La dette publique en Italie aux xive et xve siècles
p. 37-61
Texte intégral
Je remercie Jérémie Barthas, non seulement pour avoir traduit ce texte, mais aussi pour en avoir discuté avec moi différents points clés.
1Nous commencerons ces brèves observations sur l’histoire des dettes publiques dans l’Italie de la Renaissance par un dicton populaire de la première moitié du xve siècle. Francesco Guicciardini, grand historien et homme d’État florentin, se réfère à ce dicton alors qu’il décrit des événements de près d’un siècle antérieur à la rédaction de ses Storie Fiorentine. Selon lui, il illustrait la dramatique crise fiscale du gouvernement de la cité dans les premières décades du xve siècle. Les contemporains comme les historiens s’accordent sur le fait que l’un des problèmes clés de l’administration florentine était le service de la dette publique du gouvernement (le Monte Commune). Pour l’année 1427, nous disposons d’informations détaillées et fiables : alors que le montant total des entrées régulières du gouvernement était de 281 319 florins, la charge annuelle de la dette s’élevait à 281 501 florins. En bref, en 1427, comme ce fut le cas pour la plupart des années de la fin du xive et du début du xve siècle, le gouvernement avait besoin de mobiliser l’ensemble de ses revenus pour payer seulement les intérêts dus aux créanciers. D’où venait cet argent ? Si le gouvernement avait décidé d’assigner au service de la dette ses entrées régulières, comment payait-il ses autres dépenses ordinaires et extraordinaires ? Par-dessus tout, quels fonds servaient à couvrir le coût énorme de la guerre durant ces décennies ? La dette rongeait la cité. Comme il arrive souvent avec les expressions de la sagesse populaire, ce dicton énonçait avec une franchise incisive et poignante : « Ou bien le Monte défera Florence, ou bien Florence défera le Monte ». Dans la conscience populaire de l’époque, la dette publique avait atteint de telles proportions qu’elle menaçait la survie même de la cité. Florence ne pouvait exister plus longtemps en tant que cité aristocratique et républicaine si sa dette publique continuait à être aussi vertigineuse que dans un passé récent.
2Cet article entend poser une double série de questions : d’abord, pourquoi la dette publique a-t-elle atteint des proportions telles qu’elle puisse consommer le budget entier de la cité ? Autrement dit, à quelles circonstances historiques peut-on imputer le développement d’une dette publique aussi énorme ? Ensuite, quelles grilles d’analyse ont été utilisées par les historiens pour décrire le développement et la gestion des dettes publiques dans l’Italie du bas Moyen Âge ? En guise de conclusion, dans la dernière partie de ce texte, je risquerai quelques suggestions à propos des orientations que pourraient suivre de futures études sur ces sujets.
3Florence, bien sûr, n’était pas la seule cité italienne des deux derniers siècles du Moyen Âge à avoir une dette publique. D’un strict point de vue historique, il est ainsi difficile de justifier l’attention particulière accordée dans ce texte à Florence. Deux raisons y incitent pourtant : comme pour d’autres champs de l’expérience historique, l’état de la documentation florentine est de loin supérieur à celui des autres cités-États de l’époque ; les finances publiques florentines des xive et xve siècles ont été l’objet de nombreuses études, en particulier dans un passé récent.
4Un survol de l’histoire italienne durant les siècles qui nous concernent permet d’identifier un certain nombre de circonstances qui donnent une unité à l’histoire des États italiens, en particulier sur le plan fiscal. Parmi ces circonstances, la guerre, avec toutes ses conséquences, était la plus importante. Le besoin de mobiliser de considérables ressources afin de subvenir aux dépenses militaires était partagé par les États italiens les plus importants ; ce phénomène a été étudié récemment par Luciano Pezzolo, qui a fourni des preuves quantitatives et graphiques pertinentes pour les mesurer. Mais au-delà d’une expérience commune créée par la guerre et ses conséquences, d’autres traits, de nature plus étroitement fiscale, étaient partagés par les cités italiennes des xive et xve siècles. Trois sont particulièrement dignes d’attention.
51. Le premier concerne la plupart des pays européens de la fin du Moyen Âge et des débuts de la modernité : c’est l’aversion, profondément enracinée, à l’égard de l’imposition de taxes directes sur les citoyens. En Italie aussi bien qu’en Allemagne, dans les Flandres comme en France, on rencontre plus ou moins le même phénomène. Avec l’augmentation des dépenses militaires à la suite de la crise du xive siècle, les revenus ordinaires n’étaient plus suffisants pour couvrir les besoins. En France, avec la consolidation du gouvernement monarchique, des systèmes de taxations directes, tels que la taille, furent imposés. Mais dans le centre et le nord de l’Italie et partout où prévalaient des formes de gouvernement urbain et local, particulièrement dans les cités dominées par des élites marchandes (Allemagne et Pays-Bas), on évitait avec soin de taxer directement les capitaux des résidents légaux. La préférence allait très nettement aux emprunts, forcés le plus souvent, imposés essentiellement sur les capitaux des résidents.
6Assurément, il y eut des moments dans l’histoire de la plupart des États où, à cause de circonstances particulières, il fut fait recours aux taxations directes. À Florence, dans la première moitié du xive siècle, Charles de Calabre et Gauthier de Brienne imposèrent des taxes directes, mais l’échec de leurs régimes condamna pour longtemps une telle option fiscale. Même l’impôt direct sur les revenus des biens fonciers (decima) institué à l’époque de Savonarole fut rapidement abandonné en faveur du plus traditionnel emprunt forcé portant intérêt (accatti). Dans les années 1330, Simon Boccanegra fit à Gênes une tentative comparable, sans plus de succès. À Venise, après la banqueroute du Monte et au début de la guerre contre les Turcs, la decima fut imposée en 1463, mais on eut de nouveau recours à l’emprunt moins de vingt ans après. À Milan, même au plus profond de la crise des années 1490, Ludovic le More refusa d’imposer une taxe directe sur les citoyens. Il préféra les emprunts, les aliénations des gabelles ou les demandes de subsides à la communauté. Le royaume de Naples, dont l’histoire diverge sous tant d’aspects de l’histoire des autres régions d’Italie, est le seul État où les impôts directs pesaient plus lourdement que les impôts indirects, s’élevant à près des 2/3 des entrées régulières du gouvernement.
72. Si les gouvernements contemporains hésitaient à imposer des taxes directes sur les propriétés des citoyens, en revanche ils n’éprouvaient pas une telle hésitation concernant l’administration fiscale des résidents des villes ou des territoires sujets. Bien que d’un succès variable, l’estime était la forme standard de revenu fiscal tiré de ces zones. Le point sur lequel il importe ici d’insister est que, partout, le principe de l’administration financière reposait sur la distinction des statuts des contribuables : tout le monde, bien sûr, était soumis aux gabelles et à l’impôt sur le sel ; quelques-uns étaient soumis aux emprunts forcés, d’autres à l’estimo, d’autres à la decima. Il est hors de doute que les citoyens de la capitale recevaient un traitement fiscal préférentiel, et les résidents du contado et du distretto s’efforçaient d’y transférer leur résidence légale. Comme le processus de création de chacun de ces États territoriaux connut des circonstances très variées, aucun d’entre eux n’avait une administration fiscale uniforme à l’égard de ses propres territoires et de ses villes sujettes. Certaines villes avaient été achetées à leur précédent seigneur ; d’autres s’étaient rendues à leur voisin plus puissant ; d’autres encore avaient été conquises, certaines après une courte guerre, quelques autres après un siège prolongé ; d’autres, enfin, avaient été acquises au moyen de manœuvres diplomatiques. Les circonstances qui avaient présidé à l’incorporation de chacune d’entre elles à l’État territorial tendaient à définir son régime fiscal, la nature et le poids des taxes dues à la capitale. Ici encore, Naples semble être une exception car le focatico imposé sur le royaume par Alphonse dans les années 1440 était défini pour être appliqué à son domaine entier.
8La caractéristique la plus forte de la structure financière de ces États était donc la fragmentation et la distinction des régimes fiscaux : le statut et la résidence importaient, ce qui était rappelé par la tradition et répété dans des documents diplomatiques et juridiques. Cette sanction légale et idéologique des différences et sa défense au nom des antiques coutumes et libertés rendaient difficile à tout gouvernement d’élever substantiellement les impôts sur ses territoires. Bien sûr, tout gouvernement s’y essayait et le cas de Venise vers la fin du xve siècle montre que certains avaient plus de succès que d’autres. Pourtant, on peut supposer que ces arrangements fiscaux traditionnels, qui accordaient des avantages tellement évidents aux résidents des capitales, rendaient l’administration fiscale d’autant moins flexible : comment les gouvernements auraient-ils pu autrement continuer à augmenter le poids des impôts sur la périphérie quand la richesse était tellement plus concentrée dans la capitale qui, par comparaison, était sous-taxée, et quand son statut fiscal restait sanctionné par la loi et par des traditions plus ou moins anciennes ?
93. La consolidation de la dette publique dans un grand nombre de ces États (mais, de manière significative, pas à Milan ou dans d’autres régimes seigneuriaux) est la troisième caractéristique commune. En des temps de guerre endémique, étant donnée l’inélasticité des revenus des gouvernements provenant des taxes disponibles, le besoin de ressources supplémentaires conduisit à la multiplication des emprunts forcés. Les revenus des gabelles étaient utilisés pour payer les intérêts, de telle sorte qu’il existait une relation directe entre la charge des taxations indirectes sur la populace dans son ensemble et la fréquence avec laquelle un gouvernement empruntait à ses propres citoyens. Évidemment, une telle distribution de la charge fiscale était favorable aux plus riches et opérait de façon discriminatoire contre les pauvres. Les titres de ces dettes, librement négociés sur des marchés secondaires, mais presque jamais en dehors des territoires contrôlés par le gouvernement qui les avait mis en circulation, tendaient à être concentrés dans les mains des riches ou d’institutions charitables auxquelles ils avaient été donnés comme dotations. Le service de la dette publique, par le moyen des taxes indirectes qui, comme aujourd’hui, frappaient proportionnellement davantage les moins opulents, entraînait une remontée soutenue de la richesse et accentuait sans cesse le déséquilibre économique. Alors que les politiciens de l’époque comprenaient bien souvent ce problème (voyez par exemple la tentative de Boccanegra à Gênes et celle des Ciompi à Florence en 1378 pour limiter la taille de la dette ou contenir les taux d’intérêt servis aux créditeurs), il leur était difficile de réduire la dépendance des gouvernements à l’égard des emprunts qui fournissaient, à court terme, de larges ressources sans augmenter immédiatement la charge fiscale. L’inélasticité des revenus réguliers des gouvernements pouvait en partie être surmontée par la flexibilité d’un tel système. À long terme, bien sûr, la dette n’était pas une alternative à la taxation : son service contraindrait tout le monde à payer des taxes plus lourdes.
10Reposant sur un recours étendu aux emprunts, aux taxes indirectes dont les revenus servaient à payer l’intérêt de la dette et aux taxes directes imposées sur les habitants du contado ou des villes sujettes, ce complexe fiscal était commun à bien des cités, italiennes ou non. Pour se financer, les gouvernements se tournaient aussi vers des prêteurs étrangers, en général des figures importantes ou des dirigeants de régimes seigneuriaux, bien heureux de pouvoir investir dans la dette publique de cités marchandes. L’une des particularités des cités italiennes du centre et du nord était leur capacité à ne pas recourir, du moins de façon massive, à de tels capitaux étrangers. Contrairement aux villes de Hambourg ou de Douai dont les dettes publiques étaient principalement souscrites par des créditeurs étrangers, contrairement à Naples où on trouve un grand nombre de Génois parmi les créditeurs, cette particularité des cités italiennes du nord et du centre à la fin du Moyen Âge est telle que l’histoire de leur dette publique aide à porter une attention plus précise sur leur histoire interne et leurs tensions politiques.
11Ces considérations suggèrent qu’il serait difficile de détecter dans l’administration financière des États territoriaux italiens des derniers siècles du Moyen Âge une planification cohérente et une unification. Il est certain qu’une cohérence rétrospective nous est fournie par un certain nombre de principes généraux que nous avons mentionnés, tels que le refus de la taxation directe sur les citoyens des capitales, la distinction du traitement fiscal en fonction de la résidence et du statut social, le recours au déficit financier. Mais cette cohérence n’est que rétrospective. Rares sont les documents de l’époque qui contiennent davantage qu’une prescription générale, le plus souvent d’ordre moral, sur les façons d’augmenter les revenus de l’État, même si, dans le cours du xve siècle, on peut identifier un petit nombre d’employés du gouvernement florentin qui dessinent des plans plus ou moins improbables pour sortir de l’état de confusion des finances publiques. De manière significative, ni leurs prescriptions, ni un quelconque autre plan ne furent jamais adoptés par un gouvernement. Pendant cette période, aucun État, pas même Naples, dans l’histoire fiscale de laquelle les historiens ont repéré des traces d’une administration cohérente, unifiée et systématiquement appliquée, ne semble être allé très loin dans l’établissement d’un ensemble cohérent de principes avec lesquels rendre compte des besoins financiers de son gouvernement, de la richesse de ses habitants et des nécessités du moment.
12De toutes les institutions auxquelles avaient recours les gouvernements des cités italiennes médiévales pour exprimer leurs besoins financiers, la plus grande innovation fut la consolidation des dettes publiques entre le milieu du xiiie siècle et le milieu du xve siècle. Aucune autre institution fiscale n’illustre plus clairement que la dette publique les limites, en termes de ressources, de volonté politique et d’imagination, auxquelles la gestion des finances publiques était soumise dans les cités-États entre la fin du xive et le début du xvie siècle. L’indéniable nouveauté institutionnelle de ces dettes publiques et les ramifications culturelles de leur création, caractéristiques qui ont donné lieu récemment à d’intéressantes discussions, ne doivent pas effacer les conséquences politiques, peut-être prévisibles, de leur gestion : la dette publique dans les cités-États italiennes renforça la domination de la classe dirigeante et la rendit plus résistante face aux changements. La fascination que ces dettes publiques ont exercée sur les historiens fait que l’on connaît bien leur histoire, au moins dans les grandes lignes. Il suffira peut-être de se rappeler que, en dépit de leurs différences initiales, au cours du xve siècle les trois plus importantes de ces dettes (Venise, Gênes et Florence) se sont accrues au point de représenter une immense quantité de richesses investies nécessitant d’énormes frais pour en garantir le service. Dès la fin du xive siècle, le financement de la dette entraîna des tensions sociales permanentes, car à Gênes, Venise ou Florence, en temps ordinaires, sa charge consommait une fraction considérable (entre 20 et 40 %) des revenus de chaque gouvernement. Dans les périodes d’urgence, en particulier en temps de guerre et d’après-guerre, sa charge augmentait considérablement. Ainsi, quels qu’utiles que fussent les instruments d’emprunt et la flexibilité qu’ils donnaient aux gouvernements, le financement de la dette créa de lourds problèmes administratifs, fiscaux et politiques.
13Chaque gouvernement mobilisait un large éventail d’expédients pour trouver de nouvelles formes de revenus : en dépit d’un fort mécontentement, surtout parmi les classes basses et moyennes, le poids des gabelles avait considérablement augmenté, soit par la hausse des taux des anciennes, soit par l’imposition de nouvelles, et assez souvent par des manipulations des monnaies servant au paiement des gabelles. De plus, on alourdit la charge fiscale portée par les communautés sujettes du contado et des territoires et on tenta de toucher à la richesse de l’Église, de limiter les effets de la mainmorte et d’accroître les taxes imposées aux juifs. Lors de circonstances politiques particulières, les gouvernements imposaient de sévères amendes aux contribuables traînant des arriérés de paiement. Toutes ces expériences visaient à accroître les revenus. Il y avait en parallèle un effort pour réduire les dépenses, pour rendre plus efficace le fonctionnement des magistratures et en particulier pour réduire les dépenses de la dette publique. Ainsi réduisait-on les intérêts promis aux créanciers, différait-on leur paiement annuel, convertissait-on une partie des intérêts de la dette en crédits de la dette elle-même (avec, évidemment, un effet contre-productif, puisque au moment même de la conversion il y avait un immédiat effet de baisse des montants de cash disponible pour le paiement de la charge de la dette, la dette elle-même grandissait, ainsi que les sommes nécessaires à son prochain financement). En certains cas, une partie de l’intérêt reçu par les créditeurs était retenue, ce qui équivalait de facto à imposer une taxe directe.
14Presque tous les historiens qui ont écrit sur ces sujets ont insisté sur le fait que, pour des raisons à la fois culturelles et politiques, les gouvernements de l’époque s’en remettaient aux emprunts forcés, l’administration fiscale faisant ainsi preuve de ses limites et de sa grande rigidité. Cette limitation, l’inélasticité frappante des entrées face à l’élasticité apparemment infinie des dépenses, ne caractérise pas seulement les gouvernements qui eurent une forte dette publique. Comme Florence, Venise et Gênes, Rome, Milan et Naples affrontèrent cette situation, stimulant permanent pour réexaminer les opérations fiscales en introduisant des mesures afin d’alléger la crise financière chronique : élargir la base des impositions, réduire les résistances à de nouvelles taxes, rationaliser, quand c’était possible, l’administration fiscale. En général, ces efforts n’aboutissaient qu’à des succès partiels.
⁂
15Dans les pages qui suivent, je propose de me concentrer sur les contextes à travers lesquels l’histoire de ces dettes publiques a été comprise et interprétée, plutôt que sur les détails de cette histoire elle-même. Deux idées principales, qui se recouvrent et se renforcent mutuellement, aident à définir ces contextes. La première dont on peut suivre la trace depuis l’Antiquité et qui a été durement attaquée par Machiavel au début du xvie siècle, est qu’il existerait un lien entre la guerre et la création d’États puissants ; la seconde a été avancée par Max Weber et concerne l’histoire de la modernité, plus précisément la construction de l’État moderne.
16L’articulation entre armes, richesses et puissance du gouvernement est une constante de la littérature historique et politique. Depuis Cicéron et Tacite jusqu’au xve siècle et au-delà, l’assertion est fréquente selon laquelle la tranquillité des nations est impossible sans les armes, les armes sans les salaires des soldats et les salaires sans le tribut. L’écrasante majorité des auteurs n’hésitait pas à donner la primauté au pouvoir de l’argent, capable d’apporter les meilleurs résultats, au premier rang desquels la puissance militaire et la paix intérieure. Pecunia nervus rerum était l’aphorisme par lequel les hommes d’État et les théoriciens politiques, depuis le xive siècle à Florence et les xvie et xviie siècles en France, en Espagne et en Allemagne, transmettaient cette sagesse commune. Machiavel fut presque le seul dans la période pré-moderne à affirmer hardiment que l’argent n’est pas le nerf de la guerre, portant son attaque contre ses ancêtres et ses contemporains trompés par l’idée que l’argent puisse suppléer à la vertu. Guicciardini atténua les critiques de Machiavel contre l’efficacité primordiale de l’argent, mais sur le point le plus important, selon lequel la guerre et la richesse étaient liées de manière inextricable dans la politique italienne récente et contribuaient à la puissance de l’État, il ne put que reprendre l’assertion de son aîné. Ce thème reçut, de la part des commentateurs politiques, certains échos dans les siècles qui suivirent, mais ce n’est pas ce qui va nous retenir ici. Dans la pensée de la plupart des écrivains anciens et modernes qui se sont occupés de l’histoire des dettes publiques, la proposition contre laquelle Machiavel s’était élevé tient une place centrale. Les dettes publiques étaient une expression concrète de ce terme abstrait et général, pecunia, qui, estimaient-ils, était l’essence, nervus, des choses publiques, rerum.
17Il serait difficile d’exagérer l’influence de Max Weber sur les discussions concernant la formation de la modernité. Cette influence a été tout à fait cruciale dans les dernières décades sur les chercheurs qui ont porté leur attention sur le nœud entre État et finance publique. L’expression wéberienne de « forme moderne de bureaucratie » est ici la clé. Bien qu’interprétée de mul-tiples façons, elle a le plus souvent été associée avec l’explication wéberienne selon laquelle « la théorie de l’administration publique moderne assume que l’autorité d’ordonner une matière par décret, préalablement attribuée légalement à une agence du gouvernement, ne donne pas à cette agence le titre de régler cette matière par une décision individuelle prise pour chaque cas, mais seulement de régler cette matière abstraitement. Telle est la marque du contraste extrême avec une forme de réglementation de toutes les relations par l’attribution de faveurs et de privilèges individuels qui apparaît absolument dominante dans le patrimonialisme ». L’histoire des dettes publiques semble entrer parfaitement dans ce schéma wéberien. Les exigences des finances publiques de la fin du Moyen Âge incitèrent à la création d’institutions tendant à l’efficacité et à la gestion impersonnelle et publique de l’administration du trésor. Les signes d’une modernité naissante pouvaient-ils apparaître avec une plus grande clarté ailleurs que dans l’administration des dettes publiques, en particulier à Gênes, à Venise et à Florence ? Plus que dans les établissements d’ambassades ou la création de structures administratives gérant une série d’aspects internes de la vie politique, les dettes publiques seraient le signe de cette modernité naissante. Dans une période récente, les conséquences à la fois économiques et politiques des politiques fiscales et des dettes publiques ont été discutées par des historiens aussi bien que par des économistes, dans le sillage des idées de Max Weber. Norbert Elias, dans l’un de ces derniers travaux, souligna la connexion entre les guerres et les impôts, et l’essor de la centralisation et de la modernisation des États européens. Dans un passage souvent cité, il écrivait qu’au début de la période moderne, quand apparut l’État moderne, « le libre usage des armes se trouve refusé aux individus et réservé à l’autorité centrale, comme sont concentrées dans les mains de cette autorité les entrées fiscales tirées de la taxation des biens et des individus. Par ces moyens financiers, l’autorité centrale maintient son monopole sur les forces militaires qui en retour assurent son monopole fiscal. Telles sont les deux faces d’un même monopole, sans que l’une prévale sur l’autre ».
18À peu près au même moment, ces thèmes étaient étudiés par d’autres, en particulier par un groupe de chercheurs conduit par Charles Tilly dont le livre intitulé de façon significative Coercion, Capital and European States, 990-1990, était lui-même publié quinze ans après la parution d’un important volume collectif concernant la formation des États-nations d’Europe occidentale. Même si leur attention était d’abord concentrée sur les développements français, anglais et prussiens, le lien que Tilly et ses collègues, en particulier Gabriel Ardant et Rudolf Braun, dessinaient entre formation de l’État moderne et finances publiques constitue le point de départ de certaines des observations qui suivent. Selon ces travaux, la finance publique serait devenue plus efficace en raison de la pression de la guerre. En retour, cette efficacité contribua à la modernisation de l’État. Il serait inconcevable de penser l’État moderne sans « ces deux faces d’un même monopole ». Plus récemment, dans une variation sur ce thème de Tilly, Jean-Philippe Genet estima qu’au bas Moyen Âge la guerre a « ouvert une ère de féroce compétition entre les États qui, à partir du xive siècle, doivent extraire toujours plus de ressources pour les investir dans les affaires de la guerre. Les États qui ne furent pas en mesure de faire face à cette marée de conflits disparurent ». Il y a une génération, ce type de réflexion influençait encore profondément les travaux sur la nature des États antérieurs au xixe siècle. Federico Chabod, avec un petit groupe d’historiens, était ainsi arrivé à la conclusion que « l’État de la Renaissance », entre le xve siècle et le début du xvie siècle, dans le centre et le nord de l’Italie, était caractérisé par l’émergence d’un esprit nationaliste, la lente construction des bureaucraties et le développement subséquent de l’efficacité des administrations gouvernementales. Chabod atténua considérablement sa position dans ses derniers écrits, mais il persista, comme dans sa leçon parisienne de 1956, à présenter l’État de la Renaissance comme une « forte organisation centralisée » avec une « bureaucratie centrale ». Ses formulations antérieures étaient encore plus frappantes, retenant l’attention sur « lo stato impersonale, razionale, legalistico, burocratico, livellatore ». À l’exception d’un chapitre de son célèbre livre sur l’État de Milan à l’époque du règne de l’empereur Charles V, Chabod n’a pas particulièrement considéré l’organisation financière de l’État. Les références aux budgets de l’État sont limitées aux effets de la vente des offices et aux conséquences fiscales de ce « parasitisme ». L’accent portait sur la construction d’un État central administratif et sur le personnel employé à ses offices, dans ses fonctions, origines sociales, relations avec le prince et la cour.
19Récemment, ce paradigme modernisant et téléologique de l’État moderne, fondé sur les concepts wéberiens, a été fortement mis en question. Il est remplacé par un modèle plus subtil dans lequel le centre n’est plus aussi fort et discipliné, ni la périphérie aussi faible et subordonnée au centre, que l’ancienne génération l’avait imaginé. Dans cette optique, les institutions particularistes qui correspondent exactement, dans l’ancienne interprétation, à ce qui est subordonné à l’autorité de l’État pré-moderne restent vigoureuses à la fin du Moyen Âge et dans les premiers siècles de la modernité. En fait, de telles institutions n’étaient pas les simples reliques de l’ordre constitutionnel et politique précédent ; bien plutôt, elles donneraient à l’État moderne naissant son caractère idiosyncratique. Les collectivités, dont les privilèges et les libertés étaient enracinés dans les vieilles rentes féodales et les corporations de professions, les territoires, avec leurs immunités fiscales, juridiques et même poli-tiques, apparaissent maintenant comme étant au cœur du développement politique du xve siècle jusqu’au xviiie. Il semble bien que la clé de l’organisation politique des États dans la période qui nous intéresse n’est pas, comme on le percevait traditionnellement, l’antinomie entre centre et périphérie, où l’un (le centre) se renforçait aux dépens de l’autre. Centre et périphérie, au contraire, se seraient souvent renforcés ensemble, dans un processus mutuel de consolidation qui concédait au centre de nouveaux pouvoirs juridiques et adminis-tratifs en même temps qu’il renforçait les libertés traditionnelles des formes institutionnelles et corporatistes de la périphérie. En bref, avec ce nouveau modèle, les États pré-modernes apparaissent comme bien moins « intégrés » que ceux des xixe et xxe siècles, comme opérant des différenciations et des distinctions entre les sujets, comme n’étant pas caractérisés par les penchants à la géométrisation et à la systématisation propre aux réformateurs du xviiie siècle et aux hommes d’État du siècle suivant. Giorgio Chittolini, il y a quelques années, concluait ainsi que « l’État italien de la Renaissance n’est pas cet “État moderne” et moins encore “l’État absolu” ». Des différences séparent cependant les historiens qui soutiennent ce nouveau point de vue. Certains sont enclins à privilégier la position et le pouvoir des institutions périphériques et des corporations, voire à juxtaposer l’État et la société civile, référant l’État à la bureaucratie du gouvernement central et la société aux us et coutumes prévalant dans la périphérie. D’autres privilégient les processus socialement intégrés tels que le clientélisme, par lesquels les États pré-modernes ont eu tendance à se fondre en entités politiques intégrées. D’autres encore ont porté leur attention sur les mécanismes institutionnels, soit hérités du passé mais adaptés à des circonstances différentes, soit nouveaux afin de répondre aux exigences de la gouvernabilité. Quelles que soient ces différences, pourtant, la vieille vision modernisante de l’État unitaire, intégré, bureaucratique a largement été abandonnée comme trop anachronique.
20Le tableau qui émerge de ce résumé n’est pas sans contradictions. Des historiens comme Elias, Tilly et Genet concluaient que les relations entre les développements institutionnels et politiques des États du bas Moyen Âge et du début de l’âge moderne et leurs organisations financières étaient le moteur de la transformation de l’État médiéval en un État moderne et centralisé. Pourtant, un autre groupe d’historiens, qui s’intéressa davantage à l’histoire politique et administrative de ces mêmes cités-États, a conclu que les caractéristiques spécifiques de ces États résidaient dans leur nature résolument pré-moderne, caractérisation qui signifie manque de centralisation, fragmentation de l’autorité, persistance de modèles administratifs et juridiques clairement associés avec des pratiques de gouvernement de type médiéval. Ces considérations focalisent notre attention sur les questions amenant à la contradiction brièvement présentée plus haut. Les États de l’Italie des xve et xvie siècles étaient-ils plus proches de l’image wéberienne reprise par Tilly ou de celle ressortant de la description de Chittolini ? Comment le point de vue soutenu par Elias et d’autres, selon lequel il y aurait une tendance implacable à la modernisation de la sphère de l’organisation politique portée par la pression fiscale, résiste-t-il à l’examen de l’histoire de ces États durant une période de guerre presque incessante et de dépenses militaires permanentes ? Sur la base de l’expérience italienne qui va de la crise du xive siècle au milieu du xvie siècle, quelle hypothèse peut-on formuler concernant l’apport de l’organisation fiscale et le poids des dettes publiques sur les opérations des cités-États territoriales ?
⁂
21O il Monte disfarà Firenze, o Firenze disfarà il Monte. J’ai commencé cette discussion par ce dicton populaire du début du xve siècle et j’essaierai de mieux le comprendre. La situation qu’il décrit vaut pour au moins deux autres républiques importantes, Venise et Gênes ; au cours du bas Moyen Âge, elles se dotèrent elles aussi d’une dette publique consolidée particulièrement importante. Assurément, des différences existent entre elles. La relation entre la Cassa di San Giorgio avec le gouvernement et la société diffère substantiellement de celle des dettes florentine et vénitienne avec leurs sociétés et leurs gouvernements respectifs. La capacité du gouvernement vénitien à éteindre sa dette en une très courte période à la fin du xvie siècle suggère que la classe dirigeante vénitienne avait une capacité de contrôler ses institutions qui manquait certainement aux classes dirigeantes génoise et florentine. Finalement, l’ingénuité florentine dans la gestion de la dette publique – qui paraît plus évidente encore avec le système du Monte delle doti, invention aussi brillante et aussi politiquement et socialement efficiente qu’irresponsable d’un point de vue financier – ne pouvait guère être égalée à Gênes ou à Venise. Certes, l’institution génoise des claudes est un autre exemple de l’ingénuité appliquée à la gestion des structures fiscales dans l’Italie du bas Moyen Âge. Malgré ces différences, il est indéniable qu’en chacune de ces trois cités-États une énorme dette publique fut accumulée au cours des xive et xve siècles et que la gestion de ces dettes représentait l’un des défis majeurs auquel avaient à faire face leurs gouvernements successifs : les décisions sur la façon de gérer la dette comportaient de graves implications politiques. En bref, comme dit notre dicton, il y avait un nœud entre l’État et la société (Florence), la dette publique (le Monte) et le processus politique (impliqué par le verbe défaire). Comment pouvons-nous, à la suite de cette historiographie, approcher aujourd’hui l’histoire de ces dettes ? Quelles directions de recherches devront être explorées dans le futur ?
22Un point est d’ores et déjà hors de doute. Le discours traditionnel sur l’histoire de la modernité qui, il y a peu de temps encore, servait de structure conceptuelle pour écrire l’histoire de ces dettes, ne peut plus être défendu sans des difficultés considérables. Des livres comme ceux de Heinrich Sieveking sur Gênes, Roberto Cessi et Gino Luzzatto sur Venise, Bernardino Barbadoro et Marvin Becker sur Florence et de façon générale de beaucoup de jeunes chercheurs partaient d’une hypothèse qui ne peut plus être soutenue. Certaines des notions traditionnelles de modernité et de téléologie historique sont trop datées pour porter encore le poids de catégories telles que celle de l’État moderne et de la bureaucratie moderne appliquée au xvie siècle. Si donc le large contexte conceptuel de modernité est inadéquat, quel est le cadre approprié pour discuter des dettes publiques du bas Moyen Âge en Italie ? Quel intérêt peuvent avoir de telles discussions pour qui n’est pas engagé dans les arcanes de la gestion de ces dettes ? Soulignons ici un simple fait. Les spécialistes qui ont vivement critiqué et miné la notion de naissance de l’État moderne aux xve et xvie siècles ne sont pas encore parvenus à proposer d’hypothèses convaincantes d’un point de vue conceptuel sur la manière de faire correspondre les dettes publiques des cités-États avec leurs interprétations plus générales de la politique et de la culture italiennes.
23Dans la dernière section de cet article, je poserai deux questions qui aident à définir le contexte économique et politique à l’intérieur duquel l’histoire des dettes publiques peut être examinée. Il est assez surprenant de constater qu’en des livres parfois très substantiels, les meilleurs spécialistes se sont davantage concentrés sur les questions institutionnelles et même théologiques et légales que posaient les dettes publiques plutôt que sur les fonctions plus proprement économiques de celles-ci. De la génération précédente d’historiens, le seul à avoir porté son attention sur les questions économiques liées aux dettes publiques est Frederick Lane, en particulier dans son étude sur Andrea Barbarigo et son histoire de Venise. Il a ouvert un ensemble de pistes explorées par son élève, Reinhold C. Mueller. Le traitement de la dette publique vénitienne présenté par ce dernier (en particulier au chapitre XIII de son livre sur les emprunts forcés et « the open market ») apporte beaucoup d’informations et propose de nouvelles hypothèses. Peu auparavant, quelques-unes de ces mêmes questions avaient été soulevées par Roberto Barducci dans deux articles pionniers concernant la spéculation sur les crédits du Monte au milieu du xive siècle à Florence. Plus récemment, Francesco Colzi a écrit de façon très intéressante sur la dette publique de la municipalité de Rome à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle. Le nœud du problème est identifiable dans le titre d’une section du livre de Mueller : quelle est la relation entre « dette publique et intérêt privé » ? Quel type de marché existait-il pour les crédits du Monte et quelles stratégies les investisseurs appliquaient-ils à la gestion des parts de crédit du Monte dans leur portefeuille financier ? Pour répondre à ces questions, il faut combler un fossé dans nos connaissances, ce que ni les enquêtes de Barducci, ni les analyses méticuleuses de Mueller et Colzi ne permettent.
24Une digression s’impose ici afin de mieux faire apparaître la dépendance entre dette publique et marché des crédits du Monte. Les économies de la fin du Moyen Âge, en Italie comme ailleurs, souffraient d’un problème endémique que les contemporains nommaient strettezza di danaio. Par cette expression, ils se référaient à l’inélasticité générée par une économie fondée sur la monnaie métallique (specie). Les specie devenaient insuffisantes pour une série de raisons : la tendance des individus à thésauriser, le flux de monnaie vers des marchés qui fournissaient des biens très recherchés, les investissements dans des objets de luxe généralement improductifs. Le problème était plus aigu dans les campagnes, ce qui explique la résistance opposée par les communautés rurales aux appels d’ecclésiastiques et de laïcs motivés par des raisons religieuses afin d’expulser les juifs des campagnes. Bien sûr, le problème n’était pas aussi aigu dans des centres commerciaux importants comme Venise et Florence, mais il était un sujet courant de plaintes. Dans cette perspective, les crédits négociables de la dette publique fournissaient un instrument utile et sûr pour augmenter les liquidités. Ajoutons le fait peut-être prévisible que les propriétaires de crédits du Monte appartenaient à un groupe relativement restreint de Florentins, peut-être 10 % des foyers fiscaux urbains.
25Quelques brèves références à la situation florentine sont ici nécessaires. Nous savons qu’il existait un marché secondaire des crédits du gouvernement. Les juristes et les théologiens avaient été appelés à exprimer leurs opinions sur sa licéité mais, en dépit de l’opposition de certains de ces sages, ce marché continua à prospérer pendant toute la période qui nous concerne. On savait bien pourtant que le gouvernement ne rachèterait jamais ces crédits à leur pleine valeur. Aussi étaient-ils échangés pour une fraction de leur prix nominal. Ce prix avait fortement décliné durant les dernières années du xive siècle et au début du xve siècle : dès les années 1420, ils ne valaient plus que 40 ou 50 % de leur valeur initiale. Le rendement annuel de ces crédits calculé sur leur valeur nominale était de 3,75 %, de telle sorte que l’achat de 100 florins en crédits du Monte pour 40 ou 50 florins cash rendait un intérêt compris entre 7,5 et 9,4 %, selon les tarifs en vigueur au moment de la vente et la capacité du gouvernement à payer ponctuellement. Le plus souvent, en tout cas pendant les premières décades du xve siècle, cela représentait un bon profit, d’autant plus que jusqu’à l’institution du catasto en 1427 ces revenus n’étaient pas taxés. La baisse du prix des crédits du Monte fut constante durant le xve siècle, valant à peine 10 % de leur niveau initial dans les années 1490. D’après des chiffres que j’ai collectés il y a quelques années, il apparaît que la somme tout à fait respectable de 388 188 florins de crédits du gouvernement (soit 4,9 % de la dette publique) avait été échangée entre des personnes privées dans la seule année de 1458. Ce chiffre est presque équivalent aux entrées annuelles ordinaires du Trésor et dépasse de beaucoup ce que la plus importante entreprise commerciale de la cité pouvait capitaliser. Florence n’était pas un cas particulier, puisque des chiffres comparables ont été établis pour d’autres cités-États italiennes.
26Ce marché n’est pourtant pas comparable à ceux qui se développèrent plus tard. Par rapport à la Bourse d’Anvers au xviie siècle, par exemple, telle qu’elle a été décrite par Herman van der Wee, le marché florentin (mais aussi vénitien) manquait d’un lieu spécifiquement dédié à ces échanges. Pourtant, des individus achetaient et vendaient leurs investissements forcés et le paiement des intérêts qui s’y rapportaient (paghe dei crediti del Monte) ; des intermédiaires (mezzani ou sensali) spécialisés dans cette sorte de commerce définissaient les points de contact entre acheteurs et vendeurs ; les informations concernant les décisions du gouvernement pour payer ou retenir l’intérêt sur les investissements étaient très recherchées et se disséminaient largement. La question de la transférabilité ou de la négociabilité des crédits du Monte reste posée bien que l’on sache que les crédits du Monte florentin, en certaines occasions, ne se trouvaient pas simplement transférés à un nouveau propriétaire mais étaient aussi utilisés comme des instruments négociables.
27Plusieurs questions mériteraient donc une enquête systématique sur ces marchés. Il y a d’abord celle du rôle économique des Monti. Comme je l’ai dit, les crédits du Monte étaient comme une sorte de monnaie subrogatoire. Leurs détenteurs les utilisaient, plutôt que du liquide, pour toutes sortes de transactions, depuis le paiement de parts de dots jusqu’à l’achat de biens immeubles, pour restituer des dots, ou moins fréquemment pour participer aux quêtes des institutions charitables (hôpitaux, confraternités, chapelles et monastères). À l’occasion, les investisseurs aliénaient leurs crédits pour dégager les liquidités nécessaires à l’achat de différentes marchandises. Malheureusement, nous ne savons presque rien des effets sur les économies locales de ces très substantielles quantités de monnaie subrogatoire.
28Les stratégies des investisseurs sont étroitement liées à cette question. Prenons, par exemple, le cas de Niccolò Barbarigo étudié par Lane. Ce dernier fut frappé par sa décision de garder ses crédits du Monte sans aucune bonne raison économique évidente. Écrivant au milieu de la Seconde Guerre mondiale, Lane pensait que la confiance de ce noble vénitien envers son gouvernement était la clé permettant de comprendre son attitude. Il conservait ses bons du gouvernement afin de ne pas alourdir la charge fiscale supportée par l’État dans un moment de crise militaire et diplomatique. Il encourageait même ses descendants à ne pas se séparer de leur participation au Monte, et ses fils et petits-fils suivirent cette injonction. Mais le patriotisme suffit-il à expliquer la décision d’un homme d’affaires de garder des investissements apparemment peu ou pas profitables ? L’explication n’est pas très convaincante. L’effort pour comprendre cette attitude étonnante de Barbarigo en l’incluant dans un spectre de raisons non économiques mériterait d’être poursuivi.
29Un autre exemple illustre également ce point. L’étude d’un large échantillon de mariages durant les trois derniers quarts du xve siècle à Florence a montré qu’un nombre croissant des dots payées parmi les plus grandes familles possédantes incluait des crédits du Monte. Alors que moins de 25 % des mariages contractés entre 1425 et 1449 contiennent une part de crédits du Monte, ce pourcentage monte à plus de 55 % pour les mariages contractés entre 1475 et 1499. Une preuve plus fragmentaire suggère que ce mouvement s’accentua dans les premières décades du xvie siècle. Un tel phénomène pose une question tout aussi intrigante que celle, pour Lane, du comportement de Barbarigo. Comment rendre compte de cette acceptation par les maris de dots incluant une part substantielle de crédits du Monte au moment même où, en raison de la crise fiscale chronique, ces crédits subissaient une perte de valeur constante apparemment incontrôlable ? Ainsi, la question de la place des crédits du Monte dans les stratégies patrimoniales des grandes familles possédantes mériterait une étude attentive de la part des historiens des finances publiques florentines. Que représentaient-ils par rapport aux investissements fonciers et marchands ? Pourquoi un citoyen optait-il pour un placement en crédits du Monte quand il était bien connu que les revenus du commerce pouvaient être plus élevés ou qu’un investissement foncier apportait davantage de garanties ?
30En l’absence de réponses claires à ces questions, on peut néanmoins présenter quelques observations préliminaires. La première est qu’on est frappé par le nombre et l’intensité des contentieux entre les familles florentines engagées dans des transactions dotales. La dévaluation continue des crédits du Monte déclenchait inévitablement ces contentieux. La question clé sur laquelle les juridictions devaient s’exprimer consistait à déterminer si les crédits du Monte étaient ou non équivalents à de l’argent liquide. En d’autres termes, quelles obligations encouraient un mari et sa famille si, au temps de son mariage, il avait reçu des crédits du Monte comme partie de la dot de sa femme ? Ses obligations et celles de ses héritiers étaient-elles limitées, en cas de dissolution du mariage, au retour d’une somme équivalente, même si ces crédits avaient perdu une part de leur valeur durant la période maritale ? Ou bien était-il obligé de restituer des biens pour une valeur équivalente aux crédits reçus au moment où le mariage avait été contracté ? Le fait que ces questions étaient fréquemment posées souligne la forte incertitude des Florentins eux-mêmes sur la valeur réelle de leurs dots. Ils continuaient pourtant à accepter comme dot les crédits du Monte. Un calcul des avantages matériels, fondé sur la performance du Monte à l’échelle de plusieurs décades, aurait dû conduire les maris florentins à se débarrasser des crédits qu’ils recevaient en tant que biens dotaux. Ils pouvaient de la sorte s’assurer eux-mêmes et leurs héritiers contre les risques de perte au moment de la restitution des dots. Mais les maris florentins ne se séparaient pas de leurs crédits du Monte. Au contraire, nombre d’entre eux les ajoutaient à la réserve de crédits qu’ils utilisaient pour garantir d’autres portions des biens dotaux de leurs femmes.
31Le comportement de Barbarigo, comme celui de milliers de Florentins de la fin du xve siècle, requiert une explication. Pourquoi réalisaient-ils des investissements contre-productifs ? Le raisonnement économique – l’effort rationnel pour maximiser les profits sur les investissements – est-il suffisant pour expliquer un tel phénomène ? La clé peut probablement être trouvée dans des points de vue de l’époque. Pourquoi, alors même que les gouvernements accumulaient des années, voire des décennies, d’arriérés sur le paiement des intérêts aux créanciers et que les crédits eux-mêmes perdaient avec le temps la plus grande partie de leur valeur, ces crédits du Monte restaient-ils en quelque façon valables ? La réponse est à la fois très simple et assez complexe. En utilisant des crédits du Monte pour sécuriser une variété de transactions, par exemple en en dotant une fille ou en les acceptant comme dots, les Florentins libéraient d’autres avoirs pour d’autres usages. Là où, pour sécuriser les transactions, étaient utilisés de l’argent liquide, des bijoux ou même des biens fonciers, ces avoirs se trouvaient désormais dégagés et leurs propriétaires libres d’en faire usage pour d’autres fins. De plus, dans la dernière partie du xve siècle, les familles riches commençaient à convertir leurs terres en biens inaliénables, situation qui enlevait effectivement aux propriétaires la liberté de se séparer de leurs propriétés foncières. Pour eux, l’avantage économique de retenir les crédits du Monte était probablement très clair. Cependant, une telle explication reste peut-être insuffisante car les risques financiers n’étaient pas négligeables.
32L’attachement durable aux crédits du Monte requiert une explication complémentaire qui relève de ce que nous pourrions définir comme un consensus tacite de la société de l’époque : certaines transactions, même si elles étaient économiquement quantifiables, étaient aussi importantes en termes non économiques. La complaisance générale consistant à donner et à accepter les crédits du Monte comme biens dotaux en est un bon exemple et il est probable qu’il faille le lier à ce que les historiens décrivent comme l’inflation des dots, phénomène qui commença dans la seconde moitié du xve siècle et se poursuivit pendant plusieurs générations. Les hommes avaient parfois plus d’une occasion dans leur vie de faire des échanges de dots : comme pères, ils dotaient leurs filles, comme époux, ils acceptaient les dots de leurs femmes, comme garants, pour des frères, cousins, neveux, amis, ils avaient la responsabilité d’assurer la restitution des dots. L’échange des dots était, à chaque fois, aussi important dans la construction des alliances et des liens de dépendance entre les membres de la classe possédante que l’étaient les mariages eux-mêmes. De même que les femmes épousaient des hommes des familles possédantes, les biens dotaux circulaient dans la société, passant d’une génération ou d’un groupe familial à l’autre. Souvent, après une génération ou plus, les biens attachés à une dot devaient revenir à leur point de départ. Ce fait était bien connu des Florentins, dont un bon nombre entreprenaient le calcul complexe des dots données et reçues par leurs familles d’une génération à la suivante. Ces dots étaient un capital économique mais aussi le symbole de la position de la famille dans la société, de sa capacité à lier des alliances avec des familles de son rang ou d’un rang supérieur. La dot, en somme, servait comme un signe d’honorabilité de la famille.
33Les historiens ont repéré depuis très longtemps que l’augmentation du montant des dots à Florence, comme très probablement ailleurs en Italie, coïncida avec le développement de l’aristocratisation de la société italienne, et plus généralement européenne, à la fin du xve siècle. Observons également que l’augmentation du montant des dots coïncida avec un accroissement du pourcentage de biens dotaux consistant en crédits du Monte. Pendant cette période, il est fréquent de voir des pères de mariés ou des maris faire fièrement l’inventaire de la taille croissante des dots passées entre leurs mains. Pourtant, il a été rarement remarqué que la valeur réelle des dots croissait de façon moins spectaculaire qu’il semble à première vue car elles étaient composées pour partie de crédits de différents Monti dont la valeur réelle sur le marché était souvent très inférieure à la valeur initiale. Des pères utilisaient leurs crédits du Monte pour augmenter les dots qu’ils donnaient à leurs filles. Des maris les acceptaient sachant qu’ils seraient plus tard engagés dans ce rituel quand il deviendraient eux-mêmes pères avec des filles à doter. Si, comme il a été suggéré, les crédits du Monte étaient une sorte de monnaie subrogatoire, on peut ajouter que cette monnaie était plus facilement échangeable sur un marché qui combinait à la fois des caractéristiques économiques et symboliques. Dès la fin du xve siècle, ils permettaient aux citadins de répondre aux obligations symboliques qu’ils avaient les uns à l’égard des autres. S’en tenir à leur seule fonction économique risquerait d’occulter les raisons qui poussaient ces gens à en acquérir et à les conserver. Ainsi, une enquête sur l’histoire du Monte incite à réfléchir sur les normes et les pratiques culturelles dont les composantes étaient l’honneur, la solidarité familiale ou les alliances de mariage. Les Florentins ajustaient leurs comportements économiques à ces valeurs, ce qui nous éloigne des catégories de l’État moderne. L’usage des crédits du Monte, à Florence mais aussi dans les autres États territoriaux ayant d’importantes dettes publiques, semble donc bien une question clé. Comment des investisseurs tels que Barbarigo et ces compatriotes vénitiens les employaient-ils ? Que faisaient les Florentins des leurs, outre le fait qu’ils les mobilisaient largement pour remplir leurs obligations en matière de dots ?
34Le champ politique offre également un terrain d’enquêtes fécond. Deux questions, distinctes mais néanmoins croisées, sont importantes : la composition sociale des investisseurs et l’établissement des règles du Monte. Elles ont été envisagées pour Florence, moins pour le reste des cités-États italiennes. Nous savons que les crédits du Monte furent détenus par une très faible proportion de citadins, extrême concentration mise en évidence voilà plus de vingt ans par David Herlihy et Christiane Klapisch-Zuber. Pourtant, leur étude s’intéressait aux premières décennies du xve siècle, s’appuyant sur le cadastre de 1427. Or la grande innovation du siècle fut le Monte delle doti, dont l’impact ne fut ressenti qu’après 1433. On peut se demander si la transformation d’une part significative du Monte en un instrument de plus en plus utilisé durant le xve siècle pour faciliter les arrangements en matière de dots et de mariage contribua à le diffuser dans des groupes sociaux plus variés. La dette publique a toujours favorisé une circulation verticale de la richesse et un accroissement de l’inégalité. La tendance ne s’est pas atténuée au xve siècle. Les contemporains ne craignaient pas de faire ce genre d’observations en public, tel Giovanni Cavalcanti constatant : « Come il vento tramuta la rena d’un luogo in un altro, cosí le sustanze di Firenze dagl’impotenti ai potenti cittadini si promutano, sotto il nome delle gravezze… ».
35Pourtant, reste le fait de la baisse des rendements et des profits des crédits du Monte et l’augmentation de leur usage comme compléments dotaux, ce qui a pu altérer la composition sociale du groupe des investisseurs. Nous disposons d’un large, mais peu systématique, éventail de preuves concernant des parents utilisant les crédits du Monte lors de l’établissement des contrats dotaux. Des parents pauvres, voire indigents et secourus par des actes de charité, y avaient accès ; des confraternités faisaient aux pauvres des legs de dots, souvent en terme de crédits du Monte ; même des filles abandonnées et illégitimes résidant dans un orphelinat de la cité pouvaient bénéficier de ces legs. Ces preuves fragmentaires n’autorisent pas à présenter une image cohérente de la distribution sociale de la possession de crédits du Monte. Au cours du xve siècle, ces derniers perdirent la dimension d’investissements économiques qu’ils avaient à leur origine au xive siècle. Telle est au moins l’hypothèse suggérée ici : leur valeur économique a été sapée par les difficultés financières du Monte en même temps qu’ils venaient à revêtir une signification symbolique plus importante.
36La question de la sociologie des possesseurs et utilisateurs du Monte prend toute son importance à la lumière de ce changement et suggère qu’à côté du Monte, au xve siècle, furent mis en place de nouveaux mécanismes pour pourvoir aux besoins de l’État. Ceux-ci n’ont pas encore étaient étudiés : emprunts d’État à court terme, création de dettes flottantes, émergence d’une classe restreinte d’investisseurs capables d’avancer à court terme des sommes substantielles à leur gouvernement en escomptant des retours sur leurs investissements plus substantiels encore. En bref, le développement d’un système parallèle d’emprunts d’État, avec ses conséquences politiques dans la longue durée, reste un domaine largement inexploré. Il y a une cinquantaine d’années, Louis Marks forgea une heureuse expression en évoquant l’oligarchie financière qui contrôlait Florence dans le dernier quart du xve siècle. Au début des années 1970, j’ai souligné le rôle capital, en termes fiscaux et politiques, de la magistrature des ufficiali del banco à la fin des années 1420 et au début des années 1430. Quelle que soit la période du xve siècle prise en considération, on peut toujours identifier un petit groupe de très riches Florentins, une petite douzaine de personnes, qui avaient la responsabilité de pourvoir aux besoins financiers de l’État par de très substantiels prêts à court terme. Les retours qu’ils attendaient de leurs largesses, que ce soit en termes financiers ou bien d’accès à des positions stratégiques dans le gouvernement de la cité, étaient élevés. Les décisions fiscales, militaires et diplomatiques ne pouvaient pas, le plus souvent, être prises sans leur consentement. Ainsi, à côté de la dette publique traditionnelle, une dette flottante se développa au cours du xve siècle et les créanciers en vinrent à exercer de grands pouvoirs politiques.
37Une investigation systématique concernant ce groupe apporterait des lumières sur l’histoire politique des xve et xvie siècles. Les débats complexes et peu compris qui eurent lieu à Florence au temps de Savonarole et Soderini (1494-1512) quant à l’imposition de nouvelles formes de taxation étaient probablement inspirés par le désir de protéger certaines formes de propriétés de la longa manus des autorités fiscales. Plus d’un historien a suggéré que la politique florentine du début du xve siècle consistant à exempter d’impôts les maisons particulières et leurs meubles avait pu encourager les familles riches à investir en immeubles et possessions foncières. Plus tard, l’établissement du cadastre de 1480 et la réglementation des decima ont restreint l’imposition aux possessions foncières, protégeant davantage le commerce et d’autres investissements en liquide. Ces implications sociales et politiques de la politique fiscale et de la gestion de la dette publique restent l’une des questions ouvertes de l’histoire florentine de la fin du xve et du début du xvie siècle. Les efforts pour réformer les finances publiques de l’État territorial florentin dépassaient les principes même de leur gestion.
38Au cœur du problème, il y avait l’attitude traditionnelle à l’égard de l’État que Laurent le Magnifique a défini dans un constat lapidaire quand, après la mort de son père, il fut élevé à la tête de sa famille et, par extension, de l’État. Il ne souhaitait pas tant de responsabilités, reconnaissant : « mal volentieri accettai, e solo per conservazione degli amici e sostanze, perché a Firenze si può mal vivere senza lo stato ». En bref, l’interpénétration entre intérêts publics et intérêts personnels, par-delà les générations, nourrissait la classe dirigeante florentine. La leçon apparaissait clairement à Laurent. Le rang de sa famille dans la société serait mis en cause s’il ne s’engageait pas à assumer ses responsabilités. La plus cruciale était de cultiver le lien entre ses intérêts privés, ou ceux de sa famille, et ceux de l’État. Ce n’est donc pas un hasard si, durant toute sa turbulente carrière politique, Laurent suivit avec assiduité les affaires du Monte, étant fréquemment ufficiale del Monte ou titulaire d’autres magistratures fiscales. Il exprima son commentaire froidement réaliste peu après 1469, année de la mort de son père. Dans la génération suivante, deux de ses compatriotes les plus célèbres revinrent sur ce thème. L’expression rapportée par Francesco Guicciardini par laquelle j’ai ouvert cet article offre la pensée d’un homme averti du fait que le lien entre les intérêts privés et l’État (le Monte et Florence dans la formule aphoristique) risque de miner la puissance de l’État. Quelles qu’en soient les raisons, ni dans ce passage, ni dans aucun autre que je connaisse, Guicciardini ne fait guère plus que de sonner l’alarme. Analyste de son temps mais aussi membre de l’élite aristocratique de sa cité, Francesco Guicciardini ne pouvait peut-être pas envisager de solution au problème qu’il avait froidement identifié. Un profond savoir accumulé par des années au service du gouvernement, une intelligence iconoclaste et fortement aiguisée, le désenchantement amer causé par le tour pris par les événements furent nécessaires pour que Machiavel adopte un point de vue partagé par peu, sinon aucun, de ses contemporains. La puissance d’une république ne se trouve pas, et ne peut se trouver, dans ses ressources matérielles, même dans le trésor que les citoyens sont prêts à lui avancer. Pour prospérer, une république doit se reposer sur différentes forces : les buoni costumi de ses concitoyens et ses lois. Concevant l’articulation entre politique et finance publique d’une façon qui aurait difficilement pu être plus radicale, Machiavel énonçait un principe profondément nouveau en rejetant la tradition vivace selon laquelle i danari… sono il nervo della guerra.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Anderson Perry, Lineages of the Absolutist State, NLB, London, 1974.
Barbadoro Bernardino, Le finanze della repubblica fiorentina. Imposta diretta e debito pubblico fino all’ istituzione del Monte, Olschki, Firenze, 1929.
Becker Marvin, Florence in Transition, 2 vol. , The Johns Hopkins University Press, Baltimore, Maryland, 1967-1968.
Carboni Mauro, Il debito della città. Mercato del credito, fisco e società a Bologna fra Cinque e Seicento, Il Mulino, Bologna, 1995.
Chittolini Giorgio, a cura di, La crisi degli ordinamenti comunali e le origini dello stato del Rinascimento, Il Mulino, Bologna, 1979.
Colzi Francesco, Il debito pubblico del Campidoglio : Finanza comunale e circolazione dei titoli a Roma fra Cinque e Seicento, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1999.
Conti Elio, L’imposta diretta a Firenze nel Quattrocento (1427-1494), Istituto storico italiano per il Medio Evo, Roma, 1984.
De la Roncière Charles, « Indirect Taxes or “Gabelles” at Florence in the Fourteenth Century », in Florentine Studies. Politics and Society in Renaissance Florence, ed. by Nicolai Rubinstein, Faber and Faber, London, p. 140-192.
Elias Norbert, Power and Civility: The Civilizing Process, Pantheon, New York, 1982.
Fasano Guarini Elena, Lo stato mediceo di Cosimo I, Sansoni, Firenze, 1973.
Fasano Guarini Elena, « Un microcosmo in movimento (1494-1815) », in Prato. Storia di una città (Firenze), 4 vol. , Le Monnier, Firenze, 1986, II, p. 827-880.
Genet Jean-Philippe, « Which State rises? », Historical Research, 65, 1992, p. 119-133.
Gherardi Domenico, « L’antica Camera del comune di Firenze e un quaderno d’uscita dei suoi camarlinghi », Archivio storico italiano, n.s. 16, 1885, p. 3-51.
Gioffré Domenico, « La ripartizione delle quote del debito pubblico nella Genova del tardo ‘300 », in La storia dei genovesi. Atti del convegno di studi sui ceti dirigenti nelle istituzioni della repubblica di Genova, Copy-Lito, Genova, 1982, p. 139-153.
Given James, State and Society in Medieval Europe. Gwynedd and Languedoc Under Outside Rule, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1990.
Goldsmith Raymond, Premodern Financial Systems. A Historical Comparative Study, Cambridge University Press, Cambridge, 1987.
10.1017/CBO9780511895630 :Kirshner Julius, Pursuing Honor While Avoiding Sin. The Monte delle doti of Florence, Milano, Gioffre, 1978.
Klapisch-Zuber Christiane et Herlihy David, Les Toscans et leurs familles, une étude du catasto de 1427, EHESS, Paris, 1978.
Knapton Michael, « Guerra e finanza (1381-1508) », in Gaetano Cozzi e Michael Knapton, Storia della repubblica di Venezia. Dalla guerra di Chioggia alla riconquista della Terraferma, UTET, Torino, 1986, p. 275-348.
Lane Frederic C., Andrea Barbarigo. Merchant of Venice, 1418-1449, The Johns Hopkins University Press, 1944, Baltimore.
Lane Frederick, Venice. A Maritime Republic, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1973.
Leverotti Franca, « La crisi finanziaria del ducato di Milano alla fine del Quattrocento », in Milano nell’ età di Ludovico il Moro, Convegno Internazionale di Studi « Milano nell’ Età di Ludovico il Moro », Archivio storico civico e Biblioteca Trivulziana, Milano, 1983, p. 585-632.
Litchfield R. Burr, Emergence of a Bureaucracy. The Florentine Patricians. 1530-1790, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1986.
10.1515/9781400858262 :Luzzatto Gino, Il debito pubblico della repubblica di Venezia. Dagli ultimi decenni del XII secolo alla fine del XV, Milano & Varese, Cisalpino, 1986.
Mann Michael, States, War and Capitalism: Studies in Political Sociology, Blackwell’s, Oxford, 1988.
Marks L. F., « La crisi finanziaria a Firenze dal 1498 al 1502 », Archivio storico italiano, 112, 1954, p. 40-72.
Marks L. F., « The Financial Oligarchy in Florence Under Lorenzo », in Italian Renaissance Studies. A Tribute to the Late Cecilia M. Ady, ed. by E. F. Jacob, Faber & Faber, London, 1960.
Menning Carol Bresnahan, Charity and State in Late Renaissance Italy. The Monte di Pietà of Florence, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1993.
10.7591/9781501737206 :Molho Anthony, Florentine Public Finances in the Early Renaissance, 1400-1433, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1971.
Molho Anthony, « Tre Città-Stato e i loro debiti pubblici. Quesiti e ipotesi sulla storia di Firenze, Genova e Venezia », in Italia 1350-1450 : tra crisi, trasformazione, sviluppo, Pacini, Pisa, 1993, p. 185-215.
Molho Anthony, Marriage Alliance in Late Medieval Florence, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1994.
Mueller Reinhold, The Venetian Money Market: Banks, Panics, and the Public Debt, 1200-1500, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, Maryland, 1997.
10.1353/book.68456 :Musi Aurelio, Stato e pubblica amministrazione nell’ ancien régime, Guida Editori, Napoli, 1979.
Musi Aurelio, « Il viceregno spagnolo », in Storia del Mezzogiorno, IV.1, Editalia, Roma, 1979.
Orlandelli Gianfranco, « I Monti di pubbliche prestanze in Bologna », Acta Italica, 14, 1969.
Petralia Giuseppe, « Imposizione diretta e dominio territoriale nella repubblica fiorentina del Quattrocento », in Società, istituzioni, spiritualità nell’ Europa medievale. (Scritti in onore di Cinzio Violante), 2 vol. , Sede dell’ Istituto, Spoleto, 1994.
Petti Balbi Giovanna, Simon Boccanegra e la Genova del ‘300, Marietti, Genova, 1991.
Pezzolo Luciano, « Esercito e stato nella prima età moderna. Alcune considerazioni preliminari per una ricerca sulla repubblica di Venezia », in Guerre, stati e città. Mantova e l’Italia padana dal secolo xiii al xix ; Atti della giornata di studio in omaggio ad Adele Bellû, Mantova 12-13 dicembre 1986, a cura di Carlo Marco Belfanti, Francesca Fantini D’Onofrio, Daniella Ferrari, Mantova, G. Arcari, 1988, p. 13-29.
Pezzolo Luciano, « Sistema fiscale e conflittualità nella repubblica veneta in età moderna », La leopoldina, IX, 1989, p. 185-235.
Pezzolo Luciano, L’oro dello stato. Società, finanza e fisco nella Repubblica veneta del secondo ‘500, Il Cardo, Venezia, 1990.
Romani (Marzio A.), « Finanza pubblica e potere politico : Il caso dei Farnese (1545-1593) », in Le corti farnesiane di Parma e Piacenza. 1545-1622, Bulzoni, Roma, p. 3-85.
Ryder Alan, The Kingdom of Naples Under Alfonso the Magnanimous. The Making of a Modern State, Clarendon Press, Oxford, 1976.
Stella Aldo, « La regolazione delle pubbliche entrate e la crisi politica veneziana del 1582 », in Miscellanea in onore di Roberto Cessi, 2 volumi, Edizioni di Storia e Letteratura, Roma, 1958, II, p. 157-171.
Stolleis Michael, « Pecunia rervus rerum. Il problema delle finanze nella letteratura tedesca della ragion di Stato nel XVII secolo », in Finanze e ragion di Stato in Italia e in Germania nella prima età moderna, a cura di Aldo di Maddalena e Hermann Kellenbenz, Il Mulino, Bologna, 1984, p. 21-44.
Stumpo Enrico, « Finanze e ragion di Stato nella prima Età moderna. Due modelli diversi : Piemonte e Toscana, Savoia e Medici », in Finanze e ragion di Stato in Italia e in Germania nella prima età moderna, a cura di Aldo De Maddalena e Hermann Kellenbenz, Il Mulino, Bologna, 1984, p. 181-231.
Tabacco Giovanni, « Regimi politici e dinamiche sociali », in Le Italie del tardo Medioevo, a cura di Sergio Gensini, Pacini Editore, Pisa, p. 27-49.
Tilly Charles, Coercion, Capital and European States, A.D. 990-1990, Blackwell, Cambridge, Mass., 1990.
The Formation of National States in Western Europe, ed. by Tilly Charles, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1975.
Van der Wee Hermann, The Growth of the Antwerp Market and the European Economy (Fourteenth-Sixteenth Centuries), Nijhoff, The Hague, 1963.
Veseth Michael, Mountain of Debt. Crisis and Change in Renaissance Florence, Victorian Britain, and Postwar America, Oxford University Press, New York, 1990.
10.1093/acprof:oso/9780195064209.001.0001 :Waquet Jean-Claude, Le Grand-Duché de Toscane sous les derniers Médicis. Essai sur le système des finances et la stabilité des institutions dans les anciens états italiens, École française de Rome, Rome, 1990.
10.3406/befar :Weber Max, Economy and Society. An Outline of Interpretive Sociology, edited by Guenther Roth and Claus Wittich, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, 1978.
10.4159/9780674240827 :Auteur
Anthony Molho est né en Grèce, où il a commencé ces études, qu’il a poursuivies aux USA et en Italie. Actuellement il est professeur d’histoire moderne, et détenteur de la chaire d’Études méditerranéennes à l’Institut Universitaire Européen (San Domenico di Fiesole). Il a dédié plusieurs études à l’histoire de la fiscalité et de l’État. Parmi ces publications dans ce domaine : Florentine Public Finances in the Early Renaissance, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971 ; « Tre città-state e i loro debiti pubblici. Quesiti e ipotesi sulla storia di Firenze, Genova e Venezia » in Italia 1350-1450 : Tra crisi, trasformazione, sviluppo (Pistoia : Centro italiano di studi di storia e d’ arte, 1993), « Lo stato e la finanza pubblica – (Un’ipotesi basata sulla storia tardo medioevale di Firenze), » in Anthony Molho, Giorgio Chittolini and Pierangelo Schiera, Origini dello Stato. Processi di formazione statale in Italia fra medioevo ed età moderna (Bologna : Il Mulino, 1994) ; Marriage Alliance in Late Medieval and Early Modern Florence (Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1994) ; « Masaccio’s Florence in Perspective : Crisis and Discipline in a Medieval Society » in The Cambridge Companion to Masaccio, Diane Cole Ahl (éd.) (Cambridge : Cambridge University Press, 2002).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances, 1918-1946
Les hommes, le métier, les carrières
Nathalie Carré de Malberg
2011
Le choix de la CEE par la France
L’Europe économique en débat de Mendès France à de Gaulle (1955-1969)
Laurent Warlouzet
2011
L’historien, l’archiviste et le magnétophone
De la constitution de la source orale à son exploitation
Florence Descamps
2005
Les routes de l’argent
Réseaux et flux financiers de Paris à Hambourg (1789-1815)
Matthieu de Oliveira
2011
La France et l'Égypte de 1882 à 1914
Intérêts économiques et implications politiques
Samir Saul
1997
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (I)
Dictionnaire biographique 1790-1814
Guy Antonetti
2007
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II)
Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
2007
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
2012
Wilfrid Baumgartner
Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
Olivier Feiertag
2006