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Allocution du président de la République François Mitterrand lors de la remise des insignes de Grand‑Croix de l’Ordre national du Mérite à Pierre Uri, le 23 mai 1991 à l’Élysée

p. 213-214


Texte intégral

1Pierre Uri, il ne sera plus possible de vous revoir à ce titre, puisque je vais vous remettre la Grand-Croix de l’Ordre national du Mérite.

2Il n’y a pas plus haut. Et pourtant j’espère que les années encore viendront qui vous permettront de multiplier les services rendus. Ils ne seront pas reconnus par la même méthode. C’est toujours ennuyeux d’arriver au bout. Enfin, on le désire aussi, c’est une discussion à avoir entre soi et soi.

3Donc, Pierre Uri, vous avez commencé vous aussi depuis longtemps, vous êtes aussi de la génération d’avant la Première Guerre mondiale, enfin génération, vous êtes né avant. Mais votre vraie génération s’est exercée assez tôt, ainsi je pense que vous étiez quelque chose comme normalien à 17 ans, agrégé de philosophie à 21, et très vite reconnu d’abord comme professeur de philosophie, ensuite comme spécialiste de l’économie et de l’économie politique.

4Et puis le champ d’application immense où vous vous êtes exercé, qu’il s’agisse des Nations unies, qu’il s’agisse du Commissariat au Plan en France à sa naissance, qu’il s’agisse de l’Europe dans ses premières conceptions, dans ses premiers développements jusqu’à ce jour, qui a fait que vous avez été reconnu par les fondateurs de l’Europe, et dont vous êtes, et notamment par Jean Monnet, comme l’un de ceux qui méritent le plus d’être considérés comme les artisans de cette immense construction.

5Ce qu’a apporté là votre capacité de synthèse, aussi d’immenses connaissances de toutes sortes, d’ordre juridique, d’ordre financier, d’ordre économique, d’ordre fiscal, et la mise en place des institutions européennes exigeait quelques connaissances, quelque intelligence d’ordre universel.

6Je dois dire que c’est à ce titre que moi j’ai aimé vous écouter, j’ai aimé apprendre ce que vous étiez déjà depuis longtemps, je crois, voici au moins 35 ans j’ai pu observer en quelle façon votre œuvre se traduisait, ce qui est souvent rare, se traduisait dans les faits. La Communauté européenne, en particulier, ne serait pas ce qu’elle est sans vous. Et j’ai relevé en particulier que si le fameux traité de Rome, acte de naissance véritable, indépendamment des premiers essais pour le charbon et l’acier où vous étiez déjà, mais si le fameux traité de Rome a pu aboutir en 1957, c’est parce que deux ans plus tôt vous aviez été chargé des travaux préparatoires et que c’est sur la base de vos travaux à vous, et de ceux qui travaillaient avec vous, que le traité a pu réussir.

7Il y avait eu aussi la conférence de Messine, le travail acharné, politique, de quelques Français, je pense en particulier au grand mérite de Maurice Faure. Mais vous avez été celui qui a cimenté, fourni les idées et proposé les techniques, les procédures sans quoi on ne réussit jamais. Bon, j’arrête là. Et si beaucoup de distinctions ici et là ont parsemé votre parcours, je retiens surtout cela : toutes les grandes constructions – nationales, le Plan ; européennes, la Communauté ; internationales, les Nations unies – sans oublier le reste, vous trouvent chaque fois à l’origine. Alors c’est bien le moins qu’en 1991, sans préjuger la suite de ce que vous êtes capable d’inventer, d’imaginer ou de faire, je vais vous remettre cette distinction.

8Pierre Uri, nous vous élevons à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre national du Mérite.

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