Pour en finir avec une illusion protectionniste : le système corporatif à la fin de l’Ancien Régime
p. 197-217
Texte intégral
Introduction
1Il peut paraître surprenant de parler d’illusion protectionniste à propos des corporations de l’ancienne France. Il est vrai que ces forces ordonnées se maintiennent jusqu’à la fin de l’Ancien Régime avec leur droit protecteur, leurs structures, leur vie communautaire, leur rigidité hiérarchique et leur désir de maîtriser le marché. À leur pérennité s’ajoute leur attractivité puisque, peu de temps avant leur suppression, certaines professions restées hors du cadre corporatif cherchent à obtenir le statut de jurandes. Les soutiens dont elles ont bénéficié expliquent leur longévité : ceux des pouvoirs locaux et de la monarchie qui a encouragé leur diffusion pour asseoir sa politique mercantiliste.
2Toutefois, il apparaît dès l’abord que le protectionnisme corporatif présente des limites puisque les corps n’ont jamais réussi à absorber tous les travailleurs. La politique royale visant à généraliser le régime corporatif n’a connu qu’un succès très partiel, si l’on en croit la répétition des mesures. En 1767 encore, au temps des hésitations en matière de politique économique, le roi consacre un édit à imposer partout le régime des jurandes.
3D’autre part, ce protectionnisme a subi, dès le début des temps modernes, des débordements bien connus. Les premiers résultent de la diffusion des corps génératrice de conflits de mitoyenneté entre métiers et les empiétements des uns suscitent de longs et coûteux procès. Les seconds découlent de la fermeture des métiers, source d’exclusion des compagnons de la vie corporative et de frein à leur accès à la maîtrise. Le réaménagement des relations et la désolidarisation entre maîtres et compagnons sont porteurs de dangers pour les jurandes pratiquant le rejet. Or, l’individu au travail veut, au xvie siècle comme aux temps médiévaux, bénéficier du confort du groupe avec ses protections économiques et sociales. Évincé de son corps d’origine, il participe à la création de forces antagonistes et souvent concurrentes des corporations. Ainsi s’affirme le succès des compagnonnages au début des temps modernes. L’ouvrier, après ses années de formation, nourrit l’espoir d’une promotion sociale. Or, le fossé se creuse entre ce dernier et le maître. Le compagnon voit disparaître les possibilités d’ascension qui s’offraient jadis aux travailleurs compétents. Le système de passerelles et de soupapes nécessaires au bon fonctionnement du système corporatif ne fonctionne plus. Les maîtres des métiers s’exposent dès lors à une nouvelle forme de concurrence : celle des chambrelans ou faux ouvriers, une contrebande du travail qui se retrouve très tôt dans toute la France et offre de maigres compensations aux exclus du travail1. En période de crise, face à un marché restreint, les corporations se ferment davantage. Ainsi, au cours du siècle de fer à Amiens :
« Dans une société marquée par la stagnation ou la dépression économique, les groupes sociaux et professionnels contrôlaient plus sévèrement leur recrutement, les mutations, les promotions sociales se faisaient plus rares tandis que les maîtres des métiers monopolisaient la maîtrise au profit de leurs enfants2. »
4Dans ces conditions, les travailleurs sans titre voyaient leur nombre croître. Enfin, le relâchement des disciplines professionnelles jalonne toute l’histoire des communautés de métiers des temps modernes.
5Autres illustrations de l’altération de la pratique corporative, en maint endroit l’examen des candidats ne se déroule plus en concordance avec les statuts et certains maîtres cumulent plusieurs professions3.
6Mais les communautés de métiers ont-elles un jour vécu en conformité absolue avec le modèle idéal qui s’exprime dans le droit corporatif ? Il existe souvent un décalage entre la réglementation juridique et la pratique, ce qui n’empêche pas les institutions de fonctionner. Les corporations des temps modernes, même quelque peu dévoyées, imparfaites et ne recouvrant pas tout l’espace du travail, ont été une des pièces maîtresses de la politique mercantiliste de l’État monarchique. Elles ont tout simplement tenté, tout au long de leur histoire, de se démarquer de la rigidité de leur droit, ont cherché à s’adapter et ont appliqué leurs statuts avec souplesse face aux aléas du marché.
7Au xviiie siècle s’ouvre un autre pan de l’histoire corporative. Après la récession du siècle de fer, le siècle des Lumières assiste au progrès démographique et à une forte croissance en France.
« Longtemps considérée comme retardataire, elle apparaît maintenant sous un nouveau jour, celui de pays initiateur ayant forgé au xviiie siècle, à côté de l’Angleterre, l’économie, les échanges, les techniques, les institutions, les comportements démographiques et les mentalités de la modernité4. »
8Le grand commerce connaît son apogée. Dans le domaine de la production, manufactures et métiers locaux se multiplient. Dans ce monde bruissant d’activité, le système corporatif, conçu pour des relations économiques limitées, pouvait‑il résister ?
9De nombreux auteurs voient une organisation décadente au xviiie siècle. Pour eux, il est acquis que « La vision idéale d’un monde corporatif garantissant la sécurité économique de chacun de ses membres, en même temps qu’un rang dans la société, ne correspond plus guère à la réalité5. »
10Savoir si les corporations de la fin de l’Ancien Régime ne sont plus qu’une enveloppe vide et s’inscrivent dans une organisation du travail inadaptée aux besoins nouveaux de l’économie ou restent des groupements économiquement efficaces et socialement protecteurs de leurs membres ne cesse de faire débat.
11En effet, répondre à cette interrogation présente plusieurs séries de difficultés obligeant à des appréciations prudentes. Sur le plan structurel, les communautés de métiers sont à l’image de l’ancienne France : elles offrent une grande diversité d’une région à l’autre et au sein d’une même ville. Il y a là un écueil certain pour qui veut dessiner des vues d’ensemble. Sur le plan juridique, le statut de certains métiers a subi des variations liées à la ténacité de ceux qui parviennent à arracher les privilèges de la jurande et surtout aux politiques économiques mercantilistes ou libérales. La principale difficulté tient au contenu de la recherche historique. Le sujet a fait l’objet d’une multitude d’études pendant des décennies, si bien qu’il a pu paraître épuisé. Ces travaux, souvent anciens, brossent des monographies corporatives sans replacer les communautés de métiers dans l’espace urbain et ne permettent pas de savoir quelle fut leur place véritable dans l’économie locale. En 1941, Émile Coornaert écrit qu’on ne peut espérer pour un avenir prochain la mise en place d’une vaste enquête sur les corporations6. Plus tard, Pierre Goubert7, puis Roland Mousnier8 notent que les différents états de travailleurs manuels des villes restent mal connus. Surtout, des préoccupations idéologiques sous-tendent une partie de la recherche. Les chrétiens sociaux et les leplaysiens du xixe siècle magnifient le passé corporatif9 ; jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les doctrines traditionalistes et antilibérales ont cherché à ressusciter sous une forme nouvelle les vieilles corporations. Toutes ces études engagées véhiculent l’idée d’une très large occupation de l’espace économique par les corps de métiers, une impression qu’entretenaient déjà les théoriciens de l’Ancien Régime : les uns mercantilistes, dans leur souci d’avoir une production réglée, les évoquaient largement ; les autres libéraux, voyant en elles un des principaux symboles du protectionnisme de l’ancienne France, passaient leur temps à les pourfendre.
12Toutefois, depuis quelques décennies, il existe un renouvellement du discours sur les corporations ; il s’exprime à travers des monographies de ville10 ou du travail urbain11, d’histoire du travail ou de droit du travail12 ou de réflexions sur le système corporatif13. Ces travaux permettent de relancer le débat sur l’ampleur de la place et du déclin des corporations à la fin de l’Ancien Régime. Révélateurs de l’ampleur du phénomène corporatif, ils montrent qu’au-delà des abus et des formes de déclin des siècles précédents, le protectionnisme corporatif devient de plus en plus illusoire à partir des années 1740 pour trois séries de raisons. D’une part, si les communautés sont en effet pérennes, l’esprit corporatif contaminé par l’argent provoque des béances dans le protectionnisme des jurandes. D’autre part, le système corporatif, autrefois garanti, se trouve de plus en plus privé de soutiens efficaces. Enfin, l’occupation très large de l’espace par les corporations est totalement illusoire, parce que ces petites communautés sont en réalité noyées dans une activité économique de plus en plus importante en dehors de leurs cadres.
I. L’esprit corporatif contaminé par l’argent
13Un protectionnisme corporatif efficace nécessite de la part de tous l’acceptation des contraintes statutaires et un front uni. Or, au milieu du xviiie siècle, la tendance à la fermeture et au monopole subit des ébranlements du fait de la place prise par l’argent. Une double menace pèse dès lors sur les communautés de métiers.
A. La relativité du blocage corporatif face à l’endettement des corporations
14Une des idées les plus répandues à propos du système corporatif, rappelée dans les pages précédentes, concerne la fermeture des métiers, c’est-à-dire la prétention que les maîtres affichent de recruter leurs successeurs dans leur propre milieu social14. Le népotisme ne peut être nié ; il s’exprime, on l’a vu, dès la fin du Moyen Âge et obéit à une tendance naturelle : formé sous les yeux de son père, le fils bénéficie d’un accueil bienveillant dans la communauté paternelle qui lui épargne, en tout ou en partie, les onéreuses formalités du chef-d’œuvre. Il est assuré d’une future installation. Pourquoi prendre le risque d’un changement ? Cette tendance connaît d’ailleurs une traduction juridique puisque les statuts des temps modernes l’expriment unanimement. La question se pose de savoir si, en pratique, les différences de traitement entre fils de maîtres et étrangers subsistent au xviiie siècle. L’idée prévaut dans de nombreuses études générales qui montrent que les jurandes, après avoir été facteur de promotion pendant des siècles, sont devenues des castes héréditaires15. L’étude de telle ou telle corporation en offre l’illustration. En 1752, les cordiers bordelais avouent que, de mémoire d’homme, personne d’autre que les fils de maîtres n’avait été reçu dans ce métier ; les papetiers constituaient eux-mêmes des dynasties16.
15Mais de nombreuses études globales, monographies urbaines ou corporatives, brossent une réalité différente pour la fin de l’Ancien Régime, illustrant ce propos de François Olivier‑Martin :
« Nulle part les fils de maîtres n’ont exclu les anciens apprentis et compagnons et, s’il est difficile de dresser des statistiques, on a l’impression qu’une part assez large a été faite jusqu’à la fin aux hommes nouveaux17. »
16Ainsi, à Rouen, les registres de maîtrise révèlent qu’une forte proportion d’inscrits ne sont pas des héritiers. La répartition des réceptions à la maîtrise, selon les origines, montre qu’au xviie siècle déjà, sur cent maîtres reçus, quarante-six sont de nouveaux venus et au xviiie siècle, quarante et un, le problème restant de savoir où ces étrangers au métier avaient acquis l’argent nécessaire et l’expérience qui leur permettaient de se glisser dans une corporation18. Il en était de même à Caen :
« Contrairement à ce qu’on avance parfois sans preuve, les corporations n’avaient jamais constitué un instrument de transmission héréditaire du pouvoir économique bien efficace. »
17Dans son étude, Jean-Claude Perrot dresse un tableau figurant la part des fils de maîtres dans chaque branche et chaque décennie de 1730 à 1789 et dégage des moyennes. En relevant les neuf principaux secteurs d’activité, il souligne que dans six d’entre eux (alimentation, négoce, conditionnement, papier, vêtement et métaux), la part des fils de maîtres oscille entre 30 et 46 % et se situe autour de 55 % dans les trois derniers secteurs (cuir, bois et textile). Il apparaît aussi que la tendance à l’ouverture croît à partir de 177019. Une remarque analogue vaut pour la Bretagne : « À quelques exceptions près, les communautés de métier sont restées en Bretagne, ouvertes à un recrutement extérieur et ne se sont pas transformées en bastions privilégiés20. » Jean-Jacques Letrait, étudiant la communauté des maçons de Paris, constate la faible proportion des fils de maîtres reçus à la maîtrise21. À Bordeaux, sur 144 cordonniers reçus entre 1767 et 1782, 31 seulement figurent en qualité de fils ou gendres de maîtres ; on retrouve la même proportion du quart chez les tailleurs : sur 250 réceptions entre 1757 et 1783, 44 apparaissent comme gendres et 16 comme fils de maîtres22. Ce phénomène d’ouverture des métiers est donc bien réel et semble s’accentuer à la fin de l’Ancien Régime.
18Jean-Claude Perrot remarque que le blocage se manifeste surtout dans les métiers à routine tels ceux du textile. En revanche, l’ouverture se fait dans les secteurs actifs : alimentation, négoce, vêtement, métaux ou encore dans les métiers faibles numériquement, peu aptes à se défendre contre la pression extérieure (cartiers, papetiers ou imprimeurs)23. Toutefois, à Bordeaux, l’examen du tableau des imprimeurs libraires, en exercice en 1762, révèle que trois familles détiennent le métier et fournissent douze maîtres sur vingt-deux : cinq chez les frères Labottière, trois chez Simon de La Court et quatre chez les frères Chappuis24. En revanche, selon René Passet, les cartiers pratiquaient un recrutement ouvert à tous25. Ces exemples démontrent qu’il ne faut pas exagérer l’importance du népotisme corporatif. Les métiers ne sont pas aussi fermés aux étrangers, contrairement au préjugé couramment reçu, en tout cas à la fin de l’Ancien Régime. Les compartimentages corporatifs n’empêchent pas le monde artisanal de fonctionner comme ascenseur social.
19L’habileté professionnelle reste-t-elle un critère de sélection ? Légende là encore. D’une part, les corporations admettent toutes de recevoir des maîtres « sans qualité », c’est-à-dire sans examen : les fils et gendres de maîtres ou encore les détenteurs de lettres de maîtrise achetées au roi. D’autre part, dans certains métiers, le chef-d’œuvre ne semble pas représenter un exercice d’une grande complexité ; il s’inscrit plutôt dans la banalité des gestes quotidiens comme tailler une semelle pour un cordonnier, couper un habit pour un tailleur ou encore monter une serrure pour un serrurier26. Si le droit corporatif n’apparaît pas toujours comme le verrou archaïque souvent décrit, la pratique révèle aussi que le chef-d’œuvre est de moins en moins une épreuve discriminatoire inique. Confrontées à de graves difficultés financières, à cause des exigences fiscales et de leurs procès coûteux, les jurandes, pour trouver des ressources, ne respectent plus les dispositions statutaires ; contre le versement de quelques centaines de livres, telle communauté accepte de simplifier voire de supprimer l’épreuve. Parfois même, on pénalise ceux qui veulent réaliser un chef-d’œuvre en faisant obstacle à leur réception. On en vient à préférer des aspirants argentés à des postulants compétents. D’aucuns se justifient, pour expliquer la simplification de l’épreuve, en invoquant le peu de capacité de la jeune génération qui ne peut plus effectuer les exercices compliqués de ses prédécesseurs : on est bien obligé d’admettre des chefs-d’œuvre simplifiés, imparfaits ou encore des dispenses d’épreuve contre de l’argent, rachat dont le montant s’ajoute aux frais de réception eux aussi alourdis27.
20Les corporations s’étaient fermées au xvie siècle. Nombre d’entre elles s’ouvrent au xviiie siècle du fait de leurs difficultés financières, sans qu’il soit possible de généraliser le phénomène ou de mesurer son ampleur. Néanmoins, il est patent que la sélection se fait de moins en moins par l’habileté professionnelle, comme elle se réalise beaucoup moins par le népotisme, parce qu’il existe une opposition entre l’esprit familial et l’esprit de corps : favoriser les siens diminue les ressources corporatives à une époque où l’endettement est devenu insupportable. Reste une sélection par l’argent, comme réponse à cet endettement. Mais, de plus en plus fréquemment, de nombreux métiers offrent des places aux étrangers disposant de finances suffisantes.
B. Une déontologie corporative dévoyée par la recherche de l’autonomie personnelle et du profit
21Le système corporatif, dans sa conception première formulée dans les nombreux statuts, astreignait ses membres à une discipline rigoureuse. Elle imposait un égalitarisme strict qui protégeait efficacement contre les entreprises éventuelles des plus actifs, sur un marché urbain réduit. Mais dans quelle mesure les hommes du xviiie siècle acceptent-ils la rigidité de textes juridiques rédigés, pour la plupart, au début des temps modernes et véhiculant les vieilles conceptions médiévales du travail ?
22Face aux transformations sociales et économiques du siècle des Lumières, « les maîtres sont loin de présenter un front uni. Les plus dynamiques, impatients de mener une aventure individuelle, rejettent les contraintes statutaires28. »
23Dans les communautés dévoyées par l’argent, deux types de comportements allant à l’encontre des statuts peuvent être décelés.
24En premier lieu, certains maîtres ambitionnent de devenir rentiers. Il arrive fréquemment que des postulants cherchent à se faire incorporer non pour travailler du métier, mais pour monnayer leurs lettres de maîtrise en les louant à des particuliers dont la capacité professionnelle n’a pas été reconnue. Il s’agit d’une grave atteinte à la réglementation corporative qui subordonne la possibilité d’exercer le métier à l’existence de conditions morales, professionnelles et financières. La pratique des prête-noms apparaît comme un procédé ancien répandu dans plusieurs métiers parisiens, les limonadiers et les maçons notamment. Au milieu du xviiie siècle, il contamine l’ensemble du commerce et de l’artisanat parisien ; le nombre des ouvriers sans qualité aurait, par ce biais, excédé celui des marchands ou maîtres29. Une habitude semblable existe chez les hôteliers bordelais30. Face à une concurrence préjudiciable à la profession, la communauté réagit en élaborant un règlement strict sur les conditions d’exercice du métier. Mesure vaine, puisque de nouveaux abus surgissent postérieurement31.
25En second lieu, d’autres maîtres abandonnent leurs routines pour devenir de véritables entrepreneurs ambitieux développant outrageusement leur affaire au détriment de ceux qui restent de petits boutiquiers. Les plus entreprenants, désireux de donner de l’essor à leur activité, ne respectent pas l’unité d’atelier. D’autres refusent de partager le travail avec leurs confrères. Des conflits s’élèvent aussi à propos du partage de la matière première32. La recherche du profit éloigne certains maîtres de l’activité de production ; ils se spécialisent dans des tâches principalement marchandes. Le clivage se rencontre notamment chez les tailleurs bordelais. Dans ce métier, les marchands, très minoritaires, membres les plus riches et les plus influents de la communauté, font concurrence sur le marché des étoffes aux fortunés drapiers33. La grande fabrique lyonnaise offre le modèle connu de l’opposition entre les marchands et les maîtres, très nette dès la fin du xviie siècle34. Souvent aussi, d’anciens artisans deviennent de riches intermédiaires entre producteurs de matières premières et utilisateurs artisans. Il en va ainsi chez les architectes maçons. Au xviiie siècle, les réussites marchandes liées à l’essor du commerce atlantique et continental permettent aux grandes villes portuaires de se doter de splendeurs urbanistiques. Les carrières de pierre environnantes développent alors très fortement leur activité ; la prospérité de l’industrie du bâtiment voit se former tout un réseau d’intermédiaires entre les carriers et les maçons35. D’autres maîtres passent des ententes avec des marchands et commissionnaires pour tirer des profits, au détriment du consommateur. Les revendeurs vont acheter le bétail dans les campagnes éloignées pour dissimuler le prix effectif des viandes à la police de la ville afin d’accroître leur bénéfice. Ils viennent en ville, de préférence en période de disette, pour proposer leur marchandise à des prix excessifs. Ces immixtions d’intermédiaires, qui se rémunèrent largement et spéculent, ont des incidences non seulement sur les prix mais aussi la qualité des produits36. La soif du gain revêt donc de nombreuses expressions dans les communautés de métiers. Si les maîtres restent attachés à leurs privilèges jusqu’au bout, les plus entreprenants, dans cette société affairiste, n’hésitent pas à faire fi de la déontologie corporative37. Reste la masse des petits, modestes travailleurs des groupements ankylosés d’autrefois. Émile Coornaert se demande si, dans ce monde bruissant d’activités qui voit le développement des manufactures et des sociétés qu’encourage l’État, la corporation « ne devient pas une marque d’infériorité sociale38 ». La recherche du profit, même seulement chez quelques-uns parmi les plus dynamiques, produit des perturbations en chaîne sur la vie communautaire : manque d’intérêt pour les charges administratives du métier, absences nombreuses aux assemblées, déclin de la vie communautaire et des solidarités ou encore désordres en matière de gestion.
26Sans doute le tableau ne peut-il être forcé. Mais tous ces comportements individuels, de plus en plus nombreux, minent l’esprit de corps, relativisent la fermeture des métiers et exacerbent les concurrences entre maîtres d’une même communauté.
27Quand l’esprit de corps se manifeste, c’est trop souvent pour s’exprimer dans des procès ruineux avec les métiers voisins qui ajoutent à l’endettement des corporations.
28Le système corporatif, pour assurer le monopole de ses membres, devait bénéficier de protections. Qu’en est-il à la fin de l’Ancien Régime ?
II. La corporation privée de protecteurs efficaces
29Pour des raisons variées, les défenseurs traditionnels des corporations les protègent mal, surtout après Colbert, alors que se dessinent les contours d’une politique économique visant à abattre les barrières protectionnistes.
A. La fragilité des soutiens traditionnels des corporations
30Les corporations ont bénéficié de solides soutiens pendant des siècles : ceux des autorités locales, corps de ville et parlements notamment et celui du roi. Les premières considèrent le système corporatif comme un modèle idéal qui a fait ses preuves. La police des métiers appartient, pour l’essentiel, aux magistrats municipaux. Ces derniers créent le droit des communautés de métiers en accordant des statuts à certains métiers ou, plus globalement, en assujettissant les corporations aux règlements de police ; ils exercent sur elles un contrôle constant de type administratif ainsi que leur pouvoir juridictionnel. Chargés de l’ordre public, ils sont depuis l’origine les meilleurs garants du bon fonctionnement des corps de métiers. Le Parlement, de son côté, accomplit une œuvre créatrice essentielle du droit corporatif en tant que juge d’appel des décisions des magistrats urbains, aussi par ses arrêts de règlement en matière d’organisation du travail et enfin par l’enregistrement des lois du roi concernant les métiers.
31Mais, à la fin de l’Ancien Régime, ces autorités, par leurs conceptions et leurs actions, exacerbent le caractère désuet du système corporatif.
32D’une part, corps de ville et Parlement sont porteurs, comme les jurandes, de monopoles et de privilèges. Le plus souvent, ils refusent les évolutions et soutiennent les corporations dans leur rigidité, car saper un seul de ces privilèges, c’était les ébranler tous et bouleverser l’ordre établi. D’autre part, pour les autorités locales, les corporations représentent un modèle idéal d’organisation du travail. Elles sont le symbole le plus ancien de la politique économique de la France jusque dans les années 1750 : protectionniste et mercantiliste. Les magistrats urbains, attachés aux réglementations, estiment que la libre concurrence provoque la cherté des denrées. Enfin, les corporations servent fréquemment de vecteurs aux institutions publiques dans le cadre de leurs relations conflictuelles. Les parlements soutiennent les corporations dans la possession de leurs privilèges, par esprit d’opposition à la politique royale sensible aux idées réformatrices. Ils manifestent généralement leur fidélité à la tradition et à la réglementation39.
33Bien des arrêts des parlements porteurs de ce protectionnisme corporatif sont cassés par le Conseil d’État dans les dernières décennies de l’Ancien Régime. L’opposition des parlements à la politique libérale s’exacerbe en 1776, entre réticence et refus, et contribuera à l’échec de Turgot. Cette victoire, de courte durée, des forces du passé, attachées à l’ancien état de choses, aura bientôt les plus graves conséquences. Les corps privilégiés, soutenus les uns par les autres, n’ont pas compris la nécessité des réformes. Après le rétablissement des corporations en 1776, le conflit avec le pouvoir central ne fait que s’intensifier. Le Conseil délivre des centaines de brevets, c’est-à-dire des permis de travailler, aux particuliers qui en font la demande. Le Parlement se montre hostile aux brevetés, autorise la police corporative à procéder à des saisies chez ces derniers, rappelle les règles relatives à l’accès à la maîtrise et à l’exécution du chef-d’œuvre, casse des dizaines d’arrêts du Conseil… Face à une résistance aussi vive, l’intendant de Guyenne avoue son impuissance : « J’ai fait tout ce que je pouvais en rendant compte au Conseil de la position de tous les malheureux brevetés des différentes professions40… » La tutelle encombrante de l’intendant porte ombrage aux magistrats municipaux de nombreuses villes. Le dossier des corporations sert fréquemment de prétexte à l’opposition la plus radicale. Le commissaire départi, de son côté, s’oppose parfois aux droits seigneuriaux des représentants urbains comme au protectionnisme corporatif. Lorsqu’en 1763, le pouvoir central veut simplifier et réformer l’organisation du travail en réunissant les métiers voisins, il se heurte aux autorités locales qui veulent conserver l’organisation corporative du travail dans ses formes les plus traditionnelles. Naturellement, ils manifestent, de façon constante, les plus vives réticences à l’égard des brevetés, autant que le Parlement.
34Quant au roi, s’il a le plus souvent assuré les corporations de sa protection et encouragé leur diffusion, avant que sa politique ne devienne très fluctuante à partir de 1750, il a de tout temps entrouvert les portes des communautés, pour des raisons fiscales, et ce de façon accrue au xviiie siècle, par la création des fameuses lettres de maîtrise ; elles permettaient à des étrangers argentés n’ayant pas fait la preuve de leur capacité d’entrer dans le métier ou d’obtenir des offices d’inspecteurs, de contrôleurs des maîtres et de gardes des corps de métiers. La politique royale paraît incohérente par la prise de mesures contradictoires : tentative de réduction des dettes des corporations d’un côté, mais création d’offices de l’autre avec autorisation de rachat par les corps de métiers ; en 1757, engagement royal de recourir moins fréquemment qu’auparavant à la vente de maîtrises, mais, en 1763, création d’une multitude de brevets de maîtrise ; la même année, échec des demandes de métiers libres cherchant à être érigés en jurandes alors que, reprenant les anciens édits, le roi enjoint à tous les marchands et artisans libres de se regrouper en communautés. La volonté de réforme ne tient pas face aux énormes besoins d’argent de la royauté. Cette politique produit des conséquences économiques et sociales préjudiciables aux corporations : endettement accru par le rachat des offices, monopole atteint par l’arrivée d’acquéreurs de lettres de maîtrise entrant dans les rangs des corporations sans frais de réception, chef-d’œuvre et formation professionnelle.
35À côté des autorités locales crispées sur leurs privilèges, qui ont du mal à justifier le monopole corporatif tandis que le roi menace le protectionnisme des communautés de métiers, se dresse la politique libérale qui veut abattre les barrières et prolonge la pensée des philosophes et des physiocrates.
B. L’efficacité des détracteurs des corporations
36Si les corporations sont minées de l’intérieur et rendent leur protection illusoire, elles réaffirment sans cesse leur monopole et rappellent leurs statuts. C’est pourquoi de nombreux ouvriers veulent sortir du salariat et cherchent à accéder à la maîtrise tandis que des métiers, restés en dehors du système corporatif, manifestent leur désir d’être érigés en jurandes.
37Or, à partir de 1750, les créations de corporations deviennent rarissimes du fait du rejet des demandes. Le Bureau du commerce estime généralement que les règlements nuisent au progrès, que les jurandes sont des privilèges lucratifs accordés à un petit nombre de personnes au préjudice de tous leurs concitoyens. Les tendances libérales du conseil ou Bureau du commerce triomphent à partir de 1751, sous l’impulsion de Vincent de Gournay et Daniel-Charles Trudaine.
38Quant aux chambres de commerce, deux tendances ont pu les diviser. La première, mercantiliste, fidèle à la politique de Colbert, s’exprime dans les régions textiles ; elles réclament une forte protection contre la concurrence du marché anglais qui bénéficie d’une technologie avancée. Il faudrait étudier la vision que les chambres de commerce de ces régions ont pu avoir du système corporatif. En revanche, nombre de chambres de commerce des régions de vin et de commerce affichent des tendances libérales. Pour la chambre de commerce de Bordeaux, les jurandes ne peuvent qu’entraver le commerce. D’ailleurs, elle s’élève contre toutes les formes de monopole et les privilèges exclusifs41.
39De nombreux intendants, sensibles au discours véhiculé par les livres et les salons, considèrent l’organisation corporative comme anachronique dans l’État moderne et adoptent les idées réformatrices. L’intendant Boutin, en poste en Guyenne à partir de 1760, illustre bien cette orientation. Il estime « qu’il ne peut y avoir que de l’inconvénient à ériger un corps de communauté d’artisans ou de petits marchands qui sollicitent des statuts dans la vue de s’attribuer l’exercice exclusif de leurs professions ou d’en rendre l’accès très difficile et très dispendieux pour les jeunes gens qui aspireraient à être reçus parmi eux » et ajoute que « le rétablissement de la liberté dans l’exercice des professions purement mécaniques, ne peut que contribuer à l’utilité publique42 ».
40Cependant, on a vu que la politique royale à l’égard des corporations a pu varier dans les dernières décennies de l’Ancien Régime ; les métiers se trouvent ballottés entre réglementation et liberté. À peu de temps d’intervalle des décisions interviennent qui, pour les unes, autorisent l’accès libre aux métiers et, pour d’autres, rétablissent l’ancien système. Au-delà des préoccupations fiscales évoquées plus haut, les mesures souvent contradictoires expriment une autre réalité de la fin de l’Ancien Régime. Elles ne traduisent pas l’action incohérente d’un régime aux abois ; elles illustrent plutôt le choc entre les conceptions du passé et celles de l’avenir. C’est ainsi que la monarchie, tout en préservant le système corporatif, a pu prendre des mesures nationales préjudiciables au protectionnisme des communautés de métiers : un édit de 1762 autorise les habitants des campagnes à fabriquer des étoffes au détriment des corporations urbaines. Sur le plan international, le traité d’Éden-Rayneval de 1786, qui a ébranlé de larges pans de l’industrie française, et notamment le textile, a touché aussi certaines corporations, provoquant ainsi la ruine de communautés de chaudronniers, de tanneurs…
41Mis en danger par les siens, condamné par les libéraux, victime des hésitations royales, le système corporatif n’occupe qu’un espace restreint du monde du travail et subit la concurrence de plus en plus intense des exclus.
III. La corporation face à la foule des exclus
42Il est connu que l’emprise des corporations sur l’activité marchande et artisanale n’a jamais été totale. Par ailleurs, nombre de travailleurs d’horizons variés violent la réglementation statutaire en se livrant à des tâches préjudiciables au métier organisé.
A. Le secteur parallèle non corporatif
43La diffusion du modèle corporatif est restée très incomplète malgré les encouragements de la monarchie. Beaucoup de travail authentiquement libre demeure en dehors des cadres corporatifs. L’encadrement corporatif n’a pas « l’universalité que lui prêtent les théoriciens ».
« Bien des individus échappent à cette ordonnance, si belle dans les écrits des penseurs ; les marginaux évidemment, mais aussi les hommes de peine et les domestiques, auxquels il faut joindre les professions sans statut, en bref, sinon la majorité, du moins une bonne part de la production urbaine. En conséquence, le système ne fonctionne pleinement que dans le monde artisanal et pour une partie de celui-ci, il s’édulcore au sommet et à la base où souvent il disparaît. Il y a là un paradoxe curieux, au regard des aspirations unanimes vers ce type d’intégration sociale43. »
44Les métiers concernés se contentent d’obéir aux règlements urbains et nul statut ne vient limiter l’initiative individuelle et la concurrence44. Ils se différencient donc des métiers jurés ou réglés, tous détenteurs de statuts : les premiers sont revêtus de lettres patentes du roi, les seconds seulement homologués par les autorités locales. Les membres des professions libres échappent donc aux règles ordinaires du système corporatif : ils ignorent les conditions rigoureuses d’accès à la profession, méconnaissent la vie communautaire, ne possèdent pas de boîte commune et sont démunis de toute personnalité morale. Sur le plan technique, nulle prescription relative à la fabrication, à la marque des ouvrages et à la visite des boutiques et ateliers ne vient entraver la liberté. Ces métiers, soustraits au carcan corporatif et astreints aux seuls règlements de police municipale, peuvent s’exercer moyennant délivrance d’une autorisation préalable d’ouvrir boutique et respect des règlements municipaux variables selon les professions ; mais ces prescriptions n’organisent jamais le monopole du métier, à l’exercice duquel quiconque peut s’adonner.
45Si, du xvie au xviiie siècle, le champ du travail libre s’est rétréci au bénéfice du système corporatif, il apparaît néanmoins que la législation royale visant à généraliser les jurandes, à travers ses nombreux édits de 1581, 1597 et 1673, s’est soldée par un demi-échec. Une ordonnance de 1767 montre que les métiers libres n’ont pas disparu et que le roi se résigne à la variété des régimes. En 1691, à force d’injonctions royales, Paris possède 129 corporations pour quelques centaines de métiers. À la même époque, Poitiers a 30 métiers libres pour 35 corporations ; au xviiie siècle existent 35 professions libres pour 14 jurées à Châtellerault, soit 700 petits patrons indépendants pour 324 maîtres jurés, 27 libres et 42 jurés à Chartres, 31 libres et 37 jurés à Blois, 30 libres et 12 jurés à Vendôme45. Pour l’ensemble de l’Aquitaine, Bordeaux est la seule ville possédant un nombre significatif de corporations : 50 contre 37 métiers libres. Les effectifs des communautés représentent 1 840 individus environ, alors que les petits patrons libres jusqu’au moindre boutiquier étaient peut-être plus de 4 000, si l’on en croit l’annuaire des arts et métiers dressé en 1784 pour cette cité46. Dans les petites villes d’Aquitaine, l’exercice des métiers reste le plus souvent libre. S’il existe quelques corporations à Agen, elles restent à l’état d’exceptions ailleurs : Bazas, Blaye, Casteljaloux, Condom, Libourne, Nérac, Périgueux et Sarlat. L’histoire du travail dans ces villes moyennes demeure d’ailleurs presque totalement méconnue. Le xviiie siècle n’offre guère un terrain favorable au développement des communautés de métiers. Avec leurs habitudes routinières, elles apparaissent comme inadaptées aux conditions nouvelles de l’économie.
46Pour François Olivier-Martin, constituent le secteur libre les activités du commerce de gros, de la banque et du change, et souvent aussi l’industrie des transports47. Ce constat s’applique parfaitement au grand port européen qu’est Bordeaux au xviiie siècle. D’autres métiers essentiels à cette métropole commerçante et région viticole n’obtiendront jamais le statut de jurandes : constructeurs de navires ou tonneliers. À l’autre bout, d’humbles boutiquiers ne peuvent prétendre à bénéficier du statut des jurandes par leur faible nombre et le petit revenu de leur travail qui ne leur permet pas de supporter les charges du métier juré. Ils sont horlogers, lunetiers, passementiers, fabricants de peignes, faiseurs de tamis, faiseurs de surplis, poseurs de sonnettes…
47Dans les villes de commerce, les négociants freinent la constitution de communautés de métiers dans les secteurs de l’activité qui leur sont utiles et se subordonnent les ouvriers restés en dehors du circuit corporatif auxquels ils fournissent travail et salaire : bouviers, charretiers, conducteurs de traîneaux, rouliers, portefaix connaissent une telle dépendance. La place des communautés de métiers doit donc être relativisée et les nombreux métiers libres, par leur seule existence, contribueront à l’effondrement du système corporatif48.
48À côté de ce monde de travailleurs libres, parallèle à celui des marchands et artisans des corporations, il en existe un autre formé d’éléments composites dont l’activité porte de graves atteintes au protectionnisme corporatif en faisant subir une concurrence effrénée aux communautés de métiers.
B. Le secteur concurrentiel
49Les premiers assauts viennent du capitalisme marchand et manufacturier. D’abord, certaines corporations se trouvent placées en situation de dépendance. Les industries concentrées et libres imposent des innovations techniques à des corps attachés à une production traditionnelle et opposés aux inventeurs. Producteurs et négociants des grandes villes ne s’accommodent plus guère de cette organisation qui repose sur des traditions médiévales. De gros négociants satellisent les petits producteurs des communautés du textile, de la clouterie, de la ferronnerie auxquels ces maîtres d’œuvre fournissent la matière première ; ces derniers récupèrent l’objet fabriqué dont ils se réservent la diffusion.
« Cette division sociale et technique des tâches met à mal l’antique hiérarchie corporative : subordonné au marchand qui lui impose ses conditions, le maître artisan devient un simple salarié, dont l’unique avantage est de faire travailler, à son tour, quelques ouvriers salariés comme lui : cette mainmise du négoce sur une multitude de petits producteurs est devenue, au xviiie siècle, un phénomène à peu près général en France comme en Europe : c’est le domestic system anglais, le Verlagssystem allemand49. »
50Enfin, le capitalisme commercial fait subir aux communautés de métiers une âpre concurrence. Les campagnes lui offrent une main-d’œuvre abondante et docile. Il ôte aussi des marchés aux corporations. En 1782, pour des raisons de coût, les marchands de fer de Bordeaux font venir les clous de construction de l’étranger, au grand désarroi du corps des cloutiers de la ville50.
51Une concurrence plus traditionnelle, émiettée et secrète, provient de ces travailleurs clandestins, les chambrelans, dont le nombre ne cesse de croître avec l’augmentation de la population urbaine et la difficulté de trouver du travail. Ces ouvriers sans état apparaissent comme des concurrents directs des communautés de métiers qui n’ont pas voulu ou pas pu, faute de capacité ou de moyens financiers, accéder à la maîtrise. Individus isolés, ils ne sauraient théoriquement exister en dehors de la taxinomie des métiers ; c’est pourquoi ils exercent leur activité en des lieux cachés car ils apparaissent comme fauteurs de troubles de l’agencement corporatif51. Les mémoires et confirmations de statuts du xviiie siècle révèlent l’omniprésence de ces ouvriers sans statuts. Notamment, l’enquête de 1762 sur les arts et métiers contient un véritable concert de lamentations des maîtres dont bon nombre se disent victimes de la concurrence des faux ouvriers. À Bordeaux, les métiers du bâtiment, agents de l’essor de la ville, ont tous une forme communautaire. Or, les États de 1762 montrent que les maîtres ne détiennent qu’une faible partie des chantiers : 141 non-maîtres travaillent à côté des 27 architectes jurés et les 27 charpentiers supportent la concurrence de 156 non-maîtres52. À Lyon, si les corporations appartiennent toujours au paysage urbain du xviiie siècle, « un nombre de plus en plus grand d’hommes vit en dehors des communautés, dont ils refusent de reconnaître les règles et l’autorité53 ». Contre leur concurrence, il n’existe guère de parade, d’autant que la clientèle urbaine se tourne volontiers vers ces ouvriers sans titre offrant à bas prix le produit de leurs fabrications. Cette concurrence accapare une partie de l’activité des corporations et provoque une baisse des prix ; pour tenter d’y remédier, les communautés de métiers se ruinent en procès coûteux et véhiculent le vieux slogan médiéval : elles sont les seules garantes du travail bien fait. Perçue comme socialement illicite, l’activité des chambrelans jette le trouble dans cette société de corps. La police des métiers les traque impitoyablement, soutenue par le corps de ville, le Parlement ou quelques arrêts du Conseil. Mais les faux ouvriers, porteurs inconscients de l’idéologie libérale, catalysent les combats du siècle entre prohibition et liberté. À côté du défi lancé aux communautés de métiers, il est un autre type de provocation de la part des chambrelans qui « mettent en question la légitimité du monopole moral et juridique des métiers sur le travail et leur droit à le diviser, à le hiérarchiser, à le réglementer […] Cette provocation est la plus insidieuse, car ce n’est pas une attaque frontale : c’est une guérilla, une guerre d’usure. Tout comme s’ils avaient lu les textes des économistes libéraux, les “faux ouvriers” ont, par-dessus tout, confiance dans la lente mais inexorable progression de l’économie de marché pour saper les catégories et les limites des métiers54. »
52En réalité, l’action conjuguée des corporations et des pouvoirs publics contre le travail sauvage n’entrave en rien la prolifération des faux ouvriers. Les corporations se trouvent désarmées contre les clandestins que l’opinion soutient et que le courant d’idées conforte. Fréquemment d’ailleurs, des maîtres, guidés par leur propre intérêt, trahissent la déontologie corporative en faisant travailler secrètement des chambrelans pour leur propre compte et participent ainsi à la ruine de leurs confrères privés d’ouvrages. Plus encore, des communautés tolèrent le travail en chambre, moyennant le versement d’un droit annuel à la corporation. Parfois aussi, elles passent des pactes amiables avec les fraudeurs pour éviter des procès coûteux55. Autant d’impuissances et de comportements révélateurs du peu d’étanchéité des barrières corporatives que malmènent aussi les nombreux petits métiers à l’activité voisine.
53À ces concurrences s’ajoute celle des lieux privilégiés. Ces quartiers de la ville échappent à la police des corporations ; ils méconnaissent le régime des communautés de métiers et la liberté y demeure la règle. Soumis à une condition à peu près analogue à celle des métiers libres, les ouvriers installés dans ces enclaves urbaines obéissent seulement aux règlements de police qui régissent ces lieux. Tandis que les chambrelans demeurés en ville travaillent dans la clandestinité, de nombreux faux ouvriers y trouvent refuge et peuvent y avoir pignon sur rue. Le régime des lieux privilégiés est répandu dans toutes les grandes villes comme réponse au protectionnisme des jurandes. Au xviiie siècle, Paris en possède une douzaine dont le plus célèbre reste le faubourg Saint-Antoine56. À Bordeaux, les faubourgs Saint-André et surtout Saint-Seurin, seigneuries collectives dirigées par les chanoines des deux chapitres, représentent aussi des asiles de liberté pour les travailleurs sans titre. Le régime du travail assure leur fort peuplement57. Saint-Seurin avait 600 habitants en 1150, le faubourg en possède 18 600 en 1789 ! Le quartier peuplé de petits artisans et marchands représente à lui seul un sixième de la population de la ville et ses faubourgs58. Pour les ressortissants de ces lieux, la ville représente un vaste marché. Les produits passés en fraude s’y répandent malgré la vigilance des corporations et des autorités urbaines. Steven L. Kaplan a noté que les lieux privilégiés, « particulièrement le faubourg Saint-Antoine, deviennent des symboles (et des allégories) pour les réformateurs libéraux qui veulent liquider le système des métiers59… »
54Aux assauts des fauteurs de troubles de l’ordre corporatif s’ajoute la pression permanente des marchands et colporteurs en tous genres, venus de partout, qui se pressent aux portes des villes.
Conclusion
55L’histoire des corporations présente des variables de ville à ville. Pour savoir si l’esprit corporatif s’est émoussé partout, il faudrait multiplier les monographies corporatives, en prenant soin d’intégrer l’étude des communautés de métiers dans celle de l’environnement urbain. La description de l’espace politique et administratif permettra de faire émerger l’état des relations entre les autorités locales et les corporations ; celle de l’environnement économique et de l’organisation du travail aidera à mesurer le champ occupé par les corporations ; seules à posséder des archives, elles ont peut-être vu leur place exagérée.
56Pour ce faire, il faudrait mettre en œuvre la grande enquête sur les corporations que préconisait jadis Émile Coornaert. Pour cela, il conviendrait de dresser la liste des villes concernées et d’établir une stricte discipline de l’enquête à partir d’un canevas de questions très précis qui intégrerait les nombreux aspects des évolutions du régime du travail dans les villes de l’ancienne France. Cette enquête permettra de dire, notamment, si le protectionnisme corporatif est devenu illusoire à la fin de l’Ancien Régime.
Notes de bas de page
1 Émile Coornaert, Les corporations en France avant 1789, Paris, Gallimard, 1941, p. 114.
2 Pierre Deyon, Amiens, capitale provinciale. Étude sur la société urbaine au xviie siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1967, p. 344.
3 É. Coornaert, Les corporations en France…, op. cit., p. 113‑114.
4 Jacques Brasseul, Histoire des faits économiques et sociaux, t. I, De l’Antiquité à la révolution industrielle, Paris, Armand Colin, 1997.
5 Gérard Aubin et Jacques Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, Paris, PUF, 1995, p. 24 ; René Passet, L’industrie dans la généralité de Bordeaux sous l’intendant Tourny. Contribution à l’étude de la décadence du système corporatif au milieu du xviiie siècle, thèse de droit, Bordeaux, Éd. Bière, 1954.
6 É. Coornaert, Les corporations en France, op. cit., p. 302‑304.
7 Louis XIV et vingt millions de Français, Paris, Fayard, 1966, p. 25.
8 Les institutions de la France sous la monarchie absolue, Paris, PUF, t. I, 1974, p. 201.
9 Bernard Gallinato, « Une question récurrente chez les élèves de Le Play à la fin du xixe siècle : la renaissance des corporations est-elle souhaitable ? », Politeia, Les Cahiers de l’Association française des auditeurs de l’Académie internationale de droit constitutionnel, vol. II, nos 1 et 2, 2002, p. 85‑100.
10 Des travaux faisant autorité, il faut surtout citer les œuvres de P. Deyon, Amiens capitale provinciale…, op. cit. ; Maurice Garden, Lyon et les Lyonnais au xviiie siècle, Paris, Les Belles-Lettres, 1970 ; Jean-Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne. Caen au xviiie siècle, 2 vol., Paris-La Haye, Mouton, 1975 ; Jean-Pierre Bardet, Rouen aux xviie et xviiie siècles. Les mutations d’un espace social, Paris, Sedes, 1983.
11 Parmi les recherches universitaires des dernières décennies, plusieurs thèses ont été consacrées aux corporations. En histoire du droit : Elizabeth Andersson, « Les corporations du textile à Caen au xviiie siècle », thèse de doctorat en histoire du droit sous la direction de Jacqueline Musset, Caen, 1992 ; B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime. Vie et mort d’un mode d’organisation du travail, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 1992 ; Thierry Muller-Hamon, « Les corporations en Bretagne au xviiie siècle », thèse de doctorat en histoire du droit sous la direction de Marcel Morabito, université Rennes I, 1992 ; Sylvain Leteux, « Libéralisme et corporatisme chez les bouchers parisiens, 1776‑1944 », thèse de doctorat en histoire sous la direction de Jean-Pierre Hirsch, université Lille III, 2005, 2 vol. ; Frédéric Caron, « Organisation du travail, métiers et corporations à Douai (Nord) et à Valenciennes : de Louis XIV à la Révolution », thèse de doctorat en histoire sous la direction de Philippe Guignet, université Lille III, 2004, 3 vol.
12 Gérard Aubin et Jacques Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, op. cit.
13 Principalement les nombreux travaux de Steven L. Kaplan sur les corporations. Pour une mise au point bibliographique, Philippe Minard, « Corporations », dans Alessandro Stanziani (dir.), Dictionnaire historique de l’économie-droit, xviiie-xixe siècle, Paris, LGDJ, 2007, p. 103‑113.
14 R. Passet, L’industrie dans la généralité de Bordeaux…, op. cit., p. 101.
15 « Pendant longtemps, ce système de passerelles de soupapes, d’évolution normale, lente mais possible, a fonctionné. Au xviiie siècle, il se réduit, il disparaît. Tout se fige, tout se sclérose dans une politique d’exclusion, qui aboutit à un blocage de la société française », Romuald Szramkiewicz et Jacques Bouineau, Histoire des institutions, 1750-1914, 4e éd., Paris, Litec, 1998 (1re éd. 1992), p. 28‑29 ; G. Aubin et J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, op. cit., p. 24.
16 R. Passet, L’industrie dans la généralité de Bordeaux…, op. cit., p. 124.
17 L’organisation corporative de la France d’Ancien Régime, Paris, Sirey, 1938, p. 139.
18 J.-P. Bardet, Rouen aux xviie et xviiie siècles…, op. cit., p. 237.
19 Genèse d’une ville moderne. Caen au xviiie siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1975, p. 339.
20 T. Muller-Hamon, « Aux origines de la suppression des corporations par la Révolution française : les conceptions de Guy-Charles Le Chapelier (père) sur la réforme des communautés de métier bretonnes, à travers un mémoire inédit de 1782 », Revue historique de droit français et étranger, octobre-décembre 1996, p. 535.
21 « La communauté des maîtres maçons de Paris aux xviie et xviiie siècles », Revue historique de droit français et étranger, n° 1‑2, 1945, p. 215‑216 ; n° 1‑2, 1948, p. 96‑136.
22 B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 219.
23 Genèse d’une ville moderne, op. cit., p. 339.
24 Archives municipales de Bordeaux, HH98, imprimeurs libraires.
25 L’industrie dans la généralité de Bordeaux…, op. cit., p. 124.
26 J.-C. Perrot, Genèse d’une ville moderne…, op. cit., p. 340.
27 Sur la dévalorisation du chef-d’œuvre dans diverses communautés bordelaises, B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 214‑216. La pratique de la dispense se rencontre chez les chaudronniers, les cloutiers, les ferblantiers, les serruriers… Ces derniers obtiennent même un arrêt du Parlement de Bordeaux les autorisant à recevoir sans chef-d’œuvre les compagnons acceptant de contribuer à la boîte de la communauté et donc de déroger aux articles 2 à 5 de leurs statuts, Archives départementales (désormais AD) de la Gironde, 1B, arrêts du Parlement, 23 juin 1787.
28 G. Aubin et J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, op. cit., p. 24.
29 François Olivier-Martin, L’organisation corporative de la France d’Ancien Régime, Paris, Sirey, 1938, p. 225.
30 AD Gironde, C 1764, 20 juin 1767.
31 Ibid., C 1764, 9 septembre 1773, 30 septembre 1777 et 8 juillet 1778 ; B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 212.
32 Ibid., p. 220‑221 ; R. Szramkiewicz et J. Bouineau, Histoire des institutions, op. cit., p. 13.
33 Ibid., p. 221 ; G. Aubin et J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, op. cit., p. 24.
34 M. Garden, Lyon et les Lyonnais au xviiie siècle, op. cit., p. 572 et s. ; Émile Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de l’industrie en France avant 1789, 2e éd., t. II, Paris, A. Rousseau, 1901 (1re éd. 1867), rééd. Neudeln, Kraus Reprint, 1969.
35 Jean Cavignac, « Les comptes d’un marchand de pierre de Bayon (Gironde), 1737-1776 », Bulletins et mémoires de la Société archéologique de Bordeaux, t. LXXI, années 1976-1978, 1980, p. 135‑141.
36 La boucherie bordelaise offre une illustration de ce phénomène. Les abus y sont tels qu’il arrive « qu’une paire de bœufs passe en quatre mains différentes », AD Gironde, C 1762.
37 Dans ce stade nouveau de l’histoire économique, il faudrait rechercher si la société de commerce, antagoniste véritable du corps de métier, a pénétré le monde des corporations.
38 É. Coornaert, Les corporations en France, op. cit., p. 161. L’auteur note qu’à Angers ou Troyes, les artisans sont exclus des charges municipales et ne figurent pas au rang des notables.
39 Sur la jurisprudence en faveur des corporations du Parlement de Bretagne, voir par ex. E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières, op. cit., p. 595.
40 AD Gironde, 6 E 113 ; sur le conflit entre le Parlement de Guyenne et l’intendant, voir B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 341‑342. C’est dans les années 1780 que la tension atteint son point culminant entre le Parlement et l’intendant, qui s’opposent surtout à propos du problème des corvées. Le Parlement va d’ailleurs obtenir le renvoi de Dupré de Saint-Maur : Julien Vasquez, Nicolas Dupré de Saint-Maur ou le dernier grand intendant de Guyenne, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 2008.
41 B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 324‑327.
42 AD Gironde, C 1806, 1764.
43 Georges Duby (dir.), Histoire de la France urbaine, Paris, Seuil, 1981, t. III, p. 199‑200.
44 Henri Crépin, La liberté de travail dans l’ancienne France, Vézelay, Crépin, 1937, p. 150 ; Jean Imbert et Henri Legohérel, Histoire économique des origines à 1789, 3e éd., Paris, PUF, 1979 (1re éd. 1965), p. 211.
45 Prosper Boissonnade, Essai sur l’organisation du travail en Poitou depuis le xie siècle jusqu’à la Révolution, Paris, Champion, 1902, t. II, p. 5‑7 ; H. Crépin, La liberté de travail dans l’ancienne France, op. cit., p. 93 et s. L’auteur remarque que dans certaines villes, des jurandes redeviennent libres au xviie siècle.
46 B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 286‑287.
47 L’organisation corporative de l’ancienne France, op. cit., p. 106‑107.
48 Pierre Léon, Économies et sociétés préindustrielles, t. II, 1650-1789, Paris, Armand Colin, 1970, p. 285 ; Fernand Braudel et Ernest Labrousse (dir.), Histoire économique et sociale de la France, t. II, 1660-1789, Paris, PUF, 1970, p. 251‑252.
49 G. Aubin et J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, op. cit., p. 25.
50 AD Gironde, C1754, 23 septembre 1782.
51 S. L. Kaplan, « Les “faux ouvriers” de Paris au xviiie siècle », dans La France d’Ancien Régime, études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Société de démographie historique, Toulouse, Privat, 1984, p. 325.
52 B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 292.
53 M. Garden, Lyon et les Lyonnais au xviiie siècle, op. cit., p. 561. S. L. Kaplan note que ces ouvriers ont été infiniment plus nombreux que les historiens ne l’ont admis jusqu’ici, « Les “faux ouvriers” de Paris au xviiie siècle », art. cité, p. 328.
54 Ibid., p. 326.
55 B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 294.
56 Steven L. Kaplan, « Les corporations, les “faux ouvriers” et le faubourg Saint-Antoine au xviiie siècle », Annales ESC, vol. 43, n° 2, 1988, p. 353‑378 ; Alain Thillay, Le faubourg Saint-Antoine et ses « faux ouvriers », Seyssel, Champ Vallon, 2002.
57 Philippe Loupès, Chapitres et chanoines de Guyenne aux xviie et xviiie siècles. Étude de compagnies d’ecclésiastiques sous l’Ancien Régime, Paris, Éd. de l’EHESS, 1985, p. 342 et s. ; B. Gallinato, Les corporations à Bordeaux à la fin de l’Ancien Régime, op. cit., p. 299‑310.
58 Ibid., p. 304.
59 « Les “faux ouvriers” de Paris au xviiie siècle », art. cité, p. 329.
Auteur
Professeur à l’université de Lille, Gabriel Galvez-Behar est membre de l’Institut de recherches historiques du Septentrion (IRHIS ; UMR 8529 CNRS-Lille) et membre honoraire de l’Institut universitaire de France (IUF). Ses recherches relèvent d’une histoire de l’innovation à la croisée de l’histoire économique et de l’histoire des sciences et des techniques. Elles portent notamment sur l’histoire de la valorisation de la recherche et de la propriété scientifiques, Posséder la science. La propriété scientifique au temps du capitalisme industriel, Paris, Éd. de l’EHESS, 2020.
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