Pierre Uri est‑il l’inventeur de la TVA ?
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Plan détaillé
Texte intégral
1L’objectif de cette communication est de mesurer le rôle d’un personnage historique, Pierre Uri, dans la création d’un impôt, la « taxe sur la valeur ajoutée », qui est entrée dans le droit français à la faveur d’une loi, le 10 avril 1954.
2Cette taxe n’est pas une taxe ordinaire. Elle présente un certain nombre de qualités, ou en tout cas de caractéristiques, tout à fait particulières. Il s’agit d’abord d’un impôt à fort rendement (125 milliards d’euros en 2019, soit environ 5 points de PIB, un sommet ayant été atteint à la fin des années 1990 avec 7,2 points de PIB). Ce fort rendement lui est conféré par son caractère synthétique, c’est-à-dire de grande généralité, qui est constitutive de cette taxe. Deuxième caractéristique : cet impôt est relativement neutre sur le plan économique. Sa charge fiscale ne dépend pas de la longueur du processus de fabrication ou de distribution du produit taxé (c’est un impôt unique) ; elle ne dépend pas de la structure juridique des entreprises, elle n’influence pas les décisions des chefs d’entreprise et notamment ne décourage pas l’investissement. Enfin, la TVA ne constitue pas un frein aux échanges et est ainsi parfaitement adaptée au développement du commerce international. Elle permet de surcroît aux États (à condition d’adopter la formule de la taxation dans le pays de destination) de concilier l’ouverture de leur marché et le maintien de leur souveraineté fiscale, c’est-à-dire la maîtrise de leur taux et donc de leurs recettes.
3Toutes ces raisons ont fait que la TVA, qui est née dans un contexte très français, en réponse aux problèmes économiques et sociaux de la France des années 1940 et 1950, est devenue une taxe d’abord européenne puis une taxe mondiale. Elle fait partie de l’acquis communautaire, depuis les deux premières directives du 11 avril 1967 et a, dans la foulée, été adoptée par plus de 160 pays dans le monde1. Il s’agit donc d’une étape importante dans l’histoire de la fiscalité, mais aussi, et plus largement, dans l’histoire économique et sociale du monde.
4Quel rôle a joué Pierre Uri dans cette invention ? Au risque de briser le suspens, il faut le reconnaître d’emblée : Pierre Uri n’est pas l’inventeur de la TVA. La seule chose qu’il lui a donnée est son nom. On peut même affirmer que cette taxe s’est construite contre ses préconisations et constitue en quelque sorte une image inversée de ce qu’il aurait souhaité. Cela justifie donc d’analyser les interventions de Pierre Uri dans ce dossier et de comprendre pourquoi il n’a pas été suivi. Cette méthode permettra, en retour, de mieux apprécier ce qu’est la TVA mais également de mieux cerner la personnalité politique de Pierre Uri, ses choix théoriques ou idéologiques et la nature de ses interventions.
5Pierre Uri échoue ainsi à inscrire la fiscalité dans les réformes de structure de la Libération (I) ; son projet va, il est vrai, à l’encontre d’un processus d’innovation incrémentale, qui, depuis 1917 jusqu’en 1954, conduit à la TVA (II) ; enfin, il défend une intervention de l’État par le biais de la fiscalité, alors que la TVA se veut au contraire une taxe neutre (III).
I. L’échec de la réforme de 1947
6Pierre Uri va être au cœur d’une tentative de transformation en profondeur du système fiscal français, dans l’esprit des réformes structurelles de la Libération, qui va toutefois échouer. Celle-ci est conduite au sein de la CGT encore unifiée et donne lieu à la publication, le 25 avril 1947, d’un plan dont Pierre Uri est le principal rédacteur. Il faudra ainsi déterminer ce qui a amené Pierre Uri à rédiger ce document, ce qu’il contient et pourquoi il a échoué.
A. Pierre Uri en 1947
7Il faut d’abord préciser qui est Pierre Uri en 1947.
8Âgé de 36 ans (il est né en 1911 dans une famille de la bourgeoisie intellectuelle parisienne), il est normalien et agrégé de philosophie. Il va toutefois réorienter ses centres d’intérêts et se tourner vers les études économiques après avoir été chassé de son poste d’enseignement en octobre 1940 par les lois raciales de Vichy. Il s’intéresse tout particulièrement aux questions fiscales et soutient en pleine guerre, au Centre de perfectionnement aux affaires de la Chambre de commerce de Paris, un mémoire consacré à « la définition fiscale du bénéfice ». L’austérité apparente du sujet dissimule en réalité des enjeux techniques et économiques considérables. La loi du 16 juillet 1914, qui crée l’impôt général sur le revenu, pas plus que la loi du 31 juillet 1917, qui crée la cédule des bénéfices industriels et commerciaux, n’ont en effet donné de définition précise du bénéfice fiscal. Cette question n’a été réglée qu’au début des années 1930, en partie de façon jurisprudentielle2. Fort de ces références, Pierre Uri apparaît incontestablement comme un expert fiscal de haut niveau et s’inscrit de ce fait dans une communauté restreinte de spécialistes, dont il partage, sinon toujours les orientations, au moins les connaissances et le vocabulaire.
9À partir de septembre 1944, il collabore à l’Institut de science économique appliquée (Isea) que vient de créer François Perroux. Dans le même temps, il entame une action plus politique qui le conduit à participer, aux côtés notamment de Pierre Le Brun, au groupe d’études d’une CGT encore réunifiée3. Pierre Uri bénéficie en outre dans son travail de l’appui technique de quelques agents du syndicat national des Contributions indirectes où l’influence communiste est dominante. Le Parti rend d’ailleurs public en mars 1947 son propre programme de réforme fiscale qui rejoint sur de nombreux points les orientations de la CGT4. Doit-on voir dans le projet rédigé par Pierre Uri la formulation des thèses du PCF ? La personnalité de son principal auteur, expert indépendant qui se rattache, par sa sensibilité politique, à la gauche démocratique et libérale et dont l’image sera par la suite étroitement associée à la construction européenne ne plaide pas dans ce sens. De même, la parution du projet, en avril 1947, intervient près de huit mois avant la scission de la CGT et alors que le PCF n’a pas encore adopté la position de rupture qui sera la sienne à l’automne.
10Le plan de la CGT apparaît davantage comme une synthèse des positions traditionnelles de la gauche française en matière fiscale, dernier avatar de l’esprit réformiste de la Libération et du tripartisme. À cette tradition de gauche, Pierre Uri ajoute un ton et une orientation volontiers modernisatrice, dans la lignée de Pierre Mendès France ou de Jean Monnet. C’est à ce double titre que le plan de la CGT constituera une référence durable dans les débats politiques des années 1950 et 1960.
B. Le plan de la CGT
11Plus précisément, quel est le contenu de ce plan ? Il comporte certes la création d’une « taxe sur la valeur ajoutée » (ce terme apparaît à cette occasion dans le débat fiscal), mais beaucoup d’autres propositions. Trois éléments le caractérisent.
12Tout d’abord, le texte entend promouvoir une plus grande justice fiscale. Il commence par poser un diagnostic sévère sur l’état du système fiscal français. De manière assez attendue, la CGT dénonce : le caractère inégalitaire du prélèvement, dû principalement au déséquilibre entre des impôts indirects dégressifs et l’impôt sur le revenu ; son inefficacité, conséquence d’une lutte insuffisante contre la fraude fiscale et des avantages indus conférés à certaines catégories de contribuables ; enfin son extrême complication. Une très nette distinction est opérée entre les contribuables dont le revenu ne peut être dissimulé et les autres. Les salariés et, à un moindre degré, les porteurs de revenus de valeurs mobilières ou les grandes entreprises sont ainsi présentés comme les principales victimes d’un système fiscal qui les frappe à des taux jugés « exorbitants ». Les fraudeurs et les contribuables au forfait, c’est-à-dire la grande majorité des professions indépendantes, agriculteurs, industriels ou commerçants, bénéficient en revanche « d’une véritable subvention occulte, aussi nocive qu’immorale5 ».
13De surcroît, le plan prône une augmentation du prélèvement, qui va dans le sens d’une intervention économique et financière plus forte de l’État, notamment en matière d’investissement. Le projet de la CGT dénonce ainsi la faiblesse chronique de l’imposition et va presque jusqu’à plaider en faveur d’une hausse des rentrées fiscales « qui, rapportées aux besoins de l’État et aux ressources de la Nation apparaissent terriblement insuffisantes6 ». Le projet estime ainsi que l’impôt représente un peu plus du dixième du revenu national en France contre plus du tiers en Grande-Bretagne. On trouve ici une préoccupation constante de Pierre Uri, qui réapparaîtra de manière beaucoup plus nette à l’automne 1947 dans le rapport de la commission du Bilan, à laquelle participera d’ailleurs également Pierre Le Brun. Cette structure, créée en septembre 1947 au sein du Commissariat général au Plan, rend son rapport le 13 décembre 1947 : elle préconise pas moins de 125 milliards de francs de recettes fiscales permanentes pour le premier semestre 1948 et 160 milliards de francs au moyen d’une contribution exceptionnelle, qui sera adoptée par la loi du 7 janvier 1948 et rapportera finalement 110 milliards de francs7. Aussi n’est-ce pas le moindre des paradoxes du projet de réforme fiscale que d’amorcer, sous l’égide de la CGT, une réflexion largement reprise à partir de l’automne 1947 par l’équipe de Jean Monnet et devant inspirer par ce biais la politique budgétaire des premiers gouvernements de Troisième Force.
14Enfin, de façon très novatrice, le projet s’intéresse aux effets économiques de l’impôt. L’objectif est clairement de promouvoir un système fiscal plus favorable à la croissance et permettant, à terme, de supporter une ouverture internationale, ou en tout cas européenne, qu’Uri défendra toujours dans le sillage de Jean Monnet. Il conduit le Plan (ce qui peut paraître, à première vue, étonnant dans un document émanant de la CGT) à privilégier des formes modernisées d’entreprises, en particulier les sociétés anonymes ; à dénoncer les régimes de taxation forfaitaires et plus largement les protections fiscales accordées à certaines catégories sociales ou à certains secteurs d’activité ; à préconiser, afin de soutenir l’investissement privé, des règles d’amortissement plus dynamiques, qui seront d’ailleurs adoptées à partir de 19488. Si le mot n’est pas prononcé, le projet de la CGT introduit ainsi la notion de neutralité du prélèvement, au moins quant aux formes juridiques de l’entreprise, qui sera fortement mobilisée par les courants libéraux à partir des années 1950 :
« La diversité des régimes fiscaux suivant la forme juridique des entreprises ou des procédés de financement porte l’attention des producteurs vers les solutions fiscalement les moins onéreuses au détriment des méthodes économiquement les plus rationnelles. À ces distorsions de l’activité s’ajoute l’appauvrissement du pays, si des dispositions fiscales mal conçues font obstacle au renouvellement et à la modernisation du matériel – telles les règles qui ont longtemps gouverné l’amortissement – ou écrasent une industrie – telles les taxes sur les spectacles qui ont freiné l’essor prometteur de l’industrie cinématographique française9. »
15Pour réaliser ce programme, les sociétés feraient l’objet d’une taxation spécifique à un taux proportionnel de 35 % (l’impôt sur les sociétés sera créé l’année suivante). Plus encore, afin d’éviter une double taxation du bénéfice distribué, au niveau de la société et au niveau de l’actionnaire, un mécanisme d’imputation est prévu : le projet de la CGT anticipe ainsi une législation très favorable à la forme sociétale qui ne se retrouvera, sous une forme atténuée, qu’avec la création de l’avoir fiscal en 1965.
16Cet impératif de croissance s’accompagne d’un autre objectif : la lutte contre l’inflation. Le projet insiste sur le caractère inflationniste du système fiscal, notamment par la hausse des impôts indirects qui se répercute dans les prix, alors que « seuls les impôts directs et personnels mettent un frein à l’inflation10 ».
17Au total, à travers des critiques formulées contre le système fiscal apparaissent en creux les contours d’une autre politique économique où l’instrument fiscal serait mis au service d’une augmentation des capacités de financement de l’État, d’une modernisation de l’appareil productif, d’une redistribution des revenus en faveur des salariés modestes et moyens et de la lutte contre l’inflation. À maints égards, le projet de la CGT s’inscrit dans un ensemble de préoccupations qu’avait déjà formulé, deux ans tôt, le ministre de l’Économie nationale Pierre Mendès France. Mais il annonce également sur certains points, à côté de mécanismes plus redistributifs, une modernisation libérale de la fiscalité française, notamment en ce qui concerne la taxation des entreprises, qui sera conduite jusqu’à la fin des années 1960.
18Concrètement, le projet propose trois types d’impôts, qui ne peuvent pas tous être développés dans cette communication.
19Il prévoit tout d’abord la création d’un impôt unique sur le revenu qui remplacerait les impôts cédulaires et l’impôt de superposition. Celui-ci comporterait une assiette très large, simplifiée, s’appliquant le plus souvent possible aux revenus réels, et un barème très progressif, puisque le taux marginal atteindrait jusqu’à 85 %.
20L’impôt sur le revenu est complété par un impôt général sur le capital. Vieille revendication de la gauche, très forte dans les années 1920, un peu oubliée dans les années 1930, il poursuivrait un objectif de redistribution sociale, mais aussi de lutte contre la fraude et de modernisation économique. « Il offre des recoupements sur les revenus réalisés entre deux inventaires successifs, il pénalise les capitaux improductifs et il est moins contraire aux investissements productifs et à l’assomption du risque que des taux discriminatoires d’imposition des revenus11 ». Enfin, le projet de la CGT prévoit de remplacer l’ensemble des impôts indirects par une taxe unique sur les affaires, à laquelle seraient assujettis « tous les contribuables exerçant une profession indépendante » et auquel il donne le nom de TVA.
C. Raisons d’un échec
21Avant d’entrer dans le détail de cette taxe, il faut toutefois préciser les raisons qui ont conduit le plan de la CGT à rester lettre morte et, plus largement, la fiscalité, sujet pourtant au cœur des débats économiques et sociaux durant l’entre-deux-guerres, à ne pas être incluse dans les réformes de structure de la Libération. Trois explications peuvent être avancées.
22La première tient à la chronologie. Le projet de la CGT est présenté tardivement, alors que la fenêtre de tir ouverte à l’été 1944 est en train de se refermer. Il est en effet publié en avril 1947, à la veille de la rupture du tripartisme et du départ des ministres communistes du gouvernement Ramadier. Déjà s’annoncent les tensions politiques de la guerre froide, qui aboutiront à la scission de la CGT en décembre 1947. Dans ces conditions, et faute de trouver les voies du consensus qui avaient justement caractérisé les réformes de structure de la Libération, une réforme globale de la fiscalité apparaît très incertaine. La tentative qui sera faite en décembre 1948, au sein de l’administration fiscale, en marge du Parlement et sans véritable débat politique, se conclura d’ailleurs par un échec12.
23La seconde raison est sans doute à rechercher dans un certain défaut d’expertise au sein des forces politiques et sociales en position de force à la Libération. De façon significative, les termes d’« impôt » ou de « fiscalité » ne figurent pas dans le programme du CNR du 15 mars 1944. Dans cette matière très technique qu’est la fiscalité, l’expertise est forcément concentrée et spécialisée. Avant la guerre, les partis socialiste et radical s’appuyaient régulièrement sur les travaux du syndicat des cadres des contributions directes. Après 1945, ce n’est que très progressivement qu’émergeront, au sein des différents groupes parlementaires, quelques très rares députés ayant fait des questions fiscales leur domaine privilégié d’intervention (le meilleur exemple est sans doute, au sein de la SFIO, le député des Bouches-du-Rhône, proche de Gaston Defferre, Francis Leenhardt). Dans ces conditions, la personnalité de Pierre Uri, d’ailleurs en marge des milieux parlementaires, constitue une exception.
24Enfin, le contexte financier de la fin des années 1940 n’a sans doute pas plaidé en faveur d’une réforme de base de la fiscalité. Après la Seconde Guerre mondiale, les pouvoirs publics doivent en effet augmenter massivement les recettes fiscales. Entre 1945 et 1950, celles-ci font plus que doubler en francs constants, avec des pics de croissance de plus de 30 % en 1946 et de près de 40 % en 1949. Or, cette hausse est difficilement compatible avec une transformation structurelle du prélèvement qui conduirait à des transferts massifs de charge et pourrait provoquer des phénomènes de contestation. Ainsi prend-elle le plus souvent la forme d’un classique tour de vis fiscal, où l’ensemble des principaux impôts et des taxes sont augmentés uniformément.
II. La TVA : une invention en contrepoint des idées de Pierre Uri
25Après avoir vu les ambitions et finalement l’échec du projet fiscal d’Uri, il convient d’entrer plus en détail dans le processus de création de la TVA. Pour bien comprendre l’adoption de cette taxe, il faut la situer dans une double logique : l’impôt est un instrument de politique économique, sociale, financière, qui va s’adapter à un certain contexte et atteindre des objectifs définis par les pouvoirs publics ; mais la fiscalité est aussi un système technique qui a sa rationalité propre et qui répond à des logiques internes.
A. Une innovation incrémentale
26À cet égard, la TVA adoptée en 1954 est le résultat d’un processus d’innovation incrémentale qui commence en réalité avec la Première Guerre mondiale.
27Ce type d’innovation, à la différence des innovations de rupture, part d’une structure donnée et elle va, par une série de modifications successives, améliorer le modèle existant. De ce fait, la TVA est le fruit d’une démarche intellectuelle très proche des sciences de l’ingénieur et ce n’est sans doute pas un hasard si son principal inventeur, Maurice Lauré, est un des rares inspecteurs des Finances à être également polytechnicien.
28Il faut succinctement retracer ce processus long pour comprendre pourquoi les interventions de Pierre Uri sont, en réalité, très en décalage, tandis que celles de Maurice Lauré, pourtant très contemporaines, notamment au cours de l’année 1948, entrent parfaitement dans sa logique.
29Sa première étape est la création en 1917 d’une « taxe sur les paiements », sur le modèle de la taxe allemande sur les opérations commerciales instituée un an plus tôt. Premier impôt synthétique, il est encore très proche, dans son assiette, d’un droit de timbre (il prend en effet la forme d’un timbre apposé sur les factures) et ne concerne que les paiements importants, supérieurs à 150 F (environ 300 € actuels). Aussi est-il rapidement réformé par une loi du 25 juin 1920, qui lui substitue la « taxe sur le chiffre d’affaires ». Cette nouvelle taxe est élargie à toutes les transactions et dispose donc d’une assiette beaucoup plus large que l’ancienne ; surtout, et c’est le point le plus important, elle est désormais prélevée selon des techniques comptables, cette introduction de la comptabilité étant évidemment un des éléments les plus révélateurs de la modernité fiscale13. Ainsi perfectionnée, elle est très sollicitée dans le cadre de la consolidation budgétaire des années 192014. Elle comporte toutefois un défaut : il s’agit d’une taxe cumulative (ou « en cascade ») qui frappe le produit à chaque transaction et fait ainsi dépendre la charge fiscale qu’il a intégrée de la longueur du processus de production et/ou de distribution. Ce biais que l’on retrouve dans tous les pays ayant adopté une telle taxe est particulièrement gênant dans une France qui dispose d’un tissu industriel peu concentré, ou en tout cas beaucoup moins qu’en Allemagne, par exemple.
30Une loi du 31 décembre 1936 apporte bientôt une solution à ce problème en remplaçant la taxe en cascade par une taxe dite « unique », dont le montant ne dépend pas du processus de production et/ou de distribution. Celle-ci est en effet perçue une fois pour toute à un moment très précis, quand le produit quitte le circuit de production pour entrer dans le circuit de distribution (le dernier producteur facture au premier distributeur le montant de la taxe, qui se répercute ensuite jusqu’au consommateur final). Pour cette raison, la taxe prend le nom, quelque peu trompeur puisqu’il ne s’agit en aucun cas d’une taxe sur les entreprises, de taxe à la production. Il est nécessaire de constater que cette réforme importante et très rarement créditée du Front populaire va dans le sens d’une neutralité accrue de la fiscalité et comporte donc une inspiration libérale, qui apparaît en partie décalée avec le reste des mesures prises durant le premier gouvernement de Léon Blum. Quoi qu’il en soit, la France est, avant la guerre, en avance sur les autres pays en matière de fiscalité indirecte puisque qu’elle seule dispose d’une taxe à la fois synthétique et unique sur la consommation.
31Deux étapes sont encore nécessaires pour parvenir à la TVA. Elles sont franchies après la Seconde Guerre mondiale et, pour chacune d’entre elles, Maurice Lauré joue un rôle déterminant.
32La première consiste en une transformation du mode de recouvrement avec le passage aux paiements fractionnés, par un décret du 25 septembre 1948. Maurice Lauré a inventé un mécanisme très habile qui permet de prélever l’impôt à chaque étape du processus de fabrication d’un produit, sans cependant remettre en cause le caractère unique de la taxe à la production. À chaque transaction, le vendeur facture la taxe à l’acheteur et reverse au fisc le montant correspondant, après déduction des taxes ayant pesé en amont dans la fabrication du produit. Ce dispositif ingénieux permet de lutter contre la fraude (l’entente frauduleuse entre le dernier producteur et le premier distributeur devient inutile et, au contraire, les assujettis ont intérêt à acquitter leur devoir fiscal afin de bénéficier de la déduction). Il permet aussi, dans un premier temps, de générer des recettes de trésorerie, fort utiles dans la situation financière tendue de l’automne 1948.
33Reste un défaut à éliminer. Dans le système en vigueur, la déduction n’est possible que pour les taxes ayant frappé en amont les produits entrant physiquement dans le processus de fabrication et exclut celles qui ont pesé sur les immobilisations et les frais généraux. À partir de 1952, Maurice Lauré propose, au nom de la neutralité fiscale, de supprimer ce biais. Il s’agit également de favoriser l’investissement, à un moment où l’État se désengage relativement au profit des entreprises privées. C’est cette mesure en apparence modeste, mais en réalité essentielle, que consacre la loi du 12 avril 1954. Ainsi transformée, la taxe prend le nom de TVA, en partie parce que celui-ci avait été popularisé, sept ans plus tôt, par Pierre Uri. Pour autant, le nouvel impôt n’est pas techniquement une taxe sur la valeur ajoutée, mais bien une taxe sur le chiffre d’affaires.
B. Une intervention à contresens
34Le rappel de cette évolution longue permet d’éclairer la proposition de Pierre Uri et d’en mesurer le décalage. La TVA décrite dans le plan de la CGT est en effet très différente de celle adoptée en 1954. Cette taxe est en effet assise sur la valeur ajoutée définie comme la différence entre, d’une part, le total des ventes opérées par l’entreprise et la variation de ses stocks et, d’autre part, le total des achats et des frais généraux. La déduction s’effectue donc « base sur base » et non pas « taxe sur taxe », comme dans la taxe à la production de 1948 ou la TVA de 1954. Ainsi définie, l’assiette de l’impôt est finalement assez proche du bénéfice brut de l’entreprise, ce qui fait d’ailleurs écho aux travaux antérieurs de Pierre Uri sur la nature du bénéfice fiscal. De surcroît, le projet de la CGT exclut explicitement la déduction des investissements, ce qui constituera la nouveauté majeure de 1954.
35En revanche, il s’agit bien d’une taxe unique. Le système proposé permet d’éviter toute taxation en cascade et présente un réel intérêt économique. Il répond également à des objectifs de lutte contre la fraude en multipliant les points de perception et en rendant possible de nombreux recoupements, notamment pour l’établissement de l’impôt sur le revenu. Il rejoint sur ce point la technique des paiements fractionnés qui sera introduite dans la législation en septembre 1948.
36En résumé, la TVA de 1947 présente un caractère novateur mais alternatif, qui forge la réputation de Pierre Uri en matière fiscale. Cette notoriété le conduit à être associé, l’année suivante, à un projet de réforme globale du système d’imposition lancé par la toute nouvelle administration fiscale. Le groupe de hauts fonctionnaires qui a plaidé en faveur d’un regroupement des régies financières et a favorisé la création, en avril 1948, de la DGI, souhaite en effet, remettre à plat la fiscalité française dans la foulée. Il bénéficie d’une délégation du pouvoir législatif introduite par la loi Reynaud-Marie du 17 août 1948. Un groupe d’études fiscales est ainsi constitué du 10 juillet au 25 novembre 1948 et ses propositions sont reprises dans un décret de réforme fiscale publié le 9 décembre 1948.
37Pierre Uri participe à ses sept premières séances. Il y développe des thèses proches de celles contenues dans le projet de la CGT, plaidant notamment en faveur de l’impôt permanent sur le capital et de la TVA. Toutefois, lorsqu’après une interruption de plus de deux mois entre le 22 juillet et le 6 octobre, le groupe d’études reprend ses travaux, Pierre Uri n’y participe plus. Cette éviction traduit d’évidentes divergences de fond avec les autres participants, qui adoptent des positions beaucoup plus conservatrices. Elle s’explique également par des enjeux d’influence et de pouvoir, voire des logiques corporatistes : le groupe fondateur de la DGI a sans doute voulu conserver une étroite maîtrise du processus de réforme qui, faute de relais politiques, échouera.
III. Le choix de la neutralité contre l’interventionnisme public
38Ces divergences ne sont pas seulement techniques. Elles reflètent des oppositions de fond sur le rôle politique et économique de l’impôt qu’il faut maintenant aborder. Pierre Uri défend une intervention de l’État par le biais de la fiscalité, alors que la TVA se veut au contraire une taxe neutre.
A. Le double enjeu de 1954
39Deux objectifs, d’ailleurs en partie contradictoires, sous-tendent la création de la TVA en 1954.
40Le premier est de parvenir à la neutralité fiscale. Ce principe est défini par Maurice Lauré dans un rapport pionnier d’avril 1952, qui lance le processus de réforme qui aboutira à la loi de 195415. Il suppose que l’impôt doit le moins possible (et idéalement pas du tout) orienter les décisions des acteurs économiques. Plus précisément, Lauré distingue trois niveaux de neutralité. Celle-ci implique d’abord l’absence de discrimination entre les producteurs se trouvant en situation de concurrence d’après « des critériums basés sur la personnalité de ces producteurs16 ». Maurice Lauré récuse ainsi toute forme de régime particulier fondé sur la structure juridique de l’entreprise ou les conditions économiques dans lesquelles s’exerce son activité. La neutralité suppose également que le système fiscal n’influe pas sur les procédés de fabrication ou sur les circuits de distribution des produits. Par conséquent, « la fiscalité ne doit pas avoir pour effet de faire supporter aux objets fabriqués des charges différentes selon le nombre d’entreprises qui participent successivement à leur réalisation17 ». Les taxes en cascade sont donc par principe condamnées. Par ailleurs, la fiscalité ne doit pas influencer la répartition des facteurs de production mis en œuvre, qu’il s’agisse du capital ou du travail. En d’autres termes, comme le remarque Lauré, elle ne doit pas « peser davantage sur les investissements et l’énergie qu’elle ne pèse sur les salaires18 ».
41Mais l’objectif de la TVA est aussi de favoriser les investissements du secteur privé et de reconstituer les capacités d’autofinancement des entreprises. La campagne de Lauré intervient en effet à un moment très précis de l’histoire de la reconstruction des capacités de production après la Seconde Guerre mondiale. Dans un premier temps, celle-ci est très largement prise en charge par l’État : la part des investissements publics atteint ainsi un point haut en 1949 avec 64 % du total des immobilisations effectuées, puis décline après cette date pour s’établir, entre 1952 et 1954, autour de 30 %, un relais étant alors passé aux entreprises privées. Cette évolution rend particulièrement sensible l’aide que peut apporter un élargissement des possibilités de déduction. Elle a, par ailleurs, un effet sur l’orientation des investissements productifs : les fonds publics étaient affectés à des secteurs de base jugés prioritaires, définis en 1947 par le premier Plan de modernisation (énergie, transports, sidérurgie) et profitaient principalement aux entreprises publiques, tandis que le mécanisme de déduction fiscale concerne un spectre beaucoup plus large d’entreprises et de secteurs.
B. La question de la sélection des investissements déductibles
42Cette réorientation est d’autant plus nette que le choix effectué est celui d’une possibilité de déduction largement ouverte.
43La question, en effet, fait débat : l’avantage fiscal doit-il toucher indistinctement tous les investissements ou, au contraire, doit-il être réservé à certains secteurs industriels ou à certains types d’immobilisations jugées prioritaires ? La mesure doit-elle être établie une fois pour toutes ou être limitée dans le temps pour tenir compte de l’évolution de la conjoncture ? En d’autres termes, la TVA doit-elle être un impôt neutre, libéral, comme le veut Maurice Lauré, ou au contraire un instrument de l’interventionnisme public qui prolonge la mission de régulation de l’État ?
44L’idée d’une utilisation discrétionnaire de la TVA est d’abord avancée dans les milieux proches du Commissariat général au Plan. Dès le mois de mai 1952, celui-ci réagit, sous la forme d’un Memorandum, très probablement rédigé par Pierre Uri, au rapport de Maurice Lauré publié en avril. Après avoir approuvé l’architecture générale de la TVA et dénoncé la double taxation des investissements, le Commissariat général au Plan émet toutefois une réserve d’importance :
« À la différence de la déduction de tous les achats courants directs ou indirects, la déduction des achats d’investissement doit cependant être considérée comme une modalité d’application répondant à certaines circonstances : on peut concevoir que dans certaines périodes où l’investissement devrait être limité ou strictement orienté, le bénéfice de la déduction totale ou partielle pourrait être réservé à certains secteurs, la double imposition totale ou partielle de l’équipement pesant au contraire sur les autres19. »
45Très fortement engagé, au côté de la direction du Trésor, dans le financement public des investissements, le Commissariat général au Plan considère sans bienveillance un mécanisme fiscal qui fait la part belle à la liberté de choix des chefs d’entreprise. L’équipe rassemblée autour de Jean Monnet estime sans doute encore insuffisantes, en ce début de l’année 1952, les possibilités de financements globaux de l’économie pour les abandonner totalement aux mécanismes du marché. À ces causes à la fois structurelles et conjoncturelles s’ajoutent des considérations de personnes : très probable rédacteur du Memorandum, Pierre Uri confirme les orientations volontiers dirigistes qu’avait déjà dévoilées le plan de la CGT de 1947.
46Le départ de Pierre Uri et, de manière plus générale, le renouvellement des dirigeants du Plan et la redéfinition de ses missions après 1952, modifient d’ailleurs la position de l’institution. En avril 1953 est ainsi constitué pour la première fois au sein de la commission du financement du IIe Plan, un groupe de travail spécialement chargé des questions fiscales. Un tel organisme sera par la suite institué de façon régulière lors de la préparation des plans successifs, en 1956, 1960, 1965 et 1971 et verra son influence augmenter au point de devenir l’un des acteurs essentiels de la politique fiscale du pays. En 1952 cependant, il s’agit encore d’une structure modeste, où la part des fonctionnaires issus des administrations économiques ou financières est prépondérante et où les représentants professionnels, patronaux ou syndicaux, restent largement minoritaires. Pour autant, le groupe « Fiscalité » n’hésite pas à intervenir dans le débat en cours et se prononce dans son rapport d’octobre 1953 en faveur de la TVA étendue à de nombreux secteurs d’activité, reprenant dans une très large mesure les analyses de Maurice Lauré. Surtout, s’il récuse le terme de neutralité, le rapport du groupe de travail insiste beaucoup plus que le Memorandum de l’année précédente sur le respect des règles du marché et sur le rôle de la fiscalité dans le développement de l’épargne :
« Le groupe de travail s’est ainsi assigné pour but d’assurer une moins imparfaite égalité de taxation entre les producteurs et de rendre plus aisés les mouvements de biens et valeurs. Un tel objectif ne s’identifie cependant pas à la recherche systématique de la “neutralité de l’impôt” : il n’exclut point la possibilité pour l’État d’agir par l’intermédiaire de la fiscalité en vue d’encourager l’extension de certaines activités. Mais lorsque la multiplicité des régimes discriminatoires atteint un degré de complexité tel que nul ne puisse discerner l’effet des mesures accordées, que chacun puisse se fonder sur le régime de son voisin pour s’estimer lésé et en réclamer le bénéfice, quand les anciens avantages consentis se perpétuent sans raison et que les nouveaux sont d’une efficacité restreinte du fait de la rigidité de l’économie, un régime de stricte égalité apparaît préférable, au moins comme base de départ20. »
47De la sélection autoritaire des investissements, il n’est donc plus question ni dans le rapport du groupe « Fiscalité », ni dans le rapport de synthèse produit par la commission du financement. Cette très sensible inflexion des organes du Plan s’explique sans doute par la place tenue, en leur sein, par les dirigeants de l’administration fiscale. Le groupe « Fiscalité » est ainsi dirigé par l’ancien directeur général de l’Enregistrement, Adéodat Boissard, et comprend le directeur général des Impôts en exercice, Pierre Allix. Quant à Paul Delouvrier, qui a quitté la DGI en mai 1953, il occupe la position stratégique du rapporteur de la commission du financement.
48La sélection des investissements déductibles reste toutefois débattue. Elle constitue même un marqueur du discours fiscal de la gauche dans les années 1950. Elle figure, par exemple, dans le contre-projet préparé pour la SFIO par le député Francis Leenhardt, en 1953, à l’occasion de la discussion de la TVA au Parlement21.
49Elle ressurgit, après la victoire du Front républicain aux élections législatives de 1956, portée par le président du Conseil Guy Mollet et par son ministre des Finances Paul Ramadier, suscitant à nouveau une réaction hostile du Plan et une intervention très ferme du commissaire général Étienne Hirsch :
« Les chefs d’entreprise cesseraient de croire à la continuité de l’action gouvernementale en faveur de l’expansion économique. L’effort d’investissement qu’ils ont entrepris depuis la réforme de 1954 et dont les effets heureux se sont déjà fait sentir – la production a pu en 1956 continuer à augmenter malgré le rappel des disponibles et le maintien du contingent sous les drapeaux – serait découragé. Il serait impossible ensuite de rétablir la confiance et d’amener les entreprises à faire des investissements sans lesquels l’expansion prévue par le IIIe Plan ne pourrait se produire22. »
50La sélectivité des investissements restera toutefois une idée constante de Pierre Uri, qui la défendra encore dans les années 1970, lorsqu’il sera devenu conseiller économique auprès de François Mitterrand.
* * *
51En résumé, Pierre Uri n’est pas le créateur de la TVA. La taxe qu’il avait préconisée en 1947 est très différente de ce qui a été réalisé en 1954, mais elle s’inscrit dans une réflexion globale sur la fiscalité et dessine, en creux, une autre orientation qu’aurait pu prendre la politique fiscale (et donc économique et sociale) française : celle d’une gauche réformiste.
Notes de bas de page
1 Un programme de recherche international a été lancé sur ce thème. Une première présentation a été effectuée, le 11 novembre 2021, lors d’une session du congrès annuel de la Social Sciences and History Association (SSHA) organisé à Philadelphie, puis lors du congrès mondial d’histoire économique (Word Economic History Congress), en juillet 2021, à Paris.
2 Le bénéfice réel, qui ne concerne qu’une minorité de contribuables (la plupart sont taxés selon des méthodes forfaitaires) a été progressivement défini dans les années 1920. Deux thèses s’affrontent en effet, la première mesurant le bénéfice à partir du compte d’exploitation, la seconde à partir du compte de bilan, ce qui permet une inclusion des plus ou moins-values. L’administration fiscale souhaite appliquer la théorie du compte de bilan, mais un arrêt du conseil de préfecture de la Seine du 24 mars 1924, confirmé par le Conseil d’État l’en empêche. Finalement, deux textes de loi, l’un de 1933 concernant les plus-values apparues en cours d’exploitation, l’autre du 20 juillet 1934 y intégrant les plus-values apparues en fin d’exploitation, consacrent la thèse du bilan. Sur ce sujet, voir Edgard Allix et Marcel Lecerclé, L’impôt sur le revenu. Impôts cédulaires et impôt général. Traité théorique et pratique, Paris, Librairie Arthur Rousseau, 1926, t. 1, pp. 350 et suivantes et Claude des Portes, « La réforme fiscale de juillet 1934 », thèse de droit soutenue à l’université de Paris, 1er janvier 1935, pp. 80 et suivantes.
3 Le projet de réforme de la CGT figure d’ailleurs, dans une version légèrement abrégée, en annexe de l’ouvrage de Pierre Le Brun, Questions actuelles du syndicalisme, Paris, Le Seuil, 1965.
4 Frédéric Tristram, Une fiscalité pour la croissance. La direction générale des Impôts et la politique fiscale de 1948 à la fin des années 1960, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 54, consultable en ligne https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/1636.
5 AEF, B 28 343, Projet de réforme fiscale, CGT, 25 avril 1947, p. 2. Ce texte est reproduit en annexe dans Frédéric Tristram, Une fiscalité pour la croissance…, op. cit.
6 Ibid.
7 Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, p. 996, consultable en ligne https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/2320.
8 Avant 1959, la législation impose un amortissement linéaire, dont la durée dépend des usages en vigueur dans chaque profession. Les pouvoirs publics disposent cependant de deux instruments permettant aux entreprises de dégager des marges d’amortissement supplémentaires. Ils peuvent d’abord utiliser les possibilités offertes par la révision des bilans en jouant sur les coefficients de réévaluation fixés par décret. Or, ceux-ci sont, à partir de 1948, très favorables aux entreprises. De surcroît, un décret du 8 mars 1951 autorise sous certaines conditions un amortissement accéléré. La loi du 28 décembre 1959 consacre le principe de l’amortissement dégressif. Voir Frédéric Tristram, Une fiscalité…, op. cit.
9 AEF, B 28 343, Projet de réforme fiscale précité, p. 2.
10 Id.
11 Id., p. 7.
12 Frédéric Tristram, Une fiscalité…, op. cit., pp. 78 et suivantes.
13 Frédéric Tristram, « La Première Guerre mondiale et la rénovation du système fiscal français », Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre, Une fiscalité de guerre ? Contraintes, innovations, résistances, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière 2018, pp. 202‑204, consultable en ligne https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/5171.
14 Id., p. 207
15 Archives nationales (désormais AN), N, 81 AJ 198, Premier rapport sur les travaux de la commission Productivité et Fiscalité, comité national de la Productivité, avril 1952. Ce rapport est très largement repris dans l’ouvrage publié par Maurice Lauré sous le titre, La Taxe sur la valeur ajoutée, Paris, Sirey, 1953.
16 Id., p. 9.
17 Id., p. 11.
18 Id., p. 12.
19 AN, 80 AJ 44, « Memorandum » sur la réforme fiscale, 5 mai 1952, Commissariat général au Plan.
20 Ibid., Rapport du groupe « Fiscalité », octobre 1953, p. 9.
21 AEF, B 58 840, Observations sur la proposition Leenhardt.
22 AN, 80 AJ 121, Note pour le ministre datée du 20 octobre 1956, signée Étienne Hirsch, p. 3.
Auteur
Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et agrégé d’histoire, Frédéric Tristram a été secrétaire général du Comité d’histoire de la Ville de Paris avant d’être élu comme maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2010. Il a soutenu une habilitation à diriger les recherches à Paris 1 (consacrée à l’histoire des finances publiques en France au xxe siècle) en 2018. Spécialiste de l’histoire des finances publiques en longue durée, il a consacré sa thèse de doctorat à Une fiscalité pour la croissance. La direction générale des Impôts et la politique fiscale en France de 1948 à la fin des années 1960, Paris, IGDPE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, consultable en ligne https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/1636. Il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment Les Français paient-ils trop d’impôts ? Larousse, Paris, 2009. Il est membre de l’unité mixte de recherche IDHE.S (Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société).
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