L’émergence d’une culture de l’innovation : L’exemple du gaz naturel chez Total (1951-2000)
p. 213-232
Plan détaillé
Texte intégral
Introduction
1Présentée aujourd’hui par Total comme une composante essentielle de la stratégie du groupe, l’activité gazière n’a pourtant pas toujours été aussi valorisée qu’aujourd’hui. Sa reconnaissance a été longue. L’activité gazière est un exemple de construction progressive d’une compétence organisationnelle qui s’est faite par tâtonnements, essais et erreurs mais aussi à partir d’une stratégie volontaire de quelques pionniers. Ils se sont appuyés sur des réseaux internes et externes afin de relayer et de développer leur action, mais aussi de contourner les freins importants dans un milieu longtemps dominé par des managers plutôt intéressés par le pétrole. Pas à pas, ils ont su construire une communauté professionnelle et culturelle centrée sur le gaz au cœur d’entreprises dont l’identité, les technologies, les méthodes de ventes ou de gestion étaient fondées sur le pétrole et ses dérivés. Comment parvenir à convaincre les plus hauts dirigeants de l’importance de valoriser ce « sous-produit » ou d’innover dans des technologies apparemment moins complexes que celle du noble « or noir » ? Pour y parvenir, les premiers dirigeants des divisions gaz ont su combiner des innovations de rupture : développement de compétences juridiques ou économiques nouvelles, alliances technologiques avec des sous-traitants, construction de réseaux sociotechniques. Ils ont su exploiter des compétences organisationnelles établies en les recomposant ou en les important dans un nouveau domaine d’activité, le gaz. Ils ont su développer un discours et des méthodes de communication partagées par leur groupe et compatibles avec les normes culturelles ou de communication dominantes dans l’organisation. Bref, ils ont dû inventer un langage particulier. L’histoire de la direction gaz de Total s’articule en deux grandes périodes depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à l’époque actuelle. À partir de la décennie 1950, une économie gazière se met petit à petit en place. La situation interne de l’activité gazière est différente au sein des entreprises ERAP et CFP, qui à terme seront regroupées dans l’entité Total.
2Dans ce contexte, le gaz apparaît globalement encore comme marginal dans les préoccupations stratégiques et l’organisation des futures composantes de Total. Toutefois la prise de conscience semble réelle. Pour autant, plutôt qu’une stratégie de développement systématique, il paraît plus réaliste d’évoquer ici une stratégie de placement ou d’attente.
3L’affirmation de l’importance stratégique du gaz va s’accélérer dans le courant des années 1970 pour plusieurs raisons. La première est technologique. Dans la seconde moitié des années 1960, la généralisation du procédé de liquéfaction modifie bientôt les contraintes techniques et économiques attachées au transport de gaz. La seconde est économique. La crise du pétrole qui débute en 1974 renchérit fortement le prix de l’huile. Du même coup, le gaz devient une source d’énergie compétitive. Ceci se concrétise par la création d’une direction du gaz en 1972 au sein de la future compagnie Total.
4Les années 1980 à 2000 voient une affirmation paradoxale de la réussite du gaz. Sur les marchés et dans le chiffre d’affaires des pétroliers français, le gaz apparaît désormais comme une activité centrale. Les manœuvres stratégiques de recentrage ou de diversification, les fusions et les réorganisations qui rythment ces deux décennies ont sans doute joué un rôle important dans cette prise de conscience. La recherche plus poussée d’une nouvelle gestion plus économe et moins polluante de l’énergie a contribué à la valorisation du gaz. La régulation des marchés évolue, notamment du fait des changements technologiques.
5Cet exemple souligne à quel point l’innovation interroge les grands équilibres technologiques et sociopolitiques d’une organisation. De ce point de vue, tout en permettant de souligner le rôle de quelques pionniers, il relativise l’idée schumpétérienne d’une innovation linéaire portée par un individu, défini comme « entrepreneur ». Il suggère, comme cela a été prouvé par d’autres recherches en gestion (centre de sociologie de l’innovation ou centre de gestion scientifique à l’École des mines, centre de recherche en gestion à l’École polytechnique), la dimension collective et institutionnellement située des processus d’innovation. Ainsi l’exemple du gaz interroge les frontières conceptuelles classiques qui opposent l’inventeur à l’entrepreneur et du coup l’invention à l’innovation. Ici il faudrait plutôt parler d’une innovation chandlérienne portée par des pionniers qui construisent des réseaux à l’intérieur de l’entreprise.
I. Les débuts du gaz ou la période des « coups » économiques et techniques (1950-1970)
6En France, l’industrie gazière démarre lentement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, même si les prémices de cette nouvelle activité remontent à la fin des années 19301. Paradoxalement, les choses s’accélèrent avec la découverte du gisement de Lacq alors même que les ingénieurs, à la recherche de pétrole, voient plutôt d’un mauvais œil cette importante réserve de gaz. Dès lors, il faut inventer des solutions techniques innovantes pour permettre l’exploitation et le transport des produits depuis ce site vers le reste de la France, jusqu’à l’invention d’un marché et des premières méthodes de calcul de coûts et de prix. Rapidement, d’autres découvertes en Algérie imposent un changement d’échelle et la résolution de problèmes techniques, notamment pour le transport, de plus en plus complexes.
A. Les prémices du gaz en France : de la déception aux premières innovations techniques et économiques
7Depuis juillet 1939 et la découverte du gisement de Saint-Marcet, les dirigeants de l’État et des entreprises privées ont été amenés à poser les premières pierres de la future activité gazière nationale. Leurs actions sont tantôt complémentaires, tantôt concurrentes. Le gisement de Saint-Marcet voit par exemple intervenir la RAP, la Compagnie française des pétroles (CFP), une association privé-public pour la recherche et l’exploration des hydrocarbures appelée la Société nationale des pétroles d’Aquitaine (SNPA)2. En 1945, le Bureau de recherches de pétrole (BRP) est créé le 12 octobre par ordonnance3. Cette place de l’État s’explique de plusieurs façons. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’objectif de l’État est de construire une industrie nationale de l’énergie intégrée et indépendante. Par ailleurs, l’essentiel des financements de l’activité pétrolière vient des pouvoirs publics car les banques privées sont assez réticentes à s’investir dans cette industrie4. Même s’il s’agit d’un petit gisement, Saint-Marcet soulève rapidement plusieurs problèmes.
8Il s’agit de construire un nouveau marché pour le gaz naturel découvert alors que jusqu’ici le gaz de houilles – dit gaz de ville – était dominant. Les choses vont vraiment prendre leur essor avec la découverte du gaz de Lacq dont l’histoire débute par un malentendu industriel.
9Un premier gisement pétrolier est mis en exploitation par la SNPA le 15 janvier 1950. Les perspectives paraissent importantes, mais le 19 décembre 1951, une importante quantité de gaz jaillit. Pour les tenants du pétrole, c’est une cruelle déception5. Cette découverte est vécue avant tout comme une situation d’urgence à gérer car le puits est beaucoup plus puissant que celui de Saint-Marcet. Après une période d’espoir, les ingénieurs doivent admettre en définitive qu’il s’agit bien d’un gisement de gaz.
10Il n’existe pas à l’époque en France d’expertise significative sur les problèmes du gaz naturel6. La référence, une fois encore, reste les États-Unis qui disposent d’une industrie en pleine croissance depuis l’entre-deux-guerres7. Du point de vue technique, le gisement de Lacq est un défi par rapport à Saint-Marcet : la pression au fond est très forte, la température deux fois plus élevée, le gaz contient une proportion importante d’hydrogène et de gaz carbonique qui exerce une action fortement corrosive sur les tubes de forages. Une usine de production est construite sur le site. La direction en est confiée à un polytechnicien venu d’une société de raffinage. Des nouvelles formes de métallurgie sont inventées pour le transport.
11Dès les balbutiements du gaz français, l’influence américaine se fait aussi sentir dans l’organisation économique et juridique destinée à vendre ce nouveau produit.
B. Modèle américain et management public du gaz
12Les premiers organisateurs publics ou privés doivent faire face à quantité de questions : faut-il satisfaire en priorité une clientèle locale, nationale voire internationale, autrement dit comment créer un marché ? Quelle priorité accorder à l’industrie en cette période de reconstruction ? Comment inventer un système de coûts et de prix ? Logiquement, l’exemple américain est étudié attentivement8
13L’État est d’abord embarrassé par la découverte du gisement de Lacq. Il organise ensuite sa réponse, notamment en s’appuyant sur un groupe de jeunes experts. La plupart débutent leur carrière professionnelle. On y trouve de nombreux diplômés des meilleures écoles d’ingénieurs françaises, comme Polytechnique ou des corpsards des Mines. Toutefois, une majorité d’entre eux s’intéressent davantage au pétrole qu’au gaz. Par ailleurs, l’État entend avoir les idées claires sur ces questions. Un comité d’études est créé à l’initiative du ministère de la Production industrielle. Il est dirigé par Roger Boutteville9. On y retrouve Marcel Boiteux, futur PDG d’EDF.
14Les entreprises, publiques ou privées, cherchent rapidement à prendre pied sur ce marché, du moins en ce qui concerne la gestion du futur réseau. Deux sociétés se distinguent particulièrement, la SNPA et Gaz de France (GDF). Néanmoins elles développent une stratégie prudente fondée sur la vision dominante des industriels du secteur qui, à l’époque, considèrent que les besoins du marché français ne permettent pas d’écouler le gaz produit. Il faut donc au plus vite trouver des débouchés complémentaires. Une des pistes évoquées consiste à faire du gaz naturel un substitut au charbon, notamment en se focalisant sur les installations qui fonctionnent au gaz de houille ou sur les usages du gaz issu de la sidérurgie10.
15La question prend vite une tournure politique car deux conceptions de l’aménagement du territoire et de l’équilibre industriel s’opposent. La première vise à développer l’ensemble des régions françaises, en laissant de côté les grands centres urbains. La seconde privilégie au contraire l’approvisionnement des villes les plus importantes. Des discussions et des rivalités politiques et géographiques entre plusieurs grandes villes, notamment du Sud de la France, vont rythmer les premiers pas du gaz. Rapidement, l’idée d’un marché strictement local est abandonnée11. Mais cette période voit aussi s’intensifier la concurrence industrielle. GDF entend faire valoir son monopole de distribution et souhaite pouvoir prendre en charge le gaz dès sa sortie du puits12. Quant à elle, la SNPA est incitée à trouver une solution rapide pour l’exploitation du gisement de Lacq. Elle réclame un accès direct aux consommateurs afin que les dividendes ne soient pas entièrement absorbés par le transporteur-vendeur. Ceci heurte de plein fouet GDF. Après des négociations délicates, un compromis est trouvé avec la création de la Compagnie française du méthane (CFM), contrôlée à parité par la SNPA et GDF. Le choix d’alimenter en priorité les grandes villes est retenu avec Paris, Nantes et Lyon. Il entraîne la fermeture de 200 usines de fabrication de gaz de ville. Cette étape franchie, reste à résoudre la question du contenu des contrats, notamment de la fixation des coûts et des prix.
16De nombreuses questions émergent entre les partenaires publics et privés : la répartition de la rémunération, la prise en charge des coûts fixes des infrastructures, une politique de prix incitative favorisant le développement du marché gazier13. Le gaz devient donc rapidement un problème de management public. Une fois encore, la principale source d’inspiration se trouve devoir être les États‑Unis qui ont construit un réseau ancien et important. Après une visite de 6 semaines, Bernard Rauline, directeur adjoint de la direction Gaz du ministère, ramène des États-Unis les éléments de calcul des coûts et des prix14.
17Comme pour l’électricité, EDF joue un rôle de pionnier en matière de fixation des prix du gaz. Le prix de l’électricité a été défini à l’origine comme une équation dépendant de la distance et de données économiques. Le système proposé reprenait la notion de coût marginal. L’influence de Pierre Massé et de Marcel Boiteux a ici aussi été importante15. L’administration innove en proposant que le prix du gaz soit fixé par les mécanismes de marché et non sur la base du coût de revient auquel serait ajoutée une marge16. Cette solution permet à la fois de garantir le monopole de distribution attribué à GDF et de garantir une forte marge à la SNPA. Enfin, afin d’écouler de grandes quantités de produits issus du gisement de Lacq, c’est l’industrie qui est privilégiée, par exemple via les contacts entre la SNPA et Pechiney17. Cette organisation permet d’écouler un tiers de la production de Lacq. Cette période d’expérimentation va s’étendre jusqu’à la fin des années 1950. Au sein des entreprises publiques ou privées, les services voués au gaz n’existent pas et seules quelques sociétés – SNPA GSO, ou CFM18 – recrutent des jeunes ingénieurs qui font leurs premières armes dans cette activité. Ils viennent assez souvent de l’exploration du pétrole. Ces ingénieurs ne feront pas tous carrière dans l’activité gazière, mais leur expérience constituera plus tard les bases des services spécialisés dans le gaz. Le gaz ne représente qu’une source d’appoint en France. En 1962, il ne fournit que 5 % des besoins énergétiques nationaux. La découverte en 1956 du gisement gazier d’Hassi R’Mel en Algérie ouvre de nouvelles perspectives.
C. La mise en place du business model gazier
18En juillet 1956, un gisement de pétrole est découvert à Hassi Messaoud, suivi en novembre de gaz à Hassi R’Mel. Alors que les réserves récupérables sont très importantes19, l’annonce de cette importante découverte de gaz est accueillie assez fraîchement20. Une fois de plus, le gaz ne constitue pas le cœur de la stratégie des grandes entreprises pétrolières. Le PDG de la CFP, Victor de Metz, cherche à tirer le meilleur parti de la rente minière en évaluant la part du pétrole dans la production totale. De façon révélatrice, l’entreprise se concentre sur la teneur des condensats contenus dans le gaz21. Toutefois, Victor de Metz voit dans le développement du marché gazier une menace pour l’équilibre du marché de l’énergie et en particulier du pétrole22. Il est aussi préoccupé par l’importance des investissements nécessaires à l’exploitation d’installations éloignées de la production. À ses yeux, une telle explosion des coûts pourrait compromettre la rentabilité de l’entreprise. De plus, la durée des projets gaziers lui semble présenter un risque face à des évolutions politiques toujours incertaines23. Enfin, à l’époque, il n’existe aucune solution permettant le transport vers les marchés européens. Sans une innovation, la rentabilisation des investissements est impossible.
19Trois solutions paraissent possibles pour organiser le transport : la transformation en électricité à haute tension et son transfert par câbles sous-marins, un gazoduc sous-marin, la liquéfaction combinée au transport par bateau méthanier. Après un débat intense, la troisième est retenue et développée à partir du milieu des années 196024. Le choix n’est pas facile car il s’agit d’une innovation majeure alors que la solution d’un pipeline courant au fond de la mer était mieux maîtrisée. Elle s’avère pourtant irréalisable techniquement. En juillet 1962, l’indépendance de l’Algérie est proclamée. Ceci ralentit le développement des investissements, mais ne les bloque pas25. Si les difficultés rencontrées par les entreprises françaises en Afrique du Nord sont sérieuses, elles contribuent paradoxalement à la reconnaissance de cette nouvelle activité par les états-majors. Cela se traduit par la création des premiers services gaz. Rapidement en effet, les pionniers de l’expertise gazière rejoignent les maisons mères.
20Une cellule gaz est créée au sein de l’ERAP qui regroupe Yves Delavesne et Jacques Bonnet de la Tour, directeur financier26. Au sein de l’organisation, un département s’occupe du gaz. On y retrouve des jeunes ingénieurs : Bernard Azoulay ou Michel Romieu27. Du côté de la CFP-Total, c’est à peu près la même chose. En 1969, l’Algérie demande le retour des sièges sociaux des entreprises pétrolières dans leur pays ainsi que le départ d’Édouard Rérolle, critiqué pour des positions jugées trop favorables aux intérêts français. L’équipe qui s’occupait du gaz depuis la fondation de la COMES28 est dissoute. Ses membres sont jeunes et arrivent dans cette unité après un parcours professionnel déjà bien avancé et marqué par un long passage opérationnel dans plusieurs entreprises et pays. Ils vont constituer le noyau dur du premier service gaz de la CFP29. Celui-ci regroupe un mélange de compétences différentes dans ce service : un spécialiste des questions économiques (P. Bauquis), un profil « commercial » (P. de Bourgoing) et un ingénieur venu de l’exploitation (P. Boutelant). Ces cadres vont faire la totalité de leur carrière au sein de cette entité, puis se succéder à sa tête30. Ils vont constituer un réseau de relais dans l’entreprise tant au niveau de l’état-major que des unités opérationnelles. Ceci leur permet de construire une approche innovante des questions gazières et de contribuer à la diffusion d’une culture technologique et économique liée à cette activité. Malgré leurs compétences très particulières, ils décident de suivre de façon très individualisée chaque projet gazier. Cette répartition des tâches se révèle très précieuse car le contexte politique de l’époque et le démarrage des « événements d’Algérie » soulignent à quel point l’industrie gazière suppose des relations personnalisées avec les différentes parties prenantes du projet et une vision à long terme31. Reste pourtant l’essentiel, organiser le transport et la vente pour des quantités de produits sans commune mesure avec le gisement de Lacq. À partir de décembre 1959, il s’agit pourtant de trouver des débouchés, en particulier en Europe. Ceci suppose de parvenir à franchir la Méditerranée.
21La solution passe par l’invention d’une filière comprenant des usines de liquéfaction du gaz et des bateaux spécialisés pour ce type de produit, sans oublier des capacités de retraitement à l’arrivée. Une fois encore, l’exemple vient des États-Unis qui seuls possèdent les connaissances scientifiques et pratiques permettant de maîtriser cette technologie. Pourtant, depuis 1944, le pays a gelé l’essentiel des recherches sur le méthane liquide, traumatisé par un terrible accident sur le Mississippi au cours d’un transport vers Chicago. Il existe aussi en France des compétences, mais encore peu développées sur ces questions. Par exemple, Air liquide a poursuivi ses études sur la liquéfaction, mais elles se sont concentrées sur les usines, pas sur les bateaux32. Profitant des réticences américaines, elle décide d’investir dans la recherche sur ce procédé. En novembre 1961, Shell et les principales compagnies pétrolières françaises participent à la constitution de la CAMEL (Compagnie algérienne du méthane liquide)33. Le cœur du projet est l’usine de liquéfaction d’Azrew, en Algérie, dont le lancement est prévu en décembre 1963. Le chantier débute sous la responsabilité de la société Technip, filiale de l’Institut français du pétrole34. Technip choisit une stratégie d’innovation fondée sur le transfert du savoir-faire accumulé dans d’autres activités de réfrigération pétrolière. Cette stratégie se révèle bientôt plus complexe que prévu. L’entreprise sollicite alors Air Liquide. Reste toujours la question du transport et notamment que soient disponibles de nouveaux bateaux de grande taille. Or ici aussi tout est à inventer.
22René Boudet35 va imaginer une gamme de solutions pour résoudre les problèmes de transport du gaz liquide. Il propose un premier transport de butane dès février 1957 à la Shell. En mai de la même année, il fonde une société d’ingénierie, Gazocéan36. Face à l’augmentation de la demande, il parvient à résoudre rapidement les principaux problèmes de navigation (équilibre, sécurité, économie de carburant, taille) et les contraintes posées par le produit lui-même (formes des cuves, pression, soudure, réfrigération). Le développement du gaz fait donc converger des savoirs et des acteurs issus du génie naval et maritime, de la liquéfaction, de la soudure, de l’économie et des pétroles. Malgré la solution offerte pour le transport de gaz par bateau, une période d’indécision se maintient avant que le bateau l’emporte clairement sur le gazoduc. Il est vrai que les questions techniques ne constituent qu’une partie du problème. Il faut inventer un business model en s’appuyant sur des nouvelles règles économiques, juridiques ou commerciales, mais cette fois à une échelle multinationale.
23Alors que le gaz de Lacq visait plutôt une clientèle hexagonale, l’importance du gisement algérien suppose cette fois de rechercher simultanément des débouchés dans plusieurs pays. À l’époque, la Grande-Bretagne présente en Europe les perspectives les plus prometteuses. Les négociations qui débutent vont permettre aux jeunes directions gaz de fonder leurs premières compétences juridiques. Toutefois la démarche se révèle complexe à la fois pour des raisons internes et externes.
24Dans les années 1960, nombreux sont les ingénieurs qui préfèrent encore trouver un « trou sec » que du gaz, perçu comme un résidu encombrant. Dans la profession domine une expression : « on ne cherche pas du gaz, on le trouve ». Valoriser ce produit à part entière, c’est dans certains cas modifier le seuil de rentabilité et les structures de coûts du pétrole. À la différence du pétrole, dont le transport est relativement souple et rapide, le gaz impose un traitement important du produit pour l’offreur et des conditions strictes de préservation de la qualité du produit. L’investissement initial est donc très important. Logiquement, le coût de transport qui en résulte est 6 à 7 fois supérieur à celui du pétrole37. Par conséquent, les formes, les montants et les délais des flux financiers et des flux techniques sont différents du pétrole ou du charbon. Tous ces points doivent être prévus lors de la négociation dont on perçoit aisément la complexité et les imbrications sociopolitiques. Dans un contrat gazier, les partenaires – le propriétaire des lieux, producteur, transporteur, distributeur ou consommateur final – sont amenés à développer des stratégies ou à prévenir des conflits portant sur l’appropriation de la rente38. Inscrits dans la très longue durée (20, 30, voire 40 ans), les projets gaziers obligent leurs gestionnaires – autrement dit les premières directions du gaz – à inventer des solutions juridiques qui garantissent à la fois les intérêts des uns et des autres et préservent suffisamment de souplesse dans le temps pour permettre de prendre en compte les variations de la demande et des prix du marché. Les choses vont notablement évoluer grâce à la liquéfaction qui se diffuse dans les années 1960. Elle impose toutefois d’affermir un peu plus les compétences juridiques des grands groupes pétroliers investis dans ce marché. Les entreprises comme la CFP commencent à développer une compétence juridique interne au sein de services gaz qui restent encore de petite taille. Les années 1970 voient encore s’accélérer la reconnaissance de l’importance du gaz dans l’opinion publique et au sein des états-majors des groupes pétroliers. Le gaz triomphe enfin à partir des années 1980.
II. Le triomphe du gaz : de la crise pétrolière au trading (1970-2000)
25La période qui débute n’est pas favorable aux compagnies françaises. Des successions d’événements économiques, politiques et sociaux bouleversent le marché du pétrole et du gaz. L’indépendance de l’Algérie entraîne une renégociation des accords concernant le champ d’Hassi R’Mel. La rupture est consommée en 1971. En 1973, le premier choc pétrolier remet en cause les équilibres du marché de l’énergie. Les sociétés françaises se heurtent de plus en plus aux 7 majors39 car elles développent une stratégie de mondialisation plus agressive. Paradoxalement, ces éléments vont favoriser le développement du gaz à la fois comme marché émergent et comme objectif stratégique légitime. C’est durant cette phase que sont pleinement reconnues les directions spécialisées dans le gaz.
A. Lorsque le gaz devient un objectif stratégique
26Le début des années 1970 est marqué par un virage dans la stratégie des compagnies pétrolières qui adoptent une stratégie de diversification géographique et de métiers. Face à leurs concurrents étrangers, la CFP ou Elf40 souffrent de handicaps. Malgré un début de concentration initié dans les années 1960, elles restent plus petites que les majors qui leur font subir une forte pression concurrentielle. Déjà internationalisées, elles sont pénalisées par une stratégie de développement focalisée sur des gisements locaux très rentables : Moyen-Orient pour la CFP, Europe pour Elf. Si elles peuvent concurrencer les majors à partir de positions internationales solides dans certaines parties de la filière pétrolière, elles ont construit une politique d’intégration qui n’est ni systématique ni totalement mondialisée. Conscientes de ces faiblesses, elles accélèrent leur présence dans la filière gazière. Le premier choc pétrolier va permettre ce virage stratégique.
27L’augmentation des prix du pétrole entraîne un accroissement important des marges d’autofinancement des compagnies pétrolières. Les groupes français réagissent différemment. Certains poussent la diversification vers d’autres sources d’énergie comme le nucléaire. Il faut y voir le projet de reprendre le contrôle à long terme des marchés de l’énergie mondiale41. La stratégie de positionnement géographique évolue aussi. Elf accélère considérablement son implantation en Afrique noire42. Apparaissent enfin des ouvertures vers d’autres métiers. La CFP renforce ses positions dans les plastiques, les polystyrènes ou le PVC. La société prend le contrôle d’Hutchinson-Mapa. Elf investit dans la chimie fine ou la pharmacie. Dans ce contexte, le gaz apparaît comme un produit susceptible de répondre à la fois à une stratégie de diversification, à la volonté d’un repositionnement géographique et à la restauration du contrôle à long terme du marché. Par ailleurs, la réduction du différentiel entre le prix du gaz et celui du pétrole le rend attractif. C’est à ce moment que la demande s’accélère significativement43. Au même moment, les prospections initiées dans les années 1960 commencent à donner des résultats.
28Le golfe de Gascogne et la mer du Nord paraissent avoir un grand potentiel44. En 1962, le champ gazier de Groningue est découvert par les Pays-Bas. D’autres suivent bientôt ailleurs dans le monde. En 1968, un premier contrat de production en Indonésie est signé par la CFP-Total45. Il aboutit aux découvertes de Békapaï (1972) et Handil (1974). En 1969, les prospections de Gidealpa et de Moomba en Australie révèlent leur potentiel46. Tous ces événements contribuent à modifier l’image que les dirigeants des grandes entreprises françaises avaient du gaz. À l’automne 1969, Victor de Metz commande des études techniques et commerciales et en donne les résultats au conseil d’administration de la CFP47. Déjà évoqué, un dernier élément explique la pleine reconnaissance de départements spécialisés dans le gaz : l’existence d’équipes d’ingénieurs et de cadres disponibles depuis le renvoi de certaines entreprises françaises d’Algérie. L’heure est donc à la création et à la reconnaissance de services spécialisés, voire de directions du gaz dans les organigrammes.
B. Les directions gaz au sein des états-majors
29Les deux principales compagnies françaises mettent en place des stratégies différentes. L’expulsion algérienne rend la situation d’ERAP très délicate. Elle décide de quitter totalement le pays. Cet événement est l’occasion de réorganiser la relation avec la tutelle publique. L’objectif d’une plus grande autonomie industrielle et financière, via le rapprochement entre ERAP et SNPA, aboutit à la création d’Elf en 1967. De son côté, la CFP adopte une position d’attente face au problème algérien. Elle craint qu’une sortie brutale engendre des réactions difficiles à évaluer de ses partenaires du Moyen-Orient48. C’est de cette époque que date la reconnaissance du service gaz, au moins chez Total. Chez Elf, la situation est différente.
30À la CFP49, c’est en 1972 qu’est créée la première direction gaz par Pierre Vaillaud. Elle regroupe l’essentiel des anciens membres de la COMES venus d’Algérie50. Où positionner cette direction au sein de l’organigramme de l’entreprise ? Deux options sont ouvertes : un rattachement à la production ou, comme dans de nombreuses entreprises pétrolières, à la distribution. Dans un premier temps, la nouvelle direction relève directement du président51. Cette option est assez rare car de nombreuses sociétés, comme la Shell, choisissent de rattacher la responsabilité du gaz à la direction prospection‑exploitation52. À l’évidence, cette nouvelle entité est perçue comme une direction spécialisée dans le montage de projets qui doit regrouper des compétences économiques, juridiques, techniques et financières. Malgré un noyau dur de jeunes ingénieurs et cadres déterminés, la nouvelle direction est vite confrontée à un problème de management des hommes et des opérations sur le terrain. En dehors du montage et du lancement des projets, elle dépend du personnel ou des installations techniques des autres directions (pétrole, exploitation…) ou de décideurs situés à d’autres niveaux hiérarchiques53. Dans ces conditions, à l’exception de la petite équipe initiale, la plupart du personnel ne fait qu’un bref passage dans cette direction. Pour autant, ceci n’est pas forcément négatif. Si effectivement il est difficile pour un salarié de suivre totalement un projet, d’un autre point de vue, lorsqu’il retourne dans son service d’origine, il contribue à la diffusion d’une culture gazière au sein du groupe54 et à la création d’une « famille d’ingénieurs gaziers » répartis dans les unités de la direction exploration-production55.
31Les années 1970 voient incontestablement une amélioration dans la prise de conscience de l’attrait économique du gaz. Toutefois le succès du gaz engendre des empiétements de plus en plus fréquents entre niveaux hiérarchiques ou avec les anciennes directions opérationnelles/métiers de l’entreprise. Les relations avec la direction générale ne sont pas toujours faciles. Ces tensions aboutissent à une redéfinition des responsabilités. La direction du gaz se rapproche au début des années 1990 de la direction des opérations de trading puis, au tournant des années 2000, de celle de la distribution.
32La seconde question est celle du domaine de compétences que doivent regrouper ces nouvelles directions du gaz. Il s’agit ainsi de définir le contenu des métiers du gaz. Les premiers membres reprennent et affinent les solutions techniques, économiques ou juridiques qui avaient été inventées et mises en œuvre avec succès pour les champs de Lacq ou d’Hassi R’Mel. Entre-temps, l’importance et la complexité des nouveaux projets, leur caractère résolument international, les poussent à innover en matière de négociations, de prévision des prix ou de déroulement des contrats. Par ailleurs, l’importance des sommes en jeu dans les projets gaziers impose d’obtenir un accord du conseil d’administration.
33En interne, les premiers membres de la direction Gaz sont amenés à construire un long et systématique travail de communication et de persuasion à l’endroit des ingénieurs, venus pour la plupart du pétrole. Du côté des dirigeants, il faut faire œuvre de pédagogie pour qu’ils soutiennent les projets gaziers malgré des handicaps apparents vis-à-vis des investissements pétroliers. Ils insistent notamment sur le fait que si, dans la filière pétrolière, les étapes de la production et de la distribution peuvent être en partie disjointes, celles-ci restent assez imbriquées dans le domaine du gaz, même après la diffusion du procédé de liquéfaction. Ils doivent convaincre les dirigeants des entreprises ou les membres du conseil d’administration de la rentabilité des projets gaziers. Malgré des durées très longues et des rendements économiques plus réduits que ceux du pétrole, ceux-ci constituent une véritable vache à lait qui va garantir une rente financière durant de très longues années56. La tâche n’est pas facile et les membres de la direction du gaz sont amenés à développer des réseaux d’alliances. Il leur faut construire une expérience de négociations internes tout à fait sophistiquée vis-à-vis de la direction du groupe aussi bien que d’autres parties de l’entreprise57. De ce fait, on assiste bien là à la naissance, du moins dans le gaz, d’un entrepreneur-innovateur collectif.
34À l’extérieur, compte tenu de leur durée et de l’intervention d’une multitude d’acteurs privés ou publics, les projets gaziers imposent des négociations particulièrement complexes. Leurs concepteurs doivent anticiper l’évolution, dans les vingt à quarante ans à venir, d’un ensemble de variables économiques, techniques et politiques58. Les décideurs et les gestionnaires des projets gaziers sont donc rapidement confrontés aux débats sur le développement des pays, notamment dans le Sud, sur la maîtrise de leur croissance, mais aussi de leur indépendance économique, voire politique, et sur la nature des relations à entretenir avec les élites et les dirigeants locaux. Outre les compétences évoquées précédemment, les directions du gaz doivent donc construire une bonne connaissance des coutumes et de la culture locales59. Elles sont amenées à étudier l’histoire et la sociologie des marchés visés. Avec la croissance de la taille et de la complexité des projets au cours des années 1960, les sommes à investir augmentent très sensiblement. À cela s’ajoutent des risques d’échecs toujours importants dans la prospection. Cela pousse les grandes entreprises à se regrouper afin de limiter les sommes investies par chacune d’entre elles. L’innovation se fait aussi sentir dans les outils de gestion utilisés, par exemple dans la phase de préparation de la prospection. Ainsi, en vue d’améliorer la précision de ses prévisions, la CFP-Total s’intéresse dès les années 1960 aux outils quantifiés de modélisation ou aux techniques mathématiques. Elle se rapproche naturellement des chercheurs, mais la solution se révèle vite décevante60. Tous ces éléments expliquent le nouvel investissement en matière juridique que l’entreprise doit maintenant mettre en œuvre. Après une première période où l’expertise juridique était organisée en interne, la CFP-Total choisit de recourir à des grands cabinets d’avocats d’affaires anglo-saxons, particulièrement américains61. Durant les années 1970-1980, le virage vers le gaz est donc définitivement pris à la CFP-Total. Elle rejoint ainsi des concurrents comme Shell qui, à la même époque, investissent durablement dans le gaz62. Que se passe-t-il du côté d’Elf ?
35Au début des années 1970, l’entreprise dispose d’une solide culture de l’activité gazière grâce à l’expérience accumulée par les futures composantes de l’ERAP et d’Elf sur les gisements de Lacq et du Sahara63. Cette expérience est concentrée au sein de la première direction gaz. Les choses s’accélèrent avec la découverte du champ de Frigg en 1971. Fin 1974, un groupe projet est créé pour gérer cette découverte. Il travaille en relation avec la direction centrale, notamment la direction du gaz naturel et la direction financière64. Une fois encore, des difficultés techniques et économiques imposent d’innover en matière de forage, de plates-formes et de transport par pipelines. Cela tient à la profondeur du gisement et son éloignement des côtes. Toutefois, au même moment, la hausse du prix du pétrole et les problèmes au Moyen-Orient offrent des perspectives suffisamment intéressantes pour couvrir ses coûts très importants65. Frigg est mis en exploitation en 1977. L’intérêt d’Elf pour le gaz se traduit aussi par le rachat de plusieurs entreprises. Celles-ci vont lui permettre de développer des compétences dans la gestion commerciale, notamment vers le client final, et la politique de marque. La liste est impressionnante : en 1971, Monagaz et Flamigaz, plus spécialisées dans la vente en vrac, puis Antar. En 1976, l’entreprise, après des regroupements successifs, se trouve à la tête d’ElfAntargaz, deuxième réseau de distribution de gaz liquéfié en France66. Malgré une évolution très sensible en faveur du gaz, l’état-major maintient prioritairement son attention envers les projets pétroliers67. La partie n’est pas pour autant gagnée pour l’activité gazière au sein de l’entreprise. À partir de 1977, l’arrivée de dirigeants plus sensibles aux aspects géostratégiques ou financiers ralentit un temps le développement du gaz chez Elf.
36À la fin des années 1970, le gaz semble avoir définitivement assuré sa légitimité dans les grandes entreprises pétrolières ou l’opinion publique. Avec la montée du sentiment écologique et les premières politiques d’économie d’énergie, il apparaît comme une source d’avenir68. Pour autant, l’impression est trompeuse. Jusqu’au début des années 1970, la part du gaz naturel dans la demande mondiale d’énergie primaire a augmenté, passant de 4,4 % en 1929 à 9,3 % en 1950, 14 % en 1960, 17 % en 1970. Entre 1970 et 1980, la part du gaz naturel est restée assez stable. Par ailleurs, cette consommation est très inégalement répartie, essentiellement concentrée dans les pays industrialisés69. Pour le GNL, le bilan est nettement plus favorable. Entre 1970 et 1990, les volumes annuels échangés sont passés de 3 à 72 milliards de mètres cubes, finissant par représenter près de 25 % des échanges internationaux de gaz naturel. Avec les années 1980-2000, le marché mondial du gaz se transforme profondément. La situation des directions du gaz évolue à son tour.
C. Le succès paradoxal : dérégulation et fusions
37La révolution conservatrice du début des années 1980 touche aussi le marché de l’énergie et, par voie de conséquence, le gaz. Cela se traduit par une dérégulation et un développement des échanges sur le marché gazier. C’est ici que la liquéfaction va faciliter le commerce. En effet, cette technologie va contribuer à détendre la liaison entre producteur et consommateur. Les méthaniers, à la différence des gazoducs, peuvent changer de destination ou introduire des nouveaux délais de livraison. Néanmoins, la mondialisation du marché gazier reste limitée. Il est encore marqué par une dimension régionale importante. En interne, la financiarisation des stratégies combinée aux retombées de la fusion entre les groupes Total et Elf modifie la situation des directions du gaz.
38En 1978, après le second choc pétrolier, les compagnies pétrolières se retrouvent dans une situation financière délicate. Il faut y voir les effets d’une stratégie de maintien des parts de marché obtenue par une politique de réduction des prix de vente. Les entreprises françaises s’en sortent moins bien que les majors70. Ces éléments viennent renforcer un peu plus l’attrait stratégique et économique du gaz. C’est le gaz naturel liquéfié (GNL) qui en bénéficie le plus. La liquéfaction va permettre l’émergence d’un nouveau métier : le négoce de gaz.
39C’est d’abord sur le marché pétrolier que s’est développée, depuis le milieu des années 1970, une nouvelle forme de régulation du marché à court terme ou marché spot. Jusque-là, les compagnies pétrolières recouraient essentiellement aux contrats d’approvisionnements à long terme avec les compagnies d’État des pays producteurs. Avec les années 1980, de plus en plus de pays producteurs choisissent de vendre directement leur produit, engendrant des phénomènes spéculatifs et d’importantes variations des prix. Prises entre producteurs et acheteurs ou consommateurs, les entreprises ont réagi en développant de nouvelles compétences dans les activités de négoce ou trading. Ce virage est clairement pris chez Elf, lors de la présidence d’Albin Chalandon. Rapidement, l’activité gazière au sein des compagnies pétrolières est touchée à son tour.
40Malgré les gazoducs ou la régulation des marchés, le négoce gazier n’est pas complètement nouveau. Dès les années 1960, des sociétés comme Gazocéan avaient développé une activité de trading spécialisée en complément de leur activité traditionnelle dans le transport71. Lancée par Ronald Reagan aux États-Unis, la déréglementation ne touche le marché gazier qu’après 1985. Elle reste limitée au transport et aux prix. Dorénavant, des tiers pourront librement accéder au réseau. Rapidement, on assiste à la création de marchés spot à très court terme. Ceci accélère la mondialisation du marché gazier. Ce processus ne va pas à son terme puisqu’il reste encore aujourd’hui marqué par une forte dimension régionale72, autour de trois pôles : Europe, Amérique du Nord et Asie (centrée sur le Japon).
41Plusieurs facteurs expliquent cette évolution en demi-teinte. Même s’il se développe dans les années 1980 et 1990 grâce au trading, le marché gazier reste encore majoritairement régulé par des contrats à long terme qui fixent souvent des prix minimaux, des clauses d’indexation et des quantités. Il est par conséquent difficile de sortir du modèle juridico-technique posé par les gazoducs plusieurs décennies avant. Dans ces conditions, le gaz se trouve dans une situation paradoxale car plus son poids augmente, plus il entre en concurrence avec d’autres formes d’énergie sans pour autant pouvoir bénéficier totalement d’innovations économiques et techniques qui le rendraient encore plus attractif73. Ensuite, le gaz commence à arriver en grande quantité sur le marché, ce qui limite les hausses de prix et les rentrées financières des groupes pétroliers. À la fin des années 1970, en profitant des ressources financières dont elles disposent à la suite de l’augmentation des prix, les compagnies ont encore accéléré leurs campagnes de prospection et d’exploration. Désormais, le gaz est recherché pour lui-même74. Il faut souligner par exemple que dès 1983, les réserves gazières deviennent aussi importantes que les réserves pétrolières alors qu’elles ne représentent que la moitié en 197375. Comment les directions du gaz ont-elles évolué dans ce contexte ?
42D’abord, la croissance des métiers du négoce a accéléré l’embauche de nouvelles compétences qui sont venues s’ajouter à celles des ingénieurs et des cadres présents en matière de techniques et de droit. Rapidement, les directions du gaz ont été rapprochées des départements de distribution-marketing au sein des organigrammes. Du côté de Total par exemple, la direction du gaz peut s’appuyer sur l’expérience acquise dans le négoce du GPL76. Dès la fin des années 1980, cette première évolution est accélérée par la montée de la logique financière au sein des stratégies des entreprises. Les groupes pétroliers n’échappent pas à la règle77. Cette nouvelle grille d’évaluation des projets et des stratégies par l’état-major rend parfois plus délicate la négociation des financements pour les projets gaziers. Il faut à nouveau convaincre l’intérieur de l’entreprise (direction générale, direction financière), les actionnaires ou d’éventuels partenaires industriels ou bancaires. Enfin, la fusion entre Elf et Total est lancée à la fin des années 1990 et officialisée en 2000. Une conséquence directe de cette vaste opération est la réorganisation de la direction « gaz » de l’entreprise et de sa place au sein de l’organigramme de la nouvelle société. Une fois encore se pose alors la question de son rattachement. Cette fois, elle sera rattachée aux métiers du trading, solution qui avait déjà été mise en œuvre depuis le début des années 199078.
Conclusion
43Au terme de cette histoire, il est possible d’affirmer que le gaz constitue maintenant une activité et un produit non seulement reconnus mais clairement revendiqués par les grands groupes pétroliers français et internationaux. Selon les cas, l’identité des directions gaz et de leurs membres oscille encore entre une activité de négoce-trading et une activité de gestion de projets complexes. Rien ne prouve que cela continuera à se passer à l’identique. Il est toujours délicat pour un historien de prévoir les étapes suivantes de l’évolution. Toutefois, certaines pistes émergent qui peuvent être résumées en autant de questions. Avec le développement de la dérégulation et du négoce sur le marché gazier, va-t-on assister à une fin définitive des intermédiaires, à l’instar d’EDF, qui interviennent entre le producteur et le consommateur ? Plus généralement, le décloisonnement du marché de l’énergie, comme tant d’autres, verra-t-il arriver de nouveaux concurrents intéressés par le gaz dans le cadre de stratégies de diversification depuis leur métier d’origine (producteurs d’énergie, distributeurs) ? Au contraire, face à l’incertitude croissante du marché, il est aussi possible d’anticiper un retour à une régulation par des nouvelles formes de contrats ou de garanties sur les quantités et les prix échangés. En tout état de cause, le gaz constitue encore pour de nombreuses années un fonds de roulement financier à long terme, très intéressant en ces périodes de crise. Cette reconnaissance a été le fruit d’un long et périlleux processus d’innovation collective79.
Notes de bas de page
1 En fait, c’est en juillet 1939, dans le Sud-Ouest, que le gisement de gaz de Saint-Marcet est découvert par un organisme d’État, le Centre de recherches des pétroles du Midi, future Régie autonome des pétroles (RAP). Il contribue pour la première fois à révéler des problèmes techniques ou économiques inhérents à l’exploitation du gaz. L’État élabore alors les prémices d’une organisation. La découverte de Lacq accélérera les choses. Malgré son importance, sa présentation serait trop longue dans le cadre de ce court article. Pour le contexte général, S. Pasquier et J.-P. Williot (dir.), L’industrie du gaz en Europe aux xixe et xxe siècles, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2005.
2 Son capital est détenu à 55 % par l’État. La CFP en possède 15 %. Elle est présidée par Pierre Angot puis, après sa déportation en Allemagne, par André Blanchard. Pierre Angot est un ingénieur issu du corps des Mines. A. Blanchard, polytechnicien, est ancien directeur des Poudres. La succession se fait en 1944. Il s’agit d’une seconde composante du futur Elf.
3 Le BRP est voulu par la direction du Carburant (DICA) du ministère de la Production industrielle. Le BRP est dirigé dès le début par de nombreux polytechniciens ingénieurs des Mines : Pierre Guillaumat, Paul Moch ou Yves Delavesne. D’autres les rejoindront comme Raymond H. Lévy, futur PDG d’Elf et de Renault. Le BRP se révèle un instrument stratégique dans l’orientation du secteur. En effet, il dispose de participations dans des entreprises nationales comme la SNPA, mais aussi à l’étranger par exemple dans la Chérifienne des pétroles. Ce sera le troisième élément d’Elf.
4 A. Beltran et S. Chauveau, Elf-Aquitaine, des origines à nos jours, Paris, Fayard, 1998, p. 30. Pour une vue d’ensemble, A. Beltran, A Comparative History of Nationale Oil Companies, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2010.
5 E. Catta, Victor de Metz. De la CFP au groupe Total, Paris, Teva, 1990, p. 97.
6 Entretien Jean Fouchier, 2002.
7 B. Clément et al., « Le gaz naturel », Encyclopédia Universalis, 1998
8 D. Barjot (ed.), Catching up with America. Productivity missions and the Diffusion of American Economic and Technological influence after the Second World War, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2002.
9 Il s’agit de l’ancien patron de l’Alsacienne-Alsthom, avant le mariage avec Thomson.
Cf. R.L. Frost, Alternating Currents : nationalized power in France, 1946-1970, Ithaca, Cornell University Press, 1991.
10 Entretien avec A. Bouillot, ancien vice-PDG d’Elf Aquitaine, 21 mai 2003. GDF dispose à l’époque d’une nouvelle cokerie gazière à Rouen et les sidérurgistes lorrains avaient monté une canalisation pour alimenter Paris en gaz.
11 Le choix d’approvisionner Bordeaux est retenu. Un accord est conclu entre la SNPA et le BRP pour mettre en commun le réseau qui existait déjà et le compléter jusqu’à Bordeaux et Bayonne. Entretien J. Fouchier, op. cit.
12 Le débat se cristallise autour du cadre légal initié par le sénateur André Armengaud dans la loi du 2 août 1949, qui autorise le découvreur à exploiter le gisement.
13 Elles sont réglées par la création de plusieurs commissions, qui viennent, semble-t-il, s’ajouter au comité Boutteville.
14 Entretien B. Rauline, 2002.
15 Entretien É. Rérolle, 2002.
16 Elf-Aquitaine…, op. cit., et entretien M. Romieu, ancien président de Elf UK, 8 octobre 2003.
17 Entretien M. Romieu, op. cit.
18 Le Gaz du Sud-Ouest était une société mandataire qui vendait le gaz pour le compte de la SNPA. La Compagnie française du méthane était une association entre la SNPA et GDF qui vendait à l’utilisateur.
19 Plus de 2 000 milliards de mètres cubes, E. Catta, Victor de Metz…, op. cit., p. 231.
20 Entretien L. Deny, ancien vice-président de Total, 6 juin 2003.
21 L’opération qui consiste à séparer le pétrole – appelé ici condensats – du gaz se nomme dégazolinage.
22 Victor de Metz…, op. cit., p. 234. Un autre exemple est assez significatif. Afin de préserver la rentabilité de la raffinerie de pétrole, Victor de Metz manœuvre durant l’année 1960 pour qu’une seconde raffinerie ne soit pas construite à Azrew pour les condensats du gaz d’Hassi R’Mel, p. 194.
23 J.-M. Chevalier, P. Barbet, L. Benzoni, Économie de l’énergie, Paris, PFNSP & Dalloz, 1986, p. 69 sqq.
24 Elf-Aquitaine…, op. cit., p. 69.
25 E. Catta, Victor de Metz…, op. cit., p. 222.
26 Entretien É. Rérolle, op. cit.
27 Entretien M. Romieu, op. cit.
28 La COMES (Société commerciale du méthane saharien) avait été créée le 29 décembre 1959 par la SN Repal (filiale d’ERAP, futur Elf) et par la CFP Algérie. Du fait de tensions entre les principales sociétés fondatrices, on choisit un dirigeant « neutre » C’est É. Rérolle, X-Mines, qui vient de la direction du Gaz au ministère de l’Industrie, qui est nommé. Il est précisé que cette société doit rechercher des marchés en Espagne, en Italie, en Allemagne et négocier des ventes de gaz à l’usine de liquéfaction d’Azrew. Entretien P. de Bourgoing, ancien directeur du gaz chez Total, 21 juin et 2 juillet 2003. Documents Diplomatiques Français, 1965. 1er janvier-30 juin, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2003, p. 91.
29 On y retrouve MM. Bonnet et de Bourgoing. Vient s’y ajouter P. Bauquis.
30 Dans l’ordre, MM. Bonnet, de Bourgoing, Boutelant, Bauquis. Signalons que Jean-Roger Durand, n° 2 de la direction gaz, assurera la continuité même lorsqu’il assumera officiellement des responsabilités géographiques du gisement de la mer du Nord, entretien P. Bauquis, 13 mars 2002.
31 Entretien P. Bauquis, op. cit.
32 Entretien L. Domain. Ancien DG de la CAMEL, 26 février 2003, c’est un ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur du corps de l’Armement.
33 Son capital est de 10 millions de francs répartis entre : CFP(A) 11 %, SN Repal 15 %, Conch International Methane Ltd 50 %, BRP 10 %, Air Liquide 7 %, divers 7 %. Le conseil d’administration est présidé par R. Trupil, les postes d’administrateurs sont répartis entre le BRP, la CFP(A), la SN Repal, SOCADEX, L. Domain, Conch Int Methane, P. Drew, C. Filstead, C. Larroy-Ritter, E. Schlumberger. Il faut noter la présence de sociétés financières destinées en partie à équilibrer les intérêts français et ceux de la Conch.
34 Créé en juin 1944, l’IFP a pour objectif de trouver de nouveaux procédés et techniques liés au pétrole, de créer un centre documentaire et d’assurer la formation d’ingénieurs et de techniciens du pétrole.
35 René Boudet est ingénieur de l’École navale, après un passage dans l’active, il rejoint après la guerre 1939-1945 le cabinet du ministre Jacquinot. Entretien, 5 mai 2003. R. Boudet va constituer un groupe avec des filiales dans de nombreux pays qui lui demandent de transporter du gaz à usage local.
36 Entretien R. Boudet, op. cit.
37 J.-M. Chevalier, P. Barbet, L. Benzoni, Économie…, op. cit., p. 200.
38 Ibid., p. 115, 116 et 165 sqq.
39 Standard Oil of New Jersey (future Esso, puis Exxon), Mobil, Standard Oil of California (future Chevron), Texaco, Gulf Oil, Anglo-Persian Oil (future BP) et Royal Dutch Shell (future Shell). Ces compagnies se trouvent liées par l’accord de la ligne rouge signé en juillet 1928. Celui-ci interdisait aux sociétés d’agir seules au sein d’une zone géographique s’étendant de la Turquie et la mer Noire jusqu’à l’océan Indien ; E.D.K. Melby, Oil and the international system : the case of France, 1918-1969, New York, Arno Press, 1981.
40 En 1966, la RAP, la SNPA et le BRP fusionnent pour donner naissance à l’ERAP (dénommée Elf-RAP de 1967 à 1976) qui devient la Société Nationale Elf Aquitaine (SNEA) le 1er septembre 1976. La marque ELF a été créée en avril 1967.
41 J.-M. Chevalier, P. Barbet, L. Benzoni, Économie de l’énergie, op. cit., p. 217 et 232.
42 Entretien A. Bouillot, op. cit.
43 J.-M. Chevalier, P. Barbet, L. Benzoni, Économie…, op. cit., p. 55 et 227.
44 En juin 1968, le champ d’Ekofisk est découvert avec un pétrole à forte teneur en gaz. Elf a la possibilité de participer à hauteur de 8 % à la production. En 1969, Petroland, une filiale à 30 % de la CFP, découvre un peu par hasard du gaz à Leeuwarden, en Hollande. La livraison à GDF débute dès 1970. Entre juin 1970 et mars 1971, le gisement gazier en eaux profondes de Frigg est découvert, partagé entre la Norvège et la Grande-Bretagne. E. Catta, Victor de Metz…, op. cit., p. 414.
45 Pour mémoire, c’est le 21 juin 1985 que la dénomination Total-CFP a été adoptée, pour être transformée en Total en juin 1991.
46 E. Catta, Victor de Metz…, op. cit., p. 414.
47 Ibid., p. 413 et 415.
48 Ibid., p. 452.
49 Entretien P. Boutelant, 1er octobre 2002.
50 Il vient de chez Technip. C’est un polytechnicien, ingénieur des Mines, habitué des grands projets qui avait dirigé la construction d’une unité cracking de l’usine ATO de Gonfreville, en Basse-Normandie. Entretien P. Boutelant, op. cit.
51 Elle le restera jusqu’aux années 1990.
52 Entretien P. de Bourgoing, op. cit.
53 Entretien P. Bauquis, op. cit.
54 Entretien P. de Bourgoing, op. cit.
55 Entretien P. Bauquis, op. cit.
56 Entretien P. de Bourgoing, op. cit.
57 Entretien P. Bauquis, op. cit.
58 Ibid.
59 Entretien P. Boutelant, op. cit.
60 Entretiens P. Bauquis, op. cit. et L. Deny, op. cit.
61 C’est au moment de la négociation de Frigg que ce virage a été pris. Entretien P. de Bourgoing, op. cit.
62 Entretien L. Deny, op. cit.
63 Entretien M. Romieu, op. cit.
64 Elf-Aquitaine…, op. cit., p. 180.
65 Elf-Aquitaine…, op. cit., p. 184.
66 Ibid., p. 202.
67 Entretien M. Romieu, op. cit.
68 « Gaz Naturel », art. cit., p. 3.
69 Il faudra attendre la période 1980 et 1990 pour voir la consommation atteindre un peu plus de 20 % ; « Gaz Naturel », art. cit., 1998, p. 5.
70 Elf-Aquitaine…, op. cit., p. 192 et 193.
71 Entretien R. Boudet, op. cit.
72 Entretien M. Romieu, op. cit.
73 J.-M. Chevalier, P. Barbet, L. Benzoni, Économie…, op. cit., p. 281.
74 Entretien L. Deny, op. cit.
75 Cela tient aussi à la perte par les compagnies pétrolières de certains gisements pétroliers au Moyen-Orient, J.-M. Chevalier, P. Barbet, L. Benzoni, op. cit., p. 238.
76 Entretien P. Boutelant, op. cit.
77 L. Batsch, Le capitalisme financier, Paris, La Découverte, 2002. Cette évolution se caractérise chez Total par l’arrivée de Serge Tchuruk et de Philippe Jaffré chez Elf.
78 Entretien P. Bauquis, op. cit.
79 É. Godelier, « Innovation et culture d’entreprise : le gaz naturel chez Total », Hermès, n° 50, 2008, p. 139-147.
Auteur
Éric Godelier est professeur des universités, à l’École polytechnique, président du département des Humanités et Sciences sociales. Il est responsable du développement et de la coordination des enseignements sur l’entreprise et le management. Il est ancien élève de l’École normale supérieure de Cachan, agrégé de sciences économiques et gestion et docteur en histoire de l’EHESS. Au sein du CRG (Centre de recherche en gestion) de l’École polytechnique, ses recherches portent sur la conception et la diffusion des outils et des modèles de management dans une perspective historique et anthropologique. Il a publié Usinor-Arcelor, du local au global, Paris, 2006, Hermès et La culture d’entreprise, Paris, 2006, La Découverte. En décembre 2009, la revue américaine Entreprise and Society a constitué un dossier centré sur son article « Les relations entre l’histoire et le management ». Depuis 2007, à l’initiative de Carlos Ghosn, PDG de Renault, il est co-titulaire avec Ève Chiapello (HEC) de la chaire Renault-Polytechnique-HEC consacrée au management multiculturel.
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