L’endettement des cités grecques dans l’Antiquité
p. 115-128
Texte intégral
1C’est pour moi une heureuse occasion de revenir sur un sujet auquel je me suis intéressé en deux étapes depuis quelques décennies. J’ai d’abord consacré mes recherches doctorales aux emprunts proprement dits des cités grecques, qui sont illustrés par de nombreux documents1. Par la suite, j’ai analysé dans trois articles un autre type d’emprunts, plus rares, que j’ai appelés « internes » et dont les caractères particuliers me paraissaient mériter une étude spéciale2. Dans les deux cas, je me suis naturellement interrogé sur la portée et la signification du phénomène. Aujourd’hui, je constate que mes conclusions ne sont pas remises en cause par la problématique du colloque3. Elles doivent cependant être élargies et prolongées à la lumière de la définition de la dette publique telle que l’Occident l’a connue depuis la fin du Moyen Âge. Je le ferai en trois étapes, en rappelant d’abord et en précisant les résultats de mes deux enquêtes antérieures.
I
2Une doctrine ancienne et largement répandue, qui remontait au moins au début du xixe siècle, soutenait que l’emprunt public n’avait eu qu’un rôle marginal dans les cités grecques. Il m’est apparu au contraire que les cités y recouraient fréquemment. Les témoignages, surtout épigraphiques, sont nombreux, proviennent de régions diverses et s’échelonnent sur une longue période de plus de six siècles. Le plus ancien remonte à 432 avant J.-C. : au début de la guerre du Péloponnèse, les alliés de Sparte envisageaient d’emprunter des fonds aux sanctuaires de Delphes et d’Olympie pour équiper une flotte, opération exceptionnelle qui aurait probablement consisté, au moins en partie, à fondre les réserves précieuses pour en frapper monnaie4. Le témoignage le plus récent date de la fin du iie siècle après J.-C. : en rendant hommage à une femme qui l’avait secourue lors d’une disette, la cité de Termessos, en Pisidie, rappelait la tradition de générosité de ses ancêtres et notamment leurs fréquentes avances d’argent5. Entre ces deux extrêmes chronologiques, on peut citer par exemple plusieurs inscriptions relatives à des unions politiques entre cités (synoikismoi ou sympoliteiai), qui font allusion à des dettes passées ou à venir6, ou encore une série de comptes de Délos échelonnés sur les soixante premières années du ive siècle avant J.-C., qui énumèrent les lourdes dettes contractées par de nombreuses cités des Cyclades auprès du sanctuaire d’Apollon7. Beaucoup plus tard, alors que les témoignages de l’époque impériale sont nettement plus rares, on constate encore qu’au milieu du ier siècle après J.-C., les prêtres d’Artémis et les magistrats d’Éphèse empruntaient régulièrement de l’argent à titre public, au point que le proconsul d’Asie dut intervenir, non pour interdire cette habitude, mais pour obliger les responsables à limiter les emprunts aux capacités de remboursement de la cité au moyen des revenus de l’année en cours8. Les exemples pourraient être multipliés. Mais il me paraît plus utile de rappeler l’évolution de l’institution en distinguant ses différents types.
3C’est au ive siècle avant J.-C. que l’emprunt public est entré dans l’usage courant, sans doute à cause de la monétarisation croissante de l’économie et du développement des échanges et de l’affairisme. Pour cette époque, les documents ont surtout conservé les traces d’emprunts politiques, qui ont été contractés auprès de cités ou de sanctuaires étrangers dans le cadre d’alliances déjà établies. Le cas de Délos et des Cyclades, que je viens d’évoquer, en est un bon exemple. Les sommes en jeu étaient souvent considérables et généralement destinées à financer la guerre. Mais ce genre de recours est resté plutôt rare et n’est guère attesté par la suite. La période classique a connu d’autre part les emprunts par souscription, qu’on rencontre encore au iiie siècle. Quelques-uns des plus anciens, au ive siècle, ont pris la forme de souscriptions forcées, c’est-à-dire de réquisitions remboursables, mais la plupart faisaient appel à la générosité volontaire de la population locale, c’est-à-dire avant tout des citoyens, pour financer des constructions publiques, des achats de grain ou d’autres besoins de ce genre. On pourrait donc les comparer, mutatis mutandis, à nos émissions d’obligations. Dans ce domaine, il faut citer le cas tout à fait unique de Milet qui, pour sortir d’une impasse financière en 211/210 avant J.-C., ouvrit chez elle une souscription et la remboursa par des rentes viagères9.
4Mais le type qui s’est imposé à partir du ive siècle est l’emprunt à des particuliers. Il a dominé la période hellénistique et a perduré jusque sous l’Empire. C’était un moyen simple et commode, car il suffisait à la cité de trouver sur place, ou à proximité, un personnage assez riche et de le convaincre de l’aider. Son développement est évidemment lié à la domination progressive des riches et à l’expansion de l’évergétisme dans les cités. Grâce à leur fortune personnelle, les notables étaient désormais les principales sources de « dépannage » quand les cités se trouvaient dans la gêne ou dans l’impasse, par exemple pour s’approvisionner en grain. Durant la première moitié de la période hellénistique, les prêteurs étaient généralement des citoyens ou des étrangers dévoués, qui consentaient aux cités des conditions favorables, renonçant entre autres au paiement des intérêts et parfois même au remboursement, total ou partiel, du capital. En échange, ils recevaient divers honneurs et privilèges. À la basse époque hellénistique, qui a connu, on le sait, de nombreuses guerres et beaucoup de destructions, on trouve davantage d’étrangers préoccupés par les affaires et peu disposés à renoncer à leur bénéfice. Ils exigeaient donc des contrats écrits, parfois très détaillés, et imposaient aux cités de strictes conditions. Le point culminant fut atteint au ier siècle avant J.-C., avec les prêts usuraires des hommes d’affaires et des hommes politiques romains. Sous l’Empire, l’apaisement des conflits a favorisé le retour aux prêts de type évergétique10.
5Dans ces prêts personnels, il faut noter deux absences, celle des rois hellénistiques et celle des banquiers. La première s’explique aisément : de la part des rois, une avance remboursable aurait été perçue comme un geste mesquin, alors que le don convenait à leur rang11. Il se peut d’autre part que des banquiers de profession aient parfois avancé de l’argent à des cités, mais les témoignages sont rares et peu explicites. S’ils l’ont fait, c’est probablement grâce à leur fortune personnelle plutôt qu’en engageant les capitaux de leurs clients, avec lesquels ils ne pouvaient guère courir de risques. Ils auraient dû, en outre, imposer aux cités les conditions propres aux prêts bancaires, qui étaient plus exigeantes12. En d’autres termes, quand ils prêtaient de l’argent aux cités, ces hommes agissaient eux aussi en évergètes. Quant aux banques publiques, elles étaient plus rares et n’ont joué aucun rôle dans ce domaine. En effet, elles n’avaient généralement qu’une fonction technique dans l’administration des cités, comme la garde des fonds publics, la gestion de certains postes budgétaires, la perception de revenus ou le paiement de dépenses13.
6Le tableau est donc divers et contrasté. Or on sait que les auteurs anciens, historiens, orateurs ou philosophes, s’intéressaient davantage aux problèmes politiques qu’aux questions économiques et financières. Quand celles-ci retenaient leur attention, c’était souvent à cause de leur caractère insolite ou spectaculaire. Quant aux inscriptions, elles avaient généralement pour but de remercier et d’honorer des individus dévoués. Certes, l’épigraphie a conservé aussi plusieurs exemples de comptes, de contrats et de conventions. Mais le fait même que ces textes aient été immortalisés dans la pierre révèle leur caractère exceptionnel. Les archives ordinaires, simplement inscrites sur des matériaux périssables, n’avaient aucune raison d’être gravées. Il en découle que beaucoup d’emprunts conclus et réglés sans problèmes n’ont pas laissé de traces. Au total, l’endettement public était donc plus répandu qu’on pourrait le croire à la lecture des sources conservées14.
II
7Les emprunts « internes » suivaient des procédures différentes15. Il s’agissait parfois d’avances effectuées, puis remboursées, d’une caisse à une autre dans le cadre des fonds publics. Mais les témoignages en sont très rares et ne semblent pas illustrer une pratique répandue. En revanche, il arrivait plus fréquemment aux cités d’emprunter des fonds à leurs propres sanctuaires. On sait en effet, comme on l’a vu plus haut à propos de Delphes et d’Olympie, qu’il y avait dans toute cité des biens matériels consacrés aux dieux : terres et immeubles, pâturages, vignes et autres plantations, bois et terres en friche, objets précieux offerts par des particuliers ou prélevés sur le butin de guerre et enfin, à mesure que l’usage de la monnaie se répandait, sommes en argent provenant de donations et de divers revenus. En effet, les biens fonciers et immobiliers des sanctuaires étaient souvent loués à des individus, qui les exploitaient en payant un loyer. À ces revenus s’ajoutaient les recettes des troncs, les amendes, les taxes et les redevances perçues par exemple lors des affranchissements d’esclaves ou des consultations d’oracles. Dans plusieurs documents épigraphiques, comme les comptes de Délos à la période hellénistique, les fonds sacrés, hiéra chrèmata, et la caisse sacrée, hiéra kibôtos, étaient clairement distingués des fonds publics, dèmosia chrèmata, et de la caisse publique, dèmosia kibôtos. Tout sanctuaire possédait donc une certaine richesse, à la fois immobilière et mobilière, dont l’importance variait naturellement selon les cas. En principe, elle devait demeurer éternellement consacrée et, bien souvent, elle restait simplement immobilisée et thésaurisée. Normalement, les revenus étaient réservés aux frais des cultes, à la rémunération des personnes qui leur étaient affectées, à l’entretien des édifices et des domaines sacrés, à leur restauration et à la construction de nouveaux monuments.
8Dans les faits, cependant, les biens et les fonds des dieux étaient administrés par les usagers du sanctuaire, c’est-à-dire par la cité ou l’une de ses composantes (comme un dème), une famille ou plusieurs, ou une communauté de cités comme l’amphictionie de Delphes. Les cités avaient donc sous la main, surtout quand leurs sanctuaires étaient riches, des fonds auxquels elles pouvaient être tentées de recourir en cas de besoin. On sait que des tyrans et des cités ont parfois fait main basse sur des biens sacrés, par réquisition ou extorsion, ce qui était un sacrilège16. Mais la procédure normale consistait à emprunter une partie des fonds disponibles, voire à fondre des objets précieux pour en frapper monnaie, en cas d’urgence, et à les rembourser ensuite. Il fallait alors respecter certaines règles, comme on va le voir, et en particulier payer un intérêt. Ces opérations « internes » étaient donc de véritables emprunts et la caisse sacrée n’était pas confondue avec la caisse publique. Mais l’originalité du procédé saute immédiatement aux yeux, car la démarche était unilatérale. Les cités n’avaient pas d’interlocuteur avec qui traiter, d’abord pour le solliciter et le convaincre, ensuite pour négocier avec lui les conditions de l’affaire. Il suffisait à l’Assemblée des citoyens, à qui appartenait ce genre de décision, de voter un décret lui permettant de puiser dans les fonds sacrés.
9L’épigraphie en a conservé plusieurs exemples, dont voici brièvement les plus significatifs dans l’ordre chronologique. Avant et pendant la longue guerre du Péloponnèse (431-404), Athènes a plusieurs fois emprunté de l’argent aux fonds sacrés. Certes, les nombreuses lacunes de la documentation et le laconisme des textes, et même l’ambiguïté de certains termes qui y sont employés, ne permettent pas toujours de reconnaître les emprunts et leur destination de manière certaine. On ne peut pas affirmer non plus que l’endettement de la cité fut continu durant ces années. Mais il semble avoir été assez régulier et a manifestement servi avant tout à financer l’effort de guerre17. Les dépenses effectuées d’abord en 440-439, pour l’expédition contre Samos, puis en 433, pour celle contre Corcyre, peuvent sans doute être considérées comme des emprunts, car les versements provenaient des fonds sacrés d’Athéna18. En outre, c’est peut-être de leur remboursement qu’il s’agit, entre autres choses, dans les deux décrets proposés par Callias en 434/433 (en fait, la date de ces documents est très discutée). On lit en effet dans le premier (lignes 2-4) : « qu’on rembourse aux dieux les sommes qui leur sont dues, maintenant que les trois mille talents ont été apportés à Athéna sur l’acropole, conformément au vote, en monnaie locale » ; la suite décrit, entre autres, les procédures à suivre et le second décret contient lui aussi des dispositions relatives au remboursement des dettes (lignes 19-25)19. Peu après le début de la guerre, les comptes de 426/425 à 423/422 permettent plus de précision : durant ces quatre années, la cité a emprunté en tout 747 talents 1 253 drachmes à Athéna Polias ; en 423/422, elle a emprunté 6 talents à Athéna Nikè et 54 talents 5 988 drachmes aux autres dieux ; elle payait en outre des intérêts sur des emprunts plus anciens, si bien que, pour les onze années comprises entre 433/432 et 423/422, le total de sa dette atteignait près de 5 600 talents, c’est-à-dire 33 millions 600 000 drachmes, dont plus des deux tiers ont été empruntés entre 432 et 42920. Un peu plus tard, entre 418/417 et 415/414, bien que les montants soient mal conservés, on constate que l’emprunt de la première année atteignait au total plus de 58 talents et celui de la dernière, près de 355 talents21. Enfin, un petit fragment de décret de 410/409 évoque des mesures de remboursement22. On voit que les sommes étaient souvent énormes, à la mesure non seulement de la puissance athénienne, mais aussi du coût de ce conflit exceptionnel, qu’elles devaient être remboursées, au moins en principe, et qu’elles étaient frappées d’un intérêt. Le taux de ce dernier fut sensiblement réduit en cours de route pour des raisons qui nous échappent : jusqu’en 426/425 (semble-t-il), il était d’une drachme par jour et par talent, ce qui fait un peu plus de 6 % par an, puis seulement d’une drachme par jour par tranche de cinq talents, c’est-à-dire 1,22 % par an, ce qui était modique23.
10Mais, à partir de 409/408, la situation financière des Athéniens se détériora beaucoup. Ils durent alors recourir à des moyens extrêmes, dont quelques-uns avaient été évoqués par Périclès lui-même dans le célèbre discours qu’il a prononcé, d’après Thucydide, au début de la guerre. Les Athéniens, disait-il, pouvaient certes compter sur les fonds proprement publics – tribut versé annuellement par les alliés, revenus de la cité et réserve en argent conservée sur l’acropole –, mais en outre « il y avait l’or et l’argent non monnayés figurant dans les offrandes publiques et privées, plus les objets sacrés servant aux processions et aux jeux, le butin fait sur les Mèdes, et tous autres trésors du même genre, le tout ne faisant pas moins de cinq cents talents ; à quoi il ajoutait encore les biens des autres sanctuaires, qui n’étaient pas sans importance ; ils auraient là des ressources à employer, et même, s’ils étaient absolument à bout, ils auraient les revêtements en or parant la déesse elle-même ; car – il le précisait – la statue comportait de l’or affiné pour un poids de quarante talents et celui-ci pouvait entièrement s’enlever ; ces ressources, si on les employait pour le salut public, devraient, déclara-t-il, être ensuite intégralement restituées24 ». Effectivement, comme l’a révélé l’étude des inventaires, la collection des objets sacrés, en or et en argent, qui était conservée au Parthénon a commencé à se réduire à partir de 410 et, jusqu’à la fin de la guerre, à peu près tous les objets utiles ont été fondus pour frapper monnaie. Il en fut de même de huit statues en or de la Victoire (Nikè). Mais on constate aussi que, dès 406/405, la collection était en voie de reconstitution, non seulement grâce aux efforts de particuliers qui ont consacré de nouvelles offrandes, mais aussi, après la défaite de 404, grâce aux fonds tirés de la vente des biens des « Trente Tyrans » qui avaient brièvement gouverné la cité au nom de Sparte. Ces efforts ont continué au ive siècle jusqu’au temps de Lycurgue, dans les années 33025. Les Athéniens considéraient donc ces retraits d’objets sacrés comme des emprunts et, poussés par la piété, ils ont fait tout leur possible pour reconstituer le trésor d’Athéna. On peut supposer qu’ils ont agi de même pour leurs dettes en argent, même s’ils ne sont pas arrivés à les rembourser complètement26.
11Un autre cas remarquable, mais très différent, est celui de Locres, en Italie du Sud27. Trente-sept petites tablettes de bronze y ont été retrouvées28, qui s’échelonnent sur environ un demi-siècle à la fin du ive siècle et au début du iiie avant J.-C. On y avait gravé une série de trente-sept dettes encore pendantes entre la cité et le sanctuaire de Zeus, dont près de la moitié (dix-sept) avait été contractée pour financer la fortification et la défense de la cité. Les sommes étaient relativement modiques : le total de ces dix-sept emprunts atteignait, en monnaie locale, l’équivalent de 82 talents athéniens environ, ce qui donne une moyenne annuelle d’à peu près 4 talents 5 000 drachmes, certes insuffisante pour financer des travaux de grande envergure. Chaque emprunt avait été décidé par un vote du Conseil et du Peuple. Une douzaine seulement, provenant de la réserve monétaire du sanctuaire, étaient faits de sommes rondes. Tous les autres, soit les deux tiers, comprenaient de la « menue monnaie », parce qu’il s’agissait, du moins dans de nombreux cas, des revenus du sanctuaire. En effet, plusieurs de ces revenus sont ainsi passés directement dans la caisse publique, en tout ou en partie. Il semble même qu’au moment du vote le Conseil et l’Assemblée aient désigné les revenus qu’ils voulaient emprunter, procédé original qui révèle une nette ingérence de la cité dans la gestion des fonds sacrés et s’explique peut-être par un état d’urgence. Les textes restent muets sur le paiement d’intérêts, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en avait pas. Par ailleurs, bien que l’ensemble des documents ne rapporte en tout que trois remboursements, il est évident que ces avances devaient en principe être remboursées.
12De la même époque, deux inscriptions de l’île de Kéos méritent d’être citées. L’une, qui rapporte les comptes du sanctuaire d’Apollon à Carthaia, présente une rubrique énumérant six prêts accordés à la cité sur six mois non consécutifs. Les sommes encore lisibles sont modiques : elles vont de 16 à 100 drachmes, et rien n’est dit de leur destination. Mais chaque prêt a été accordé « sur garantie des biens des citoyens, au taux légal d’intérêt29 ». L’autre inscription est un fragment d’inventaire qui paraît provenir du même sanctuaire. Un passage, intitulé « sommes empruntées par la cité », récapitule une série d’avances échelonnées sur sept années. Plusieurs sommes sont effacées ou incomplètes. La plus modique est comprise entre 12 et 14 drachmes. La plus élevée est de 2 600 drachmes. Une seule compte de la « menue monnaie » : elle est de 1 959 drachmes 2 oboles. On ignore ici aussi leur destination30.
13Il faut citer également quelques inscriptions de Priène, car elles s’échelonnent sur une longue période allant du début du iiie siècle au ier avant J.-C. Ces décrets contiennent en effet une clause enjoignant au néope du temple d’Athéna de payer la fabrication d’une couronne ou la préparation d’une stèle et sa gravure, puis de porter la dépense au compte de la cité31. Le sanctuaire avançait donc, à l’occasion, des sommes modiques à la cité pour des dépenses assez courantes.
14Mais la série de documents la plus longue, la plus riche et la plus homogène vient de Délos. En effet, un grand nombre des comptes des hiéropes, gravés entre 314 et 166 avant J.-C., c’est-à-dire durant la période d’Indépendance de la cité, ont survécu jusqu’à nos jours. Or, de 301 à 169, donc sur plus de cent trente ans, ils mentionnent fréquemment des emprunts et des remboursements de la cité aux fonds sacrés32. Sans entrer dans les détails33, j’en souligne ici quelques traits marquants. La destination des avances est rarement indiquée, mais on y trouve toutes sortes de dépenses : des achats de grain, des mesures de protection contre les pirates étrusques, un bon nombre de couronnes offertes à des cités et à des rois, etc. Heureusement, beaucoup de sommes sont encore lisibles. Les montants des emprunts sont très variables. En 179, par exemple, la cité a emprunté d’abord 104 drachmes, puis 400 pour un don aux Étoliens, sur lequel nous n’avons pas d’autres détails, alors qu’en 218 elle avait emprunté 51 634 drachmes 3 oboles, puis de nouveau 10 000 drachmes, pour des motifs qui nous échappent. Quant aux remboursements, ils vont de 40 drachmes (en 174) à environ 20 000 drachmes (en 278 : la somme est incomplète). Sauf rares exceptions, il s’agissait toujours de sommes rondes. Certes, les lacunes sont nombreuses et ne permettent pas de reconstituer la série complète des opérations ni d’établir entre les emprunts et les remboursements tous les recoupements qu’on souhaiterait. Mais il n’est guère douteux que, durant cette période, la cité a régulièrement utilisé les fonds sacrés comme une source permanente de crédit, pour des dépenses très diverses. Plus d’une fois, elle a même effectué plusieurs emprunts et plusieurs remboursements au cours d’une même année. Les emprunts étaient régis par une loi, consignés chaque fois dans un contrat et garantis à la fois par des cautions personnelles et sur les revenus publics. Bien que ce détail ne soit jamais indiqué, il semble qu’un intérêt de 10 % était exigé, comme pour les avances aux particuliers. Mais, d’après le texte de 269, il ne commençait à courir qu’au début de l’année suivante. Plusieurs recoupements montrent que les prêts étaient consentis à court terme et que la cité s’efforçait de les rembourser rapidement. Ils révèlent également que, même quand ils étaient partiels, les remboursements étaient généralement identifiés à une avance bien définie.
III
15Il est donc indéniable que le recours à l’emprunt fut une pratique répandue dans les cités grecques, situation qui contraste fortement avec celle de Rome34. Il arrivait même à des cités d’être endettées simultanément auprès de plusieurs créanciers concurrents ou d’avoir en même temps plusieurs dettes envers leur sanctuaire. Jean Andreau a récemment suggéré que l’endettement prolongé de beaucoup de cités, à la basse époque hellénistique, aurait pu déboucher sur l’institution d’une véritable dette publique, au sens moderne, si Rome n’était pas intervenue pour le freiner35. Effectivement, des représentants de Rome dans la province d’Asie (Lucullus en 71-70 et Quintus Cicéron en 61-58) et dans celle de Cilicie (Marcus Cicéron en 51-50) ont pris des mesures permettant aux cités de se libérer de dettes parfois exorbitantes36. Plus tard, sous le règne de Claude, comme on l’a vu37, l’endettement d’Éphèse dépassait lui aussi les bornes, du moins aux yeux du proconsul d’Asie : celui-ci est allé plus loin en limitant le recours même à l’emprunt, ce qui laisse entendre que des mesures analogues ont pu être imposées ailleurs à partir d’Auguste38. En somme, les Grecs auraient dû se conformer au modèle romain. L’hypothèse est séduisante, bien que ces endettements aient été provoqués par des guerres et des exactions dans le premier cas, et la mauvaise administration publique dans le second. En fait, dans des circonstances normales, c’est au moyen des emprunts « internes » que certaines cités ont pu s’endetter de manière systématique, car elles avaient alors, à domicile, une ouverture de crédit permanente, au moins durant certaines périodes. Parfois même elles s’en servaient pour combler un manque temporaire de liquidités, situation assez courante autrefois, alors que les emprunts du premier type étaient généralement motivés par des urgences. On pourrait donc assimiler les emprunts « internes », mutatis mutandis, à ce qu’on appelle aujourd’hui la « dette flottante ».
16Mais il faut se garder de conclusions excessives. Certes, tous les types d’emprunt étaient à portée de la main et apportaient à la gestion publique la souplesse dont manquaient les revenus réguliers. Les Grecs les considéraient comme des recours normaux, au même titre que la levée d’un impôt d’urgence (eisphora), l’ouverture d’une souscription dans la population locale ou l’appel aux largesses des notables, des rois et, plus tard, des empereurs romains. Mais, tout compte fait, les emprunts « internes » furent peu répandus dans le monde grec. On constate par exemple que des sanctuaires aussi riches que ceux de Delphes et d’Olympie n’ont jamais (ou presque jamais) fonctionné comme des banques39. Athènes elle-même n’a emprunté aux fonds sacrés que durant une période relativement brève et en raison de la guerre. Quant aux emprunts du premier type, il est remarquable qu’Athènes et Rhodes les aient très peu utilisés, alors qu’elles étaient les cités les plus riches, les plus puissantes et les plus ouvertes au commerce et à l’affairisme aux périodes classique et hellénistique : les emprunts d’Athènes furent rares et souvent de nature politique et ceux de Rhodes, s’ils ont existé, n’ont laissé aucune trace40. Les besoins publics étaient donc couverts, autant que possible, par d’autres ressources. Malgré sa fréquence, l’emprunt public est toujours resté un recours d’exception, qui répondait à des besoins précis, immédiats, imprévus ou mal prévus. C’est pourquoi chacun devait, au préalable, faire l’objet d’un débat et d’un vote du Conseil et de l’Assemblée. En outre, chaque dette demeurait toujours clairement identifiée et devait être remboursée comme telle. La conclusion qui s’impose est que les cités grecques n’ont pas connu la notion de dette globale ni celle de sa consolidation à long terme.
17Il faut en outre s’interroger sur la nature de ces diverses opérations et se demander si le titre d’emprunt, stricto sensu, ne devrait pas être réservé aux emprunts conclus, en bonne et due forme, avec des individus soucieux de leurs affaires. En effet, d’une part, même si la piété et le respect des biens sacrés exigeaient le remboursement des emprunts « internes », les cités avaient toujours le dernier mot dans ces affaires et pouvaient déclarer un moratoire de façon unilatérale quand la situation le justifiait. D’autre part, les emprunts auxquels elles recouraient de préférence étaient conclus avec des citoyens ou des amis, soit sous la forme collective de souscriptions, soit plus fréquemment sous la forme individuelle d’avances consenties par des personnes fortunées. Au départ, ces emprunts n’étaient certes pas fictifs. Mais les emprunts par souscription étaient certainement difficiles à rembourser, car les débiteurs et les créanciers étaient en fait les citoyens de la même cité : réunis en Assemblée pour décider d’ouvrir la souscription, ils s’adressaient alors à eux-mêmes, ou du moins aux plus riches d’entre eux ; ensuite, s’ils avaient à délibérer du remboursement, ils pouvaient décider d’effacer la dette pour éviter de mettre leur cité dans l’impasse. Quant aux prêts consentis par des individus, ils se transformaient souvent en actes de générosité, eux aussi, au point que les créanciers savaient d’avance qu’ils avaient peu de chances d’être remboursés complètement. La même situation devait se présenter pour les emprunts à des États ou à des sanctuaires étrangers, car ceux-ci pouvaient être amenés à renoncer à leur dû pour des raisons politiques. Autrement dit, la frontière paraît fluide entre les prêts évergétiques et les dons proprement dits.
18On voit donc l’originalité de la situation. Ses causes profondes doivent sans doute être cherchées dans la structure des cités et dans les caractères de leur économie et de leurs institutions, qui traduisaient en somme des traits de mentalité et de comportement. Dans les affaires publiques comme dans le domaine privé, les Grecs connaissaient la valeur de la richesse et de l’investissement. Mais, pour permettre à l’emprunt de devenir un moyen d’investissement à long terme et d’aboutir à l’institution d’une dette publique au sens propre, il aurait fallu, je pense, que les cités se développent comme des entités abstraites, à la manière des États modernes. Or, par définition, toute cité était une communauté à laquelle les citoyens s’identifiaient fortement et dont ils assuraient directement la gestion, en grand nombre dans les démocraties, en nombre plus restreint dans les oligarchies. Loin de se considérer comme les contribuables d’un appareil étatique sur lequel ils n’avaient guère de contrôle, les citoyens trouvaient normal de se montrer généreux et dévoués envers leur cité. Partout, quand ils décidaient de recourir à l’emprunt, ils en étaient responsables sur leurs propres biens, qui pouvaient être donnés en garantie et saisis en cas de défaillance de la cité dans les remboursements. Il est donc naturel qu’ils aient traité les dettes publiques comme leurs propres dettes.
Notes de bas de page
1 Léopold Migeotte, L’Emprunt public dans les cités grecques. Recueil des documents et analyse critique, Éd. du Spinx, Québec-Les Belles Lettres, Paris, 1984, 436 p.
2 Léopold Migeotte, « Sur les rapports financiers entre le sanctuaire et la cité de Locres », Denis Knoepfler (éd.), Comptes et inventaires dans la cité grecque. Actes du colloque de Neuchâtel en l’honneur de J. Tréheux, Faculté des lettres, Neuchâtel-Librairie Droz, Genève, 1988, p. 191-203 ; « Le operazioni di credito fra il santuario e la città », Felice Costabi-le (dir.), Polis ed Olympieion a Locri Epizefiri. Costituzione, economia e finanze di una città della Magna Grecia. Editio altera e traduzione delle tabelle locresi, Rubbettino Editore, Catanzaro, 1992, p. 151-160 ; « Finances sacrées et finances publi-ques dans les cités grecques », Actas del IX Congreso Español de Estudios Clásicos. Historia y Arqueologia, Ediciones Clasicas, Madrid, 1998, p. 181-185.
3 Voir Jean Andreau, « Absence de la dette publique dans le monde gréco-romain », Atti della Accademia Peloritana dei Perico-lanti. Classe di Lettere, Filosofia e belle Arti, Edizioni Scientifiche Italiane, Naples, vol. 73 (1997), p. 49-59.
4 L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., nº 22, avec traduction et commentaire. On sait que le sanctuaire de Delphes possédait surtout des biens en nature et peu de numéraire, cf. François Lefèvre, L’Amphictionie pyléo-delphique : histoire et institutions, École française d’Athènes, Athènes-De Boccard, Paris, 1998, p. 258-259.
5 L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., nº 112.
6 Ibid., nº 26, 31 et 86. Voir en outre la sympolitie entre Latmos et Pidasa, dont le texte est connu depuis peu grâce à la publication de Wolfgang Blümel, Epigraphica Anatolica, Habelt, Bonn, vol. 29 (1997), p. 135-142 : le règlement prévoyait, aux lignes 17-19, que les dettes contractées jusqu’au mois de Dios resteraient à la charge de chaque communauté.
7 L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., nº 45.
8 Ibid., nº 90.
9 Ibid., nº 97. Aux emprunts par souscription déjà connus il faut maintenant ajouter celui que Téos a contracté au iiie siècle, sans doute dans la seconde moitié, pour satisfaire aux exigences de pirates qui avaient attaqué la cité et pris des otages : textes publiés par Sencer S¸ahin, Epigraphica Anatolica, Habelt, Bonn, vol. 23 (1994), p. 1-36 (pl. 1-4) – voir les remarques de Philippe Gauthier, « Bulletin épigraphique », Revue des études grecques, Les Belles Lettres, Paris, t. CIX (1996), p. 620-623, nº 353 –, puis repris dans le Supplementum epigraphicum Graecum, Gieben, Ams-terdam, vol. 44 (1994), nº 949, et par Reinhold Merkelbach, Epigraphica Anatolica, Habelt, Bonn, vol. 32 (2000), p. 101-114.
10 Sur ces différentes formes d’emprunts et sur les conditions dans lesquelles ils étaient conclus, voir L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., p. 363-392.
11 Cet aspect de l’idéologie royale est bien connu. Parmi les analyses récentes, voir par exemple Klaus Bring-mann, « Die Ehre des Königs und der Ruhm der Stadt. Bemerkungen zu königlichen Bau- und Fest-stiftungen », Michael Wörrle et Paul Zanker (éd.), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus. Kolloquium, München, 24. bis 26. Juni 1993, Beck, München, 1995, 93-102, avec les remarques de Philippe Gauthier, « Bulletin épigraphique », Revue des études grecques, Les Belles Lettres, Paris, t. CIX (1996), p. 573, nº 142 ; Christian Habicht, « Die Rolle der Könige gegenüber Städten und Bünden », Michel Christol-Olivier Masson (éd.), Actes du Xe Congrès international d’épigraphie grecque et latine, Nîmes, 4-9 octobre 1992, Publ. de la Sor-bonne, Paris, 1997, p. 161-174.
12 Cf. Raymond Bogaert, Banques et banquiers dans les cités grecques, Sijthoff, Leyde, 1968, 453 p., p. 358-359.
13 Ibid., p. 401-408.
14 Voir L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., p. 357-360.
15 Sur ce qui suit, voir les articles mentionnés à la note 2.
16 Le second livre de l’Économique attribué à Aristote en donne plusieurs exemples, cf. B.A. Van Groningen, Aristote. Le second livre de l’Économique, édité avec une introduction et un commentaire critique et explicatif, Sijthoff, Leyde, 1933, 218 p. Mais le pillage le plus célèbre fut sans doute celui du sanctuaire de Delphes au cours de la troisième guerre sacrée (355-346) : à plusieurs reprises, les Phocidiens ont fondu les réserves précieuses pour frapper monnaie et payer leurs mercenaires (sur cette guerre, voir Pierre Sánchez, L’Amphictionie des Pyles et de Delphes. Recherches sur son rôle historique, des origines au iie siècle de notre ère, Steiner, Stuttgart, 2001, 574 p., p. 173-219). D’après Anne Jacquemin, « “Hiéron”, un passage entre “idion” et “dèmosion” », Ktèma, Université Marc Bloch, Strasbourg, vol. 23 (1998), p. 224-225, le stratège phocidien Philomèlos aurait, au départ, envisagé ces ponctions comme des emprunts. Cette interprétation ne me paraît pas soutenable pour deux raisons : d’abord, dans son récit des événements, Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVI, 23-64, présente constamment ces actes comme un vol (klopè) ou un pillage des biens sacrés (hiérosylia) et leurs auteurs comme des sacrilèges (hiérosyloi), et souligne fréquemment l’indignation de nombreuses cités grecques ; ensuite, même si Philomèlos s’était emparé du sanctuaire, l’administration de ce dernier relevait en droit de l’amphictionie, et non des seuls Phocidiens. Il est cependant vrai qu’après leur défaite ceux-ci furent condam-nés, non à une amende (zèmia) à proprement parler, mais à une longue série de paiements (katabolai) ou, comme l’écrivait Diodore (ibid., XVI, 60, 1-2), à un tribut (phoros) annuel jusqu’au remboursement complet (ektinein) des biens dérobés. L’idée était donc de les obliger à rendre au dieu ce qu’ils avaient pris, même s’ils ne l’ont jamais fait entièrement. Dans le même sens, cf. P. Sánchez, L’Amphictionie…, op. cit., p. 138-139.
17 Je ne puis évoquer ici les discussions, parfois désespérées, que ces textes difficiles ont suscitées. Parmi les analyses récentes, voir Adalberto Giovannini, « Le Parthénon, le trésor d’Athéna et le tribut des alliés », Historia, Steiner, Suttgart, vol. XXXIX, 2 (1990), p. 135-137, Loren J. Samons II, Empire of the Owl. Athenian Imperial Finance, Steiner, Stuttgart, 2000, et Alec Blamire, « Athenian finance, 454-404 B.C. », Hesperia, American School of Classical Studies at Athens, Princeton, vol. 70 (2001), p. 99-126. On y trouvera de nombreuses référen-ces aux études antérieures.
18 Russell Meiggs-David Lewis, A selection of historical inscriptions to the end of the fifth century B.C., Clarendon Press, Oxford, éd. revue, 1989, 317 p., n° 55 et 61; David Lewis, Inscriptiones Atticae Euclidis an-no (403/2) anteriores, de Gruyter, Berlin, 1981, 488 p., n° 363 et 364. Les montants sont mal conservés sur la pierre. Je suis ici l’interprétation d’Adalberto Giovannini, « Le Parthénon », loc. cit., p. 135-136.
19 R. Meiggs-David Lewis, A Selection…, op. cit., nº 58, avec le commentaire p. 157-161 ; D. Lewis, Inscriptiones…, op. cit., nº 52. Cf. A. Giovannini, « Le Parthénon… », op. cit., p. 136-137.
20 R. Meiggs-D. Lewis, A Selection…, op. cit., nº 72, avec le commentaire p. 212-217, et D. Lewis, Inscriptiones Atticae…, op. cit., nº 369, avec le tableau des dettes, p. 343.
21 R. Meiggs-David Lewis, A Selection…, op. cit., nº 77, avec le commentaire p. 233-236, et D. Lewis, Inscriptiones Atticae…, op. cit., nº 370.
22 D. Lewis, Inscriptiones Atticae…, op. cit., nº 99. Voir R. Meiggs-David Lewis, A Selection…, op. cit., p. 258-259.
23 R. Meiggs-D. Lewis, A Selection…, op. cit., p. 215 et 217.
24 Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, II, 13, 3-5, traduction de Jacqueline de Romilly, Les Belles Lettres, Paris, 1962. Ce bilan des ressources athéniennes a suscité, lui aussi, de nombreux commentaires. Voir, entre autres, Lisa Kallet-Marx, Money, Expense, and Naval Power in Thucidides’ History 1-5.24, Univ. of California Press, Berkeley, Los Angeles, Oxford, 1993, p. 96-107, et A. Blamire, « Athenian finance… », art. cit., p. 100-101. Voir aussi U. Fantasia, Tucidide. La guerra del Peloponneso. Libro II, testo, traduzione e commento con saggio introduttivo, Edizioni ETS, Pisa, 2003, p. 267-284.
25 Sur tout cela, voir Diane Harris, Horos, Société grecque d’épigraphie, Athènes, vol. 8-9 (1990-1991), p. 75-82, et The Treasures of the Parthenon and Erechtheion, Clarendon Press, Oxford, 1995, XIV-306 p., p. 28-39.
26 D’après Adalberto Giovannini, « Le Parthénon », art. cit., p. 136, « les Athéniens n’ont pas eu le temps de resti-tuer les quelque 6 000 talents qu’ils avaient empruntés entre 433 et 423 », ce qui est possible, mais invérifiable. Loren J. Samons II, Empire of the Owl, op. cit., p. 234, supposait également que, « so far as we can tell, the Athenians never repaid Athena and the Other Gods for the vast majority of the money and other treasure they used in the war (including dedications and statutes of Athena Nike), even after the peace in 404 ». De son côté, Alec Blamire, « Athenian Finance », art. cit., p. 123, concluait que toutes les dettes encore pendantes avaient été written off après la guerre. Mais il ne donne aucune référence et je ne vois pas sur quelle source une telle affirmation pourrait s’appuyer.
27 Voir les deux premiers articles mentionnés à la note 2.
28 Et non trente-neuf, comme on l’a cru longtemps, car plusieurs fragments dispersés ont été réunis récemment : cf. Lavinio Del Monaco, « Le tavole di Locri sono 37. Un nuovo attacco tra le tabb. 35, 36, 37 », Rivista di Filologia e di Istruzione classica, Loescher, Torino, vol. 125 (1997), p. 129-149, et « Tab. 35 (+36+37) dell’Olympieion di Locri Epizefirii », Annali, Istituto italiano di Numismatica, Roma, vol. 45 (1998), p. 297-305. Ces recollements ont permis, entre autres, de chiffrer à 1 502 talents 2 statères 15 litrai le total de l’emprunt de la tablette 35 (le changement est minime). Concernant la datation de l’ensemble des tablettes et l’équivalence entre les monnaies locales et l’argent attique, les positions traditionnelles me paraissent les plus vraisemblables : voir les justes remarques de Lavinio Del Monaco dans son premier article, p. 146, n. 4, et 148, et mon article « Les dépenses militaires des cités grecques : essai de typologie », Entretiens d’archéologie et d’histoire. Économie antique. La guerre dans les économies antiques, Musée archéologique de Saint-Bertrand-de-Comminges, 2000, p. 169, n. 6.
Voir cependant la remarque d’U. Fantasia, Annali delle Scuola Normale di Pisa, Serie IV, Quaderni, 1, Pisa, 1999, p. 276, n. 94.
29 Friedrich Hiller von Gaertringen, Inscriptiones Graecae, de Gruyter, Berlin, vol. XII, Suppl., 1939, 347 p., nº 236 (Harry W. Pleket, Epigraphica. vol. I. Texts on the Economic History of the Greek World, Brill, Leiden, 1964, 72 p., nº 29).
30 Friedrich Hiller von Gaertringen, Inscriptiones Graecae, Reimer, Berlin, vol. XII 5, 1903, 400 p., nº 544.
31 Friedrich Hiller von Gaertringen, Inschriften von Priene, Reimer, Berlin, 1906, XXIV-312 p., nº 20, 21, 22, 32, 44 et 117.
32 Félix Durrbach, Inscriptiones Graecae, vol. XI 2, Reimer, Berlin, 1912, 149 p., nº 146-287, et Inscriptions de Délos, vol. 3-4, Champion, Paris, 1926-1929, 192 et 351 p., nº 290-465.
33 Voir R. Bogaert, Banques et banquiers…, op. cit., p. 133-137, et L. Migeotte, « Finances sacrées… », art. cit., p. 184-185.
Sur les conditions des prêts et notamment le paiement des intérêts, voir maintenant Cl. Vial dans Cl. Prêtre (éd.), Nouveau choix d’inscriptions de Délos. Lois, comptes et inventaires (Études épigraphiques, 4), École Française d’Athènes, Athènes, 2002, p. 259-260.
34 Voir J. Andreau, « Absence de la dette… », art. cit.
35 Ibid., p. 56-57.
36 Cf. L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., nº 114 à 116.
37 Voir supra avec la référence à la note 8.
38 Voir J. Andreau, « Absence de la dette… », art. cit., p. 56, qui évoquait également l’exemple de la Lex Irnitana en Occident.
39 Sur le rôle possible de Delphes dans ce domaine, voir les prudentes remarques de R. Bogaert, Banques et banquiers…, op. cit., p. 107, F. Lefèvre, L’Amphictionie…, op. cit., p. 258-259, et P. Sánchez, L’Amphictionie…, op. cit., p. 155 et 475.
40 Cf. L. Migeotte, L’Emprunt public…, op. cit., p. 360.
Auteur
Léopold Migeotte est professeur émérite d’histoire ancienne à l’Université Laval (Québec), membre de l’Académie des lettres et des sciences humaines du Canada et directeur d’études associé à l’École Pratique des Hautes Études, IVe section (Paris). Disciple de Louis Robert, il s’est spécialisé dans l’histoire économique et financière des cités grecques en exploitant surtout les sources épigraphiques de la période hellénistique. Il a publié notamment, outre de nombreux articles, L’emprunt public dans les cités grecques. Recueil des documents et analyse critique (Québec-Paris, 1984), Les souscriptions publiques dans les cités grecques (Québec-Genève, 1992) et L’économie des cités grecques de l’archaïsme au Haut-Empire romain (Paris, 2002). Il prépare en ce moment un livre de synthèse intitulé Le citoyen grec et les finances publiques dans l’Antiquité.
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