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Statistiques publiques et finances publiques

p. 125-140


Texte intégral

1Les « statistiques » renvoient à « État »1 et leur développement est inséparable de l’affirmation de l’État et de ses interventions dans la sphère publique et privée, qu’accompagne le développement des finances publiques. Ce lien incite à s’interroger sur les relations entre les statistiques publiques et les finances publiques, à questionner l’attitude des finances publiques (entendre administrations financières et fiscales et Inspection générale des Finances) à l’égard des statistiques publiques (entendre service central et services déconcentrés chargés des statistiques). Cette attitude se manifeste à travers les dotations budgétaires des statisticiens, leurs positions dans les organigrammes des directions les plus prestigieuses et leur rattachement ministériel. L’analyse des relations entre les statistiques et les finances publiques passe aussi par l’examen de la commande et des usages des statistiques publiques par les acteurs de la décision financière, fiscale et budgétaire.

2Le résultat de ce questionnement est sans équivoque. Depuis 1833, création du bureau de Statistique au ministère du Commerce, promu Statistique générale de la France (SGF) et rattaché au ministre en 1840, jusqu’aux années 1960, le service central des statistiques publiques n’a jamais disposé des crédits correspondants à ses attributions, exception faite de la parenthèse du régime de Vichy. Plus que d’autres services chargés des fonctions régaliennes de l’État, il est au contraire une cible privilégiée des compressions budgétaires depuis la fin du xixe siècle, que ces compressions s’inscrivent dans la réforme administrative, ce qui est le cas entre les deux guerres, ou bien qu’elles participent à des pratiques plus qualitatives, à partir de la Commission nationale d’économie de la reconstruction2. Comment expliquer cette situation ?

3Il semble bien qu’une partie de ses motifs se trouve dans l’analyse des relations entre les Finances et les statisticiens publics. La situation du service central de statistiques s’améliore à partir du moment où il est rattaché aux Finances, après la nomination de Claude Gruson, inspecteur des Finances et directeur du Service des études économiques et financières (Seef), rattaché en 1950 au Trésor, comme directeur général de l’Insee le 1er octobre 1961. Le changement n’est pas brutal, mais la tendance est infléchie. Contrairement aux périodes antérieures, les restrictions budgétaires imposées à l’Insee ne lui interdisent plus d’envisager de solides études périodiques.

4Il s’agit ici d’analyser les motifs et les effets de la faible considération des Finances pour le producteur des statistiques publiques depuis la création de la SGF jusqu’aux changements induits par la réforme de 1961. En chaussant les lunettes des statisticiens publics, il s’agit de décrire le combat acharné que livrent la SGF, puis l’Insee contre les Finances, pour imposer leur expertise et faire valoir leur légitimité de producteur d’informations économiques au service de la décision politique3. La maîtrise des données budgétaires et fiscales dont disposent les Finances et leur influence décisive sur les arbitrages budgétaires rendent ce combat très inégal. Entre sa création et la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’insuffisance des budgets et la lourdeur des opérations de recensement cantonnent la SGF à la fabrication d’outils dont la temporalité ne correspond pas à celle de la décision politique. Cette étape s’achève avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et la formation du régime de Vichy. Les moyens attribués aux statistiques se renforcent alors. Les verrous imposés par les finances publiques disparaissent dans un contexte liberticide. Les statistiques administratives sont encouragées, sans sacrifier la vocation d’études des statisticiens regroupés dans le Service national des statistiques (SNS). Le changement d’échelle est notable, mais la considération nouvelle pour les statistiques ne dure pas. Dans un contexte redevenu démocratique, la création de l’Insee en 1946 participe à la volonté de mettre en place une démocratie économique et sociale souhaitée par le programme du Conseil national de la Résistance. Mais les crédits ne suivent pourtant pas. En 1958, Francis-Louis Closon, directeur général de l’Insee, considère que la France est « statistiquement sous développée4 ». Les vaches maigres se prolongent jusqu’à la réforme de l’Insee en 1961. La nomination de Claude Gruson apparaît bien comme une rupture, comme une trêve entre les Finances et les statisticiens publics. Une période faste est ouverte pour les statistiques publiques. Le compromis qui est alors négocié est durable. L’Insee met ses statistiques au service du prince et de la démocratie. Une nouvelle période est ouverte pour l’Insee, qui cherche à élargir son auditoire à partir des années 1970. L’étude s’achève au tournant des années 1980-1990, après l’application d’une partie des recommandations de l’audit Mac Kinsey de 1971, et avant que les gouvernants cherchent à imposer des logiques de marché à une institution publique qui est par essence au service du public.

I. Produire les statistiques publiques malgré l’indifférence des Finances publiques : la Statistique générale de la France (1840‑1940)

5La formation du système de production statistique tel que nous le connaissons aujourd’hui remonte au xixe siècle. Elle résulte de la volonté du prince, Lucien Bonaparte, qui en 1800 charge un bureau de statistique d’organiser et d’exploiter le recensement démographique de la France et de rédiger un rapport annuel sur la situation économique des départements, récemment créés à partir d’une série d’enquêtes locales5. Ces enquêtes sont hétérogènes et leurs résultats ne peuvent pas être agrégés au niveau national. Souvent accusé d’impartialité, le bureau est supprimé en 18126. En 1833, Adolphe Thiers, admirateur du Board of Trade britannique, propose la création au ministère du Commerce d’un bureau de Statistique générale, qui prend en 1840 le nom de Statistique générale de la France, nom qu’il gardera pendant un siècle. Il est chargé des recensements démographiques quinquennaux et de la rédaction des Annuaires statistiques élaborés à partir d’informations collectées auprès des différents ministères. La publication des annuaires est retardée par le manque de moyens financiers et par la mauvaise volonté des directions sollicitées qui acceptent mal de diffuser leurs statistiques. Les séries les plus régulières et les plus durables, comme le compte de la justice criminelle ou les statistiques du commerce extérieur de la France par exemple, sont tenues hors de la SGF. Les améliorations statistiques les plus notables concernent les recensements démographiques. À partir de 1876, la distribution de bulletins individuels de recensement, puis la centralisation de leur dépouillement à la SGF à Paris7, l’introduction des nomenclatures des professions et l’utilisation de machines Hollerith pour l’opération de 1896 constitue des avancées notables. Le rattachement de la SGF au ministère du Travail dès sa création en 1906, l’attribution d’un budget permanent indépendant de celui du recensement, puis la transformation en direction autonome en 1910, confiée à Lucien March, statisticien de renom international, offrent de nouvelles perspectives.

6Le premier concours de recrutement de statisticiens est organisé en 1907. L’un des lauréats est Léopold Dugé de Bernonville, qui a quitté l’Armée en 1904 et racheté sa pantoufle pour devenir statisticien8. Avec Henri Bunle, l’autre lauréat, ils rejoignent les statisticiens Lucien March, Michel Huber et Marcel Lenoir. La plupart des statisticiens recrutés font toute leur carrière à la SGF et, joint à l’étroitesse de l’institution, ce faible essaimage n’aide pas à la faire connaître. La SGF ne profite pas de la généralisation de l’usage des chiffres depuis le xixe siècle9. Les enseignements ménagers consacrent une grande partie de leurs programmes à la bonne tenue de la comptabilité du ménage et les entreprises recrutent des comptables10. Les compagnies d’assurance embauchent des actuaires, les constructeurs de ponts ont des ingénieurs qui maîtrisent les mathématiques, la géométrie et l’arithmétique. Les comités d’hygiène et de salubrité publiques, les médecins, les spécialistes de l’anthropométrie quantifient leurs études. Les ingénieurs des Mines, derrière Frédéric Le Play ou d’autres, organisent des enquêtes auprès des paysans et des ouvriers, d’autres font des enquêtes industrielles. À la fin du siècle, les travaux d’Émile Durkheim confirment l’intérêt des approches quantitatives. La SGF élargit ses investigations aux questions économiques, à la rémunération de la main-d’œuvre et lance de nouvelles enquêtes (enquête de consommation en 1907, enquête périodique sur les prix de détail à partir de 1911, etc.). Ses statisticiens entreprennent des travaux pionniers (projections démographiques, études de conjoncture, embryon d’indice de la production industrielle) entre les deux guerres. La diffusion de leurs travaux est assurée par un Bulletin mensuel à partir de 1911. Les lourds volumes consacrés aux résultats des recensements démographiques et les Annuaires statistiques complètent ces publications.

7Pourtant, et même pendant la Première Guerre mondiale, les services de la SGF ne sont réclamés que pour des tâches secondaires (classement et exploitation de marchés de guerre et des dossiers de retraite ouvrière et paysanne, par exemple). Le potentiel que représente la concentration de statisticiens de haut niveau n’est pas valorisé. March réclame vainement et à plusieurs reprises d’organiser un recensement de l’outillage disponible. Albert Thomas fait appel au Comité des forges pour obtenir des données. La situation est inchangée après la guerre. L’indifférence à l’égard des statistiques se transforme en hostilité lorsqu’il faut leur consacrer un budget. Mis à part les recensements démographiques, dont l’utilité n’est pas contestée, les crédits sont distribués avec parcimonie, étant considérés comme des dépenses inutiles.

8Les quelques recrutements d’après la guerre, dont celui d’Alfred Sauvy en 1922, ne correspondent pas aux besoins11. La SGF reste un établissement artisanal. L’exploitation des rares enquêtes qu’elle organise (enquêtes de consommation ou suivi des prix de détails, par exemple) comme les tableaux sont faits à la main. La plupart des données traitées provient de statistiques administratives ou d’entreprises (indice des wagons chargés, statistiques douanières). L’entreprise est artisanale, mais de très haute productivité. Une fine connaissance des statistiques et de l’activité internationale s’y développe grâce à un réseau étoffé de correspondants auxquels elle envoie ses publications et qui envoient les leurs en retour. La plus grande richesse de la SGF des années 1930 est sans doute sa bibliothèque, mais elle n’est pas fréquentée par les responsables des finances publiques. Les effectifs permanents de la SGF atteignent à peine la centaine entre les deux guerres, ils sont 131 titulaires, dont 11 à l’Office de Strasbourg en 1937, en comptant le concierge et le garçon d’étage12. La comparaison avec l’Allemagne que propose Victor de Marcé, conseiller maître à la Cour des comptes, dans le Journal de la Société de statistiques de Paris (JSSP) en 1932 est évocatrice13. L’auteur présente l’Office de statistique du Reich comme « une petite armée » avec ses 2 519 employés, auxquels il faut ajouter les effectifs des services de chaque Land (583 personnes en Prusse en 1930, 58 en Bavière…). Mis à part quelques soutiens, le budget de la statistique est peu défendu dans les couloirs des assemblées ou dans les cercles ministériels, aux Finances, au Mouvement général des fonds. Adolphe Landry, démographe et ministre du Travail en 1932, François Simiand, André-François-Poncet en 1930 font partie des alliés qui réclament plus de crédits pour la Statistique générale, mais ils ne sont pas écoutés. Le soutien d’institutions et de sociétés savantes comme le Conseil supérieur de la statistique, la Société de statistiques de Paris, puis à partir des années 1930 le Conseil national économique, qui s’inquiètent des effets de la méconnaissance des activités économiques nationales, ne modifient pas la tendance. Le manque de moyens est aussi dénoncé par le successeur de Lucien March, Michel Huber, après sa mise à la retraite en 193614.

9Plusieurs raisons expliquent le peu de considération dans laquelle est tenue la Statistique générale. Jusqu’à la généralisation des conventions collectives en 1936, qui obligent à disposer d’informations nationales, ce besoin est peu ressenti. La plupart des conventions se négocient localement ou régionalement. Les conventions collectives de branche, introduites en 1919, ont peu de succès, les disparités de prix et de salaires sont importantes entre les régions et leur évaluation nationale aurait peu de sens. Les prix sont suivis à l’échelle départementale et les syndicats de salariés sont plus au fait des disparités salariales que la Statistique générale. Ne disposant ni d’antenne régionale, à l’exception de Strasbourg, dont l’activité se cantonne à la région, la SGF n’a pas les moyens d’organiser des enquêtes en région, son rayon d’action est limité. C’est une institution parisienne qui trouve peu de défenseurs en région.

10La faiblesse de l’enseignement des statistiques est une autre explication du manque d’intérêt pour la statistique. À de rares exceptions près, la statistique n’est pas enseignée dans les facultés de droit. Formées à l’École libre des sciences politiques et passées par les universités de droit, les élites sont peu ouvertes aux chiffres. Ainsi, une chaire de statistiques est créée à la Faculté de droit de Paris en 189215, qui prolonge les enseignements dispensés au Centre national des arts et métiers (Cnam) par Alfred de Foville entre 1885 et 1890. Le besoin de formation est tel dans le monde professionnel que trois spécialistes, Émile Borel, Lucien March et Georges Darmois, créent l’Institut de statistiques de l’université de Paris (Isup) en 192216. L’année suivante, une nouvelle chaire de statistiques est ouverte à l’université de Paris, Albert Aftalion en est titulaire jusqu’en 1934, puis René Roy. Méconnu et peu compris, le chiffre n’a pas bonne presse dans les élites.

11Une troisième raison pourrait être les usages militants et politiques de la statistique des fonctionnaires construite par Victor Turquan, directeur du bureau de la Statistique générale entre 1889 et 1897, qui ont servi à dénoncer les méfaits du fonctionnarisme. Il est difficile de savoir si cette utilisation a desservi l’outil17. Ce qui est certain c’est que la SGF de l’entre-deux-guerres fournit de gros efforts pour présenter ses méthodes et expliquer ses indicateurs et qu’elle refuse de prendre position dès qu’ils sont impliqués dans des débats politiques. Dans les années 1930, pour ne pas trancher lorsque son indice des prix de gros baisse, alors que celui des prix de détail décolle, déclenchant une violente campagne contre les intermédiaires, elle autorise les syndicats des grossistes à publier leur propre indice dans son Bulletin mensuel18.

12Enfin, les patrons refusent de répondre aux questionnaires de l’enquête industrielle de 1931 en toute impunité, ce qui fait échouer cette enquête, sans susciter aucune réaction des autorités politiques ou financières. Conclure de cette situation que la France navigue à vue, comme le déplore Alfred Sauvy19, est sans doute exagéré, mais il semble bien que les décisions politiques se prennent sans beaucoup de lumière. Le manque de crédits budgétaire et moral attribués à la statistique est patent.

13Les conditions s’améliorent avec le Front populaire. À la fin de 1936, la SGF devient un service du ministère de l’Économie nationale. Michel Huber prend sa retraite et est remplacé par un proche de Vincent Auriol, ministre des Finances, André Fourgeaud, qui n’est pas statisticien. En novembre 1938, Alfred Sauvy, qui est membre du cabinet du ministre du Budget du second Gouvernement Blum, Charles Spinasse, qui fut ministre de l’Économie nationale du premier ministère Blum, rejoint le cabinet du ministre des Finances, Paul Reynaud, dans le Gouvernement Daladier. Sauvy rédige les premiers décrets introduisant l’obligation de répondre aux questionnaires statistiques et créé un institut de conjoncture20. Une nouvelle enquête industrielle est organisée qui s’appuie sur les syndicats professionnels. Son rendement est sans comparaison avec l’enquête précédente et les bulletins commencent juste à être dépouillés au moment de l’entrée en guerre.

14La forte augmentation du budget de la SGF prévue par la loi de finances pour l’année 1939 lui permet d’envisager d’augmenter sa contribution à la préparation de la mobilisation. L’entrée en guerre bouleverse ces plans.

II. Les statistiques publiques sans contrainte financière : le Service national des statistiques (SNS)

15Le SNS est créé au ministère des Finances en octobre 1941. Il regroupe la SGF, l’Institut de conjoncture et le service de la Démographie, créé en 1940. René Carmille, fondateur et directeur du service de la Démographie, prend la direction du SNS. Il est contrôleur général de l’Armée, spécialiste de la mécanographie et travaille à une réforme des bureaux de recrutement pour l’état-major depuis la mobilisation. Il charge le service de la Démographie de pallier la suppression du recrutement, de conserver et de tenir à jour les fiches de mobilisation. Il s’entoure de militaires fidèles à ses engagements, dispose de 1 000 postes budgétaires pour implanter des directions régionales dans les anciens centres des régions militaires et installe la direction générale et l’atelier chargé de la mobilisation clandestine à Lyon, en zone dite libre. Carmille organise plusieurs opérations pour actualiser les fichiers (le recensement des fiches d’état civil pour établir le répertoire des personnes, à partir duquel seront actualisées les fiches individuelles début 1941, le recensement des activités professionnelles en juillet 1941). Il bénéficie de moyens importants. Vichy ne compte pas.

16La création du service de la Démographie participe à l’inflation des services et des échelons administratifs introduits pour encadrer l’activité, remplacer les institutions syndicales antérieures, gérer la pénurie et organiser la répartition et le système de la traque. Les équipements mis au point par Carmille répondent aux besoins d’enregistrement des données individuelles du régime. La coexistence de deux services spécialisés dans les statistiques démographiques, le service de la Démographie et la SGF, n’est pas tenable. Après la création du SNS, Carmille, convaincu de la nécessité de développer durablement les statistiques publiques, ouvre une école d’application au SNS, définit les corps d’administrateurs, d’attachés et de commis, qui formeront l’ossature du système d’information statistique de l’administration21. L’introduction des enquêtes par sondage par Jean Stoetzel, attaché à mi-temps au SNS, s’ajoute à l’héritage. Les témoignages contradictoires, les lacunes des archives, qui tiennent en partie à la nécessité de dissimuler aux occupants les objectifs de mobilisation, laissent encore des points d’ombre sur les activités du service pendant l’Occupation.

17À la Libération, l’avenir du SNS est incertain. L’intérim exercé par Henri Bunle ne parvient pas à atténuer les vives tensions internes entre les militaires et les techniciens de la mécanographie ou les dizaines de vacataires recrutés par Carmille et les statisticiens de la SGF. Malgré la perspective du recensement démographique organisé en 1946, les effectifs sont pléthoriques. Les dégraissages sont massifs. Les effectifs baissent de 1 000 personnes entre la Libération et 1945. Le SNS passe de 8 000 à un peu plus de 7 000 personnes en quelques mois. Une partie des vacataires est évincée. Cependant, le changement d’échelle de la statistique publique de l’Occupation n’est pas complètement remis en cause. Les premières promotions d’élèves administrateurs et de commis vont être mises au service de la reconstruction dans un cadre démocratique. Peu étudiée faute d’archives sur le SNS, la période séparant le 25 août 1944 (libération de Paris) et avril 1946 (création de l’Insee) marque une rupture. Il s’agit de bâtir un service des statistiques pour réconcilier la population et les statistiques et fournir à l’État les informations économiques et sociales nécessaires à la Reconstruction. La création de l’Insee doit répondre à ces impératifs. L’institut est confié à un homme à poigne, un gaulliste résistant de la première heure, Francis-Louis Closon, et il est doté d’une double fonction, technique et d’études.

III. L’Insee, désillusions et retour des vaches maigres

18Juste après la création de l’Insee par la loi de finances d’avril 1946, l’échec du projet de Pierre Mendès France de créer un vaste ministère de l’Économie nationale intégrant l’Insee conduit à le rattacher au secrétariat d’État aux Affaires économiques. Il est la cible privilégiée des commissions d’économie, dites de la guillotine en 1948, qui succèdent aux enquêtes sur la mécanographie (rapport Martin) et à l’enquête du Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, menée par Claude Chassaigne, inspecteur des Finances, fin 1947.

19Examinons le rapport Chassaigne. Chassaigne transmet son projet de rapport à Closon en février 1948. Le document définitif est diffusé en mars 1949. Il conclut que l’Insee est trop dépensier22. Il critique la lenteur du dépouillement du recensement de 1946 et le coût du fichier électoral23 et suggère une réorganisation en profondeur des directions régionales, dont les équipements et les effectifs sont jugés pléthoriques. Les solutions préconisées consistent, outre le renforcement des contrôles de l’assiduité des personnels et des licenciements pour renforcer la productivité, à séparer les services statistiques et mécanographiques et à créer un service national des inventaires et de la mécanographie, coiffé par deux tutelles, le ministère des Finances, dont dépendrait la direction générale de l’Insee et son service mécanographique, et le ministère de l’Intérieur, avec ses relais locaux dans les préfectures. Ces suggestions démantèlent l’héritage du SNS et ne garantissent pas d’économies budgétaires, elles ne sont pas retenues.

20En revanche, les décisions de la commission de la guillotine sont appliquées. Communiquées officieusement au cabinet de Closon en février 1948, elles envisagent de diminuer de 10 % les crédits de l’Insee et à licencier 6 % de son personnel24. Ces restrictions touchent des postes budgétaires de fonctionnaires. Les mesures définitives, arrêtées début avril, sont encore plus restrictives puisqu’elles amputent l’effectif des titulaires de 15 %, celui des auxiliaires de 25,4 % et celui des chargés de mission de 52,8 %. Ce sont 206 licenciements (24 % des présents) qui sont imposés25. Ces mesures s’ajoutent à l’interdiction d’embaucher, valable pour l’ensemble de la fonction publique. Elles freinent les restructurations internes26. Ces décisions ont également pour effet de réduire l’effectif des statisticiens détachés hors de l’Insee et amputent ses chances de se faire quelques alliés.

21L’évolution des crédits budgétaires et des effectifs du service des statistiques depuis la Libération est présentée dans une note du cabinet du directeur général en novembre 195027. Cette note permet de comparer l’évolution des moyens financiers accordés à l’institut et de ceux des objets et services auxquels s’appliquent ses dépenses. En retenant l’année 1946 comme base de départ et en raisonnant en francs constants : les crédits de l’Insee atteignent 185 en 1949, les prix des objets et services sont passés dans l’ensemble à un indice qui n’est certainement pas inférieur à 350. L’exemple de certains prix est détaillé : ceux des matériels mécanographiques, qui sont passés de 1946 à 1949, de l’indice 100 à l’indice 352 pour les machines, et à l’indice 300 pour les cartes perforées, alors que les crédits correspondants ne s’élevaient qu’à l’indice 21328. La réduction du budget de l’institut s’est accompagnée d’une compression du personnel et des interdictions d’embauche. Le total des effectifs est passé de 8 042 à la fin de 1944 à 5 139 fin 1947, puis à 3 679 fin 1948, à 3 382 fin 1949 et à 3 320 fin 1950, soit une perte de plus de 4 500 personnes en six ans. Les vacataires chargés de mission ont été les plus touchés par ces compressions, passant de 7 000 fin 1944 à 2 601 fin 1950. Les effectifs des inspecteurs généraux et des administrateurs sont passés de 166 à 113, du fait des départs en retraite29, et le total des titulaires de 1 017 à 662. Si ces diminutions épargnent relativement les titulaires, elles font du service un débouché très peu attirant pour les jeunes ingénieurs. En outre, l’importance de la baisse du nombre des auxiliaires menace l’avenir des activités mécanographiques et des ateliers régionaux. L’idée du regroupement des ateliers mécanographiques de l’Insee avec ceux des préfectures, déjà évoquée dans le rapport Martin, réapparaît au début de 194830. La mesure est contournée de justesse par la réunion des grosses machines mécanographiques dans 9 directions régionales31.

22Les tensions budgétaires s’atténuent à partir de 1951, sans que les recrutements ne repartent à la hausse. Plusieurs grandes opérations statistiques sont reportées, faute de crédits. Le recensement démographique de 1951 est repoussé jusqu’en 1954, le recensement agricole jusqu’en 1956. Les statisticiens renouent avec les vaches maigres d’avant la guerre. Ils innovent pourtant, organisent de nouvelles enquêtes sur la consommation, sur les niveaux de vie… améliorent le suivi des prix, l’évaluation de la production et la connaissance de la conjoncture. Les relations avec le patronat sont clarifiées par la loi de 1951, qui organise la statistique publique, impose la pratique du visa pour toutes enquêtes et impose la concertation avec les représentants de la société civile pour définir le programme des enquêtes32. La nomenclature des catégories socioprofessionnelles de 1954, la première de cette envergure introduite en France, classe les Français selon la nature des revenus, selon leur niveau d’étude et selon leur position dans l’entreprise33. En défendant le budget de l’Insee et en renvoyant une image dégradée de la situation, Closon est dans son rôle. L’image apparaît sans doute exagérée, mais elle témoigne de l’isolement de l’Insee. Il sacrifie ses fonctions d’études pour tenir à jour les lourds fichiers hérités de la Libération (cartes grises, électeurs…) et pour organiser des recensements dont il faut mendier les financements. À partir de 1957, il lui faut aussi calculer et publier un indice des prix de détail, dit indice Smig, dont la composition est dictée par les gouvernants et qui sert d’étalon à l’indexation du salaire minimum interprofessionnel. Même si l’Insee continue de publier et de perfectionner son propre indice des prix, l’indice Smig montre qu’il n’est pas parvenu à imposer son expertise scientifique au service du contrôle des prix et aux Finances. Le retour de De Gaulle et la fondation de la Cinquième République n’apporte pas les nouveaux alliés attendus par Closon. Aude Terray retrace les étapes de l’échec de son offensive contre le Seef, qu’il accuse de détourner une partie des ressources que l’Insee pourrait consacrer aux études34. Encouragé par les conclusions de la commission de réforme administrative instaurée par la loi de finance de 1959, Closon propose d’intégrer la comptabilité nationale à l’Insee et de créer un vaste Institut national de la statistique et des études économiques et financières. L’échec du projet conduit à son remplacement par Claude Gruson.

IV. La réforme de 1961

23L’arrivée de Claude Gruson à la direction générale de l’Insee est une étape décisive de son développement puisqu’il y introduit une partie de l’équipe du Seef et des comptes nationaux. L’augmentation des crédits permet de recruter de jeunes administrateurs et d’entreprendre des études. Les travaux sociologiques se développent autour de l’équipe animée par Alain Darbel et parallèlement aux enseignements dispensés par Pierre Bourdieu à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae). Autre acquis : la greffe de l’informatique prend à l’Insee. Les recensements du début des années 1960, et la réconciliation entre les comptables et les statisticiens, permettent à l’Insee de combler son retard sur les services étrangers. La politique de coopération, l’ouverture d’un Centre européen de formation des statisticiens des pays en voie de développement auprès de l’Ensae, et la participation active des statisticiens de l’Insee au développement de la statistique communautaire et internationale consolident leur réputation. Malgré la brièveté de son mandat (1961-1966), le passage de Claude Gruson à l’Insee marque le début de l’expansion. Le changement n’est pas immédiat. La façon dont Claude Gruson épouse la fonction de directeur général d’une institution qu’il a souvent décriée et contre laquelle il a défendu le Seef, sa déception face au manque de soutien dont il dispose auprès de ses collègues des Finances pour mener à bien sa réforme de l’Insee, les fins de non-recevoir opposées à ses demandes de moyens matériels par Michel Poniatowski en 1963, puis Valéry Giscard d’Estaing en 1964, montrent bien qu’il « hérite du faible crédit de son prédécesseur35 ». La localisation au quai Branly reste stigmatisante pour la rue de Rivoli, siège traditionnel des Finances.

V. Des ambitions assorties de moyens

24La situation s’améliore pour le successeur de Gruson, Jean Ripert, ancien commissaire au Plan, qui enterre le projet ambitieux de création d’un vaste observatoire de l’activité économique et sociale en intégrant le Plan à l’Insee. Les Finances refusent d’élargir le périmètre de l’expertise de l’Insee en matière d’information quantifiée. Le mandat de Ripert est néanmoins marqué par quelques réussites incontestables. Outre le recrutement de jeunes polytechniciens, qui fournissent les outils statistiques des années 1980, et la création de services statistiques ministériels, l’intérêt nouveau porté à la diffusion et à la réception des statistiques, suggéré par l’audit Mac Kinsey de 1971, la politique de diffusion et la modernisation des directions régionales sont privilégiées. En 1974, Edmond Malinvaud, polytechnicien dont la réputation scientifique est déjà faite, succède à Ripert. C’est le premier directeur général sorti de l’école d’application. Les activités de recherche sont valorisées, l’informatique se diffuse et les premiers administrateurs de l’Insee apparaissent dans les cabinets ministériels. Le personnel est profondément renouvelé, avec le départ à la retraite des générations recrutées pendant l’Occupation et dans l’immédiat après‑guerre.

25Les obstacles à la reconnaissance de l’Insee dénoncés par Gruson avant sa nomination à l’Insee ont sauté. L’Insee n’est plus « une direction d’origine récente », il est désormais « inséré dans la hiérarchie traditionnelle du ministère des Finances et son personnel bénéficie d’un statut de fonctionnaire valorisant », il n’est plus « cantonné dans des tâches d’exécution (collecte de statistiques et fournitures d’indices) et participe « à la vie du cabinet du ministre »36. Le changement d’attitude de la direction du Budget, qui le « méprisait », « lui infligeait un sort consternant », essayant de réduire ses effectifs » et de le priver de tout « crédit d’étude » a radicalement changé37. Les effets sont progressifs. L’hémorragie des effectifs est d’abord stoppée, passant de 5 400 personnes en 1946 à 3 300 en 1950 et 2600 à la fin de 1960, vacataires compris38. Le nombre de cadres A reste inchangé, autour de 300 en 1952 comme en 1960. L’équipement mécanographique n’est pas modifié et les dépenses d’investissement stagnent malgré la vétusté des directions régionales. Au total, essentiellement en raison des hausses de salaires, les crédits budgétaires de l’Insee doublent de 1950 à 1960 en francs courants (13 millions de nouveaux francs en 1950 et 24 en 1960)39. L’augmentation des moyens arrive dans un second temps, accompagnant la diversification des missions de l’Insee. Les effectifs atteignent 6 400 à la fin de 1973. Ils dépassent 7 000 fin 1975, période d’exploitation du recensement démographique. Le nombre des cadres A (administrateurs, attachés et chargés de mission) est multiplié par 3,9 entre 1960 et 1975, passant de 290 à 1120, dont 140 en formation à l’École et 70 mis à disposition d’autres administrations (contre 6 mis à disposition d’autres administrations en 1961). L’augmentation reste forte pour les cadres A affectés à l’Insee, qui passent de 260 à 900. L’informatisation, la création du département informatique à la direction générale en 1968 et celle des centres nationaux informatiques, l’enrichissement des tâches des directions régionales qui, d’ateliers de traitement des données deviennent de véritables relais de l’Insee, mais aussi l’augmentation des tâches de diffusion, avec la création des observatoires économiques régionaux (1967) et les mises à disposition pour assurer la coordination statistique des administrations, expliquent cette hausse. Les crédits de fonctionnement décuplent en francs constants de 1960 à 1976 et les dépenses d’investissement sont multipliées par quatre ou cinq en francs constants pour les mêmes dates40. Les effectifs restent stables entre 1978 et 1981, autour de 7 100 et ce sont surtout les effectifs des cadres A qui continuent de croître, passant, de 1 120 en 1976 et 1 250 en 1981, même si la hausse est moins rapide qu’entre 1960 et 1976 du fait de la faiblesse des créations de poste de cadres A (11 en 1979, 16 en 1980 et 10 en 1981). Les effectifs restent à peu près stables depuis cette date, mais leur répartition et leur niveau de qualification connaît deux profondes modifications. Les effectifs affectés dans d’autres ministères augmentent tout d’abord puisqu’en 2020, sur les 6 708 femmes et hommes qui composent l’Insee, 1 914 sont affectés à d’autres ministères, laissant 5 296 personnes à l’Insee41. La tendance à l’augmentation du niveau moyen des qualifications s’accélère ensuite notablement. Les tâches les moins qualifiées disparaissent progressivement dans les directions régionales et la tendance est confirmée à la direction générale avec le passage à la micro-informatique des années 1980-1990 qui supprime les postes de secrétariat à mesure des départs en retraite. Au bout du compte, en 2019, pour l’Insee (hors services ministériels) le personnel de catégorie A représente 30 % des effectifs et celui des catégories A et B 71 % du total42.

Conclusion

26Au début de la Reconstruction, dans le partage de l’expertise en matière d’information économique de l’État, l’Insee hérite de la statistique, « neutre et impartiale »43, et le Seef des comptes de la nation. Les tensions entre les directeurs des deux institutions, Francis-Louis Closon, ancien résistant proche de De Gaulle, mais extérieur au sérail des Finances, et Claude Gruson, inspecteur des Finances intégré au Trésor, sont très vives. La distance séparant la rue de Rivoli, siège des Finances, et le quai Branly, siège du secrétariat d’État aux Affaires économiques et de l’Insee, n’est pas seulement géographique, elle oppose deux mondes qui ne se fréquentent pas. Pour Rivoli, l’Insee n’est pas une direction prestigieuse44. Il n’a pas accès aux informations chiffrées des administrations centrales de la rue de Rivoli nécessaires « pour interpréter les données statistiques et élaborer des prévisions économiques »45, qui répondent aux besoins des décideurs politiques. Le combat pour l’expertise statistique s’infléchit avec la nomination de Gruson à l’Insee le 30 septembre 196146. L’Insee hérite des comptes de la nation pour les années passées et des études prospectives pour le Plan, mais l’Insee n’a pas le monopole de cette information puisqu’il n’hérite pas de la comptabilité nationale, ni du plan. À partir de cette date, les statisticiens vont pouvoir introduire une méthode et des outils dans les différents ministères pour harmoniser les statistiques publiques, renforcer les moyens d’information des gouvernants et aussi se tourner vers le public, contribuant ainsi à renforcer la démocratie économique souhaitée par le programme du Conseil national de la Résistance. Remarquons cependant, au terme de cette étude, que ni la signification de l’information économique, ni la place des statistiques, ni celle des indicateurs de court terme dans cette information n’ont été clarifiés par ces tensions47. Ils éclairent néanmoins les pratiques des acteurs des finances publiques et leurs effets sur la société, à un moment où les logiques financières de l’État sont peu ouvertes au marché et où la question reste traitée à l’échelle nationale. Remarquons enfin qu’en France, l’organisation de la statistique publique fait rarement l’objet d’un débat démocratique.

Notes de bas de page

1 Étymologie du mot statistique proposée par Le Petit Robert (édition 1988).
Vers 1785 ; allemand : « Statistik », 1749 ; du latin moderne « statisticus » (xviie siècle) « relatif à l’État », du latin « status », probablement d’après l’italien « statista », homme d’État.
Sens : 1. Étude méthodique des faits sociaux, par des procédés numériques, destinée à renseigner et aider les Gouvernements.
Sens moderne (1832) : ensemble de techniques d’interprétation mathématique appliquées à des phénomènes pour lesquels une étude exhaustive de tous les facteurs est impossible, à cause de leur grand nombre ou de leur complexité.
2. Ensemble de données numériques concernant une catégorie de faits.

2 Florence Descamps, « Les comités de réforme administrative et d’économie budgétaires, 1919-1959 : vie et mort d’une politique de gestion publique ? », dans Philippe Bezes, Florence Descamps, Sébastien Kott, Lucile Tallineau (dir.), L’invention de la gestion des finances publiques. Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2013, p. 233, https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/2906.

3 Émilien Ruiz, « Trop de fonctionnaires ? Contribution à une histoire de l’État par ses effectifs (France, 1850-1950) », doctorat, histoire, sous la direction de Marc Olivier Baruch, EHESS, 2013, publié sous le titre Trop de fonctionnaires ? Histoire d’une obsession française xixe-xxie siècle, Paris, Fayard, 2021.

4 Aude Terray, Des francs-tireurs aux experts. L’organisation de la prévision économique au ministère des Finances 1948-1968, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, p. 243, https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/1470.

5 Site Insee « un peu d’histoire » : https://www.insee.fr/fr/information/1300622#organisation.

6 Béatrice Touchelay, « L’Insee des origines à 1961 : évolution et relation avec la réalité économique, politique et sociale », doctorat, histoire, sous la direction d’Albert Broder, université Paris Est, 1993 et « L’Insee, histoire d’une institution », dans Jean-Pierre Beaud, Jean-Guy Prévot (dir.), L’ère du chiffre. Systèmes statistiques et traditions nationales, Québec, Presses de l’université du Québec à Montréal, 2000, p. 153‑187.

7 Jacques Dupâquier, Alain Drouard, « La connaissance des faits démographiques », dans Jacques Dupâquier (dir.), Histoire de la population française. Tome 4 : De 1914 à nos jours, Paris, PUF, 1988, p. 13 : « Personne ne semble s’être avisé à l’époque que ces progrès risquaient d’avoir leurs revers : le dépouillement centralisé allait être fatal à la statistique municipale ; le gonflement des activités devait réduire l’observation démographique au rôle de parent pauvre de l’étude économique ; enfin, l’importance même de la SGF pouvait compromettre son indépendance en en faisant un enjeu politique. »

8 Hervé Joly, À polytechnique X1901. Ils étaient l’élite de la Belle Époque. Qu’ont-ils accompli ?, Paris, Flammarion, 2021. Bernonville est l’un des 180 lauréats de la promotion de l’École polytechnique étudiée dans cet ouvrage, p. 15 et 61.

9 Olivier Martin, L’empire des chiffres. Une sociologie de la quantification, Paris, Armand Colin, 2020.

10 Pierre Labardin, L’émergence de la fonction comptable en France, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

11 Alfred Sauvy, « Statistique générale et Service national de statistique de 1919 à 1944 », Journal de la Société de statistique de Paris (JSSP), n° 2, premier trimestre 1975, p. 34‑43, p. 35.

12 Pascal-Gaston Marietti, La Statistique générale en France, Rufisque, Imprimerie du Gouvernement, 1947, p. 51.

13 Victor de Marcé, « La statistique en Allemagne et en France », JSSP, avril 1932.

14 Michel Huber, « Quarante années de la Statistique générale de la France : 1896-1936 », JSSP, mai 1937, p. 179‑214, p. 180.

15 Roland Pressat, « L’enseignement des statistiques en France à ses débuts (1850-1939) », JSSP, tome 128, 1987, p. 18‑29, p. 19

16 Id., p. 22 ;

17 Émilien Ruiz, thèse citée, p. 125 et suiv. et p. 697.

18 Béatrice Touchelay, « La fabuleuse histoire des prix de détail en France », Entreprises et histoire, 2015, n° 79, p. 135‑146 ; « Un siècle d’indice des prix de détail français (1913-2013) ou la métamorphose d’un pionnier de la politique du chiffre », Politiques et management Public, 31/4, oct.-déc. 2014, p. 266‑277 ; « Les ordres de la mesure des prix. Luttes politiques, bureaucratiques et sociales autour de l’indice des prix à la consommation (1911-2012) », Politix, vol. 27, n° 105, 2014, p. 117‑138.

19 Alfred Sauvy, « Statistique générale… », art. cité, p. 35.

20 Alfred Sauvy, « Les statistiques industrielles… », JSSP, décembre 1940. Ce décret constitue pour Alfred Sauvy une « arme nouvelle dépourvue de munition ».

21 Site Insee « un peu d’histoire » : https://www.insee.fr/fr/information/1300622#organisation.

22 Béatrice Touchelay, thèse citée. Je précise pour cette partie les anciennes cotes du Service des archives économiques et financière (désormais SAEF) H 1586, Textes sur l’Insee (1946-1949). Présentation du rapport Chassaigne, cabinet du directeur général, février 1949, 50 p., p. 37.

23 Id., p. 24.

24 SAEF, H 1575, n° 228/C, 8 mars 1948, Closon, note au sujet des difficultés d’action de l’Insee, 4 pages.

25 SAEF, H 1575, n° 452/C, 19 avril 1948, note du cabinet sur la réduction des effectifs de l’Insee adressée au directeur du cabinet du sous-secrétaire d’État aux Affaires économiques.

26 SAEF, H 1575, n° 78/C, 21 janvier 1948, note de Closon pour la direction du Budget.

27 SAEF, H 1578, n° 681/920, 5 novembre 1951, information transmise à Jean Lecerf, directeur du Figaro, à la suite de sa demande verbale.

28 SAEF, H 1576, n° 228/C, 8 mars 1949, note de Closon au sujet des difficultés d’action de l’Insee pour Robert Montet au cabinet du ministre de l’Agriculture, 4 p.

29 Non signé, « Étude sur l’évolution des effectifs et des crédits de l’Insee en 1949 », Bulletin d’information, septembre-octobre 1950, n° 8, p. 17‑21, p. 21.

30 SAEF, H 1575, n° 198/C, 18 février 1948, note de Closon pour le sous-secrétaire d’État aux Affaires Économiques à propos de la réduction des effectifs imposée à l’Insee et de la décision du 9 février 1948 relative aux directions régionales, 4 p.

31 SAEF, H 1575, n° 683/C, 19 juin 1948, note de Gabriel Chevry sur la réduction des centres mécanographiques de l’Insee.

32 Béatrice Touchelay, « L’Insee et le CNPF de 1946 à 1961 : l’histoire d’une alliance modernisatrice », Le Mouvement social, avril-juin 2000, p. 25‑47.

33 Alain Desrosières, Laurent Thévenot, Les catégories socioprofessionnelles, Paris, La Découverte, 1988.

34 Aude Terray, op. cit. p. 219 et suiv. et chapitre 8 : « Le conflit avec l’Insee », p. 228‑248.

35 Aude Terray, op. cit., p. 343‑344. Alors que Gruson réclamait 20 millions en 1963, il n’obtient que 12 millions de crédits d’enquêtes et de recensement.

36 Id., p. 265.

37 Id., p. 267.

38 Pierre Delain, « L’évolution des moyens de l’Insee de 1946 à 1981 », dans Joëlle Affichard (éd.), Pour une histoire de la statistique, tome 2 : Matériaux, Paris, Economica-Insee, seconde édition 1987, p. 803‑811, p. 804.

39 Id.

40 Id., p. 807.

41 L’Insee et la statistique publique, 18 novembre 2020, https://www.insee.fr/fr/information/2115235, consulté le 4 juin 2021.

42 Les femmes et les hommes de l’Insee, 10 juillet 2020, https://www.insee.fr/fr/information/1892082#tableau-figure1, consulté le 4 juin 2021.

43 Aude Terray, op. cit., citation de Closon, p. 251.

44 Id., p. 61.

45 Id.

46 Michel Margairaz, « Claude Gruson 1910-2002, un expert du chiffre au service du Plan », dans Fabien Cardoni, Nathalie Carré de Malberg, Michel Margairaz (dir.), Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances (1801-2009), Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2012, p. 701‑703, https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/3648.

47 Voir à cet égard les débats organisés par Isabelle Chambost et Béatrice Touchelay dans le cadre des journées d’études : « L’information économique et sociale des salariés et de leurs représentants (2012-2014) », Cnam et Université de Lille (IRHiS).

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