l’Occupant en produits divers, qui rend largement compte de l’intensité de sa ténacité. D’une manière générale, la stratégie économique allemande qui, on le sait, n’est pas une, mais comporte des nuances certaines (entre les Autorités militaires en France, les services de Ribbentrop, de Goering, puis ceux de Speer ou de Sauckel à Berlin, sans compter les différences entre négociateurs du Majestic ou de Berlin, selon les produits), pèse grandement sur l’état des relations franco-allemandes. En regard, les disponibilités des ressources françaises, variables selon les productions, ont influé sur l’attitude des responsables de l’État français.
3Cependant, dès l’été de 1940, l’un de leurs principaux soucis, aux Finances comme à la Production industrielle, consiste à bâtir l’organisation propre à permettre à l’État de contrôler et de diriger l’ensemble des transactions avec l’Occupant. Il convient de s’attacher à l’étude des rapports commerciaux franco-allemands sur quelques branches significatives, afin de mieux saisir dans sa complexité le poids de la contrainte commerciale allemande, et de mesurer les différences, voire les divergences, entre les responsables de l’État et des entrepreneurs privés, quant à la conduite à tenir face à l’Occupant.
I. LA JUSTIFICATION DES ACCORDS : LA CONVERGENCE D’INTÉRÊTS
4L’une des directions techniques du MPI les plus impliquées dans les accords de produits ou de commandes industrielles pour l’Allemagne est la Direction des Industries mécaniques et électriques (DIME). Son directeur (de 1940 à 1943), René Norguet, ingénieur du Génie maritime, est l’un des principaux fonctionnaires du MPI, dont il devient le secrétaire général. À la fin de 1941, il transmet à Jacques Barnaud — qui va s’en inspirer largement — deux notes confidentielles destinées à préciser les « avantages que l’industrie française peut retirer de sa situation actuelle vis-à-vis de l’industrie allemande ». L’une d’entre elles porte plus nettement sur les livraisons à l’Allemagne. L’ensemble de son raisonnement s’organise autour de l’idée que « l’Allemagne trouve son intérêt à prêter son assistance (à la France) dans le domaine économique »2. Il y voit l’effet d’une triple raison de principes et d’une triple raison de faits.
1. Une triple raison de principes : l’économie française à l’école allemande.
5D’après le directeur des Industries mécaniques, l’Allemagne « veut faire profiter la France de l’expérience acquise par elle au cours des dernières années »3. Il fait à la fois référence à l’expérience technique (sur les produits de substitution, l’amélioration de la productivité) et à celle en matière d’organisation industrielle ou commerciale. Ce souci des Allemands de faire bénéficier les Français des fruits de leur expérience témoignerait de « l’application au domaine économique d’un goût de tutelle et (d’éducation) qui est une forme du pangermanisme »1. De plus, l’Allemagne se sentirait « responsable » de l’administration des territoires occupés par ses troupes. Enfin, le désir de l’Occupant serait de « jeter les bases d’une organisation économique européenne inspirée de l’organisation allemande »4.
2. Une triple raison de faits.
6Dans le « combat très dur » mené par l’Allemagne, celle-ci a besoin de l’aide économique de la France : « Elle a donc intérêt à ce que la production française soit la mieux agencée possible »1. De fait, les intérêts bien compris des deux économies sont convergents, dans la mesure où les ressources françaises apparaissent nécessaires à l’effort de guerre allemand, qui, à la fin de 1941, implique des réorganisations de grande ampleur et une mobilisation plus systématique que lors de la phase de Blitzkrieg. En retour, le gouvernement français ne peut échapper de fait à la « collaboration sur le plan économique », qu’il a été « conduit à accepter ». Selon René Norguet et les principaux responsables d’alors, la collaboration économique est « incluse dans l’armistice si l’on reconnaît que l’économie française ne pouvait être arrêtée du jour au lendemain »1. Enfin, le gouvernement français a eu soin de réclamer des « contreparties », au point que René Norguet donne comme titre à sa note l’« aide allemande à l’économie française », en distinguant « aides en produits » et « aides en services ». Cela signifie toutefois qu’une telle collaboration ne peut fonctionner que dans la mesure où l’Allemagne prend soin de renouveler les stocks de matières premières, lorsqu’ils sont absorbés par la production destinée à son effort de guerre.
7De son côté, le 29 novembre 1940, le ministre de l’Économie du Reich incite les firmes allemandes à passer des commandes par le biais du système ZAST. Le passage, mis en évidence par E. Jäckel et A. Milward, d’une politique allemande de pillage à une politique d’exploitation plus rationnelle peut trouver un terrain de convergence avec les préoccupations des dirigeants français. L’une des formules préférées de René Norguet résume sa pensée : « La paix économique se fait dès maintenant, bribe par bribe, par ententes privées »1. Il ajoute qu’on ne constate pas toujours chez les Allemands un « désir d’hégémonie ou d’emprise », car « quelques-uns doutent (...) du succès allemand, de la persistance du régime nazi ou agissent en bourgeois cherchant à s’associer à des bourgeois étrangers pour peser sur l’État social de leur propre pays »1. Ainsi, à la fin de 1941, l’un des principaux experts de la politique industrielle pense que, dans les contacts avec les Allemands, « l’honnêteté technique l’a nettement emporté sur tout autre sentiment... », et conclut : « Les circonstances actuelles peuvent être une école et un stimulant extraordinaire précieux ».
II. LA PROCÉDURE : CENTRALISATION ET CONTRÔLE PAR L’ÉTAT
8L’une des préoccupations majeures des responsables de l’État est d’éviter le tête-à-tête entre acheteur allemand et vendeur français. René Norguet constate, en décembre 1941 : « Les circonstances actuelles provoquent inévitablement des contacts nombreux entre industriels français et allemands. Suivant la valeur technique et morale de l’interlocuteur français ces contrats peuvent être désastreux ou féconds. Il est donc primordial que l’état d’esprit suivant soit conseillé, entretenu, soutenu chez nos nationaux »5. La volonté de centralisation des commandes allemandes à la production française repose notamment sur l’idée d’obtenir des « contre-parties » en produits ou en services, et d’arracher cette « négociation d’ensemble », destinée à alléger les contraintes de l’armistice.
1. L’appareil de direction commerciale.
9Sur le terrain commercial, l’Administration se dote de services destinés à contrôler les livraisons à l’Allemagne. En septembre 1940, Yves Bouthillier signe un arrêté ministériel le chargeant d’assurer — du fait des grandes disparités de change — la « péréquation » des prix entre les importations et les exportations. La signature de l’accord de compensation du 14 novembre 1940 risque d’amplifier le mouvement d’exportation vers l’Allemagne, dont le financement échoit, en francs mais aux prix allemands, au Trésor français. Dès le 18 novembre 1940, un nouvel arrêté des Finances dote la direction du Commerce extérieur d’un Bureau des Achats et Ventes à l’Étranger (BAVE), dirigé par René Sergent, et dans lequel notamment Jacques de Fouchier a travaillé pendant environ une année. Il a conté les difficultés de fonctionnement de ce service, dont la tâche essentielle consiste à obtenir des vendeurs à l’Allemagne le versement de « la taxe de péréquation », frappant les bénéfices issus de la surévaluation du mark6. Recevant une sorte de « légitimation de la durée » auprès du Majestic, ce service a été organisé par son responsable comme « une cellule de résistance financière et administrative » aux exactions allemandes. Il semble d’ailleurs que les exportateurs ne répugnaient pas à « acquérir ainsi, en prévision d’un avenir incertain, des droits à une certaine absolution »7. Il se crée également à la direction du Trésor un Service central des Réquisitions allemandes. Au niveau technique, le MPI se dote d’un Service des Commandes allemandes. Cependant, il faut attendre le printemps de 1941 pour que la centralisation des documents sur les accords franco-allemands soit effectuée au MPI8. Parallèlement, plusieurs des négociations sont menées à la Commission d’Armistice de Wiesbaden, qui relève, du côté français, de la Direction des Services de l’Armistice (DSA), dépendance du ministère de la Guerre. Enfin, à partir de février 1941, la DGREFA — dont la mise en place a été réclamée par l’Occupant — confiée à Jacques Barnaud, est chargée de coordonner toutes les négociations économiques franco-allemandes.
2. Les bons « ZAST ».
10Parallèlement à la mise en place d’institutions françaises, les dirigeants de l’État engagent des négociations avec l’Occupant afin de centraliser les commandes.
• Le réapprovisionnement théorique.
11En novembre 1940, le gouvernement de Vichy met sur pied avec les autorités allemandes la procédure dite des bons « ZAST ». Officiellement, toute commande allemande passée à l’industrie française ne peut être acceptée par le gouvernement français que si elle est visée par le Commandant militaire en France pour les fournitures les plus importantes ou le Service allemand utilisateur, et accompagnée d’un engagement de livraison de matières premières souscrit par l’Agence Centrale des Contrats ou Zentralaufragstelle (« ZAST»). Ce bon « ZAST» permet à l’industriel français d’obtenir la livraison des matières premières nécessaires à la fabrication auprès du Répartiteur, qui, à son tour, en théorie, peut se réapprovisionner en Allemagne pour la quantité de matières correspondantes9. La « taxe de péréquation », prélevée sur l’exportateur, est précisément destinée à couvrir la différence entre le prix d’achat des matières premières allemandes (exprimées en marks surévalués) et le prix du marché intérieur français.
• Un marché triplement privilégié.
12Ainsi, dès la fin de 1940, les bénéficiaires de commandes allemandes disposent, par rapport aux transactions intérieures, d’un triple avantage. Économiquement, la marche de leur entreprise est assurée, à un moment où l’économie de matières premières et d’énergie conduisent, à l’automne 1941, à envisager des mesures de restriction et de concentration. Ils bénéficient d’un approvisionnement prioritaire en charbon et électricité. Matériellement, ils obtiennent une priorité de droit dans la répartition des matières premières, alors que les ressources dont disposent les Répartiteurs pour les besoins intérieurs s’amenuisent au fil des mois. Financièrement, malgré la « taxe de péréquation » (qui ne pèse que sur la surévaluation du prix des matières premières payées au prix allemand), l’exportateur vend au prix allemand des produits dans lesquels sont incorporées d’autres fournitures et du travail payés au prix français. De plus, le Runstungsabteilung der OKW (Service d’armement de la Wehrmacht) passe directement des commandes spécifiques avec des entreprises de zone occupée : elles intéressent l’industrie chimique, les cimenteries, les chantiers de construction navales, les usines automobiles, certaines entreprises du textile... Contrôlées par la Rüstungsinspektion, elles sont servies en priorité en matières premières et énergie par les Répartiteurs, sous la pression des Referat.
3. Controverses franco-allemandes.
13Le contrôle des commandes allemandes fait d’ailleurs l’objet de controverses entre le Majestic et les autorités françaises, au printemps de 1941. Pour la zone non occupée, il est admis que toute commande est soumise à une autorisation préalable du ministère de la Production industrielle, ainsi qu’à l’agrément du CO intéressé. Quant aux commandes de matières premières, elles relèvent de négociations entre gouvernements. En avril, un projet de circulaire de la Production industrielle prévoit que toute offre d’achat allemande en zone occupée doit passer par le CO de l’entreprise française10. À la fin du mois de mai, les services du Majestic rejettent la publication de la circulaire et le docteur Michel transmet un contre-projet, dans lequel les livraisons aux services allemands pourraient se faire sans intermédiaire — le CO n’intervenant que pour formuler un « conseil » — et sans distinction entre le prix de vente en France et à l’exportation11. Les Finances — et notamment le BAVE — réagissent assez vivement et Yves Bouthillier demande au général Michel une négociation à ce sujet. À la fin juin, un nouveau projet de circulaire de la Production industrielle, transmis aux Allemands, prévoit, pour la zone Nord, la liberté de conclusion de commandes, sous réserve d’un compte rendu au CO (pour toute commande supérieure à 100 000 francs). Le 10 juillet, Michel, assisté de Kolb, rencontre Barnaud à ce sujet au Majestic et « relève en termes assez vifs » le texte du projet français de circulaire12. Il rejette la possibilité pour l’État français d’interdire à des chefs d’entreprises de zone occupée l’acceptation de commandes ou de sous-commandes allemandes, dans la mesure où les négociations à la Commission d’Armistice ont abouti, en juin 1941, à la liberté de passage des marchandises entre les deux zones. Jacques Barnaud ne conteste pas ce point de vue, mais remarque que, l’industrie de zone occupée étant « mobilisée dans une proportion plus ou moins importante pour l’économie du gouvernement allemand », il importe de laisser des secteurs pour les besoins français, ce qui nécessite un certain contrôle13. Suite à cette discussion, un projet de circulaire du MPI, préparé par les Autorités militaires allemandes — qui demandent en outre un communiqué de presse — affirme le principe de « contacts directs » entre entreprises et acheteurs allemands, insiste sur le seul rôle de « conseil » et d’« assistance » des CO, et précise qu’ils n’ont aucun droit de décision ou de participation14. Jean Bichelonne s’inspire du projet allemand pour rédiger, au début d’août, une circulaire limitant l’action des CO à un double rôle : de simple conseil et d’élaboration des statistiques des commandes allemandes, mais avec une rédaction « moins désobligeante pour ces organismes »15. Lors d’une réunion de liaison Finances-Production industrielle, il a été précisé qu’une telle procédure offrait toutefois « un moyen d’action considérable sur les industriels qui travaillent pour l’Allemagne en dehors du gouvernement français »16.
4. Le bilan à la fin de 1941.
14Jusqu’au printemps de 1941, malgré la mise en place de la DGREFA, il n’y a pas de véritable centralisation des documents sur les accords conclus par des entreprises ou groupements d’entreprises avec l’Allemagne. À la fin d’avril 1941, le Service des Affaires extérieures du MPI effectue un premier bilan, transmis à Jacques Barnaud. En décembre 1941, les Finances décident de procéder à une étude sur le coût direct et indirect de l’Occupation, à travers une enquête auprès de l’ensemble des services (ministères, OCRPI, CO...). À la séance du 10 décembre du CEI, Alfred Sauvy indique que l’Institut de Conjoncture est chargé de cette enquête et sollicite le concours de tous les ministères. Un premier bilan financier et économique, portant sur la période des dix-huit mois allant de l’armistice à la fin de l’année 1941, devait être examiné en Conseil des ministres, mais la crise gouvernementale d’avril 1942 en a eu raison. On dispose néanmoins des chiffres. Deux notes de décembre 1941, retrouvées dans les papiers Barnaud, permettent de les préciser par périodes. Les chiffres globaux laissent apparaître un total de livraisons pour soixante-dix milliards de francs (dont vingt et un pour l’agriculture et quarante-neuf pour les produits industriels), chiffres supérieurs à ceux des archives allemandes (2,360 milliards de marks en avril 1942, soient 47,2 milliards de francs au taux de change officiel).
15Il faudrait ajouter à ce tableau les prestations en nature, dont notamment :
logement et cantonnement : 9 milliards
transports ferroviaires : 113 milliards
16(2 700 locomotives, sur un parc de 15 000 et 160 000 wagons sur 420 000).
17Pour financer ces livraisons, quarante-deux milliards (60 % du total) ont été prélevés sur les « frais d’occupation ». Avec les vingt-trois milliards provenant du compte de compensation, ce sont donc près de 93 % du total qui se trouvent à la charge du Trésor français. Le solde — environ cinq milliards — provient de saisies et de réquisitions ou de contrats conclus à Wiesbaden. Le rapprochement entre le bilan financier (les dépenses opérées sur les frais d’occupation) et économique (les livraisons effectuées) laisse apparaître une importante différence (en milliards de francs courants) :
18Il reste encore plus de vingt et un milliards, qui correspondent à des achats clandestins, à des dépenses de propagande, aux fonds de roulement et à la thésaurisation des différents organismes, etc. Au-delà du bilan, soulignant les contraintes pour l’économie française, il faut analyser les modalités de réalisation des « accords ».
III. LA RÉALISATION DES ACCORDS : LE DÉSÉQUILIBRE ORIGINEL
19Une véritable politique de collaboration économique aurait impliqué la conclusion d’accords tenant compte, sinon à égalité, du moins de manière substantielle, des besoins de l’économie française par rapport à ceux de l’Allemagne. Cela signifiait, outre le réapprovisionnement systématique des matières premières et de l’énergie utilisées pour la fabrication de produits destinés à l’Allemagne — obtenu en principe pour les matières premières — des livraisons de substitution pour tous les produits importés en France avant la guerre, mais qui, du fait des hostilités et du blocus, ne pouvaient plus y être acheminés. Il convient de mesurer, dans les faits, la part des apports et des contraintes pour l’économie française résultant des accords conclus et des livraisons effectives, ainsi que l’attitude des responsables de l’État, à la fois à l’égard des entrepreneurs français et de leurs interlocuteurs allemands. L’attitude des autorités françaises a été certes variable selon le type de produit convoité par les Allemands (en particulier suivant qu’il s’agissait d’une production située plutôt en zone Nord ou Sud, d’une production excédentaire ou déficitaire, et notamment tributaire d’approvisionnements allemands, et d’une production vitale ou non).
1. Les matières premières de restitution : espoirs et déconvenues.
20En théorie, les Allemands devaient réapprovisionner la France par des matières premières en quantités équivalentes à celles utilisées pour leurs commandes. Mais ce principe ne s’applique pas au charbon. Et, dans les faits, les retards apparaissent dès la signature des contrats et tendent à se creuser ensuite. Ainsi, pour les métaux non ferreux, les premières livraisons allemandes effectives, en contrepartie de bons ZAST, n’ont lieu qu’en juillet-août 1941, au rythme mensuel d’environ 35 à 40 000 tonnes, insuffisant pour rattraper les retards accumulés17. Dès juillet 1941, une note de la Production industrielle transmise à Jacques Barnaud signale que, à l’exception du zinc et du plomb, pour lesquels des importations de minerai restent possibles, l’économie française ne dispose que des stocks, partagés entre les besoins français — dont l’estimation est matière à controverse entre les responsables français et les autorités du Majestic qui surveillent de près, par leurs Referat, les répartiteurs de l’OCRPI — et les exigences allemandes18. La part réservée à la France est en passe de s’épuiser, lors du retour de Laval. Pour l’acier, la consommation pour la fabrication des commandes allemandes représente environ quarante-cinq pour cent de ressources décroissantes, du fait du manque de charbon. Après un an d’Occupation environ, le bilan se présente ainsi :
21La restitution en nature par les Allemands commence en juillet, mais au rythme de 3 000 tonnes mensuelles seulement. Et la note (déjà citée) conclut : « Il est bien peu vraisemblable qu'elle [la restitution] atteigne les chiffres annoncés, étant donné les difficultés propres à la sidérurgie allemande »20. À la fin de l'année 1941, René Norguet croit pouvoir affirmer : « En ce qui concerne les autres métaux [que les non ferreux] fournis pour les commandes allemandes, il est à peu près certain qu'ils ne seront pas remplacés »21. Ainsi, dans un domaine essentiel — celui des métaux — la procédure de réapprovisionnement, un an après son institution, ne répond pas aux attentes françaises : les « contrats » ne fonctionnent que dans un seul sens.
2. Les productions déficitaires : le goulot charbonnier.
22La question était posée pour les approvisionnements interrompus par le blocus et la guerre : carburants, caoutchouc, certaines fibres textiles, charbon... Certains des produits bloqués ou réquisitionnés après l’Armistice ont été parfois partiellement restitués : ainsi, sur les 545 000 tonnes de produits pétroliers, un peu plus de 200 000 tonnes ont pu être débloquées. Mais la situation est grave, du fait de l’épuisement des stocks. De plus, ces livraisons sont effectuées en contrepartie, soit des stocks bloqués, soit d’autres produits, dont le total représente généralement une valeur supérieure, ou pour lesquels les retards s’accumulent du côté allemand : outre les textiles et les cuirs — on y reviendra — un accord prévoit la livraison de 550 000 tonnes de pommes de terre contre des expéditions de phosphates d’Afrique du Nord (60 000 tonnes de pommes de terre seulement sont arrivées à la fin de 1941), ou de sucre en échange de camions22. Dans certains cas enfin, les Français peuvent bénéficier de procédés techniques de fabrication de produits de substitution, surtout dans l’industrie chimique : buna, textiles artificiels, gazogènes. Mais les exigences allemandes portent alors sur des participations financières dans les entreprises correspondantes, afin de contrôler la fabrication23. L’un des déficits chroniques les plus contraignants est celui du charbon.
• Un déficit chronique aggravé.
23La situation chroniquement déficitaire de la production charbonnière française — l’un des points faibles du complexe énergético-sidérurgique — est aggravée par l’Occupation et l’inclusion dans la « zone interdite », soumise aux Autorités militaires de Bruxelles, des ressources du Nord-Pas- de-Calais, soit environ soixante pour cent du total. La France, premier importateur avant guerre, en particulier de charbon britannique — plus de 7,5 millions de tonnes annuelles dans les années 1936-1938 — mais aussi allemand — plus de 6,5 millions de tonnes — doit renoncer à ces importations, mais, en outre, supporter des prélèvements allemands importants jusqu’au début de 1941. En juin 1940, une partie des mines du Nord a été noyée : il faut attendre le mois d’octobre 1940 pour que la production des deux départements de la zone interdite retrouve les trois quarts de son niveau antérieur à l’invasion (autour de 2,3 millions de tonnes mensuelles, contre environ trois millions), qui ne seront pratiquement jamais dépassés pendant toute l’Occupation. En revanche, la production de la zone Sud (trois fois moindre) s’accroît et dépasse, à l’été de 1941, de quarante pour cent celle d’avant-guerre. Le 14 octobre 1940, Boisanger fait part à Hemmen de l’« extrême gravité de l’approvisionnement en charbon », et fait état d’un déficit mensuel de l’ordre d’un million de tonnes, seulement pour la zone occupée24.
• Un triple prélèvement.
24Les autorités françaises se plaignent en particulier d’un triple prélèvement allemand, jugé abusif. Tout d’abord, deux séries de prélèvements directs. Ceux opérés par la Wehrmacht, principalement pour son chauffage, qui atteignent jusqu’à 294 000 tonnes en octobre 1940 et se maintiennent à un rythme moyen de 150 000 tonnes jusqu’en avril 1941. La délégation française à Wiesbaden — Raty ainsi que le Répartiteur du charbon, Thibault — font état d’une consommation moyenne de 70 000 tonnes mensuelles de la part de l’armée franco-britannique lors de l’hiver 1939-1940. Il faut également compter les livraisons à destination de la sidérurgie de la Lorraine annexée — pour près de 200 000 tonnes. Enfin, viennent les prélèvements indirects, issus de la consommation des industries travaillant à l’exécution des commandes allemandes, notamment les constructions mécaniques (automobiles, navales), les industries chimiques, textiles ou les cimenteries contrôlées par la Rüstunginspektion. Le principe de restitution du charbon a toujours été repoussé pour ces commandes, à l’exception des soudières de l’Est (pour 14 000 tonnes mensuelles) et des livraisons d’aluminium, sur lesquelles on reviendra. Ainsi, jusqu’au printemps 1941, les divers prélèvements sont estimés par le MPI à près de 600 000 tonnes, soit environ seize pour cent de ressources, elles-mêmes réduites de plus de quarante pour cent par rapport à 1937.
• L’intégration dans l’économie allemande.
25Dès la fin de 1940, la Section du Charbon de l’OCRPI a été « soumise au contrôle direct et étroit des services économiques allemands à Paris », selon les termes d’une note du directeur des Mines pour Pierre Pucheu25. Le contrôle allemand fixe à la fois les contingents mensuels par grandes catégories de consommateurs, ainsi que les ordres de priorité des livraisons, en privilégiant les industries travaillant pour les commandes allemandes. Le Répartiteur allemand des Charbons à Berlin, Paul Pleiger, a élaboré et fait appliquer un plan charbonnier européen, dans lequel les charbons du Nord-Pas-de-Calais doivent à la fois assurer le chauffage de l’armée d’occupation, fournir les approvisionnements de la sidérurgie lorraine et ravitailler les usines travaillant pour l’Allemagne. Le Commissaire allemand à Bruxelles, le docteur Steinbruck, assisté du docteur Nedelmann, fixe, lors d’une conférence mensuelle, alternativement à Bruxelles et à Paris, le partage de la production charbonnière du Nord-Pas-de-Calais (en commençant par la Wehrmacht, la Kriegsmarine, l’organisation Todt, la sidérurgie lorraine, les chemins de fer, le Nord-Pas-de-Calais, puis seulement le reste de la France). Le Répartiteur français Jacques Thibault ajoute le tonnage disponible des autres mines (Blanzy, Centre-Midi) et répartit par branche d’industrie consommatrice et par région. Son programme doit être alors approuvé par le Commissaire allemand auprès de la Section de Répartition du Charbon, Chef du Service des Mines au Majestic, le docteur Röver : c’est l’interlocuteur principal des responsables français26. Un « fichier des autorités allemandes en France », établi peu après l’Occupation par les services de la Production industrielle — retrouvé dans les archives du MPI — fournit des appréciations individuelles sur l’attitude des différents responsables allemands à l’égard des services français : Röver y est qualifié de « correct », dans la fixation de la marge du commerce charbonnier27. L’Administration française donne à l’Occupant des chiffres de production — pour la zone Sud — légèrement inférieurs à la réalité, afin d’accroître les tonnages pour les besoins français : le décalage, de l’ordre de 50 000 tonnes au début de l’Occupation, ne peut guère dépasser 10 à 15 000 tonnes au bout de quelques mois, du fait des renseignements recueillis par les Allemands28. Ainsi, les chiffres réels de production sont légèrement supérieurs à ceux figurant dans les Archives allemandes, et reproduits par Alan Milward (pour la zone Sud)29.
26La négociation franco-allemande est conduite au niveau général, afin de satisfaire une double revendication : libérer 17 000 mineurs prisonniers et rattacher la zone interdite à l’Administration militaire de Paris. Les questions relatives à la production sont traitées à Wiesbaden. Au mois de novembre 1940, Raty et le Répartiteur Thibault obtiennent de Schöne, Vice-président de la Délégation allemande pour l’Économie, l’accord pour fournir 900 000 tonnes de charbon belge sur 6 mois (mais les responsables français réclamaient 900 000 tonnes mensuelles sur 6 mois !). Ce dernier précise qu’il manque à l’Europe les quarante millions de tonnes annuelles, fournies avant la guerre par la Grande-Bretagne, et ajoute : « Il est impossible de vous fournir du charbon d’Allemagne ! »30. Dans les faits, la livraison mensuelle de charbon belge (de médiocre qualité) ne dépasse pas 90 000 tonnes en 1941, et oscille le plus souvent autour de 50 000 tonnes. En mars 1941, les responsables français présentent quatre demandes à Wiesbaden : la libération des 17 000 prisonniers, le rattachement de la zone interdite à Paris, la limitation des prélèvements allemands pour la Wehrmacht et la Moselle, et l’importation d’Allemagne de 50 000 tonnes de charbon supplémentaires par mois (à ce moment, ils espèrent élever la production nationale mensuelle d’un million de tonnes)31. Le directeur des Mines, en juin 1941, signale à Pierre Pucheu la «ponction littéralement catastrophique pour l’économie française », pour laquelle les importations « infimes » de Belgique ne changent rien, et déplore l’échec des pourparlers, dû, selon lui, aux « substantiels bénéfices » retirés par le Reichskohlen Syndicat, qui paie le charbon de France à des prix inférieurs au prix français32.
• Pour une collaboration « intelligente et compréhensive » (F. Lehideux).
27Cependant, jusqu’à la grève de la fin mai 1941, les consommateurs industriels ont pu supporter les à-coups de l’approvisionnement grâce à des petits stocks. La grève, qui dure dix jours, ne se traduit par aucun arrêt d’usine, mais conduit à l’épuisement de ces stocks. En outre, les bombardements anglais réduisent la production du Nord-Pas-de-Calais33. Le 12 juin, le docteur Michel donne l’ordre de prélever 25 000 tonnes supplémentaires pour la sidérurgie mosellane. Les responsables français protestent et font comprendre aux Autorités militaires allemandes qu’il est de leur intérêt d’obtenir du charbon belge pour le chauffage de la Wehrmacht. Le Majestic effectue une démarche dans ce sens, mais se heurte à Bruxelles et à Berlin34. Peu après son arrivée à la Production industrielle, François Lehideux écrit une lettre au docteur Michel, afin de lui proposer les grandes lignes d’un nouveau plan de répartition : l’approvisionnement de la Moselle et le chauffage de la Wehrmacht seraient assurés par des charbons autres que français (belges en l’occurrence); en échange, la France renoncerait à ses importations, mais réserverait la production nationale aux besoins français. Ainsi, les responsables français ont renoncé à obtenir des importations, mais persistent à réclamer la fin des prélèvements. Le ministre de la Production industrielle met en évidence la convergence des intérêts (à la fois du point de vue économique, social et politique) entre Vichy et l’Allemagne à ce sujet : « J’aurais la possibilité d’affirmer aux mineurs français que le résultat de leurs efforts sert exclusivement à maintenir au travail leurs camarades des autres industries et à satisfaire les nécessités des foyers domestiques »35. La production parvient à se maintenir en 1942-43, et même à s’accroître pour les gisements de la zone Sud, par rapport à l’avant-guerre, et les importations belges, bien que de moitié inférieures à celles de 1938, progressent de 1941 à 1943. À cette date, il est vrai, les Autorités allemandes modifient leur stratégie à l’égard de la France.
3. Textiles et cuirs.
• Le plan Kehrl : du pillage au « régime contractuel ».
28Dès le mois de juillet 1940, des contacts sont pris entre les autorités allemandes et certains industriels français du textile. Le 3 août, Bichelonne et Barnaud demandent à Robert Carmichaël, alors directeur général du CO de l’Industrie textile et Répartiteur du Textile, d’assurer la direction des négociations portant sur l’extension à la France de la décision allemande de limiter la production dans le Nord-Pas-de-Calais à trente pour cent de l’activité36. À ce moment, les stocks restant dans les ports ont été totalement enlevés par l’Occupant et les matières existant en usines en zone occupée ont été en partie prélevées. De plus, l’arrêt des importations (pâte de bois du Canada et de Scandinavie pour les fibres artificielles, jute, fibres dures...) place l’industrie textile française en situation difficile. Une note de la sous-direction des textiles sur la « collaboration franco-alle- mande en matières textiles » considère (en décembre 1941) qu’elle « se serait trouvée en position critique sans l’apport allemand »37. Dès lors, Robert Carmichaël, le 16 août 1940, engage des négociations et demande surtout aux Allemands de maintenir l’« unité économique » de l’industrie textile, en n’isolant pas la « zone interdite ». Au début de novembre 1940, il accepte l’idée, présentée par le président Kehrl, responsable du Plan textile pour le Reich et les Territoires occupés, d’une répartition des matières premières entre besoins militaires allemands et besoins civils français. Les négociations aboutissent, le 1er février 1941, à une convention, le plan Kehrl, valable jusqu’au 1er octobre 1941. La France se dessaisit de la presque totalité de ses stocks et d’une grande partie de sa production de fibres naturelles. Elle doit livrer 25 000 tonnes de laine brute et 5 000 tonnes de laine peignée, ainsi que près de 10 000 tonnes de coton et 50 000 tonnes de chiffons,... En retour, les Allemands doivent fournir du papier et de la pâte à bois, destinée à l’industrie des fibres artificielles. En valeur, le bilan est largement déficitaire au détriment de la France :
29Yves Bouthillier, lors de la première réunion du CEI, le 10 janvier 1941, justifie ainsi pour les ministres présents — dont l’éphémère vice-président du Conseil, Pierre-Étienne Flandin — la signature du contrat : « Si cette opération n’est pas consentie dans un accord, elle nous sera imposée »39. Dans un rapport transmis en octobre 1941 à Jacques Barnaud, Robert Carmichaël, principal négociateur français, considère le triple intérêt du plan Kehrl. Tout d’abord, il permet de mettre fin à la politique de réquisitions et de prises de guerre : les relations franco-allemandes se trouvent désormais placées « sous le régime contractuel »40. Tous les enlèvements déjà effectués depuis le 25 juin 1940 se trouvent inclus dans les chiffres du plan. Comme les stocks, notamment de laine, se trouvent en zone occupée, les Allemands pouvaient se les approprier. Ensuite, bien que fortement déséquilibrée en faveur de l’Allemagne, la convention constitue, selon lui, « le premier élément d’une suite d’accords d’échanges, devant tendre finalement vers l’équilibre »41. Enfin — et c’est l’argument le plus répandu : « étant donné les risques économiques et sociaux que font peser sur elle [la France] la défaite, il y a lieu de considérer (...) moins l’équilibre financier que la quantité de travail qu’ils laissaient à l’industrie française »42.
30Raisonnement analogue à la sous-direction des Textiles où une note précise, en décembre 1941, que, malgré le déficit financier, « l’apport allemand a néanmoins permis de maintenir une activité industrielle supérieure à celle qu’auraient permis les ressources françaises ». De même, Maurice Voreux, directeur de l’Office central des Textiles de la zone interdite — annexe des CO pour le Nord-Pas-de-Calais et représentant des textiles des deux départements vis-à-vis des autorités allemandes comme des responsables français — précise, à l’AG annuelle de la Fédération industrielle et commerciale de Roubaix-Tourcoing : « La collaboration franco-allemande a réalisé qu’une partie des matières soit manufacturée par nos industries et ne soit expédiée en Allemagne qu’après y avoir incorporé le salaire de nos ouvriers. Si peu nombreux (sic) que soient les heures de travail et les salaires correspondants, cette solution était (...) préférable au chômage total »... Il a expliqué, d’une manière plus générale : « N’y a-t-il pas mieux à faire, après l’armistice, après que la France a déposé les armes, que de résister ? Est-ce digne d’un homme, est-ce digne d’un Français, est-ce digne d’un chrétien, que de tirer au renard ? »43.
• De la collaboration de la « pénurie » à celle de l’abondance » ?
31En mai 1941, Hans Kehrl, qui s’occupe désormais de planifier les ressources européennes — pas seulement textiles — à Berlin, vient à Paris, où il se réunit pendant trois jours avec des représentants de la Production industrielle. Hans Kehrl est l’un des rares interlocuteurs des responsables français, qui exprime des vues à longue portée sur la collaboration pour l’après-guerre, et non de simples exigences immédiates pour l’effort de guerre. À partir de 1942, il est d’ailleurs l’un des principaux collaborateurs de Albert Speer, lorsque celui-ci remplace Todt au ministère de l’Armement. Lors de ces réunions, il annonce son souci de prolonger le plan Kehrl, qui était fondé sur l’idée d’une répartition des matières premières entre les besoins militaires allemands et les besoins civils français. Il ajoute : « Même si la guerre finit rapidement, le manque de matières premières pèsera encore un certain temps sur notre économie »44. Il recommande une concentration nécessaire de la production, surtout pour le coton, tout en économisant le charbon au maximum. Ayant travaillé à un « Plan européen du Textile », il affirme que les outillages des différents pays producteurs ne sont pas suffisants pour couvrir les besoins d’après- guerre : par conséquent, « il n’y aura pas, en ce qui concerne les quantités produites, de concurrence, mais au contraire des possibilités de collaboration »45. Déplorant les « nécessités indiscutables du moment », qui poussent à fermer certaines usines, mais qui sont destinées à « servir l’intérêt européen commun », en vue de la « création d’une Europe organisée et libre », il « regrette que le rôle de la collaboration soit actuellement d’organiser la pénurie plutôt que l’abondance ». Le Plan européen du Textile, selon lui, se fixe cependant comme perspective l’approvisionnement de la population et l’« élévation de son standard de vie »46. Cinq mois plus tard, commentant ces propos pour Jacques Barnaud, Robert Carmichaël affirme que Kehrl a réservé à l’industrie française « une place importante qui (nous) permet d’envisager favorablement l’avenir ». Il précise que si les dirigeants allemands ménagent l’industrie française, c’est parce qu’ils ont trouvé chez les responsables « un esprit de compréhension à l’égard de leurs projets de plan textile européen et une volonté sincère de collaboration à sa réalisation »47.
• Les déconvenues de la fin de 1941.
32Au printemps de 1941, il est question de négocier sur l’application du premier plan Kehrl et sur les termes d’un second plan. Les discussions ont lieu dans la dernière semaine de septembre avec Grüber, représentant de Kehrl en qualité de Chef du Département textile de l’Économie nationale allemande pour les Territoires occupés de l’Ouest. Un projet d’accord sur la livraison française de 5 000 tonnes de laine base suint est réalisé le 1er octobre et prévoit des contreparties allemandes. À la différence du premier plan Kehrl, le déséquilibre en valeur s’effectue cette fois-ci au détriment de l’Allemagne (grâce à la surévaluation du mark, il est vrai) : 2,1 milliards de francs de livraisons à la France contre 1,5 à l’Allemagne48. Mais, par une lettre du 16 octobre, les services du Majestic font de la surenchère pour les demandes allemandes et envisagent de supprimer les contreparties : ils réclament 3 000 tonnes de laine base lavée à fond (soit 7 000 tonnes base suint), ce qui, d’après la direction des Textiles et des Cuirs, représente plus du tiers de la tonte française totale (métropole et Afrique du Nord)49. La direction des Textiles et le répartiteur considèrent les chiffres comme trop élevés et réclament des contreparties. De nouvelles conversations s’engagent à Berlin, les 20-22 janvier 1942. Il est décidé de déduire les quantités de laine livrées en excédent sur le plan Kehrl et de rétablir des contreparties allemandes (pâtes à bois, papier à filer, ficelles-lieuses, chanvre...)50. Mais en avril, les représentants français font part des difficultés d’application et se plaignent des importants retards dans les livraisons des pâtes à bois — confirmées à travers la fondation de France-rayonne51. En mai 1942, il reste encore à livrer 4 000 tonnes sur le contrat de 1941. Au premier trimestre de 1942, seules 8 601 tonnes ont été fournies, et à peine plus de 7 000 tonnes au second, au lieu du rythme de 80 000 tonnes annuelles prévues dans le plan52. Cette situation crée des difficultés pour les filatures françaises de fibres artificielles. Grüber reconnaît, en août 1942, les retards de l’hiver 1941-1942, dus aux difficultés de transport et même aux baisses pour l’industrie allemande, qui ne semblent pas pouvoir être nettement réduites les mois suivants. Or, parallèlement, les exigences allemandes s’élèvent pour les projets de 1943.
• Cuirs : le plan Grunberg.
33De même, pour le cuir, un premier plan Grunberg — du nom du Lederreferat au Majestic — s’étalant du 1er avril au 30 septembre 1941, prévoit la livraison de peaux brutes et de produits finis. Il est admis que leur estimation dépendra de celles des besoins français. Mais les Allemands ne tiennent pas à laisser aux consommateurs de France une part supérieure à la moyenne de celle de l’Europe occupée. À la proposition allemande d’une livraison de six millions de paires de chaussures, Jean Bichelonne fait accepter celle de 1,2 million de paires de chaussures d’enfants, de 1,2 million de paires de pantoufles et de 2,2 millions de paires de chaussures pour dames. Au total, les Français ne peuvent plus disposer que d’un ressemelage par an et d’une paire de chaussures neuves tous les quatre ans, au mieux53. La négociation pour conclure un second plan Grunberg se heurte à un « désaccord complet » entre Jarillot, directeur des Cuirs au MPI, Ribes, directeur général du CO de l’industrie du Cuir, d’un côté, et Grunberg de l’autre54. Ce dernier, défendant les intérêts des tanneurs allemands, demande que l’excédent de la part incompressible des besoins français soit livrée sous forme de cuir brut, alors que les responsables français, soutenus par Barnaud et Bichelonne, souhaitent le faire parvenir sous forme de chaussures, afin de faire travailler l’industrie française55.
IV. LES GRANDS CONTRATS
34Pour certaines productions particulièrement stratégiques, des négociations se mènent au sommet à Wiesbaden, et même au niveau gouvernemental. De manière très précoce, l’Occupant s’intéresse à deux productions solidaires, l’aéronautique et l’aluminium, pour lesquelles son intervention a été l’une des plus appuyées.
2. La convention sur l’aéronautique.
35On connaît bien — grâce à Alan Milward notamment — les conditions de négociations de la convention du 28 juillet 1941 sur l’aéronautique. La « résistance » des autorités françaises à Wiesbaden porte souvent sur la préservation des actions des sociétés nationales et la direction des entreprises (dont 80 % se trouvent en zone Nord) et le souci d’éviter des réquisitions. Aux termes de l’accord, signé en juillet, le CO de l’industrie aéronautique est reconnu par les Allemands comme responsable de la répartition des commandes entre constructeurs, mais dans une proportion de un pour cinq entre besoins français de zone libre et compte allemand, et non l’inverse, comme l’indique Yves Bouthillier dans ses Mémoires (op. cit., p. 210). Jusqu’à l’invasion de la zone Sud, les usines françaises ne livrent qu’environ la moitié des 3 000 avions prévus dans le premier contingent allemand. La part française disparaît après novembre 1942. La négociation a été essentiellement conduite par les autorités militaires, notamment les généraux Bergeret et Huntziger, et selon des principes définis au niveau gouvernemental : préférer des « contreparties », même inégales, à une mainmise ou une réquisition. Mais les négociations sur l’aéronautique incitent, dès 1940, les Autorités et les industriels allemands à soulever la question d’une autre production liée en amont, l’aluminium. Or, dans ce cas, l’interlocuteur français n’est pas unique, puisqu’à l’État s’ajoutent les dirigeants des firmes.
2. Bauxite, alumine, aluminium : les atouts respectifs.
36Les exigences allemandes en aluminium étaient considérables, notamment du fait des besoins croissants de l’industrie aéronautique.
• Excédents français et besoins allemands.
37La position internationale de la France quant à la production de bauxite et d’aluminium est la plus forte de la métallurgie. Les principaux gisements de bauxite exploités en Europe avant la guerre se trouvent en France du Sud-Est (Var et Hérault).
38L’Allemagne n’en possède pas, mais entreprend néanmoins, dès 1932, un développement important de sa capacité de production d’aluminium. Ses dirigeants parlent en 1938 de 200 000 tonnes, et la réalité devait dépasser 250 000 tonnes au début de la guerre, ce qui équivaut à une consommation de plus de 1,3 million de tonnes de bauxite. L’adjonction des capacités de production norvégiennes (30 000 tonnes en 1940, sans compter les possibilités de développement) accroît encore les besoins. Les importations de bauxite proviennent essentiellement de Hongrie, de Yougoslavie (où il existe d’importantes participations allemandes) et, secondairement, d’Italie. Au total, les approvisionnements couvrent à peine la moitié des besoins de la capacité de production d’aluminium, en augmentation constante. Dès 1940, les besoins allemands en bauxite dépassent 1,5 million de tonnes. Parallèlement, leurs besoins en alumine s’élèvent également.
• Les atouts français inégaux.
39Les atouts français apparaissent de nature inégale dans le cas de la bauxite et dans celui de l’aluminium et de l’alumine. Les archives françaises nous permettent de bien dissocier les deux séries de négociations, ce qui n’a pas toujours été nettement possible, à travers l’étude des seules archives allemandes56. La totalité de la bauxite française est extraite en zone Sud (Var et Hérault). Mais elle se trouve dans une position de double vulnérabilité. Tout d’abord, la France était avant guerre, le plus gros exportateur (300 000 tonnes, soit près de quarante pour cent) en direction surtout du Royaume-Uni (entre 200 et 250 000 tonnes). Seule, une société suisse exploitant en France envoyait à une firme de son groupe, en Allemagne, 80 à 85 000 tonnes. Il est difficile aux producteurs français de ne pas céder aux volontés allemandes de se substituer au marché britannique, désormais fermé. De plus, l’extraction de bauxite se répartit entre un assez grand nombre de firmes, d’inégale importance, ce qui facilite la marge de manœuvre allemande. En revanche, la fabrication de l’aluminium et de l’alumine, elle aussi située surtout en zone Sud, est très concentrée : deux firmes dynamiques, Alais, Froges et Camargue (AFC ou Péchiney) et la Société électrochimique et électrométallurgique d’Ugine, conduites par des dirigeants compétents et écoutés, se partagent la fabrication. La plus grande partie des ventes est assurée par la société l’Aluminium français, dirigée par les mêmes hommes. Pour la bauxite, les interlocuteurs français sont multiples, alors que pour l’alumine et l’aluminium, il s’agit, outre les autorités administratives, seulement des dirigeants de l’Aluminium français.
3. Aluminium et alumine : des « contrats » sous la contrainte ?
40En juillet 1940, les demandes allemandes sont formulées à la fois par la voie gouvernementale, à la Commission de Wiesbaden, et par celle des industriels, notamment le docteur Westrick, directeur-général des Vereinigte Aluminiumwerke.
• Le contrat A.
41Dès le 1er juillet, la Commission allemande réclame à Wiesbaden un état de la situation du métal léger en France et, le 11 juillet, Hemmen demande l’autorisation de visite par une mission allemande des établissements de l’industrie de l’aluminium dans toute la France. Au même moment, M. Reuleaux, dirigeant des Leichmetall-Werke réclame des renseignements sur la production et les stocks auprès de Jean Dupin, dirigeant de AFC. Puis, il est contacté aux mêmes fins par le délégué du Majestic et par le docteur Westrick. Il répond à M. Reuleaux, tout en se retranchant derrière un accord nécessaire avec le gouvernement français, en cas de conclusion d’un contrat57. Les ministres ont d’abord refusé la visite des usines jusqu’au 22 juillet 1940, date à laquelle Hemmen, agissant pour le compte de la Reichs-Gruppe Fur Industrie dirigée par Goering, maintient sa demande et menace d’ajourner l’examen des affaires pendantes58. Le général Huntziger, qui dirige alors la Délégation française à Wiesbaden, suggère au Gouvernement d’accepter, afin de sauver la négociation sur les conditions d’application de l’armistice : « ... peut-être après cela devrons-nous subir encore d’autres exigences. Hélas, je le sais bien. Mais nous ne pouvons pas rester sur le statu quo qui est catastrophique »59. Dès le lendemain, Hermann Goering ordonne une enquête sur l’accroissement du potentiel de production d’aluminium par le contrôle des territoires nouvellement occupés60. Et les 29 et 30 juillet, est organisée à Lyon une rencontre des industriels français et allemands, en présence de fonctionnaires des deux États et de militaires allemands. La délégation allemande demande l’accord du Gouvernement français, en vue de la conclusion d’un contrat de fourniture d’aluminium, d’alumine et de bauxite. Un mois plus tard, à Wiesbaden, Hemmen s’impatiente de l’inertie française : « Les Allemands usèrent tout de suite de menaces et dirent... qu’ils enverraient des troupes en zone libre »61. Le général Huntziger semble impressionné par la véhémence du plénipotentiaire allemand, d’autant qu’il espère à ce moment obtenir une réduction de l’indemnité d’occupation et la levée de la ligne de démarcation. Il dépêche donc par avion spécial M. Allier auprès de René Belin, afin que ce dernier accepte la signature d’un contrat avec l’Allemagne. Le ministre s’incline et transmet les instructions aux industriels français62. Ainsi, l’argument de la « négociation d’ensemble » joue dans un seul sens. Les Allemands s’y dérobent, mais, en cas de résistance française sur une demande particulière, ils menacent de rompre les négociations engagées sur les autres questions.
42Après la guerre, MM. Dupin et de Vitry, dans leur déposition auprès de la Commission nationale d’épuration ont insisté sur l’ordre qui leur a été intimé par le ministre de s’incliner. Quoi qu’il en soit, c’était là affaire de trop d’importance pour ne pas être de la compétence du Gouvernement, et, dès le 11 juillet, face aux exigences allemandes, Jean Dupin s’était retranché derrière son approbation63. Ainsi, le 7 septembre, est signé le contrat A, prévu pour cinq mois entre les Vereinigte Aluminium Werke K.G. et l’Aluminium français.
Contrat A (1er septembre 1940 - 31 janvier 1941)64 (En tonnes)
• Le contrat sur la bauxite.
43Peu après, la négociation est engagée sur la bauxite. Les Allemands en août évoquent le chiffre de 400 000 tonnes. La délégation française propose à Wiesbaden le chiffre de 75 000 tonnes pour six mois, au prix unitaire de 195 francs, mais les débats véritables s’y engagent seulement au début d’octobre65. L’interlocuteur allemand est Schöne, diplomate, adjoint de Hemmen en qualité de vice-président de la Délégation allemande pour l’Économie auprès de la Commission d’Armistice. Dans le « fichier des autorités allemandes en France », déjà cité, Schöne est l’un de ceux pour lesquels l’appréciation est la plus négative : « Facilement violent. Adepte de la diplomatie du poing sur la table. Caractère faux. 100 % nazi (bien qu’il aime à rappeler sa collaboration avec Briand et Streseman) »66. Il en est de même d’ailleurs pour Jehle, adjoint du docteur Michel à la tête de l’Administration militaire en France et responsable notamment du contrôle des métaux non ferreux : « Prussien nazi dans toute l’acception du terme. Caractère obtus, borné, cassant, restant sur ses positions, refusant toute concession »67. Schöne n’est pas dupe des atermoiements français. Le 8 octobre 1940, il montre sa connaissance des statistiques françaises, d’après lesquelles les quantités exportées avant guerre ont largement excédé les 75 000 tonnes proposées, et mentionne les 200 000 tonnes, expédiées en Angleterre. Il précise habilement que son souci est de réserver à l’Allemagne toutes les quantités allant vers des pays où l’exportation est devenue impossible. Il ajoute : « Notre mission ici est de procurer du travail et du pain à la France »68. Raty, président de la section française à la Commission économique de Wiesbaden et Jean Dupin maintiennent les 75 000 tonnes à 195 francs la tonne, soit trois fois le prix d’avant guerre (tout en conservant le terme du 31 janvier), ce que ne peuvent accepter les Allemands.
44Cette surenchère suscite deux séries de remarques. Tout d’abord, elle n’est pas le seul fait des représentants du gouvernement de Vichy, comme semble l’indiquer Alan Milward, mais aussi celui des dirigeants de Péchiney, en particulier Jean Dupin69. En outre, la réticence des dirigeants français à accepter les chiffres élevés des Allemands n’est pas absolue. Dans une note à la DSA, Boisanger explique que la Délégation française refuse d’aller au-delà des propositions formulées le 8 octobre, « sans contrepartie économique ou politique »70. Mais les Allemands tournent les réticences du Gouvernement français et de Péchiney. Les Vereignigte Aluminium Werke concluent avec la Banque Monod, pour le compte de la Compagnie des Bauxites, un contrat de 60 000 tonnes mensuelles de bauxite à livrer, au prix de soixante-quinze francs la tonne. D’autres producteurs de moindre importance acceptent également de traiter avec des représentants des industriels allemands, mais l’approbation gouvernementale est nécessaire pour l’octroi des licences. Le 19 décembre, Raty confirme à Schöne l’accord du gouvernement français pour un contrat portant sur 259 000 tonnes de bauxite — au prix de 6 RM (soit 120 F) la tonne — ainsi décomposées :
45 000 tonnes (contrat antérieur avec la Société des Bauxites de France)
30 000 tonnes : contrat avec Péchiney
184 000 tonnes: contrats avec les producteurs «outsiders». Les autorités françaises cèdent, en échange de contreparties en brai (4 000 tonnes immédiatement, puis des quantités promises en 1941) et en charbon (25 000 tonnes de charbon belge)71. Dans le cas particulier, les représentants de l’État ont plutôt freiné la signature des contrats, à l’égard desquels les entrepreneurs (autres que ceux de Péchiney) se sont montrés plus empressés.
4. Le contrat B d’aluminium.
• Les retards réciproques.
45Au cours de l’hiver 1940-41, l’application du contrat A d’aluminium et d’alumine est marquée par d’importants retards. Dès le mois de décembre 1940, Raty signale à Schöne que les retards sont imputables à l’absence de livraison des matières premières nécessaires promises par les Allemands72. Et, lorsqu’à la fin de janvier 1941, le bilan du contrat A est dressé, Schöne pour le Reich et le représentant des établissements Junkers, Jungels, souhaitent la signature d’un nouveau contrat portant sur l’année 1941, ainsi que la résorption effective des retards. Les autorités françaises mettent en avant l’insuffisance des contreparties, pour réclamer un engagement se limitant aux mois de mars et avril : « Le gouvernement français met à la disposition de l’industrie allemande la bauxite dont il dispose, ainsi que les usines, les ouvriers, les moyens de transport, etc. Mais il ne peut consentir qu’une seule tonne de charbon soit distraite du contingent français pour servir aux commandes allemandes »73. Le MPI affirme vouloir jumeler le transport de charbon vers la France contre celui de l’aluminium vers l’Allemagne.
• Le marchandage (janvier-mars 1941).
46Les débats portent sur un triple objet : l’estimation des retards sur le contrat A, les livraisons pour le contrat B et les contreparties envisagées, notamment en charbon allemand. Lors de la réunion franco-allemande de Wiesbaden, le 31 janvier 1931, Jean Dupin accepte la livraison de quantités voisines de celles du contrat précédent, mais formule six conditions : fourniture de charbon allemand, de wagons allemands et de locomotives SNCF à restituer, de mazout, brai et coke; déduction des quantités d’aluminium contenues dans les autres contrats; retour de membres du personnel prisonniers; expédition du matériel commandé en zone occupée74. C’est l’impasse. Le contrat A est prolongé jusqu’au 15 mars et la négociation sur le contrat B se poursuit à Wiesbaden entre gouvernements, de janvier à avril 1941. Schöne remet à la Délégation française, le 3 mars, un projet de contrat réservant à l’Allemagne soixante-quinze pour cent de la production d’aluminium. Il fait découler cette exigence de « l’acceptation par la France du programme de construction aéronautique allemand », et ajoute, en guise de menace, « le Maréchal Goering s’intéresse personnellement à cette question »75.
47En accord avec les industriels français, les représentants de Vichy proposent de livrer un maximum de 2 300 tonnes mensuelles d’aluminium et 2 000 tonnes d’alumine (soit 6 600 tonnes - équivalent alumine), avec les contreparties nécessaires en charbon — estimées à 5,5 tonnes pour une tonne d’aluminium en consommation directe, et 30 tonnes en équivalent de production hydroélectrique nécessaires à l’électrolyse — et en matières premières, et sans engagement au-delà du troisième trimestre76. Le marchandage se développe sur ces différents points pendant les mois de mars et avril 1941. Les deux délégations rapprochent leurs points de vue au travers d’âpres débats. Le 3 mars, Schöne réclame 3 300 tonnes. Le 12, Hemmen en demande 3 100, en échange d’une livraison de 4 000 tonnes de charbon allemand. Le 14 mars, il accepte d’envisager la contrepartie de 17 000 tonnes de charbon sarrois (correspondant aux 5,5 tonnes pour une tonne d’aluminium). En revanche, il refuse absolument de tenir compte de l’équivalent-charbon de l’électricité consommée.
• Un enjeu : l’estimation des besoins français.
48L’intérêt de ces débats provient du fait que le débat porte rapidement sur l’estimation des besoins français en aluminium, les deux délégations s’accordant à reconnaître que le surplus doit servir l’industrie allemande. Le 21 mars 1941, à Wiesbaden, comme les négociateurs français justifient les retards par le fait de n’avoir reçu que 500 tonnes de brai (au lieu des 1 400 tonnes promises), Schöne parle des « maladies de l’enfance de la collaboration », et pense que la véritable démarche est de définir l’étendue des besoins français en aluminium et de les déduire de la production et des stocks pour chiffrer les livraisons à l’Allemagne77. Mais l’estimation de la consommation française d’aluminium est statistiquement délicate. Elle apparaît en évolution croissante : c’est le seul métal disponible en abondance et, outre ses emplois habituels, il faut compter les besoins de substitution, du fait de la quasi-disparition des autres métaux non ferreux (cuivre, laiton) et de la raréfaction de l’acier. Mais il s’agit là d’emplois nouveaux, sur lesquels les estimations peuvent être fort variables, en partie du fait de la plus ou moins grande ampleur attribuée au mouvement de substitution. La stratégie des autorités françaises consiste à affirmer que les besoins français correspondent pratiquement à la production courante — soit environ 5 000 tonnes mensuelles : aux besoins normaux (2 500 tonnes), ils ajoutent une quantité équivalente pour les usages de substitution et d’exportation, en contrepartie d’autres produits indispensables. Dès lors, les livraisons à l’Allemagne ne peuvent être effectuées que sur les stocks et ne sauraient dépasser 2 300 tonnes.
49Or, dès ce moment, les Allemands connaissent les statistiques françaises, grâce au contrôle étroit exercé sur l’OCRPI et les répartiteurs. Le négociateur allemand, Beden, va jusqu’à affirmer : « Nous sommes mieux renseignés que vous en ce qui concerne la consommation »78. Schöne souligne que les chiffres du Répartiteur français de l’Aluminium ne dépassent pas 1 800 tonnes mensuelles. Jungels ajoute que les chiffres pour les besoins de substitution, avancés par Raty, sont techniquement beaucoup trop élevés, et propose : « Nous sommes prêts à vous faire part de l’expérience de plus de cinq ans »79. Il est décidé de faire venir le lieutenant Moyer, adjoint du colonel Neef chargé des relations avec le Répartiteur de l’Aluminium à Paris. Celui-ci confirme un chiffre voisin de 1 700 tonnes, énoncé en présence de Jean Bichelonne et Jacques Barnaud, sous réserve des besoins de substitution80. Loin de définir une stratégie concertée avec les négociateurs de Wiesbaden, destinée à surestimer les chiffres de la consommation française et à limiter ainsi les prélèvements allemands, le Répartiteur Barbizet les a en fait minorés ! Raty s’en plaint, dans une lettre adressée à Henri Lafond : « Il semble regrettable que le Répartiteur de l’Aluminium ait communiqué des chiffres de consommation volontairement inférieurs à la réalité. Il eût été préférable, au contraire, de majorer les chiffres afin de permettre ultérieurement une réduction qui aurait donné satisfaction aux Allemands sans nous causer aucun préjudice »81. Le responsable de la délégation française conclut : « Il est certain qu’il sera difficile de convaincre les Allemands de l’inexistence du stock occulte dont ils ont maintenant la certitude »82.
• La signature.
50Dans ces conditions, après une réunion chez Pierre Pucheu, les représentants français doivent lâcher du lest, et proposent une livraison mensuelle de 2 500 tonnes d’aluminium83. Mais le 8 avril, Hemmen maintient les chiffres demandés, qui correspondent aux « instructions formelles du Maréchal Goering ». Il donne quelques heures de réflexion et, en cas de refus, menace de transmettre le dossier à Berlin84. De nouvelles négociations s’ouvrent entre industriels, dans lesquelles Koppenberg accepte de descendre à 3 000 tonnes d’aluminium (et maintient 2 000 tonnes d’alumine). Jean Dupin et Raoul de Vitry confient à Paul Leroy-Beaulieu que de tels chiffres, maintenus seulement jusqu’au 1er août, représentent « l’extrême limite des concessions »85. Après concertation entre Bouthillier, Pucheu et Barnaud, il est décidé, le 2 mai 1941, d’accepter un nouveau contrat d’un an, «dans l’esprit de la collaboration franco-allemande »86 :
51Si l’on retient les 2 000 tonnes d’alumine réclamées, le complément correspond à 5 700 : 2 = 2 850 tonnes d’aluminium, soit légèrement moins que la dernière demande allemande.
• Les industriels contraints par Vichy ?
52Après la Libération, Jean Dupin et Raoul de Vitry ont dû rendre compte devant la Commission nationale interprofessionnelle d’Épuration de la signature des différents contrats. Tous deux ont rédigé en 1946 des mémoires, retrouvés dans les archives de la Commission, dans lesquels ils soulignent que la responsabilité de la signature incombe aux autorités gouvernementales. Jean Dupin y cite de larges extraits de la lettre qu’il a envoyée, le 5 mai 1941, à Boisanger et dans laquelle il déplore le fait que « les besoins français en aluminium seront gravement compromis si les livraisons à l’Allemagne sont fixées aux chiffres envisagés »87. L’industriel français rappelle l’accroissement des besoins intérieurs français, à la mesure de la disparition des stocks d’autres métaux non ferreux, et fait notamment grief au gouvernement d’avoir accepté un contrat sur un an et non pas sur quatre mois88. Or, nous avons retrouvé le texte intégral de cette lettre dans les archives Barnaud : Jean Dupin, en 1946, omet le passage dans lequel il reproche aux négociateurs français de ne pas avoir fait insérer une clause sur la non-extension du contrat au-delà de l’armistice : « si la paix intervenait avant le 1er février 1942, l’industrie française de l’Aluminium risquerait avec la rédaction actuelle de se trouver liée dans les conditions les plus dangereuses par un texte lui enlevant toute liberté de négociation et toute possibilité de relèvement »89. Ainsi, les mobiles de la « résistance » des industriels aux exigences allemandes apparaissent ambigus. Il s’agit d’une négociation avant tout économique où, du côté de Péchiney, l’une des craintes majeures est que, du fait du conflit, la situation de la production française d’aluminium ne soit affaiblie, lors du rétablissement de la paix, qui est perçu comme proche. Les négociations, engagées au même moment, sur la construction d’une usine d’alumine, confirment l’existence de telles préoccupations90. D’un point de vue strictement commercial, les contrats allemands ne sont pas spécialement intéressants pour les firmes françaises. Outre le fait qu’elles ne bénéficient pas du prix allemand (du fait de la « taxe de peréquation »), il est préférable pour elles de vendre leurs produits en France, où se trouve leur clientèle habituelle et potentielle, à un moment où la demande est d’autant plus forte que l’aluminium peut se substituer à d’autres métaux non ferreux, devenus introuvables.
53La réalisation du contrat B est particulièrement entravée par la pénurie d’énergie de l’hiver 1941-42, du fait de la sécheresse, qui réduit les possibilités hydroélectriques de la zone Sud. La fabrication d’alumine et d’aluminium, qui représente plus de dix pour cent de la consommation électrique industrielle totale, est touchée lors des coupures décidées en novembre91. Au total, sur la durée du contrat (1er février 1941-31 décembre 1941) les livraisons effectives se présentent ainsi :
54Le rythme mensuel a excédé les 2 000 tonnes prévues pour l’alumine. En revanche, il n’a pas dépassé 2 300 pour l’aluminium92.
5. Le contrat C.
55Au début de 1942, la négociation s’engage pour un troisième contrat.
• Des exigences allemandes accrues.
56Des contacts entre industriels, il résulte que les exigences allemandes s’élèvent à 129 000 tonnes d’alumine (ou équivalent) annuelles. Tout dépend de l’estimation des besoins français et de l’accroissement de la capacité de production d’alumine, qui atteint 14 000 tonnes au début de 1942 et, selon les chiffres du COAM, pourrait dépasser les 18 000 tonnes au milieu de l’année, sous réserve des livraisons nécessaires en matières annexes. Une réunion entre industriels et hauts fonctionnaires français reprend la proposition de Jean Dupin d’une livraison de 6 000 tonnes mensuelles d’alumine et de cinquante pour cent du surplus, en cas de production supérieure à 14 000 tonnes, avec une contrepartie de 35 000 tonnes de charbon93. Les négociations effectives s’engagent dans la seconde moitié de mars 1942. Comme l’indique Schöne, « le facteur essentiel pour l’établissement des quantités à livrer est l’importance des besoins français »94. Or, comme l’année précédente, l’évaluation de tels besoins est soumise à interprétation. Une note confidentielle — non soumise aux Allemands — à Jacques Barnaud précise, en octobre 1941, que les «besoins véritables du marché français » en aluminium s’élèvent à 6 250 tonnes mensuelles et sont destinés à croître, par suite de la politique de substitution. Mais les interdictions d’emploi, « édictées par le Répartiteur à l’instigation des Autorités allemandes », les réduisent à 4 300 tonnes95. En mars 1942, les Allemands s’appuient sur le fait que le Répartiteur ne peut trouver d’emplois supérieurs à 3 500 tonnes d’aluminium et, escomptant un accroissement de production d’alumine de plus de 5 000 tonnes dans l’année, réclament 10 500 tonnes mensuelles d’équivalent-alumine.
• La reconduction du contrat B.
57À la suite d’une réunion, le 23 mars 1942, dans le cabinet de Jacques Barnaud, à laquelle assistent Raty et Lafond pour l’État, Piaton et Vitry pour Péchiney, il est décidé d’accepter de livrer 7 000 tonnes d’alumine et 75 % du surplus des 14 000 tonnes, si 35 000 tonnes de charbon sont offertes en contrepartie96. Mais Schöne ne peut admettre, le lendemain, un contrat inférieur au précédent : « Pourquoi avons-nous fait tant d’efforts si la montagne accouche d’une souris ? » Il menace : « J’espère n’avoir pas à faire jouer des interventions extérieures comme la dernière fois »97. Une semaine plus tard, à la Commission d’Armistice, Schöne propose le renouvellement du contrat B. Après un marchandage final sur les contreparties de charbon, le contrat C est conclu le 21 avril, sur les mêmes bases que le précédent, avec un léger accroissement des livraisons allemandes de charbon.
58Malgré l’accroissement des contreparties, Henri Lafond souligne à Jacques Barnaud 1’ « insuffisance des fournitures de charbon ainsi prévues qui risque de compromettre la fabrication d’aluminium », a fortiori en cas de sécheresse, comme en 194199. Il insiste également sur l’abaissement des quantités d’aluminium disponibles pour le marché français « au-dessous du minimum reconnu indispensable »100.
• Le refus ambigu des industriels.
59Et, comme l’année précédente, Vitry et Dupin protestent auprès de Barnaud au sujet des chiffres de livraisons qui viennent d’être acceptés par le gouvernement. Signalant que l’Aluminium français a, en 1941, prélevé plus de 5 000 tonnes mensuelles sur la production courante pour l’Allemagne, ils ajoutent que « la reconduction pure et simple du contrat B constitue pour le marché français une aggravation sérieuse », et estiment les disponibilités mensuelles en alumine, aussi longtemps que la production ne dépassera pas 14 000 tonnes, à environ 2 700/2 800 tonnes, très inférieures aux besoins101. D’ailleurs, lors de la réunion suivante de la Commission d’Armistice, Jean Dupin se retranche derrière la décision gouvernementale : « Il ne s’agit pas ici d’un contrat commercial normal. On ne peut affirmer qu’il est spontané. Nous l’avons conclu sur les injonctions du gouvernement français (...) nous n’aurions jamais accepté le chiffre de 7 700 tonnes, si l’accord entre les gouvernements n’avait pas existé »102. Mais, comme en 1941, les réticences de l’industriel sont surtout fondées sur une crainte commerciale. Il exprime ainsi à Schöne, en séance, son souci que les livraisons à l’Allemagne « ne puissent être utilisées pour nous concurrencer sur le terrain commercial, qu’elles soient réservées à des besoins strictement militaires (...). Nous demandons qu’il [l’aluminium livré par Péchiney] ne ressorte pas d’Allemagne vers nos clients fidèles »103.
***
CONCLUSION DU CHAPITRE XVIII
60L’armistice et la défaite incitent experts et gouvernements de Vichy à envisager l’avenir économique et commercial (immédiat et lointain) de la France au sein d’une Europe continentale dominée par la puissance des firmes et ententes allemandes. Comme l’exprime Jean Filippi en septembre 1941, dans l’immédiat, les contraintes du clearing franco-allemand poussent à multiplier les achats directs en Allemagne, car il faut redouter « ... au moment du traité de paix, si nous disposons d’un solde créditeur important, que ce solde soit assuré au profit de l’État allemand »104. Mais, à plus long terme également, les échanges avec l’Allemagne vont s’imposer, d’où la nécessité de « prévoir pour l’avenir, après le traité de paix, la possibilité de nous créer de nouvelles disponibilités en vue de financer les importations allemandes qui nous seront nécessaires »105. Les principaux experts souhaitent à la fois s’insérer dans la division allemande du travail et y défendre les positions françaises. Comme l’indique René Norguet, « rechercher une liaison industrielle de Français à Allemand en exigeant une situation paritaire, et en toute dignité nationale, peut être une excellente solution. En tout cas, ce n’est certes pas faire œuvre politique contre une idée de Grande Europe, c’est au contraire la servir »106.
61Dès les premiers mois de l’Occupation, experts et gouvernants de Vichy trouvent ainsi leurs propres mobiles à une collaboration commerciale avec l’Allemagne, appuyés sur l’idée d’une convergence d’intérêts, du fait de la « pax germanica », considérée comme l’anticipation la plus vraisemblable. Ils bâtissent pour cela des structures administratives et des procédures qui renforcent le dirigisme. Cette direction des échanges se présente de manière contradictoire : elle offre la protection de l’État a certaines branches industrielles particulièrement convoitées et, dans le même temps, elle les insère dans le réseau des négociations générales avec l’Occupant, avec les contraintes que cela implique pour les entrepreneurs privés. Il peut en résulter des controverses, voire des tensions entre entrepreneurs et gouvernants/ experts sur les modalités des accords et l’étendue des contreparties à obtenir de la part des interlocuteurs allemands, même si, aux yeux des premiers comme des seconds, par-delà la diversité de leurs sentiments, jusqu’au début de 1942 (au moins), le présent comme l’avenir commandent de trouver un terrain d’entente avec le vainqueur. De plus, le contrôle des autorités allemandes sur l’appareil de direction vichyste de la répartition leur fournit des atouts redoutables pour les négociations, en particulier à travers la connaissance des quantités produites et réparties, comme dans le cas de la bauxite, l’alumine et l’aluminium.
62Les négociations ainsi engagées aboutissent à de grandes déconvenues du côté français, du fait de la faiblesse des contreparties au regard de celles qui étaient escomptées, du caractère déséquilibré des accords passés (dans leur lettre ou dans leur application effective) en faveur de l’Occupant, ou du recours, de sa part, à la contrainte ou la menace. À partir du printemps 1942, l’aggravation des exigences allemandes ne laissent plus de place à des espérances (même déçues) de collaboration fructueuse. Une évolution parallèle est perceptible dans le domaine financier.
Notes de bas de page
1 AN. F 37 20, d. « DGRE-Économie intérieure », s.-d. « Études sur la collaboration économique franco-allemande », DGREFA, Exposé succinct de la collaboration franco-allemande dans le domaine économique, Vichy, 17 décembre 1941, 6 p.
2 AN. F 37 27, d. « Aide apportée par l’Allemagne à l’économie française », DIME, Note pour M. le Délégué général aux relations économiques franco-allemandes, signée de René Norguet, 2 décembre 1941, (5 p.), p. 1.
3 Idem.
4 Idem.
5 Idem.
6 Jacques de Fouchier, Le goût de l’improbable, Paris, 1984, p. 119 et suiv.
7 Ibid., p. 12.
8 Cf. AN. F 37 28, d. « Production industrielle », s.-d. « résumé des Accords franco-allemands (Production industrielle) ».
9 Cf. Alan Milward, The New Order..., op. cit., p. 106 et suiv.
10 AN. F 37 28, d. « circulaires à adresser par tous les CO à leurs adhérents a/s commandes allemandes », projet circulaire, 9 avril 1941.
11 .Idem, contreprojet allemand envoyé par le docteur Michel, 21 mai 1941, 2 p.
12 Idem, c. r. d’une réunion au Majestic entre MM. Michel, Kolb et Barnaud, 10 juillet 1941, 1 p.
13 Idem, c. r. cité.
14 Idem, circulaire du SEPI préparée par l’Administration militaire allemande, 1 p.
15 Idem, c. r. liaison Finances - Production industrielle, 6 août 1941, 1 p.
16 Idem, c. r. liaison Finances - Production industrielle, 23 juillet 1941, 1 p.
17 Cf. AN. F 37 27, d. cité, DIME, Note citée de René Norguet.
18 Cf. AN. F 37 28, d. « Approvisionnement de la France en matières premières-généralités », MPI, Note sur la situation actuelle de l’approvisionnement du pays en matières premières, 23 juillet 1941, 5 p.
19 Source : Idem, MPI, Note citée, p. 2.
20 Idem.
21 AN. F 37 27, d. cité, DIME, Note citée, p. 2.
22 Cf. AN. F 37 20, d. « Contreparties - Économie intérieure ». Cf. également Alan Milward, The New Order..., op. cit., p. 185-188.
23 Cf. infra, chapitre XIX.
24 AN. F 37 31, d. « charbon (questions générales) », Lettre du Président de la Délégation française pour les Affaires économiques à M. Hemmen, 14 octobre 1940, 5 p.
25 Idem, Note de la direction des Mines faite à la demande de Pierre Pucheu, signée Fanton d’Andon, 6 juin 1941, 4 p.
26 Cf. AN. F 12 10102, d. « 477 c — Méthodes allemandes d’occupation », s.-d. « Occupation allemande. M. Claudot », Note sur les méthodes allemandes durant l’Occupation en matière de répartition du charbon, HD/HL, 5 mars 1945, 4 p. (à partir de renseignements recueillis auprès du répartiteur Jacques Thibault).
27 AN. F 12 10102, d. cité, s.-d. « Fichier des autorités allemandes en France, Recueil de leurs décisions abusives ».
28 Idem, d. cité, Note citée.
29 Cf. Alan Milward, The New Order..., op. cit., p. 185-188.
30 Idem., d. cité, c. r. de la séance du 14 novembre 1940 de la Délégation économique, 10 p.
31 Idem, d. cite, note du 14 mars 1941, sa., 2 p.
32 Idem, note du 6 juin 1941, signée F. d’Andon, faite à la demande de P. Pucheu, 4 p.
33 AN. F 37 28, d. cité, Note du 23 juillet 1941, citée.
34 AN. F 37 31, d. « charbon (questions générales) », Note de Fanton d’Andon, 14 juin 1941, 5 p.
35 Idem, Lettre de François Lehideux au docteur Michel, s. d., 5 p.
36 AN. F 37 33, d. « Textiles », s.-d. « Direction des négociations françaises », Note n° 5, « Négociations avec les autorités allemandes du mois d’août 1940 au mois d’octobre 1941 », Note de R. Carmichaël, 6 p.
37 AN. F 37 27, d. « Aide apportée par l’Allemagne à l’économie française », Note de la sous-direction du textile (MPI), 1er décembre 1941, 3 p.
38 AN. F 37 28, d. «Production industrielle», s.-d.» Accords franco-allemands», plan Kehrl, 6 p.
39 AN. F 60 590, c. r. de la séance du 10 janvier 1941 du CEI.
40 AN. F 37 33, d. « Textiles », s.-d. cité, note n° 5, citée.
41 Idem.
42 Idem.
43 AN. F 37 28, d. « Production industrielle », s.-d.» Accords franco-allemands », conférence faite par M. Maurice Voreux..., s. d., 15 p.
44 AN. F 37 33, d. « Textiles », s.-d. « Plan Kehrl », c. r. de la réunion entre les représentants du SEPI et les Autorités d’Occupation, 2, 3, 4 mai 1941, transmis à Jacques Barnaud, 15 mai 1941, 29 p.
45 Idem, c. r. cité.
46 Idem, c. r. cité.
47 Idem, d. « Textiles », s.-d. « direction des négociations françaises », Note n° 5 citée.
48 Cf. Idem, d. «Textiles», s.-d. «Plan Kehrl», Plan textile franco-allemand pour 1942, 2 p. Cf. également AN. F 37 27, d. « Aide apportée par l’Allemagne à l’économie française », Note sur la collaboration franco-allemande en matière textile, SEPI, s/s direction des Textiles, 1er décembre 1941, 3 p.
49 Idem, Note de la Direction des Textiles et des Cuirs à SGI, n° 6962, 12 novembre 1941, 1 p.
50 Idem, Entretien de Berlin, p.-v. des entretiens avec la délégation française des 20-22 janvier 1942, 24 janvier 1942, 5 p. et Annexes.
51 Cf. infra, chapitre XIX.
52 Cf. Idem, Lettre de Jarillot (directeur des Textiles et des Cuirs) au Referat Textile, SEPI 4309, text 4, 19 mai 1942, 2 p.
53 AN. F 37 33, d. « Plan du cuir », c. r. de la réunion chez Jacques Barnaud, note de M. Terray, MH, 2 mai 1941 ; cf. également AN. F 37 20, d. « Études sur la collaboration économique franco-allemande ».
54 Idem, c. r. de l’entretien du 8 janvier 1942, (Jarillot, Ribes, Grunberg), n° 66, Text. 11, 9 janvier 1942, 1 p.
55 Idem, Note de Bourbon-Busset, 15 janvier 1942, 1 p.
56 Cf. Alan Milward, The New Order..., op. cit., p. 87-89, ainsi que le chapitre IX.
57 Cf. AN. F 12 9579, d. « Commission nationale interprofessionnelle d’Épuration (noté infra CNIE), L’Aluminium français », Mémoire de Raoul de Vitry, Cie AFC — Société l’Aluminium français, 18 p. Il reprend le rapport complémentaire de l’expert Lemoine-CNIE, 6 septembre 1946 — note Allier, cote 60. Déposition Barnaud, cote 220.
58 Idem.
59 Idem, cote 73, lettre du général Huntziger au général Weygand.
60 Cf. Alan Milward, The New Order..., op. cit., p. 87 et 235.
61 AN. F 12 9579, d. cité, cote 96, p. 18 et 19, p.-v. cote 49 et cote 46, déposition de Henri Lafond.
62 Idem, déposition de Vitry, cote 42; note Allier, cote 62.
63 Idem, Note Allier, cote 60; déposition Barnaud, cote 220.
64 .Source : AN. F 37 32. d. « Aluminium », s.-d. « Aluminium », c. r. de la Commission des Experts, Délégation économique de Wiesbaden, 13901/DE, 31 janvier 1941, 6 p. Les chiffres diffèrent sur certains points de ceux des archives allemandes reproduits dans Alan Milward.
65 AN. F 37 32, d. « Aluminium, s.-d. « Bauxite ». DFCAA, I, 1 78.
66 AN. F 12 10102, d. «477 — Méthodes allemandes d’occupation», s.-d. «Fichier des autorités allemandes en France — Recueil de leurs décisions abusives », cité.
67 Idem.
68 AN. F 37 32, d. « Aluminium », s.-d. « Bauxite », c. r. de la séance du 8 octobre 1940 de la s/s commission de l’industrie de guerre, 4 p.
69 Cf. Alan Milward, The New Order..., op. cit., p. 87-88.
70 AN. F 37 32, d. et s.-d. cités, Note de Boisanger au ministre de la Guerre (DSA), 9 octobre 1940, 2 p.
71 Idem, Lettre de Raty à Schöne, 19 décembre 1940, 1 p.
72 Idem, Note pour le docteur Schöne, signée Raty, 14 décembre 1940, 1 p.
73 Idem, c. r. de la Délégation économique, Wiesbaden, 23 janvier 1941, 5 p.
74 Idem, p.-v. de la réunion du 31 janvier 1941, Wiesbaden, Délégation économique, n° 12, 529/DE, 15 p.
75 Idem, c. r. de l’entretien entre Raty et Schöne du 6 mars 1941, Wiesbaden, Délégation économique n° 14, 819/DE, 7 mars 1941, 4 p.
76 Idem, c. r. de la séance du 14 mars 1941 de la s/s commission de l’industrie, Wiesbaden, 5 p.
77 Idem, p.-v. de la séance du 21 mars 1941 de la Commission économique, Wiesbaden, 31 p.
78 Idem, p.-v. cité.
79 Idem, p.-v. cité.
80 Idem, p.-v. de la séance du 25 mars 1941, Wiesbaden, 15944/DE, 7 p.
81 Idem, Note de Raty au secrétaire général à l’Énergie, Wiesbaden, n° 15 759/DE, 22 mars 1941, 3 p.
82 Idem, note citée.
83 Idem, c. r. d’une réunion c/o Pierre Pucheu (Bichelonne, Lafond, Barnaud, Dupin, Raty, Boisanger).
84 Idem, c. r. de l’entretien Hemmen-Boisanger à Wiesbaden, 11 avril 1941, 16 h, 2 p.
85 Idem, lettre du ministre des Finances à la Délégation allemande, 29 avril 1941, 1 p.
86 Idem, Lettre à Hemmen, 2 mai 1941, 2 p.
87 AN. F 12 9579, d. « CNIE — L’Aluminium français », Mémoire personnel de J. Dupin, septembre 1946, (11 p.), p. 6-7.
88 Idem, mémoire cité, p. 7.
89 AN. F 37 32, d. « Aluminium », s.-d. « Aluminium ». Jean Dupin à Boisanger, 5 mai 1941.
90 Cf. infra, chapitre XIX.
91 AN. F 37 32, d. et s.-d. cités, Note pour M. Dufau-Peres, 19 janvier 1942, 1 p.
92 AN. F 12 9579, Mémoire Dupin, cité.
93 AN. F 37 32, d. et s.-d. cités, c. r. de la réunion du 5 février 1942 (Barnaud, Lafond, Boisanger, Raty, Vitry, Piaton, d’Auvigny, Dupin), Note de M. Lechartier, 3 p.
94 Idem, c. r. de la séance du 18 mars 1942 de la s/s commission des échanges commerciaux, 9 p.
95 Idem, Note pour M. Barnaud, confidentiel, 8 octobre 1941, 2 p.
96 Idem, c. r. de la réunion du 23 mars 1942 dans le cabinet de M. Barnaud, 2 p.
97 Idem, c. r. de la séance du 24 mars 1942 n° P. 411/DE, 6 p.
98 Source : Idem, Lettre du Président de la Délégation française auprès de la DAAE à Hemmen, 11 juin 1942, 2 p.
99 Idem, Lettre de Henri Lafond à Jacques Barnaud, 9 janvier 1942, 2 p.
100 Idem, Lettre citée.
101 Idem, Lettre de l’Aluminium Français à Jacques Barnaud, signée Dupin et Vitry, 1er avril 1942, 2 p.
102 Idem, c. r. de la séance du 29 avril 1942, n° P 565/DE, 6 p.
103 Idem, c. r. cité.
104 AN. F 37 32, d. « Construction d’une nouvelle usine d’alumine en France », c. r. de la réunion du 16 septembre 1941, MH - 18 septembre 1941, 3 p.
105 Idem.
106 AN. F 37 27, d. « Aide... » cité, note de René Norguet, citée.
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