Chapitre V. Du plan à l’unité d’action : deux stratégies pour une relève (février 1934-mai 1935)
p. 133-162
Texte intégral
1Le 6 février 1934 et le retour des modérés au pouvoir confirment les socialistes dans l’opposition à la politique déflationniste de direction économique et financière de l’Union nationale. Mais les propositions « reflationnistes » de la SFIO cheminent au cœur de débats internes — notamment marqués par la tentative avortée de percée du planisme, avant même le 6 février — et sous la pression des communistes, gagnés, à partir de mai-juin 1934, à l’unité d’action et, après octobre, à son élargissement en un Front Populaire.
I. LE REJET AMBIGU DE LA GREFFE PLANISTE À LA SFIO
1. Des origines doublement étrangères au mouvement socialiste.
2Face aux difficultés de la crise, deux courants de réflexion convergent et proposent un type nouveau de réponse, le Plan. Ils s’inspirent des recommandations de la Fédération Syndicale internationale (FSI), et du Plan de Henri de Man. On a vu que jusqu’à la Conférence de Londres, la FSI comme le BIT, sous l’impulsion d’Albert Thomas jusqu’à sa mort (1932), attendent beaucoup de grands Travaux internationaux. Après l’échec de la Conférence de Londres, la FSI, à son congrès de Bruxelles (en juillet 1933), adopte un texte favorable « à un plan d’économie dirigée »1. Il témoigne de l’intérêt croissant de plusieurs confédérations syndicales nationales — en particulier britannique, suisse, et surtout belge — pour 1’ « économie dirigée ».
• Henri de Man et le Plan du POB.
3Mais c’est l’initiative de Henri de Man, au sein du Parti Ouvrier Belge (POB), qui déborde rapidement les frontières de la Belgique. Connu pour son ouvrage Zur Psychologie des Sozialismus, paru en 1926, Henri de Man revient en Belgique au printemps 1933, après la victoire nazie, alors qu’il devait présenter au Congrès du Parti social-démocrate, prévu pour mars, les grandes lignes de son Plan2. Émile Vandervelde, président du POB et vétéran de la direction de l’Internationale ouvrière socialiste (IOS), l’accueille et lui propose la direction d’un Bureau d’Études sociales, créé pour l’élaboration d’un Plan. Publié en octobre 1933, celui-ci est présenté et adopté par le Congrès du POB, le jour de Noël 19333. Le Plan se définit à la fois par ses aspects tactiques et doctrinaux. Tactiquement, il se distingue du « programme », par le fait qu’il contient un ensemble d’engagements précis et immédiats et un « plan d’action », à appliquer dès la prise du pouvoir. Du point de vue doctrinal, le Plan s’appuie sur l’idée que la crise ne rend plus possibles les « réformes de répartition » — améliorations quantitatives pour la classe ouvrière — et qu’il faut entreprendre des « réformes de structure », parmi lesquelles la plus importante est la nationalisation du crédit (du fait du rôle financier et industriel stratégique joué par la Société générale de Belgique). Il resterait un très large secteur « restant soumis à un régime de propriété capitaliste » : ainsi se développerait une « économie mixte », qui serait toutefois une « économie dirigée », l’État agissant sur le secteur privé par le crédit, la monnaie, la politique fiscale et sociale, et la direction du commerce extérieur4. D’autre part, il s’agit d’appuyer le Plan sur une base sociale plus large que la classe ouvrière, et d’y inclure les « classes moyennes en révolte contre l’hypercapitalisme de la haute banque»5. Les « Néos » vont essayer de s’emparer du Plan et du concept de « régime intermédiaire », dans une perspective tactique de lutte contre la SFIO. Mais leur exclusion ne libère pas la SFIO de la tentation planiste.
• La mouvance planiste en France.
4À l’extérieur de la SFIO, il existe toute une mouvance planiste, distincte des « Néos » : le Combat Marxiste, revue mensuelle dirigée par Lucien Laurat, à partir d’octobre 1933 ; la Tribune des Fonctionnaires, hebdomadaire officiel de la Fédération des Fonctionnaires, affiliée à la CGT, dirigée par Robert Lacoste, alors secrétaire fédéral adjoint ; l’Homme réel, revue lancée en janvier 1934, sous la direction de Pierre Ganivet6. Mais surtout, la direction confédérale de la CGT semble s’intéresser au Plan, au moment même où Henri de Man fait approuver ses thèses en Belgique. Le manifeste de la CGT de décembre 1933 dénonce l’échec de la «politique de présence dans l’État », à la suite des désillusions issues de la politique déflationniste des radicaux, et se prononce pour une action contre la crise dans le cadre national. Le 15 janvier 1934, le Bureau confédéral soumet aux organisations de la Confédération une ébauche, élaborée par René Belin, promu au Bureau quelques semaines auparavant, où il est question de direction de l’économie par la « nationalisation industrialisée » et le « contrôle du crédit ». L’ancien secrétaire du syndicat des agents des PTT signale, dans ses Mémoires, qu’il ne s’agit que d’un « avant avant-projet de plan qui n’est guère autre chose que la compilation des vœux émis par la CGT depuis 1918 »7. Il ajoute dans cet ouvrage, il est vrai, marqué par l’amertume, que la marche à l’adoption du Plan relève, de la part de la direction de la CGT, de motifs surtout tactiques et conjoncturels : le Plan « recélait une promesse d’action » face à 1’ « immobilisme confédéral » (...) « Jouhaux, selon lui, allait bientôt découvrir dans les idées de de Man un filon qu’il allait exploiter pour sa propre chapelle. Il devançait la SFIO et s’en démarquait, ce qui n’était pas pour lui déplaire »8.
• Les onze de Révolution constructive.
5On sait, en particulier par les travaux de Georges Lefranc, à la fois acteur et historien du groupe, que les principaux diffuseurs en France des idées de de Man ont été les onze jeunes intellectuels fondateurs, au sein de la SFIO, de Révolution constructive, titre d’un volume collectif publié en 1932 chez Georges Valois. Le double handicap initial du groupe à l’intérieur de la SFIO provient à la fois des liens de quelques-uns de ses membres avec la direction de la CGT et de l’apparente similitude de certaines de ses thèses avec celles des Néos. Dans le court terme, la direction de la SFIO accepte mal les critiques énoncées par Révolution constructive à l’égard de la tactique parlementaire socialiste. En décembre 1933, après une double et vaine entrevue de Jean Itard et Georges Lefranc avec Léon Blum en pleine crise néo, le groupe adresse à Paul Faure une lettre ouverte diffusée en tract, critiquant vertement le manifeste SFIO du 8 décembre 19339. La parenté avec le Plan de Henri de Man apparaît d’autant plus nette que Georges Lefranc fait éditer dans des Cahiers de Révolution constructive les articles du dirigeant belge publiés dans le Peuple de Bruxelles. La place des Onze dans la SFIO dépend en grande partie de l’attitude de sa direction à l’égard des thèses de de Man, et tout particulièrement des réactions de Léon Blum.
2. Le rejet par la direction de la SFIO : le refus doctrinal d’une transition.
• Léon Blum réfute le Plan (janvier 1934).
6Dès le début de janvier 1934, Léon Blum engage dans neuf éditoriaux — sous la rubrique « Au-delà du réformisme » — une critique doctrinale du Plan du POB10. Il souligne d’abord les différences de situation entre la France et la Belgique : monopolisation moins poussée du crédit, moindre puissance du parti socialiste. De ce fait, la « socialisation du crédit » ne peut pas constituer en France la « réforme de structure » essentielle. De même, l’arrivée au pouvoir des seuls socialistes, envisageable en Belgique, ne l’est guère en France. Mais il en vient rapidement à la question de doctrine : les « socialisations » et 1’ « économie mixte ». Il ne reconnaît aucune valeur « socialiste » à des « socialisations partielles ». Il redoute que le Plan tende « à préserver, à consolider le secteur libre en même temps qu’à le ménager »11. Réfutant la distinction entre « réforme de structure » et « réforme de répartition », il conclut : « Les socialisations partielles n’ont donc pas et ne peuvent pas avoir pour effet de démanteler un pan du système capitaliste »12. En fait, même si Léon Blum affecte de ne voir dans le Plan belge — minimisation feinte ou diplomatique ? — qu’une affaire de tactique (trouver « l’équivalente réforme de structure qui soulève les masses d’enthousiasme »), il repousse l’idée d’un Plan français, comme, quelques mois auparavant, il a rejeté le « régime intermédiaire » des Néos.
• Offensive et alliances tactiques des planistes.
7Les planistes de Révolution constructive s’engagent alors dans une campagne politique en vue du Congrès, prévu primitivement à Lille, pour le 10 février 1934. Deux articles, publiés en janvier 1934 dans la tribune libre du Populaire, signés de Jean Itard et de Georges Lefranc, précisent les points essentiels. Ils affirment d’emblée : « La Révolution économique s’impose avant que nous soyons mûrs pour la Révolution sociale », puis énoncent deux idées contenues dans le Plan du POB :
- « Nous ne pouvons réaliser d’un seul coup le socialisme intégral (...) nous devons entreprendre la construction d’une économie de transition caractérisée par la coexistence d’un secteur collectivisé et d’un secteur libre ».
- « Le socialisme doit orienter son action et sa propagande vers les classes moyennes (...) et aussi les chômeurs en voie de constituer un cinquième état »13.
8Ils y ajoutent un troisième point, qui, a posteriori, paraîtra inopportun, à quelques jours de l’émeute du 6 février : « Pas de solidarité (...) vis-à-vis du régime politique »14. Un second article, intitulé « Pour l’offensive socialiste », reprend la distinction de Henri de Man entre le programme — qui « fixe les buts intégraux de notre action » — et le plan — « ensemble de transformations immédiatement possibles avec la plus grande précision » — et polémique avec Léon Blum qui, soucieux de ne pas voir limiter l’action socialiste par un Plan, avait conclu l’un de ses derniers articles par la formule : « une fois installé au pouvoir avec le mandat populaire, il faudra bien que le socialisme obéisse à son destin »15. Ce texte est cependant beaucoup moins doctrinal que le précédent. Il insiste surtout sur la nécessité de mesures urgentes et immédiates contre la crise, et ne parle pas des réformes de structures. Son succès, très relatif — et sans doute inférieur à ce qu’en dit Georges Lefranc — résulte, plus que d’une adhésion réfléchie, davantage de la lassitude de nombreux militants, face au décalage entre l’affirmation d’une doctrine révolutionnaire et une pratique parlementaire inefficace. Aussi, les planistes bénéficient-ils du soutien tactique de la Bataille Socialiste, dirigée par Jean Zyromski, secrétaire de la fédération de la Seine. Au congrès fédéral des 28-29 janvier, Georges Lefranc rédige un texte de synthèse, réunissant planistes et zyromskistes, en vue du congrès national de Lille. Il faudrait mener une étude précise pour savoir quel a pu être l’impact réel de l’Offensive socialiste, au delà des affirmations rapides de Georges Lefranc sur l’afflux des adhésions à Révolution constructive. Même si, selon lui, le report du Congrès, à la suite du 6 février, a été préjudiciable à l’essor du planisme dans la SFIO, son poids relatif apparaît assez limité dans les différents congrès fédéraux. Un élément indicatif : dans la Seine, son principal foyer, l’Offensive socialiste — qui ne comprend pas que les planistes de Révolution constructive — n’obtient que sept mandats sur vingt-sept16. De plus, l’alliance tactique avec la Bataille Socialiste infléchit le contenu du planisme. Jean Zyromski souligne l’intérêt du Plan, non pas dans la perspective réformiste de créer une transition durable reléguant le socialisme à plus tard — comme le font les hommes de Révolution constructive — mais dans la perspective révolutionnaire de la conquête du pouvoir. Et, à la différence de Henri de Man, il dénonce l’illusion « d’une solution capitaliste à la crise » et « d’un capitalisme rationalisé, étatisé, centralisé »17. On peut donc distinguer, à la veille du 6 février, deux lectures distinctes du planisme, dont la conjonction ne s’opère que de manière tactique.
• Confusion, ambiguïtés ou double langage ?
9Après le 6 février 1934, au sein de la SFIO, grandit une volonté de riposte à ce qui a été perçu comme une menace fasciste en France. Les manifestations du 9, puis du 12 février, entraînent une mobilisation ouvrière, inconnue depuis longtemps. Les planistes, dès lors, infléchissent leur présentation du Plan, qu’ils considèrent comme déjà révolutionnaire. En mars 1934, se félicitant de l’existence d’un Plan de la CGT — alors qu’il ne s’agit que d’une « résolution ... d’inspiration planiste, bien que le terme de plan n’y figure pas »18 — Georges Lefranc et Jean Itard défendent, à propos de la récente résolution du Comité confédéral national (CCN) de la CGT, « réalisation tangible d’un point essentiel », la « nationalisation du crédit » et le « contrôle des banques » et le « contrôle effectif immédiat des industries clefs par les représentants de la collectivité et des salariés » qu’ils présentent comme « deux transformations de structure qui font sortir du stade capitaliste l’économie de ce pays, commandent et rendent seules possibles les réformes de répartition réclamées par la CGT »19. Deux semaines avant le Congrès de Toulouse, une motion commune au Combat Marxiste, à la Bataille Socialiste et à Révolution constructive est publiée dans Le Populaire, sous la signature de Jean Zyromski. Elle représente un compromis entre les planistes et l’aile gauche de la SFIO :
- sur la forme : reconnaissance de l’utilité de la notion de Plan,
- sur le fond : on y retrouve les termes mêmes de Zyromski, pour lequel la révolution demeure un préalable.
10Pierre Boivin confirme, quelques jours plus tard, la lecture « révolutionnaire » du Plan. Il précise le calendrier des « socialisations essentielles » : tout d’abord le crédit, puis les industries de guerre, les assurances et les transports. Une deuxième vague comprendrait les « industries clés suffisamment concentrées». Lors de ce printemps de 1934, le débat se développe donc, au sein de la SFIO, dans une assez grande confusion, qui est tributaire à la fois des équilibres internes entre tendances, et du dérapage fréquent entre les choix tactiques et les affirmations doctrinales, les unes et les autres, de surcroît, n’étant pas toujours affirmés de manière explicite. Et, à l’intérieur du groupe planiste, en particulier, les ambiguïtés doctrinales et les glissements tactiques se chevauchent.
- Du point de vue doctrinal, tout d’abord. Alors que Révolution constructive a approuvé, à la fin de 1933, la notion d’économie mixte à l’image du Plan du POB, le groupe — sans doute à la suite du raidissement doctrinal opéré par Léon Blum et la direction du parti — ne veut pas apparaître « révisionniste » et s’allie, de manière purement tactique, à Jean Zyromski qui, surtout après les contre-manifestations du 12 février, envisage une conquête révolutionnaire préalable du pouvoir, jugée imminente et appuyée sur l’unité reconstituée du mouvement ouvrier20. Cependant, le ralliement des planistes à cette perspective révolutionnaire ne saurait faire illusion, dès le moment où certains d’entre eux, dont Georges Lefranc ou Lucien Laurat, participent, dans le même temps, à l’élaboration d’un Plan ouvertement réformiste à la CGT. Il serait erroné toutefois d’affirmer — comme Georges Lefranc l’écrit dans ses ouvrages récents — que les planistes offraient à la SFIO, au printemps 1934, la perspective d’une économie mixte : sans doute y pensait-il lui-même à cette époque, mais ni lui, ni ses compagnons n’ont osé — après la condamnation du planisme par Léon Blum — présenter le Plan en dehors d’une perspective révolutionnaire, qu’ils semblent accepter, verbalement du moins.
- Du point de vue tactique — et c’est sans doute cela l’essentiel — « le Plan oblige, selon eux, à rompre par son caractère de « tout ou rien » avec les pratiques du « moindre mal » du réformisme en période de crise. »21 Le succès relatif des planistes a été, en fait, très conjoncturel, à la fin de 1933 : il bénéficie de la lassitude de certains dirigeants et militants vis-à-vis de l’impasse où se trouvait la SFIO sur le terrain parlementaire. Les planistes insistent, comme Henri de Man, sur la nécessité d’engager le parti à réaliser un plan, au sens d’un ensemble de mesures à appliquer comme un bloc, afin d’éviter les déconvenues de la politique de soutien au parti radical. Le plan, tactiquement, est conçu comme la garantie d’un programme minimum, empêchant ainsi des révisions en baisse par des compromis parlementaires. Il tire profit, d’autre part, des déboires de la « politique de moindre mal », menée par la social-démocratie allemande et autrichienne, après la victoire du nazisme en Allemagne et l’écrasement de la Commune de Vienne.
• La direction socialiste : une réaction orthodoxe.
11Dans la lignée des analyses de Léon Blum sur le Plan belge, la direction guesdiste de la SFIO discerne et dénonce dans le planisme une tentative de révisionnisme, au nom d’une orthodoxie marxiste explicitement assumée. Jean-Baptiste Séverac, l’un des « théoriciens » du parti, tient pour illusoire la définition, préalable à la conquête du pouvoir, des secteurs à « socialiser ». De plus, il considère comme « la plus redoutable des erreurs la confusion entre socialisation et étatisation (...) comme si, ajoute-t-il, passer du réseau du chemin de fer du Nord à celui des chemins de fer de l’État » signifiait passer d’une « terre capitaliste » à une « terre socialiste »22. La direction semble négliger les propositions planistes, jusqu’au congrès de Toulouse. Nous savons cependant, grâce à une lettre de Georges Lefranc adressée à Jean Zyromski (trouvée dans les archives de ce dernier) que le Conseil national du 10 mars 1934 décide la création d’une «Commission du programme et du Plan », composée, sur décision de la CAP, de Léon Blum, Vincent Auriol et Zyromski23. Georges Lefranc reconnaît que c’est uniquement grâce à Zyromski, responsable de la page sociale du Populaire, que les planistes ont pu s’y exprimer. Mais il déclare que trois faits ont « profondément heurté » les planistes :
- — « la volonté bien évidente de ne pas tenir compte du texte voté par le Comité Confédéral national de la CGT et de n’accorder aucune importance à l’effort qu’elle a entrepris » ;
- — les articles du Populaire où Paul Faure « persiste à opposer le Plan au socialisme et cherche à ridiculiser le Plan et les « reconstructeurs en chambre » ;
- — la composition de la commission, « où l’élément parlementaire a la majorité ».
12Il ajoute : « le Plan doit nécessairement (...) dépasser le Parlementarisme ».24 En fait, si le planisme est, sur le plan doctrinal, un révisionnisme qui n’ose s’affirmer comme tel, il propose surtout, sur le plan tactique, de déplacer le lieu de l’action socialiste, du Parlement vers l’intervention économique de l’État : c’est l’un des thèmes majeurs au Congrès de Toulouse, dont les planistes espèrent beaucoup.
• Toulouse : le congrès des paradoxes.
13Lorsque s’ouvre le trente-et-unième congrès de la SFIO, à Toulouse, Georges Lefranc n’est pas présent : sa double fonction de secrétaire de l’ISO de la CGT et de secrétaire du groupe Révolution constructive l’oblige à « une certaine réserve »25. L’offensive antiplaniste est conduite par Paul Faure, dans le rapport moral : « C’est une chimère folle que de poursuivre des réalisations partielles et progressives du socialisme, par tranches au sein d’un capitalisme maintenu. Avant tout plan, il faut une conquête totale du pouvoir... »26. Les planistes, soutenus sur ce point par André Philip et Pierre Bloch, soulignent la nécessité de faire du neuf avec le Plan. Maurice Deixonne, membre du groupe Révolution constructive, le résume ainsi : « les déceptions du planisme seraient moins grandes que celles de l’électoralisme de ces dernières années »27. Les orateurs planistes s’en prennent surtout aux pratiques parlementaires de la direction : « Le parlementaire est mort » (Jean Itard)28 ; « Le parlementarisme n’est plus capable de jouer le rôle qu’il a joué dans le passé parce que les problèmes ont changé » (Pierre Boivin)29. André Philip semble les rejoindre lorsqu’il s’écrie : « Le parlementarisme est mort. Le xxe siècle n’est pas le siècle du parlementarisme »30. Jules Moch paraît également pencher pour le planisme, quand il affirme qu’ « il est impossible d’arracher au capitalisme des réformes de répartition dans les circonstances présentes »... mais il ajoute qu’il juge impossible de ratifier le Plan de la CGT, parce qu’il ne « met pas l’accent sur la nécessité de transformation de la structure sociale » et qu’ « il est fondé sur l’illusion du contrôle, pire que l’absence de tout contrôle »31. Ainsi, comme les planistes ont refusé de porter le débat explicitement sur le terrain de la doctrine, celui-ci se ramène à des questions de tactique. Dans ce domaine, ils ne se montrent, en définitive, guère plus précis que la direction du parti : s’il s’agit d’abandonner le terrain parlementaire, quelle voie emprunter ? Y a-t-il eu le projet de dynamiser l’unité d’action du mouvement ouvrier — alors encore fortement divisé entre socialistes et communistes — autour du Plan ? Ramené ainsi sur le terrain stratégique, Léon Blum peut exercer son magistère traditionnel d’arbitrage des conflits, et proposer une synthèse. Il prête aux planistes des arrière-pensées exactement opposées à celles que ceux-ci lui attribuent. Les planistes proposent de substituer le Plan au programme, car celui-ci, trop vaste et identifié au socialisme, permettrait tous les compromis. Le Plan leur paraissait comme un ensemble minimum de mesures immédiates. Léon Blum redoute au contraire des planistes, bien qu’ils s’en défendent, que le Plan ne devienne un ensemble maximal, et, de fait, n’abandonne la perspective révolutionnaire. Mais comme les planistes ont, avant même le Congrès de Toulouse, renoncé à rejeter la perspective révolutionnaire, et qu’ils ont signé une motion commune avec la Bataille Socialiste, ils ne peuvent défendre une révision explicite. Ainsi, Léon Blum souligne, dans son discours, que les aspects les plus « dangereux » du planisme ont été éliminés :
- Le caractère de contrat liant le Parti et les masses.
- Le contenu du Plan relevant d’une économie mixte32.
14Signataire avec Louis Lévy d’une motion soutenue par Paul Faure, Jean- Baptiste Séverac, Jean Lebas, Jean Longuet, Bracke, le directeur du Populaire est soucieux d’écarter tout révisionnisme doctrinal : la double contrainte de Tours pèse de tout son poids. D’abord, la nécessité de maintenir la perspective révolutionnaire s’impose d’autant plus que, après le ralliement des radicaux à l’Union nationale, les communistes mobilisent contre toute forme de « collaboration de classe ». Parallèlement, il juge « arbitraire » la distinction entre réformes de répartition et réformes de structures : il utilise à cette fin l’exemple de la revendication de la semaine de quarante heures. Ensuite, l’attachement aux institutions démocratiques et parlementaires et la répulsion pour le renforcement de l’État à des fins économiques apparaissent d’autant plus forts, que la réaction ouvrière au 6 février a été vive. Les planistes se trouvent donc, par rapport à la fin de 1933, doublement situés dans un porte-à-faux conjoncturel : leurs deux arguments tactiques essentiels — se désolidariser du régime parlementaire et proposer des « réformes de structures » comme un ensemble d’objectifs mobilisateurs — perdent de leur actualité, avec la mobilisation ouvrière contre ce qui est perçu comme une « menace fasciste », et la rupture totale du néo-Cartel. Dans ces conditions, Léon Blum a l’habileté de souligner que « la discussion ne subsiste que sur le mode de présentation, de publicité ». Toutefois, il souligne aussi les risques : la confusion et le scepticisme qui peuvent naître « devant le snobisme du plan ». D’ailleurs, souligne-t-il en faisant allusion à la planomanie qui s’est développée en dehors du mouvement ouvrier, « il y a trop de contrefaçons (...) le marché est encombré »33. Ces analyses inspirent la motion Blum-Lévy (soutenue par P. Faure, J.-B. Séverac, J. Longuet, Bracke, J. Lebas), qui recueille une large majorité : 1 956 voix contre 823, à une motion Seine-Hérault (signée par J. Zyromski, M. Pivert, A. Philip, J. Itard, P. Boivin, P. Bloch), qu’on ne peut toutefois pas identifier aux planistes, puisqu’on y trouve aussi les votes de la Bataille Socialiste. On y lit la phrase clé : « Une fois installé au pouvoir, le Parti dominé par le sentiment de sa mission révolutionnaire ne pourrait se laisser enchaîner ou limiter par aucun plan ou par aucun programme. »34. Le Plan est bien présent dans le texte, mais sous la forme d’un « plan méthodique de diffusion par brochures, tracts et conférences »35. Sur le terrain doctrinal, le Congrès rejette dans sa majorité, comme les précédents lors de la crise « Néo », le caractère révisionniste d’une transition planiste. Et, dans le domaine tactique, il ne veut pas reconnaître non plus au Plan le statut d’ensemble cohérent de mesures nécessaires.
15Paradoxalement, le Plan est à la fois trop contraignant pour une politique de court terme, et trop réducteur dans une perspective révolutionnaire de long terme. Léon Blum et la direction du parti socialiste ont bien perçu ce qu’ils avaient à y perdre : la liberté de manœuvre et d’ajustement, pour l’immédiat — alors qu’ils pensent que cette crise n’est pas la dernière du capitalisme ; et l’identité révolutionnaire, même verbale, pour un avenir indéterminé.
3. Échec des planistes et victoire du Plan.
• « Occasion perdue » ou travaillisme impossible ?
16Les études ou analyses existantes sur le planisme émanent de ceux-là mêmes qui en étaient porteurs : ils nous livrent une histoire vue d’en haut. Encore faudrait-il mesurer la portée du mouvement36. L’examen attentif de la presse socialiste en 1933-34 et des débats du Congrès de Toulouse ne permet pas de dire qu’il s’agit d’un mouvement qui porte en profondeur les militants du parti : on retrouve toujours les quelques membres de Révolution constructive, auxquels s’adjoignent une poignée de dirigeants. Au Congrès de Toulouse, ils occupent une place relativement importante dans les débats, car ils sont nombreux à intervenir, à l’exception de G. Lefranc : M. Deixonne, J. Itard, P. Boivin, P. Bloch, Coeylas, Desphelippon, et, à un moindre degré, A. Philip et J. Moch. Mais, outre les responsables résolument hostiles, plusieurs délégués soulignent le caractère confus du Plan, les difficultés pour le distinguer du programme. Chatignon, délégué de la Dordogne, exprime l’idée que « la lecture [des motions planistes] laisse l’impression que le socialisme est trop compliqué37. » Le planisme apparaît comme l’affaire de quelques spécialistes, et semble être revendiqué comme tel par certains : « le détail du Plan ? C’est avant tout affaire de techniciens38. » Le Plan est resté en grande partie l’idée des « Onze », fondateurs du groupe de Révolution constructive, presque tous jeunes professeurs, sans responsabilité politique majeure au sein de la SFIO. Dès le congrès de Toulouse, d’ailleurs, trois d’entre eux — sans doute parmi ceux qui allaient devenir les plus célèbres, Claude Lévy-Strauss, Pierre Dreyfus et Robert Marjolin, quittent le Groupe, qu’ils jugent trop critique vis-à-vis de la SFIO39. C’était, aux yeux des dirigeants socialistes un inconvénient supplémentaire : le Plan risquait d’apparaître comme une question réservée à des techniciens. Cela ne pouvait manquer de poser problème à un parti se voulant encore parti de militants, et resté très sensible aux critiques acerbes des communistes, qui dénoncent le Plan comme — entre autres arguments — substitut aux « luttes de masse ».
17Georges Lefranc, dans ses Mémoires, voit dans l’opposition de Léon Blum une triple raison : La première serait due à une pensée du dix-neuvième siècle, surtout « axée sur les problèmes de propriété », et ignorant les problèmes de gestion40. On a vu que Léon Blum n’ « ignore » pas ces problèmes, mais que la double contrainte de Tours l’empêche de s’y consacrer, par la crainte d’apparaître révisionniste. La seconde, d’ordre tactique, rejoint en fait la première : la volonté de ne pas « se couper de la Fédération du Nord » néoguesdiste, ni du secrétariat du parti, attaché à maintenir une phraséologie révolutionnaire. C’est aussi la troisième raison, qui a fortement pesé : Léon Blum a peut-être vu dans Révolution constructive une tentative nouvelle de créer — après l’échec d’Albert Thomas en 1919 — un travaillisme français, où la SFIO eût été subordonnée à la CGT. Et « il a sans doute soupçonné Léon Jouhaux d’être derrière l’opération »41. Les relations entre la direction de la SFIO et la CGT apparaissent, en effet, assez complexes. Le Populaire n’hésite pas à faire part des textes et manifestations de la CGT, et à donner des informations sur le Plan. La résolution du Congrès de Toulouse, qui contient les mesures préconisées contre la crise, précise : « Toutes ces mesures, dont un certain nombre coïncident (et le Parti s’en félicite) avec celles que la CGT a inscrites dans son plan, représentent un point de départ vers la réalisation du socialisme42. » Mais, avant le Congrès, Jean Zyromski, faisant allusion au discours de G. Guiraud lors du 1er mai, a parlé, dans la page sociale du Populaire, de « cette chimère d’un mouvement travailliste agissant sur le plan électoral, distinct et même opposé au mouvement socialiste43. » Léon Blum, en particulier, est très soucieux de bien dissocier la SFIO qui, comme à Tours, maintient la perspective révolutionnaire, de la CGT, ouvertement réformiste.
• Les « socialisations » et la victoire posthume des planistes.
18En réalité, l’échec immédiat du Plan ne fut peut-être pas aussi important que ne laisse supposer celui de Révolution constructive. Le rejet est surtout celui des planistes, qui ne parviennent pas à pénétrer la direction de la SFIO, ou du moins à l’approcher, si ce n’est le cas de Robert Marjolin, au moment même où il quitte les Onze. À la suite de plusieurs demandes, notamment de la Fédération de Paris, et du Congrès de Toulouse, il est chargé de diriger une rubrique régulière du Populaire, intitulée « La vie économique », qui paraît, pour la première fois, le 10 juin 1934 : Marc Joubert (c’est le pseudonyme qu’il a choisi), jeune économiste, devient ainsi le spécialiste des questions économiques et financières du principal quotidien socialiste44. De toute façon, à la suite du contact brutal de G. Lefranc et de L. Blum à la fin de janvier 1934 — qui aurait pu être évité, au prix d’une modification de l’article incriminé — il était vraisemblable que le groupe pouvait difficilement espérer se joindre à l’équipe dirigeante de la SFIO. Seul, Jean Itard entre à la CAP. Est-ce l’échec des planistes, amer pour Georges Lefranc, qui lui masque le moindre échec du Plan ?45 En effet, la motion votée à Toulouse fait mention, parmi les mesures envisagées, de « la socialisation des grandes industries monopolisées : chemins de fer, mines, électricité », ainsi que de « la socialisation du crédit et des assurances ».
19Peut-on affirmer, d’autre part, que le refus du Plan des planistes a empêché la SFIO de formuler un programme anti-crise réaliste, et d’étudier les problèmes techniques qu’il soulevait ?46 Dès 1934, Jules Moch, attentif au planisme, mais parfois critique, et parfaitement loyal à la direction socialiste, a créé l’Union des Techniciens Socialistes (UTS) à partir du Groupe polytechnicien d’Études collectivistes ou Anti-Colson, lui-même tendance de X-crise. Appuyée par Léon Blum, l’UTS, formée de techniciens et d’ingénieurs socialistes au-delà du cercle des Polytechniciens de l’Anti-Colson, est chargée de préparer les dossiers techniques pour les mesures à appliquer, dans l’éventualité de l’arrivée au pouvoir. Divisée en cinq groupes à ses débuts (Finances, Production, Distribution, Professions libérales, Questions militaires), elle s’étend ensuite, et entreprend notamment l’étude de la nationalisation des industries de base, le Plan de la CGT, l’Office du Blé...47. D’autre part, quelques semaines après le congrès de Toulouse, la signature du pacte d’unité d’action avec les communistes, loin de faire sombrer la question des nationalisations — appelées aussi « socialisations » dans la SFIO — la porte au premier plan : c’est même l’une des principales pommes de discorde entre les deux partis ouvriers. De manière (apparemment) paradoxale, les dirigeants socialistes les plus hostiles au planisme — Jean Lebas, Paul Faure — sont ceux-là mêmes qui réclament haut et fort la présence de « réformes de structures » dans la plate-forme commune négociée avec le PC48. La SFIO a rejeté les planistes, tout en conservant la partie essentielle du Plan : les nationalisations49. Victoire, posthume en quelque sorte, du planisme, à un moment où la plupart des planistes des origines ont trouvé refuge à la CGT.
II. LE PLAN DE LA CGT : UN DOUBLE MYTHE ?
1. L’élaboration du Plan : une affaire de spécialistes.
20À partir du schéma, rédigé par René Belin en janvier 1934, le Comité confédéral national (CCN) des 20-21 février adopte une résolution, où le terme de plan est absent, mais dont l’inspiration est nettement planiste50. G. Lefranc et J. Itard sont d’ailleurs plus explicites dans leur article du Populaire, intitulé : « La classe ouvrière a un Plan »51. Le texte de la CGT prévoit une série de mesures immédiates (réduction du temps de travail, fixation de salaires minima par industrie, grands Travaux d’intérêt public, prix rémunérateurs pour les produits agricoles), mais aussi un ensemble de « réformes de structures » : la « nationalisation du crédit », le « contrôle des banques et des industries clés par les représentants de la collectivité et des salariés » et la création d’un « organisme économique doté de pouvoirs lui permettant de coordonner la production et la consommation et de contrôler les différentes activités économiques »52.
• Un « brain trust quelque peu hétéroclite » (René Belin).
21Léon Jouhaux décide d’aller au-delà de cette ébauche, en formant un Bureau d’Études économiques, inspiré du Bureau d’Études sociales du POB. « Brain trust quelque peu hétéroclite », ce bureau comprend, autour du noyau des professeurs de l’Institut supérieur ouvrier (ISO) de la CGT (Ludovic Zoretti, Georges Lefranc, Franci Delaisi, Jean Duret, Lucien Laurat), des économistes, professeurs, ingénieurs, dont tous ne font pas partie du mouvement syndical : Étienne Antonelli, François Simiand, Achille Dauphin-Meunier (écrivant sous le pseudonyme de Pierre Ganivet)53, Louis Vallon et différentes personnalités, telles Paul Grunenbaum-Ballin54, ami de Léon Blum au Conseil d’État, Jacques Duboin55, Paul Mantoux, historien, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers56. Quatre commissions se mettent en place (nationalisation du crédit ; nationalisation des industries clés ; réforme de l’État ; assainissement de l’économie). À l’initiative de Jouhaux, le 7 avril 1934, sont convoqués les États généraux du Travail — « appellation pompeuse pour une sorte de meeting perfectionné et prolongé»57 — ou, à côté de la CGT, interviennent différentes organisations, destinées à représenter les classes moyennes, mais, en fait, assez marginales58. Le document adopté n’est pas présenté comme un « plan », mais un « programme » prévoyant : quinze milliards de travaux publics, la semaine de quarante heures, un Conseil national économique (comprenant des représentants de l’État, des syndicats ouvriers et patronaux et des techniciens), dont le rôle est de rassembler l’information statistique, d’élaborer un programme d’outillage national, d’assurer une « action régulatrice » par l’émission de titres, d’établir un plan réglant l’organisation des activités de base, et de créer tin organisme agricole fixant les prix...59.
• La chose du « Général ».
22Selon G. Lefranc, ces États généraux furent une « déception » pour les planistes, qui attendaient la naissance d’un véritable plan60. D’ailleurs, « la manifestation ne suscite qu’un faible écho »61. Le lendemain, le parti communiste manifeste contre « le plan fasciste de la CGT », et empêche la tenue d’un meeting au « Vel d’Hiv ». L’histoire du planisme à la CGT repose très largement sur les études ou témoignages de ceux qui en furent les acteurs, ou sur les textes imprimés. Cette situation tend à gommer les ambiguïtés ou difficultés du développement du planisme. Nous avons retrouvé dans les archives de Jean Zyromski plusieurs documents et, en particulier, une lettre de Ludovic Zoretti, fondateur et professeur à l’Institut supérieur ouvrier (ISO) de la CGT, qui fournit des précisions à la fois sur la chronologie et sur les conditions mêmes d’élaboration du Plan. Le Bureau d’Études économiques et ses commissions travaillent jusqu’en juillet 1934. Puis, Jouhaux charge Georges Bothereau, l’un des secrétaires qui lui est le plus proche, de rédiger un texte, qui est examiné, au début de septembre 1934, lors d’une réunion groupant Jouhaux, Bothereau, Belin — qui n’a eu aucune part à la rédaction — Zoretti, et peut-être Laurat62. Quelques critiques sont apportées, notamment de la part de Belin. Jouhaux se réserve lui-même ce qui intéresse le crédit. Une nouvelle rédaction est transmise au Bureau d’Études. Le texte définitif est préparé par Jouhaux63. L. Zoretti et, à un moindre degré, F. Delaisi font plusieurs objections à une nouvelle réunion de la fin septembre, au sujet des moyens d’actions envisagés et du caractère équivoque du Conseil supérieur de l’Économie, mais sans résultat. Au CCN d’octobre 1934, le texte est adopté, sans débat. Une réunion unique du bureau confédéral — en l’absence de Jouhaux — précise les décisions de propagande. Il n’y a ensuite plus aucune réunion jusqu’à la fin de 193464. Ce témoignage de L. Zoretti souligne deux aspects du Plan de la CGT :
- il a été essentiellement l’œuvre de quelques membres du Bureau confédéral proches de Jouhaux, et n’a pas fait l’objet d’un large débat : c’est, en fait, avant tout la chose du « Général »65.
- de « dangereuses équivoques » surgissent de la rédaction du Plan66.
• Un Plan à trois étages.
23En effet, pour lutter contre la crise et mener une politique opposée à la déflation, le texte prévoit la création d’un Conseil supérieur de l’Économie (CSE), pièce maîtresse de l’ensemble. Sorte de Conseil national économique renforcé, il est chargé de rassembler l’information, dresser un « plan de développement », contrôler les capitaux, fournir son avis au Parlement pour toute mesure économique et vérifier l’application de la réglementation économique. Le CSE doit également assurer le contrôle de la Banque de France nationalisée et de la réorganisation des banques (notamment la séparation des banques commerciales et d’investissement). En outre, les « industries clés » et les transports seront nationalisés sous une direction tripartite (producteurs, collectivité, usagers) et organisées par un Conseil supérieur des Industries nationalisées. Un programme de grands Travaux — en partie financé par la nationalisation du crédit — est destiné à provoquer le démarrage économique. Il est également prévu la semaine de quarante heures, sans diminution de salaires, (dont l’application sera garantie par les nationalisations et le « contrôle ouvrier »), la généralisation des conventions collectives, les congés payés, la prolongation de la scolarité et la « relève des travailleurs âgés »67.
• De « dangereuses équivoques » (Ludovic Zoretti).
24L. Zoretti, à la fin de 1934, est extrêmement critique dans sa correspondance avec J. Zyromski : « Le malaise grandit, les équivoques se multiplient. La direction confédérale est dépassée. Elle est incapable de fournir une interprétation précise de son plan. »68 Il joint la coupure d’un article qu’il a publié à la même époque, intitulé « Opinions sur le Plan », où il reprend une argumentation analogue : le Plan prête, dit-il, à des « interprétations contradictoires » et à de « dangereuses équivoques ».69 II insiste notamment sur des lacunes graves, le dosage entre les représentants ouvriers et les autres, au sein du CSE, le mode de décision, la place des « capitalistes » dans les nouveaux organes (Banque de France, Conseil des Industries nationalisées) : « On peut éplucher un oignon en enlevant les peaux l’une après l’autre, mais pas disséquer un tigre vivant en arrachant ses griffes une à une. »70
2. Le Plan, formule de compromis.
25Ces « interprétations contradictoires » issues des « dangereuses équivoques » d’une rédaction finale assurée pratiquement par Léon Jouhaux, expliquent, sans doute en partie, le long temps d’hésitation de la direction confédérale.
• Un mythe ambigu.
26Le Plan reposait sur l’idée que la seule garantie de succès des « réformes de répartition » (augmentation de salaires, semaine de quarante heures...) était d’opérer des « réformes de structures », nouvel avatar du mythe sorélien. Mais l’ambiguïté porte sur ces dernières. Elles entraînent une transformation des mécanismes économiques par l’intervention de l’État, sans toutefois entamer les bases « capitalistes », d’où les formules multiples.
• Un double obstacle.
27Deux facteurs, d’autre part, vont rendre la tâche de la direction confédérale encore plus malaisée. Après l’échec de l’emprise de Déat et des « Néos » sur le Plan, ce qui aurait pu le déconsidérer dans le mouvement ouvrier, les promoteurs du Plan doivent veiller à se démarquer des idées de Henri de Man, qui amorce, à partir de l’automne 1934, une forme de dérive, incluant notamment la référence à un certain corporatisme. Le groupe Révolution constructive, bien qu’il assure la publication des textes de Henri de Man, tient également à marquer ses distances71. La référence à Henri de Man, qui avait été, à partir du Congrès de Noël 1933 du POB, plutôt valorisante à l’intérieur du mouvement socialiste et syndical, le devient de moins en moins. Cette évolution se confirme en mars 1935, lorsque Henri de Man accepte de devenir ministre dans le gouvernement Van Zeeland, aux côtés d’autres membres du POB, dont P.-H. Spaak, jusque-là leader de l’aile gauche72. Or, au lieu d’appliquer « tout le plan, rien que le plan », comme de Man s’y était solennellement engagé en décembre 1933, les ministres socialistes n’empruntent que quelques mesures du Plan du POB : l’impact du terme de Plan, assimilé à l’idée d’un ensemble indissoluble de mesures immédiates, s’en trouve affecté, d’autant plus que la violente campagne antiplaniste des communistes trouve un argument supplémentaire73. L’hostilité des communistes représente, en effet, pour la direction de la CGT, une deuxième contrainte, qui pèse sur ses choix. Dès 1933, le parti communiste a dénoncé « le plan fasciste » de de Man, puis, en 1934, celui de la CGT. Et l’hostilité des communistes au planisme se confirme en 1935, malgré le tournant, opéré en 1934, en faveur de l’unité d’action.
III. L’UNITÉ D’ACTION ANTIFASCISTE : UNE IMPASSE SUR LE PROGRAMME ÉCONOMIQUE ET FINANCIER (février 1934-mai 1935)
28La riposte au 6 février 1934, amorce, on le sait, une mobilisation des partis ouvriers, de la CGT et de la CGTU, qui croient avoir décelé dans l’émeute une tentative de coup d’État de type fasciste74. L’expérience du mouvement ouvrier allemand et autrichien aidant, la marche à l’unité d’action s’engage à l’été 1934, après le tournant communiste et la levée des hésitations socialistes. Mais elle semble enlisée, à la fin de l’année, en particulier sur le contenu des mesures économiques et financières de lutte contre la crise.
1. De la division ouvrière à la signature du pacte d’unité d’action (février-juillet 1934).
29L’émeute du 6 février, et surtout la démission de Daladier, bien que fermement soutenu par le groupe parlementaire socialiste, surprennent les dirigeants de la SFIO, qui avaient d’abord misé sur leur action à la Chambre. Devant la nécessité ressentie d’une riposte, ils ne peuvent compter que sur la CGT pour opérer une mobilisation populaire, malgré les réticences de Jouhaux75. Cette dernière reporte pour le 12 février la grève, prévue primitivement pour soutenir le gouvernement Daladier, refusant de s’associer aux radicaux, aux communistes — qui ont manifesté seuls le 9 février — et à la CGTU. Des manifestations sont également prévues, malgré les hésitations initiales du secrétariat de la SFIO. Le 10, le PC décide de s’y associer. Antoine Prost a souligné l’élan unitaire des manifestations en province76. À Paris, les deux défilés, socialiste et communiste, d’abord séparés sur le cours de Vincennes, puis mêlés aux cris de « Unité d’action ! » sur la place de la Nation, ont souvent été présentés comme l’anticipation d’un rapprochement, sous la pression des aspirations unitaires de la base.
• Politique de « moindre mal » contre politique « du pire ».
30En fait, les deux courants du mouvement ouvrier divergent totalement, quant aux mots d’ordre et à la stratégie de lutte contre le fascisme. La SFIO et la CGT s’accordent pour dénoncer l’action des ligues, défendre la République et diffuser les solutions « socialistes » à la crise, qui s’identifient en grande partie à celles du Plan. Les communistes et la CGTU comptent surtout sur la mobilisation dans les luttes revendicatives et l’action syndicale, la mise en place de « comités de front unique » — rejetant les chefs « réformistes », « social-fascistes » — qui préparent les masses ouvrières à la Révolution, l’alternative restant, en conformité avec les analyses de l’Internationale — notamment celles du XIIIe Plénum de décembre 1933 — le fascisme ou le communisme77. Les deux branches du mouvement ouvrier semblaient plus éloignées que jamais, se rejetant la responsabilité des difficultés ouvrières : à l’accusation de politique « du moindre mal », répond celle de politique « du pire ». Peu de temps après l’émeute du 6 février, l’écrasement de la Commune de Vienne semblait condamner la politique de « moindre mal », et montrait, après l’exemple allemand, combien la division ouvrière pouvait être tragique pour le mouvement ouvrier78. Dès ce moment, Jean Zyromski — qui s’était manifesté par un comportement unitaire lors de la riposte au 6 février et avait fait pencher Léon Blum vers la décision de doubler la grève du 12 de manifestations — annonce : « Ou l’unité ouvrière se fera, ou nous connaîtrons de nouvelles défaites »79. Jusqu’à la signature du pacte d’unité d’action, le dirigeant de la Bataille Socialiste pousse son parti au dialogue privilégié avec les communistes, quelle que soit la violence de leurs attaques, afin de prolonger l’élan unitaire, qui s’est manifesté le 12 février. Au début de mars, la Fédération de la Seine fait des propositions aux organisations communistes. En revanche, le secrétariat de la SFIO et les dirigeants de la puissante Fédération du Nord, Jean Lebas en particulier, déjà réticents pour organiser des manifestations le 12, se montrent particulièrement peu enthousiastes. Le Conseil national de la SFIO, réuni au Pré-Saint-Gervais le 11 mars, enregistre la poussée de la tendance unitaire, en soulignant « le nouveau souffle » du 12 février. Il fixe comme objectif, outre « la coordination avec la CGT », « l’unité prolétarienne » et juge « la politique autrichienne de moindre mal aussi néfaste que la division ». Il propose la convocation d’un congrès extraordinaire et l’envoi d’une délégation à Moscou80. Pendant ce temps, le CC du parti communiste, lors de la session des 20 et 21 mars 1934, maintient l’analyse antérieure, refuse « le bloc avec le Parti socialiste »81.
• Le tournant du PCF (mai-juin 1934).
31La direction du PCF reste largement marquée par l’échec des négociations, engagées un an plus tôt auprès de la direction de la SFIO, et, surtout, la condamnation de l’Internationale pour cette démarche, à l’été 193382. Le maintien de la stratégie « classe contre classe » au sein du Komintern conduit les dirigeants français à éviter d’encourir le reproche d’« opportunisme de droite ». La liquidation politique de J. Doriot — qui préconise encore au CC de mars 1934 le contact avec les dirigeants de la SFIO — rend encore moins possible le changement de ligne par le PCF83. Le tournant, on le sait, s’amorce d’abord dans l’Internationale : au Présidium du 16 mai, qui condamne Doriot, Manouilski invite Thorez à engager des « pourparlers avec les chefs (...) sur les revendications concrètes ». Une semaine plus tard, deux articles de la Pravda, dont l’un signé par Thorez, rendent public le changement84. Pendant ce temps, l’aile unitaire semble s’étendre à la SFIO. Quelques jours avant le congrès de Toulouse, Jean Zyromski signale que les divergences entre communistes et socialistes diminuent « devant l’évolution fasciste du capitalisme », par rapport à celles que Léon Blum soulignait en 1927 dans ses articles intitulés « Bol-chevisme et Socialisme »85. Au Congrès lui-même, la résolution, œuvre de synthèse rédigée par Léon Blum, ne clarifie pas le débat entre ceux qui voient la révolution proche ou ceux qui, tels Blum ou le secrétariat, la repoussent à l’horizon. Mais plusieurs délégués ont insisté sur la nécessité de s’appuyer sur l’élan unitaire amorcé le 12 février. Le 31 mai, le PCF propose à la direction de la SFIO une campagne commune en faveur de E. Thaelmann, dirigeant communiste emprisonné par les nazis. Le 5 juin : confirmation de rencontre par le CC et, le 11 juin, première rencontre effective. La parution d’un article de Thorez injurieux pour les socialistes dans les Cahiers du bolchevisme — car composé depuis longtemps — interrompt les pourparlers, qui sont toutefois repris après le 25 juin86. La conférence nationale du PCF, réunie à Ivry les 23, 24 et 25 juin, marque l’engagement durable dans la voie de l’unité d’action87. Thorez énonce déjà sa conception d’un programme — qui sera celle du Front populaire, trois mois plus tard — reposant sur trois éléments :
- Il doit s’agir de revendications perceptibles pour les victimes de la crise.
- Ces revendications doivent être accompagnées d’une « action de masse », et non pas seulement jouer un rôle pédagogique.
- Elles doivent permettre d’arracher des « victoires partielles », propres à conforter et à étendre la mobilisation.
• Le pacte d’unité d’action (27 juillet 1934).
32Après la demande du CC du PCF de reprendre la négociation, une réunion commune publique est organisée, le 2 juillet. Le 12 juillet, le PC transmet un projet de pacte. Le principe est admis, par 3 471 mandats contre 366, au Conseil national de la SFIO du 15 juillet. Le pacte d’unité d’action est signé le 27 juillet 1934, à 11 heures, boulevard du Temple, dans un local des Coopératives de France : il définit l’action commune contre les ligues, pour « défendre les libertés démocratiques », contre « la terreur fasciste en Allemagne et en Autriche », mais aussi contre les décrets-lois88.
2. Deux stratégies : le chaud et le froid.
33Les deux partis s’associent au Parlement et dans le pays dans la lutte contre les ligues, les décrets-lois et, en septembre 1934, contre la réforme de l’État89. Mais les communistes proposent alors d’élargir, de manière spectaculaire, l’unité d’action, à la suite du premier tour des élections cantonales. Les résultats montrent en effet une progression de la droite et des communistes, et un affaiblissement des radicaux et des socialistes : le risque de polarisation rappelle fâcheusement la situation allemande. Pour le PC français, il ne s’agit pas d’imiter le parti allemand, qui se réjouissait de l’affaiblissement de la social-démocratie, alors que les nazis connaissaient la plus forte progression. Le surlendemain, 9 octobre, les délégués communistes au Comité de coordination proposent un projet de « programme commun » à la SFIO. Le lendemain, Thorez, dans un discours à la salle Bullier, propose un « large front populaire antifasciste », et ajoute que les communistes sont « à la pointe du combat pour le pain, la liberté et la paix »90.
• Les propositions communistes d’un programme de « Front populaire »
34Les propositions communistes comprennent essentiellement une liste de revendications immédiates pour les différentes catégories sociales, jugées victimes de la crise (abrogation des décrets-lois, semaine de quarante heures, création de délégués à la sécurité et à l’hygiène pour les ouvriers ; moratoire des dettes, assurances contre les calamités agricoles, révision du fermage, statut du métayage pour les paysans ; moratoire des dettes, institution de la propriété commerciale intégrale pour les petits commerçants et artisans ; généralisation des fonds de chômage, moratoire des loyers pour les chômeurs), ainsi que l’ouverture de « grands Travaux d’intérêt public »91. Ce sont, pour l’essentiel, des revendications soutenues par la CGTU, et acceptables, pour la plupart, par la SFIO. En revanche, les communistes prévoient le financement des grands travaux par « un prélèvement progressif sur les grosses fortunes », un impôt supplémentaire sur les « gros revenus » supérieurs à 50 000 F, ainsi que la récupération d’avances et la diminution de certains budgets (en particulier celui de la Guerre). Aucune nationalisation n’est citée. À la rubrique : « défense des libertés démocratiques », il est fait mention du « contrôle de la fabrication et du commerce des armes »92. Le 10 octobre, un appel commun pour le second tour des cantonales (intitulé « Votez rouge ! ») se prononce pour l’abolition des décrets-lois et le soutien aux revendications immédiates des chômeurs, paysans et petits commerçants. Le 24 octobre, Thorez vient à Nantes, où doit se tenir le lendemain le congrès du parti radical, et lance un appel aux radicaux, malgré les mises en garde de Togliatti, venu exprimer les réticences de l’Internationale, apparemment divisée sur son appréciation, quant à la capacité du PCF à maîtriser cet éventuel « Front populaire »93. Lors de cette initiative spectaculaire, le secrétaire général du PCF, qui dénonçait encore violemment au printemps la participation des radicaux au gouvernement d’Union nationale, (« qui prépare la dictature fasciste »94), attend sans doute un sursaut des radicaux devant les projets de réforme de l’État, et leur propose de participer à un « Front populaire du travail, de la liberté et de la paix (...) [pour épargner] la honte et les malheurs de la dictature fasciste »95.
• Stratégie pédagogique contre stratégie de lutte.
35Élargir l’alliance sur le terrain revendicatif dans une perspective antifasciste, telle est la stratégie communiste, rectifiée de manière spectaculaire depuis l’été. Outre l’unité d’action, le PC recherche l’unité syndicale dans une seule CGT, et « l’alliance de la classe ouvrière avec les classes moyennes »96. La stratégie socialiste est diamétralement opposée : enrichir le contenu de l’alliance, pour éviter de l’élargir. Pour le secrétariat et certains dirigeants comme Jean Lebas, l’unité d’action ne peut être que le prélude à 1’ « unité organique », c’est-à-dire « l’absorption du parti le moins fort par le plus fort »97. Les planistes de Révolution constructive trouvent une occasion nouvelle de défendre les « réformes de structures ». Pour Jean Itard (« Les dangers d’un antifascisme négatif »), l’antifascisme ne saurait suffire à résoudre la crise, mais la «politique du Plan» s’impose98. Le Conseil national de la SFIO repousse, le 24 novembre 1934, les propositions de programme du PC, ainsi que la démarche commune que celui-ci envisageait sur cette base aux deux confédérations ouvrières, CGT et CGTU. Au cours de la séance, Paul Faure juge le programme commun pas assez profond. Jean Lebas critique « l’hostilité du PC pour les réformes de structures » et, en particulier, au Conseil général du Nord, leur condamnation de l’Office du Blé. Jean Itard dénonce le programme « insuffisant » du PC, et souhaite l’unité organique99. Léon Blum rédige la réponse de la SFIO au PC au sujet d’un « programme d’action immédiate ». Il déplore que la proposition communiste ne contienne pas « une mesure d’essence socialiste... »100. La SFIO reprend son programme d’action de Toulouse, y compris la « socialisation des grands monopoles capitalistes ». En outre, les socialistes proposent au PC, comme base de discussion pour l’unité organique, la Charte de 1905101. La longue discussion, amorcée en octobre au sein du Comité de coordination, débouchant sur un refus de leurs propositions, les dirigeants communistes envoient une nouvelle lettre, le 9 décembre, à la CAP de la SFIO. Ils y défendent à la fois les mesures immédiates et le projet fiscal déjà proposés, et rejettent les nationalisations, en particulier celle du crédit102. Habilement, Jean Zyromski, l’un des plus unitaires parmi les dirigeants socialistes, propose au PC un nouveau texte qui, dans une première partie, énumère les mesures immédiates pour les différentes catégories de victimes de la crise (incluant toutefois les Offices agricoles)103. Malgré cela, c’est l’impasse : les conversations s’interrompent à la mi-janvier 1935104.
• Le rejet communiste du Plan et des nationalisations : pour un programme à chaud.
36En fait, la divergence entre les deux partis ouvriers ne porte pas seulement tant sur le contenu du programme — que les socialistes voudraient étendre davantage que les communistes — que sur sa fonction stratégique. Le PC défend une stratégie, fondée sur trois éléments :
- — la formulation de revendications immédiates ;
- — l’organisation de « luttes de masses », pour les imposer ;
- — l’élargissement aux classes moyennes, autour des acquis de ces « luttes ».
37L’action contre le fascisme passe, pour le PC, par la « lutte revendicative ». En décembre, le praesidium du Komintern confirme Maurice Thorez, venu rapporter sur la question française, dans l’idée du développement des luttes revendicatives105. Il s’agit donc, contrairement à la SFIO qui propose le programme socialiste de Toulouse, de formuler des mesures acceptables bien au-delà de la zone d’influence traditionnelle du mouvement ouvrier. Le débat se porte alors sur les nationalisations, présentées par les délégués socialistes. Le refus communiste est fondé sur des arguments d’ordre doctrinal, mais surtout d’ordre stratégique. L’objection doctrinale se résume ainsi : ou les nationalisations sont réalisables sans révolution sociale et elles sont inutiles, voire nuisibles, ou bien elles peuvent être efficaces, mais elles impliquent alors la révolution, ce qui est hors de saison. Pour le PC, il s’agit d’abord de définir quelles forces socio-politiques doivent exercer l’influence dominante dans l’État, lors des nationalisations106. Mais il semble que le refus des nationalisations ne procède pas tant d’un rejet dogmatique, que d’une inquiétude stratégique. Les dirigeants communistes, en particulier ceux qui dirigent la CGTU, redoutent que les masses ouvrières se reposent sur l’idée d’un Plan hypothétique, et n’abandonnent les « luttes », cœur de la stratégie anti-crise du PC. Gaston Monmousseau considère que le Plan est irréalisable, en « l’état actuel de l’opinion », et qu’il consacre « l’abandon de la lutte revendicative »107. Benoît Frachon, à la fois secrétaire général de la CGTU et membre du BP du PCF, présente, en février 1935, un rapport au Comité Central sur « les luttes revendicatives pour la défense des conditions de vie des masses laborieuses » : « La chose essentielle qui nous différenciait des dirigeants réformistes, c’est qu’ils redoutaient, au plus haut point, l’action de la classe ouvrière, que tout leur programme, leur « plan » s’inspiraient du souci d’empêcher cette action et que nous, au contraire, nous comptions uniquement sur la pression des masses pour imposer leurs revendications »108. La position des communistes n’est pas — on le sait bien — fixée une fois pour toutes sur la question des nationalisations. Ils redoutent que des « réformes de structures » opérées à froid, sans « action de masse », ne soient qu’une duperie, un simple replâtrage, d’autant plus que, jusqu’à l’été 1935, une certaine confusion se manifeste entre nationalisation et socialisation révolutionnaire. Leur seul exemple à chaud est la révolution bolchevique, où « la nationalisation s’est faite non par le rachat et sous le contrôle bureaucratique de l’État bourgeois, mais par l’expropriation, sous la direction et le contrôle des masses ouvrières »109.
• Les vertus pédagogiques des nationalisations et de « l’ordre socialiste ».
38À la SFIO, en revanche, la plupart des dirigeants critiquent le caractère insuffisant du programme commun proposé par le PC. Jean Itard oppose à la « conception étalagiste » du programme, le « caractère socialiste » du Plan. À la différence des communistes, les socialistes croient en la valeur pédagogique d’un programme contenant des « mesures socialistes ». Cependant, les critiques communistes à l’égard du Plan de la CGT trouvent leur écho au sein de la SFIO. Jean Zyromski, par deux fois, signale dans Le Populaire qu’il ne saurait y avoir de Plan, sans la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, « condition si ne qua non de toute politique cohérente de nationalisation »110. Il souligne les ambiguïtés du Plan de la CGT sur la nature de l’État et la composition du Conseil Supérieur Économique. C’est le moment où la direction de la SFIO prend explicitement ses distances avec Henri de Man. Jean Lebas (qui était déjà monté au créneau contre Déat et avait, le premier, forgé, à son intention, le terme de « néosocialiste ») croit déceler des traces de néosocialisme dans les propos tenus par Henri de Man à la conférence qu’il a prononcée, le 10 décembre 1934, à la Sorbonne. Ce soir-là, le vice-président du POB explique : « L’essence de la nationalisation est moins le transfert de la propriété que le transfert d’autorité ou, plus exactement, le problème de la gestion prend le pas sur celui de la possession...111. La direction de la SFIO, par la plume de Jean Lebas, ne peut accepter ce révisionnisme managérial : « Le mode de gestion résulte de la propriété collective des entreprises », et non l’inverse112.
39Ainsi, en partie poussés par la critique communiste, les dirigeants socialistes séparent à l’intérieur du planisme, « le bon grain de l’ivraie » : ils conservent l’idée que les nationalisations représentent des moyens — en particulier financiers — de réaliser les mesures immédiates de relèvement du pouvoir d’achat. Mais ils refusent l’idée d’une économie mixte. Même les planistes de Révolution constructive, pour ne pas apparaître révisionnistes, expliquent que les mesures du Plan sont des socialisations révolutionnaires. Ils tiennent surtout à se démarquer des « Néos » qui, au début de février 1935, adoptent le Plan de la CGT (« le pire qu’il pouvait arriver au Plan », G. Dumoulin)113. Les partisans les plus résolus de l’unité syndicale et de l’unité d’action avec les communistes, tel Jean Zyromski, soutiennent, comme en 1934, la « socialisation » sans rachat, et précisent que l’expropriation politique de la bourgeoisie précède son expropriation économique114. Ainsi, de manière paradoxale, les socialistes opposent au projet de programme communiste des nationalisations qu’ils ne veulent, ou n’osent pas distinguer des socialisations révolutionnaires, rejetées cependant dans un avenir indéterminé par les principaux dirigeants comme L. Blum, P. Faure ou J.-B. Séverac. Pour eux, le programme doit porter la « marque », le « sceau », la « griffe » socialiste : « Nous tenions à (...) démontrer [aux masses] que même leur action de revendication immédiate, même leur lutte quotidienne, doivent être clairement ordonnées vers le but socialiste »115. Ils croient dans les vertus pédagogiques et démonstratives des mesures socialistes, chargées de rétablir 1’ « ordre » au milieu de 1’ « anarchie » de la crise capitaliste. En donnant au programme de rassemblement la « griffe » socialiste, cela permet à la SFIO de le maîtriser, et d’éviter la constitution d’un front trop large, purement revendicatif, dont ils redoutent que les communistes ne prennent la tête. De plus, le secrétariat, la Fédération du Nord et l’aile droite de la SFIO (A. Rivière, L.-0. Frossard, qui ne quitte le parti qu’à l’été 1935) insistent sur la nécessité d’assortir l’unité d’action de l’unité organique, fondée sur la Charte de 1905, moyen d’effacer Tours, en faisant rentrer les communistes dans « la vieille maison ».
• Une impasse au printemps 1935.
40À la suite de la publication d’un numéro des Cahiers du Boichevisme (février 1935), particulièrement critique à l’égard des socialistes, Jean Lebas demande de reconsidérer l’unité d’action. Il est soutenu, les jours suivants, par plusieurs dirigeants, dont A. Rivière116. Un Conseil national est chargé de débattre de la question, au début de mars. Quelques jours auparavant, Léon Blum met en garde ses amis sur les risques d’une rupture de l’unité d’action, tout en en soulignant les aspects positifs et en rappelant rétrospectivement, les graves conséquences qu’un refus initial aurait signifié pour la SFIO117. Vincent Auriol souligne que la fin de l’unité d’action entraînerait « une grande déception pour les masses qui ne lisent pas les Cahiers du Boichevisme »118. Léon Blum, toujours soucieux de synthèse, croit pouvoir résumer ainsi le débat : « Personne ne veut rompre mais personne n’est satisfait »119. Le 14 mars, la CAP envoie une lettre au PC, faisant part de ses inquiétudes sur le contenu de l’article incriminé, et demande d’accélérer la marche à l’unité organique. Pendant ce temps, le PC mise sur la dynamique unitaire à la base pour débloquer la situation. Après la séance du Comité central des 15 et 16 février, exclusivement consacrée aux luttes revendicatives, les communistes comptent sur l’aspiration à l’unité syndicale. Les dirigeants communistes misent sur l’irréversibilité de l’aspiration unitaire en milieu ouvrier, et sur la force d’attraction des syndicats uniques pour attirer des non-syndiqués et, ainsi, renverser les rapports de forces syndicales, toujours favorables à la CGT en 1935, tout en faisant triompher leur conception du programme120. Ils souhaitent également créer un vaste réseau de « comités de front unique », ou encore appelés « comités de Front populaire », organisés à la base et recrutant au-delà des militants des partis ouvriers. Cette stratégie basiste devrait lever les hésitations socialistes. Mais, précisément, elle inquiète la direction de la SFIO et, encore davantage, celle de la CGT. En février, la direction du PC, reprenant les propositions de la Fédération socialiste de la Seine, propose d’appuyer la manifestation syndicale du 1er mai, et d’envoyer une délégation des deux partis auprès des deux confédérations syndicales, pour essayer d’obtenir une manifestation unique. En outre, le PC tient à ne pas couper les ponts sur le terrain électoral, après son succès des cantonales : dès janvier 1935, il propose et fait accepter par la SFIO un accord de désistement réciproque pour le second tour des élections municipales, prévues pour mai. Enfin, il ne s’agit pas de paraître rejeter les avances socialistes sur l’unité organique. Le PC reprend encore une initiative de la Fédération socialiste de la Seine, et demande la réunion d’assemblées communes à la base, en préalable à une conférence nationale des deux partis. Démarche sans doute de pure forme, dès le moment où les socialistes proposent comme base pour le nouveau parti unique la Charte de 1905, et les communistes le programme de la IIIe Internationale ! Lorsque, au début de mai 1935, Staline fait, lors de la visite de Laval, sa spectaculaire déclaration, dans laquelle il approuve la politique de défense nationale de la France, les dirigeants socialistes craignent d’être entraînés dans une nouvelle forme d’Union Sacrée121. Comme les communistes soutiennent les termes de la déclaration, les dirigeants de la SFIO, Léon Blum en tête, veulent s’assurer d’abord de l’unité organique122.
***
CONCLUSION DU CHAPITRE V
41Ainsi, après neuf mois d’unité d’action, il semble que, entre les partis du mouvement ouvrier et, encore davantage, entre les deux confédérations syndicales, la gestation d’un programme commun soit totalement paralysée. Du moins, auront-ils servi à mettre en évidence les terrains de désaccord. Mais la dynamique unitaire, alimentée par les élections municipales, la crise ministérielle de juin et la préparation du 14 juillet 1935, va surmonter les obstacles.
42En fait, la relève de la politique des gouvernements d’Union nationale se construit sur le terrain de l’« antifascisme » d’abord, et seulement de manière seconde sur une réaction hostile à la déflation. Aussi, les difficultés pour parvenir à un projet commun de politique économique et financière résultent-elles de l’opposition stratégique des deux partis du mouvement ouvrier : stratégie « chaude » contre stratégie « froide », pédagogie de la lutte revendicative contre pédagogie de l’analyse en termes d’« ordre socialiste ». Au-delà des débats sur les remèdes contre la crise économique, les divergences reflètent le souci de s’assurer l’hégémonie doctrinale et politique dans le mouvement ouvrier. Ainsi, le Plan apparaît davantage comme un instrument pour asseoir cette hégémonie que comme un ensemble détaillé de mesures cohérentes contre la crise.
43La SFIO dispose certes, depuis 1933-1934, d’une politique anti-crise, la reflation, mais sur elle pèse la double contrainte de Tours, qui ferme la voie à tout réformisme doctrinal explicite comme à tout renforcement de l’État, avant ou sans la révolution.
44Les conditions de la poussée « antifasciste », dans la perspective des élections de 1936, vont toutefois conduire les partis ouvriers à s’entendre sur une relève commune à la politique de déflation.
Notes de bas de page
1 La Voix du Peuple, juin 1933. Cf. Jean-François Biard, Le socialisme..., op. cit, p. 119. Sur Albert Thomas, cf. B.W. Shaper, Albert Thomas, 30 ans de réformisme social, Paris, 1979.
2 Sur Henri de Man, cf. Michel Brelaz, Henri de Man, une autre idée du socialisme, Genève, 1985, 814 p.
3 Cf. Zeev Sternell, Ni droite, ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Paris, 1983, 403 p.
4 Georges Lefranc, « Le courant planiste dans le mouvement ouvrier français de 1933 à 1936 », Le Mouvement social, n° 54, janvier-mars 1966, p. 69-80.
5 Zeev Sternell, Ni droite..., op. cit., p. 268.
6 Pierre Ganivet est le pseudonyme d’Achille Dauphin-Meunier.
7 René Belin, Du secrétariat de la CGT au gouvernement de Vichy, Mémoires (1933-1942), Paris, 1978, p. 46. Il s’agit, en fait, d’un recueil de souvenirs rassemblés par Georges Lefranc.
8 Ibid., p. 46.
9 Dans l’attente de l’achèvement des travaux sur Révolution constructive, on dispose de Georges Lefranc, « Histoire d’un groupe du parti socialiste SFIO, Révolution constructive (1930-1938) », in Essais sur les problèmes socialistes et syndicaux, Paris, 1970, p. 169-196. Cf. Révolution constructive, Valois, Paris, 1932 ; les huit Cahiers de Révolution constructive, en particulier le 1er : Henri de Man, « Pour un Plan d’action », et le 8e : Henri de Man, « Le socialisme devant la crise », tous deux préfacés par Georges Lefranc. Cf. également Georges Lefranc, « Rétrospectives, I, II et III », Cahier et Revue de l’Ours, nos 117, 118 et 119, février-avril 1981.
10 Cf. Le Populaire, 4, 5, 17, 18, 19, 21, 22, 25 et 26 janvier 1934. Articles reproduits en partie par Jean-François Biard, Le socialisme..., op. cit., p. 293 et suiv. Cf. également Michel Margairaz, Les propositions..., op. cit., ch. III.
11 Le Populaire, 25 janvier 1934.
12 « Socialisations et socialisme », Le Populaire, 26 janvier 1934.
13 « Pour un Plan de construction socialiste », Le Populaire, 17 janvier 1934.
14 «Crise, pouvoir, socialisation», Le Populaire, 1er février 1934 ; Discours à la manifestation du Parc des Expositions, Le Populaire, 3 février 1934.
15 Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 209.
16 Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 185. Cf. également Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, t. 2, Les militants (1927-1939), Paris, 1975, p. 227.
17 « Crise, pouvoir, socialisation », Le Populaire, 1er février 1934 ; Discours à la manifestation du Parc des Expositions, Le Populaire, 3 février 1934.
18 Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 209.
19 Georges Lefranc et Jean Itard, « La classe ouvrière a un plan », Le Populaire, 13 février 1934. Souligné dans le texte.
20 Georges Lefranc n’évoque pas cet épisode dans ses mémoires, « Rétrospectives II », Cahier et Revue de l’Ours, n° 118, mars 1981.
21 Pierre Boivin, Le Populaire, 16 mai 1934.
22 « Encore à propos de Plans », Le Populaire, 3 février 1934. J.-B. Séverac est l’auteur notamment des Lettres à Brigitte, plusieurs fois rééditées.
23 Centre d’Histoire du Syndicalisme et des Mouvements sociaux (noté infra : CHSMS), Archives Zyromski (inventoriées et classées par Cl. Pennetier), d. B.III 9, doc. 21, lettre de Georges Lefranc à Jean Zyromski, 29 mars 1934, 4 p.
24 Idem. ; souligné dans le texte. On apprend par Desphelippon, délégué de la Seine au Congrès de Toulouse, que la Commission ne s’est même pas réunie. Compte rendu XXXIe Congrès, p. 295 (noté infra : C.-r. XXXI).
25 Georges Lefranc, « Rétrospectives II », Cahier et Revue de l’Ours, n° 118, mars 1981, p. 52.
26 Cité par André Philip, Les socialistes, Paris, 1967, p. 76.
27 C.-r. XXXI, p. 208.
28 Ibid., p. 217.
29 Ibid., p. 237.
30 Ibid., p. 212.
31 Ibid., p. 188 et compte rendu dans Le Populaire, 22 mai 1934.
32 Ibid., p. 352-3 ; cf. Michel Margairaz, Les propositions..., op. cit., p. 247.
33 Ibid. Outre le Plan des Néos., il y a le Plan du 9 juillet ; dont on reparlera (cf. infra, ch. VIII et XI).
34 Ibid.
35 Ibid. Boivin, Itard, Moch, Philip et Paz font toutefois partie de la Commission des résolutions.
36 Cf. Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 220 et suiv. et Le mouvement syndical..., op. cit., p. 311.
37 C.-r. XXXI, p. 237, ainsi que l’intervention de Vielle (Gironde).
38 Ibid. p. 295, intervention de Desphelippon (Seine).
39 Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 192.
40 Georges Lefranc, « Rétrospectives II », Cahier et Revue de l’Ours, n° 118, mars 1981, p. 53.
41 Ibid.
42 Cité dans Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 208.
43 Le Populaire, 3 mai 1934.
44 Il travaille également à l’Institut de Recherches économiques et sociales de Charles Rist. Cf. Robert Marjolin, Le travail d’une vie, Mémoires 1911-1976, Paris, 1986, 445 p.
45 Georges Lefranc, Visages du mouvement ouvrier, Paris, 1982, 232 p.
46 C’est le propos de J.-F. Biard, Le socialisme..., op. cit., p. 233.
47 Jules Moch, Rencontres..., op. cit., p. 118, et Une si longue vie, Paris, 1976, p. 81-82.
48 Cf. Infra, chapitre VI.
49 Contrairement à ce que défend Georges Lefranc, Léon Blum semble avoir su séparer le bon grain (le Plan) de l’ivraie (le néo-socialisme). Cf. Cahiers Léon Blum, n° 15, 1984, p. 2.
50 Cf. supra, p..
51 Le Populaire, 13 mars 1934.
52 Le Populaire, 1er avril 1934.
53 Paradoxalement, René Belin, écarté par Léon Jouhaux, ne fait pas partie du bureau. Sur l’ISO, cf. les différents fascicules imprimés, entre 1933 et 1938, notamment le n° 9, « Crise et plan », recueil de 15 conférences, 1935. Cf. également Georges Lefranc, «Une expérience d’éducation ouvrière», in Essais..., op. cit., p. 221 -242 et « Rétrospectives II », Cahier et Revue de l’Ours, n° 118, mars 1981, p. 24 et suiv.
54 Il va contacter Léon Blum, de la part d’Alexandre Lambert-Ribot, au plus fort des grèves de 1936, afin de convoquer la conférence tripartite à Matignon (Jules Moch, Rencontres..., op. cit., p. 233). Il est ensuite surarbitre dans les conflits du travail.
55 Le chef de file des « abondantistes ».
56 Auteur d’un ouvrage de référence sur la révolution industrielle.
57 René Belin, Du secrétariat..., op. cit., p. 47.
58 Paul Rivet, du Musée de l’Homme, René Belin, pour les Anciens Combattants, Dablincourt, pour la Confédération des Travailleurs intellectuels (CTI), Calveyrac, pour la Confédération de la petite propriété paysanne.
59 Le Populaire, 8 avril 1934.
60 Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 211.
61 René Belin, Du Secrétariat..., op. cit., p. 47.
62 CHSMS, Archives Zyromski, d. B.III, ch. 11, Lettre de Ludovic Zoretti à Jean Zyromski, Caen, 24 décembre 1934, 2 p. manuscrites.
63 Idem. Zoretti signale « confidentiellement » à Zyromski, que Belin a été délibérément tenu à l’écart ; d’où l’amertume de ce dernier dans ses Mémoires.
64 Idem. Le CCN n’a pas lieu en septembre, comme l’indique Georges Lefranc (Essais..., op. cit., p. 211).
65 Surnom de Léon Jouhaux ; cf. René Belin, Du secrétariat..., op. cit., p. 45.
66 Expression de Ludovic Zoretti dans un article, intitulé « Opinions sur le Plan », dont la coupure est également transmise à Jean Zyromski avec la lettre citée.
67 Cf. Le Peuple, Le Populaire, 29 octobre 1934.
68 CHSMS, Archives Zyromski, d. B.III, ch. 11, lettre citée.
69 Idem.
70 Idem.
71 Georges Lefranc, Essais..., op. cit., p. 212.
72 Paul-Henri Spaak, Combats inachevés, Paris, t. 1, 1969, p. 26.
73 Cf. Georges Lefranc, Histoire du Front populaire, Paris, 1966.
74 Cf. Ibid. ; et Henri Dubief, Le déclin de la IIIe République, Paris, 1976, 252 p.
75 Cf. René Belin, Du secrétariat..., op. cit., p. 21 et André Delmas, Mémoires d’un instituteur syndicaliste, Paris, 1979, 478 p.
76 Antoine Prost, « Les manifestations du 12 février 1934 en province », Le Mouvement social, n° 54, janvier-mars 1966. Article réédité in La France en mouvement 1934-1938, Paris, 1986, p. 12-30.
77 Cf. Milos Hajec, Storia dell’Internazionale communista (1921-1935), Rome, 1972.
78 Cf. Le Populaire, 16 février 1934.
79 Le Populaire, 17 février 1934.
80 Le Populaire, 12 mars 1934.
81 Résolution du CC (20-21 mars 1934) du PCF, Cahiers du Bolchevisme, n° 7, 1er avril 1934, p. 399-402.
82 Cf. A. Agosti, La Terza Internazionale. Storia documentaria, Rome, 1971-1979 et Milos Hajek, Storia..., op. cit.
83 Cf. J.-P- Brunet, « Réflexions sur la scission de Doriot (février-juin 1934) », Le Mouvement social, n° 70, janvier-mars 1970, ainsi que sa thèse, et Dieter Wolf, Doriot, trad. fr., Paris, 1969.
84 Cf. Jules Moch, Rencontres..., op. cit., p. 67.
85 « Pour l’unité », Le Populaire, 5 mai 1934.
86 Jules Moch, Rencontres..., op. cit., p. 67, et Le Front populaire, Paris, 1971, p. 80.
87 Cité in Cahiers d’Histoire de l’IRM, 1984, n° 18, cité, p. 18. Cf. IRM, Archives de l’IML, d. 677, p. 38 ; intervention de Maurice Thorez à la conférence nationale d’Ivry (23-25 juin 1934).
88 Jules Moch, Le Front..., op. cit., p. 68. Il se crée un Comité de Coordination entre les deux partis, composé de sept délégués.
89 « Communiqué unitaire », à la suite du discours de Gaston Doumergue, Le Populaire, 27 septembre 1934.
90 Jules Moch (Une si longue..., op. cit.) trouve le projet communiste « terriblement conservateur ».
91 Cf. Cahiers du Bolchevisme, 1er octobre 1935, p. 1162-1163 ; Le Populaire, 28 novembre 1934, L’Humanité, 24 novembre 1934.
92 Intervention à la Chambre, 13 novembre 1934, cité in Maurice Thorez, Œuvres, L. II, t. 7, Paris, 1952, p. 91-112.
93 Cf. A. Ceretti, À l’ombre des deux T, Paris, 1973.
94 L’Humanité, 13 avril 1934.
95 Discours du 1er novembre 1934, in Maurice Thorez, Œuvres..., op. cit., p. 72.
96 Ibid., p. 67.
97 Jules Moch, Le Front..., op. cit., p. 69.
98 Le Populaire, 29 octobre 1934.
99 Le Populaire, 25 novembre 1934.
100 Le Populaire, 28 novembre 1934. Souligné dans le texte.
101 Ibid.
102 Le Populaire, 11 décembre 1934 ; Maurice Thorez commente la lettre devant l’Assemblée d’information de la région parisienne, le 20 décembre 1934. Cf. Cahiers du Bolchevisme, janvier 1935.
103 Le Populaire, 18 janvier 1935.
104 C’est également l’impasse dans le rapprochement entre CGT et CGTU, dont les délégations se rencontrent une première fois en octobre 1934, puis en janvier 1935, sans avoir progressé sur la voie de la réunification.
105 Cf. Milos Hajek, Storia..., op. cit.
106 Maurice Thorez, Cahiers du Bolchevisme, janvier 1935.
107 Cahiers du Bolchevisme, février 1935.
108 IRM, Archives de l’IML, d. 721 (CC des 15-16 février 1935), p. 55.
109 Idem, p. 50.
110 « Politique syndicale ». Le Populaire, 30 novembre 1934 ; cf. également « Planisme et socialisme », Le Populaire, 24 décembre 1934.
111 Le Populaire, 14 janvier 1935.
112 Idem.
113 Cf. Pierre Boivin, « Ce que nous pensons des Néos », Le Populaire, 1cr février 1935.
114 L’article de Jean Zyromski, « Unité avec Staline » (Le Populaire, 18 janvier 1935) fait grand bruit à la SFIO.
115 Léon Blum, « Le programme commun », Le Populaire, 20 janvier 1935.
116 Le Populaire, 18 février 1935 et 20 février 1935.
117 Le Populaire, 25 février 1935.
118 Ibid.
119 Ibid.
120 Cahiers du Boichevisme, 1er mars 1935.
121 Le Populaire, 17 mai 1935.
122 « L’unité organique d’abord », Le Populaire, 18 mai 1935.
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