La vénalité des offices comme dette publique sous l’Ancien Régime français
Le bien commun au pays des intérêts privés1
p. 177-242
Texte intégral
« Ce moyen de composition d’office
a toujours été la plus douce voie d’emprunter »,
Antoine de Laval, Des[s]eins des professions…,
L’Angelier, Paris, 1612, f° 108.
1Les historiens2 se sont surtout attachés à la dette flottante de la monarchie ; ils ont montré que la pénurie de numéraire obligeait le roi à emprunter à des spécialistes, les « gens de finance »3, qui lui avançaient les sommes nécessaires et se remboursaient ensuite, avec intérêts, sur diverses ressources du Trésor, en particulier les impôts4. Cependant, la monarchie française n’aurait pas pu survivre ni faire la guerre sans consolider une partie de sa dette. Les deux procédés usités furent l’émission des rentes sur l’Hôtel de Ville (1522)5 et le recours à la vénalité des charges publiques (1523)6. Ces deux formes de dette publique n’avaient pas la même portée sociale : la première était neutre, la seconde était créatrice de privilèges. La découverte du rapport intrinsèque qui, même sous la monarchie dite « administrative », liait la vénalité des charges, d’une part, à la dette publique7, et, de l’autre, à l’extension de la société de privilèges est une conquête récente de la compréhension historique8.
2Il n’est peut-être pas mauvais, en anticipant sur l’exposé, de prendre d’emblée la mesure des enjeux qui naissaient de la construction de l’« État d’offices »9. Les capitaux placés dans les offices représentaient des investissements considérables, quoique difficiles à évaluer avec certitude. En 1614, la valeur totale des offices aurait été de 200 millions de livres, en 1626, de 300 millions10, approximations qui paraissent avoir une part d’arbitraire. L’enquête de 1665, base largement utilisée11, donne le chiffre de presque 420 millions. On se serait placé en 1660, cette évaluation aurait été bien supérieure (600 millions peut-être)12. En 1715, la valeur des offices serait montée à 542 millions13. En 1771, selon l’estimation volontaire des offices par les officiers eux-mêmes, évaluation le plus souvent effectuée en corps, le capital des offices vénaux aurait atteint 600 millions de livres. Il n’est pas si sûr qu’il ait été sous-estimé14. En 1778, Necker a repris cette estimation de 600 millions15. En 1789, on avança la somme de 736 millions16. L’évaluation de 1771 fut en tout cas la base prise par les révolutionnaires pour le remboursement sur le rapport du constituant Gossin, qui fit un grand éloge de l’édit de 177117. Mais les chiffres de 800 millions et même de 850 millions furent aussi avancés par le directeur général de la liquidation, ce qui semble correspondre à la reprise du marché des offices à partir de 1775 jusqu’à 1789. On a là des ordres de grandeur suggestifs. En somme, la vénalité des charges faisait de l’État monarchique une sorte de compagnie par actions dont les riches Français détenaient les parts.
3Le système de la vénalité était d’une extrême complication. Cette communication n’aborde que trois aspects : la doctrine qui tend à lier la légalisation de la vénalité à la notion d’intérêt général ; les liens que créa la vénalité légale entre dette publique et dette privée ; la conjoncture du prix des offices entre 1521 et 1790. Ce cahier allégé des charges est déjà suffisant pour pouvoir tenter en conclusion de définir les grands traits de ce système financier si étrange et si particulier à la France.
I. La vénalité légale, le bien public et la dette publique
A. Le roi et l’officier comme possesseurs publics
4Sous l’ancienne monarchie, la théorie de la propriété de l’office était une question d’école d’une redoutable complexité. Le roi, source de toute puissance publique, était maître de multiplier et de supprimer les offices à son gré, pourvu qu’il respectât les formes juridiques, car les offices « formés » se créaient et se supprimaient par édit. Aussi le roi définissait-il les offices comme « siens »18. Selon Bodin, « il est sans difficulté que tous les estats, magistrats et offices appartiennent à la République en proprieté19 ». Selon Charles Loyseau, « la vraye proprieté de l’office est publique et de droit public et partant ne peut appartenir à aucun20 ». Mais Bodin ajoutait que les offices pouvaient « estre appropriez aux particuliers » […] « par l’ottroy du souverain ». Et, selon Loyseau, si « l’officier se peut qualifier seigneur de son office », c’est que « le roi ou autre collateur de son office est comme le seigneur direct d’icellui21 ». Ainsi le roi et l’officier étaient l’un et l’autre en un certain sens possesseurs de l’office. Mais s’ils l’étaient, c’était comme administrateurs en charge de la gestion du bien commun. Une telle doctrine était difficile à accepter et même à comprendre pour les rois, les courtisans et les ministres. Une autre idéologie que celle de la science du droit présidait dans les faits à la politique monarchique. Les rois devaient disposer des charges publiques pour les donner en récompense à leurs loyaux serviteurs. Cette pratique s’observe tout au long du règne de François Ier dans le Catalogue de ses actes22. Le roi donnait « libéralement »23 les offices pour qu’ils soient vendus par les donataires à leurs familiers ou à d’autres clients solvables, si possible capables de les exercer. Mais, de cela, ni le roi, ni les bénéficiaires des dons n’avaient à se soucier. C’étaient les institutions, les compagnies d’officiers, le cas échéant, ou les grands officiers de la couronne, comme le chancelier, qui étaient chargés d’exercer un contrôle de compétence. Et eux se situaient du côté de l’idéologie de la science du droit.
5La rencontre de deux univers politiques à ce point hétérogènes explique que la propriété de l’office ait été pensée selon le modèle féodal du domaine divisé24, distinguant une propriété directe (celle du seigneur) et une propriété utile (celle du censitaire). Jacques Leschassier, jurisconsulte contemporain de Loyseau, en déduisit des solutions qui ne furent pas retenues : il proposait que les grands offices soient tenus en fief de la couronne et les petits en roture25. Encore en 1790, le constituant Gossin expliquait les frais de provision payés au Trésor royal : « ce sont, s’il est permis de parler ainsi, les profits dus par la vente au propriétaire de la directe26 ». Le droit des offices se construisit peu à peu sur une jurisprudence empruntée aux affaires féodales et bénéficiales. Les taxes de mutation qui frappaient l’office (« quart denier », etc.) ont eu pour modèle les lods et ventes et le quint et requint27. Imaginée par François Ier « in tempore iracundiae », la règle des quarante jours imposait, à l’imitation de quelques usages féodaux, que le résignant vécût durant ce délai après sa résignation admise, sinon l’office redevenait la propriété du roi28. Le droit annuel, permettant aux officiers qui payaient chaque année cette sorte de prime d’assurance d’échapper à ladite clause des quarante jours, était l’équivalent de l’abonnement pour le fief 29.
6Enracinée dans la « libéralité » souveraine, la politique royale des offices restait, à l’aube des temps modernes, entièrement disjointe des dépenses d’intérêt public et de la notion de bien commun. En plein triomphe de la vénalité d’État, les lettres de provision furent toujours tenues pour des lettres de don. Cependant l’éloge du don royal, omniprésent au xvie siècle, s’assourdit au xviie et se mue en critique au xviiie. Certes l’impôt d’autorité avait périmé la vieille conception de l’impôt comme don établissant une réciprocité par l’échange entre la contribution pécuniaire et la défense de la chose publique. Si Louis XII passe pour avoir préféré vendre des offices plutôt que d’augmenter les tailles, c’est qu’il aimait mieux emprunter que prélever. La vénalité légalisée aida à la substitution de « l’État preneur fiscal » (et emprunteur flamboyant) au « roi donneur magnifique »30. Car tout le système des propriétés que l’économie de l’office suscita trouvait son fondement ultime, quelque dévoyé qu’il ait pu parfois être, dans le caractère public des procédures qu’il tendait à mettre en œuvre et, par voie de conséquence, dans les services inséparables du royaume et du roi.
B. Vénalité légale, vénalité coutumière : une distinction indispensable
7La genèse médiévale de la vénalité a conditionné les développements ultérieurs d’une vénalité d’État31. En est résultée une pluralité des formes de vénalité que Georges Pagès a mise en lumière dans ses travaux pionniers32. La confusion fut largement entretenue par les hommes d’Ancien Régime, même les jurisconsultes, à commencer par Charles Loyseau, parce qu’ils étaient hostiles à l’établissement de la vénalité légale. Il convient donc de se placer aux marges de la doctrine dans le champ de la pratique administrative pour comprendre ce qu’étaient les offices « vénaux », par opposition aux offices « non vénaux ». Au xviiie siècle, les choses étaient sans mystère : le procureur Denisart dit simplement que « les offices vénaux sont ceux qui ont été venduz et aliénés par le roi moyennant finance33 ». L’avocat Robert Joseph Pothier explique la précédente assertion en distinguant « deux choses » dans les « offices vénaux » : « le droit d’exercer une certaine fonction publique » et « la finance attachée à l’office ». « C’est rapport à cette finance de l’office que les offices vénaux sont dans le commerce », poursuit-il : « la finance de l’office consiste dans une certaine somme d’argent qui a été payée au roi pour les besoins de l’État, lors de la création de l’office, et dont a été expédiée, par le garde du Trésor royal, une quittance qu’on appelle quittance de finance d’office34 ».
8Qu’est-ce alors qu’un « office non vénal » ? Claude-Joseph de Ferrière avertit que « les offices non vénaux sont ceux qui n’ont point de finance et qui ne tombent point dans les parties casuelles35 ». Pour Denisart, ce sont « ceux qui n’ont point de finance et dont les titulaires ne peuvent disposer qu’avec l’agrément du roi36 ». En 1602 déjà, Jacques Leschassier avait noté : « de toutes les charges publiques, les unes se vendent par le roi et sont en ses parties casuelles, les autres, qui n’y sont pas, ne laissent pas d’estre vendues des uns aux autres avec le consentement ou la connivence du roi37 ». Comme on le voit, des critères administratifs relativement simples ont permis l’élaboration d’un droit public stable : l’office « vénal » « tombe » aux parties casuelles et il a une « finance » annexée, laquelle est fixée par le Conseil du roi lors d’une opération qu’on appelle la « taxe ». L’office « non vénal » n’a pas de finance annexée et on en trafique sans jamais passer par les parties casuelles. Mais l’un et l’autre se vendent. Il faudrait donc distinguer deux sortes de vénalités : l’une, légale, est organisée par les parties casuelles à partir de 152338 et concerne les offices « vénaux » ; l’autre, coutumière, d’origine médiévale et largement répandue dans toute l’Europe, gouverne les « offices non vénaux » ; leur vente ne profite pas aux coffres du roi, mais à des intermédiaires, aux grands officiers de la couronne (chancelier, grand maître…) ou aux favoris, auxquels la grâce souveraine a souvent donné la faculté d’organiser cette vénalité qui obéit à un dispositif juridique complètement distinct de celui des parties casuelles. La vénalité légale se caractérisait par le lien organique qu’elle établissait entre le « titre » de l’office, délivré par la chancellerie, droit d’exercer par délégation royale une fraction définie de la puissance publique, et la « finance » de l’office, versée au roi pour concourir aux dépenses d’intérêt public. L’analogie qui assimile la vénalité légale et la vénalité coutumière est artificielle39. Cependant la coexistence des deux types de vénalité et des deux conceptions du pouvoir royal fondait le pacte social sur lequel, jusqu’à la Révolution, se perpétua la monarchie, en symbiose avec les élites du pouvoir40. C’est une interprétation tentante de voir là une opposition entre la noblesse terrienne et courtisane, d’une part, attachée à l’univers de la grâce royale, et les grands notables citadins, de l’autre, qui transposaient dans le service de l’État des principes « bourgeois » de recherche du profit41.
9Mais il vaut mieux s’en tenir aux leçons de la philosophie politique d’époque. Jean Domat remarquait qu’« il y a cela de commun à toutes les fonctions de tous les officiers qu’elles se rapportent à un bien public : mais, comme le bien public est composé de plusieurs parties », le célèbre juriste était amené à séparer trois espèces de fonctions : « celles qui regardent directement et en général le bien de l’État et le service du prince qui en est le chef » (il s’agit des charges militaires et des gouvernements de province ou de ville) ; « celles qui se rapportent au service de la personne du prince » (il s’agit des charges de la cour et de la maison du roi) ; « celles qui regardent le bien commun de la société » (il s’agit des charges de justice, de police et de finance). Domat remarquait que les deux premières catégories d’offices n’étaient pas « vénales », alors que « les charges de justice et de finance, à la réserve d’un très petit nombre, sont toutes vénales42 ». Ainsi le service personnel du prince et la non-vénalité formaient un couple auquel s’opposait symétriquement le couple de la vénalité et du service du public. La vénalité coutumière, créant une possession viagère sans garantie pour les héritiers, ni pour les créanciers, ne pouvait supporter aucun système de crédit43, au contraire de la vénalité légale. Ce constat permet de comprendre l’une des cohérences fondamentales du régime monarchique : le service de l’État, en tant qu’il était censément service du public, était lié à la vénalité légale, créatrice de dette publique.
C. Limites et contradictions de la publicisation du service royal
10Présenté comme vertueux, un double circuit de l’office illustre la liaison indissociable que les juristes voulaient imaginer entre le service du roi et le service du royaume.
11La vénalité d’État tendit à dégénérer quand la royauté a admis que l’officier puisse ne pas rendre service au roi et au peuple pourvu qu’il avance de l’argent au roi. Le cercle se fait alors vicieux, l’officier n’étant rien de plus qu’un rentier privilégié.
12Les symptômes de la crise devinrent évidents quand le roi décida de traiter comme des offices des charges qui n’avaient aucun intérêt public, telles celles de perruquiers. « Les privilèges de perruquier […], ne sont pas des offices, puisqu’il n’y a aucune fonction publique qui y soit attachée ; mais, quant à leur nature de biens, ils ressemblent aux offices en ce que cette espèce de biens, de même que les offices consiste dans une quittance de finance qui est dans le commerce44 »… Pire, la création d’offices sans objet45 et, de façon générale, la multiplication de charges dont le nombre excédait de beaucoup les besoins du service (public) minaient les justifications fondamentales du système de la vénalité légale. Chez les ministres, le désintérêt pour les aptitudes et la moralité des officiers se manifesta jusque dans des sphères qui avaient été considérées comme essentielles au bon fonctionnement de l’État : le contrôleur général Pontchartrain précisait, en 1689, que les nouveaux conseillers au parlement ne devraient « estre astraints a subir aucun examen » et avouait, en 1690 : « le reste des charges ne nous fera de la peine de debiter que par le nombre, le choix des sujets n’y est pas si important46 ».
13Les contradictions apparaissaient donc fortes entre les aspirations des juristes à créer une fonction publique qui serve à quelque chose et celles de la monarchie dominées par les préoccupations financières47. Mais la coexistence de ces conceptions intellectuellement peu compatibles permit, grâce à la vénalité légale, d’articuler la dette publique sur le crédit privé des particuliers ou sur le crédit semi-public des corporations.
II. La vénalité légale : une modernisation imparfaite de la dette
A. Les trois révolutions des parties casuelles
1. La révolution inachevée de 1523
14La création des parties casuelles ne permit pas la consolidation de la dette publique représentée par les offices pour deux raisons.
151. La nature casuelle des offices, soumis à la clause des quarante jours, en faisait une propriété viagère, transmissible (moyennant le paiement au Trésor d’une taxe de résignation), mais non héréditaire. On continuait à dire que l’office mourait avec son titulaire. Et, de fait, au xvie siècle, le roi supprimait souvent les offices vacants, quitte à les recréer ensuite pour les besoins du fisc.
162. Après 1523, si les offices dits de finance et les offices des auxiliaires de la justice devinrent officiellement vénaux, les offices de judicature, assimilés à des sacerdoces, restaient « non vénaux » depuis une ordonnance de 1493 ; autrement dit, ils n’entraient pas aux parties casuelles. Bien avant 1523, « messieurs des finances » réclamaient aux pourvus des grandes charges judiciaires des « prêts » remboursables à la diligence des magistrats devenant ainsi créanciers du fisc. Ces prêts d’acquisition48 s’officialisèrent pour les offices nouvellement créés, nombreux sous François Ier et Henri II, et tendirent à être assimilés à des « finances » et gérés par les parties casuelles, en particulier pour les offices des présidiaux, tribunaux intermédiaires institués en 155249.
17La récupération de ces prêts pouvait s’avérer difficile, mais elle était loin d’être exceptionnelle en fonction de l’entregent de l’officier, de l’efficacité de ses appuis en cour, de la force de ses instances auprès du comptable sur la caisse duquel était assigné le remboursement50. En tout état de cause, le montant du prêt était considéré comme un droit sur le roi et pouvait se négocier entre particuliers. En résignant son office, le magistrat cédait au résignataire le montant du prêt payé pour obtenir l’office51. Dans les années 1567-1569, les résignations et les survivances purent être garanties moyennant le paiement d’un lourd droit, le « tiers denier », équivalant, comme son nom le laisse supposer, au tiers de la « valeur » de l’office, telle que le Conseil la taxait. Cependant les revirements de la politique royale empêchèrent la mise au point d’une jurisprudence administrative stable et, partant, la consolidation partielle de la dette publique que représentaient les offices. Les magistrats, à l’imitation des officiers de finance, trafiquaient de leur office, mais dans la mauvaise conscience et l’incertitude.
2. L’accomplissement de 1604
18L’innovation de 1604 mit un terme à ce double facteur d’incertitude52.
191. Le paiement annuel d’une taxe (la paulette, équivalant au soixantième de l’« estimation » de l’office arrêtée au conseil par un rôle de décembre 1604) assurait aux officiers et à leurs héritiers la possession héréditaire conditionnelle de leur office, même si les offices de justice et de finance, ceux qui étaient dédiés à l’administration de la chose publique, conservaient leur nature « casuelle » intrinsèque, seulement pour ainsi dire suspendue pendant neuf ans, durée initialement assignée à la paulette. Ainsi, par une grâce temporaire et révocable puisqu’elle n’émanait que de la libéralité souveraine53, le roi proposait aux officiers, qui restaient libres de n’en pas profiter, d’échapper à la rigueur des quarante jours.
202. Le nouveau cours conférait aux offices de justice, désormais dotés d’une « finance », la même structure juridique et économique que celle des offices de finance. L’appareil d’État se construisit dès lors de façon cohérente, même si ce n’était pas là la motivation d’Henri IV et de Sully54. En tout cas, la réforme de 1604 revenait à mieux consolider la dette publique.
21Dès ce moment put se développer un marché des offices où l’offre et la demande jouaient leur rôle. Les contacts s’établissaient entre individus, par relations, familiales, régionales ou corporatives, et, parfois, par l’intermédiaire de « courtiers d’offices » plus ou moins professionnels55. Au xviiie siècle, on pouvait acquérir n’importe quel office vénal grâce à des petites annonces56. Toutefois ce marché ne fonctionnait pas comme un marché libre, pour deux raisons : d’abord, le respect des hiérarchies sociales codifiées dans les théories de la « société d’ordres » l’emportait sur les considérations économiques objectives, si bien que les riches roturiers avaient du mal à accéder aux charges les plus prestigieuses. Ensuite, la liberté du commerce des offices restait suspendue à la volonté du roi. C’est la grâce royale qui avait établi en 1604, avec le « droit annuel », la charte temporaire du marché quasi libre des charges publiques, mais elle ne l’avait fait que pour un temps limité. L’instrument de la liberté, comme de la réglementation ultérieure, avait été l’acte même qui avait institué la propriété héréditaire conditionnelle des offices ou, plus exactement, des finances d’offices, c’est-à-dire l’arrêt du Conseil de décembre 1604 instituant la paulette pour neuf ans. Il ne s’agissait pas d’un édit impliquant des formes quelque peu contraignantes dans le cadre du pouvoir législatif du souverain, mais d’une pure « grâce » du roi qui était maître de son administration, voire de son retrait. La « libéralité » royale avait du mal à se retirer de la « techno-structure administrative de l’office »57. Cet inachèvement de la logique bureaucratique fut la source des affrontements politiques périodiques qui accompagnèrent le renouvellement de l’annuel, même si la Fronde, le plus sérieux d’entre eux, répondait en fait à des causes plus fondamentales58. La chronologie et les modalités du renouvellement de la paulette déterminèrent donc en partie la conjoncture du marché des offices.
Tableau 1 : Éléments de chronologie pour le droit annuel (« paulette ») (première période)59
— XII/1604, l’annuel est fixé à 1/60e de « l’évaluation » ou « estimation » arrêtée au Conseil. — III/1612, mêmes conditions. — 15/I/1618, suppression de l’annuel. — 31/VII/1620, rétablissement, instauration du prêt (prêt d’admission à payer l’annuel, le nom de cette taxe provenait du fait qu’elle était remboursable sur les droits de mutation), d’où des négociations (le parlement voulait les conditions d’avant 1618). — 22/II/1621, déclaration modificative (annuel rétabli au 60e denier, prêt au 15e denier), puis 31/III/1621 (prêt au 30e denier)60. — 27/I/1630, puis 21/XII/1630, édit de VIII 1631, prêt au 8e denier pour les cours souveraines, 6e pour les trésoriers de France et présidiaux, 5e pour les autres offices de justice et finance61. — 28/X/1636, puis 6/X/1638, l’évaluation (ou « estimation ») augmentée du « quart en sus », calculé en dehors, c’est-à-dire un tiers de plus ; puis 18/V, le parlement exempté du prêt, et 16/VII/1639, le Châtelet exempté du prêt. — 17/III, 16/V, 8/VIII/1648, les conditions de 1638 sont finalement prorogées. — 15/I/1657, le prêt remplacé par des augmentations de gages62. |
3. Le coup d’arrêt : les fixations de 1665 et leurs suites
22Le système de la vénalité fut bouleversé sous le règne personnel de Louis XIV. En 1665, dans le cadre de la « réformation de la justice », Colbert imposa par édit la « fixation » du prix des principaux offices des cours souveraines, c’est-à-dire qu’il « fixa » la valeur maximale à laquelle ils devaient être vendus63. L’édit ne fut pas bien respecté car les vendeurs se faisaient payer des dessous-de-table par les acheteurs64. Aussi un autre édit de 1669 prescrivit-il l’obligation de « consigner » le prix des charges au Trésor des parties casuelles65 qui établissait un tour (ancienneté compensée par la faveur) entre les candidats pourvus au fur et à mesure que des charges étaient résignées par leurs anciens titulaires66. La monarchie contrôlait ainsi le recrutement des cours de justice, qui lui avait complètement échappé depuis le xvie siècle67. À Paris (elle ne put être appliquée en province), la consignation contraignait les candidats à immobiliser des capitaux considérables aux parties casuelles sans toucher aucun intérêt. Elle forçait en fait à payer cash et d’avance au seul profit du Trésor royal, qui trouvait là une petite ressource en liquidités68. La politique de Colbert provoqua une énorme destruction de capital69. En 1709, avec le rachat de l’annuel, les fixations furent levées70. Mais, en 1724, le système de Colbert fut rétabli dans le cadre d’une politique de déflation générale après l’échec du système de Law71. Le retour à l’orthodoxie colbertienne prévalut jusqu’à la Révolution.
Tableau 2 : Éléments de chronologie pour le droit annuel (« paulette ») (seconde période)
— XII/1665, renouvellement de l’annuel pour trois ans et fixation pour les offices des cours souveraines. — 28/II/1669, renouvellement pour trois nouvelles années et consignations du montant des fixations aux parties casuelles72. — 27/XI/1671, 3/VI/1672, l’annuel est accordé en ordre dispersé, le 12/XI, tous les officiers de justice et de finance obtiennent son renouvellement. — 27/VIII/1674, augmentations de gages au lieu du prêt. |
— 30/X/1683, augmentations de gages au denier 18 au lieu du prêt pour une somme équivalant à l’annuel pour les cours souveraines. Certaines cours autorisées à prendre les augmentations en corps… Pour les présidiaux, prêt au sixième, pour les autres offices, au cinquième73. — 1690, création d’offices et levée des consignations pour les offices des cours souveraines. — 1/XII/1692, mêmes conditions qu’en 1683. — 27/VIII/1701, idem. Divers édits créant des augmentations de gages qui s’assimilent de plus en plus à des rentes ordinaires74. — 1709, rachat de l’annuel sur le pied du denier 16. Ce rachat prit douze ans. Levée des fixations. — 9/VIII/1722, rétablissement de l’annuel aux conditions antérieures. Le rachat de 1709 est remboursé par des rentes viagères sur les tailles au denier 5075. — IX/1724, rétablissement des fixations sur le pied antérieur à la déclaration de décembre 1709. — 22/VII/1731, mêmes conditions76. — 19/VII/174077 “ — 8/VII/174978 “ — 23/VII/175879 “ — 1/IV et 13/VI/1767“ — II/1771, suppression de l’annuel et du prêt, instauration du centième denier (l’évaluation est faite par les officiers eux-mêmes, elle sert de base au paiement de cette nouvelle taxe de mutation et donne le nouveau montant de la fixation pour les offices concernés). — 30/XII/1774, centième denier étendu aux cours souveraines rétablies : 1/16e du prix de la fixation de 1756 à Paris, de la fixation qui sera arrêtée au Conseil en province. |
23Toute l’histoire des parties casuelles peut s’interpréter comme un cheminement difficile vers la consolidation de la dette vénale entre 1523 et le temps de Colbert, puis le xviiie siècle, une consolidation qui aurait dû signifier une baisse des taux d’intérêt servis par l’État80. Il n’y aurait plus eu de raison de rémunérer mieux les investissements dans les offices si leur propriété était devenue tout à fait sans risque. Malheureusement, le régime de la vénalité restait menacé par une certaine insécurité juridique par le « fait du prince », qui pouvait toujours décréter des banqueroutes et suspendre l’hérédité conditionnelle de la propriété des offices.
B. L’idée de la continuité des engagements de l’État et la pratique des banqueroutes
24L’officier acquérait grâce à la « finance » un droit contractuel sur le fisc. Peu soucieux d’établir un principe général de continuité des dettes publiques, les jurisconsultes ont en revanche bien reconnu le caractère tacitement contractuel qu’introduisaient les parties casuelles dans la relation entre le roi et ses officiers. Le roi avait dû recourir à la vente des charges publiques, pressé qu’il était par ses « urgentes affaires ». Parfois, le Conseil avait démarché auprès de riches particuliers pour les convaincre d’acquérir un office dans la seule intention de faire service au roi81. En 1588, l’humaniste Antoine de Laval aurait, selon son dire, expliqué à Henri III que « la suspension des officiers ne pouvait chretiennement s’executer et sans note de tyrannie sinon avec actuel remboursement », car, continuait le savant cosmographe, « lettres de provision et quictances d’offices avec l’edict de creation equipolent et doivent estre censés comme contrats entre le roy et son sujet ». Certes, le roi est absolu, mais « il y a grand’difference de dire que le Prince est tenu de sa promesse et serment aus contrats dont il reçoit commodité reelle et aux edicts et lois du gouvernement de son Etat82 ». Jean Bodin avait établi la même différence entre contrats et lois83. Sous Henri IV, Charles Loyseau tira les leçons du caractère contractuel que revêtait la vente des offices aux parties casuelles : « c’est un contrat de bonne foy », qui ne peut se révoquer que « d’un mutuel consentement ». Pour lui, tout le commerce des offices était bâti sur « la foi publique » engagée par l’acte vénal initial qu’était la quittance de la « finance entrée aux coffres du roy », si bien que « suppression est odieuse, même avec remboursement84 ». Dès l’avènement d’Henri IV, la jurisprudence du Conseil considéra que les officiers pourvus à titre onéreux, même par le parti contraire (la Ligue), devaient être préférés à ceux qui l’avaient été à titre gracieux par la faveur royale85.
25L’office, régi par la loi (l’édit de création) et par le contrat (le paiement d’une finance initiale et de diverses taxes subséquentes au Trésor royal), constituait un bien parmi les mieux garantis après 1604. La Révolution, combinant sa haine des privilèges avec son respect de la propriété, reconnut la continuité des engagements de l’État en abolissant la vénalité tout en procédant à la liquidation des titres et en reprenant les dettes des compagnies d’officiers. Les registres du Contrôle général enregistrant les sommes financées pour les offices depuis les années 1630 sont quittancés en marge à l’époque révolutionnaire86. On ne saurait avoir plus forte preuve du caractère public d’une dette qui survécut à un changement de régime par ailleurs très radical.
26Cependant les menaces de la banqueroute n’avaient pas épargné les officiers. Le « fait du prince » permettait toujours à la monarchie de s’affranchir des règles qu’elle avait édictées. Les banqueroutes légales, généralement partielles, prenaient plusieurs formes : dévaluation monétaire (baisse de la teneur métallique de la livre tournois)87, diminution du taux d’intérêt (le « denier du roi »)88, chambres de justice89, autant de procédés pour réduire plus ou moins arbitrairement la dette de l’État. Dans la pratique, le roi retranchait les gages des officiers comme il retranchait les rentes des rentiers. Mais il procédait avec circonspection pour ne pas tarir la confiance des prêteurs, source ultime de tout crédit90. La royauté devait même faire preuve de plus de ménagements envers les créanciers des officiers qu’envers les officiers eux-mêmes.
27Un projet de banqueroute partielle datant de 1576 expose les données fondamentales du problème : « pour les despences qui sont par obligations et contrats, qui sont les gages et les rentes, il faut aussy qu’elles portent leur part de réduction ». La nécessité conspirait ainsi avec l’intérêt public pour écorner les intérêts particuliers. C’était toutefois en vue de les consolider à long terme : « mais ce qui peut le plus servir, ajoute le mémoire, ce seroit d’oster l’apprehension a ceulx a qui le roy doibt que ce qui leur sera ordonné apres cette reduction ne leur soit aussy incertain et mal asseuré que auparavant91 ». On voit que la question du crédit du roi était au cœur des réflexions politiques, même lors du recours à des expédients. Les parties casuelles tendirent à faire sortir l’économie de l’office de la sphère des libéralités royales pour l’installer dans le domaine de l’emprunt.
C. La vénalité légale : l’articulation du crédit public et du crédit privé
28Vaille que vaille, avec les réformes de 1523 et leur systématisation en 1604, les parties, vendeurs et acquéreurs, purent faire mentir le « vieil quolibet de pratique » : « Qu’en matiere d’office, il n’y a point de garantie ». Ainsi, Charles Loyseau explique que, quand on était troublé dans la jouissance d’un office de judicature, « on n’osoit pas tout ouvertement agir en garantie […] et demander la restitution du prix, pour ce que c’eust esté se declarer parjure. […] Pour a quoy obvier, le vendeur vouloit avoir ses deniers comptans92 ». En 1615, à l’occasion des états généraux, un libelle notait qu’avant 1604, « quoy qu’il y eust desja de la furie en l’achapt des offices, peu de gens toutefois y engageoient tout leur bien, […] ne se trouvant gueres de creanciers et de cautions qui s’embarquassent lors sur l’asseurance seule des offices. Mais depuis qu’ils ont changé de nature et que la faveur du droict annuel a eu cours, les peres de famille mieux sensez y ont employé […] leurs heritages »93.
29Selon un argument courant dans la littérature politique qui entoura les états généraux de 1614, tout le crédit s’était porté sur les acheteurs d’offices depuis le droit annuel94. À la suite de la grande poussée spéculative d’après Fronde, un conseiller d’État jugeait aussi, en 1665, que « l’abbondance d’argent qu’il y avoit pendant la guerre dans les villes, et principalement celle de Paris, […] ayant donné [aux officiers] occasion d’emprunter de grandes sommes de deniers pour se faire pourvoir, eux et leurs enfans, d’offices de grand prix », le commerce et aussi les autres affaires du roi s’en étaient trouvés gênés95. Au xviiie siècle, Véron de Forbonnais concluait : « on doit même observer que cette facilité de placer avantageusement son argent en se procurant des distinctions soutient le prix des intérêts96 ». De l’aveu des observateurs avertis, la concentration du crédit sur le marché des offices était partie intégrante de la mise en place d’un système cohérent de crédit public : « Quelle disproportion y a-t-il en cela avec les offices : et de ceux qui consistent principalement en utilité, qui ne sçait qu’ils rapportent du moins autant que les rentes, pour lesquelles il y a des creanciers qu’on peut a la verité plus aisement contraindre que le Roy, mais qui ne sont jamais si asseurez97 ». L’analogie entre la rente et l’office vénal, peu familière aux historiens, était banale dans la pensée des Temps modernes. À la belle citation de l’exergue, on pourrait en ajouter bien d’autres : réfléchissant sur la multiplication des charges publiques, un adversaire de Maupeou notait : « cette création n’a été en soi qu’une manière de faire un emprunt à 5 pour cent ou à un autre denier quelconque98 ». Le magistrat physiocrate Guillaume François Le Trosne assimilait les finances d’office aux rentes : « Mais pour quelle raison a-t-on imposé cette condition à l’hérédité des offices plutôt qu’à celle des rentes ? Et sur quoi est fondé cette distinction ? La finance d’un office est-elle autre chose qu’un emprunt99 ? »
30La libéralisation du crédit semble avoir été systématique au temps d’Henri IV : la disparition des limitations apportées à la capacité des femmes d’engager leur patrimoine constitue une évolution tout à fait significative100. La fusion entre crédit public et crédit privé permettait d’acheter les charges en empruntant, auprès de sa famille, d’amis, de banquiers, mais aussi souvent auprès des traitants qui tournaient autour de l’administration des parties casuelles et peut-être au Trésor des parties casuelles lui-même101. Désormais, les offices « vénaux » pouvaient être traités dans les successions à peu près comme les autres immeubles réels (seigneuries, terres ou maisons) ou fictifs (rentes). Ils étaient susceptibles d’acquérir toute une série de qualités juridiques, celles de biens propres, de biens de communauté, de biens substitués102… Ils finirent, en 1683, par pouvoir servir d’hypothèques à l’instar de tous les autres immeubles, ce qui acheva de garantir les dettes privées par la dette publique103.
31Le système de la vénalité reposait sur un compromis social entre la royauté et les élites du pouvoir : les intérêts des familles face au fisc étaient réservés parce qu’elles avaient par le passé avancé des sommes considérables et que l’État espérait recevoir la même assistance de leur part, quand les « urgentes affaires » de ses guerres l’exigeraient : on supprimait les offices pour les recréer quand besoin serait. En tout état de cause, le « roi dépensier » devait moralement donner toujours plus à ses fidèles serviteurs qu’il ne recevait d’eux ; quant aux autres, ils n’étaient rien de plus que des sujets contribuables à l’égard desquels la dette royale était plus vague104. Sur cette base, l’édifice proliférant de la spéculation privée se construisit sur le fondement de la spéculation publique et finit par devenir bien plus imposant. La fortune des familles était l’enjeu d’une immense fiction fiduciaire et deux positions antagonistes s’étaient exprimées dès les états généraux de 1614-1615. Les uns affirmaient la priorité que représentait la diminution de la dette publique dans le respect de la continuité de la fonction des officiers : « il ne leur importe quel soit le prix de leur office, ou plus grand ou moindre, pendant qu’ils l’exercent, le surplus n’estant qu’une richesse imaginaire et la fonction de leurs charges estant toujours semblable105 ». Les autres soutenaient que le caractère fictif de la richesse des officiers l’empêchait de nuire aux finances publiques : « Pour la cherté, qu’importe a l’Estat de quel prix soient les offices ? Tout aussi peu certes que les maisons ou heritages de la campagne […]. L’Estat en est-il appauvry ? Rien moins. Un homme riche achete l’honneur de porter une cornette ou une tocque de velours, celuy qui en est las prefere l’argent a l’honneur : tous deux ont ce qu’ils demandent sans fraude, corruption ou injustice, et les deniers demeurent a l’Estat. Si vous en diminuez le prix, vous appauvrissez autant celuy qui le possede106 ».
32Certains ont soutenu que les fixations et les consignations imaginées par Colbert avaient rompu la logique du système de crédit vénal. Ainsi, dans les dernières années du règne de Louis XIV, le sieur de Belesbat (Charles Paul Hurault de L’Hospital, mort en 1706) déclarait : « il est constant que les remèdes seroient pires que les maux, on en a la preuve dans la fixation des charges, elle fit perdre aux particuliers plus de trois cents millions de fond, sans que personne en ait profité, ce qui fut une des principales causes des banqueroutes qui arrivèrent dans ce tems-là107 ».
33Il faut donc comprendre la profondeur de l’affirmation de Charles Loyseau, qui était pourtant un adversaire de la vénalité légale, quand il note que « tout le droit des offices procède de leur vénalité108 ». C’est la vénalité qui a fait des offices des fonctions « inamovibles », qui les a mis dans les patrimoines des particuliers, à l’instar des seigneuries, des terres ou des rentes, qui a ainsi permis qu’ils fassent la fortune des habiles familles et la ruine des malhabiles en ouvrant une voie illimitée au crédit privé. L’État monarchique était devenu une sorte de compagnie par actions où les Français, bien au-delà des élites du pouvoir, étaient financièrement intéressés. Toutefois l’investissement dans les offices n’avait pas la même signification politique selon sa distribution sociale entre les diverses composantes des groupes dominants.
III. Les conjonctures des prix des offices (1521-1790) : envolée puis chute de la judicature ; stagnation puis triomphe de la finance
34Les remarques suivantes présentent certains des éléments nécessaires à l’intelligence des courbes de prix qui sont produites au cours de ce développement. Ces courbes décrivent la conjoncture du marché des offices sur le long terme (des années 1520 à la Révolution).
A. Élaboration de la statistique
1. Effectifs et pesée globale
35On a retenu deux offices, qui constituaient des piliers de « l’État d’offices » par leur importance sociale et symbolique : la charge de conseiller laïc (lai) au parlement de Paris et celle de secrétaire du roi, maison et couronne de France à la grande chancellerie. L’étude des effectifs montre qu’il s’agissait d’ensembles massifs, cœurs de compagnies puissantes à fort potentiel de crédit.
Tableau 3 : Effectifs des offices considérés
I. CONSEILLER AU PARLEMENT DE PARIS Le parlement, au xviie siècle, comportait la grande chambre, cinq chambres des enquêtes et deux des requêtes. A Effectifs des conseillers109 | ||||||||
1515 | 1548 | 1556 | 1565 | 1574 | 1594 | |||
Total | 78 | 128 | 141 | 121 | 146 | 178 | ||
Laïcs | 43 | 88 | 105 | 85 | 108 | 143 | ||
Clercs | 35 | 40 | 36 | 36 | 38 | 35 | ||
1637 | 1649 | 1665 | 1690 | 1704 | 1756 | 1777 | ||
Total | 212 | 212 | 212 | 228 | 234 | 170 | 126 | |
Laïcs | 166 | 166 | 166 | 182 | 204 | 144 | 104 | |
Clercs | 46 | 46 | 46 | 46 | 30 | 26 | 22 | |
B. Mouvements110 1523 : + 20 offices (création de la 3e des enquêtes) 1543 : + 20 offices (création de la 4e des enquêtes – initialement chambre du Domaine) 1544 : + 3 offices (aux requêtes du Palais) 1544 : + 12 offices (8 laïcs et 4 clercs, pour la grande chambre) 1554 : + 37 offices (édit du semestre) 1567 : + 12 offices 1568 : + 2 offices lais pour les présidents (création de la 5e des enquêtes)111 1574 : + 4 offices (aux requêtes du Palais) 1576 : + 8 offices (pour la chambre mi-partie) 1580 : + 10 offices (création de la 2e des requêtes – 2 attachés à la charge de président, 8 simples conseillers) 1581 : + 20 offices (à répartir dans les cinq chambres des enquêtes) 1588 : + 3 (aux requêtes du Palais) 1589 : + 4 offices (créations pour le parlement de Tours) 1597-1598 : + 11 offices (10 aux enquêtes, 1 aux requêtes) 1631 : + 4 (dont 1 aux requêtes du Palais), édit d’août 1631 ; l’édit de décembre 1630 avait prévu 6 créations, dont 1 aux requêtes 1635-1636 : + 17 (l’édit avait prévu 24) : 10 lais et 7 clercs112 Novembre 1690 : + 16 offices (dont 2 aux requêtes du Palais)113 Mai 1704 : – 7 conseillers clercs (tenus par les présidents des enquêtes) et – 3 conseillers lais (idem), + 15 conseillers lais Décembre 1756 : – 60 offices lais, – 4 offices clercs114 Novembre 1774 : – 30 offices lais, sur les 40 prévus initialement, et – 4 offices clercs115. | ||||||||
II. OFFICE DE SECRÉTAIRE DU ROI DE LA GRANDE CHANCELLERIE A. Effectifs116 1482 : 120 offices (59 au membre des gages, 61 au membre des bourses) 1572 : 174 offices 1587 : 200 offices 1603 : 236 offices 1607 : 256 offices 1608 : 296 offices 1625 : 306 offices 1635 : 390 offices 1641 : 436 offices 1655 : 492 offices 1657 : 526 offices 1661 : 506 offices 1664 : 300 offices (120 anciens + 54 + 70 + 20 de Navarre + 36 restant des six-vingts des finances) | ||||||||
B. Mouvements 1554-6 : 50 offices créés puis supprimés 1570 : + 54 offices (14 offices des protestants démis en 1568 et réintégrés et 40 offices créés) qui forment un collège particulier 1587 : + 26 offices 1603 : + 36 offices (collège des secrétaires des finances) 1607 : + 20 (collège des 20 de Navarre) 1608 : + 40 offices maintenus (créés par Henri de Navarre ou le duc de Mayenne durant la Ligue), joints aux 26 de 1587 pour former le collège des 66 1625 : + 10 offices 1635 : + 84 offices avec les 26 maintenus de 1603 forment un collège de 120 secrétaires des finances 1641 : + 46 offices 1655 : + 46 offices 1657 : + 34 offices 1661 : 6 collèges (120 anciens, 120 des finances, les 54 – de 1570 –, les 20 de Navarre, les 66 de 1608 auxquels sont joints les 46 de 1655 – donc 112 offices –, les 80 – 46 de 1641 et 34 de 1657 –, soit un total de 526 offices) 1664 : – 209 offices (les 84 de 1635, 45 des 46 de 1641, les 46 de 1655 et les 34 de 1657) | ||||||||
C. Effectifs et mouvements du collège unique réuni en 1672 | ||||||||
Créations : suppressions Avril 1672 1691 : + 60 offices 1694 : + 50 1697 : – 50 1704 : + 40 1724 : – 100 1727 : + 60 | Effectifs 240 offices 300 350 300 340 240 300 (effectifs maintenus jusqu’en 1790) |
36Pour le parlement de Paris, l’enquête de 1665 donne une capitalisation totale de 50 723 000 livres (+ 830 000 livres pour les offices de greffiers « ci devant domaniaux ») et pour les seuls conseillers (166 lais, 46 clercs, 28 commissions des requêtes) : 25 040 000 livres117. Au prix courant de 1660, ce dernier montant passerait à plus de 43 millions. Pour les secrétaires du roi, l’enquête chiffre à 11 760 000 la totalisation des prix courants qui n’avaient pas baissé depuis 1660 ; en revanche, 209 offices ont été supprimés, valant environ 7 320 000 livres118. Les chiffres suffisent à dire le poids de ces deux institutions dans le système financier comme dans la société civile. L’image de puissance politique et sociale des officiers tenait aussi au poids économique que leur conférait la possession de l’office : à la mi-xviie siècle, 120 000 livres tournois, prix modal et symbolique d’une charge de conseiller lai au parlement de Paris, représentaient, sauf erreur de calcul, environ une tonne d’argent fin, 170 000 journées de travail d’un manœuvre du port de Grève, 971 tonnes du meilleur froment vendu aux Halles, c’est-à-dire de quoi nourrir 3 800 Parisiens pendant un an.
2. L’établissement des courbes : les sources
371. Les historiens français n’ont pratiquement jamais traduit en séries statistiques les observations qu’ils livraient sur l’évolution du prix des offices119. Ce scrupule, que ne partagent pas les historiens anglo-saxons, en particulier William Doyle, tient peut-être à une conviction inavouée selon laquelle les transactions ne seraient pas vraiment comparables entre elles. On se trouverait alors ramené à d’anciens débats sur l’histoire des prix120. Mais ces réserves n’étaient pas partagées par les hommes des xviie et xviiie siècles. Ils se référaient, dès la fin du xvie siècle, au « prix du dernier vendu », ou « dernière composition », et maniaient la notion de « prix courant » qui n’était rien d’autre que le montant modal des transactions de gré à gré. Au début du xviiie siècle, un juriste écrivait : « les offices, quoiqu’ils ne consistent pas en poids, nombre, ni mesure, ont de tout temps un prix public et connu de tous121 ». Enfin, les contemporains se livraient eux-mêmes à de vastes fresques où ils analysaient l’évolution du marché sur le long terme122. Il n’est pas niable que les ventes d’offices du même type s’inscrivaient à leurs yeux dans une continuité qui leur permettait déjà de dégager quelque chose comme une notion de conjoncture. Cette vision objective, il est vrai, était combattue par une interprétation d’ordre psychologique, héritage des temps où l’office n’était pas « in bonis » comme les autres propriétés. Ces théories archaïques ont laissé des traces dans le droit : ainsi, si la lésion d’outre moitié ne s’applique pas à l’office, c’est parce qu’il doit être « considéré comme chose précieuse dont le prix augmentoit par l’affection123 ». Mais l’économie politique des offices « vénaux » ne dépendait plus de ces idéologies qui trouvèrent néanmoins, durant tout l’Ancien Régime, une application évidente dans le cas des offices « non vénaux », régis par la vénalité coutumière.
382. Les prix d’offices (« prix courants ») ont donc été recueillis dans les « traités d’offices », autrement dit les ventes passées devant notaires124. Ces données font parfois preuve d’une volatilité révélatrice125. Il n’y a pas de raison de ne pas retenir les analyses d’actes contenues dans les inventaires après décès (sauf erreurs de copie), d’autant que, quand les conventions étaient passées sous seing privé, les originaux ne se retrouvent pas. Les données fournies par les contrats de mariage, les partages successoraux et les testaments doivent en revanche être écartées : la jurisprudence amenait à prendre en compte le prix d’un office lors de son acquisition, si reculée fût-elle dans le temps : ainsi le fils devait rapporter à la succession de ses parents les sommes qu’ils avaient déboursées pour le faire pourvoir, et le père qui résignait à son fils l’office qu’il détenait lui-même était en droit de l’estimer au prix qu’il lui avait coûté, sans tenir nul compte de l’évolution du marché126. C’était là une façon courante d’avantager un enfant dans une nature de biens indivisible sur lesquels la coutume ne reconnaissait pas de préciput d’aînesse127. En toutes ces matières, la jurisprudence offrait des solutions relativement stables qui permettent à l’historien d’interpréter les documents. La courbe des prix courants est la principale sur les graphiques.
393. Les assertions des mémorialistes, tels Pierre de L’Estoile, au xviie siècle, Laurent Bouchel, Gui Patin, au xviie, ou l’avocat Barbier, au xviiie, sont naturellement sujettes à caution, mais les recoupements avec les documents notariés corroborent souvent les chiffres allégués au milieu d’imprécations contre la vénalité128. Les factums et les recueils de jurisprudence fournissent aussi des données qui peuvent parfois être recoupées avec d’autres. Les correspondances et les mémoires familiers relatent aussi avec précision les événements survenus sur le marché des offices, qui était un sujet permanent de préoccupation et de cancanage pour les élites du pouvoir129. Enfin, la « notoriété publique » et le montant de la dernière transaction sont souvent invoqués, aussi bien dans des arrangements familiaux que devant les tribunaux. Autant de preuves que le marché des offices n’était pas secret, mais public. Les sources dites « littéraires » (le plus souvent provenant de factums ou de traités politiques) sont représentées sur les graphiques par des points non reliés.
404. Il faut distinguer soigneusement les notions, à l’exemple des administrateurs de l’ancienne monarchie130. Ce serait de très graves erreurs de traiter comme des « prix » d’offices :
– les « évaluations » ou « estimations » élaborées pour le calcul du droit annuel et celui des taxes de mutation (le huitième denier remplaçait le quart denier pour les officiers qui avaient payé la paulette)131 : en 1604, l’évaluation semble avoir été calculée d’après la « juste valeur » des charges durant la décennie antérieure (vers 1598, peut-être), mais l’opération manqua de systématicité, voire de transparence132 ; ces valeurs sont de simples repères fiscaux ;
– les « finances » taxées au Conseil133 qui ne sont pas des « prix » d’offices134. Pour les magistratures, il faut distinguer en effet deux périodes séparées par la date de 1604.
41Avant, par le système du prêt d’accession aux offices de judicature et sa lente assimilation aux « finances » des offices pleinement vénaux, les sommes taxées par le Conseil pour la mise sur le marché des offices alors créés à profusion constituent la seule référence d’un marché qui se cache et ne trafique pas directement des offices, mais des quittances émises par le fisc.
42Après, dans une certaine mesure, seules les premières finances des charges nouvellement créées représentaient des interventions directes sur le marché. Encore ne faut-il prendre en considération que les offices de nouvelle création qui étaient acquis directement par des particuliers (et encore, car ceux-ci devaient en outre dédommager les anciens officiers dont les intérêts se trouvaient lésés135). À propos des charges de conseillers au parlement dont le cours était à la hausse en 1733, Barbier notait : « elles deviendront comme les actions de la Compagnie des Indes, elles monteront et hausseront sur la place suivant les événements136 ». Les finances sont en effet comparables à la valeur nominale d’une action émise en Bourse aujourd’hui. Ces définitions invitent à pénétrer quelque peu dans les arcanes de l’administration des revenus casuels.
43Les « finances primitives », une notion qui tenait en partie de la fiction137, servaient de référence pour les transactions ultérieures entre particuliers138. Mais elles ne représentent pas forcément ce qui avait été vraiment versé aux coffres du roi par les traitants qui achetaient en gros et au rabais des offices dont ils avaient en général « donné l’avis », c’est-à-dire conseillé la création, pour les revendre avec bénéfice139. Sachant qu’ils rencontreraient des difficultés considérables avec les titulaires d’anciennes charges ou avec les membres des institutions voisines, ils attendaient qu’on leur consentît des ristournes confortables140. Les offices de secrétaires du roi permettent d’illustrer concrètement ces pratiques. En 1664, lors des suppressions ordonnées par Colbert, les dispositions adoptées étaient les suivantes : les offices de la création de 1635 seraient remboursés 18 000 livres aux premiers pourvus et à leur fils, ou gendre, pourvu sur leur démission, mais 27 000 livres « pour les autres offices qui estoient entrez dans le commerce ». Les offices des créations de 1655 et 1657 seraient remboursés 12 000 livres aux receveurs, fermiers, traitants ou leurs commis, 15 000 livres aux premiers pourvus, 20 000 à ceux qui les avaient achetés sur le marché141. Il semble que ces différences tiennent à un gonflement initial intentionnel des finances d’offices, taxées à 33 000 livres pour les offices créés en 1635142. Ces rabais constituaient un argument de vente pour les parties casuelles143. Car la conjoncture des prix pouvait fort bien générer des pertes considérables144. Concrètement, dans la série P des Archives nationales, seules les finances des offices des cours souveraines parisiennes, quand ils sont directement vendus à des particuliers, peuvent être utilisées sans trop de risques145. On a regroupé en une troisième série les montants des « prêts » et « finances primitives » qui donnent une idée des effets de l’intervention de la puissance publique sur le marché des offices.
44Quant aux finances des offices vacants par mort aux parties casuelles faute de paiement de la paulette, elles sont taxées avec des allègements que le roi consentait « selon les divers mouvements de sa libéralité » en faveur de la veuve et des orphelins146 qui revendaient sur le marché libre au prix normal l’office qu’ils avaient levé aux parties casuelles à des conditions privilégiées. La procuration du mort pouvait toujours être négociée147. L’opération de la taxe en faveur des héritiers de l’officier imprévoyant ou récalcitrant tendait à passer du registre de la grâce royale à celui d’une routine148. Les finances d’offices taxés aux parties casuelles comme vacants ne représentent donc pas plus le « prix » des offices que les taxes de résignation au huitième denier calculées sur la base des « évaluations » depuis 1604.
45C’est donc le mécanisme même de la « taxe » au Conseil qui empêchait, après 1604, de prendre la « finance » des offices pour base légitime de liquidation. C’est pourquoi, fondés sur les contrats d’acquisition, les remboursements qui auraient dû être effectués en vertu de la réforme Maupeou, après 1771, quand ils fournissent des montants inférieurs à la fixation de 1756, traduisent bien le contenu des traités d’offices149. Il en est de même des mesures de liquidation ordonnées par la Constituante150. Ces dernières données ont été intégrées à la courbe principale des « prix courants ».
3. L’établissement des courbes : conditions de la comparabilité
46Toutes ces précautions de méthode ne suffisent pas à garantir l’homogénéité des séries qui sont ici produites. Des différences intrinsèques ou chronologiques distinguent les offices du parlement et de la grande chancellerie.
471. Les offices de conseiller laïc au parlement de Paris ne changèrent pas de nature politique durant toute la période, et même depuis la sédentarisation du parlement à la mi-xive siècle151. En revanche, ils n’acquirent un caractère franchement vénal que dans des conditions confuses sous le règne d’Henri III. Avant 1572, on n’a pas retrouvé de traité d’office de magistrat au parlement passé devant notaires152. Très souvent, les impétrants ne payaient rien au roi, mais lui cédaient des offices vénaux ou non, qui étaient évalués à un certain prix153. À partir des années 1540, le roi remboursa sous forme de rente constituée pour un montant double à celui du prêt d’acquisition de l’office (par exemple, si un magistrat avait prêté 10 000 livres, il devait en avancer 10 000 autres pour se voir constituer une rente sur l’Hôtel de Ville de 1 666 livres 2/3 valant un principal de 20 000 livres)154. Un tel dispositif poussait à la spéculation. La monarchie encouragea même cette procédure quand elle força les conseillers protestants à se démettre. Il a donc semblé légitime d’assimiler les prêts à des « finances » d’offices, d’autant plus que le montant en était déterminé par le Conseil du roi et que, à partir d’Henri II, ils devinrent souvent des « prêts à ne pas rendre ». Il faut cependant ajouter que la création des offices réservés aux protestants sanctionna l’existence d’offices dont les titulaires ne pouvaient monter à la grande chambre, la seule vraiment rentable, et qui se négociaient au rabais aussi parce que les acheteurs potentiels étaient peu nombreux et peu aisés : en 1614, un office protestant est vendu 30 000 livres, à une époque où les autres charges valaient au moins le double155.
482. Les traités d’offices de secrétaire du roi, quoique rares, se rencontrent précocement dans les minutes notariales. L’office de secrétaire du roi en la grande chancellerie était « vénal » dès 1523 (et avant), mais, de sa nature, il n’avait pas l’homogénéité des charges du parlement. La compagnie était divisée en plusieurs collèges au gré des créations d’offices des xvie et xviie siècles. Néanmoins les privilèges que procurait la charge, en particulier la noblesse au premier degré, étaient semblables dans tous les collèges. La valeur de l’office restait relativement modeste (inférieure à celle des charges de conseillers au Châtelet, par exemple, qui pourtant n’anoblissaient pas, ou à celle d’auditeur des comptes156). Le collège était sujet aux édits bursaux, comme les quatre-vingts nouveaux offices de 1554 supprimés en 1556 parce qu’ils avaient été créés pour produire « bonne grosse somme de deniers, et non pour autre respect157 ». L’office représentait aussi un revenu158, qui était inégal selon les différents « membres » auxquels les secrétaires appartenaient. Le grand collège lui-même était séparé en boursiers et gagers, offices qui n’avaient pas le même rapport et, partant, la même valeur159. En 1672, après les suppressions de 1664, la fusion des collèges de la grande chancellerie conféra enfin à tous les offices la même nature. Il ne semble pourtant pas que les évolutions du prix des offices des divers collèges, assez erratique d’ailleurs, jusqu’au temps de Colbert, aient divergé.
493. Tous les « traités d’office » ne recouvrent pas absolument le même objet de transaction : les offices, en particulier les magistratures, se vendaient soit « à la simple procuration », soit « lettres en main »160. Dans le premier cas, les frais de provision et de réception tombaient sur l’acheteur, mais restaient extérieurs à la transaction notariée ; dans le second, les frais de provision, à la charge du vendeur, étaient intégrés dans le montant de la composition, sauf si le vendeur avait obtenu une dispense de payer les droits de mutation par grâce royale. Les frais de réception n’étaient jamais inclus dans la « composition » des offices161. L’inclusion du tiers denier dans les transactions aboutissait à en gonfler le montant à la fin des années 1560.
504. Les prix sont donnés en monnaie de compte, mais aussi en argent fin. Cette façon de « déflater » les courbes révèle le caractère artificiel de certains mouvements. Par exemple, la hausse spectaculaire qui accompagna le système de Law est réduite à néant si l’on s’en tient au métal précieux et non plus au papier. Ce n’est pas dire que la conclusion des contrats en monnaie de compte n’ait pas eu des effets économiques directs162. Le fait que le montant des prêts et finances d’office, sous François Ier et Henri II, ait été exprimé en écus d’or soleil, et non en livres tournois, ne doit évidemment rien à la fantaisie : chacun s’attendait à ce que l’écu s’appréciât. Ainsi le remboursement de ces prêts comportait par le jeu naturel de l’évolution économique le paiement d’un intérêt. Les deux courbes, en livres tournois et en grammes d’argent fin, apportent donc des enseignements accessibles aux contemporains comme aux historiens.
Prix de l’office de conseiller lai au parlement de Paris 1521-1789 (argent fin)
51Période : 1520-1604, Coefficient de corrélation : 0,2590 ; Période : 1605-1664, Coefficient de corrélation : 0,7373 ; Période : 1665-1790, Coefficient de corrélation : – 0,7657.* Ag : argent (métal)
B. Examen de la conjoncture des prix
52La comparaison des quatre courbes deux à deux met en lumière l’évolution divergente des offices de conseiller au parlement et de secrétaire du roi. Le premier avait connu ses heures de gloire durant les deux premiers tiers du xviie siècle, alors que les collèges des secrétaires du roi voyaient leurs charges monter plus lentement et rester à un niveau quatre fois moins cher que les magistratures de la première cour souveraine du royaume. Après les fixations, dans un marché très surveillé par la puissance publique, les positions finirent par s’inverser. On constate d’ailleurs que le parlement reste en général très en dessous de la fixation (deux fois moins), alors que les offices de secrétaires de la grande chancellerie ne la respectent guère au xviiie siècle. Si le collapsus du système vénal toucha également les deux offices de 1704 à l’expérience de Law, les secrétaires du roi sortirent de la crise par le haut, alors que le retour des fixations en 1724 tua pour ainsi dire d’un coup le marché des magistratures parlementaires, même si le système de Law semblait lui avoir donné une nouvelle jeunesse.
53Première phase. Le xvie siècle semble témoigner d’une étonnante rigidité des « prix », qui tient aux contraintes exercées par la politique royale. Les parties casuelles n’ont pas donné naissance à un marché des offices autorégulé. Tout se passe comme si, malgré les besoins de ses finances, le roi, soit ne voulait pas, soit n’était pas en état de faire de l’argent avec les magistratures. Faut-il évoquer la cohérence des représentations mentales qui assimilaient vénalité et simonie et qui persistaient à considérer le service politique du souverain comme un échange entre la « grâce » du monarque et le « service » de l’officier ? La monarchie aurait pu objectivement exiger des sommes plus considérables pour les prêts qu’elle réclamait à la plupart des nouveaux pourvus. Mais cette voie ne put être suivie que par Henri III. 10 000 livres semblent une barrière que l’esprit du temps n’a permis de franchir que dans les années 1580. Ce chiffre symbolique était aussi celui que le chancelier Michel de l’Hospital avait prétendu imposer comme plafond aux dots des particuliers163. Malgré leur caractère officiellement vénal, les charges de secrétaire du roi ne connaissent pas non plus une envolée. Pour elles aussi, la monarchie semble avoir fait montre de discrétion. Elles valaient cependant volontiers les quatre cinquièmes des offices de conseiller lai au parlement.
54Deuxième phase. L’abolition du serment de n’avoir pas acheté, en 1596, et l’établissement de la paulette en 1604 firent qu’en gros, durant deux tiers de siècle, les offices se négocièrent de gré à gré entre particuliers sur un marché conditionnellement libre, dont la garantie était périodiquement renouvelée par grâce royale. Les charges de conseiller, comme celles de secrétaire (la pente des courbes semble parallèle), connurent une hausse continue et impétueuse164. Ce trend de hausse, qui ne correspond guère à la conjoncture générale du triste xviie siècle, fait écho à la complicité fondamentale qui unit le pouvoir monarchique et les officiers, y compris ceux de justice. Après le rétablissement de la paulette en 1620, le ministère ne s’opposa plus à l’enchérissement. L’affaire du conseiller Lecocq, un catholique converti au protestantisme, est assez révélatrice : l’avocat Laurent Bouchel signale que le roi lui offrit pour sa démission 100 000 livres en mai 1620 et 120 000 en août 1625, alors qu’en cette dernière année Bouchel invoque « le prix du dernier vendu » à 90 000 livres165. Pourtant le chiffre emblématique de 120 000 livres ne fut guère atteint régulièrement qu’après les créations de 1635-1636 et la régence d’Anne d’Autriche, une nette dépression marquant les dernières années tourmentées du ministère de Richelieu. Sous la Fronde, les incertitudes politiques affectèrent un marché modérément orienté à la baisse. L’office de secrétaire du roi semble le plus fragile sous la Fronde parlementaire, et l’office de conseiller au parlement sous la Fronde des princes. À dire vrai, ce dernier office ne commence à manifester des faiblesses que dans le dernier trimestre de 1651 (perte d’un sixième de sa valeur) et surtout en 1652 et 1653, où son prix tend à retrouver, en monnaie de compte, le niveau du début des années 1630. La sortie de la crise politique se fit sous le signe d’une dépression généralisée. Il fallut attendre le renouvellement de la paulette, dans des conditions avantageuses et avec des augmentations de gages, pour que les prix s’envolent littéralement dans une incroyable spirale inflationniste qui ne se termina qu’après la paix des Pyrénées et la remise en ordre des débuts du règne personnel. Les causes politiques de cette conjoncture paraissent déterminantes et on doit voir dans l’envolée de la fin des années 1650 un résultat de la politique magique du surintendant Fouquet166. Jean Le Boindre, lui-même conseiller, célébra ce temps avec nostalgie : « jamais le parlement n’a fait ses fonctions avec plus de dignité, et jamais son autorité ne s’est attiré plus de considérations dans le Conseil du Roy et de respect dans l’esprit des peuples. Ce qui donna lieu à cette ambition de touttes les familles de faire des alliances dans cette puissance compagnie et contribua beaucoup au prix excessif de 75 mille écus jusques où, depuis, les offices de conseiller furent portées167 ». Les charges de la chancellerie profitèrent aussi, mais dans une moindre mesure, de la bulle spéculative de la fin du ministère de Mazarin. Durant les années 1600-1660, les offices de secrétaire représentaient en valeur un quart de ce qu’il fallait dépenser pour se faire pourvoir au parlement.
55Troisième phase. Les fixations et consignations ont pour ainsi dire aboli le marché et la conjoncture du prix des offices des cours souveraines. Touchant les grands offices de judicature, à l’exclusion des autres, en particulier des offices comptables, ces prix plafonds autorisés provoquèrent une baisse irrépressible, non pas en raison de la force de la loi, mais parce que les fixations créèrent un rapport de force favorable à l’acheteur. Le pouvoir royal hésita puisque, du 7 novembre 1676 au 18 octobre 1678, il augmenta d’un sixième les fixations à charge de prendre des augmentations de gages pour un sixième du montant de la fixation. Ces augmentations furent rarement levées, d’où l’abolition de cette crue de la fixation parce que « la diversité qui se trouveroit dans le prix des charges introduiroit un nouveau désordre168 ». Les consignations eurent des effets ambigus : d’une part, elles empêchèrent les pots-de-vin et assurèrent le respect du maximum imposé par l’édit ; d’autre part, elles soutinrent le marché, du moins tant que la demande ne faiblissait pas. Après 1669, on rencontre rarement des traités notariés portant sur les offices de conseiller laïc169, et toujours pour un prix inférieur à la fixation. Les offices de conseiller clerc, beaucoup moins nombreux, continuaient à se négocier devant notaires, eux aussi pour un prix inférieur à la fixation170. Là où le système ne fut pas mis en place, comme en Bretagne, les prix s’effondrèrent et se stabilisèrent tardivement171. Le gouvernement encouragea au contraire une hausse continue des charges de la chancellerie ; au début du xviiie siècle, elles avaient presque rattrapé les charges du parlement qui, en 1665, valaient encore deux fois et demie plus. Le régime juridique imposé à la vénalité des charges des cours supérieures brouille la chronologie de l’évolution des prix sous Louis XIV. Mais on peut peut-être s’en faire une idée indirecte : les offices de conseiller au Châtelet, à 60 000 livres vers 1660, « prix courant » encore donné par l’enquête de 1665, montèrent à 65 000 livres en 1666-1667 ; ils baissèrent ensuite pour atteindre 45 000 livres en 1670 et 33 000 livres à partir de 1671. Cette chronologie particulière est sans doute induite par l’évolution du prix des offices « fixés » et « consignés »172.
56Quatrième phase. L’abandon de l’ordre colbertien se fit en deux étapes. À partir de 1689, l’effort de guerre contraignit le Conseil à relâcher le dispositif, en particulier à supprimer les consignations173. Mais le marché ne pouvait se reconstituer au milieu de la dépression financière et économique qu’avaient provoquée les guerres. Les créations d’offices de 1704, couplées avec des émissions intenses d’augmentations de gages, déséquilibrèrent totalement le système, d’autant que les nouveaux offices du parlement étaient offerts pour 70 000 livres174. Une seconde étape, en 1709, correspondit au rachat de l’annuel. Les conditions d’une reprise de la hausse sur un marché libre semblaient de nouveau réunies. Mais la fin calamiteuse du règne de Louis XIV plongea l’économie de l’office dans un marasme durable : la banqueroute qui en résulta n’épargna pas la dette consolidée par la vénalité. Cependant le retour à la liberté du commerce des offices se coupla avec les effets inflationnistes175 du système de Law pour porter, en 1720, la valeur des charges du parlement en monnaie de compte à des prix nominaux qui rappelaient les spéculations d’après Fronde176.
57Cinquième phase. En 1724, sous le duc de Bourbon et le contrôleur général Dodun, la reprise de la politique des fixations, mais sans consignations obligatoires177, eut des conséquences extrêmement brutales pour l’office de conseiller au parlement. On peut parler d’un effondrement, car, sans que le montant des fixations ait été abaissé178, les prix de gré à gré tombèrent à la moitié de ce maximum autorisé179. Les charges, trop nombreuses, cessèrent même d’être recherchées180. Les traités d’office masquent peut-être la profondeur de la dépression, car la location des charges (un procédé impensable au xviie siècle, mais qui était parfois devenue la dernière issue) conduit à des estimations beaucoup plus basses encore181. Le Conseil du roi poussait apparemment à l’augmentation de la fixation et du prix de certains offices, en premier lieu ceux de secrétaires du roi182. Sans consignation, ces mesures amenèrent une hausse dans les transactions entre particuliers. Le dépassement des montants fixés n’était passible d’aucune sanction ; si les acquéreurs ne pouvaient compter sur une garantie pour les sommes qu’ils versaient au-delà du taux légal, l’édifice des finances extraordinaires englobait ces spéculations dans les risques généraux du métier de financier. La crise de la vénalité était donc localisée à l’appareil judiciaire et épargnait le monde de la finance.
58Sixième phase. Le relatif renouveau de la vénalité après l’échec de la révolution Maupeou (1771-1774) ne bénéficia pas également à tous les officiers, alors même que la nouvelle fixation de la valeur des offices, consécutive au remplacement du droit annuel par le centième denier, n’était pas respectée dans les actes notariés, contrairement à celles de 1665183. Mais évidemment, les tribunaux, en cas de dépassement du montant de la nouvelle fixation volontaire, condamnaient les parties. Il fallait donc s’entendre et ne pas plaider. Par conséquent, il n’était pas possible de fournir des garanties pour les montants des prix d’offices qui dépassaient le seuil de la fixation. La législation apportait donc un frein indéniable à la hausse, même si le système était doté de plus de souplesse que la machinerie colbertienne184. Les distorsions entre l’économie de l’office vénal et l’état social en furent encore augmentées. Le résultat des transformations de la vénalité au xviiie siècle aboutit à dissocier durablement l’échelle des valeurs des offices, la hiérarchie sociale et la hiérarchie des dignités185.
59Ainsi les réformes de Colbert et le recours à une économie dirigée de l’office revinrent à changer les cibles que visait la monarchie dans sa recherche de prêteurs privilégiés. Les chiffres parlent : en 1660, le capital représenté par la totalité des charges de conseiller au parlement était de 43 millions de livres ; en 1776, il était tombé à 6 080 000 livres ; à la même date, le capital investi dans le grand collège des secrétaires du roi montait à 36 millions de livres contre 19 millions en 1660. Les prêteurs privilégiés n’étaient plus les grands officiers des cours de justice, mais les officiers de finance186 (dont le collège des secrétaires du roi était l’élite et le garant) et les modestes officiers de la police économique des villes, ainsi que les offices ministériels (notaires, procureurs) qui prirent de plus en plus d’importance au cours du xviiie siècle187. À n’en pas douter, la mutation du système vénal résulta d’un choix de société dont les ressorts étaient politiques. Le moralisme chrétien qui avait inspiré les réformes de Colbert188, que le duc de Bourbon avait reprises en 1724, continua durant tout le xviiie siècle à justifier la marginalisation des magistrats dans le système de crédit public. En 1690, de façon caractéristique, les fixations des offices de conseiller ne furent pas augmentées comme celles des présidences et des charges d’avocats généraux, et comme l’avaient été, en février 1689, les maîtrises des requêtes de l’Hôtel, portées de 180 000 à 190 000 livres189. Mais une interprétation qui ferait la part trop belle aux mutations des mentalités ne saurait expliquer pourquoi les prix des grands offices (les présidences à mortier et les charges du parquet) furent maintenus à des niveaux élevés par le pouvoir royal grâce à la hausse des fixations et l’attribution de brevets de retenue avantageux. Et encore moins pourquoi des charges subalternes, comme celles de substitut du procureur général et de procureur au parlement, connurent une hausse notable, voire une envolée spectaculaire190.
60Le caractère prémédité de la politique des fixations résulte clairement de l’évolution du prix des charges qui échappèrent à ce système. Ainsi les offices de grand maître des Eaux et Forêts, créés en 1689, furent acquis en moyenne pour 125 000 livres et liquidés en 1785 pour 350 688 livres, toujours en moyenne191. La chambre des Comptes de Paris, cour supérieure connue pour sa docilité à l’égard des volontés royales, et dont les revenus restaient considérables, ne fut pas très atteinte par la crise de la vénalité. L’Élection de Paris se portait mieux que le Châtelet192. L’argent devenait un critère de classement indépendant de l’estime sociale. Quand le chancelier Maupeou prétendit, en 1771, non pas abolir la vénalité, mais la bannir des cours supérieures de justice, il poussait jusqu’à son aboutissement logique une politique dont les fondements remontaient aux débuts du règne personnel de Louis XIV193.
C. Les théories de la valeur de l’office
61Mais en quoi consistait donc la « valeur » des offices ? Il n’est pas possible de passer sous silence les grandes explications que les contemporains assignaient à la hausse ou à la baisse du prix de la « marchandise d’estat », comme disait Loyseau. En gros, trois explications s’affrontaient dans des polémiques parfois intéressées.
621. Une première réponse tend à établir un lien entre le revenu des offices et leur prix. On pense que l’âpreté au gain qui est prêtée aux officiers provient de leur désir de faire valoir leur investissement, bref de considérer l’office comme un capital économique : « Dieu sçait ce qu’ils ont faict et feront tous les jours pour se rembourser, estimant qu’il n’en fault non plus faire de conscience que l’on a faict de prendre leur argent ez partyes casuelles194 ». Charles Loyseau, chez qui on n’attendrait pas une conception économiste, l’a exprimée un des premiers dans les termes les plus nets195. Elle se trouve aussi au cœur des débats qui ont entouré les états généraux de 1614-1615. Le président Savaron écrivait : « c’est du droict des gens que quiconque achepte vende et gaigne de l’achapt a la vente ». Il était en outre tenu pour « normal » de faire valoir les offices en en tirant le plus possible de revenus : « la pluspart de ceux qui les acheptent, et non sans raison, croyent qu’en bien payant, ils sont quittes, et ne travaillent qu’à remplacer la somme du payement et a chercher practique pour gaigner196 ». Eustache de Refuge partage absolument cette opinion : « croyroit-on qu’ils seroient insensez s’ilz portoient leur argent aux partyes casuelles pour le perdre et s’ilz n’avoient intention de s’en rembourser par le meneu ? Quant à moi, je trouve qu’en cela il y a quelque apparence de raison, parce que le droict des gens permet de revendre ce que l’on achepte197 ». De Refuge a donné à la théorie économique son expression la plus schématique : « les espices et autres esmolumens des judges et le prix des offices vont de mesme branle »198. La « réformation de la justice » entreprise par Colbert en 1665 tourne autour des mêmes idées. De tout le florilège que l’on pourrait tirer des Mémoires adressés à Louis XIV par les conseillers d’État, on peut retenir les formules lapidaires de Gobelin : les offices servent aux officiers « comme de fermes et mestairies pour en tirer proffit » ; de Laisné de la Marguerie : « le prix excessif des charges contribue beaucoup aux chicanes et corruptions qui se pratiquent et aux grands espices qui se prennent » ; ou de Pussort lui-même, le cerveau de la réformation : « le prix exorbitant des offices est la cause prochaine et qui necessite les juges a la corruption199 ». Ces réflexions aboutirent à l’établissement des fixations de décembre 1665. Mais, depuis la paulette, on tendait à considérer les gages comme l’intérêt de la finance théoriquement payée aux coffres du roi200, ce qui est simplement une façon de dire qu’ils ne représentaient plus le prix de « l’entretien » de l’officier pour le service rendu au roi et au public. La valeur de l’office sur le marché fut de plus en plus déterminée par les « fruits industriaux », c’est-à-dire les épices pour les offices de judicature et les taxations pour les offices de finance comptable201. Les gages anciens finirent en effet par être engloutis par le payement de l’annuel et les augmentations de gages par les nouveaux impôts (capitation…)202. Autrement dit, la dette publique que représentaient ces offices était amortie pour la monarchie. Dès lors la rémunération de l’office ne dépendait plus que des épices et vacations, fruits de la bourse commune et du labeur des magistrats (« arrêts de rapport » et « arrêts de grand et petit commissaire »203). La rémunération de l’office cumule donc une rente, produit d’un investissement, et un salaire, produit d’un travail. Mais ce travail ne devenait fructueux qu’avec le temps, seuls les plus anciens magistrats, et surtout les doyens et sous-doyens, profitant d’une forte rentabilité de leur investissement. L’office tenait ainsi, surtout après 1660, d’une rente viagère façon des tontines où ceux qui avaient la plus grande longévité bénéficiaient indirectement des investissements des autres qui étaient décédés. En outre, la vénalité servait de plus en plus de support à des opérations de crédit ordinaire à cause de l’émission d’augmentations de gages que devaient lever ou faire lever les titulaires des offices. Le Conseil se montrait très inventif pour obliger les officiers à souscrire ces augmentations de capital. On doit considérer que, dans les années 1620, quand les augmentations de gages pouvaient être « casuelles », de même nature que l’office et que les finances annexes venaient s’ajouter à la finance initiale, l’affaire se présentait sous un jour favorable204. Mais, par la suite, les augmentations de gages, sorte d’emprunt forcé, étaient « héréditaires », c’est-à-dire qu’elles étaient des rentes de nature particulière qui pouvaient fort bien être achetées par une autre personne205 que l’officier titulaire de l’office frappé par la demande de souscription : il était juste préférable qu’elle appartienne à la même institution206. Les finances des augmentations de gages héréditaires ne pouvaient donc pas se réunir à la finance initiale casuelle : elles se greffaient sur elles sans augmenter la valeur propre de l’office. Ce fut le tour de force de l’administration de Louis XIV jusqu’en 1709 de payer exactement les intérêts des augmentations de gages207. Le fait ne répondait pas à un scrupule de conscience, mais uniquement à la nécessité d’entretenir le crédit des compagnies d’officiers qui empruntaient massivement pour le roi. Le collapsus n’en fut que plus dur après 1709. L’économie de l’office ne pouvait plus, dans ces conditions, soutenir son prix et encore moins favoriser sa hausse. La rentabilité des offices de justice avait sans doute connu son âge d’or dans les deux premiers tiers du xviie siècle.
632. Cependant l’office est surtout pensé comme un capital symbolique. Loyseau écrivait : « celuy qui donne moyen à un homme de s’avancer en un estat, l’oblige davantage que celuy qui preste pour acheter un heritage208 ». Dès 1566, Guillaume Bailly, président à la chambre des Comptes de Paris, l’avait dit avec la plus parfaite clarté : « Es offices, y a honneur, authorité et exercice, il ne suffit de garder les gages de l’officier destitué, par ce que, quand il a contracté, il n’eust acheté si cher lesdictz gages seuls, s’il eust pensé estre sans exercice et authorité, remis au nombre plebée209 ». Les profits honorifiques sont aisément discernables : c’est le rang dans les cérémonies à l’église et dans la cité, c’est la « noblesse de ville », c’est-à-dire la faculté de faire précéder son nom du titre de « noble homme » ; ce peut être l’anoblissement pour les charges les plus prestigieuses, celles des cours souveraines et de la chancellerie. Ce sont en général tous les privilèges honorifiques attachés à la qualité d’officier du roi. C’est spécifiquement « l’autorité », autrement dit la puissance exercée sur les particuliers.
643. La chaîne sociale qui mobilisait le crédit reposait sur l’affirmation d’une solidarité fondamentale de tout l’édifice administratif. Le règlement du conseil du 3 janvier 1628 assure que la multiplication du nombre des brevets de conseiller d’État compte parmi « les principales causes de la cherté des offices, […] en ce que l’espérance que plusieurs ont de parvenir à cette dignité […] fait que plusieurs acheptent à prix excessif les offices de maîtres des Requêtes de son Hostel avecq intérêt, revendant plus chèrement les mesmes offices après qu’ils eurent obtenu lesdits brevets, […] que la mesme raison porte encore la cherté aux offices de conseillers en nos cours souveraines pour ce qu’ils servent de degré pour parvenir à ceux de maîtres des Requêtes, par lesquels ils se promettent l’accès et entrée ausdits conseils et de là, par exemple, se communique à tous les autres offices, selon la liaison et relation qu’ils ont ensemble210 ». En fait, la « liaison et relation » qui tendait à créer une économie globale de la vénalité n’était pas univoque : les offices de finance, probablement très liés au niveau d’endettement flottant de l’État, suivaient les très grands offices de comptables et ceux de secrétaire du Conseil ; la justice souveraine, dont le prestige se suffisait à lui-même, voyait son branle donné par le parlement211, au corps duquel appartenaient d’ailleurs les maîtres des requêtes. La croissance différentielle du prix des grands offices et des moindres, sans parler des moyens offices de province, sur lesquels on commence à en savoir plus212, et qui formaient la clef de voûte du système social de la vénalité, interdit de supposer une communication directe entre leurs marchés. Mais même ramenée au niveau d’une explication sectorielle, l’analyse du règlement du Conseil de janvier 1628 témoigne d’une grande lucidité.
65Deux phénomènes essentiels doivent être soulignés avant de conclure.
a. Une des conséquences majeures de la financiarisation de l’économie de l’office qu’avait provoquée la vénalité légale fut la possibilité, pour les officiers, de faire faillite et d’être contraints de se démettre en faveur de leurs créanciers pour payer des dettes, d’ailleurs souvent liées à l’acquisition de leur office. Cette éventualité, à partir de 1604, s’étendit aux magistratures, ce qui ne contribua pas peu à atteindre leur capital de dignité. Les cas sont légion dans la décennie 1670 et ils se rencontraient déjà parfois dans les années 1630.
b. L’ère qu’inaugura le ministère de Colbert ne promut pas seulement un changement politique majeur (victoire de « l’État de finance » sur « l’État de justice », triomphe du gouvernement extraordinaire par commission sur le gouvernement ordinaire par office, affadissement de la « médiation patriarcale des juristes »)213, elle signifia l’évanouissement de l’ancien ordre judiciaire. Pour des raisons financières (l’enchérissement considérable des frais de justice au profit du fisc plus que des officiers), mais aussi en fonction d’une mutation essentielle du comportement des Français les plus riches, la justice se retrouva beaucoup moins employée au xviiie siècle qu’elle ne l’avait été aux xvie et xviie. S’agissait-il seulement d’une diminution de l’appel au parlement ou bien la propension à plaider avait-elle régressé en général ? Le travail extrêmement délicat auquel Colin Kaiser s’est livré permet de se faire une idée de la baisse du volume des affaires qui succéda, à partir de la mi-xviie siècle, à une progression constante depuis le xve siècle214. En 1749, le procureur général Joly de Fleury affirmait : « avant 1690, on jugeoit jusqu’à 8 et 900 procés par an dans chaque chambre, on n’en juge que 80 ou 90 au plus ». Il rendait res-ponsables de cette désaffection « les droits immenses qu’on a mis sur les expéditions de la justice » et la concurrence déloyale du conseil d’État (évo-cations)215. La vénalité reflète aussi les grands mouvements de la société d’Ancien Régime.
IV. Conclusion
A. La vénalité, « fait central » de l’Ancien Régime français
66Les officiers, comme les financiers, construisaient leur solvabilité, qu’ils mettaient au service de la monarchie, sur une pyramide complexe de crédit privé : ils étaient tous en quelque sorte les fondés de pouvoir des membres les plus riches de l’aristocratie de cour et de la ploutocratie qui effectuaient des placements auprès d’eux. De vastes réseaux mobilisaient des couches assez variées des populations un peu aisées. La vénalité drainait systématiquement l’argent des particuliers : ainsi, des offices modestes étaient réservés au « peuple », par exemple les offices de sergents (nos agents de police, avec des fonctions plus amples) ou certains petits offices de la police économique urbaine. Tout ce système était fiduciaire, reposant sur la confiance que les élites de l’argent pouvaient placer dans l’État, par dévouement politique (ce fut le cas des gens de finance durant la Fronde), patriotisme (durant les guerres) ou intérêt bien compris (tous facteurs qui se combinaient plus qu’ils ne s’excluaient). Mais, en dernière analyse, il reposait sur une base matérielle, car les dépenses de l’État se faisaient en numéraire (soldes des armées, paiement des gages, pensions royales, travaux d’intérêt courtisan ou public)216. Le marché de l’argent, l’abondance ou l’étroitesse monétaire, constituait un horizon dont toutes les finesses des experts en finances ne parvenaient pas longtemps à s’émanciper217. La vénalité devint l’une des composantes du système des finances extraordinaires bâti par la monarchie pour entretenir son train de vie guerrier. Socialement, la paulette de 1604 a eu cette vertu étonnante de faire passer l’économie politique de l’office vénal du champ de la grâce royale au champ financier de l’emprunt et du crédit.
67Le temps de la crise du système vénal vint avec le règne personnel de Louis XIV, quand Colbert instaura une économie dirigée de l’office. C’est là une composante méconnue, mais essentielle, du grand dessein mercantiliste. La politique colbertienne fut réactivée à la fin de la Régence, avec le contrôleur général Dodun, et à la fin du règne de Louis XV, avec le contrôleur général Terray. Les réformes de Maupeou et de Terray ne bannissaient la vénalité des cours supérieures de la justice civile et criminelle que pour l’installer au cœur de la société. Le projet étonnant d’instaurer une vénalité réglée et contrôlée par la monarchie des maîtrises des métiers218 manifestait la volonté d’embrigader au service de la dette publique tout le corps social urbain dans une nouvelle et illusoire tentative de consolidation. La place de la vénalité des offices dans la France d’Ancien Régime ne saurait être surestimée : elle est un « fait central », une « matrice qui imprime sa marque à un grand nombre de faits sociaux219 ». Comme la cour du Roi Soleil, la vénalité était un phénomène politique dont les effets pouvaient, dans une certaine mesure, être orientés par des décisions volontaristes du pouvoir. On est allé jusqu’à soutenir que « de solides institutions de type corporatif » avaient ouvert à la monarchie d’Ancien Régime l’accès « à un crédit d’un coût moins élevé que celui qu’elle eût obtenu sur un marché concurrentiel220 ». David Bien et ses disciples ont insisté sur la contradiction motrice de la politique absolutiste : ôter le pouvoir administratif aux officiers, mais développer dans la société les corps intermédiaires comme structures de crédit221. Ce que les ministres avaient oublié, à la fin du règne de Louis XIV, c’était en effet le rapport essentiel entre la vénalité légale des offices et l’idée de fonction publique. Il en résulta une longue crise de confiance qui atteignit les rapports des élites du pouvoir et du pouvoir d’État lui-même.
B. La vénalité comme mode d’exploitation des populations
68Dans les conditions de l’absolutisme, la continuité des engagements pris au nom du roi (si relative fût-elle) fondait une distinction essentielle entre rentiers, qui étaient créanciers du fisc, et contribuables, condamnés à simplement payer222. W. Doyle prête au gouvernement de la France ancienne une « rapacité » sans limites, dont les officiers auraient été les victimes expiatoires223. Ces propositions ne font que refléter les plaintes des intéressés. Il faut proposer un renversement de lecture comparable à celui que Bernard Chevalier a démontré concernant la prétendue politique d’exploitation de Louis XI à l’égard des « bonnes villes224 » : loin d’avoir abusé arbitrairement des ressources « fiscales » de ces populations privilégiées (bourgeois du Moyen Âge, officiers des temps modernes), la royauté construisit son crédit en développant les franchises de ces « élites du pouvoir » dont elle ne pouvait se passer, même si elle les traitait parfois arbitrairement. Cependant le crédit public de la monarchie ne visa plus la même cible, les bourgeois notables des « bonnes villes » ayant cédé la place aux officiers royaux.
69Forbonnais ne voyait certes pas les choses comme W. Doyle ou J. Hurt : « toute création d’office, disait-il, emporte avec elle trois sortes de charges sur le peuple ; l’une consiste dans le paiement des gages attribués aux officiers ; la seconde dans les droits et les formalités qu’ils exigent en exerçant leur office : et ce n’est pas la moins considérable, si l’on fait attention qu’il est peu de charges qui ne soient vendues au bout d’un certain temps le double au moins de leur taxe : la troisième dans l’augmentation des personnes privilégiées, quoique les corvées et les obligations à remplir restent toujours les mêmes ». À cela s’ajoutent « deux grands vices » : la diminution du nombre de travailleurs et la « honte répandue sur le travail » et « une espèce d’indépendance fondée sur les besoins de l’État et qui conduit à la négligence des devoirs225 ». Si la vénalité doit être considérée comme une sorte de fiscalité, c’est parce que les usagers contribuables rétribuaient les officiers directement (épices, taxations) ou indirectement (gages, pensions), et payaient donc aussi finalement les taxes que ces officiers devaient acquitter au roi pour l’exercice de leurs fonctions226. C’est une innovation révolutionnaire de la fin du règne de Louis XIV, avec la capitation, et des ministères dits réformateurs du xviiie siècle, avec les dixièmes et autres vingtièmes, d’avoir créé cette catégorie en forme d’oxymore des « privilégiés payeurs d’impôts227 ». La main gauche du roi reprenait ainsi ce que sa main droite avait donné. La libéralité royale à l’égard de ses « amés et féaux » n’avait plus cours. La rationalité de l’impôt, mais un impôt géré par les intérêts privés de la ferme générale, avait triomphé. On ne saurait se dissimuler que ces réformes, quelque justifiées qu’elles aient pu être dans l’abstrait, introduisaient des contradictions fondamentales dans l’esprit du système financier de l’absolutisme et dans la société228. D’un côté, la garantie de la dette publique sécrétait constamment des privilèges nouveaux et renouvelés, de l’autre, le ministère souhaitait abolir les privilèges fiscaux sans envisager aucune structure politique de remplacement pour la garantie du crédit. Les politiques « réformatrices » revenaient à amortir toujours plus la dette publique en diminuant les intérêts pécuniaires (revenus) et sociaux (privilèges) que l’État était censé servir à ses prêteurs. Telle est peut-être la cause aussi fondamentale qu’inaperçue de la crise financière qui étrangla la France au xviiie siècle.
C. Une exception française ?
70Si une « modernité » put apparaître dans cette construction administrative d’une complexité baroque, ce fut bien dans le rapport impersonnel qui s’établissait entre elle et le service du public, alors que les charges consacrées au service de la cour et à la guerre restaient soumises à une vénalité coutumière qui entretenait les très anciens rapports sociaux de fidélité dans toute l’Europe. Une logique publique de l’impôt ne put s’imposer au xviiie siècle, dans la mesure où la perception en était affermée à des financiers, grands maîtres de la dette flottante et motivés autant par leurs profits personnels que par le dévouement au monarque. Les gens de finance restèrent en mesure d’empêcher la consolidation de la plus grande part de la dette publique française. La modernisation de la monarchie française était prise dans des contradictions parfaitement insolubles sans révolution.
71Certains tenaient pourtant que la vénalité était le moteur qui faisait mouvoir le royaume, qu’elle était l’ascenseur social qui empêcha le blocage de la société française. « Combien de sujets enlèverait-on au commerce, si l’espérance de parvenir aux charges sans argent pouvait les éblouir ? »… « Un négociant en travaillant à acquérir a pour objet d’élever sa famille à la magistrature229 ». C’est cette explication qui révèle le sens du système pour Guy Chaussinand-Nogaret230. Une donnée fondamentale distinguait la France de l’Angleterre : le roi français créait des biens fictifs – les offices – producteurs de statuts liés à la délégation de l’exercice de son pouvoir. Un tel régime constituait les élites du pouvoir en un groupe social distinct séparé de la masse des particuliers sur lesquels elles exerçaient l’autorité de l’État naissant. Le système, un peu tortionnaire et passablement irrationnel, n’allait pas sans mauvaise conscience. C’est l’ambiance mentale même qui entourait la vénalité légale qui empêche les historiens de la comprendre objectivement dans son contexte anthropologique spécifique231.
72Sans doute, les finances « extraordinaires », rationalisées par la ferme générale, et la dette flottante dominèrent-elles largement le « système fisco-financier »232. Mais, sans la vénalité, on ne saurait penser l’expérience absolutiste de la monarchie française. « Le système si étrange de la vénalité n’a pu s’établir que dans le vide laissé par les États généraux233 ». Ses conséquences politiques ne furent pas moindres que ses conséquences sociales. Épine dorsale d’un système financier moins performant, tout au moins après la Glorious Revolution, que le régime britannique234, la vénalité a néanmoins permis à la France de fonder son crédit en se passant à la fois d’une banque centrale et de la consultation des sujets contribuables, mais non de l’avis des sujets prêteurs : elle favorisa une pratique du compromis par les négociations permanentes entre les corps et le ministère, et par-là des habitudes de débat public, dont les formes étaient prêtes à réemploi dans une autre culture politique235. Avec la vénalité, l’histoire de la France moderne présente l’un de ses plus beaux paradoxes.
Notes de bas de page
1 Cette étude est née de la préparation d’un ouvrage avec Jean Nagle.
2 Sur l’histoire financière de la France, synthèse critique par Richard Bonney, « What’s new about the new French fiscal history ? », Journal of Modern History, 70, 1998, p. 639-667. Alain Guery, « Les finances de la monarchie française sous l’Ancien Régime », Annales E.S.C., 33/2, 1978, p. 216-239. Marcel Marion, Histoire financière de la France depuis 1715, Rousseau, Paris, t. I, 1914. Martin Wolfe, The Fiscal System of Renaissance France, Yale University Press, New Haven et Londres, 1972. Philippe Hamon, L’Argent du roi. Les Finances sous François Ier, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 1994. Julian Dent, Crisis in Finance. Crown, Financiers and Society in Seventeenth-Century France, David et Charles, Newton Abbot, 1973. Richard Bonney, The King’s Debts. Finance and Politics in France 1589-1661, Clarendon Press, Oxford, 1981. Michel Morineau, « Budgets de l’État et gestion des finances royales en France au xviiie siècle », Revue historique, 104, t. CCLXIV, 1980, p. 289-336. John F. Bosher, French Finances, 1770-1795, Cambridge University Press, Cambridge, 1970.
3 Sur les aspects sociaux, Philippe Hamon, « Messieurs des finances ». Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 1999. Françoise Bayard, Le Monde des financiers au xviie siècle, Flammarion, Paris, 1988. Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Fayard, Paris, 1984. Yves Durand, Les Fermiers généraux au xviiie siècle, PUF, Paris, 1971.
4 Voir, entre autres, F. Bayard, Le Monde des financiers…, op. cit., p. 45-293 et P. Hamon, L’Argent du roi…, op. cit., p. 135-244.
5 Bernard Schnapper, Les Rentes au xvie siècle. Histoire d’un instrument de crédit, SEVPEN, Paris, 1957, p. 151-171. Paul Cauwès, « Les commencements du crédit public en France. Les rentes sur l’Hôtel de Ville au xvie siècle », Revue d’économie politique, 1895, p. 97-123 et 825-865, 1896, p. 407-479.
6 Roland Mousnier, La Vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, PUF, Paris, 1971 (1945), dont les analyses restent indispensables. Robert Descimon, « Il mercato degli uffici regi a Parigi (1604-1665). Economia politica ed economia privata della funzione pubblica di antico regime », Quaderni storici, 96/3, 1997, p. 685-716. Les travaux de William Doyle cités ci-dessous sont entachés de bon nombre d’erreurs.
7 Article pionnier de Wolfgang Reinhard, « Staatsmacht als Kreditproblem. Zur Struktur und Funktion des frühneuzeitlichen Ämterhandels », Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, 61, 1974, p. 289-319 (traduction française : « Puissance étatique : un problème de crédit. Structure et fonction du commerce des offices à l’époque moderne », dans Wolfgang Reinhard, Papauté, confessions, modernité, Éd. de l’EHESS, Paris, 1998, p. 137-153).
8 David D. Bien, « Offices, corps, and a system of State credit: The uses of privilege under the Ancien Regime », The Political Culture of the Old Regime, dir. Keith Michael Baker, Pergamon Press, Oxford, 1987, p. 89-114. Idem, « The Secrétaires du roi: Absolutism, Corporations, and Privilege under the Ancien Régime », Vom Ancien Régime zur Französischen Revolution: Forschungen und Perspektiven, E. Hinrichs (éd.), Vandenhoeck et Ruprecht, Göttingen, 1978, p. 153-167. Idem, « Manufacturing nobles: the chancelleries in France to 1789 », Journal of Modern History, 61, 1989, p. 445-486. Mark Potter, « Good offices: Intermediation by corporate bodies in early modern French public finance », The Journal of Economic History, 60/3, 2000, p. 599-626. Marie-Laure Legay, Les États provinciaux dans la construction de l’État moderne aux xviie et xviiie siècles, Droz, Genève, 2001.
9 Federico Chabod, « Y a-t-il un État de la Renaissance ? », dans Actes du colloque sur la Renaissance (1956), Lucien Febvre, Augustin Renaudet, Émile Coornaert (dir.), Vrin, Paris, 1958, p. 65 et sq. Pierre Chaunu, « L’État », dans Histoire économique et sociale de la France, 1, 1450-1660, Fernand Braudel et Ernest Labrousse (dir.), t. I, PUF, Paris, 1977, p. 193-224.
10 François Véron de Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances de France, Cramer, Bâle, 1758, t. I, p. 143 et 187 respectivement pour ces deux données.
11 BNF, Cinq cents Colbert 259. Voir, entre autres, Roland Mousnier (dir.), Le Conseil du roi de Louis XII à la Révolution, PUF, Paris, 1971, p. 17-20 (« état numérique de la fonction publique en France »).
12 Voir plus bas, « examen de la conjoncture des prix ».
13 Herbert Lüthy, La Banque protestante en France de la révocation de l’édit de Nantes à la Révolution, SEVPEN, Paris, t. I, 1959 (réimpr. Éd. de l’EHESS, 1999), p. 279-282.
14 Certains sous-évaluaient la valeur de leur charge pour payer un centième denier plus faible, mais d’autres, en particulier ceux qui voulaient vendre ou entendaient spéculer sur le capital que représentait leur office, la surévaluaient, la suppression du parlement de Paris rendant en outre vraisemblables les menaces de remboursement. Ne reposant que sur la volonté qu’il prête aux officiers de frauder l’impôt du centième denier, l’opinion de François Olivier-Martin, Histoire du droit français des origines à la Révolution, Domat Monchrestien, Paris, 1947, p. 560, ne paraît pas pouvoir faire autorité. William Doyle, Venality. The Sale of Offices in Eighteenth-Century France, Clarendon Press, Oxford, 1996, p. 196-238 passim, considère aussi que la sous-estimation est une évidence, mais il montre surtout que l’estimation ne fut pas respectée dans les transactions entre particuliers et que les prix augmentèrent dans la dernière décennie avant la Révolution. Il va sans dire que les jérémiades, dont les officiers ne furent avares en aucun temps, et surtout lors des liquidations révolutionnaires, ne témoignent pas d’autre chose que d’un état d’esprit.
15 George W. Taylor, « Non-capitalist wealth and the origins of the French Revolution », American Historical Review, 72/2, 1967, p. 469-496. W. Doyle, Venality…, op. cit., p. 59, et Jacqueline Lucienne Lafon, La Révolution française face au système judiciaire d’Ancien Régime, Droz, Genève, 2001, p. 302, note 31, indiquent les sources (principalement l’enquête de Villiers du Terrage, à laquelle il est fait allusion par Arch. nat., D XVII 8, dossier 120, une enquête qui existe peut-être encore dans quelque dépôt d’archives, mais n’est pas localisée).
16 Thomas Sargent et François Velde, « Macroeconomic features of the French Revolution », Journal of Political Economy, 103, 1995, p. 474-518.
17 Réimpression de l’Ancien Moniteur, t. V, 1841, Archives parlementaires de 1787 à 1861, J. Mavidal et M. E. Laurent (éds), 1re série, t. XVIII, Imprimerie nationale, Paris, 1884, rapport de Gossin, 2 septembre 1790, p. 494-501. La liquidation révolutionnaire est mieux connue depuis J. L. Lafon, La Révolution française…, op. cit. (mais il faut dire que ce livre manifeste une étonnante incompréhension du fonctionnement administratif des parties casuelles). Voir aussi W. Doyle, Venality…, op. cit., p. 275-311.
18 Au Moyen Âge, on considérait que les offices relevaient du domaine royal (Françoise Autrand, « Offices et officiers royaux en France sous Charles VI », Revue historique, 93, t. CCXLII, 1969, p. 285-338, (p. 324-325 sont cités les raisonnements des gens du roi au parlement)). Cette doctrine était toujours vivante au xviiie siècle (F. Véron de Forbonnais, Recherches…, op. cit., t. I, p. 142, notait : « toute charge est censée une aliénation du Domaine »). Bien entendu, les offices « domaniaux », comme les greffes, consistaient en des aliénations directes des droits royaux. Ils avaient une structure juridique particulière.
19 Jean Bodin, Les Six Livres de la République, III, 5, Fayard, Paris, 1986 (1576), 3, p. 125.
20 Charles Loyseau, Traité des offices, II, 1 § 40, La Compagnie des libraires, Lyon, 1701 (1610), p. 98. Cette construction juridique complexe entraîna de moins en moins l’adhésion, comme en témoignent les critiques du jurisconsulte physiocrate Guillaume François Le Trosne, De l’administration provinciale et de la réforme de l’impôt, sans mention d’éditeur, Bâle, 1779.
21 C. Loyseau, Traité…, I, 2, spécialement § 71, op. cit., p. 10-14, où le roi est qualifié de « seigneur direct » de l’office, comme tout collateur, et Traité des seigneuries, I (1608), op. cit., p. 2-7.
22 Exemple entre cent, Catalogue des actes de François Ier, t. III, Imprimerie nationale, Paris, 1889, n° 10725, p. 702, 24 janvier 1539, don à Mlle de Roye de l’office de général des Monnaies vacant par le décès de Jean de Beux pour en disposer à son profit.
23 Quand François Ier vendait lui-même des offices, ou prélevait des taxes sur les officiers, il en donnait le produit à ses favoris. Journal de Jean Barrillon, éd. Pierre de Vaissière, Société de l’histoire de France, Renouard, Paris, t. I, 1897, janvier 1515, p. 4 (taxe de confirmation pour que les officiers aient de nouvelles « lettres de don » du roi, dont le produit est donné à Louise de Savoie) et p. 12, ainsi que Journal d’un bourgeois de Paris, éd. Ludovic Lalanne, Société de l’histoire de France, Renouard, Paris, 1854, p. 9 (création d’offices de contrôleurs des deniers communs qui rapportent soixante à quatre-vingt mille livres aux donataires, MM. De Boissy, Bonnivet, La Palisse et le Bâtard de Savoie).
24 Robert Descimon, « La royauté française entre féodalité et sacerdoce. Roi seigneur ou roi magistrat ? », Revue de synthèse, 1991, 3/4, p. 455-473.
25 Jacques Leschassier, Discours de rendre les offices hereditaires et patrimoniaux tenus en fief du Roy, in Œuvres, Lamy, Paris, 1649 (1602), t. I, p. 235-239, réédité par Salvo Mastellone, Venalità e machiavellismo in Francia (1572-1610), Olschki, Florence, 1972, p. 244-246.
26 Réimpression de l’Ancien Moniteur…, op. cit., p. 498.
27 C. Loyseau, Offices…, III, 2 § 18, op. cit., p. 167. Voir note 20.
28 Roland Mousnier, La Vénalité…, op. cit., p. 226-232. On sait que l’article 9 du titre I des fiefs de l’ancienne coutume de Paris prévoyait que le seigneur puisse saisir le fief du vassal si ce dernier ne lui avait pas baillé dénombrement sous quarante jours après avoir été reçu à foi et hommage. On évoquait également la pratique bénéficiale à Rome, qui comportait une clause de vingt jours.
29 Antoine Loysel, Institutes coutumières, IV, III (titre des fiefs), § 23, Nyon l’aîné, Paris, 1783 (1607), t. I, p. 150-151, le commentaire d’Eusèbe de Laurière : « on appelle fief abonné celui dont les reliefs ou rachats, les quints et les requints et quelquefois l’hommage même sont changés et convertis en rentes ou redevances annuelles ». Par ailleurs fief et office se distinguaient profondément quant au contenu politique de la domination sociale qu’ils impliquaient, voir Ralph E Giesey, « State-building in early modern France : The role of royal officialdom », Journal of Modern History, 55, 1983, p. 191-207.
30 Alain Guery, « Le roi dépensier. Le don, la contrainte, et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime », Annales E.S.C., 39/6, 1984, p. 1241-1269. Idem, « L’État. L’outil du bien commun », Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, 3, Gallimard, Paris, 1997 (1992), p. 4545-4587.
31 Bernard Guenée, Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis… à la fin du Moyen Âge, Les Belles Lettres, Paris, 1963, p. 154-184 et 271-276 ; Gustave Dupont-Ferrier, Les Officiers royaux des bailliages et sénéchaussées et les institutions monarchiques locales à la fin du Moyen Âge, É. Boullion, Paris, 1902, p. 777-783. F. Autrand, « Offices et officiers »… art. cit.
32 Georges Pagès, « La vénalité des offices dans l’ancienne France », Revue historique, 57, t. CLXIX, 1932, p. 477-495, citation p. 478. La présente communication n’envisage pas les offices dits domaniaux, féodaux, etc. qui occupaient une place marginale dans l’appareil monarchique.
33 Jean-Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles…, t. III, verbo Offices et officiers, 7e éd., Desaint, Paris, 1771 (1754), p. 484.
34 Parmi beaucoup d’autres, équivalentes, c’est la définition de Robert Joseph Pothier, Traité de la communauté, § 91, Debure, Paris, vol. I, 1770, p. 96-97.
35 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, Brunet, Paris, 1749 (1740), p. 257.
36 J.-B. Denisart, Collection de décisions nouvelles…, op. cit., t. III, p. 484.
37 Jacques Leschassier, « La maladie de la France », in Œuvres, Lamy, Paris, 1652 (1602), p. 195.
38 Mises au point les plus récentes, Robert Knecht, Un prince de la Renaissance. François Ier et son royaume, Fayard, Paris, 1998 (1994), p. 197-199 ; P. Hamon, L’Argent du roi… op. cit., p. 257-259 : l’édit de mars 1523 créait un Trésor de l’Épargne destiné à centraliser les revenus extraordinaires ; à la fin de 1523, tous les deniers du roi eurent vocation à entrer à l’Épargne et, en juin 1524, un trésorier des parties casuelles reçut les attributions que l’édit de mars 1523 avait confiées aux trésorier de l’Épargne concernant les deniers extraordinaires. Arch. nat., KK 351, sept premiers mois de 1525 et année 1528. À cette époque, seuls les offices de finance comptable et les offices de judicature financière, ainsi que les charges de ministres de la justice (par opposition aux magistrats), passaient par le canal des parties casuelles.
39 Sophie de Laverny, Les Domestiques commensaux du roi de France au xviie siècle, CRM, Paris, 2002, p. 75-83, n’a malheureusement pas compris les distinctions fondamentales qui opposaient les offices casuels, dotés de « finance » et régis par la vénalité légale, aux offices commensaux, viagers et obéissant à une vénalité coutumière. Dans la vénalité des charges commensales, on n’achetait pas l’office à proprement parler, mais la démission du titulaire et l’agrément du roi et du chef d’office, ce que ne manquent pas de préciser les transactions (par exemple, Minutier central des notaires parisiens – désormais abrégé M. C. –, VI 282, 9 mars 1611, pour un état de poursuivant d’armes de la grande écurie ; LI 556, 16 avril 1663, pour un état de garçon de la chambre du roi).
40 Georges Pagès, « Essai sur l’évolution des institutions administratives en France du commencement du xvie siècle à la fin du xviie », Revue d’histoire moderne, VII, 1932, p. 8-57. Robert Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince : l’État comme entreprise », dans Les Élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe, Wolfgang Reinhard (dir.), chapitre VI, PUF, Paris, 1996 (éd. anglaise originale, Clarendon Press, Oxford, la même année), p. 149-158. Idem, « La vénalité des offices et la construction de l’État dans la France moderne. Des problèmes de la représentation symbolique aux problèmes du coût social du pouvoir », Les Figures de l’administrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal, Robert Descimon, Jean-Frédéric Schaub, Bernard Vincent (dir.), Éd. de l’EHESS, Paris, 1997, p. 77-93.
41 Pour une telle interprétation, Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe siècle, A. Colin, Paris, t. III, Les jeux de l’échange, 1979, p. 429-435.
42 Jean Domat, « Le droit public, suite des loix civiles… », in Œuvres, Leclerc, Paris, 1777 (1697), vol. V, p. 149 et p. 154.
43 Voir BNF, F 23613 (778), édit de janvier 1678 qui déclare les charges des officiers domes-tiques et commensaux non sujettes à saisies et hypothèques, ni à entrer en partage dans les familles, et F 23613 (799), déclaration du 11 juillet 1678 en faveur des officiers domestiques de la maison du roi « pour se démettre de leurs charges en faveur de toutes personnes qui seront agréables ». Les sommes considérables qu’atteignaient certaines charges, comme celles de capitaine au régiment des gardes (M.C., XCII 13 n° 148, 7 mai 1649, 106 500 livres ; XIV 69, 10 mars 1651, 100 000 livres) s’expliquent par la confiance que les courtisans avaient en la faveur royale. Christophe Blanquie, « Dans la main du Grand Maître. Les offices de la maison du roi, 1643-1720 », Histoire et Mesure, XIII/3-4, 1998, p. 243-288.
44 R. J. Pothier, Traité de la communauté…, op. cit., § 95, p. 99-100.
45 Arthur Michel de Boislisle, Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, Imprimerie nationale, Paris, t. II, 1873, n° 785, p. 244, 15 avril 1705, Desmarets explique à l’intendant de Caen, à propos de l’établissement d’officiers de l’artillerie dans des villes où il n’y avait aucun canon, « qu’il faut moins regarder [ces charges] par les fonctions que par les privilèges » qui sont très solides : « la qualité militaire de ce corps n’a rien de commun avec les officiers de judicature ou de police qui ont été créés depuis 1690 »… C’était exprimer un bien grand mépris à l’égard du statut et des fonctions des officiers.
46 BNF, ms. fr. 16524 (manuscrits Harlay), f° 8 v° et f° 10 v°.
47 Sur l’intrication des deux types d’exercice du pouvoir, voir Alain Guery, « Raison financière et raison politique d’Ancien Régime », Écrire l’histoire du xxesiècle. La politique et la raison, Gallimard Le Seuil, Paris, 1994, p. 229-241. R. Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince… », art. cit., p. 149-158.
48 Voir ci-dessus. Ne pas confondre le prêt d’acquisition du xvie siècle avec le prêt d’admission à l’annuel, institué à partir de 1620.
49 Pour tourner l’opposition des parlements, respectueux de l’ordonnance de 1493, l’examen et le serment des officiers des présidiaux furent confiés au chancelier. Ernest Laurain, Essai sur les présidiaux, Larose, Paris, 1896, p. 28 et passim. Le trait distinctif des offices des présidiaux est qu’ils furent dès l’origine, en 1552, des offices vénaux, alors que les autres offices de la justice civile et criminelle continuaient théoriquement à échapper à la vénalité légale tout en étant soumis à diverses pratiques vénales plus ou moins directement organisées par la monarchie. Voir Christophe Blanquie, Les Présidiaux de Richelieu. Justice et vénalité (1630-1642), Christian, Paris, 2000, p. 247-250. Il faut pourtant dire, d’après Arch. nat., P 3027, Inventaire des quittances des offices expédiées de janvier à septembre 1578, que les offices de la justice civile et criminelle occupent très peu de place aux parties casuelles : on n’en compte que 17 sur 912, soit moins de 2 %.
50 Christopher Stocker, « Public and private enterprise in the administration of a Renaissance monarchy: The first sales of offices in the Parlement of Paris (1512-1524) », Sixteenth Century Journal, IX/2, 1978, p. 4-6; Jonathan Dewald, The Formation of a Provincial Nobility. The Magistrates of the Parlement of Rouen, 1499-1610, Princeton University Press, Princeton, 1980, p. 136-137. Robert Descimon, « Modernité et archaïsme de l’État monarchique », L’État moderne : Genèse. Bilans et perspectives, Jean-Philippe Genet (dir.), éd. du CNRS, Paris, 1990, p. 147-161. P. Hamon, L’Argent du roi…, op. cit., p. 181-183. L’interprétation d’Édouard Maugis, Histoire du parlement de Paris, Genève, Slatkine, 1977 (Picard, Paris, 3 vol. , 1913-1916), t. I, p. 225-227, ne peut plus être retenue.
51 BNF, ms. fr. 7557 f° 180, malgré l’indignation qu’il lui inspire, le président Durey de Meinières a bien compris le système : « on ne faisoit pas moins le serment de n’avoir donné au roi ni or ni argent ni choses équipollentes, mais on croyoit estre exempt de parjure et sauver la délicatesse de conscience en ne regardant pas la somme donnée au roi pour obtenir les provisions comme un prix de l’office, mais comme un prest fait à sa Majesté. Par suite de ce captieux raisonnement, un titulaire se croyoit légitimement fondé en résignant son office à exiger de son résignataire le prix, au moins, qu’il avoit payé au roi, le résignant subrogeant le résignataire en ses droits pour recouvrer la somme prétendue prestée… à l’égard de ce qui pouroit excéder de premier prétendu prest, le résignant tranquillisoit sa conscience en s’appropriant cet excédent comme lui tenant lieu des intérets du prest fait au roi ».
52 Cet épisode décisif fut l’occasion d’un combat sans merci au Conseil du roi. Voir Roland Mousnier, « Sully et le conseil d’État et des finances. La lutte entre Bellièvre et Sully », Revue historique, 66, t. CXCII, 1941, p. 68-86; J. Russell Major, « Bellièvre, Sully, and the Assembly of notables of 1596 », Transactions of American Philosophical Society, 64/2, 1974, p. 3-34. Bernard Barbiche et Ségolène de Dainville-Barbiche, Sully, Fayard, Paris, 1997, p. 160-165. Olivier Poncet, Pomponne de Bellièvre (1529-1607), École des chartes, Paris, 1998, p. 218-226.
53 François Olivier-Martin, L’Organisation corporative de la France d’Ancien Régime, Sirey, Paris, 1938, p. 411.
54 Ralph E. Giesey, « State-building in early modern France. The role of royal officialdom », Journal of Modern History, 55, 1983, p. 191-207. Jonathan Powis, « Aristocratie et bureaucratie dans la France du xvie siècle : État, office et patrimoine », L’État et les aristocraties xiie-xviiesiècle. France, Angleterre, Écosse, Philippe Contamine (dir.), Presses de l’ENS, Paris, 1989, p. 231-245.
55 O. Lefèvre d’Ormesson, Journal, op. cit., note 64, t. I, p. 2-6, explique les tractations et calculs qui présidèrent à l’acquisition de son office de maître des requêtes en 1642 ; t. II, p. 807, 8 février 1643, il est question d’un certain Pittes, « courtier de charges ».
56 BNF, V 11515, Affiches de Paris, 1746-1750, qui présentent une foule d’offices, des plus prestigieux aux plus modestes, à vendre chez des notaires dont le nom et l’adresse sont indiqués. Une publicité vient souvent vanter l’intérêt de ces produits financiers.
57 L’expression est de P. Chaunu, « L’État », dans Histoire économique et sociale…, op. cit., p. 197-200, cf. réflexions de la p. 199.
58 Jérôme Janczukiewicz « Le renouvellement de la paulette en 1648 », xviiie siècle, 214/1, 2002, p. 3-14, auquel on peut préférer l’exposé de A. Lloyd Moote, The Revolt of the Judges. The Parlement of Paris and the Fronde 1643-1652, Princeton University Press, Princeton, 1971, p. 91-124.
59 BNF, ms. fr. 7559, « Dissertation sur l’annuel » du président Durey de Meinières donne un aperçu d’ensemble exact que précise la série F des Actes royaux de la Bibliothèque nationale.
60 BNF, F 46942 (12)
61 BNF, F 46968 (5) et (20)
62 BNF, F 23612 (328).
63 BNF, F 23612 (842).
64 Olivier Lefèvre d’Ormesson, Journal, éd. Adolphe Chéruel, Imprimerie impériale, Paris, t. II, 1861, p. 520-522, septembre 1667. Les « pots-de-vin », comme les « épingles » ou la « chaîne » de la femme de l’officier, étaient des gratifications annexes souvent mentionnées dans les contrats mêmes et n’avaient aucun caractère illégal. Ce n’est pas de cela dont parle Lefèvre d’Ormesson, mais d’un dessous-de-table de 84 000 livres, outre la fixation montant à 150 000 livres. Lefèvre avait acheté son office 184 500 livres en février 1643. Il calculait lui-même qu’il avait gagné 50 000 livres en un peu moins de vingt-cinq ans. Bien sûr, le traité d’office (M. C., LI 374, 16 septembre 1667) est conforme à la réglementation : la composition monte à 150 000 livres, plus 1 000 livres pour ce que le vendeur avait été forcé de placer dans la Compagnie des Indes ; à noter que 120 000 livres sont acquittées moyennant une constitution de rente de 6 000 livres. Lefèvre a l’air de présenter les pots-de-vin comme universels, mais il craint que Colbert, à son retour, n’ait rien de plus pressé que de faire un règlement pour en arrêter la pratique. On n’a retrouvé aucun témoignage équivalent pour les charges du parlement.
65 Arch. nat., AD + 405, juillet 1669, le roi enjoint aux porteurs des résignations passées par les officiers morts ou démissionnaires de les mettre aux mains du trésorier des parties casuelles qui leur nommera « une personne par nous choisie pour leur en payer le prix ». L’édit rappelle les dispositions de 1665 sur les fixations du prix, « sans qu’il puisse estre augmenté par traité volontaire, vente, ou adjudications par décret, directement ou indirectement ». Fixations et consignations sont inconnues des historiens. Mais les administrateurs de l’ancienne monarchie se référaient constamment à cette législation en détaillant son fonctionnement (BNF, ms. fr. 7760 f° 199 v° et passim – « second mémoire », vers 1751, qui vient peut-être du procureur général Joly de Fleury). Barbier, Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV, A. de La Villegille (éd.), Société de l’histoire de France, Paris, t. III, 1851, p. 276 (août 1751) note qu’« il fallait, il y a cinquante ans [en fait, plus de soixante], consigner cent mille livres au Trésor royal, dix ans avant pour avoir une charge à son tour ». Ce délai paraît exagéré : Jean François Le Boindre attendit presque trois ans entre le moment où il avait consigné, en 1686, et sa réception, en 1689 (Robert Descimon, « Le conseiller Jean Le Boindre (1620-1693) : un destin de vaincu », dans Jean Le Boindre, Débats du parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, t. I, éd. Orest et Patricia Ranum, Champion, Paris, 1997, p. 393, note 62). À noter que la demande semble supérieure à l’offre, ce qui, sur un marché libre, aurait provoqué une hausse des prix.
66 BNF, F 23612 (842), 22 décembre. Ce système n’a généralement pas été compris. Albert N. Hamscher, The Parlement of Paris after the Fronde 1653-1673, University of Pittsburgh Press, Pittsburgh, 1976, p. 3-31, en donne une interprétation lénifiante, comme si l’édit des fixations n’avait pas eu grande conséquence. Il est suivi par William Doyle, « Colbert et les offices », Histoire économie société, 19/4, 2000, p. 476. Or la question est d’importance. La baisse de la valeur des offices de justice a eu pour cause principale les réformes de 1665-1669 et leur rétablissement en 1724.
67 O. Lefèvre d’Ormesson, Journal, op. cit., t. II, p. 626-627, notait qu’après le règlement du 4 février 1672, Colbert était « le maistre de l’agrément pour toutes les charges de la robe, dont on ne peut estre pourvu que par son ministère, à cause de la consignation du prix ».
68 Arch. nat., 259 AP 84 (archives du château de Rosambo, il s’agit des papiers du contrôleur général Le Peletier), dossier 4, compte des revenus des parties casuelles pour l’année 1683 (2 avril) : état des deniers consignés pour diverses charges (onze maîtrises des requêtes, douze conseillers au parlement, et de nombreuses autres charges des cours supérieures). Le total monte à 2 780 000 livres. Suit l’état des remboursements dus à un certain nombre de successions.
69 Jean Meyer, Colbert, Hachette, Paris, 1981, p. 197, parle de « déflation d’offices ».
70 Isambert, Decrusy, Taillandier, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XX, 1686-1715, Belin Leprieur, Paris, 1830, p. 545-547, édit de décembre 1709.
71 BNF, F 23623 (159), édit de septembre 1724. Hiroshi Akabane, « La crise de 1724-1725 et la politique de déflation du contrôleur général Dodun. Analyse de l’aspect monétaire d’un type de crise économique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 14, 1967, p. 266-283. Dodun avait des vues encore plus amples que Colbert puisqu’il souhaitait étendre la fixation à tous les offices. Un arrêt du Conseil en commandement du 13 mars 1725 chargea les intendants des finances d’établir les rôles sous la responsabilité de Fagon, l’un d’entre eux. Mais la chute de Dodun ralentit l’entreprise (pour cet historique, Arch. nat., U 851, « minute du mémoire remis à mr de Machault le 26 avril 1747 »).
72 BNF, F 23613 (14).
73 BNF, F 23614 (138).
74 BNF, F 21010 (35).et F 23616 (854).
75 BNF, F 23622 (644).
76 BNF, F 23624 (59).
77 BNF, F 23624 (868).
78 BNF, F 23625 (869).
79 BNF, F 23626 (526).
80 Un libelle recueilli par les frères Dupuy affirmait que la paulette devait contribuer à faire baisser la valeur des offices : « car dix milles escus qui courent risque et peuvent estre perdus sont plus cher et vallent mieux que vingt mil qui sont assurés, qui ne courent point de fortune […] L’argent que l’on hazarde est plus cher que celui que l’on met en lieu seur » (Bibl. nat, ms. Dupuy 240 f° 235, Franc et veritable discours sur la revocation du droict annuel). Nicolas Fonteny, Discours et continuation apologeticques de la proposition faicte au roy et a nosseigneurs de son conseil d’Estat (BNF, Lf4 27), Paris, 1621, p. 10, va jusqu’à soutenir : « A cette proportion, joinct l’employ, peine et vacations attachées a la fonction des offices, il faudroit que tous les officiers de France, casuels soubs la dicte rigueur des quarante jours, eussent au moins leurs gages et droits a raison du denier trois, c’est-a-dire a 33 et un tiers pour cent ».
81 [Guillaume] Bailly (il était président à la chambre des Comptes de Paris), Remonstrances faictes et prononcées a bouche devant le Roy par…, le 10 mai 1566, Paris, 1573, p. 33-34. Il semble que cette pratique ait été bien réelle (Arch. nat., P 2310 f° 871, mars 1558, histoire de la création et de la suppression d’un office de maître des Comptes à Paris pour Gilles Luillier, sieur d’Ursines).
82 Antoine de Laval, Remonstrance au roy Henry III tenant ses Etats a Bloys au nom des officiers de ce royaume (novembre 1588), dans Deseins des professions nobles et publiques, L’Angelier, Paris, 1612 (1605), f° 113-116.
83 Jean Bodin, La République, I, 8, Fayard, Paris, 1986 (1576), t. I, p. 217-219 et passim.
84 C. Loyseau, Offices…, I, 10 § 14-19 et III, 2 § 20-24, op. cit., p. 63 et p. 161-162.
85 BNF, ms. fr. 10841 f° 11, 16 janvier 1595, arrêt qui maintient dans la charge de receveur des gages de la chambre des Comptes un ligueur extrême, Guillaume de Bordeaux, au détriment d’un royaliste pourvu à Tours qui n’avait « financé aulcuns deniers comptans pour led. office » mais simplement fourni un « mandement de l’Espargne conceu par un don ».
86 Arch. nat., par exemple, P 3318, 2 mars 1691, 100 000 livres pour la finance de l’un des seize offices de conseiller laïc au parlement de Paris créés par édit de juin 1690 quittance à Me Louis Pierre de Turgis : en marge « rayée et annulée, 21 frimaire an 2e, décharge mise £ 1re n° 64 » (sic). Les références à l’acte du 21 frimaire an II (11 décembre 1793) sont fréquentes également sur le registre P 3116, concernant les offices créés par l’édit de décembre 1635.
87 Voir Micheline Baulant et Jean Meuvret, Prix des céréales extraits de la mercuriale de Paris, 1520-1698, t. II, SEVPEN, Paris, 1962, p. 157. Natalis de Wailly, Mémoire sur les variations de la livre tournois depuis le règne de saint Louis jusqu’à l’établissement de la monnaie décimale, Imprimerie impériale, Paris, 1857.
88 Taux de la rente constituée : xve siècle – 1510 : denier 10 (10 %) ; 1510-1601 : denier 12 ; (8,33 %, sauf 1567 et 1572-1574, denier 15) ; 1601-1634 : denier 16 (6,25 %) ; 1634-1665 : denier 18 (5,5 %) ; à partir de 1665, en général : denier 20 (5 %), sauf 1680-1689, denier 22 (4,54 %) et durant l’expérience de Law. Philip T. Hoffman, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal, Des marchés sans prix. Une économie politique du crédit à Paris 1660-1870, Éd. de l’EHESS, Paris, 2001, p. 66, tableau 2. 4, p. 130, tableau 5. 1, et commentaires.
89 John F. Bosher, « Chambres de justice in French Monarchy », in French Government and Society, 1500-1850. Essays in Memory of Alfred Cobban, John F Bosher (éd.), The Athlone Press, Londres, 1973, p. 19-40. Françoise Bayard, « Les chambres de justice de la première moitié du xviie siècle », Cahiers d’histoire, 19, 1974, p. 1221-1240. Daniel Dessert et Jean-Louis Journet, « Le lobby Colbert, un royaume ou une affaire de famille ? », Annales E.S.C., 30/6, 1975, p. 1303-1336. Les chambres de justice ne touchaient pas seulement les traitants et partisans, mais aussi leurs héritiers, parmi lesquels de nombreux fils et gendres détenteurs de hautes magistratures.
90 John Hicks, Une théorie de l’histoire économique, Paris, Le Seuil, 1973 (1969). Hilton L. Root, La Construction de l’État moderne en Europe. La France et l’Angleterre, PUF, Paris, 1994.
91 BNF, ms. fr. 17310 f° 100 v° (« Revenus et despenses du royaume de France en 1576 »).
92 C. Loyseau, Offices…, IV, 8 § 15, et III, 2 § 40, op. cit., p. 263 et 163.
93 [Guillaume Ribier], L’Officier et catholique royal, Paris, 1615, p. 10 (BNF, Lf4 16). BNF, ms. Dupuy 240 f° 230, Moyens et raisons pour la revocation du droit annuel : « Les particulliers qui ont emprunté des sommes de deniers pour achepter leurs offices s’en verront despouillez par leurs creantiers qui craindront le casuel [et] vouldront retirer leur argent ».
94 BNF, ms. Dupuy 240 f° 227 v°, Moyens et raisons pour la revocation du droit annuel. Michel de L’Hospital (en réalité Eustache de Refuge), Traité de la réformation de la justice, Œuvres inédites, Pierre J. S. Duféy (éd.), A. Boulland, Paris, t. I, 1825, p. 359, écrit à l’époque même des états généraux de 1614, note aussi que le roi ne peut créer ni mettre en vente des offices sans qu’« il ne se trouve aussy tost des achepteurs qui vendent leur patrimoine, engagent le bien de leurs femmes, de leurs enfans, de leurs amys, prennent l’argent à gros interest »…
95 BNF, ms. Clairambault 613, p. 529. Ce mémoire est malheureusement un de ceux qui ne sont pas signés.
96 F. Véron de Forbonnais, Recherches…, op. cit., p. 21-22.
97 Examen des objections qui se font contre l’annuel des offices, Paris, 1618, p. 10-11 (BNF, Lf4 25). « En utilité » signifie en droits utiles, c’est-à-dire pécuniaires, et non en dignité, autrement dit en honneurs.
98 Les Réflexions sur la destitution de l’universalité des offices du parlement de Paris par voie de suppression, s, l, s d [vers 1771], p. 4.
99 G. F. Le Trosne, De l’administration provinciale…, op. cit., p. 558.
100 Jourdan, Decrusy, Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XV, 1589-1610, Belin Leprieur, Paris, 1829, p. 302-303, « déclaration qui défend aux notaires et tabellions d’insérer dans les contrats aucune clause de renonciation au sénatus-consulte velléïen », août 1602.
101 Arch. nat., P 3955, Nouvelles créations, 1706, premier cahier ; les emprunts sont passés généralement à un certain Nicolas Prévost, « bourgeois de Paris », par obligation « dont n’y a point de minute ».
102 Ralph E. Giesey, « Rules of Inheritance and Strategies of Mobility in Prerevolutionary France », American Historical Review, 82, 1977, p. 271-289.
103 BNF, F 23611 (87). Sur tous les aspects juridiques, Paul Louis-Lucas, Études sur la vénalité des charges et fonctions publiques…, Challamel et Thorin, Paris, 1889, t. II, p. 240-448.
104 A. Guery, « Le roi dépensier »…, art. cit., p. 1254-1264.
105 Advis au roy (cité) (BNF, Lb36 1063), 1617, p. 9. Raisonnement voisin dans l’Advis d’un bon senateur sur la rupture du droit annuel (BNF, Lf4 10), s l, s d, p. 1 : « nous pensons par ce moyen conserver le grand prix que nous donnons nous-mesmes a ces offices pour nous chatouiller et paroistre en idée et en opinion plus riches que nous ne sommes en effect ».
106 Discours sur les offices (BNF, Lf4 5), s l, s d, p. 6.
107 Bibl. mun. de Rouen, ms. 3450, De l’origine de la vénalité des charges de judicature et de finance (aussi BNF, ms. fr. 1205). Sur ce réformateur, Lionel Rothkrug, Opposition to Louis XIV. The Political and Social Origins of the French Enlightenment, Princeton University Press, Princeton, 1965, p. 328-351
108 C. Loyseau, Offices…, I, 1 § 114, op. cit., p. 8.
109 La source principale est É. Maugis, Histoire du parlement…, op. cit., t. I, p. 1-268. En 1515, l’effectif restait celui de 1454, c’est-à-dire celui de 1345 modifié à une unité près (un lai avait remplacé un clerc). BNF, ms. Joly de Fleury 2131 (25), Mémoire du président Brisson… sur l’état du parlement au 1er mai 1778 : il note qu’« on ne savait pas au juste avant 1756 quel était le nombre des conseillers clercs et laïcs qui composoient le Parlement », assertion exagérée.
110 La source principale est toujours É. Maugis, op. cit. Au XVIe siècle, les effectifs n’ont donc pas crû autant que l’énumération des édits de création le laisserait penser. À l’époque, le jeu des suppressions et des créations est difficile à percer, mais moins que les effets des sections d’office entre les charges de conseillers et les commissions des requêtes.
111 Arch. nat., P 2615 f° 111, 9 avril 1569, enregistrement de l’édit de juillet 1568 : la cinquième des enquêtes était composée de conseillers tirés des quatre autres chambres.
112 Ernest Glasson, Le Parlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de Charles VII jusqu’à la Révolution, Hachette, Paris, t. I, 1901, p. 150-161. Mais Glasson croit à tort qu’une nouvelle création d’offices eut lieu en 1637, les tribulations qu’il décrit sont celles des nouveaux conseillers qui ne reçurent la plénitude de leurs droits (en particulier leur part à la distribution des procès et des épices) que sous la Fronde en participant au financement de la guerre de Paris. Robert Descimon, « Le financement frondeur de la Guerre de Paris », dans La France d’Ancien Régime. Études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, Privat, t. I, 1984, p. 204, note 32 : en 1649, un arbitrage du président de Mesmes fixa la quote-part des nouveaux conseillers des enquêtes à 21 000 livres et celles des conseillers des requêtes à 16 000 (M. C., LVII 60 f° 191, 30 janvier 1650, reconnaissance par les conseillers de la nouvelle création : ils ont fourni 209 000 livres sur les 300 000 mentionnées par l’arrêt du 9 janvier 1649 et emprunté les 91 000 livres restant dues). Ainsi payèrent-ils l’équivalent de la valeur courante des offices anciens et purent-ils les vendre au même prix (par exemple, M. C., CXII 84, 8 juillet 1658, vente de l’office du conseiller Jean de Gaumont).
Au printemps 1643 encore, on peut lire une histoire compliquée d’échange entre un office de conseiller ancien et un office de conseiller nouvellement créé de 1635 (elle est racontée par O. Lefèvre d’Ormesson, Journal, op. cit., t. II, appendice 2, p. 814-816), dont le titulaire devait payer 27 000 livres de soulte au conseiller ancien ; cela semble montrer que l’office nouveau était évalué à 107 000 livres, tandis que l’ancien était vendu 134 000.
113 BNF, F 23614 (885).
114 BNF, F 21158 (23). Arch. du ministère des Affaires étrangères, Mémoires et Documents France 1353, p. 246-249, déclaration du roi concernant le remboursement…, avec état nominatif.
115 BNF, 4° F 4352 (46) et F 23629 (362), 1776, édit de février 1777, qui ramenait de 40 à 30 le nombre des offices supprimés.
116 Pierre Robin, La Compagnie des secrétaires du roi (1351-1791), Sirey, Paris, 1933. Hélène Michaud, La Grande Chancellerie et les écritures royales au XVIe siècle, PUF, Paris, 1967, p. 90-126. Christine Favre-Lejeune, Les Secrétaires du roi de la grande chancellerie de France. Dictionnaire biographique et généalogique (1672-1789), SEDOPOLS, Paris, 1986, vol. 1, p. 35 et passim. Abraham Tessereau, Histoire chronologique de la Grande Chancellerie de France…, Émery, Paris, 1710 (1676), édite et commente un grand nombre de déclaration royales. L’État de la France, C. Besongne, Paris, 1665, t. II, p. 101-103 : 209 charges de secrétaire ont été supprimées et 296 maintenues. D. D. Bien, « Manufacturing nobles… », art. cit. (1989), p. 450. Les calculs diffèrent quelque peu. BNF, série F, en particulier F 23616 (357), décembre 1697 (suppression de 50 offices) et F 23623
(122), juillet 1724 (suppression de 100 offices).
117 BNF, Cinq cents Colbert 260, f° 66-67.
118 Ibid., f° 79.
119 C’est en particulier le cas de R. Mousnier, La Vénalité…, op. cit., p. 356-369, et de François Bluche, Les magistrats du parlement de Paris au xviiie siècle, Economica, Paris, 1986 (1960), qui a recueilli tant de données (p. 118-123).
120 On fait ici allusion à la difficile réception de l’œuvre d’Ernest Labrousse et aux critiques des historiens « historisants » contre la Commission internationale d’histoire des prix. Le goût du singulier est un trait de la méthode historique depuis Charles Seignobos et il implique une grande méfiance à l’égard de toute comparaison… Voir, sur ces débats, Jean-Yves Grenier et Bernard Lepetit, « L’expérience historique. À propos de C. E. Labrousse », Annales E.S.C., 44/6, 1989, p. 1337-1360. L’objectif reste de se débarrasser de ce que Jean-Claude Perrot appelle « les scories intuitives qui nous satisfaisaient initialement ». Préface à Jean-Yves Grenier, Séries économiques françaises (xvie-xviiie siècles), Éd. de l’EHESS, Paris, 1985, p. 10.
121 Denis Lebrun, Traité de la communauté entre mari et femme, III, 2, 1, § 38, Louis Hideux, Paris, 1733 (1709), p. 347.
122 Ainsi E. Barbier, Journal historique…, op. cit., t. III, 1851, p. 276-279, en août 1751, au creux d’une dépression très marquée, mais aussi le procureur général du parlement Joly de Fleury, BNF, ms. fr. 7760 (vers 1749). Ces deux auteurs embrassent l’évolution du prix des offices du parlement depuis Colbert jusqu’à leur temps, et Barbier se livre à une analyse comparative (exacte) avec les autres offices parisiens.
123 Quand un bien avait été vendu deux fois moins que son juste prix, il y avait lésion et la procédure de rescision du contrat pouvait être ouverte. Mais non pas en matière d’offices, qui n’ont pas de « juste valeur » : Omer Talon, Œuvres, éd. D.-B. Rives, Egron, Paris, t. V, 1821, p. 325, plaidant à propos de la vente d’un office de substitut à Montargis en 1630, et la citation dans Pierre Jacques Brillon, Dictionnaire des arrêts, t. II, art. Lezion, G. Cavelier, Paris, 1711, p. 611, d’un arrêt du parlement de Provence en 1670. Les raisons fondamentales de cette jurisprudence tiennent au refus d’accepter les conséquences administratives de la vénalité, toujours assimilée au péché de simonie.
124 Le « prix courant » d’un office est le résultat des transactions privées, dites « compositions », entre vendeurs et acquéreurs. Il va de soi que les traités d’office, comme toute transaction, sont plus ou moins sincères. Voici deux exemples d’inexactitude en des sens différents : M. C., LI 225, 6 décembre 1648, François Paget vend une charge de conseiller au grand conseil à J.-B. Gontier pour 106 000 livres. Le même jour, une déclaration subséquente précise que le prix était en réalité de 110 200 livres, soit 4 200 livres de plus, « lesquelles 4 200 livres ledit Gontier comparant, pour certaines considérations à luy seul particullieres n’a desiré estre compris audit contrat de vente ». A. D. Eure, E 3234, papier journal du conseiller au parlement Claude Ledoulx (fils), 30 janvier 1671, vente de la charge de son beau-père, trésorier de France à Tours, pour 27 000 livres « quoy que le contrat porte 36 000 » (30 janvier 1671). Ici se manifeste sans doute l’espoir que la chute du cours des offices de trésorier de France sera temporaire et que le montant fictif porté à l’acte de vente permettra à l’acheteur d’en obtenir dans l’avenir un meilleur prix que celui pour lequel il l’a vraiment acheté. Si on ajoute que la quasi-totalité des transactions s’accompagnent d’opérations de crédit compliquées, on pressent que les notions de « composition » et de « prix courant » ne répondent pas à des pratiques univoques.
125 Ainsi en 1620, lors du renouvellement de la paulette, qui avait été supprimée depuis deux ans et demi, un office de conseiller au parlement se vendit 105 000 livres, tandis que, en 1621, un office fut cédé pour 67 500 livres, et que le prix de 81 000 livres s’observe deux fois la même année. La transaction de 1620 réunit les Séguier et les Fabry, proches du Conseil du roi ; ces hommes anticipaient vraisemblablement un avenir plus radieux que des conseillers moins au fait des arcanes du pouvoir.
126 La jurisprudence du rapport successoral est l’objet d’un traitement abondant chez les jurisconsultes : excellent résumé dans Jean Bacquet, Traité des droits de justice, dans les Œuvres… augmentées de plusieurs questions, décisions et arrests des cours souveraines de France par Me Claude de Ferrière, D. Thierry, Paris, 1668, p. 82-84. La paulette stabilisa la jurisprudence assez fluctuante avant les années 1610-1620. C. Loyseau, Offices…, III, 9 § 47-60, op. cit., p. 212-213, exprime ses réticences vis-à-vis de ces pratiques au nom du principe « qu’un pere ne peut avantager l’un de ses enfants plus que l’autre » (principe tiré de la coutume de Paris pour les biens roturiers), mais il reconnaît que l’usage ne va pas dans le sens de son opinion et qu’entre « gens paisibles », « on n’a pas accoûtumé d’entrer en cette recherche si l’estimation de l’office n’est notoirement trop basse […], et ne faut pas dedire pour peu de chose le pere commun ». L’Advis d’un bon senateur sur la rupture du droit annuel, s l, s d, p. 3 (BNF, Lf4 10), souligne le dilemme des pères : céder son office à son fils « pour le prix qu’il vaut » et risquer de le ruiner ; le laisser à moindre prix, « nous jettons dedans nos familles une guerre civile entre les freres ». La doctrine s’assura : Georges Louët, Nouveau et dernier recueil d’aucuns notables arrests…, éd. Julien Brodeau, 11e éd., Guillemot, Paris, 1633, p. 77, écrit que « tous nos docteurs françois sont d’accord qu’un office venal, ayant esté donné par le pere à son fils, ou acheté de ses deniers, le fils est obligé de rapporter la valeur et estimation venant à la succession de son pere […], laquelle estimation se prend eu esgard au temps du contrat et non de la succession escheüe, sinon que le pere ait estimé l’office à une certaine somme ». Ainsi M. C., LI 245, 25 janvier 1655, le doyen du parlement, Henri Feydeau, cède son office à son fils, Denis, pour 81 000 livres, « qui est le prix pour lequel il a esté achepté » en 1622 ; V 121, 16 avril 1660, Paul Portail, grand chambrier, cède son office à son fils, aussi prénommé Paul, pour 120 000 livres, à condition qu’il exerce l’office au moins dix ans et que, s’il le vend avant cette échéance, il rapporte à sa sœur la moitié de la plus-value de l’office par-dessus les 120 000 livres. Nous n’avons pas tenu compte des données de ce type qui relèvent manifestement de purs arrangements familiaux. BNF, 4° Fm 33891, p. 221, Factum pour messire Louis Le Meusnier, sieur de Molineuf, conseiller…, du 16 juillet 1669 : par contrat de mariage, son père lui a donné, en 1662, pour 150 000 livres la charge de conseiller au parlement acquise en 1610, et qui n’avait « coûté au père que 48 000 livres, il la luy pouvoit donner pour cette mesme somme, ses sœurs ayant reçeu 100 000 livres chacune pour leur dot ».
127 Les offices de valeur tendaient à être considérés comme des biens nobles par les familles. M. C., CIX 205 f° 816, 25 décembre 1658, Thomas Briçonnet donne à son fils aîné Jean son office de conseiller à la cour des Aides pour 50 000 livres, « qui est pareille somme pour laquelle feu monsieur de Glatigny, son pere, luy a baillé et donné lad. charge »…, « joinct qu’il n’y a aucuns droits d’aisnesse en la maison dud. sieur testateur ». Effectivement, M. C., VI 199, 6 avril 1626, vente de l’office par François Briçonnet à son fils Thomas, pour 50 000 livres, prix tout à fait sous-évalué.
128 Par exemple, Gui Patin, Lettres, J.-H. Reveillé-Parise (éd.), Baillière, Paris, t. II, 1846, p. 379-380, se réjouit que le conseiller Ours François Miron se soit fait président des enquêtes : « Cela ne lui coûte que six-vingt mille écus. C’est de la vanité du siècle et du palais et de la fumée d’honneur », ajoute-t-il. M. C., IV, 203, inventaire après décès du président Miron, 22 août 1673, titre X, analyse de l’achat de la présidence des enquêtes (office de conseiller clerc plus commission de président), 19 février 1658, moyennant 360 000 livres. Il existe toutefois des cas de dissonances entre les bruits rapportés par les mémorialistes et les documents notariés.
129 Par exemple, BNF, Dupuy 575 f° 136, février 1597, lettre du conseiller Gillot au président de Thou à propos de la création de nouveaux offices au parlement de Paris : « Ripault en a pris un aussi de ces nouveaux pour vendre celui qu’il a [de conseiller clerc] et puis vendre plus cher le sien de president avec un estat lai. Lescalopier en a faict autant. Ceste machination est si manifeste et si horrible qu’elle pue ».
130 Ces distinctions que les historiens ont du mal à faire leurs étaient banales au xviiie siècle. Ainsi Arch. nat., G7 1325, « Memoire sur l’évaluation des offices sujets aux revenus casuels »… (vers 1716) : « il sera observé que l’evaluation n’est pas le prix de la valleur des offices, mais un pied fixé par le Conseil pour estre sur iceluy les droits perceus qui sont deubs a sa majesté [i. e. l’annuel et le huitième denier]…
131 BNF, ms. Cinq cents Colbert 256. La déclaration de 1638 augmenta du « quart en sus » l’évaluation de 1604 (en fait, une augmentation d’un tiers, le quart étant calculé en dehors). Le Conseil des finances ne cessait d’adapter le tarif en fonction de l’évolution des offices et de la faveur des officiers, sans jamais confondre l’évaluation et le « prix courant » pratiqué dans les transactions entre particuliers (Bibl. du Sénat, ms. 155, « Evaluation des offices », montrant cette adaptation, quasiment au cas par cas, de la fiscalité frappant les mutations d’offices au xviie siècle). L’évaluation ne donne donc aucune indication sur la valeur des offices. William Doyle, La Vénalité, PUF, Paris, 2000, p. 30 et passim, confond « finance primitive », « évaluation » (ou estimation) et « prix courant » des offices, par un double défaut de la traduction du français à l’anglais et vice versa. Le même type de confusion invalide les développements d’A. Hamscher, The Parlement of Paris…, op. cit., p. 3-25.
132 BNF, ms. Clairambault 613, Traité des offices de France, parties casuelles et marc d’or, écrit vers 1674, p. 764-770.
133 Le détail des opérations de taxe (en particulier les justifications des « modérations ») peut être suivi dans le seul registre original conservé du Conseil des finances, Bibl. de l’Institut, 503 f° 510-762, « Roolles des taxes ordinaires des parties casuelles de l’année mil cinq cens quatre vingt huict ».
134 C’est une erreur de croire que les quittances de finance fournies par le trésorier des parties casuelles et enregistrées par le contrôle général des finances (aujourd’hui dans la série P des Archives nationales) renseignent sur les « capitaux » détenus par les officiers, comme l’écrivent François Bluche et Jean-François Solnon, La Véritable Hiérarchie sociale de l’ancienne France. Le tarif de la première capitation (1695), Droz, Genève, 1983, p. 30-31 : « des milliers de prix de charges s’y trouvent comme à la disposition des chercheurs »… Roland Mousnier a fait justice de cette interprétation (compte rendu du livre en question, Revue historique, 108, t. CCLXXI, 1984, p. 446-449) ; il avait déjà attiré l’attention (La Vénalité des offices… op. cit., p. 238, note 2) sur la nécessité de distinguer soigneusement « taxe au conseil » (opération qui déterminait la finance payée) et « prix de vente ». Solnon lui-même (215 bourgeois gentilshommes. Les secrétaires du roi à Besançon, Les Belles Lettres, Paris, 1980, p. 77) remarque justement : « la valeur réelle de la charge est donc à chercher dans les traités d’offices passés devant notaires ».
135 Les créations d’offices dans la cour des Aides de Guyenne transférée à Bordeaux en 1659 offrent un excellent exemple : Arch. nat., P 3259 f° 153 v°, 9 juillet, le traitant lève aux parties casuelles les offices créés par l’édit de juin, celui de premier président moyennant 30 000 livres, celui de procureur général pour la même somme. M. C., CXVII, 46, 19 février 1660, le traitant vend le premier office à l’écrivain Guillerague (qui était intendant de la maison du prince de Conti) pour 60 000 livres, 40 000 pour l’office (le traitant a obtenu 10 000 livres de bénéfice par rapport aux 30 000 qu’il avait acquittées aux parties casuelles) et 20 000 pour dédommager le président déjà en exercice de la diminution de ses droits et de son prestige. Ibid., 26 avril 1660, le traitant vend la charge de second procureur général pour 24 000 livres seulement ; il aurait donc essuyé une perte de 6 000 livres.
136 E. Barbier, Journal historique…, op. cit., t. II, 1869, p. 5.
137 Les offices d’ancienne création n’avaient pas de finance annexée à leur titre et n’en eurent jamais s’ils n’étaient pas tombés aux parties casuelles. La monarchie avait tôt pris conscience de ce problème (Arch. nat. P 2328 f° 246, Mémorial 4A, 18 juin 1584, enregistrement des lettres du roi du 2 juin 1584 concernant la suppression et le remboursement d’offices comptables dans les généralités et les élections qui proposait : « si, pour les offices anciens comme sont les receveurs des Aides ou autres, il ne s’en trouve aucune recette de finance payée en nos parties casuelles pour le principal, vous ayez recours à la résignation simple, laquelle nous entendons quatrupler »…). Mais cette référence à la taxe au Conseil n’était plus opératoire à partir du moment où le roi avait laissé se développer un marché libre.
138 Certains traités d’office de finance se contentent d’énumérer les diverses quittances payées aux parties casuelles dont le montant détermine au denier près le prix de l’office (par exemple, M. C., LXXV 69, 26 avril 1649, pour un office de contrôleur alternatif des décimes du diocèse de Lyon valant 19 394 livres 11 deniers, somme « à laquelle monte touttes lesdictes sommes cy dessus esnumerées »). La vente de l’office de secrétaire du roi, l’un des vingt-six aux gages anciens de 1 000 livres, de feu Louis Targer pour 19 000 livres de composition (M. C., CIX 186 f° 616, 9 décembre 1648), énumère une finance initiale de 9 000 livres (1613), puis une finance de 1 200 livres pour la survivance (1615) et cinq quittances d’augmentations de gages, entre 1623 et 1645 (pour un total de 1 908 livres 8 deniers de nouveaux gages) qui avaient coûté 10 109 livres 6 sous 8 deniers. Si ces sommes avaient bien été versées aux coffres du roi, les héritiers vendaient à perte, d’autant que d’autres frais (annuel, achat de menus droits) n’étaient pas comptabilisés.
139 Sur les mécanismes des traités, qui renvoient à une dette publique nullement consolidée, voir F. Bayard, Le Monde des financiers…, op. cit., p. 163-207.
140 Voir, pour des exemples, C. Blanquie, Les Présidiaux…, op. cit., p. 92-103.
141 Arch. nat., X1A 8394 f° 115, 29 avril 1664, enregistrement de l’édit de suppression des offices de secrétaire du roi. Arch. nat., P 3116, par exemple f° 160, trois quittances du 2 janvier 1636 (les acheteurs sont Bullion et Bouthillier, les surintendants des finances !).
142 M. C., XXI 185, traité d’office sous seing privé du 4 avril 1637, porté le 5 juin 1664 (donc au moment de la suppression) : Antoine Lemaistre, l’avocat janséniste, secrétaire du chancelier Séguier, avait vendu à Péronne Targer, pour son fils Jacques Conrart, un des 84 offices de secrétaire du roi de la nouvelle création pour 25 000 livres, avec la quittance des parties casuelles de 33 000 livres. Il semble qu’on puisse interpréter comme suit l’opération : Lemaistre, grâce à sa position, s’est procuré l’office (pour 18 000 livres ?), il l’a vendu 25 000, mais sa valeur nominale, qui déterminera les transactions futures dont la charge pourra être l’objet à l’avenir, garde pour référence la quittance de 33 000 livres.
143 Autre exemple frappant emprunté à la même époque : M. C., LXII 139, 18 avril 1637, Pierre Pinon achète une charge de trésorier de France à Paris de nouvelle création pour 77 000 livres, alors que les traitants lui délivrent une quittance de finance de 90 000 livres, montant qu’ils n’ont certainement pas versé aux parties casuelles. Les offices anciens se négociaient 90 000 livres entre particuliers à l’époque. Ces procédés permettaient de remplir les caisses du roi et celle des traitants sans trop peser sur les cours du marché entre particuliers. Ces données réinterprétées d’après Emmanuelle Ashta, Les Trésoriers généraux de la généralité de Paris, 1577-1643, Thèse des chartes, 1999, vol. 3, p. 424-425.
144 M. C., XXIII 286, 14 mai 1649, le titulaire, premier pourvu, vend un office de secrétaire du roi du nombre des 84 (aux gages anciens de 1 280 livres 17 sous), avec ses augmentations de gages et de droits, moyennant 16 000 livres. Sont mentionnées la première finance de 33 000 livres censément payée aux parties casuelles en 1636, une quittance de finance de 1 000 livres pour cent livres d’augmentations de gages en 1638, une autre de 2 718 livres 10 sous 8 deniers de 1640 pour 213 livres 6 sous 8 deniers d’augmentations, une quittance de 3 200 livres pour jouir de sa part de l’augmentation du droit du sceau, en 1644, enfin, en 1648, une dernière quittance de 1 138 livres 19 sous pour 113 livres 18 sous d’augmentations de gages : la somme des finances monte ainsi à plus de 41 000 livres, le prix de vente représentant plus de 50 % de perte par rapport à la finance primitive et 61 % par rapport au total des sommes théoriquement investies. Évidemment si l’acheteur n’avait payé que 18 000 livres en 1636, les pertes étaient plus faibles (voir note 142).
145 Il est pénible, mais nécessaire, de reconnaître que les beaux registres de la série P des Archives nationales ne donnent pratiquement aucun renseignement utilisable de façon sérielle.
146 C. Loyseau, Offices…, III, 9 § 59, op. cit., p. 213 : « c’étoit l’ancienne façon de pourvoir les officiers par gratification, c’est-à-dire pour une finance bien modique et beaucoup moindre que la juste valeur de l’office ». Loyseau rappelle aussi (ibid., III, 3 § 23, p. 167) que la taxe des offices est « plus lourde a l’esgard de ceux qui n’ont aucun support au Conseil ».
147 M. C., LXXIII 156 f° 1061, 16 décembre 1605, le conseiller Étienne de Navières est mort trois jours après avoir résigné sans avoir payé le droit annuel. Son office est tombé aux parties casuelles. Mais ses héritiers ont tiré 10 000 livres de sa procuration.
148 Bibl. Arsenal, ms. 3969 (protocole de Bousselin, 1663), p. 69-70 : « quand un officier de cour souveraine ou autre compagnie meurt et decede sans avoir payé le droict annuel, son office debvroit demeurer supprimé suivant l’ordonnance de Blois de l’an 1579, article 100, jusqu’à ce que les compagnies fussent reduictes au nombre antien, mais, parce que le Roy perdroit la finance de ces sortes d’offices, on les fait revivre en admettant la resignation dudict deffunct sur une procuration, vraye ou fausse, lors Messieurs des finances partagent la valleur de l’office avec la veuve ou avec les heritiers, en sorte qu’un office qui seroit taxé vaccant Xm livres, n’est taxé par dispense des quarante jours que Vm livres, quelquefois plus, quelquefois moins, selon la faveur qu’on veut faire a ceux qui y ont interest ». .../...
149 Robert Villers, L’Organisation du parlement de Paris et des conseils supérieurs d’après la réforme de Maupeou (1771-1774), Sirey, Paris, 1937, p. 86-121. On complète par BNF, ms. Joly de Fleury 2109 f° 134-144. Les modalités de la liquidation furent réglées par un arrêt du Conseil du 21 avril 1771. À noter que si la composition montait à un prix supérieur à 50 000 livres, même pour la période antérieure à 1756, où la fixation s’élevait encore théoriquement à 100 000 livres, le ministère refusait d’en tenir compte. C’était là alimenter les aigreurs et la campagne hostile à Maupeou, quoique la monarchie ait versé les intérêts à 5 % des sommes dues à partir de l’arrêt de liquidation de chaque office (Arch. nat., P 6385). On sait qu’un grand nombre d’officiers refusèrent la liquidation de leur office et renoncèrent de ce fait au remboursement.
150 Jacqueline Lafon, « La fin du parlement de Paris », Études d’histoire du droit parisien, PUF, Paris, 1970, p. 229-246. Idem, La Révolution française face…, op. cit., p. 247-306. Les chiffres de la liquidation pouvaient faire l’objet de manipulation : ainsi Emmanuel Fréteau de Saint-Just (reçu conseiller en 1764), constituant, député de la noblesse de Melun, disait « patriotiquement », le 18 mars 1791 : « mon office ne doit être remboursé que sur le pied de 42 000 livres », et non 50 000, car le contrat d’acquisition portait 35 000 livres en monnaie et 14 000 en effets qui perdaient la moitié de leur valeur (Réimpression de l’Ancien Moniteur, op. cit., t. XX, Paris, 1884, p. 653). Mais comment le Comité de judicature et les historiens pourraient-ils entrer dans ces subtilités ?
151 Françoise Autrand, Naissance d’un grand corps de l’État. Les gens du Parlement de Paris (1345-1454), Publications de la Sorbonne, Paris, 1981.
152 M. C., LXVIII 38, 10 juillet 1572, vente pour 13 500 livres de Achille de Harlay à Nicolas Delaplace.
153 Catalogue des actes de François Ier, t. VIII, Imprimerie nationale, Paris, 1905, n° 31221, p. 211-212, décembre 1538, remboursement à Mathieu de Longuejoue, évêque de Soissons, de 5 000 livres prêtées au roi, faisant partie de 15 000 livres exigées pour être pourvu maître des requêtes, les 10 000 livres restantes fournies par Julien de Bourgneuf résignataire de Longuejoue sur son office de conseiller au parlement de Paris en 1524.
154 Cette procédure était déjà appliquée aux nouveaux conseillers de 1542 (voir Ernest Coyecque, « Paris et un emprunt d’État sous François Ier », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, 62, 1935, p. 22-25) ; Arch. nat., X1A 8621 f° 20 v° et 48 v°, janvier 1557, acceptation de la proposition faite à seize conseillers, pourvus sous François Ier, de doubler leur prêt moyennant un remboursement échelonné sur cinq ans sur les gabelles ; Arch. nat., P 2315, déclaration du 12 août 1569, transformant les finances en prêts à condition d’en doubler le montant pour se voir constituer une rente sur l’Hôtel de Ville pour le total (M. C., CVIII 7, 1569, remboursements suivant ce principe d’offices de maître des requêtes et de conseiller au parlement). L’application de ces mesures fut chaotique (voir Maïté Etchechoury, Les Maîtres des requêtes de l’Hôtel du roi sous les derniers Valois (1553-1589), École des chartes, Paris, 1991, p. 41).
155 M. C., LIV 482, 26 avril 1614, vente à Jacques Magdeleine de l’office de Jacques Chalmot, dont s’était fait pourvoir son fils Paul, avocat, demeurant à Saint-Maixent. Chalmot avait normalement payé l’annuel. Le prix est fixé à 30 000 livres « à quoi ils ont composé », payables sous un mois après la réception.
156 Catalogue des actes de François Ier, Imprimerie nationale, Paris, t. III, 1889, n° 10729, 24 janvier 1539, don à Martin du Bellay, pour payer sa rançon, d’un office d’auditeur de la chambre des Comptes de Paris au lieu de l’office de secrétaire du roi qui lui avait été promis, « nonobstant que l’office d’auditeur soit de plus grande valeur que celui de secrétaire ».
157 Abraham Tessereau, Histoire chronologique…, op. cit., t. I, p. 112 de l’édition de 1676, citant l’édit de suppression de décembre 1556.
158 M. C., LI 225, 16 octobre 1648, un secrétaire du roi fait don de son office à son neveu, à charge de lui verser une pension viagère de 1 200 livres.
159 M. C., XXIV 98, 3 décembre 1603, un gager échangeant son office avec un boursier lui verse 3 000 livres de soulte.
160 R. Mousnier, La Vénalité…, op. cit., p. 349-350, a exposé très clairement cette différence.
161 En revanche, quoique la question ait été disputée par les juristes, ils étaient souvent inclus dans les avances successorales, ce qui impliquait leur rapport. Ainsi, M. C., XCV 113, 14 mars 1744, au partage de la succession de sa mère, l’office et la commission des requêtes de Henri Mazade, pourvu en 1737, sont évalués, y compris les frais de provision et de réception, à 100 000 livres. Malgré l’augmentation énorme des frais de réception au xviiie siècle (ils atteignaient 8 000 à 9 000 livres), cette somme paraît exagérée.
162 Voir, note 176, l’analyse des tractations concernant l’office du conseiller Le Boindre.
163 Édit de Roussillon, août 1564, article XVII : défense aux « pere, mere, ayeul ou ayeule, en mariant leurs filles ès villes du Royaume… d’exceder la somme de dix mille livres tournois comme plus haut dot ou constitution de mariage a peine aux contrevenants ou coupables de deguisement ou de fraude de mille escus d’amende » (Isambert, Decrusy, Taillandier, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XIV, Belin Leprieur, Paris, 1829, p. 164).
164 Malgré l’opinion de Mark Cummings, « The social impact of the Paulette : the case of the Parlement of Paris », Canadian Journal of History, 15/3, 1980, p. 329-354, il semble impossible de contester que cette hausse fut en rapport direct avec les mutations juridiques induites par l’institution du droit annuel. Voir les jugements de C. Loyseau, Offices…, II, 10 et III, 1, op. cit., p. 142-159, et les commentaires de R. Mousnier, La Vénalité…, op. cit., p. 356-364.
165 BNF, ms. fr. 5528, Laurent Bouchel, Journal, f° 93 v°, mai 1620, et 163 r° et v°, août 1625. Bouchel était un proche de l’avocat général Louis Servin (ils avaient été beaux-frères). Mathieu Molé, Mémoires, éd. Aimé Champollion-Figeac, t. I, 1614-1628, Renouard, Paris, 1855, p. 345-346, lettre du roi au procureur général Mathieu Molé, 4 août 1625, qui propose la somme de 100 000 livres, plus 10 000 livres pour l’extinction d’une pension de 2 000 livres, si Lecoq y tient absolument. La lettre du roi adressée au procureur général est dans BNF, Cinq cents Colbert, 5 f° 155. R. Mousnier, La Vénalité…, op. cit., p. 345, interprète mal : « un conseiller aux enquêtes du Parlement de Paris monte à la grand-chambre et va vendre l’office qu’il exerçait précédemment ». On montait à la grande chambre à l’ancienneté sans changer d’office. C’est pour empêcher un protestant d’y siéger que le roi incite Lecoq à vendre son office et promet à l’acheteur, le fils du futur premier président Bochart de Champigny, de le gratifier pour compenser « l’excès du prix ».
166 Julian Dent, Crisis in Finance. Crown, Financiers and Society in Seventeenth-Century France, David & Charles, Newton Abbot, 1973.
167 Jean Le Boindre, Débats du parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, Champion, Paris, t. II, Isabelle Storez-Brancourt (éd.), 2002, p. 626. Écrits de Jean-Baptiste Alexis Chorllon, Michel Cassan et Noël Landou (éds), Champion, Paris, 2002, p. 128 : le président du présidial de Guéret note lui aussi que « les offices de conseiller au Parlement de Paris qui se vendoient communément jusqu’à LXXIIII mille escus vallans IIc XXIIm livres, furent fixés à cent mille livres seulement », écho qui semble prouver que les fixations frappèrent l’imagination des officiers jusque dans des provinces reculées. G. Patin, Lettres, op. cit., t. III, 1846, p. 301 et 306, décembre 1660, commente ces chiffres extravagants : « Et dire que tous les fous ne sont pas aux Petites Maisons », ou « il faut avoir bien volé pour avoir tant d’argent à mettre en fumée »…
168 BNF, F 23613 (740 et 808). On a des exemples d’application de cette mesure : A. D. Eure, E 3234 f° 103, 6 avril 1677, Claude Ledoulx prête de l’argent au lieutenant particulier du Châtelet Ferrand et à son épouse « pour la consignation de l’augmentation de la somme de 20 000 livres qu’il leur a fallu fournir pour avoir une charge de conseiller à mr leur fils »…
169 Le système des consignations devint incontournable en conséquence d’un arrêt du Conseil d’État et d’une déclaration royale du 27 novembre 1671 pour le règlement et la forme du payement des offices de judicature. M. C., C 305, 4 août 1671, Denis Feydeau, sieur de Brou, avait vendu son office à Jacques Ribier Du Vair Aleaume pour 100 000 livres, montant de la fixation, et l’acheteur lui avait remis comptant 50 000 livres. Le 22 janvier 1672, les 50 000 livres, avec la procuration ad resignandum de Feydeau, ainsi que les 50 000 livres restantes, doivent être portées aux parties casuelles. Ribier, ayant eu l’agrément du roi, est reçu sur l’office de Louis de Villevault, tandis que Girardin prenait celui de Feydeau. On comprend que l’on rencontre rarement des traités d’office dans les archives notariales dès la mise en place d’un tel système. Peut-être y avait-il eu en l’occurrence soupçon de pot-de-vin.
170 M. C., LI 390, 12 juillet 1671 et LI 392, 25 février 1672, 72 000 livres (il s’agit du même office, la première transaction n’ayant pu se réaliser) ; LXXV 173, 29 décembre 1674, 73 000 livres. D’après l’édit de 1665, les parties pouvaient s’entendre devant notaires, si le trésorier des parties casuelles n’avait pas nommé sous quinzaine celui que le roi avait choisi, pourvu que le prix de la composition ne dépassât pas la fixation. Cette procédure en elle-même exerçait une nouvelle pression à la baisse, mais proposait néanmoins la fixation comme norme des transactions. Les offices de clerc avaient été fixés à 75 000 livres en 1665.
171 John J. Hurt, « The Parlement of Brittany and the Crown : 1665-1675 », French Historical Studies, IV/4, 1966, p. 425, cite le cas d’un office de conseiller originaire au parlement de Rennes acheté 121 000 livres en 1661 et vendu 58 000 en 1667 (la fixation montait en Bretagne à 100 000 livres). Jean Meyer, La Noblesse bretonne au xviiie siècle, Éd. de l’EHESS, Paris, 1985 (1966), p. 942, note : « cette chute est d’autant plus surprenante qu’elle paraît avoir une cause unique : la limitation de prix imposée par l’édit de Colbert ».
172 Voir Robert Descimon, « Éléments pour une étude sociale des conseillers au Châtelet sous Henri IV (22 mars 1594-14 mai 1610) », Les Officiers « moyens » à l’époque moderne. France, Angleterre, Espagne, Michel Cassan (dir.), PULIM, Limoges, 1998, p. 261-291. Lors de la création du nouveau Châtelet, en février 1672 (BNF, F 20287 (10)), la finance des nouvelles charges fut taxée à 30 000 livres.
173 Bibl. mun. de Rouen, Fonds Leber, imprimés, n° 550, portefeuille VIII, pièce 787, 21 septembre 1692, déclaration du roi qui étend aux maîtres des requêtes de l’Hôtel et aux présidents des enquêtes le bénéfice de l’édit de novembre 1690 (BNF, F 23614 (885)) dispensant « ceux qui voudront acheter les charges de présidens à mortier et conseillers de l’obligation d’en consigner le prix en nos revenus casuels ». Pour vérifier que le prix conclu entre les parties n’excédait pas la fixation, il suffisait de montrer le contrat (sincère ou non) au chancelier ou garde des Sceaux.
174 Arch. nat., P 3955, « nouvelles creations, premier cahier », quittances des derniers offices écoulés au début de 1706. Voir J. J. Hurt, Louis XIV…, op. cit., p. 98-103.
175 M. Marion, Histoire financière…, op. cit., t. I, p. 100, explique que les créanciers remboursés consacraient leurs capitaux à l’acquisition de terres à tout prix. Il en était peut-être de même pour les offices. P. T. Hoffman, G. Postel-Vinay, J.-L. Rosenthal, Des marchés sans prix…, op. cit., p. 127 et passim, ont démontré que l’endettement privé était tombé au plus bas avec l’affaire Law.
176 On objectera à raison que ces valeurs étaient purement nominales. Mais la politique déflationniste n’effaça pas pour autant les obligations contractées au temps du Système. Ainsi voit-on, en 1745, le conseiller Jean Joseph Le Boindre, qui avait acheté son office 120 000 livres en 1720, transiger pour se libérer d’une rente au capital de 80 000 livres, mais au denier 50, qu’il devait toujours à son vendeur tant elle était impossible à racheter : afin d’obtenir un rabais de 20 000 livres, il en payait comptant 18 000 et constituait pour les 42 000 livres restantes une rente de 2 100 (au denier 20). En outre, il consentait à son créancier, fils de son vendeur de 1720, une priorité sur l’achat de l’office, faute de quoi Le Boindre serait déchu du rabais de 20 000 livres qui lui était consenti (M. C., LXIX 361, 11 janvier 1745). À sa mort, son fils ne put vendre l’office et le loua. Il fut supprimé en 1756.
177 L’édit prévoyait le rétablissement des consignations aux revenus casuels, mais ajoutait : « n’entendons prejudicier par la presente disposition aux traitez qui pourront se faire de gré à gré aux conditions et au prix dont les parties conviendront pour la vente des offices, pourvû néanmoins que le prix n’excede pas celuy de la fixation ». Ce dispositif était ouvertement déflationniste et tendait à réduire la dette publique exprimée en quittances de finances d’offices, mais par la voie douce de la loi de l’offre sur la demande. Cette interprétation est confirmée par le fait qu’aucun office des cours supérieures ne fut supprimé à l’époque. Les consignations aux parties casuelles s’appliquèrent aux maîtrises des requêtes, au moins à partir de l’édit de 1752, voir Arch. nat., U 851, « Idée du projet sur les charges de maistres des requetes » (1751), avec les observations marginales du contrôleur général Machault, et Sylvie Nicolas, Les Derniers Maîtres des requêtes de l’Ancien Régime (1771-1789), École des chartes, Paris, 1998, p. 16-17.
178 D’où l’embarras de Machault d’Arnouville, en 1747, à propos du projet d’édit prévoyant de réduire le nombre des maîtrises des requêtes de 88 à 80 (remboursées 80 000 livres, au prix du marché de gré à gré à l’époque) et de fixer pour l’avenir leur prix à 100 000 livres ; il s’interrogeait à propos du préambule : « Convient-il d’y annoncer la fixation à perpetuité à 100 000 livres de charges fixées cy-devant à 190 000 ou 200 000 livres, quoique tombées actuellement à une extrême vilité de prix ? » (Arch. nat., U 851, cité note précédente).
179 Il semble que la décote se soit produite du jour au lendemain. Des livres comme celui de Julian Swann, Politics and the Parlement of Paris under Louis XV, 1754-1774, Cambridge University Press, Cambridge, 1995, ou celui de John Rogister, Louis XV and the Parlement of Paris, 1737-1755, Cambridge University Press, Cambridge, 1995, attachent particulièrement peu d’importance à l’économie de l’office : pourtant il est permis de penser que si les offices de conseiller avaient valu 120 000 livres tournois comme au xviie siècle, les magistrats auraient été moins empressés de présenter au roi leur démission collective.
180 E. Glasson, Le Parlement de Paris…, op. cit., t. II, p. 147, il y aurait eu quarante-six charges sans titulaire en avril 1746.
181 M. C., C 585, 17 mai 1746, un office était loué 1 200 livres par an (soit, calculé au denier 20, un principal de 24 000 livres) ; CXI 229, 9 avril 1750, le loyer est tombé à 1 100 livres (un capital de 22 000 livres) et une commission des requêtes est louée aussi pour 1 100 livres annuelles, témoignant sans doute d’une rentabilité relative maintenue.
182 François Bluche et Pierre Durye, « L’anoblissement par charges avant 1789 », Les Cahiers nobles, n° 23 et 24, 1962, réédité, L’intermédiaire des chercheurs et des curieux, Paris, 1998, p. 54, note 33, citent Arch. nat., A D + 919, septembre 1755, et A D + 987, février 1770, qui prétendaient fixer les charges de secrétaires de la grande chancellerie respectivement à 150 000 et à 190 000 livres. Ces documents ne sont plus consultables. W. Doyle, Venality…, op. cit., p. 219, explique qu’en 1772, Terray, contrôleur général, tenta de porter la fixation, qui était à 120 000 livres, à 150 000 livres et d’interdire les ventes en dessous de ce prix, mais il dut battre en retraite face à l’opposition de la compagnie. Il y avait là, en quelque sorte, le projet d’une fixation à l’envers, d’un minimum vénal, et non plus d’un maximum.
183 Il est vrai que la réforme de Colbert était un acte de pure autorité imposé par la puissance législative, alors que l’édit de 1771, s’il avait pleine force de loi, n’en résultait pas moins d’une évaluation proposée par les compagnies d’officiers elles-mêmes et pouvait être interprété en termes de contrat entre l’État et les corps qui participaient à son financement. Philip Dawson, « Sur le prix des offices judiciaires à la fin de l’Ancien Régime », Revue d’histoire économique et sociale, 42, 1964, p. 390-392.
184 Contre toute évidence, la doctrine officielle soutenait que ces fixations étaient respectées. Pierre Jean Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, t. XII, Visse, Paris, 1784, p. 318-319 (note), commente un arrêt du parlement du 12 avril 1782 qui ramenait de 48 000 à 36 000 livres (niveau de la fixation) le montant de l’adjudication d’un office de général des Monnaies.
185 François Bluche, « Les magistrats des cours parisiennes au xviiie siècle. Hiérarchie et situation sociale », Revue historique du droit français et étranger, 52, 1974, p. 87-106.
186 D. Dessert, Argent, pouvoir…, op. cit., p. 181-190, tableaux retraçant l’évolution des prix des principales charges de finance, en particulier celles de receveur général. Cependant la monarchie était devenue allergique au marché libre et fixa le prix de ces charges par un arrêt du Conseil, qui fut annulé le 18 mars 1684, puis par des arrêts du Conseil des 20 novembre 1717 (Arch. nat., E 1993 f° 110) et 16 janvier 1725 (E 992a f° 403-405).
187 La démonstration en a été magistralement administrée par William Doyle, « The price of offices in Pre-Revolutionary France », Historical Journal, 27, 1984, p. 831-859.
188 Jean Nagle, « Les fonctionnaires au xviie siècle », dans Histoire de la fonction publique, Marcel Pinet (dir.), t. II, du xvie au xviiie siècle, Nouvelle Librairie de France, Paris, 1993, p. 182-186.
189 BNF, Actes royaux, F 21266 (122) ; en 1674, les maîtres des requêtes avaient déjà présenté un mémoire pour que la fixation de leurs charges soit portée à 200 000 livres (Bibl. mun. de Rouen, fonds Leber, imprimés, n° 550, portefeuille VIII, pièce 786).
190 Les traités d’office relevés au Minutier central montrent que les charges de substitut tournaient entre 14 000 et 16 000 livres de 1627 à 1653. En 1771, elles furent évaluées 30 000 livres, ce qui était déjà le prix courant indiqué par l’enquête de Colbert en 1665. Pour les procureurs, voir W. Doyle, Venality…, op. cit., graphique p. 226.
191 Jean-Claude Waquet, Les Grands Maîtres des Eaux et Forêts de France de 1689 à la Révolution, Droz, Genève, 1978, p. 52.
192 François Bluche, « Le personnel de l’Élection de Paris (1715-1791) », Paris et Ile-de-France. Mémoires, 26-27, 1975-1976, Paris, 1978, p. 323-324.
193 Michel Antoine, « Sens et portée des réformes du chancelier de Maupeou », Revue historique, 288, t. DLXXXII, 1992, p. 55-56, note que « dès les dernières décennies du règne de Louis XIV, le système judiciaire du royaume donnait des signes de délabrement » et évoque « la chute du prix des offices, sensible depuis le dernier tiers du xviie siècle ». Mais il ne faut pas oublier que ce délabrement était une conséquence intentionnelle de la politique royale ni que la vénalité des charges, y compris celles de justice, était partie intégrante du système de crédit public.
194 M. de L’Hospital (en fait, Eustache de Refuge), Traité de la réformation…, op. cit., p. 268.
195 C. Loyseau, Offices…, IV, 7, § 30, op. cit., p. 258-259 : « au prix que l’officier achete son office, quelque homme de bien qu’il soit, il ne se peut tenir qu’a ce mesme prix, il n’en revende par après l’exercice au peuple […], il est necessaire que ceux qui ont acheté les offices s’accoûtument d’en menager exactement le gain, afin d’en retirer l’argent par le menu. Aussi void-on que, depuis l’introduction de la venalité des offices, les juges se sont auctorisez de prendre de grands salaires des parties ? […] Et, à mesure qu’on a encheri les offices de temps en temps, les juges ont aussi augmenté leurs taxes : comme c’est une règle infaillible du commerce des choses fructueuses que leur prix et leur revenu ont une necessaire correspondance l’une à l’autre, de sorte que si l’un augmente, il faut que l’autre augmente aussi ».
196 Jean Savaron, Traicté de l’annuel et venalité des offices, Chevalier, Paris, 1615, p. 14-15.
197 M. de L’Hospital (en fait, Eustache de Refuge), Traité de la réformation…, op. cit., t. I, p. 297.
198 Ibid., p. 403. Le Discours sur la proposition d’interdire la venalité des offices (BNF, Lf4 6), s l, 1615, p. 7-8, pousse le raisonnement plus loin : en réfléchissant sur l’éventualité d’un remboursement des charges, il note, à propos des jeunes officiers « qu’on a apellé par gausserie les vins nouveaux, ce seroit les presser un peu trop pres, n’ayans pas encores eu loisir de faire leurs affaires »… Et l’Advis d’un bon senateur sur la rupture du droit annuel (BNF, Lf4 10), s l, s d, p. 12 : « nous augmentons insensiblement nos droicts et nos espices ; et si quelqu’un en doute, qu’il aille refueilleter les registres, et il trouvera que depuis l’establissement du droict annuel, les espices des procez sont augmentées d’un quart et plus. Ce n’est pas concussion ny exaction, mais […] c’est un mal et une charge sur le public ».
199 BNF, ms. Clairambault 613, respectivement p. 144, 278 et 402.
200 Ce qui rend ce point incontestable pour les jurisconsultes, c’est que les gages sont payés depuis la provision, et non plus depuis la réception. Ainsi, dès le 9 avril 1579, un arrêt du conseil d’État porte : « attendu la finance payée pour led. office,… il pleust au Roy ordonner qu’il sera payé pour six années de gaiges à luy deubz à cause de sond office » (BNF, ms. fr. 10840 f° 20). Mais la doctrine reste réticente face à cette solution rationnelle : voir C. Loyseau, Offices…, I, 8 § 53-60, op. cit., p. 53-54, et encore, au xviiie siècle, l’Encyclopédie méthodique, Jurisprudence (Panckouke, Paris, art. gages, t. XXX) : « depuis que les offices ont été rendus vénaux et qu’on leur a attribué des gages, les gages abusivement ont été considérés plutôt comme un fruit de l’office que comme une récompense du service de l’officier ». Mais on ne pouvait pas penser les augmentations de gages autrement que comme les intérêts rétribuant le versement au fisc d’une somme d’argent. Ce qui valait pour les finances subséquentes ne s’appliquait-il pas à la « première finance » ?
201 Les augmentations de droits qui seraient payés par le public à l’officier pouvaient aussi donner lieu au versement de « finances » au fisc royal.
202 BNF, Joly de Fleury 2131, pièce 14 (vers 1716 ?) dresse une état circonstancié « avec le montant de leurs gages et retenus qui s’y font » pour le parlement de Paris. Il en résulte que la balance annuelle s’établissait pour les conseillers laïcs à 45 livres (sans participation à la Tournelle, ni à la chambre des vacations), contre un peu plus de 300 livres pour les clercs. A. D. Eure, E 3234 f° 14, le papier journal de Claude Ledoulx fils (reçu conseiller au parlement en 1659) note : « des gages, je paye d’ordinaire la paulette et cela va d’une main à l’autre ». L’annuel monte à 400 livres, les gages à 500, mais le dernier quartier (plus faible que les autres : 83 livres 6 sous 8 deniers) était retranché depuis 1636 ; par la suite, Ledoulx répète l’antienne « de mes gages, j’en paye ma paulette tous les ans » (par exemple, ibid., f° 16, 1700) ; en 1705, il dit qu’il paie de ses anciens gages la capitation et de ses augmentations de gages la paulette.
203 R. Villers, L’Organisation…, op. cit., p. 73-74, cite les Maupeouana, pamphlet hostile à la réforme de 1771, qui évaluaient à 340 000 livres les épices payées chaque année par « les contribuables » au parlement de Paris et à 1 200 livres par an les revenus des conseillers de la grande chambre et des « plus travailleurs » des conseillers des enquêtes. Voir marquis de Nadaillac, « Produit d’une charge de conseiller au parlement de Paris (1750-1766) », Bulletin de la Société d’histoire de Paris et de l’Île de France, 19, 1892, p. 121-124, et les commentaires de F. Bluche, Les Magistrats…, op. cit., p. 125-127, qui confirment l’hypothèse que l’office produisait un retour sur investissement de 2 à 2,5 % dans les années 1760 (soit moitié moins que le taux officiel de la rente). La suppression de soixante charges en 1756 avait pourtant amélioré la rentabilité des offices subsistants.
204 M. C., LXXIII 197 f° 22, 19 janvier 1628, Dreux Daubray vend son office de conseiller au Grand Conseil en se réservant les mille livres d’augmentations de gages qu’il a acquis du trésorier des parties casuelles par quittance du 2 janvier 1626, « pour les reunir a l’office de me des requestes qu’il a achepté a monsieur d’Herbigny ». Georges Pagès, « Le conseil du roi et la vénalité des offices pendant les premières années du ministère de Richelieu », Revue historique, 63, CLXXXII, 1938, p. 245-282.
205 Un exemple dans M. C., LI 523, 19 juillet 1649, concernant la chambre des Comptes de Paris (c’est un trésorier de France à Amiens – Trudaine –, qui jouit d’une augmentation de gages dont les deux titulaires de l’office lui ont passé déclaration). Ce dispositif avait évidemment pour raison de permettre la garantie collective des emprunts qui avaient pu être contractés par les institutions pour fournir une partie des sommes réclamées par le Trésor. Les jouissances par prête-noms interposés étaient donc légion.
206 Tout dépendait de l’édit de création des augmentations (BNF, F 23610 (760), édit de juillet 1622, dont la teneur était particulièrement favorable aux officiers). Par exemple, en pratique, BNF, Pièces originales 1633 (37926, Lamy), n° 13, 31 mars 1632, quittance de 10 000 livres à « notre amé et feal Antoine Lamy », auditeur des Comptes à Paris, pour 1 000 livres d’augmentations de gages « pour jouir par luy conjointement ou separement a sond. office », à prendre sur les gabelles. En marge, mention du rachat de l’augmentation en question par le garde du Trésor royal à « Mr Blot », maître des Comptes, le 5 août 1679. Le rendement était de 10 %.
207 J. Hurt, Louis XIV…, op. cit., p. 68-75.
208 C. Loyseau, Traité…, III, 7 § 4, op. cit., p. 191.
209 [Guillaume Bailly], Remonstrances faictes et prononcées à bouche devant le roy […] le 10 mai 1566, Paris, 1573, p. 17.
210 « Les règlements du conseil du roi sous Louis XIII », Roland Mousnier (éd.), Annuaire--Bulletin de la Société d’histoire de France, 1946-1947, p. 173.
211 C’est l’avis du Discours sur les offices (BNF, Lf4 5), s. l., s. d., p. 8, qui dit régler « principalement » son raisonnement sur l’évolution du prix de l’office de conseiller au parlement de Paris.
212 Jean Nagle, « L’officier “moyen” dans l’espace français de 1568 à 1665 », L’État moderne : genèse, Jean-Philippe Genet (éd.), Éd du CNRS, Paris, 1990, p. 163-174. Michel Cassan, « Pour une enquête sur les officiers “moyens” de la France moderne », Annales du Midi, 108, 1996, p. 89-112. Michel Cassan (dir.), Les Officiers « moyens » à l’époque moderne, PULIM, 1997. C. Blanquie, Les Présidiaux de Richelieu, op. cit. Idem, Justice et finance sous l’Ancien Régime. La vénalité présidiale, L’Harmattan, Paris, 2001.
213 Le même phénomène, mis en lumière par Michel Antoine, est saisi sous différentes interprétations. Roland Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue, PUF, Paris, 1980, p. 159-160, en a donné une version particulièrement ferme. Le thème est relativisé par Michel Antoine, « Colbert et la révolution de 1661 », dans Un nouveau Colbert, Roland Mousnier (dir.), SEDES, Paris, 1985, p. 99-109.
214 Colin Kaiser, « The deflation in the volume of litigation at Paris in the Eighteenth-Century and the waning of the old judicial order », European Studies Review, 10, 1980, p. 309-336. Le nombre des dictums rendus aux requêtes de l’Hôtel tripla de 1501 à 1611. L’ordonnance civile de 1667 mit un terme à la croissance du nombre des affaires au parlement en imposant des restrictions aux droits d’appel et de committimus. Le nombre des jugés distribués dans les chambres des enquêtes passe de 3 000 environ dans les années 1610 à moins de 2 000 dans les années 1670, une conjoncture de baisse s’observant de 1628 à la fin de la Fronde. Mais le travail de Colin Kaiser n’a pu combler les nombreuses lacunes de la documentation.
215 BNF, ms. Fr. 7760 f° 198 v°.
216 C’est l’une des idées force du livre de D. Dessert, Argent, pouvoir…, op. cit., p. 27-41. Pour une analyse concrète des « disettes d’argent », Thomas M. Luckett, « Crise financière dans la France du xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 43/2, 1996, p. 266-292.
217 Jean-Yves Grenier, L’Économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Albin Michel, Paris, 1996. Philip T. Hoffman, Gilles Postel-Vinay et Jean-Laurent Rosenthal, « Private Credit Market in Paris, 1690-1840 », The Journal of Economic History, 52, 1992, p. 293-306. Idem, « Information and economic history: How the credit market in Old Regime Paris forces us to rethink the transition to Capitalism », American Historical Review, 104/1, 1999, p. 69-94.
218 David D. Bien, « Every shoemaker an officer: Terray as reformer », L’Histoire grande ouverte, Hommages à Emmanuel Le Roy Ladurie, Fayard, Paris, 1997, p. 100-107.
219 Norbert Elias, La Société de Cour, Calmann-Lévy, Paris, 1974 (1939), p. 10-15.
220 H. L. Root, La Construction de l’État moderne en Europe… op. cit., p. 184-188.
221 Gail Bossenga, « From corps to citizenship: The Bureaux des Finances before the French Revolution », The Journal of Modern History, 58, 1986, p. 610-642. Marie-Laure Legay, « Le crédit des provinces au secours de l’État : les emprunts des États provinciaux pour le compte du roi (France, xviiie siècle) », in Pourvoir les finances en province sous l’Ancien Régime, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 2001, p. 151-171.
222 Cette distinction n’est pas volontiers admise par les historiens : ainsi R. Bonney, The King’s Debts…, op. cit., p. 176-177, diagnostique, selon une opinion trop courante, une « exploitation fiscale des officiers », principalement sous le ministère de Bullion et à la fin du règne de Louis XIV ; Françoise Bayard, « Comment faire payer les riches ? », Histoire économique et financière de la France. Études et documents, Imprimerie nationale, Paris, 1989, p. 29-51 ; Maurice Gresset, L’Introduction de la vénalité des offices en Franche-Comté 1692-1704, Annales littéraires de l’Université n° 394, Besançon, 1989, p. 159-163. James B. Collins, Fiscal Limits of Absolutism. Direct Taxations in Early Seventeenth-Century France, University of California Press, Berkeley, 1988, p. 107, parle des « king’s assaults on the privileged groups » (au xviie siècle). John Hurt, Louis XIV and the Parlements. The Assertion of Royal Authority, Manchester University Press, Manchester, 2002, p. 67-94. La tradition anti-fiscale française rejoint ainsi l’esprit « whiggish ».
223 W. Doyle, La Vénalité…, op. cit., par exemple, p. 44-45, avec cette formule étonnante : « c’est comme si tout officier comprenait qu’un des droits les plus fondamentaux que lui conférait sa participation à la vénalité était celui […] d’être exploité à volonté par l’État ».
224 Bernard Chevalier, « Fiscalité municipale et fiscalité d’État en France du xive à la fin xvie siècle », Genèse de l’État moderne. Prélèvement et redistribution, Jean-Philippe Genet et Michel Le Mené (éds), Éd. du CNRS, Paris, 1987, p. 137-151, qui concluait : « ce n’est pas au temps de Louis XI que l’État tentaculaire a ruiné les finances municipales, mais à celui du bon roi Henri ».
225 F. Véron de Forbonnais, Recherches…, op. cit., t. I, p. 328 (commentaire de l’année 1665).
226 R. Descimon, « La vénalité des offices et la construction »…, art. cit., p. 85-93.
227 Michael Kwass, « A Kingdom at taxpayers: State Formation, Privilege and Political culture in Eighteenth-Century France », Journal of Modern History, 70/2, 1998, p. 295-339.
228 Voir Denis Richet, « La monarchie au travail sur elle-même ? », De la Réforme à la Révolution. Études sur la France moderne, Aubier, Paris, 1991 (1987), p. 425-450. Guy Chaussinand-Nogaret, « La monarchie et l’esprit de réforme au xviiie siècle », Sociétés et idéologies des temps modernes, Hommage à Arlette Jouanna, Joël Fouilleron, Guy Le Thiec, Henri Michel (dir.), Presses de l’Université de Montpellier III, Montpellier, 1996, t. II, p. 553-572.
229 Bibl. du Sénat 20 (xviiie siècle) f° 242 v°.
230 Guy Chaussinand-Nogaret, « Capital et structure sociale sous l’Ancien Régime », Annales Économie Sociétés Civilisations, 25, 1970, p. 463-476.
231 Konrad W. Swart, Sales of Offices in the Seventeenth Century, Hes Publishers, Utrecht, 1980 (1949) donne de cette incompréhension un exemple bien net.
232 C’est l’une des idées force du livre de D. Dessert, Argent, pouvoir…, op. cit.
233 J. Nagle, dans Histoire de la fonction publique…, op. cit., t. II, p. 181.
234 Peter G. M. Dickson, The Financial Revolution in England. A Study in the Development of Public Credit 1688-1756, Macmillan, Londres, 1967. John Brewer, The Sinews of Power: War, Money and the English State, 1688-1783, Knopf, New York, 1989, p. 91. Les Anglais du xviie siècle payaient au moins deux fois et demie plus d’impôts (consentis et mieux répartis) que les Français.
235 David D. Bien, « Old Regime origins of democratic liberty », The French Idea of Freedom. The Old Regime and the Declaration of Rights of 1789, Dale Van Kley (éd.), Stanford University Press, Stanford, 1994, p. 23-71. Philip T. Hoffman et Kathryn Norberg (éds), Fiscal Crisis, Liberty and Representative Government, 1450-1789, Stanford University Press, Stanford, 1994.
Auteur
Robert Descimon est, depuis 1991, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il a publié, concernant la vénalité des offices dans la France monarchique : « Il mercato degli uffici regi a Parigi (1604-1665). Economia politica ed economia privata della funzione pubblica di antico regime », Quaderni storici, 96/3, 1997, p. 685-716 ; « Les notaires de Paris du xvie au xviiie siècle : office, profession, archives », Offices et officiers « moyens » en France à l’époque moderne, Michel Cassan (dir.), Limoges, PULIM, 2004, p. 15-42 ; « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie du monde des offices ministériels (xvie-xviiie siècle) », Entre justice et justiciables : les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au xxe siècle, Claire Dolan (dir.), Québec, Presses universitaires Laval, 2005, p. 301-325.xii
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