Leçon 2
p. 75-89
Texte intégral
1Dans notre leçon d’hier, nous avons en quelque sorte éclairé notre lanterne ou, pour employer une métaphore plus exacte, nous avons fait l’inventaire de nos outils de travail qui sont constitués par les éléments de vocabulaire, par les mots que nous aurons à utiliser au cours de nos entretiens.
2Après ce premier travail qui s’est situé principalement sur le plan théorique, et a précisé les idées et les termes, je voudrais, dans cette seconde leçon d’introduction, faire une rapide description des besoins d’investissement qui existent en France à l’heure actuelle. Après avoir surtout parlé de principes théoriques, je voudrais aujourd’hui, au contraire, me rattacher aux réalités françaises actuelles, et examiner devant vous cette première question essentielle : pourquoi la France, à l’heure actuelle, doit-elle pratiquer des investissements ? Pourquoi doit-elle avoir une politique d’investissement ?
Les besoins d’investissements en France
Les besoins permanents
3Tout d’abord, vous le savez, la gestion d’un pays comme celle d’une entreprise doit toujours comporter des mesures nécessaires à l’entretien, au renouvellement et à l’amortissement de l’appareil productif. Il en va, en effet, d’un pays, d’une collectivité, comme d’une entreprise, comme d’un particulier : si les dispositions nécessaires ne sont pas prises, l’appareil productif vieillit, s’use, se désagrège. Il en résulte une réduction progressive du potentiel du pays considéré, c’est-à-dire rapidement une réduction du niveau de vie de la population.
4Il y a plus. Il ne suffit pas d’entretenir l’appareil productif, il faut en toutes circonstances l’améliorer. Au fur et à mesure que les machines s’usent, il faut les remplacer, non pas par des machines neuves semblables aux anciennes, mais par des machines meilleures, plus modernes et d’une productivité supérieure. C’est la condition du progrès de la production, c’est-à-dire la condition du progrès tout court. À défaut de cela, c’est la stagnation, le piétinement de l’économie, laquelle risque même de péricliter car les économies étrangères concurrentes améliorent leurs possibilités techniques, et ne pas se mettre en état de rivaliser avec elles, de supporter leur concurrence, c’est se condamner rapidement à être dominé par elles. Ainsi, une collectivité doit prélever chaque année sur son revenu la fraction nécessaire à la réalisation d’investissements pour entretenir et améliorer son équipement.
Le déclin économique d’avant‑guerre
5Les raisons que je viens de donner sont des raisons permanentes : elles s’appliquent à tous les pays et à tous les temps. Mais la nécessité des investissements prend aujourd’hui pour nous un relief particulier si nous évoquons la situation présente de notre pays, qui vient de subir deux guerres épuisantes et, dans l’intervalle, une crise économique prolongée et déprimante. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, près du tiers de la capacité de notre production industrielle était inemployé ; l’esprit d’entreprise était affaibli au point que les investissements couvraient à peine les besoins de remplacement. Tant dans l’agriculture que dans l’industrie, la productivité de la main-d’œuvre était en général beaucoup moins élevée que dans les pays comparables au nôtre. Par suite de notre moindre efficience, par suite aussi du chômage, les salaires réels et les conditions d’existence en France étaient inférieurs à ce qu’ils étaient dans de nombreux pays voisins.
6Le revenu par tête et par an a été évalué par l’économiste australien Colin Clark28 à :
1 485 unités internationales pour les États‑Unis ;
1 275 unités internationales pour la Grande‑Bretagne ;
1 036 unités internationales pour la Suisse ;
828 unités internationales pour l’Allemagne ;
641 unités internationales pour la France.
7Par conséquent, nous étions fort mal placés. Or, l’infériorité était en réalité plus grave encore que l’apparence, car le niveau de vie médiocre qui vient d’être caractérisé par ces chiffres n’était même pas assuré par notre travail et par notre production de l’année ; ce niveau de vie n’était acquis que grâce à l’épargne des générations passées. Vous le savez, 20 à 25 % des achats de la France à l’étranger avant la guerre étaient payés avec les revenus des placements extérieurs qui contribuaient à améliorer notre niveau d’existence, lequel aurait été beaucoup plus bas si nous n’avions dû compter que sur notre production.
Les besoins de la Reconstruction
8Bien entendu, la situation que je viens de caractériser a été aggravée par le second conflit mondial ; de nouveaux besoins en résultent, et je vais les examiner dans un instant. Le plan de mes explications sera le suivant.
9D’abord, j’examinerai les conséquences directes de la guerre : destructions massives, entretien différé, usure excessive, autrement dit tout ce qui concerne la Reconstruction, dans le sens large de ce mot.
10Voyons donc d’abord les conséquences directes de la guerre. Ce sont principalement les destructions, et c’est aussi l’insuffisance de l’entretien et du renouvellement de l’outillage pendant de nombreuses années.
11En premier lieu : les destructions. Elles ont été considérables, vous le savez, et très supérieures à celles de la précédente guerre. Le nombre de départements sinistrés a été de 79 au lieu de 13. Le nombre de bâtiments totalement détruits a été de 465 000 au lieu de 368 000 ; le nombre de bâtiments partiellement endommagés, de près de 1,7 million au lieu de 560 000. Voici pour le nombre d’immeubles et de bâtiments.
12Les estimations en valeur sont plus difficiles. Les pertes directes de capital ont été évaluées à 770 milliards de francs de 1938, soit plus du triple du coût de la réparation des dommages de la précédente guerre.
13Encore faut-il ajouter à ce total une série d’éléments qui n’y sont pas contenus ; par exemple :
les dommages subis directement par l’État ;
les bâtiments publics, détruits ou endommagés ;
les travaux provisoires et d’attente réalisés par l’État, et qui viennent accroître le prix de la Reconstruction ;
les allocations d’attente versées aux sinistrés ;
les pertes de revenus des capitaux détruits depuis 1939 ;
les dommages de guerre dans les territoires d’outre-mer, etc.
14Au total, le volume des destructions proprement dites est considérable.
15À côté de ces destructions, de ces pertes de capital, il faut tenir compte de l’insuffisance de l’entretien et du renouvellement des biens durables pendant la guerre ; les bâtiments et les machines se sont usés et détériorés, le sol lui-même a été privé d’engrais. Les pertes qui résultent de cette insuffisance d’entretien et d’amortissement sont impossibles à chiffrer ; mais, d’après divers travaux, l’importance des pertes qui résultent de ces éléments est d’un ordre de grandeur comparable à celles des destructions proprement dites.
16Pour accomplir la Reconstruction, la voie la plus rapide passe naturellement par la modernisation et le développement de l’industrie, notamment de l’industrie du bâtiment et des industries qui commandent l’activité de l’industrie du bâtiment (la sidérurgie, les matériaux de construction, les transports, etc.). Si l’œuvre de modernisation est menée à bien, on pourra naturellement reconstruire plus vite, réparer plus rapidement les dommages de guerre et, en même temps, élargir l’œuvre de Reconstruction en une politique générale de rénovation de l’habitat français indispensable depuis longtemps, aussi bien dans les campagnes que dans les villes.
17La situation est semblable dans les pays qui ont subi les effets de la guerre, comme la Grande-Bretagne. Un cahier de la présidence du Conseil publié en février par la Documentation française décrit, par exemple, la nécessité d’une politique d’investissement en Grande-Bretagne afin de compenser les conséquences directes de la guerre dans ce pays. On y apprend que, de 1939 à 1945, les pertes en capital en Grande-Bretagne ont atteint 9 milliards de livres, soit environ un cinquième du capital existant avant la guerre ; il en résulte, comme en France, la nécessité d’un grand effort de reconstitution du capital neuf de reconstruction.
Les besoins tenant à l’équilibre de la balance des paiements
18Un autre élément important que je désire vous signaler a trait à la disparition de nos ressources et revenus extérieurs, et à la nécessité, qui en résulte pour nous, d’exporter plus largement qu’autrefois. C’est le nouveau problème des échanges extérieurs.
19Le souci de l’indépendance économique plaide évidemment en faveur d’un large effort d’équipement et de modernisation. Mais lorsque je parle d’indépendance économique, bien entendu, je ne veux pas dire autarcie. La France ne saurait vivre sur elle-même. Avant la guerre, la France importait un certain nombre d’éléments vitaux : 25 millions de tonnes de houille, c’est-à-dire le tiers de ce qu’elle consommait, ou, si vous préférez, très exactement ce qui nous était nécessaire pour assurer la marche de notre sidérurgie, de l’industrie mécanique, des entreprises de matériaux de construction, bâtiment et travaux publics. Ces grands secteurs de l’économie employaient 2,5 millions de travailleurs industriels sur 7 millions ; par conséquent, nous importions le tiers de notre approvisionnement de houille, de quoi faire marcher des industries qui occupaient plus du tiers de notre main-d’œuvre. Nous importions également 8 millions de tonnes de produits pétroliers, sans lesquels auraient été complètement arrêtés les transports routiers et aériens, ainsi que la plus grande partie de notre marine marchande et de notre navigation fluviale. Nous importions 98 % de nos besoins de cuivre, de zinc et d’étain ainsi que 65 % de nos besoins de plomb, 96 % de notre coton, 87 % de notre laine et 60 % de nos besoins de corps gras. Je pourrais continuer encore longtemps cette énumération. Malgré l’importance des ressources susceptibles d’être tirées de l’Union française en charbon, en minerais, en pétrole, en bois et en corps gras, la France restera inévitablement déficitaire, tributaire de l’étranger pour certains produits dont elle ne peut se passer.
20Voilà pourquoi la France ne saurait négliger les échanges internationaux. Mais avant la guerre, les importations françaises, dont je viens de montrer l’importance vitale, n’étaient couvertes par les exportations que dans une mesure limitée. Les exportations représentaient les deux tiers seulement de nos achats, et le déficit de la balance commerciale était couvert par les revenus de nos placements extérieurs. En 1938, la balance commerciale faisait ressortir un déficit de 11,5 milliards de francs, et nos placements extérieurs rapportaient 10,5 milliards de francs. On peut donc dire que le déficit commercial était couvert par nos revenus de l’étranger, et que les autres postes de la balance des comptes s’équilibraient à peu de chose près.
21La situation n’est plus la même : nous avons dû liquider une grande partie de nos avoirs publics en or et en devises et également une partie de nos avoirs privés – sans compter la défaillance d’un certain nombre de nos débiteurs étrangers qui ne font plus face à leurs obligations. Désormais, la France se trouve donc contrainte de payer ses importations au moyen de ses exportations ; la balance commerciale doit s’équilibrer si l’on veut admettre qu’un certain nombre d’autres recettes, comme celles du tourisme par exemple, compenseront d’autres dépenses, comme les dépenses de fret ou les autres règlements non commerciaux.
22Le développement économique, que nous espérons voir provoquer en France une amélioration de la production, va nous obliger à importer davantage, à acheter davantage à l’extérieur plus de matières premières, par exemple. J’ajoute encore que ces dernières années, nous avons dû contracter des dettes extérieures dont les intérêts et l’amortissement vont peser de plus en plus sur notre balance globale.
23Pour faire face à cette situation nouvelle, il faut que nos exportations, au lieu de rester comme autrefois inférieures à nos importations, dépassent nos achats.
24Il ne peut pas être sérieusement question de réduire nos importations, dont beaucoup sont incompressibles, par exemple en ce qui concerne les matières premières et le charbon. Nous pouvons peut-être réduire certains achats de denrées alimentaires et de produits manufacturés, mais dans ce cas nous serons dans l’obligation de les remplacer par des produits de notre propre travail, c’est-à-dire, encore une fois, de produire plus. Enfin, contrairement à une opinion généralement répandue, nos exportations de luxe, pour lesquelles les considérations de prix sont moins importantes, ne jouent qu’un rôle secondaire dans nos échanges extérieurs. En 1938, nos exportations de luxe ne représentaient pas plus de 10 % de la valeur totale de nos ventes. Par conséquent, nous ne pouvons pas compter sur ces seules exportations de luxe pour équilibrer notre balance, surtout dans une période où un grand nombre d’autres pays sont en proie à des difficultés comparables aux nôtres et essaient de restreindre autant qu’ils le peuvent leurs achats de produits non essentiels.
25Tout nous ramène à la nécessité de placer l’agriculture et l’industrie françaises sur une base de concurrence internationale. Nos grandes industries exportatrices (le textile et les constructions mécaniques, en particulier, mais l’agriculture aussi) doivent abaisser leurs prix de revient au niveau mondial. Pour y parvenir, à défaut de l’abaissement du niveau de vie que nous ne voulons pas admettre comme une solution, l’unique moyen consiste à augmenter la production et la productivité du travail.
26Pour résumer la question des échanges extérieurs, on peut dire qu’avant 1914, et encore dans une certaine mesure en 1938, nous étions partiellement des rentiers, parce qu’au produit de notre travail nous ajoutions, pour améliorer notre train de vie, des revenus qui provenaient de capitaux placés à l’extérieur et qui représentaient une épargne des générations précédentes. Aujourd’hui, nous ne sommes plus des rentiers, puisque nous n’avons plus de revenus : nous sommes des prolétaires, c’est-à-dire que nous ne pouvons vivre que dans la mesure où nous travaillons, que dans la mesure où nous produisons ; nous n’avons plus d’autres revenus que ceux de notre travail. Il nous faut exporter plus, et pour pouvoir affronter la concurrence internationale, réduire nos prix de revient, améliorer notre productivité, moderniser notre outillage, ce qui exige des investissements importants.
Les besoins résultant de la nécessité d’améliorer le niveau de vie et la productivité
27Les besoins dont je viens de parler – la réparation des conséquences directes de la guerre, la nécessité de faire face à une situation nouvelle pour assurer l’équilibre de la balance extérieure – se trouvent encore accrus par la recherche d’un meilleur niveau de vie ; c’est le troisième élément sur lequel je veux appeler votre attention.
28Notre niveau de vie était relativement bas avant la guerre, ainsi qu’il résulte des chiffres de Colin Clark que je vous donnais tout à l’heure. Cela résultait, en large partie, de l’insuffisance de notre outillage et de la médiocrité de notre productivité ; et puisque j’ai déjà employé à plusieurs reprises le mot de « productivité », je voudrais maintenant lui consacrer quelques développements.
29La notion de productivité a été développée récemment par M. Fourastié, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, dans deux livres que j’ai déjà cités. Voici quelques indications significatives que donne M. Fourastié.
30Les économistes se sont mis d’accord pour appeler « productivité du travail » la quantité de production obtenue en une unité de temps de travail. Si, par exemple, dans une ferme, il a fallu cent heures de travail d’homme pour obtenir 15 quintaux de blé (cent heures de travail comportant les labours, les semailles, la moisson et les battages), on dira que la productivité du travail dans cette ferme a été, cette année-là, de 15 kg de blé par heure d’ouvrier. Ainsi, en France en 1938, près de 35 millions de journées de mineurs ont été nécessaires pour extraire 45,5 millions de tonnes de charbon ; le rapprochement de ces deux chiffres permet de dire que la productivité du mineur moyen pour le fond, en 1938, a été de 831 kg par jour.
31La productivité dépend d’un grand nombre de circonstances : des conditions naturelles, des machines et des outils employés, de l’énergie mécanique utilisée et encore d’une foule d’autres éléments. Sur certains de ces éléments, comme l’organisation du travail, on peut agir très vite pour les améliorer ; sur d’autres, comme les machines employées ou la valeur technique des employés, on peut agir aussi, mais l’intervention est alors à plus longue échéance et le résultat n’est pas immédiat. Sur d’autres éléments, comme les conditions naturelles, on est à peu près sans action.
32S’il faut mille heures de travail d’homme pour produire une marchandise, on peut être assuré qu’elle ne se vendra pas durablement moins de 1 000 fois le salaire d’une heure d’ouvrier. Ainsi, la productivité et le prix de vente sont étroitement liés. Comme il faut toujours un quart d’heure pour couper les cheveux d’un homme et dix minutes pour faire la barbe, le prix du coiffeur et le prix du barbier sont restés les mêmes depuis trois cents ans, parallèles aux salaires, parce qu’il y a un lien direct entre la durée de l’opération et le résultat, et que jusqu’à maintenant on n’a pas trouvé le moyen, quels que soient la technique et le matériel employés, de couper les cheveux ou la barbe plus vite que ne le faisait le coiffeur ou le barbier d’il y a cent, deux cents ou trois cents ans. Le prix de la coupe de cheveux varie plus ou moins selon le luxe de l’échoppe du coiffeur ou du barbier, mais la variation est limitée. À peu près chez tous les coiffeurs de tous les quartiers de Paris ou de New York et chez tous les coiffeurs des souks de Damas, le prix de la coupe de cheveux varie à peu de chose près autour de la moitié du salaire horaire des ouvriers coiffeurs.
33Par contre, les accroissements de productivité entraînent des chutes considérables de prix, partout où des éléments nouveaux (matériel, machines, organisation moderne, etc.) permettent d’accroître la productivité – ce qui n’est pas le cas du coiffeur. M. Fourastié en donne un exemple significatif : Louis XIV, lorsqu’il a construit le château de Versailles, dut renoncer à choisir des glaces dépassant 45 pouces, c’est-à-dire 1,44 m, parce que chacune de ces glaces coûtait à l’époque 552 livres, et que pour une glace il fallait compter 5 000 salaires horaires de manœuvres, c’est-à-dire plus de 40 000 de nos francs. La galerie des Glaces a coûté 160 millions de nos francs actuels, et l’on comprend qu’à cette époque on ait trouvé que cette galerie était d’un luxe extraordinaire. Seulement, l’accroissement de la productivité a abaissé le prix de revient des glaces, et en 1702 on obtient des glaces de 4 m² qui se vendaient 2 750 livres, c’est-à-dire 27 500 salaires horaires. À partir de 1900, l’introduction de la technique nouvelle dite de la « table ronde » met l’armoire à glace à la portée de l’ouvrier moyen. Il y a cent ans, l’ouvrier moyen ne pouvait s’acheter une armoire à glace ; aujourd’hui, elle se vend à peu près 6 000 francs. Un manœuvre non spécialisé parmi les plus payés peut donc acquérir une telle armoire avec une soixantaine d’heures de salaire, ce qui constitue une différence sensationnelle par rapport à ce qui existait il y a cent ou deux cents ans.
34Partout, la productivité du travail a crû ; par conséquent, le pouvoir d’achat de l’ouvrier a augmenté. Et c’est le cas pour tous les produits dans lesquels la technique moderne a apporté des progrès de production considérables. L’éclairage, le chauffage, le tissu, les bas de femme, les postes de radio ont ainsi considérablement diminué de prix dans les dernières décades par rapport au travail ouvrier ; c’est ce qui a permis d’accroître le pouvoir d’achat et d’améliorer le niveau de l’existence.
35Au contraire, dans tous les domaines où la productivité reste stationnaire, le pouvoir d’achat reste le même ; quelquefois même il a décru. C’est ce qui se produit dans les secteurs de production dans lesquels des éléments techniques nouveaux n’ont pas modifié la structure de la production ; c’est le cas pour les coiffeurs que j’ai déjà cités, mais aussi dans le bâtiment (où les progrès techniques sont très lents), pour les travaux de réparation courante (qui restent chers pour les mêmes raisons), pour les vêtements à façon, le théâtre, l’enseignement ou les services domestiques. D’une façon générale, dans ces divers domaines, l’absence relative de progrès techniques maintient des prix élevés. C’est donc une haute productivité qui, seule, peut donner au peuple un salaire réel élevé ; c’est elle qui permet de réduire la durée du travail sans diminuer le pouvoir d’achat ; c’est elle enfin qui permet de lancer des fabrications nouvelles antérieurement impossibles faute de bras. Pour employer la formule de M. Fourastié, telle est la productivité du travail, tel est le niveau de vie de la Nation.
36La productivité du travail reste dans beaucoup de cas largement inférieure à ce que permet la technique moderne ; pour nourrir 40 millions d’habitants en France, il nous faut 7 millions de paysans ; pour nourrir 140 millions d’Américains, les États-Unis ont aussi 7 millions de travailleurs. Par conséquent, un agriculteur français nourrit 5,5 personnes en moyenne, tandis qu’un agriculteur américain nourrit 15 personnes en moyenne et un agriculteur néerlandais en nourrit 11 en moyenne.
37La productivité dans les cimenteries est de 0,2 tonne par heure en France, elle est de 0,5 aux États-Unis ; dans les briqueteries, les chiffres sont de 0,1 et 0,4 ; dans la sidérurgie, de 21 kg en France et 50 aux États-Unis ; dans l’industrie de l’aluminium, de 55 en France et de 140 aux États-Unis. Et, pour l’ensemble de l’industrie, Colin Clark évalue la productivité moyenne en 1938 par travailleur et par an à 922 en France, contre 3 840 aux États-Unis (c’est-à-dire 4 fois plus aux États-Unis qu’en France), 1 560 en Australie, 3 220 au Canada et 1 730 en Norvège. Vous voyez que la France, dans ce tableau des productivités, est médiocre ; c’est pourquoi la place de la France était médiocre aussi dans le tableau des niveaux d’existence que je mentionnais tout à l’heure, l’un étant évidemment la conséquence de l’autre.
38Naturellement, si l’on considère notre productivité non pas dans les secteurs où la technique moderne joue un rôle essentiel (la cimenterie, la sidérurgie, l’industrie de l’aluminium) mais dans les branches où le machinisme et l’organisation moderne du travail ne jouent pas le même rôle, il apparaît que notre productivité est comparable et parfois même supérieure à celle d’autres pays. La productivité, encore une fois, du coiffeur ou du barbier en France est comparable à celle du coiffeur de Chicago ou de New York. De même, la productivité du juge, du professeur, et même celle du commerçant, du détaillant moyen, sont parfaitement comparables en France et aux États-Unis. Par contre, notre productivité est beaucoup plus basse dans celles des industries où des éléments de machinisme et d’équipement jouent un rôle primordial.
39Je ne veux pas dire qu’il suffirait de transporter en France – à supposer qu’on puisse le faire d’un jour à l’autre – les matériels, les équipements et les installations qui existent aux États-Unis pour que la productivité soit immédiatement la même. Dans certains domaines, avec un équipement identique, la productivité serait meilleure ; dans d’autres domaines, avec les mêmes éléments, la productivité resterait inférieure, car les conditions naturelles, je le rappelle, jouent ici un grand rôle, à ne pas négliger. Vous savez que dans certaines mines américaines on exploite des gisements de charbon ou de fer à l’air libre, à la surface. Dans ces mines, la productivité peut être très supérieure à la nôtre, et cela en permanence, alors que nous sommes obligés de forer des puits quelquefois profonds, et dans des conditions extrêmement difficiles, pour nous procurer le même minerai.
40Néanmoins, dans l’ensemble, on ne peut pas contester – et c’est surtout cela que je veux vous faire comprendre maintenant – que le niveau du revenu réel, c’est-à-dire le niveau de vie des Français avant la guerre, résultait de l’insuffisance de leur outillage par rapport à certains pays comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande ou l’Angleterre dans lesquels, l’équipement étant très supérieur, la productivité et donc les niveaux d’existence étaient supérieurs aussi.
41Or, depuis 1938 – époque à laquelle ont été calculés la plupart des chiffres que je viens de rappeler –, les conséquences du conflit mondial ont encore aggravé notre situation : les destructions, les privations, le défaut d’entretien de l’outillage, la rupture des communications avec le dehors, tout cela a aggravé la faiblesse de nos rendements, tandis que ceux de certains autres pays continuaient à progresser à un rythme accru par les nécessités même du combat. Aux États-Unis, par exemple, s’est produite une véritable révolution industrielle et la productivité industrielle, qui était déjà énorme avant la guerre par rapport à la nôtre, a gagné probablement 20 % de 1939 à 1948. En même temps, dans les anciens pays neufs – ceux qu’on appelle généralement les « pays sous-développés » –, la Seconde Guerre mondiale a accéléré le processus d’industrialisation que la Première Guerre mondiale avait déjà amorcé.
42Il tombe donc sous le sens que nous devons faire un effort démesuré pour rattraper notre retard, si nous voulons élever le niveau d’existence de la population française.
43Comme je le disais tout à l’heure, la productivité est liée, au moins dans une large mesure, à l’équipement industriel ; l’essor de la productivité depuis cent ans est évidemment dû, pour la plus grande part, à l’emploi de machines et d’énergie mécanique. Le fait que la productivité soit toujours limitée par certaines conditions naturelles, invariables, le fait aussi qu’elle puisse être développée par l’utilisation rationnelle de certains moyens d’ores et déjà existants ou de certaines méthodes ne saurait faire oublier que dans un pays comme la France, l’accroissement de la productivité est essentiellement fonction de l’accroissement de l’équipement industriel utilisé ; or, cet accroissement doit aboutir à homogénéiser les moyens de production soit à l’intérieur du pays, soit même à l’intérieur de chaque entreprise.
44Il existe donc un lien très étroit entre le niveau de vie, la productivité et l’effort d’investissement organisé. Mais cela est plus vrai encore si l’on tient compte du développement démographique de la France, lequel complique le problème du niveau de vie. La France, qui était un pays de population vieillissante depuis 1942, voit progressivement remonter sa natalité ; dès lors, la population active, la population qui produit mais qui est réduite en nombre par les conséquences de la guerre, doit entretenir à la fois plus de vieillards et plus d’enfants. Pendant une vingtaine d’années, c’est-à-dire tant que les enfants nouveaux ne seront pas eux-mêmes en état de produire, notre pays aura à supporter non seulement les conséquences de son déclin démographique antérieur – qui explique le grand nombre de vieux –, mais encore les charges qu’impliquent le renversement de la tendance et la nécessité d’élever et de former une jeunesse plus nombreuse. Cette double exigence imposerait un effort démesuré, un effort écrasant de la part des producteurs, si la modernisation et l’augmentation de la productivité du travail ne venaient pas compenser la diminution relative du nombre de producteurs.
45J’ajoute – et il s’agit là, à nouveau, d’une grave considération qui milite dans le même sens – que le souci de notre sécurité renforce encore ces considérations. La guerre qui vient de s’achever laisse l’impression que le potentiel militaire d’un pays est fonction du niveau de son industrie lourde, en particulier de sa sidérurgie et de sa construction mécanique. Les exemples des États-Unis et de l’URSS mais aussi de l’Allemagne montrent que les conditions d’un équipement militaire moderne sont essentiellement l’augmentation du potentiel industriel, la modernisation de l’économie et le développement de la recherche scientifique. Sans industries fortes et prospères, il n’y a pas de sécurité, quel que soit le nombre de soldats sous les drapeaux, quel que soit le nombre de centaines de milliards que l’on consacre aux dépenses militaires. C’est en produisant plus d’acier, plus de machines-outils, plus de matériel agricole et plus d’outillage textile que nous serons en mesure, le cas échéant, de fabriquer des armes en quantité et en qualité suffisantes. Et voilà pourquoi le souci de notre sécurité vient renforcer encore les considérations que j’avais faites valoir auparavant pour justifier la nécessité d’une politique active d’investissement.
46Il n’y a donc pas de choix pour la France. Chacune de nos tâches fondamentales implique la nécessité de rénover l’appareil et les méthodes de notre économie nationale. Rattraper les retards d’avant-guerre, placer notre production sur une base de concurrence internationale, garantir la reconstruction, améliorer notre niveau de vie, assurer notre indépendance, tout nous oblige à une politique énergique et rapide d’investissement. Il n’y a, sans cela, d’autre issue que la décadence. Ce n’est donc pas une entreprise à laquelle la France puisse renoncer, et elle doit en accepter le coût et la charge, même s’ils paraissent provisoirement lourds.
L’insuffisance des ressources : l’idée de choix
47En face des besoins considérables que je viens d’énumérer, nous devons placer les ressources et les moyens disponibles. Je voudrais donc attirer votre attention maintenant sur l’insuffisance des moyens disponibles et, par voie de conséquence, sur la nécessité d’opérer un certain nombre de choix.
48L’idée du choix est une idée sur laquelle j’aurai constamment à revenir. Pour bien la mettre en valeur et préparer ainsi la prochaine leçon, il me faut définir d’abord devant vous ce que l’on appelle une situation économique de sous-emploi et une situation de plein-emploi.
49En 1935, par exemple, existaient en France des moyens de production non utilisés, ou non pleinement utilisés. Il y avait des ouvriers en chômage total ou partiel, des usines arrêtées, des machines qui ne tournaient que quelques jours par semaine et des stocks de matières premières disponibles qui n’étaient pas utilisés. Nous étions dans ce que l’on appelle une « économie de sous‑emploi ».
50Dans une situation de ce genre, une augmentation des investissements, privés ou publics, peut ranimer le mouvement économique. Elle entraîne des commandes à une industrie qui est en état de les satisfaire, puisqu’elle comportait jusque-là des éléments en chômage ; elle appelle au travail des ouvriers qui étaient inemployés ; elle crée chez les entrepreneurs et les ouvriers des revenus nouveaux – ne serait-ce que les salaires des ouvriers chômeurs, qui deviennent travailleurs rémunérés. Les revenus nouveaux, salaires et profits, développent la demande d’objets de consommation, de denrées alimentaires, etc. Il se produit par conséquent, lorsqu’une nouvelle demande d’investissement s’est manifestée, un effet d’amplification de l’initiative première ; c’est ce que l’on appelle la « théorie du multiplicateur ».
51Lorsqu’en période de sous-emploi, une demande supplémentaire se manifeste pour réaliser des investissements nouveaux, non seulement cette demande procure immédiatement un travail, et par conséquent un gonflement du revenu national, mais encore les profits et les salaires qui en résulteront provoqueront de nouvelles demandes dans d’autres domaines, et la demande primitive – ce que je viens d’appeler l’« initiative première » – produit des effets largement amplifiés ; c’est, je le répète, la théorie du multiplicateur.
52Seulement, les perspectives de la situation économique en période de sous-emploi et le climat de crise dans lequel se débat alors l’économie sont tels que les particuliers hésitent à prendre cette initiative première et à passer de nouvelles commandes d’investissement. Bien au contraire, le climat de crise incite les entrepreneurs à ne pas faire de telles commandes, et même à réduire leurs demandes antérieures. Par contre, l’État peut le faire ; l’État peut provoquer une demande nouvelle, et cela de plusieurs manières :
directement, par exemple, en engageant des programmes de grands travaux (en réalité des investissements publics) ;
indirectement, également, en provoquant des investissements privés ; par exemple, en accroissant le volume de la monnaie, l’État peut exercer une action sur le taux d’intérêt et rendre rentables des investissements privés qui, tout d’abord, ne l’étaient pas, et que les particuliers n’auraient donc pas réalisés spontanément.
53L’effet sur la vie économique est le même (puisque c’est simplement une augmentation de la demande qui est recherchée), que le réamorçage soit fourni par des investissements publics ou par des investissements privés, et que ces investissements privés soient spontanés ou qu’ils aient été encouragés et stimulés par l’État d’une manière ou d’une autre.
54Pour que ce raisonnement s’applique, il faut, je le rappelle, que le pays considéré soit en état de sous-emploi, c’est-à-dire que des moyens de production disponibles puissent être mis en œuvre sans difficulté et sans délai, en quelque sorte « à la demande ». Sinon, si le pays n’est pas en état de sous-emploi, la demande supplémentaire provoquée par les désirs nouveaux d’investissements ne pourra pas être satisfaite, au moins au début. Dès lors, la loi de l’offre et de la demande va jouer entre une demande subitement gonflée et une offre à peu près inélastique, ce qui entravera la hausse des prix et l’inflation. Aucun autre effet ne pourra se produire que la hausse des prix : la production ne pourra pas s’accroître, pas plus que le revenu national réel ; il y aura un effet de hausse des prix, provoqué par la compétition résultant de la demande nouvelle manifestée sur le marché et qui n’aura pas pu être satisfaite.
55Quelle est la situation aujourd’hui en France ? La demande de biens de consommation est très forte parce que les Français cherchent à améliorer leurs conditions de vie. La demande de biens durables, de biens d’équipement est également forte parce que la Reconstruction est en cours pour les particuliers, pour les entreprises et pour l’État. D’un autre côté, les moyens de production sont limités. Le rééquipement qui a été réalisé depuis 1945 a compensé, à peu près, le vieillissement et l’usure des années de guerre. Les moyens de production sont au travail presque au maximum de leur capacité ; le plein-emploi est presque totalement assuré.
56Certes, il existe des chômeurs (assez peu nombreux toutefois et de valeur professionnelle souvent réduite) et quelques usines travaillent au ralenti. Mais cela ne représente pas une capacité de production supplémentaire très élevée, puisque le niveau de production actuel approche du niveau le plus élevé réalisé dans le passé (en 1929). Un petit contingent de commandes supplémentaires pourrait peut-être être absorbé, mais si ce contingent de demande supplémentaire devenait considérable, il se heurterait à des impossibilités matérielles, que l’on a appelées les « goulets d’étranglement de la production ».
57On dit souvent dans le public que « c’est l’argent qui manque ». C’est une vue superficielle, et c’est une vue fausse. La vérité est que nous sommes en présence de limites physiques qui ne peuvent être franchies sans délai, sans transition. Seulement, les diverses parties prenantes du revenu national ne s’en aperçoivent pas aisément. Les constructeurs de barrages, par exemple, savent que la production du ciment est en progrès. Ils s’imaginent donc que si on leur accordait des crédits accrus, ils pourraient se procurer plus de ciment et construire plus vite leurs barrages. Les sinistrés, qui savent aussi que la production de ciment est en progrès, s’imaginent qu’avec des crédits accrus, ils pourraient se procurer plus de ciment et reconstruire plus vite leurs maisons. Les Ponts et Chaussées, les autres utilisateurs de ciment, croient tous de la même manière que, moyennant des crédits accrus, ils se procureront plus de matériaux, ouvriront plus de chantiers, exécuteront plus d’ouvrages d’art. Mais si l’on accordait à tous – aux gens des barrages, aux sinistrés, aux Ponts et Chaussées – les crédits qu’ils demandent, ils constateraient en réalité qu’il n’y a pas assez de ciment pour eux tous ; ils s’arracheraient les quantités disponibles et, du fait de la loi de l’offre et de la demande, le prix du ciment s’élèverait immédiatement et les programmes prévus ne se réaliseraient pas tous ; ils ne se réaliseraient que dans la mesure où il y a du ciment.
58Par conséquent, vous voyez qu’en économie de plein-emploi, une augmentation de la demande excédant les possibilités de production ne peut provoquer que l’augmentation des prix.
59Certes, pour que les quantités disponibles de ciment – ou, de manière plus générale, de matériaux, de moyens de transport, d’énergie – soient plus grandes, il faut procéder à des investissements. Mais ces investissements ne seront productifs qu’après un certain temps. En attendant, ces investissements ou ces commandes nouvelles d’équipement constituent une augmentation de la demande sans contrepartie immédiate ; et voilà pourquoi les pouvoirs publics doivent contenir le volume global des investissements dans des limites précises en période de plein‑emploi.
60Il n’y a qu’un moyen de permettre le développement des investissements, c’est de limiter la consommation, puisque les investissements sont égaux à l’épargne et que l’épargne représente la partie du revenu national qui n’a pas été consommée. Par conséquent, pour développer les investissements, il faut développer l’épargne, et pour développer l’épargne, il faut réduire la consommation ; on ne peut développer les investissements que si on limite la consommation.
61Au total, les pouvoirs publics sont ainsi obligés :
de limiter les investissements, et donc de choisir parmi ceux qui sont souhaitables ;
de limiter la consommation, et donc, là encore, de choisir parmi les consommations qui sont désirées par la population.
62Et cela me ramène à cette idée, qui reviendra très souvent dans la suite de ce cours : l’idée du choix.
63Une collectivité et les particuliers qui la composent, même en période normale – et à plus forte raison en période de pénurie –, ont toujours à accomplir plus de tâches qu’ils n’ont de moyens pour les réaliser. Ils doivent donc déterminer quelles tâches ils exécuteront par priorité. Les choix essentiels et primordiaux, pour l’État comme pour les particuliers, consistent d’abord à faire la part des consommations, c’est-à-dire des satisfactions immédiates, et la part des investissements, c’est-à-dire celle des satisfactions futures. Ces premières décisions prises, de nouvelles options s’imposent aussitôt. Parmi les dépenses qui n’entraînent pas une augmentation de la capacité de production, c’est-à-dire parmi les dépenses qui correspondent à une consommation de biens et services, il en est de natures très diverses : les unes commandent le bien-être immédiat de la population (nourriture, habillement, distractions, amélioration des services publics) ; d’autres, sans relever directement de la situation présente, sont destinées à assurer la protection de la population contre des risques divers (par exemple les dépenses sociales ou sanitaires, ou encore les dépenses militaires). Quant aux charges d’investissement, elles aussi exigent des choix. On peut ainsi accorder des dotations plus ou moins importantes à l’équipement ou aux installations productives, ou encore à des biens de consommation durables comme les immeubles d’habitation.
64Vous voyez qu’il y a toute une série d’arbitrages qui interviennent, toute une série de choix, et, à l’intérieur de chacune des décisions prises, toute une série de sous-répartitions nouvelles qui s’imposent.
65Chacune des réponses que l’on donnera à ces multiples questions entraînera de nombreuses conséquences, immédiates ou lointaines, dans l’ordre monétaire, économique et social.
66Ainsi, la gestion d’un pays exige à chaque instant, de la part de ceux qui en sont responsables, des décisions et des arbitrages qui constituent de véritables prises de position politiques, en donnant à ce mot son sens le plus large et le plus élevé. Ce ne sont pas uniquement des questions techniques, ce sont des questions dans lesquelles des éléments d’appréciation subjectifs interviennent ; c’est pourquoi ce sont des prises de position politiques fondamentales.
67Dans un nombre croissant de pays, ces prises de position sont décrites dans un document qu’on appelle « le Plan », document auquel se réfèrent ensuite les mesures législatives ou administratives que les pouvoirs publics prennent quotidiennement ou périodiquement. L’intérêt essentiel du Plan est de faire apparaître les priorités, les hiérarchies, les interdépendances, et de déterminer en conséquence l’ordre dans lequel les diverses parties d’un programme complexe peuvent et doivent être réalisées.
Notes de bas de page
28 Colin Grant Clark (1905-1989) est un économiste britannique qui enseigne dans différentes universités britanniques et en Australie. Il est célèbre entre autres pour ses travaux sur le produit national brut (PNB) comme base de l’étude des économies nationales et pour la proposition de classer l’économie en trois secteurs : secteur primaire, secteur secondaire et secteur tertiaire. Il est l’auteur de The National Income, 1924-1931, Londres, MacMillan, 1932.
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