Des lois de programme à la programmation intégrale des finances publiques (1900‑2009) : des lois pour rien ?
p. 101-124
Texte intégral
1Dès le xixe siècle, le pouvoir exécutif, en accord avec le pouvoir législatif, utilise plusieurs modes de programmation des dépenses publiques, mais le phénomène connaît des développements décisifs au cours du xxe siècle avec les lois de programme, puis les lois de programmation. En 1930, le publiciste Julien Laferrière donne une définition des lois de programme, qui reste valable durant tout le xxe siècle : « Une loi prescrit, qu’au cours d’un certain nombre d’années, devront être exécutés certains travaux ou constructions, dont le détail par catégories est fixé par la loi ou par un état annexe à la loi, et qui s’élèvent à un total de1… » Ce véhicule législatif souffre de plusieurs handicaps. En premier lieu, le degré de précision des programmes inscrits dans ce type de loi est variable. Quand ils sont peu détaillés, le principe de spécialité des crédits (la répartition précise des dépenses) est bafoué. En deuxième lieu, le Gouvernement est autorisé à engager… ce que le Parlement ne devrait pas lui refuser. Si ce dernier n’autorise pas le paiement des engagements, aucune sanction n’est prévue. En troisième lieu, les lois de programme se heurtent à la règle de l’annualité budgétaire. « À cette règle, dont le caractère est essentiellement politique, dont le but et le résultat sont d’assurer la prééminence des Assemblées en subordonnant à leur consentement annuel les dépenses sans lesquelles le Gouvernement ne saurait fonctionner, […] le droit français assigne son maximum d’énergie2 », explique ce même juriste. Car l’autorisation (annuelle) du budget concerne toutes les dépenses, nécessaires et facultatives. Bien que cette règle de l’annualité ne figure pas dans les constitutions françaises et ne possède une valeur constitutionnelle que depuis 2011 (à la suite de la décision du Conseil constitutionnel3 sur la loi organique relative aux lois de finances ou Lolf), celle-ci reste l’atout maître du pouvoir financier du Parlement et du ministère des Finances pendant deux cents ans. Historiquement, le principal handicap de la programmation réside dans l’opposition du ministère de la rue de Rivoli, puis de la rue de Bercy, au développement d’engagements pluriannuels et de toutes les modalités de programmation qui ont pour objectif de contourner l’annualité budgétaire.
2À aucun moment, les lois de programme ne sont contraignantes. Seule la loi de finances initiale oblige à financer des dépenses votées. De même, les reports de crédits d’un exercice budgétaire sur le suivant sont susceptibles d’être annulés ou parfois tardent à être affectés. En conséquence, les lois de programme peuvent être amendées annuellement par de nouvelles dispositions dans des lois de finances (initiales ou rectificatives). Dans les faits, une loi de programmation a donc per se une portée performative limitée : « C’est une autorisation qui n’autorise à rien », a résumé un jour un député4. Les lois de programme ne restent que des guides moraux, au sens de dépourvues d’une autorité juridique5. Du début du xxe siècle au début du xxie siècle, leur statut de loi est discuté6. Dans ces conditions, quelle est la finalité de la sanction législative d’une projection financière sur plusieurs années ? Plus largement, quelle est l’utilité de programmations financières à moyen terme, alors que – nous le verrons – elles ne sont que rarement intégralement exécutées ?
3La nature, le volume et la durée de la programmation évoluent au cours du xxe siècle. Ainsi, de programmes d’investissements précis, on est progressivement passé à la projection de politiques publiques pour finir par programmer l’ensemble des finances publiques (locales, sociales et étatiques). En outre, réservées à l’origine aux armements et aux infrastructures publiques, les lois de programmation englobent toutes sortes d’investissements ainsi que des dépenses de personnels. Enfin, la durée programmée par ce type de loi ne cesse de croître pendant le siècle : de trois-quatre ans au début du xxe siècle à, récemment, sept-huit ans avec des lois de programmation des dépenses militaires (2019-2025) et de la recherche (2021‑2027).
4Afin de comprendre les ressorts et les enjeux de cette triple dynamique d’extension, il convient de détailler les origines et les mutations de la technique de programmation pluriannuelle des dépenses publiques. Il est possible de distinguer trois phases au cours du xxe siècle. Ainsi, après des décennies de programmations militaire et civile durant les Troisième et Quatrième Républiques, aux modalités multiples, mais pour des résultats constamment décevants, les programmes en finances publiques sont institutionnalisés sous la Cinquième République, au sens où ils sont inscrits dans la Constitution et sont désormais très fréquemment utilisés pour mener différentes politiques publiques onéreuses. Dans une troisième phase (à partir des années 1990), la programmation est employée pour corseter indifféremment les dépenses étatiques, mais également sociales et locales.
I. Les Armées : laboratoire d’expérimentations de la programmation depuis le XIXe siècle
5Les chantiers navals, en raison des lourds investissements qu’ils nécessitent et de la durée des constructions de navires, constituent certainement le creuset de la projection financière, sans doute dès l’Antiquité7. Au xixe siècle, plusieurs programmes pour la Marine française sont envisagés. Après le plan du ministre Portal de 1820 pour onze ans, celui de 1846 sur sept ans ne peut être réalisé intégralement. Sous le Second Empire, le renouveau d’une ambition maritime nationale entraîne, par la voix de l’amiral Hamelin, devenu ministre de la Marine à la suite de la guerre de Crimée, le programme naval de 1857 à réaliser en quatorze ans, revu en 1863 et 18658. En 1872, un nouveau programme (pour dix ans de travaux) entend répondre à l’avènement de fortes marines russe et prussienne ; il est modifié en 1879 et en 1881 et partiellement achevé en 1892 seulement9. Parallèlement, des programmes d’équipements militaires terrestres se succèdent à partir de 1888. Ces programmes sont financés par des comptes spéciaux du Trésor ou des budgets extraordinaires10, c’est-à-dire par l’emprunt ou des ressources de trésorerie aléatoires. Un compte de liquidation destiné aux dépenses de réarmement est ainsi ouvert de 1874 à 1878. Autre exemple, le compte « Perfectionnement du matériel d’armement et réinstallation de services militaires », ouvert par la loi du 17 février 1898, doit être financé par la vente de terrains déclassés des fortifications de Paris. Or, à sa clôture en 1900, aucune recette n’a été encaissée11. Au début du xxe siècle, le financement des armements par des ressources ordinaires (fiscales) est réclamé par les parlementaires.
A. les nouveautés introduites par les lois navales de 1900 et 1912
6La loi relative à l’augmentation de la flotte du 9 décembre 1900 et la loi relative à la constitution de la flotte du 30 mars 1912 constituent deux tentatives de changer le mode de financement des programmes d’armement. En réponse aux lois navales de l’Empire allemand (cinq lois entre 1898 et 1912, suivant le plan Tirpitz), quatre lois françaises (1900, 1906, 1911 et 1912) fixent les constructions jugées nécessaires. Ni celle de 1900, ni celle de 1912 ne comportent, dans leur intitulé, le mot programme. Cependant, le « programme naval » est sur les lèvres de tous les contemporains. En outre, le mécanisme de crédits alloués sur plusieurs années et la possibilité de report de crédits y sont inscrits. La loi de 1900 prévoit 726 millions de francs à employer avant le 1er janvier 1907 et à prélever, cette fois, sur les ressources des budgets ordinaires. La loi du 30 mars 1912 concerne, elle, les années 1912-1919. Elle fixe les armements, mais également les effectifs à atteindre. Cette loi de 1912 dote la Marine de crédits sur plusieurs exercices. Sur le plan juridique, selon Laferrière, la rédaction de cette loi est plus impérative qu’aucune autre loi de programme avant elle. Elle engage le Parlement qui s’oblige là à payer les crédits nécessaires sur plusieurs années (l’estimation basse est de 1,3 million de francs jusqu’à l’exercice 1919). Elle constituerait donc, selon ce juriste, une rupture12 dans l’application stricte du principe de l’annualité, car il faut une loi spécifique – et non plus seulement un amendement budgétaire dans une loi de finances – pour modifier les financements des programmes13. Cependant, le financement est prévu selon les anciennes méthodes. En effet, les dépenses des premières années des programmes (les plus importants montants) sont à financer par des crédits supplémentaires inscrits au budget de la Marine. Ces crédits supplémentaires sont demandés au Trésor, ce qui aboutit à la création d’un nouveau compte spécial (sans dire le mot) pour gérer les fluctuations des crédits nécessaires par rapport aux crédits évalués en moyenne annuelle sur la période et inscrits dans l’échéancier de la loi. Ces dépenses supplémentaires sont in fine couvertes par de la dette publique (obligations à court terme, avec un hypothétique système d’amortissement). Ces dépenses sont pourtant des dépenses ordinaires pour la Marine et devraient être financées par des impôts, nouveaux si besoin. Le contournement de la règle de l’annualité (avec des avances du Trésor) se reproduit en 1913, avec une loi accordant un crédit de 500 millions de francs au ministre de la Guerre pour des constructions à réaliser en cinq ans. Les sommes sont moins précisément réparties que dans la loi navale de 1912 pour des raisons de confidentialité14. Une sous-commission des Finances permanente est alors créée pour surveiller les affectations de crédits à la défense nationale.
7La Première Guerre mondiale représente un autre temps d’expérimentation de la production programmée d’armements. Le sous-secrétaire d’État, puis ministre de l’Armement, Albert Thomas, rationalise et « nationalise » cette production. Il souhaite des prévisions à six mois15. L’État (ministères et directions d’administration) et des cartels d’industriels privés se répartissent les programmes d’armement. Cependant, les objectifs de production doivent répondre avant tout à l’urgence de la « consommation » des armées aux fronts et non pas particulièrement à des objectifs de modernisation des moyens de défense, même si de nombreuses nouvelles armes sont produites alors. Ce type de « planification » étatique d’armement reste exceptionnel le temps du conflit. Après-guerre, les méthodes de programmation connaissent des améliorations qui restent formelles.
B. Les modalités financières du réarmement dans l’entre‑deux‑guerres
8À partir de 1922 (loi du 18 avril, dite « loi de tranche »), la procédure des tranches pour l’armement naval engage des dépenses sur plusieurs années, sans l’écrire explicitement. Un projet de loi de 1924 de réarmement naval, conforme au Système naval de 1924 non voté, sert de base à des votes de lois annuelles successives pour la Marine16. Si des crédits sont engagés pour des bâtiments à venir, les Assemblées doivent les abonder chaque année dans les lois de finances ou par des lois spécifiques17. Par exemple, la loi du 12 janvier 1930 (autorisant la mise en chantier d’unités navales) finance les travaux prévus pour la tranche 1930 du programme naval, avec engagement de crédits possibles sur la période 1930-1934 inclus18. Le modèle de loi de tranche de 1922 engendre le vote de sept lois militaires de ce type jusqu’en 1937. La loi de finances initiale pour 1926 instaure, elle, la pratique des autorisations d’engagements. Avec celles-ci, le Parlement accorde officiellement aux Armées des crédits à prendre sur les exercices ultérieurs (mais qui restent à ratifier par les Assemblées annuellement ensuite). Cette pratique permet d’engager des marchés d’armement pluriannuels et constitue la principale méthode programmatique des années 193019.
9L’aviation connaît, à partir du premier conflit mondial, un essor extrêmement rapide. Les armes d’avenir que sont les avions deviennent des priorités dans les plans des années 1930. La loi du 6 juillet 1934 enclenche ainsi un plan de production de 1 010 avions. Les crédits sont néanmoins revus à la baisse, en raison de la politique de déflation en 1934-1935. Les plans Air se succèdent à l’initiative des différents ministres en charge. L’armée de Terre bénéfice, elle aussi, de « plusieurs programmes d’armement pendant les années 1920 et le début des années 1930, mais ils restent inachevés, à l’exception de celui qui aboutit, entre 1930 et 1935, à la construction de la ligne Maginot, symbole de la stratégie défensive française20. » Le premier cycle de réarmement concernant les trois armées ensemble date du Front populaire, avec les trois plans de 1936-1937, à réaliser en 1937-1940. Robert Frank a détaillé les aléas qu’ont connus le plan pour l’armée de Terre de 1936, le plan Cot ou plan II pour l’aviation de 1936 et le plan de trois ans pour la Marine de 193721. Les Gouvernements Blum et Daladier de 1938-1939 accroissent eux aussi les crédits militaires22.
10Durant les années 1930, le système des engagements pluriannuels n’est cependant pas systématique et les modalités de la programmation restent variées. Ainsi, la loi du 14 janvier 1930 (« d’organisation défensive des frontières », autorisant des travaux de fortifications et renforçant la défense antiaérienne) prévoit l’inscription de crédits (3,3 millions de francs) aux budgets des exercices 1930 à 1934. Elle repose sur le même principe pluriannuel que la loi de tranche navale du 12 janvier 1930, mais avec cette double différence qu’il n’est pas possible d’anticiper les crédits à dépenser, ni de reporter des crédits inutilisés d’un exercice sur l’autre23. Par ailleurs, toujours en 1930, les promoteurs de la loi sur le perfectionnement de l’outillage national (qui comprend des dépenses militaires) demandent, sans succès, au Parlement les crédits d’engagement pour cinq ans dès la première année24. En outre, le décret-loi du 22 avril 1932 oblige à inscrire dans chaque budget annuel les crédits de paiement prévus dans les lois de programme, mais le décret-loi n’est pas appliqué et le Parlement reste souverain en la matière25. Enfin, le décret-loi du 21 avril 1939 consacre la pratique des budgets militaires pluriannuels, avec la création de « crédits de programme » qui engagent les finances publiques sur plusieurs années.
C. Les programmes d’armement d’après‑guerre sous perfusion américaine
11Sous les Troisième et Quatrième Républiques, les modes de programmation des investissements militaires que nous avons évoqués restent très décevants. Avec les multiples textes programmatiques votés entre 1900 et 1939, les militaires n’obtiennent que des engagements moraux, car le Parlement n’est jamais obligé de voter annuellement les tranches. La modernisation des armées se fait alors, soit sous la contrainte comme pendant la Première Guerre mondiale, soit trop tard pour éviter la défaite comme lors des années 1936-1939. Si la France n’est pas nécessairement en retard d’une guerre, elle est en revanche souvent en retard d’une programmation. Sous la Quatrième République, des leçons sont tirées, mais ce sont les moyens financiers qui font alors cruellement défaut et les Armées dépendent des matériels et des crédits américains26.
12Il faut attendre 1950 et les aides américaines pour voir se concrétiser des plans de modernisation des armées préparés depuis 1945 : une loi-programme pour l’aéronautique, votée en 1950 (19 août) pour 1950-1955 (près de 200 millions de francs initiaux) et prolongée jusqu’en 1958 ; une loi pour l’équipement des forces armées (terrestres) en 1951 (8 janvier) pour 1951-1953 (près de 400 millions de francs initiaux). La Marine, quant à elle, n’obtient pas d’engagement financier pluriannuel27. La loi-programme aéronautique de 1950, par la durée de son échéancier (sur huit ans) et ses réussites28, est tout à fait remarquable. Cependant, les fluctuations du financement des programmes empêchent toujours la pleine réalisation des projets. En outre, la reconstitution d’une armée française crédible est très inégale selon que l’on considère l’armée de l’Air, les forces terrestres ou la Marine. Les programmes restent différenciés. La programmation interarmées est encore dans les limbes. À cet égard, la rédaction d’un plan interarmées fin 1954, issu d’un travail de synthèse supervisé par le Conseil supérieur des forces armées, représente le premier pas vers une programmation globale des armées, mais qui ne se traduit pas par un programme financé.
II. Des insuffisances des plans d’investissements civils à la réussite de la planification civile à la française
13Les militaires ont donc expérimenté de multiples formes de programmation du xixe siècle aux années 1950. Dans le domaine civil, trois principales méthodes de financement à moyen terme sont essayées, qui correspondent à trois périodes distinctes : investissements pour une infrastructure nationale de transports du xixe siècle à 1914, relance contra-cyclique dans les années 1930, puis dépenses de la Reconstruction économique après‑guerre29.
14Depuis le xixe siècle sont élaborés des plans de financement pour les chemins de fer, canaux et ports. L’État aide alors au financement d’équipements publics, notamment en subventionnant le remboursement des emprunts contractés par des collectivités territoriales ou des établissements privés et publics ou en garantissant leurs prêts. Dans l’entre-deux-guerres sont définis plusieurs plans de relance de l’économie. Là, il s’agit d’investissements en capital ciblés vers certains secteurs industriels et entièrement financés par des dépenses publiques.
15Après-guerre, une planification souple est mise en place. Cette fois, la méthode prévoit, comme précédemment, des investissements directs par l’État, mais ils sont désormais coordonnés en amont avec les efforts d’acteurs économiques privés en vue de la réalisation d’objectifs partagés et concernant des pans entiers de l’économie nationale, deux différences majeures d’avec la programmation civile de cette époque.
A. Les grands travaux publics avant 1914
16Les modalités de financement des travaux publics d’ampleur peuvent être très variées30. Ainsi, le financement du réseau ferroviaire de 1842 (loi relative à l’établissement des grandes lignes de chemin de fer en France du 11 juin 1842) prévoit des dépenses par ligne de chemin de fer et pour plusieurs exercices. Le financement est assuré par de la dette flottante. Plus tard, la partie du plan Freycinet qui concerne les chemins de fer se traduit par une loi du 17 juillet 1879, qui classe 181 lignes dans le réseau des chemins de fer d’intérêt général. En plus des ressources extraordinaires mobilisées par l’État, il est fait appel à un financement par concours des départements, des communes et même des particuliers. Le plan Freycinet couvre également, en plusieurs lois de juillet 1879, les ports et les canaux. Les travaux publics étaient financés depuis le Second Empire par un système d’avances d’acteurs locaux à l’État. Les dépenses ne figuraient pas au budget du ministère compétent et constituaient des emprunts indirects de l’État. Freycinet innove et prévoit un emprunt direct de l’État sur soixante-quinze ans. Prévu pour s’étaler sur dix à douze ans, le plan Freycinet est arrêté brutalement dès 1882 par le Parlement en raison d’une crise du crédit public. L’État revient au système des avances dès 1884 et le budget extraordinaire est supprimé en 1887.
17Le plan du ministre des Travaux publics Baudin, déposé au Parlement en 1901, mais adopté seulement le 14 décembre 1903, se présente sous la forme d’un projet de loi tendant à compléter l’outillage national et s’intéresse aux canaux inachevés du plan Freycinet et aux travaux portuaires d’urgence. Le plan Baudin doit être financé par participations des autorités locales bénéficiaires (chambres de commerce, municipalités). Son ambition est réduite par les parlementaires, mais il est appliqué bon an mal an jusqu’en 1914. Le programme routier oblige également à imaginer plusieurs mécanismes d’aides, de subventions et d’avances de l’État aux départements et aux communes. En définitive, les travaux d’aménagement du territoire avant 1914 souffrent de l’absence d’une véritable programmation des moyens31. Pour la construction des écoles (depuis la loi Guizot de 1833), l’État oblige les communes à se rendre propriétaires des écoles et crée en 1878 une caisse spéciale pour des avances remboursables aux communes. Cette méthode et les dispositifs qui suivent produisent des résultats mitigés32.
B. Les plans de relance de l’économie dans l’entre‑deux‑guerres
18Les plans de travaux publics se succèdent sans relâche pour tenter de remédier à la crise économique qui a éclaté aux États-Unis en 1929 et s’étend au reste du monde occidental. Le plan Tardieu de travaux d’équipement (programme de perfectionnement de l’outillage national) est déposé en 1929 et voté en 1930 (à dépenser entre 1930 et 1934). Financé par un compte spécial du Trésor et des avances du Trésor, dont le paiement et l’engagement sont fixés annuellement par le Parlement, ce plan risque les mêmes désillusions que les plans Freycinet et Baudin. Aux plans Steeg et Laval de 1931 s’ajoutent les plans Marquet de 1934, Blum de 1936 et de 1938 (incluant ensemble des dépenses d’armement, d’outillage et de travaux), et enfin le plan Daladier de travaux ruraux et urbains de 1938. Le recours aux budgets extraordinaires, financés par des ressources épuisables, aux intitulés changeants est fréquent dans l’entre-deux-guerres, comme par exemple celui, en 1936, du « fonds d’armement, d’outillage et d’avances pour travaux », qui devient à l’exercice 1937 le « compte d’investissements en capital relatif à l’exécution du programme de défense nationale et des grands travaux destinés à provoquer la reprise économique et à lutter contre le chômage », puis, en 1938, « compte des investissements en capital et Caisse autonome de la défense nationale », puis, en 1939, « compte des investissements en capital ». À la veille de la Seconde Guerre mondiale, près de 50 % des dépenses de l’État figurent hors du budget de l’État proprement dit33. Ces budgets, extraordinaires mais devenus pérennes, sont votés par le Parlement chaque année.
19Dans les années 1930, les plans civils de travaux publics, tout comme les plans militaires, constituent des plans de relance de l’économie dont le financement subit les variations de la conjoncture34 et les changements fréquents de majorité politique. La succession rapide de ces plans durant ces années prouve à la fois leur caractère d’affichage politique et le peu d’effets à moyen terme qu’ils produisent35. Après 1945, la planification nationale prend le pas sur la programmation sectorielle, qui se poursuit néanmoins36. Mais cette dernière a montré ses limites et surtout, désormais, les besoins de la Reconstruction sont immenses et concernent tous les secteurs de l’économie. L’après-guerre favorise en outre les processus de concertation entre les secteurs privés et publics, entre patrons et syndicats, et entre acteurs d’obédiences politiques et économiques opposées pour produire une planification à la française, originale et différente de la programmation utilisée jusqu’alors.
C. La planification civile après 1945
20Au premier regard, la planification civile d’après-guerre passe, à l’instar de la programmation précédente, par le vote de lois et l’utilisation des lois de programme. Ainsi, pour le IIe Plan, une annexe à la loi du 27 mars 1956 précise les investissements et projette des lois-programmes. Le IIIe Plan est, lui, accompagné de lois-programmes plus nombreuses37. Cependant, la programmation financière n’est pas de la même nature que le Plan. Si la programmation, comme le Plan, contient des objectifs chiffrés et des autorisations de programme votées, elle n’est pas le résultat d’une négociation entre des acteurs publics et privés, et reste une décision de l’exécutif seul présentée au Parlement. En outre, le Plan présente des objectifs quantifiés de développement sectoriel, puis d’améliorations socio-économiques. La programmation propose, elle, des échéanciers de dépenses publiques pour des équipements collectifs. De plus, les deux exercices, programmation et planification, ne sont pas coordonnés38.
21La planification, qui ne procède pas de la même philosophie que la programmation, mais qui se décline elle aussi en programmes d’actions, obtient globalement de meilleurs résultats économiques, notamment en raison de la phase de concertation qui la précède et de son caractère relativement transpartisan durant la période de la Reconstruction. Or le consensus sur cette planification à la française ne dure pas. En effet, avec le IVe Plan (1962-1965), les orientations deviennent en priorité économiques et sociales, avant celles de l’équipement et de la modernisation. En outre, entre son rattachement auprès du Premier ministre (1962) – après avoir été aux Finances depuis 1954 – et le départ de Pierre Massé (1966) du Commissariat général au Plan, remplacé par François-Xavier Ortoli, le Plan se politise et, d’organe de négociation et de planification, il devient un organisme de prévision et de prospective. Ainsi, d’une part, pour le IVe Plan, le Gouvernement fixe les objectifs. D’autre part, à partir du Ve Plan, les objectifs (civils) deviennent plutôt des prévisions. Henry Rousso définit 1965 comme l’année charnière pour l’histoire du Plan : « beaucoup y voient la fin du projet planificateur au seul profit de l’outil planification39. » À ce moment-là, la programmation connaît, elle, un essor remarquable (voir infra).
22Depuis le xixe siècle, dans le domaine civil, les garanties offertes par l’État en faveur de la construction des chemins de fer, des canaux, des ports ou encore des écoles ne permettent pas toutes les réalisations souhaitées. L’étatisation de l’investissement dans ces secteurs devient une nécessité, ce qui se traduit par des engagements financiers de l’État croissants et pérennes. De leur côté, les plans de relance de l’entre-deux-guerres souffrent à la fois de leur politisation et de l’alternance politique fréquente, qui fait changer par les Gouvernements au pouvoir les plans de leur prédécesseur. La planification civile sous la Quatrième République compte des réussites indéniables en se démarquant nettement des méthodes de la programmation civile antérieure. La Cinquième République est marquée par un affadissement du Plan surtout après 1966, puis par une montée en puissance de la programmation civile et militaire.
III. L’institutionnalisation de la programmation sous la Cinquième République
23Dès le milieu des années 1950, les finances publiques françaises sont réformées dans un sens plus favorable à la programmation. Le procédé des autorisations d’engagement (du décret-loi du 21 avril 1939) est repris dans une loi du 30 mars 1947 créant la distinction entre les crédits de paiement (CP) et les autorisations de programme (AP), qui sont des crédits demeurant valables aussi longtemps que nécessaires. Peu utilisé, ce système est ensuite intégré au décret organique du 19 juin 1956, qui réforme la procédure budgétaire. Ce décret attribue plus de pouvoir à l’exécutif face au législatif et permet ainsi, avant la Constitution de 1958, un rééquilibrage entre les deux pouvoirs40.
A. La programmation entre dans la Constitution en 1958
24La Constitution de 1958 intègre l’instrument loi de programme. À l’article 34, il est écrit que « des lois de programme déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État », ce qui n’explicite pas les modalités de mise en œuvre de ces lois. L’article 70 de la Constitution prévoit que le Conseil économique et social donne son avis sur toute loi de programmation financière. Ces deux articles sont l’œuvre de Michel Debré, en fin de rédaction de la Constitution. Les lois de programme regroupent les AP éparses41. Les dispositions sur les programmes sont confirmées par l’ordonnance financière du 2 janvier 1959. Les lois de programme bénéficient donc d’un fondement constitutionnel, qui leur donne a priori plus de poids face aux lois de finances initiales42. Mais, pour ces lois de programme qui regroupent des AP, le vote annuel des AP et des CP demeure obligatoire, ce qui hypothèque l’avenir des programmes. Même si, dans ces textes juridiques de 1956 et 1959, les lois de programme restent peu contraignantes pour le Parlement, le pouvoir gaulliste entend bien réformer en profondeur le pays à l’aide de cet outil. La programmation – plus que la planification dont l’obligation se fait, en réalité, de moins en moins ardente (voir supra) – représente un instrument conforme à la pratique gaullienne du pouvoir. Il permet d’afficher une volonté politique forte et des perspectives réformatrices sur le moyen terme. Il n’émane pas d’une concertation, comme les Plans, mais du seul pouvoir exécutif, et le Parlement n’a plus qu’à ratifier ces projets de loi. Les lois de programme renforcent ainsi l’arsenal financier du pouvoir exécutif. Il est souvent mobilisé au début de la Cinquième République à la fois pour les questions militaires et pour les affaires civiles.
B. L’accroissement du périmètre des lois de programmation militaires depuis 1960
25Alors que l’article 34 précité exclut du champ des lois de programme les activités militaires, les Armées les utilisent régulièrement à partir de 1960. La première loi de programme 1960-1964 reste, à l’instar de ses prédécesseurs sur l’armement terrestre, l’aéronautique ou encore les bâtiments de la Marine, une loi d’armement, nucléaire en l’occurrence43. En revanche, la deuxième loi de programme 1965-1970 reflète, elle, une volonté de réforme de l’organisation des forces armées. La programmation militaire se poursuit jusqu’à nos jours, non sans avoir changé de périmètre, de format législatif et même de nature. La troisième loi de programme inclut toutes les dépenses d’équipement des Armées. La quatrième loi (1977-1982) est une loi de « programmation », car elle inclut pour la première fois les dépenses de fonctionnement. Cette anomalie, qui consiste à consacrer des AP aux crédits de fonctionnement, est propre aux Armées44 et perdure jusqu’à la mise en œuvre de la Lolf, qui généralise les autorisations d’engagement pour les dépenses d’investissement et de fonctionnement (mais pas de personnels). En outre, la plupart des lois de programmation militaires inscrivent des CP, ce qui est tout aussi hérétique, au regard des textes alors en vigueur, que d’inscrire des AP dans une loi de finances initiale45. Dans le secteur civil, la programmation se développe également fortement au début de la Cinquième République, d’abord en lien avec les Plans, puis indépendamment d’eux.
C. L’essor de la programmation sectorielle civile
26Treize46 ou quatorze47 lois de programme sont adoptées pour des secteurs civils entre 1959 et 1962 (dans les domaines les plus divers, notamment pour l’équipement sanitaire et social, scolaire, universitaire, agricole et énergétique), puis seulement cinq entre 1965 et 1978. En 1989, on en décompte au total une trentaine48. Certains domaines, à l’instar des affaires militaires, bénéficient de lois de programme, puis de programmation, régulières. Il en est ainsi de l’énergie nucléaire depuis 195249, des Dom-Tom depuis 1960 et des monuments historiques depuis 1962. L’Éducation nationale (y compris les activités sportives et socio-éducatives) et la Recherche restent également un des champs d’application privilégiés de la programmation. Les lois d’équipement scolaire et universitaire débutent en 1959. Elles se poursuivent jusqu’à nos jours50. Après la loi (dite Chevènement) du 15 juillet 1982 et celle du 23 décembre 1985 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, est votée la loi de programmation du nouveau contrat pour l’école (13 juillet 1995)51. La loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (qui ne contient pas de dispositions financières et qui, en dépit de son intitulé, n’est pas une loi de programme) est censurée en partie par le Conseil constitutionnel, notamment pour « bavardage » (c’est-à-dire absence de portée normative) et pour empiéter sur le domaine réglementaire52. Les lois d’orientation, dont les premières apparaissent en 1960 et qui ne sont pas prévues dans la Constitution approuvée deux ans plus tôt, ne fixent généralement pas un cap financé53. Les années 2000 et 2010 connaissent d’autres lois de programmation importantes : pour la Justice en 2002 et 2019 après celle de 1995, pour la sécurité intérieure en 2002 et 2011 après celle de 199554, pour la ville et la rénovation/cohésion urbaine en 2003 et 201455 et enfin pour la cohésion sociale en 200556. Est également votée la loi d’orientation et de programmation pour la recherche du 18 avril 2006 pour 2006‑2010.
27Enfin, les programmes d’investissements d’avenir depuis 2010 orientent des dépenses publiques vers des secteurs innovants et prometteurs, des projets de recherche et/ou favorables au développement durable57. Piloté par le Commissariat général à l’investissement, devenu Secrétariat général pour l’investissement placé auprès du Premier ministre et géré par la Caisse des dépôts et consignations, ils apparaissent comme un dispositif hybride entre la planification des années 1940-1960 (sans la concertation préalable avec les représentants syndicaux), la programmation civile sectorielle (avec un co-financement systématique cependant) et la programmation des finances publiques (voir infra).
28Sous la Cinquième République, si les programmes militaires se succèdent avec régularité58, les programmes civils sont donc, eux aussi, désormais bien ancrés dans les pratiques financières de l’État. Parallèlement, l’exécutif n’a pas assujetti le Plan civil à des objectifs impérieux, et les Plans civils deviennent des indications à suivre, puis disparaissent dans les années 1980. Dans les années 1990, la programmation mute une nouvelle fois, en changeant de champ d’application et donc de nature.
IV. La programmation au service d’une politique d’austérité depuis les années 1990
29La multiplication des lois de programmation sectorielles participe d’un gouvernement par les finances publiques59, qui se traduit également, à partir du milieu des années 1990, par une extension de la méthode programmatique à toutes les catégories de dépenses publiques. Ainsi, d’un instrument dépensier au service de certaines politiques publiques jugées majeures, elle devient un instrument de maîtrise de la dépense, du déficit et de la dette publics au service des politiques d’austérité macroéconomiques transpartisanes qui sont préconisées depuis le milieu des années 1980.
A. Les objectifs à moyen terme des dépenses locales et sociales
30Déjà présente en partie dans les Plans civils des années 1950-1970, avec les programmes d’action régionale, puis les programmes régionaux de développement et d’équipement, la « planification décentralisée » se poursuit avec la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification. Elle entraîne, à partir de 1984 jusqu’à nos jours, la signature de contrats de plan État-région. La contractualisation pluriannuelle avec des objectifs comptables commence ainsi, puis évolue sous différentes formes, et devient contraignante à partir de 1996 (pacte de stabilité financière pour trois ans)60. Depuis 2009, avec la première loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2009-2012, les dépenses des administrations publiques locales sont également programmées et leur perspective d’évolution est alignée sur celle de l’État. Ces mesures d’encadrement des dépenses locales sont renforcées en 2014, par la création de l’objectif (indicatif) d’évolution de la dépense locale en pourcentage annuel. En dernier lieu, la cinquième LPFP 2018-2022 introduit la contractualisation entre l’État et des collectivités territoriales volontaires (les contrats dits de Cahors, avec un pourcentage fixe d’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement de 1,2 % annuel). Dans la même logique, les dépenses sociales sont programmées avec une loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) depuis 1996 et un objectif national de dépenses de l’Assurance maladie depuis 2005. La loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale du 2 août 2005 oblige en effet une programmation des dépenses sociales pour quatre années, annexée au projet de loi de finances sociales. Dans les deux cas des dépenses locales et sociales, il s’agit de les faire participer à la maîtrise des dépenses publiques, consubstantielle à la construction d’une Europe politique.
B. La construction européenne et la Lolf engendrent une programmation de l’ensemble des finances publiques et un budget triennal
31Après la ratification du Traité de Maastricht en 1992, il est essayé en France une programmation de l’ensemble des finances étatiques par la loi du 24 janvier 1994 d’orientation quinquennale relative à la maîtrise des dépenses publiques. Ensuite, la règle de déficit public effectif, des 3 %61 maximaux annuels, émane du Pacte de stabilité et de croissance adopté à Amsterdam en 1997. Ce dernier prévoit l’annonce par les pays signataires d’une trajectoire de réduction du déficit structurel. Depuis 1999, un programme de stabilité sur trois à cinq ans (par exemple, celui pour 2008-2012) est ainsi fourni annuellement à la Commission et au Conseil européens par les États membres. Il est glissant et exprimé selon les normes de la comptabilité nationale. Il comprend toutes les dépenses publiques (sociales, locales et de l’État).
32De son côté, la Lolf votée en 2001 développe également la programmation – et articule le budget de l’État notamment en programmes. Ses articles 48 et 50 rendent obligatoire la présentation au Parlement, chaque année, avant la discussion du budget, de deux documents pluriannuels : le rapport économique, social et financier (en comptabilité nationale), et le rapport préparatoire au débat d’orientation. Après l’entrée en vigueur de la Lolf en 2006, l’idée d’un budget pluriannuel de l’État est avancée. Un budget triennal est préconisé dans un rapport des « pères » de la Lolf au Gouvernement, qui demande d’« oser la pluriannualité »62. Ce type de budget de l’État est lancé par une circulaire du Premier ministre du 11 février 2008. Il ne concerne que les dépenses (et pas les recettes) et n’est pas voté par le Parlement – il ne conduit donc pas la politique financière sur plusieurs années. Le premier budget triennal (2008-2011) est présenté en juillet 2008 au Parlement. Ce budget détermine les plafonds, fixes pour les deux premières années, des crédits des missions du budget général. La « programmation » au niveau des programmes budgétaires n’est, elle, ferme que pour la première des trois années. Ces prévisions sont révisées tous les deux ans (année paire). La direction du Budget, gardienne de la règle de l’annualité budgétaire, accepte ainsi, quatre-vingt-dix ans après sa création, de produire une pluriannualité budgétaire, en phase avec la pluriannualité de toutes les finances publiques, qui doit « permettre un pilotage effectif des finances publiques [entendre une maîtrise des dépenses], mais également augmenter la visibilité des gestionnaires »63. L’État dispose ainsi d’un « business plan », qui responsabiliserait les gestionnaires de deniers publics64.
33Cette pluriannualité du budget de l’État n’est pas inédite. Il y a la tentative d’un budget biennal en 1934-1935 et les budgets reconduits en 1923-1924, 1948-1949 et 1955-1956. Ensuite, les comptes spéciaux du Trésor et les budgets extraordinaires couvrent depuis longtemps des dépenses sur plusieurs exercices. En outre, généralisés durant les années 1970, héritages de la rationalisation des choix budgétaires, il est établi, en annexes des lois de finances, des budgets de programmes pluriannuels par ministère (les blancs budgétaires). Ils présentent le financement de politiques publiques, mais restent peu utilisés65. Par ailleurs, la procédure budgétaire annuelle inclut toujours une dimension pluriannuelle, « une pluriannualité à la française occulte » selon l’expression du sous-directeur à la direction du Budget Jean-Luc Pain66. En effet, les lois de finances initiales (LFI), par la nécessaire continuité des services publics et de l’État, comportent de nombreux engagements pluriannuels67. De la même façon, la dette publique, l’embauche de fonctionnaires ou encore les pensions de retraite sont des engagements à long terme. Si la pluriannualité des dépenses étatiques n’est donc pas un impensé, aucun budget pluriannuel de l’État n’avait été jusque-là promu par la direction du Budget.
34Sans hasard, la programmation budgétaire de 2008 intervient pendant les débats sur l’introduction dans le droit financier d’une règle obligeant à atteindre un équilibre des finances publiques.
C. Les tentatives pour imposer une obligation d’équilibre des finances publiques et la « reconstitutionnalisation » de la programmation
35Depuis les années 1990, l’idée de disposer d’un document définissant un cap de réduction des déficits à moyen terme a fait son chemin. Un rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) de 2007 préconise dans ce sens une programmation de toutes les finances publiques68. L’extension de la programmation à l’ensemble des finances publiques procède également d’autres facteurs. Les engagements français envers la Commission européenne et la dimension pluriannuelle de la Lolf y incitent. La volonté de la majorité présidentielle d’inscrire en 2008 une règle d’or d’obligation d’équilibre budgétaire des dépenses de fonctionnement y invite également69. Elle n’aboutit cependant pas, en raison de l’opposition conjointe à cette mesure de la ministre des Finances de droite, Christine Lagarde, et du président (de gauche) de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Didier Migaud.
36Dans ce contexte (Traités européens, Lolf à partir de 2006, rapport de la commission de Michel Pébereau sur la dette publique en 2006, rapport de l’IGF de 2007, débat sur la règle d’or en 2008 et déficits engendrés par la crise économique à partir de 2008) et fruit d’un accord entre parlementaires et budgétaires70, la programmation pluriannuelle des finances publiques est constitutionnalisée le 23 juillet 2008. Elle est de nature différente de la programmation constitutionnalisée en 1958. L’article 34 modifié de la Constitution prévoit que : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. » La première loi de programmation des finances publiques (LPFP) date du 9 février 2009 pour la période 2009-2012. Les LPFP prévoient71 les dépenses des administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale (administrations publiques centrales, locales et de la Sécurité sociale) et incluent les projections du nouveau budget triennal de l’État (en comptabilité publique). Ce nouveau type de loi de programmation est clairement un outil de maîtrise des dépenses publiques. Or l’objectif d’équilibre est, selon les termes du constitutionnaliste (et membre de la commission, dirigée par Édouard Balladur, de réforme de la Constitution) Guy Carcassonne : « un compromis laborieux, destiné à sécuriser des voix nécessaires à l’adoption de l’ensemble de la révision plus qu’à introduire dans celle-ci une rupture radicale72 ».
37En effet, dès le début, le sérieux de la démarche est interrogé. D’abord, la LPFP 2009-2012 est votée après la loi de finances initiale pour 2009, qui est la première des trois années programmées. En outre, les LPFP projettent sur quatre (puis cinq) ans, alors que le budget de l’État reste triennal. Surtout, les LPFP ne sont pas contraignantes. Non obligatoires, elles peuvent être changées par d’autres LPFP avant leur terme, ce qui est le cas73. Dans ces conditions, atteindre l’équilibre des comptes publics en utilisant des LPFP est illusoire. La constitutionnalisation de l’équilibre des finances publiques répond avant tout à un affichage politique74. En réaction à cette situation, le groupe de travail dirigé par Michel Camdessus préconise en 201075 de constitutionnaliser des lois-cadres pluriannuelles d’équilibre des finances publiques qui s’imposeraient aux LFI et LFSS. Cette démarche participe de la même ambition d’imposer au politique (y compris au Parlement) des règles de « bonne » gestion (dont les critères de mesure ne sont cependant pas précisés), ainsi qu’un contrôle juridictionnel (par le Conseil constitutionnel) des grandes lignes de la politique budgétaire76. Tout comme la règle d’or et le principe constitutionnel d’équilibre, cette autre proposition de programmation au service d’une doctrine économique de l’équilibre des finances publiques, ne se concrétise pas. En définitive, coexistent depuis 2009 trois types asynchrones de trajectoire pluriannuelle des finances publiques77 : le programme sur quatre-cinq ans de stabilité pour l’Europe et le budget triennal de la direction du Budget, qui sont des exercices annuels ; la LPFP qui est, elle, votée tous les quatre-cinq ans. Cette profusion-confusion des programmations empêche de voir clairement l’avenir des finances publiques.
Conclusion
38L’histoire de la programmation au xxe siècle résulte d’une évolution lente, incrémentielle et non linéaire, durant laquelle les pratiques comptent plus que les textes législatifs et les principes financiers (annualité ou équilibre). Sur le siècle étudié ici (1900-2009), on constate une triple dynamique d’extension de la programmation. Extension continue des champs d’action publique programmables78. Extension de la durée moyenne des programmations. Extension du périmètre programmé jusqu’à atteindre un maximum (toutes les finances publiques).
39Alors qu’il n’existe pas de loi de règlement pour les lois de programmation – ce qui permettrait d’établir des bilans d’exécution à échéance –, tentons un bilan à grands traits de ce siècle de programmations militaire et civile. Sur le plan militaire, d’abord. Une préparation de la Revanche, entre 1900 et 1914, chaotique avec des programmes financés le plus souvent par l’emprunt (direct ou indirect). Des programmes d’armement dans l’entre-deux-guerres, qui demeurent inachevés ou arrivent trop tard pour éviter l’Année terrible. Des programmes dans les années 1950, sous perfusion américaine. Des programmes des années 1960-1970, qui engendrent une armée nucléarisée, mais aux effectifs très réduits et aux capacités d’opérations conventionnelles très diminuées79. Depuis les années 1970, des lois de programmation de la Défense plus utiles pour gérer la pénurie de crédits que pour réaliser la modernisation des armées.
40Dans le domaine civil, ensuite. À un financement programmé de travaux d’équipements essentiellement par les subventions et l’emprunt, succède, dans les années 1930, un financement de plans de relance sur ressources budgétaires, qui restent éphémères et trop contraints pour être efficaces. Après-guerre, durant les années de grande croissance, les succès économiques sont certains, sans qu’il soit toujours possible de les attribuer au mécanisme de la programmation, à celui des Plans ou à l’abondance relative de crédits publics.
41Qu’elles soient financées sur des ressources ordinaires ou extraordinaires, qu’elles concernent les affaires militaires ou les secteurs civils, que l’on soit sous un régime parlementaire ou avec un exécutif fort, rares sont les lois de programmation dont les objectifs financiers ou de réalisations matérielles sont atteints. En effet, soit le coût des programmes a été sous-évalué, soit les priorités changent, soit les crédits manquent. Parfois, ces trois facteurs jouent ensemble. Quand elle concerne des politiques publiques, la programmation relève d’une simple politique d’affichage, de manière de plus en plus évidente pour tous les acteurs et observateurs. Michel Debré, parlant de la troisième loi de programme militaire 1970-1975, dit d’elle qu’elle est « un acte financier autant que politique80 ». Sous la Cinquième République, comme auparavant, les lois de programme demeurent des outils de communication politique. Enfin, dans la dernière phase de l’histoire de la programmation au xxe siècle, la pluriannualité du budget de l’État et de l’ensemble des finances publiques n’empêche ni l’accroissement continu de l’endettement, ni les dépassements récurrents du niveau de déficit budgétaire autorisé, ni la hausse constante des dépenses publiques.
42Au regard de ces résultats décevants, comment expliquer une telle permanence et une telle multiplication des programmations ? Tout d’abord, la programmation s’inscrit dans une tendance séculaire d’essor de la quantification dans les pays occidentaux81. La programmation participe ainsi du gouvernement par les nombres82, qui passe également par le développement des comptabilités83, des statistiques84 et désormais des données massives. Ensuite, les lois de programmation permettent d’annoncer publiquement et solennellement une ambition sur le moyen terme et renforcent le répertoire d’actions du politique. Utile au pouvoir exécutif, la programmation l’est également aux ministères dépensiers et des Finances, Pour les premiers, il s’agit d’outrepasser l’annualité des dépenses et de tenter de se prémunir contre les futurs aléas économiques, financiers et politiques. Pour le ministère des Finances, la programmation permet de fixer des limites aux dépenses budgétaires et d’anticiper les besoins financiers. Enfin et surtout, la programmation reste largement utilisée car elle n’oblige à rien.
Notes de bas de page
1 Julien Laferrière, « Les lois de programme », Revue de science et de législation financières (RSLF), oct.-nov.-déc. 1930, p. 607. Sur les formes de lois de programme, voir Joël Molinier, « Les lois de programme », Revue française de finances publiques (RFFP), n° 17, 1987, p. 158‑175 ; Joël Molinier, « Loi de programme », dans Loïc Philip (dir.), Dictionnaire encyclopédique de finances publiques, Paris, Economica, 1991, p. 1001‑1004 ; Éric Oliva, « Loi de programmation des finances publiques », dans Gilbert Orsoni (dir.), Finances publiques. Dictionnaire encyclopédique, Paris, Economica, 2018, p. 582‑584.
2 Julien Laferrière, « Les lois de programme », RSLF, oct.-nov.-déc. 1930, p. 609.
3 Conseil constitutionnel, décision n° 2001‑448-DC du 25 juillet 2011.
4 Julien Laferrière, « Les lois de programme », RSLF, oct.-nov.-déc. 1930, p. 611.
5 Julien Laferrière, « La valeur juridique des programmes financiers et la règle de l’annalité des dépenses », RSLF, avril-juin 1911, p. 206‑217.
6 Voir récemment Guillaume Glénard, « La conception matérielle de la loi : la loi ordinaire. À propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 2005‑512 DC du 21 avril 2005, loi d’orientation et de programmation sur l’avenir de l’école », Revue française de droit administratif, n° 5, sept.-oct. 2005, p. 922‑934 ; Wagdi Sabète, « L’exception de la loi de programme. À propos des décisions n° 2005‑512 DC du 21 avril 2005 (loi d’orientation et de programme sur l’avenir de l’école) et n° 2005‑516 DC du 7 juillet 2005 (loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique) », Revue française de droit administratif, 2005/5, p. 930 et suiv. ; Guillaume Protière, « Les lois de programmation, ou les ambiguïtés de la conception de la loi sous la Cinquième République », Les Petites Affiches. Journaux judiciaires associés, 2008, p. 38‑41.
7 Léopold Migeotte, Les finances des cités grecques aux périodes classique et hellénistique, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 58 et suiv., p. 444‑446 et p. 552‑553.
8 Bernard Lutun, Marine militaire et comptabilité : une incompatibilité ? Contribution à l’histoire des finances de l’État français, chez l’auteur, 2010, p. 123 [ISBN : 978‑2-917238‑00‑4].
9 François Crouzet, « Recherches sur la production d’armements en France (1815‑1913) », Revue historique, 1974, n° 509, p. 55 et Bernard Lutun, op. cit.
10 Voir notamment Olivier Lebel, « Les paradoxes de l’orthodoxie financière française vers 1900 », dans La direction du Budget entre doctrine et réalités, 1919-1944, actes de la journée d’études tenue à Bercy le 10 septembre 1999, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001, p. 25‑63.
11 On dénombre 28 comptes spéciaux en 1914, 57 en 1921, 74 en 1931, 55 en 1934, 76 en 1938, 300 en 1946, 400 fin 1947, 60 en 1950, 82 en 1959, 74 en 1966, 75 en 1970, 63 en 1978, 42 en 1990. Hervé Message, « Le contrôle parlementaire des comptes spéciaux du Trésor », RFFP, n° 32, 1990, p. 137‑182. Pierre Di Malta, « Le régime juridique des comptes spéciaux du Trésor », RFFP, n° 32, 1990, p. 9‑32.
12 Déjà l’article 2 § 2 de la loi du 13 mars 1875 relative à la constitution des cadres et des effectifs de l’armée décidait que les effectifs ne peuvent être modifiés que par une loi ad hoc et non une loi de finances.
13 Julien Laferrière, « Questions budgétaires soulevées par la loi de programme naval du 30 mars 1912 », RSLF, juil.-sept. 1912, p. 506‑541.
14 Julien Laferrière, « Chronique financière française. II. Applications des règles budgétaires. 3. Les règles de l’annualité des dépenses et l’unité budgétaire. Les crédits pour les dépenses d’outillage militaire. Le rôle de la commission du budget », RSLF, tome 11, 1913, p. 270‑276.
15 Voir Gerd Hardach, « La mobilisation industrielle en 1914-1918 : production, planification et idéologie » et Alain Hennebicque, « Albert Thomas et le régime des usines de guerre 1915-1917 », dans Patrick Fridenson (dir.), 1914-1918. L’autre front, Cahier du Mouvement social, n° 2, Paris, Éditions ouvrières, 1977, p. 81‑110 et p. 111‑144.
16 Julien Laferrière, « Les lois de programme », RSLF, oct.-nov.-déc. 1930, p. 622‑623.
17 Robert Frank, « La direction du Budget face au réarmement 1937-1939 », dans La direction du Budget entre doctrines et réalités, 1919-1944, actes de la journée d’études tenue à Bercy le 10 septembre 1999, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001, p. 384‑385.
18 Julien Laferrière, « Les lois de programme », RSLF, oct.-nov.-déc. 1930, p. 607‑643.
19 Voir Robert Frank, La hantise du déclin : le rang de la France en Europe, 1920-1960. Finances, défense et identité nationale, Paris, Belin, 1994, p. 28‑29.
20 Robert Frank, La hantise du déclin. La France de 1914 à 2014, Paris, Belin, 2014, p. 27.
21 Robert Frank, Le prix du réarmement français 1935-1939, Paris, Publications de la Sorbonne, 1982, 382 p. ; id., « La direction du Budget face au réarmement 1937-1939 », op. cit., p. 386‑390.
22 Pour un bilan des programmes d’armement, outre les travaux de Robert Frank déjà cités, voir Robert Jacomet, L’armement en France 1936-1939, Paris, La Jeunesse, 1945, 407 p. ainsi que Pierre Hoff, Les programmes d’armement de 1919 à 1939, Vincennes, Service historique des armées, 1982, dactylo. 480 p. conservé au Service historique de la Défense.
23 Julien Laferrière, « Les lois de programme », RSLF, oct.-nov.-déc. 1930, p. 626.
24 Id., p. 642‑643.
25 Maurice Duverger, Finances publiques, Paris, PUF, 1re éd. 1956, 10e éd. coll. Thémis, 1984, p. 294. Voir également Robert Frank, « La direction du Budget face au réarmement 1937-1939 », op. cit., p. 384‑385.
26 Voir infra le chapitre de Gérard Bossuat et Laurent Warlouzet dans ce volume.
27 Le statut naval de 1952 se traduit par une série de mesures budgétaires annuelles consécutives, mais sans le vote d’un plan d’ensemble ou d’une loi de programme.
28 Patrick Facon, « Le réarmement de l’armée de l’Air 1948-1954 », dans Maurice Vaïsse (dir.), La Quatrième République face aux problèmes d’armement, actes du colloque organisé les 29 et 30 septembre 1997, à l’École militaire, Paris, Addim, 1998, p. 123‑124.
29 Sur ces trois temps, voir supra le chapitre de Michel Margairaz dans ce volume.
30 Voir par exemple pour l’Ancien Régime : Anne Conchon, David Plouviez, Éric Szulman (dir.), Le financement des infrastructures de transport xviie-début xixe siècle, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2018, 290 p.
31 Bruno Marnot, « Les politiques d’aménagement du territoire sous la Troisième République », texte d’une conférence du 10 octobre 2002, pour le Comité d’histoire du ministère de l’Équipement, des Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer, http://www.archives-orales.developpement-durable.gouv.fr/docs/Manifestation/0000/Manifestation-0000012/Texte_de_la_conference.pdf.
32 Voir infra dans ce volume la contribution de Clémence Cardon-Quint.
33 André Bisson, Finances publiques françaises, tome 1 : Budget, trésor, contrôle, préface d’Henri Deroy, Paris, Berger-Levrault, 1943, p. 5.
34 Robert Frank, « La direction du Budget face au réarmement 1937-1939 », op. cit., p. 386‑390.
35 Pierre Saly, « La politique française des grands travaux 1929-1939 fut-elle keynésienne ? », Revue économique, 1980, 31‑4, p. 706‑742.
36 Ainsi, le Gouvernement de Pierre Mendès France utilise les décrets-lois de programme pour des équipements civils sur trois ans à partir de 1955, mais les Finances y mettent un terme dès 1957. Gilles Zalma, « L’hégémonie du ministre des Finances dans le droit budgétaire de l’État », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, nov.-déc. 1985, n° 5, p. 1682.
37 Pierre Bauchet, La planification française : du premier au sixième Plan, Paris, Seuil, 1966, 383 p., nouv. éd. 1970, p. 156. Voir aussi Bernard Cazes, « Élaboration du plan et démocratie », dans Pierre Bauchet et al., Planification française et démocratie, n° 136 de la revue Économie et humanisme, 1961, p. 43.
38 Sur la mauvaise articulation et le caractère asynchrone des plans et des lois de programme pour 1954-1963, lire Pierre Delvolvé, « Le plan et la procédure parlementaire », dans Pierre Delvolvé, Henry Lesguillons, Le contrôle parlementaire sur la politique économique et budgétaire, Paris, PUF, 1964, p. 1‑134. La programmation militaire et le Plan se sont exceptionnellement coordonnés en 1965 pour la 2e loi de programme 1965-1970 et le Ve Plan 1966-1970. Voir Fabien Cardoni, « Les futurs parallèles. Planifications civile et militaire en France 1950-1970 », dans Danièle Fraboulet, Philippe Verheyde (dir.), Pour une histoire sociale et politique de l’économie. Hommages à Michel Margairaz, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 297‑310.
39 Henry Rousso, « Introduction », dans Henry Rousso (dir.), La planification en crises (1965-1985), Paris, Éditions du CNRS, 1988, p. 13.
40 Sur l’équilibre des pouvoirs, voir le chapitre précédent.
41 Dans l’ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959, l’expression est reprise pour désigner les lois regroupant des autorisations de programme.
42 Sur les effets (négligeables) de l’inscription des lois de programme dans la Constitution de 1958, voir Matthieu Conan, « Les spécificités de la loi de programmation militaire. Projet de loi pour les années 2003 à 2008 et loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances », Droit et défense, 2001/4, p. 3‑16.
43 La Quatrième République a financé les premiers développements des armes nucléaires par des protocoles secrets interministériels en 1955 et 1956.
44 Maurice Duverger, op. cit., p. 294.
45 Matthieu Conan, « Les spécificités de la loi de programmation militaire… », art. cité.
46 Pour la liste des lois de programme et de programmation dans le domaine civil entre 1959 et 2001, voir Matthieu Conan, « Les spécificités de la loi de programmation militaire… », art. cité, p. 10.
47 Service historique de la Défense, 20 R 123, Contrôleur général de la Marine Dofing, Lois de programme militaires, 27 mai 1963, p. 10 ; Michel Debré (entretiens avec Alain Duhamel), Une certaine idée de la France, Paris, Fayard, 1972, p. 95‑96.
48 Joël Molinier, « Loi de programme », notice citée.
49 Jusqu’à la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique en 2005.
50 Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013.
51 Sur les résultats des programmes d’investissement pour l’Éducation nationale, voir Alain Carry, Le compte rétrospectif de l’éducation en France (1820-1996), publié par la revue Économies et sociétés, dans la série AF Histoire quantitative de l’économie française, Paris, Les Presses de l’Ismea, tome 33, n° 2‑3, février-mars 1999, série AF n° 25, 281 p. ; Jean-Charles Asselain, Le budget de l’Éducation nationale (1952-1967), Paris, PUF, 1969, 279 p. Voir également le chapitre de Clémence Cardon-Quint dans ce volume.
52 Guillaume Glénard, art. cité.
53 Sur les lois d’orientation jusqu’en 1977, voir André-Hubert Mesnard, « La notion de loi d’orientation sous la Cinquième République », Revue du droit public, 1977, p. 1139‑1153.
54 Pour un bilan résumé de l’exécution des lois de programme à la Justice et à l’Intérieur, voir Fabien Cardoni, « La programmation ou l’avenir mythique des finances publiques », Gestion et finances publiques, dossier « Les mythes financiers », sous la direction de Romain Bourrel et Audrey Rosa, janvier-février 2021, p. 43‑49.
55 Lois du 1er août 2003 et du 21 février 2014.
56 Loi du 18 janvier.
57 35 Md€ en 2010, 12 Md€ en 2014, 10 Md€ en 2017 auquel s’ajoute le grand plan d’investissement pour 2017‑2022 (57 Md€), et enfin 20 Md€ en 2020 pour 2020‑2025. https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir ; https://www.caissedesdepots.fr/programme-dinvestissements-davenir ; https://www.gouvernement.fr/4eme-programme-d-investissements-d-avenir-20-milliards-d-euros-pour-l-innovation-dont-plus-de-la.
58 Les années 1976, 1983, 1989, 1993-1996 ne sont cependant pas programmées.
59 Voir Philippe Bezes et Alexandre Siné (dir.), Gouverner (par) les finances publiques, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, 526 p.
60 Michel Bouvier, « Maîtrise des finances locales : du pacte au contrat ? », RFFP, n° 150, mai 2020, p. 159.
61 Sur ce chiffre mythique, voir Guy Abeille, « À l’origine du déficit à 3 % du PIB, une invention 100 %… française », La Tribune, 1er octobre 2010.
62 Didier Migaud, Alain Lambert, « La mise en œuvre de la Lolf. À l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme », octobre 2006, (79 p.) p. 24.
63 Inspection générale des Finances, rapport n° 2007-M-005‑02 sur la gestion pluriannuelle des finances publiques rédigé par Arnaud Le Foll, Charlotte Reboul, Amélie Verdier, sous la supervision d’Henri Guillaume, avril 2007, 348 p.
64 Interview d’Amélie Verdier, directrice du Budget en 2017, par Sylvain Henry et Pierre Laberrondo pour Acteurs publics. Édition du 10 mars 2017. Verbatim consulté le 9 décembre 2020 à https://www.acteurspublics.com/2017/03/10/amelie-verdier-la-lolf-a-beaucoup-decu-dans-sa-mise-en-oeuvre.
65 Georges Capdebosc, Bernard Gournay et Hélène Strohl, « Les budgets de programmes », RFFP, n° 26 : « La loi organique de 1959, trente ans après », 1989, p. 111‑123.
66 Jean-Luc Pain, « Les techniques de pluriannualité budgétaire en France. Analyse, intérêt, limites », RFFP, n° 39, 1992, p. 53‑69.
67 Le système des services votés – dépenses qui ne nécessitaient pas une autorisation annuelle d’engagement car elles étaient pérennes – a été en usage de 1956 à 2005.
68 Inspection générale des Finances, rapport n° 2007-M-005‑02, rapport cité, p. 1.
69 Rapport sur la proposition de loi constitutionnelle de François Sauvadet et Charles de Courson relative au retour à l’équilibre des finances publiques, Assemblée nationale, 16 janvier 2008.
70 Gilles Carrez, Didier Migaud (députés UMP et PS), « Pour une gestion pluriannuelle des finances publiques », Revue du Trésor, n° 10, octobre 2008, p. 688‑692 ; Philippe Josse (directeur du Budget) et al., « Le budget triennal 2009-2011 : une étape décisive pour le pilotage de nos finances publiques », Revue du Trésor, n° 10, octobre 2008, p. 693‑697.
71 La loi quinquennale de 1994 ne comportait que quatre articles ; la loi de programmation 2018-2022 en compte 36.
72 Guy Carcassonne, « L’équilibre budgétaire ou les incertitudes constitutionnelles de la vertu », Revue du Trésor, n° 10, octobre 2008, p. 709.
73 LPFP 2009‑2012, 2011‑2014, 2012‑2017, 2014‑2019, 2018‑2022.
74 Matthieu Houser, « La constitutionnalisation de l’équilibre budgétaire, une avancée en demi-teinte », RFFP, 2009/2, n° 105, p. 225‑236 ; Alain Pariente, « L’équilibre budgétaire : un principe juridique insaisissable ? », RFFP, n° 112, 2010, p. 163‑185 ; Frank Waserman, « Pourquoi l’équilibre budgétaire n’est pas un principe budgétaire ? », dans Finances publiques, Paris, La Documentation française, 9e éd. 2018.
75 Réaliser l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques, rapport du groupe de travail présidé par M. Camdessus, Paris, La Documentation française, 2010.
76 Rémi Bouchez, « Les nouvelles propositions : des lois de programmation des finances publiques au projet d’instituer des lois-cadres d’équilibre des finances publiques », RFFP, février 2012, n° 117, p. 121‑128 ; Manuel Tirard, « La constitutionnalisation de l’équilibre budgétaire : les leçons de l’expérience américaine », Pouvoirs, 2012/1, n° 140, p. 99‑110.
77 Sur les inconvénients de cette situation et les insuffisances de la Lolf, lire le rapport d’information relatif à la mise en œuvre de la Lolf par le député LREM Laurent Saint-Martin pour la commission des finances de l’Assemblée nationale, n° 2210, 11 septembre 2019, 184 p. À noter qu’à la suite du Traité (européen) sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012, une loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre de la même année précise les champs concernés et homogénéise les formats des lois de programmation.
78 Il convient par exemple de mentionner la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale de 2015 et le projet de loi de programmation de 2020 relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
79 Pour un bilan détaillé des lois de programme militaires de 1945 à 1973, voir Fabien Cardoni, « Le choix des futurs. La programmation des dépenses militaires en France 1945-1973 », manuscrit inédit d’habilitation à diriger des recherches, histoire, garante Alya Aglan, université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2019, 2 vol., à paraître en 2022 aux Éditions de la Sorbonne.
80 Michel Debré, Trois Républiques pour une France, tome 5 : Combattre toujours : 1969-1993, Paris, A. Michel, 1994, p. 65.
81 Alfred W. Crosby, La mesure de la réalité. La quantification dans la société occidentale 1250-1600, Paris, Allia, (1997) 2003, 280 p.
82 Theodore M. Porter, Trust in numbers: the pursuit of objectivity in science and public life, Princeton, Princeton university press, 1995, trad. fr. La confiance dans les chiffres. La recherche de l’objectivité dans la science et dans la vie publique, Paris, Les Belles Lettres, 2017, 452 p. ; Alain Supiot, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France 2012-2014, Paris, Fayard, 2015, 512 p.
83 Fabien Cardoni, « Comptabilités privée et publique xixe-xxie siècle. Le modèle de la double hélice », dans Fabien Cardoni, Anne Conchon, Michel Margairaz, Béatrice Touchelay (dir.), Chiffres privés, chiffres publics xviie‑xxie siècle. Entre hybridations et conflits, Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître en 2022.
84 Voir le chapitre suivant.
Auteur
Chercheur HDR rattaché au laboratoire IDHE.S (UMR 8533 CNRS-Paris 1 Panthéon Sorbonne), Fabien Cardoni est chargé d’études historiques au bureau de la Recherche de l’Institut de la gestion publique et du développement économique (Comité pour l’histoire économique et financière de la France, ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance). Ses recherches portent sur l’histoire des finances publiques (leurs normes, leurs outils, leurs acteurs) au xixe-xxe siècle. Il a récemment codirigé, avec Matthieu Conan, Étienne Douat et Céline Viessant, Singularités des finances de la défense et de la sécurité (Paris, Mare&Martin, 2021) et, avec Anne Conchon, Michel Margairaz et Béatrice Touchelay, Chiffres privés, chiffres publics xviie-xxie siècle. Entre hybridations et conflits (Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître en 2022). Il va également publier Le futur empêché. Une histoire financière de la défense en France 1945-1974 (Paris, Éditions de la Sorbonne, à paraître en 2022).
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