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Plan Marshall et commerce Est-Ouest : continuités et ruptures (cas français et perspective comparative) 1945-1952

L’embargo marshallien de l’ère atlantique : le commerce Est-Ouest de la signature du Pacte au miracle coréen (1949-1952)

p. 651-683


Texte intégral

1En raison des contraintes de volume éditorial, ce travail comportant trois parties est réduit ici à la dernière d’entre elles. J’écarte la thèse, « classique » en France, d’un embargo « militaire » et coréen contre le commerce Est-Ouest, en insérant cette question, commerciale et non politico-militaire, dans les impératifs américains de la « Porte ouverte » : problématique développée dans l’introduction de la première partie (consultable, comme la seconde, dans la Revue du Comité d’Histoire économique et financière) et rapidement résumée ici.

2Dès la fin de la guerre, les États-Unis, exécutif et législatif réunis, combattirent vigoureusement le bilatéralisme inter-européen – dont le commerce Est-Ouest constitua un pan important – comme un obstacle majeur à leurs propres ambitions commerciales sur le Vieux Continent : la sphère nordique, avec en particulier l’opposition américaine au considérable accord commercial et financier suédo-soviétique du 7 octobre 1946, constitua un champ d’application très représentatif de cette politique menée au nom de la libération des échanges et du multilatéralisme.

3Sans qu’on pût observer de solution de continuité sur le fond des problèmes commerciaux, l’année 1947, creusant le dollar gap et la détresse financière européenne, offrit aux États-Unis des moyens renforcés contre un commerce en rapide progrès : l’embargo contre le « potentiel militaire de l’URSS et de ses satellites » fut mis au point par l’Administration (hors de toute « pression » du Congrès) dès l’automne 1947 (« listes » I et II et politique de licences d’exportations en direction de l’ensemble de l’Europe) ; il fut ensuite codifié par la section 117 (d) de la législation Marshall (Economie Coopération Act) du 3 avril 1948 : les outrances verbales du Congrès, dans la période de discussion de la Loi, permirent d’imputer aux parlementaires la responsabilité du rejet du commerce Est-Ouest.

4Mais, malgré les pressions bilatérales exercées par les représentants de Washington, sous la direction de Harriman, représentant spécial de l’ECA, et l’apparence du consentement des pays de l’OECE (neutres exclus), le bilan de 1948 demeurait squelettique : depuis un an, le commerce Est-Ouest, parade au dollar gap, non seulement n’avait pas souffert de la guerre froide, mais avait connu un nouvel essor.

I. 1949-Printemps 1950 : l’atlantisation de l’embargo

5Les débuts de l’ère atlantique allaient déguiser en impératif stratégique le permanent souci économique des États-Unis d’étouffer dans l’œuf une concurrence est-ou ouest-européenne (ou non-européenne) dommageable aux marchés américains. Les divers services de l’Administration, d’une part, l’Administration et le Congrès, d’autre part, agirent comme naguère dans un consensus global remarquable, avoué par quelques courriers des FRUS au moins autant que par la correspondance de l’Ambassade de France à Washington ; mais ils disposèrent désormais, vis-à-vis des « pays Marshall », des moyens renforcés du chantage, soit aux crédits renouvelés annuellement par le Congrès, soit à la « suspension » immédiate de « l’aide » par l’Administrateur de l’ECA.

A. L’année 1949 : vers la fondation du Cocom

6Efforts et armes à la mesure de l’enjeu, dans une conjoncture de crise de surproduction aux États-Unis mêmes, et en Europe, dès l’année 1949, que la guerre de Corée allait opportunément conjurer. La dépression faisait objectivement barrage à l’alourdissement des « contrôles » que Washington voulait imposer aux livraisons européennes à l’Est, comme l’admit Acheson dès février1 ; car, du côté des Européens de l’Ouest, la situation générale, aggravant considérablement le dollar gap, rendit objectivement plus indispensable encore le commerce que le chef de la coalition occidentale prétendait bannir.

7Citons pour mémoire la forte baisse des importations américaines en provenance d’Europe occidentale, l’énorme dévaluation enfin arrachée aux Britanniques (et ses répercussions sur le reste de l’OECE) en septembre2 et les difficultés grandissantes occasionnées à la reconstruction civile, inachevée, par un réarmement impliquant de massifs achats d’armements aux États-Unis dès 1949 (un milliard de dollars pour les signataires du « Programme d’Assistance Militaire »– Military Assistance Program ou MAP3), renforcés encore dès le tout début de 1950 : l’accablement européen devant les « lourdes obligations », les « dépenses militaires considérablement accrues » imposées par les accords bilatéraux atlantiques4 se lit dans la correspondance diplomatique bien avant l’ère coréenne5 ; sans compter la décision immédiatement consécutive à la victoire des communistes, particulièrement insupportable à un pays comme le Royaume-Uni, de soumettre la Chine à un embargo rigoureux : donnée exclue de la présente étude, mais dont la documentation du début des années cinquante atteste la notable contribution au contentieux européo-américain.

8Dès les premiers mois de 1949, la répugnance européenne contre des « contrôles » qui s’exerceraient jusque sur le commerce de transit et les transbordements perça de toutes parts et en tous pays, malgré l’attachement à l’alliance américaine officialisée en avril6. Les nombreuses réunions « européennes » des premiers mois de 1949, consacrées à la discussion d’une nomenclature « franco-anglaise » différente des listes des États-Unis et permettant de gagner du temps, confirmèrent l’unanimité réelle contre ce que les Britanniques qualifiaient (en invoquant l’avis des « pays du rideau de fer ») de « déclaration de guerre économique ». Même l’Italie, disposée à tous les abandons verbaux, appréciait fort le commerce Est-Ouest, notamment le traité de commerce conclu le 15 décembre 1948 à Moscou : les Britanniques n’étaient pas les seuls à à estimer « que les contrôles italiens ne seraient que partiellement appliqués en dépit de tous les décrets sur le papier7 ».

9L’opposition franchit largement les bornes de la « ligne concertée de propagande communiste » dénoncée par Harriman, fort active en effet dans sa « dénonciation de la politique américaine en matière de commerce Est-Ouest8 ». La presse officieuse, Le Monde et l’AFP pour la France, The Times pour l’Angleterre, se chargèrent d’exprimer l’humeur de leurs gouvernements respectifs début mars. Humeur assez mauvaise pour que Harriman, depuis Paris, jugeât nécessaires, via les interviews, un démenti comique sur l’absence de « toute « pression » [américaine] contre tout participant à l’ERP » et une affirmation du parfait consensus des Occidentaux : « pour résumer, États-Unis ne veulent pas encourager constitution potentiel militaire Union Soviétique et croient que participants ERP partagent même point de vue9 ».

10Amener les Européens à « partager le point de vue » officiel américain sur les listes révisables à merci relevait en réalité de la quadrature du cercle. Certes, Washington ne lésina pas sur les dispositions « légales » générales, et fit adopter en 1949 par le Congrès une nouvelle série de mesures destinées à renforcer son contrôle sur l’exportation des pays participants, toujours sous couvert du respect de la section 117 (d) de la loi de « Coopération économique » d’avril 1948.

11Adler-Karlsson en cite plusieurs, significatives de la prétention d’étendre, sous couvert d’aide Marshall, une législation américaine à des pays qui ne l’étaient pas : notamment le renouvellement de l’ Export Control Act du 28 février destiné, selon son texte même, « à exercer la vigilance nécessaire sur les exportations du point de vue de leur signification pour la sécurité nationale » ; la publication par le Département du Commerce, le 12 août, d’« une « grande liste » unique de tous les biens nécessitant une licence d’exportation, soit pour la zone européenne, soit, concernant certains groupes de produits (commodity groups), pour l’ensemble du monde sauf le Canada10 » ; décision encore aggravée en octobre et novembre, sous prétexte que les failles du transit et de la réexportation en rendaient l’application aléatoire : des licences seraient désormais exigées pour « toutes les destinations sauf le Canada, et non plus seulement, comme auparavant, seulement pour l’Europe11 ». L’Europe occidentale était devenue, argua le Département d’État à l’intention de Bonnet, « un centre de contrebande pour la réexportation de divers produits au-delà du rideau de fer », particulièrement la Belgique et la Suisse, d’où l’obligation pour les États-Unis « de contrôles plus rigoureux ». « La généralisation du système qui s’étend dorénavant à tous les pays du monde, à la seule exception du Canada » suggère, commenta l’Ambassadeur de France le 10 novembre, « un nouveau développement de la stratégie américaine dans la présente phase de la guerre froide12 ».

12Tactique de guerre froide opportune pour tenter de venir à bout des réticences des pays occidentaux. Il fallut pour ce faire pratiquer simultanément la double approche bilatérale et multilatérale. Sur l’initiative réelle des Européens dans ce qui allait devenir, en novembre 1949, le Cocom, un courrier de mars adressé par Howard Bruce à l’Ambassade à Paris évacue d’ailleurs toute ambiguïté : tous les services de Washington s’accordaient sur l’idée d’« établir un comité sur le commerce Est-Ouest constitué des principaux pays de l’OECE (...) pas associé de façon formelle en quoi que ce soit ni avec l’OECE ni avec le Pacte de l’Atlantique Nord ». Comme il fallait absolument « éviter d’attirer l’attention du public », son siège se trouverait mieux à Paris qu’à Londres. L’affaire serait officiellement montée « à l’initiative des Européens ». Signe intéressant, parmi une foule d’autres, des divergences alléguées entre Départements13, Harriman – qui avait quitté le Département d’État pour le Commerce, puis pour le poste d’Ambassadeur itinérant de l’ECA – dirigerait la délégation américaine dans ce nouvel organisme « comme représentant officiel des États-Unis sur ces questions et non comme représentant de l’ECA ». On solliciterait tout de même « l’avis britannique » pour savoir si les Européens trouvaient « utile (...) une telle organisation14 » censée être leur enfant.

13Multilatérales ou bilatérales, les pressions furent exercées avec une telle permanence et une si forte intensité qu’on doit se contenter de choisir quelques cas-types, en précisant au lecteur qu’aucun pays ne fut épargné. Le Congrès, invoqué à tout moment et en tout lieu devant les réticents, fut directement mobilisé par l’État (comme il l’avait été, à l’été 1947, sous couvert d’« enquêtes » sur l’état des futurs emprunteurs du Plan Marshall). Même la correspondance officielle, publiée par les FRUS, ne dissimule pas que le fameux « Watchdog Committee » du Plan Marshall, officiellement redouté par le Département d’État, œuvra en parfaite collaboration avec lui : le voyage d’« un de ses agents, Robert Golding, en Europe pour enquêter sur certains aspects du commerce Est-Ouest » fut soigneusement préparé par les deux institutions en avril-mai, notamment par le contact direct du Département d’État « avec l’Agent général du Watchdog Committee » et par une correspondance entre Acheson et Mc Carran, Sénateur démocrate du Nevada15, Président dudit Comité, connu du Quai d’Orsay pour ses outrances anti-européennes16.

14Nous ne mentionnerons ici que pour mémoire les cas suisse et suédois, évoqués ailleurs : les débuts de l’ère atlantique leur conférèrent une originalité au moins apparente, bien que les Américains n’eussent jamais renoncé aux pressions exercées sur les deux pays (on y reviendra). Le recours nul (suisse) ou faible (suédois) aux crédits Marshall et la non-adhésion au Pacte du 4 avril 1949 offrirent en effet à ces neutres obstinés des ressources juridiques et une autonomie accrues contre des négociations que Washington intégra de plus en plus nettement dans le cadre militaire de l’Alliance17.

15Pour les emprunteurs, consécutivement incités à se montrer « coopératifs18 », le chantage aux crédits à propos du commerce Est-Ouest constitua un champ d’application non négligeable de ce qui apparaît comme le triomphe d’une tactique certes ancienne, mais appliquée à l’époque marshallienne en toute occasion : des « réformes » coloniales ou du contentieux commercial marocain aux achats forcés de produits américains (agricoles notamment) et à la cession de matériaux « stratégiques » en passant par la liquidation des « réparations » et le réarmement allemand, sans oublier l’adhésion au Pacte Atlantique ou les objectifs déclarés du Plan Marshall, de la « libération des échanges » à l’« intégration », « unification » ou « coopération européenne19 », liste d’ailleurs non exhaustive.

16Un cas parmi d’autres confirme le sérieux de l’argument « militaire » contre le « bloc soviétique », le chantage exercé contre la France, en apparence docile, en réalité opposée à l’embargo20. Fin mai 1949, peu après sa nomination comme Ambassadeur à Paris, David Bruce mit en garde le Ministre des Affaires Etrangères lui-même contre l’acceptation d’une demande yougoslave d’achat de dix avions à réaction SO- 6000 (équipés de moteurs Rolls-Royce) et de cent moteurs Hispana (s/ç)-Suiza (rappelons que la Yougoslavie était entrée depuis 1948 en rébellion ouverte contre le Kominform et son animateur soviétique). Schuman joua la « surprise » et promit « que la transaction ne serait pas réalisée ».

17Les hauts fonctionnaires du service intéressé du Quai d’Orsay, le « Bureau des Affaires Économiques, Financières et de la Coopération Économique », Alphand, son Directeur Général, et Auboyneau, furent pour leur part chargés d’exposer avec plus de sincérité la position de Paris. Arguant « que les ventes en question bénéficieraient à l’industrie aéronautique française », ils furent confrontés à l’habituel chantage aux crédits, notifié par leurs interlocuteurs de l’Ambassade américaine avec une insistance croissante au fil de l’entretien : ceux-ci « exprimèrent de fortes objections à ce projet de transaction et signalèrent l’éventualité de réactions hostiles aux États-Unis » ; puis ils « soulevèrent la question du refus français d’instituer des contrôles sur le commerce Est-Ouest en accord avec les listes 1-A et 1-B et firent remarquer que ce fait, ainsi que le projet de marché aéronautique, pourraient être extrêmement embarrassants particulièrement dans l’actuelle période critique où les crédits de l’ECA étaient soumis à l’examen du Congrès ». Les Français, tout en vantant leurs bonnes dispositions et leur docilité – c’est eux qui avaient porté à la connaissance de l’Ambassade des États-Unis la démarche yougoslave –, « exprimèrent l’espoir que les Américains apprécieraient leur initiative (...) et qu’ils] pratiqueraient la réciprocité en fournissant des informations sur les transactions 1-A entre les parties américaine et yougoslave21 ».

18Ironie d’autant plus légitime que les Américains bousculaient sans grande précaution l’embargo dont leurs propres listes prétendaient fixer le modèle valable pour tous. L’ère Reagan, où le Président des États-Unis voulut vendre à « l’Empire du mal » non seulement le blé excédentaire stipulé par les accords soviéto-américains de long terme, mais le gazoduc que les alliés européens eussent été ainsi empêchés de livrer, ne fit que poursuivre, au début des années 1980, des pratiques bien antérieures.

19Evoquons seulement, puisque nous l’avons traité ailleurs, le contournement parfois discret, parfois public, de l’embargo décrété contre la Pologne, entre le printemps et l’été 1949 : l’« exportation de « produits américains de l’Aide Marshall vers la Pologne » par la filiale française de Ford, d’après le New York Herald Tribune à la fin mars 194922 ; puis l’épisode divertissant, à l’été suivant, de l’échange, effectivement multilatéral, entre charbon polonais pour l’Europe occidentale et coton américain pour la Pologne en quarantaine, à la demande des Américains. Marché financé par les dollars Marshall empruntés par les Européens concernés (toute emphase idéologique oubliée) »23 : l’initiative allait notamment, déclara avec une grande simplicité aux Français l’Américain White, chef de la section Coton de l’ECA, « assurer un nouveau débouché au coton américain24.

20Excédé de subir sans relâche la pression des Américains en faveur de l’embargo sur les bateaux-citernes, le Français Alphand joua franc jeu en octobre 1949 : « critiquant vivement l’exportation par les Américains d’équipement de forage pétrolier à l’Union Soviétique, [il] ne se satisfit pas de l’explication fournie (...), et indiqua que les Français allaient réaliser la vente de bateaux-citernes à l’Union Soviétique25 ».

21Ces discrètes pratiques américaines n’assouplirent guère le traitement réservé aux Européens : les cas cités à propos de la France se reproduisirent à l’égard de tous les pays Marshall, notamment ceux que les États-Unis allaient regrouper à la fin de 1949 dans l’organisme spécialisé évoqué plus loin. Interventions permanentes, les Ambassades étant désormais solidement appuyées par les missions de l’ECA, si insupportables que les intéressés, aussi souples fussent-ils, sortirent parfois de leurs gonds. L’éclat de franchise inaccoutumé (mais ambigu, car on y trouve un appel à la création de l’organisme chargé de l’embargo, idée purement américaine26) d’Hervé de Gruben, Secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères belge, en octobre 1949, sans inquiéter outre mesure Washington27, présente le double avantage de résumer les motivations communes de la colère des pays Marshall contre les exigences américaines et de décrire la teneur des démarches « bilatérales » des Américains.

22« En des termes d’une véhémence inhabituelle », rapporta le chargé d’affaires américain à Bruxelles Millard, le diplomate belge a déclaré qu’« il fallait voir en face que le mot de contrôle [était] un euphémisme et que ce que les États-Unis veulent amener les autres gouvernements à accepter est la prohibition de certains types de commerce avec l’URSS et ses satellites. C’est un problème grave, et qui devait être réglé par les gouvernements, et au plus haut niveau. De Gruben a dit franchement qu’à son avis ces problèmes ne devraient pas être discutés par les experts de l’ECA, qu’ils fussent américains ou étrangers, dans leur détail technique sans que les questions de principes aient d’abord fait l’objet d’un accord des gouvernements.

23Le gouvernement belge tout en acceptant le principe énoncé ci-dessus ne pouvait promettre de soumettre à l’embargo certains produits à destination de l’URSS s’il n’était pas absolument certain que les autres participants à l’OECE et les États-Unis appliquaient un embargo également rigoureux. Il dit que l’ancien Ministre de l’ECA ici [à Bruxelles]28 a laissé entendre en termes vigoureux que la Belgique demeurait le seul de tous les gouvernements de l’OECE à ne pas donner sa parole de ne pas envoyer de produits des listes A et B à l’Union Soviétique, mais cette critique a passé sous silence le fait que certains autres gouvernements ont promis sans hésiter mais n’ont pas respecté ces engagements. De Gruben a dit que sans mentionner de noms il pouvait citer un cas particulier de commandes soviétiques de navires-citernes que les Belges avaient refusées mais qu’un pays de l’OECE29 qu’il n’a pas nommé était en fait en train de construire pour l’URSS. »

24La nomenclature imposée par Washington occasionnait enfin un véritable casse-tête : « Non seulement il fallait interdire des listes nombreuses et contradictoires de produits mais en plus dans le cas de la Belgique à cause des critères larges du tarif douanier, il était exceptionnellement difficile d’appliquer des contrôles à l’exportation sur un produit sans interdire en même temps l’exportation d’autres produits qui n’étaient pas sur nos listes [américaines]. Par exemple, dans la seule catégorie du machinisme électrique, en interdisant l’exportation d’équipement belge qui pourrait avoir une valeur stratégique pour les Russes on pourrait interdire du même coup des catégories de produits (items) innocents comme les fers électriques ou les machines à calculer30. »

25Pressé d’obtenir des Européens une capitulation définitive avant qu’une crise déclarée n’accrût pour « les gouvernements d’Europe occidentale (...) l’urgence de trouver des marchés pour la production européenne31 » et confronté à leur évident mauvais vouloir, Washington « militarisa » promptement le processus d’embargo : relier celui-ci au Pacte Atlantique pour en faire une obligation absolue de l’alliance occidentale apparut une excellente idée. Occasion d’un nouveau chantage aux crédits, cette fois militaires, dans le cadre du « Programme d’Assistance Militaire » qui devrait suivre, à l’été 1949, la signature du Pacte. Hoffman avait clairement défini dès juin, à la veille des « auditions du Congrès », les possibilités tactiques supplémentaires ainsi offertes à l’Administration : « Les actuelles listes américaines de produits totalement ou partiellement sous embargo comprennent à peu près toutes les catégories de produits (items) intéressant le MAP (...) Là où le MAP renforce la position des États-Unis dans leurs négociations en cours avec les pays ERP, les États-Unis devraient exploiter cette situation par les canaux appropriés32. »

26C’est dire, une fois de plus, dans quelle atmosphère de complicité se prépara la nouvelle représentation du ballet Administration-Congrès à l’occasion du vote du MAP, rogné d’une large part des dollars que Washington avait fait miroiter avant la signature du 4 avril 194933. Episode qui ne contribua naturellement pas à ranimer les énergies chancelantes des Européens contre le commerce Est-Ouest. En octobre, mois où les réunions « européennes » s’intensifièrent, en l’absence de la Suède, la Suisse venant en « observateur »34, l’« atlantisation » de l’embargo était cependant, du côté américain, en fort bonne voie : comme l’écrivit David Bruce le 22 octobre, l’accord général régnait dans la diplomatie américaine sur « l’idée que l’action multilatérale de concertation serait conduite par le Département d’État avec un maximum d’efficacité dans le contexte des obligations mutuelles de sécurité en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ».

27Perspective qui accrut le trouble d’une coalition déjà sérieusement lézardée : selon les termes euphémiques du même Bruce, « on pourrait compter sur des chances de plus grande coopération de la part de la Suède et de la Suisse si les pays du Traité Atlantique présentaient un front uni35 ». Fin octobre, soit peu avant la fameuse réunion plénière du 14 novembre convoquée par les Français, les Danois et les Norvégiens n’avaient pas encore accepté le principe de s’y rendre, les Néerlandais et les Belges traînaient ostensiblement les pieds, pour ne citer que les cas les plus aigus36.

28Fermement décidés à renforcer leurs pressions, les Américains, confrontés à la répugnance de chacun des pays européens, malgré d’incessants contacts bilatéraux, optèrent (tout en maintenant ces derniers) plus clairement pour la tactique multilatérale atlantique. Signe du consensus des divers services sur la conception américaine de la concurrence, la délégation américaine prévue pour la séance du 14 novembre devrait compter des représentants de chaque Département concerné : OSR (Office of the Spécial Representative) dépendant de l’ECA, Départements d’État, de la Défense « et peut-être quelqu’un du Commerce, afin », selon la formule de Harriman, « de faire comprendre aux participants notre intérêt de plus en plus grand » pour ce dossier37.

29Officieusement informés le 1er novembre de l’intention américaine « de traiter le contrôle des exportations de l’OTAN », les pays concernés (Grande-Bretagne, France, Canada, Italie et Norvège) firent grise mine, à l’exception de la très hypocrite Italie38. Les Britanniques arguèrent notamment que des discussions menées dans le cadre du Pacte Atlantique « rendraient des négociations avec les Suédois et les Suisses plus difficiles » ; supposant l’utilisation du Pacte « en vue de la guerre économique contre un groupe particulier d’États », elles seraient en outre difficilement compatibles avec la thèse officielle postulant « la nature purement défensive » dudit traité39.

30La réunion du 14 novembre, présidée par Alphand, groupa les États-Unis (dont un des membres de la délégation représentait le Haut-Commissariat en RFA), le Royaume-Uni, la France, la Belgique, l’Italie et les Pays-Bas (Danois et Norvégiens avaient fini par consentir à s’y rendre, mais en simples « observateurs »). Elle consacra la fondation officielle d’un organisme de « contrôle » des exportations occidentales toujours debout. Londres y présenta en effet en son nom la proposition américaine, ainsi dotée d’un brevet d’européanisme, d’« établissement d’un Groupe consultatif Permanent » (Consultative Group ou CG). Seuls les Pays-Bas trouvèrent ce jour-là le courage de s’y opposer40.

31Au cours de la série de réunions tenues au cours du même mois, les objectifs commerciaux de Washington furent résumés par les trois listes américaines alors présentées aux participants : liste 1, de 129 items, de l’embargo pur et simple ; liste 2 du « contrôle quantitatif » ; « liste 3 renvoyée pour révision complémentaire41 ». L’affaire sembla progresser à pas de géant : dans les jours qui suivirent la session du 14, on s’accorda notamment à « recommander l’embargo de 124 items sur la liste anglo-française incluant la liste électronique entière », et « un comité d’experts » émit une série de recommandations sur les transbordements et le transit (surveillance, renseignements mutuels, y compris dans « les zones et ports libres »)42.

32Quant au Canada, docile membre du Pacte, mais singulier compagnon de l’Europe en manque de commerce Est-Ouest sans dollars, les pays de l’OECE furent requis, par l’intermédiaire des Français d’en accepter la présence au CG : l’Ambassade américaine à Paris reçut le 22 décembre l’instruction d’« insister » sur ce point auprès d’Alphand, le Président du nouvel organisme. Disposition fort utile selon Acheson, « puisque la politique et les contrôles du Canada [sont] presque identiques aux nôtres43 ».

33L’insertion directe de la RFA, dont tous les concurrents se méfiaient comme de la peste (États-Unis en tête), n’était plus qu’une question de semaines. La représentation de l’ancien vaincu fut directement assurée par les Américains, qui, jusqu’en mai 1950, jugèrent inutile le truchement « multilatéral » mis en place entre novembre 1949 et janvier 1950. On avait dès la mise en place de l’embargo clairement perçu leur ferme volonté, exposée notamment par le Haut-Commissaire Mc Cloy en octobre 1949, d’user au maximum des « droits réservés » maintenus aux « Alliés44 » pour contrôler et entraver le fructueux négoce que les Allemands de l’Ouest piaffaient littéralement de relancer.

34Sous couvert d’« une organisation tripartite » de contrôle purement formelle, « puisque le personnel en serait exclusivement ou largement américain », des « instructions écrites » prescriraient aux Allemands un « programme de contrôles de sécurité des exportations en conformité avec celui des États-Unis ». Alignement pur et simple sur les listes 1-A et 1-B et surveillance minutieuse du transit qui violaient le texte et l’esprit de l’accord dit Jessup-Malik du 4 mai 1949 sur la levée du Blocus de Berlin, dont une des clauses prévoyait « la levée réciproque et simultanée des restrictions imposées par l’Union soviétique et les trois Puissances occidentales sur les communications, les transports et le commerce entre l’Est et l’Ouest de l’Allemagne45 ».

35Ce souci prioritaire se retrancha volontiers derrière un thème politique plus coutumier – qui hérissait particulièrement Paris –, celui des obligations liées à la souveraineté retrouvée : à la séance plénière du 23 novembre, les Américains firent approuver le principe de la participation de la RFA, mais les Français répliquèrent que « pour le moment » l’intéressée serait mieux représentée « par un Haut-Commissaire » que par « le Gouvernement allemand46 ».

36C’est le 10 mai 1950, en un moment essentiel du retour de la RFA à « l’égalité des droits47 », que son Gouvernement se fit officiellement remettre « la responsabilité des contrôles à l’exportation48 », étape juridique qui autorisa son inclusion immédiate dans le CG-Cocom. Les Américains, peu gênés par le tripartisme de pure façade de la « Haute Commission Alliée », allaient continuer à contrôler eux-mêmes un commerce Est-Ouest d’une importance absolument décisive pour la RFA : le phénomène apparut clairement dans la documentation imprimée49 bien avant que les archives ne fussent ouvertes50.

B. Les acquis du premier semestre 1950

37Les réunions parisiennes tenues sans désemparer entre le 9 et le 20 janvier 1950 achevèrent de créer l’organisme multilatéral affecté à l’application de l’embargo occidental : dès le 9, il fut acquis que le « Groupe consultatif » composé des délégués du plus haut rang se réunirait tous les trimestres, et que l’ouvrage courant serait expédié par un « mécanisme consultatif permanent », le « Comité de Coordination », Coordinating Committee51 dont on a retenu jusqu’à nos jours l’abréviation courante de Cocom.

38Sans entrer dans l’interminable détail des pressions et prescriptions américaines des premiers mois de 1950, relevons que le caractère atlantique en fut strictement établi. Le projet américain des traités bilatéraux à conclure en vertu de « la Loi d’Assistance à la Défense Mutuelle » (paravent des exigences américaines de réarmement massif de l’Europe) – comportait en 1949 un « article VII » explicite sur la collaboration européenne en matière d’embargo, baptisée « engagement à coopérer aux programmes inter-gouvernementaux de contrôle des exportations stratégiques ».

39La clause embarrassa fort les sept pays de l’OECE sollicités, membres de l’OTAN et du Cocom déjà très rudement mis à l’épreuve (Royaume-Uni, France, Belgique, Italie, Pays-Bas, Danemark et Norvège). Ils ne manquèrent pas d’invoquer le fait que l’article en question « soulèverait de sérieux problèmes parlementaires et rendrait plus difficile l’accomplissement des objectifs communs ». Bien placés pour savoir ce que valait le prétexte des humeurs du Parlement, les Américains n’allèrent pas au-delà de la concession suivante, qui réintroduisit par la porte ce qui avait été jeté par la fenêtre : l’article VII fut officiellement rayé des sept accords signés le 27 janvier à Washington par les intéressés, mais « la substance d’un tel engagement » ressurgit « sous la forme d’un compte rendu secret ou d’une lettre séparée des accords eux-mêmes52 ».

40L’affaire, qui fit l’objet d’une « fuite » de presse53, souligne un des aspects du désaccord européo-américain sur le commerce Est-Ouest : celui du secret, que les États-Unis, après en avoir été partisans, voulaient désormais abolir, pour rallier enfin les pays concernés à leur vues commerciales. Tout comme Washington avait d’abord vanté les seules pressions bilatérales contre l’utilisation de l’OECE réticente, puis, devant l’échec relatif rencontré, célébré les ressources exploitables de la réunion des traînards, il passa d’une position de soutien du secret à son contraire, et pour les mêmes raisons. Ligotés par leur engagement atlantique officiellement étendu au boycott du commerce Est-Ouest, les Européens ne se montreraient-ils pas plus raisonnables ?

41A dater de février-mars 1950, le Département d’État recourut une fois de plus au paravent parlementaire, fournissant, sous forme d’un « briefing paper », les informations « éventuellement utilisables dans les auditions du Congrès sur le Programme de Relèvement européen » : selon la formule d’Acheson à la mi-février, « les États-Unis seraient disposés à reconnaître qu’ils consultent d’autres pays qui partagent leurs conceptions et que lesdits pays consultent les États-Unis à propos des problèmes de sécurité d’intérêt mutuel dans le domaine du contrôle des exportations54 ». Encore balbutiante au début de 1950, la tactique visant à arracher aux Européens l’aveu public d’une adhésion aux conceptions américaines du commerce Est-Ouest allait, sous la responsabilité apparente du Congrès, gagner en intensité à l’ère coréenne.

42En attendant le « miracle coréen », Administration et Congrès se livrèrent à une véritable surenchère. Avec la régularité d’un métronome, le chantage aux crédits se poursuivit, dans une harmonieuse répartition des tâches entre le Congrès, TEC A et le Département d’État. Les avertissements furent prodigués sur un ton de plus en plus menaçant à l’automne 1949 à propos du lien explicite entre les dollars Marshall et la discipline européenne face aux diverses demandes américaines55. La sphère du commerce Est-Ouest n’échappa naturellement pas au chantage général à « l’intégration européenne », et à la menace « de distribuer l’aide Marshall après le premier semestre de l’année fiscale en cours « selon les mérites de chacun »», brandie avec une vigueur particulière par Hoffman fin octobre 194956.

43Dans le chantage pré-coréen à la baisse ou à la suppression des crédits qui occupe une place considérable dans la correspondance « économique » de Bonnet du premier semestre 195057, l’embargo tint donc une place honorable. Les Congressistes, censés donner le ton, s’acquittèrent volontiers de leur mission, par des propos retentissants qui bénéficièrent d’une considérable publicité : les sénateurs Malone (Nevada) et Kem (Missouri) « déclarèrent » ainsi, respectivement les 24 janvier et 19 avril, « que les pays membres de l’Organisation de Coopération économique européenne exportaient des matériels à potentiel militaire (items of war potential) au bloc soviétique et proposèrent la suspension de toute aide financière aux pays qui faisaient ces exportations58 ».

44L’embarras du choix est aussi considérable du côté de l’Administration ; on n’en relèvera que quelques exemples, qui réduisent à sa juste valeur l’argument fallacieux trouvé dans la documentation rédigée au printemps 1950 par les services du Département d’État à évidente destination extérieure, celui de l’opposition à la « coercition » contre des pays alliés qu’il valait mieux « convaincre ». Il serait trop facile, comme le prétendit parfois le Département d’État en mal d’arguments convaincants contre l’OECE, d’attribuer aux exigences bornées du Commerce et de la Défense ce qui résultait du large accord des services.

45Acheson sembla parfois s’opposer à la fameuse tactique de « coercition » dont il avait été un des maîtres d’œuvre : ainsi dans sa réponse, le 13 avril 1950, à Caffery, qui venait de lui proposer (le 7) un nouveau chantage aux crédits ECA sur la France pour en obtenir une meilleure compréhension de la thèse américaine des « garanties contre exportations matériels (items) stratégiques (sic) », le Secrétaire d’Etat affirma-t-il compter bien davantage « sur l’esprit et le principe de coopération et de reconnaissance commune des dangers du développement du potentiel militaire de l’Union soviétique et de ses satellites »59.

46Propos angélique, qui contenait d’ailleurs une part de vérité : les Américains, l’exemple danois allait le prouver avec éclat en 1952, ne pouvaient couper brutalement les crédits qui leur assuraient précisément le débouché ouest-européen (réalité admise fin avril 1950 à propos des dangers du refus d’exportation des compresseurs industriels américains60).

47Mais, propos largement trompeur : le Département d’État, doté de toute la responsabilité dans la gestion du contrôle du commerce Est-Ouest, puisque certaines attributions théoriques de l’OSR (EGA) lui furent transférées entre janvier et avril61, jugea de bonne tactique d’imputer l’alourdissement des exigences au Commerce soumis à « une certaine pression du monde des affaires62 ». Mais il s’associa pleinement aux lamentations du Secrétaire au Commerce Sawyer, dans son rapport du 25 avril pour le Conseil National de Sécurité (NSC), contre la concurrence scandaleuse qu’occasionnaient aux producteurs américains les exportations vers « l’orbite soviétique » des Européens atlantiques toujours rebelles à l’alignement sur les listes américaines 1-A (moteurs diésel, roulements à billes et instruments de précision n’y figuraient toujours pas) et 1-B63.

48Certes le conflit se poursuivit entre alliés aigris par la crise et la fermeture des débouchés. Sous les apparences, par exemple les divergences croissantes entre une France verbalement de plus en plus disciplinée64 et un Royaume-Uni ouvertement rebelle65, le mécontentement européen ne céda point. « La discussion tripartite sur les propositions 1-B des 8 et 9 mai 1950 à Paris » révéla sans doute des contrastes entre Français et Britanniques ; mais ils portaient beaucoup moins sur le principe de l’adhésion à l’embargo, également rejeté par les deux pays, que, peut-être, sur son application : Londres fit valoir l’importance des concessions consenties dans un cadre multilatéral depuis six mois, mais s’obstina à refuser la « guerre économique » dont les demandes américaines « nous rapprochaient dangereusement » et qui menaçait sérieusement l’économie de « l’Europe dans son ensemble » ; on ne voulait plus entendre parler d’augmentation des contrôles ni d’extension tous azimuts du concept de produit « stratégique ».

49Tout en pratiquant davantage que les Anglais le discours codé sur « la sécurité de l’Occident contre l’agression soviétique », les représentants français ne s’exprimèrent pas très différemment, en avouant prudemment leurs doutes sur le « caractère stratégique » des matériels. Ils évaluèrent la perte commerciale qu’avait causée l’attachement à la grande alliée – « cinq à six milliards de francs (...) sur la base de la Liste I »–, et son aggravation si l’on cédait sur la liste 1-B américaine : « quatre milliards de francs de plus, soit un total d’un tiers du commerce français avec l’Europe de l’Est ». Les restrictions imposées empêchaient désormais la conclusion d’accords de commerce, et la France ne pouvait en signer « avec l’URSS parce qu’elle elle était obligée de refuser de fournir des bateaux-citernes. Tubes et tuyaux posent la même question, mais la France a accepté de les mettre sur la liste I. [Elle] avoue que si ça n’avait pas été pour l’aide américaine, son commerce avec l’Est de l’Europe aurait été plus important. L’indemnisation des investissements français en Europe de l’Est qui avaient été nationalisés ne peut être obtenue que par le commerce66. »

50On se répéterait en citant tous les autres pays, qu’ils aient ou non affecté de capituler : la perspective de liquider le négoce avec l’Est pour creuser un dollar gap déjà dramatique insupportait à tous. Rien ne sépara vraiment les plus hypocrites, les plus soumis, apparemment ou non – Allemagne, Italie, Belgique, France souvent –, des plus sincères ou des plus désespérés, au premier rang desquels se dressèrent plus ou moins durablement les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège ou le Royaume-Uni.

51Et, quelles qu’aient été les échappatoires de la réglementation commerciale nationale, du transit, de la réexportation et de la fraude, Washington, sans avoir arraché l’impossible adhésion à sa liste 1-B attrape-tout, avait au terme du premier semestre 1950 beaucoup obtenu. On ne saurait se contenter des criailleries incessantes contre les perfides emprunteurs de dollars : les statistiques et l’étude des divers pays attestent qu’avant l’ère coréenne, les États-Unis avaient souvent réussi, en conjoncture de crise occidentale et de forte demande orientale compensatoire, à inverser la tendance du commerce Est-Ouest, très brillante au minimum jusqu’à la fin de 1948, parfois même jusqu’en 1949. Dans les mois qui précédèrent le déclenchement de la guerre de Corée, la progression avait été arrêtée partout, faisant place à un reflux parfois spectaculaire.

52Sans doute les pays les plus engagés dans le commerce avec l’Est se montrèrent-ils, au sein du Cocom, les plus obstinés contre l’insertion de leurs livraisons sur les listes d’embargo. Exemple-type de la lutte des Américains contre la concurrence européenne, l’exigence de placer sur la « liste internationale I » les bateaux-citernes et les baleiniers (matériel « stratégique » s’il en fut) : or le Cocom y céda début mai, mettant au supplice La Haye et Copenhague67, qui s’étaient formellement et quantitativement engagés, dans les accords commerciaux signés avec l’URSS, à fabriquer pour elle des bateaux-citernes.

53Les assaillis ne manquèrent pas d’user des ressources de la tactique, réglementaire et politique. Faisant mine d’obtempérer aux prescriptions « libératrices » dont Washington avait inondé les Européens depuis la fin de la guerre – mais qui n’étaient pas de mise en matière de commerce bilatéral –, les Danois « abrogèrent les contrôles à l’exportation en février 1949 ». Astucieux moyen de rendre impraticables les « contrôles » exigés par Washington, et qui, déclarèrent-ils au Cocom, leur « créaient des difficultés dans l’application des décisions ». Sans oublier l’utile recours aux réactions certaines de l’opposition d’extrême-gauche si on rétablissait lesdits contrôles : on offrirait ainsi « aux communistes danois des armes de propagande que le gouvernement hésit[ait] à leur donner68 ».

54Mais tout en émettant régulièrement des « réserves » au sein du CG-Cocom dès les premières réunions de janvier 1950, les pays soumis à pression américaine directe et « multilatérale » cédèrent du terrain. Il apparut assez vite que les immenses espoirs placés dans le nouvel accord dano-soviétique de juillet 1948 résisteraient mal aux pressions américaines, exercées par la voie directe ou via l’ECA : il ne fut plus question, à partir de la fin de 1948 et surtout des premiers mois de 1949, que des obstacles dressés contre l’exécution de la convention bilatérale.

55La conjoncture soviéto-danoise rappela dès lors comme à s’y méprendre la situation de la Suède à l’égard de l’accord russo-suédois de 1946. Ruptures des engagements passés : Chataigneau évoqua fin décembre 1948 la négociation d’un contrat portant sur la construction de cinq bateaux de 1.000 tonneaux et de treize pétroliers de 12.000 tonnes à grande vitesse ; il attribua – selon le rite – aux exigences des Soviets en matière d’exécution, de retards, etc., le fait que « le marché n’a pas été conclu69 » ; mais la documentation environnante autant que les Foreign Relations montrent que, comme dans le cas suédois, la réticence ne se situa pas principalement du côté de Moscou.

56Allongements considérables des délais de livraison : les négociations sur les demandes soviétiques adressées aux constructions navales danoises piétinaient en mai 1949, parce que les Danois refusaient de livrer avant la fin de 195070 ; en juin 1949, les chantiers Burmesster et Wain avaient fini par accepter une commande soviétique (un navire-citerne de 13.000 tonnes et cinq cargos de 5 à 6.000 tonnes avec des installations frigorifiques) ; mais ils déclaraient ne pouvoir en achever la construction avant... 195371.

57Les chiffres confirment que ce refus d’exécution des commandes ou l’imposition de longs délais ne relevait pas du pur window dressing à usage américain. La solution de continuité de 1948-1949 frappe en effet l’observateur. La « diminution significative [... du] commerce général entre [l’ensemble] Danemark-Norvège et l’Europe de l’Est (...) pourrait bien avoir été due dans une large mesure à la politique d’embargo soutenue par les Américains », conclut Lundestad, avec d’infinies précautions de langage72. La consultation des archives publiées – les FR US – nous semble presque autant que celle de la correspondance originale française dispenser les historiens de prudences louables, mais excessives, sur les origines de la baisse chiffrée par Adler-Karlsson ou par l’OECE.

Exportations et importations d’Europe orientale en pourcentage du total danois et norvégien de 1947 à 195073

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Note74

II. Le miracle Coréen : vigueur et limites de la puissance américaine (juillet 1950-1952)

A. Les débuts encourageants du forcing « coréen »

58Des années coréennes, qui étendirent considérablement les listes75 et touchèrent plus gravement les victimes déjà anciennes de l’embargo (la Chine, ses fournisseurs et clients au premier chef), on ne retiendra ici que quelques traits essentiels.

59Le miracle coréen donna à l’embargo des armes d’une efficacité nouvelle, baptisant « stratégique » tout ce qui ne l’avait jamais été. Le combat contre le bilatéralisme inter-européen occupa un solide poste dans le chantage général aux dollars dont un amendement de juillet du Sénat suggère la goujaterie : « le Président des États-Unis peut suspendre l’allocation des crédits Marshall à un pays qui se refuserait, en dépit des moyens dont il dispose, à apporter son concours à une action recommandée par les Nations Unies pour arrêter l’agression76. »

60Dès la première quinzaine de juillet 1950, tous les pays du CG-Cocom, en particulier mais pas seulement les plus ouvertement rétifs, furent soumis au feu roulant de l’offensive du Législatif et de l’Exécutif américains, sans oublier la presse, en faveur de la généralisation d’un embargo absolu. A la « vigoureuse attaque » du sénateur Wherly (sic) (Wherry ?) contre la Grande-Bretagne, « l’accusant de continuer, en dépit des demandes instantes adressées par le Département d’État, à ravitailler la Chine communiste en pétrole et en autres articles de caractère stratégique77 » succédèrent de nouvelles exigences valables pour tous.

61Washington ayant décidé des « contrôles plus stricts sur les exportations pour « empêcher la sortie des marchandises nécessaires à la défense du pays et éviter que, directement ou par des détours, certains produits n’aillent renforcer le potentiel de guerre de l’URSS et des pays satellites » [...] les pays bénéficiaires de fournitures américaines seront invités, annonça Bonnet le 20 juillet, à un renforcement analogue de leurs contrôles sur les exportations à destination de zones considérées comme dangereuses. Une très vive pression a été exercée sur la Grande-Bretagne pour l’amener à suspendre officiellement tous ses envois de pétrole à la Chine communiste. Les assurances données par Londres et d’après lesquelles seules les livraisons « inoffensives » seraient effectuées, n’avaient pas paru suffisantes et, en même temps que la presse et les milieux parlementaires élevaient de vives protestations, le Département d’État maintenait son insistance pour obtenir un arrêt total des fournitures78 ».

62Descriptif de Bonnet qui résume admirablement le traitement appliqué à tous les alliés atlantiques présumés et même aux neutres, dans le Cocom et hors de son cadre, sous prétexte notamment que l’Europe occidentale devait imiter « les sacrifices que s’imposaient volontairement certains secteurs de l’économie américaine79 ».

63Le Danemark fut pour sa part sommé de s’expliquer début juillet, notamment sur les fameux bateaux-citernes. Il fut alors traité en petit garçon non seulement par les Américains, mais par les Français plus royalistes que le roi et bruyamment indignés d’une position « inacceptable parce que moindres fuites EE (Europe de l’Est) mettraient en échec objectif liste internationale I (sic) ». Position soutenue par les plus hypocrites, « Belges, Canadiens et Italiens », mais du bout des lèvres par les Anglais « apathiques » ; plus que gênés – ils appartenaient au même lot –, les Néerlandais déclarèrent lâchement espérer que les Danois accepteraient « bientôt » d’arrêter ces « exportations excessives », mais annoncèrent bravement leur intention de « s’abstenir sur toute recommandation du Cocom à ce sujet » (absents, les Norvégiens avaient fui la séance)80.

64Les courages ayant encore faibli, une résolution du Cocom « unanime », le 25 juillet, invita le Danemark à capituler en rase campagne81. Littéralement harcelés à Copenhague, Paris et Washington, les Danois finirent ainsi par se soumettre, verbalement au moins, au tournant de juillet-août82.

65Même l’Italie, que la surenchère verbale n’empêchait pas d’expédier à l’Est de rentables livraisons de roulements à billes, fut priée, pour obtenir « une usine de roulements financée par l’ECA », de donner « des assurances contre la répétition dans l’avenir (...) des exportations de roulements en alliage d’acier faites à l’Europe orientale en 1949 » ; le tout dans un courrier où Acheson prétendait son « Département toujours opposé à l’usage des sanctions économiques, incluant la menace de retrait de l’aide ECA ou MDAP ou le refus de licences d’exportations, pour arracher un accord avec les propositions américaines83 ».

66La contrainte, malgré le persistant leitmotiv idéologique d’Acheson sur la « libre négociation » entre Américains et Européens84, parvint à un tel degré d’intensité que la lassitude européenne filtra en plein consensus apparent sur la Corée. Au tout début d’août, « l’Ambassade à Paris admit qu’en l’absence de règlement des divergences entre le Royaume-Uni et les États-Unis, le point de saturation avait été atteint sur les ajouts aux listes internationales ». Ces dernières enflaient en effet à une vitesse vertigineuse85, et Washington semblait beaucoup compter, pour lever le butoir sur la liste 1-B et les méthodes de contrôle, sur la Conférence atlantique de septembre à New York (celle du réarmement officiel de l’Allemagne, également sous couvert « coréen »).

67Pour franchir avec succès cette étape jugée importante, on mit beaucoup dans la balance. Tout en faisant mine de les apaiser, on entretint les clameurs du Congrès, ainsi avec l’épisode, le 12 septembre, de l’amendement Wherry refusant toute « assistance américaine aux pays convaincus d’avoir exporté des matériels à potentiel de guerre à l’Union Soviétique ». Contestée avec emphase par Hoffman86, la manœuvre représenta cependant une étape marquante de la collaboration contre le commerce Est-Ouest que la célèbre « Loi Battle » de 1951 allait mener au triomphe. La presse, générale et financière, lança une active campagne sur « l’aspect, à [son] avis scandaleux, des profits que nombre de pays tirent d’une situation où les charges principales reposent sur les États-Unis » (Journal of Commerce).

68A Washington, on affecta entre Départements des désaccords largement tactiques et vite résolus. Le Département d’État soutint volontiers la thèse ordinaire des terribles pressions exercées à l’intérieur pour « passer outre à [ses] objections (...) et (...) demander aux pays bénéficiaires du Plan Marshall de réduire encore davantage leur commerce avec la zône (sic) rouble »87. Rien ne séparait sérieusement les divers services également partisans de l’usage systématique de l’instrument de l’OTAN, du chantage aux crédits et aux licences.

69Le Département de la Défense, en réclamant un blocus pur et simple rigoureusement impossible, assuma, comme le Congrès, l’utile mission de loup-garou pour effrayer les Européens obstinés88. Le Département du Commerce fut investi d’une charge similaire. Ainsi lorsque, pour anéantir l’opposition européenne à l’alignement pur et simple sur la liste 1-B, il aggrava une fois de plus à la mi-août le système des octrois de licences, l’étendant à toutes les zones possibles, y compris à l’Amérique latine (onze produits pétroliers y étaient désormais soumis à ce régime « pour s’assurer qu’ils ne sont pas réexportés en zône (sic) d’obédience soviétique mais on indique en même temps qu’aucune preuve n’existait qu’un tel commerce était, en fait, pratiqué »)89. Ce qui revenait, comme l’admit Acheson, à refuser ad libitum à l’Europe occidentale tout produit des deux listes américaines sous prétexte que, transformé ou non, il pouvait prendre le chemin du « Bloc soviétique90 ».

70La Conférence de New York usa encore la résistance des assaillis, en l’espèce Londres et Paris, sans l’épuiser. Washington avait présenté un programme draconien explicite sur la confusion de la liste 1-B avec l’embargo pur et simple : les produits du « Groupe I de la liste américaine 1-B » seraient réduits à « des exportations « symboliques » minimum » ; ceux du « Groupe II »« en moyenne à la moitié de leur niveau moyen de 1947-1949 » ; on procéderait en outre à « un échange d’informations » concernant ces produits et « tous autres »91.

71Le communiqué commun des Trois Ministres, le 19 septembre, riche en références aux « considérations stratégiques (...) prédominantes dans le choix des matériels à soumettre au contrôle international des exportations », céda sur cette troisième liste, qui allait ouvrir un champ d’action élargi à la CIA et offrir de nouveaux moyens de contrainte sur les alliés européens : comportant les items dont l’Europe continuait à refuser l’embargo pur et simple ou « contrôlé », elle donnerait lieu à « un échange d’informations sur les exportations faites au bloc soviétique ». Mais les Américains durent concéder à leurs interlocuteurs la prise en compte, pour les « recommandations » d’embargo, « de l’impact économique de ces mesures pour l’économie de l’Europe occidentale en particulier de toute perte d’approvisionnements essentiels, et des moyens de compenser ces pertes92 ».

72Furieux de ce nouvel échec, Washington recourut aussitôt aux services du croquemitaine législatif. A l’amendement Wherry repoussé, officiellement grâce à la courageuse opposition de l’exécutif, succéda bientôt l’amendement Cannon, coréen en diable, et voté respectivement par la Chambre et le Sénat les 21 et 22 septembre : « Durant toute la période dans laquelle les forces armées des États-Unis seront engagées activement dans les hostilités en application de toute décision du Conseil de Sécurité de l’ONU, aucune assistance économique et financière ne sera fournie, sur les fonds votés en application de la Loi de Coopération Économique de 1948, ainsi amendée, ni aucune autre loi adoptée pour fournir une assistance économique et financière (autre qu’une assistance militaire à des pays étrangers), à tout pays dont le commerce avec l’URSS ou un de ses pays satellites (incluant la Chine communiste et la Corée du Nord communiste) sera jugé par le Conseil National de Sécurité contraire aux intérêts de sécurité des États-Unis ».

73Service rendu à l’Administration, le Sous-Secrétaire d’État Webb l’avoua presque, le 23 septembre, dans un câble à l’Ambassade en France transmettant le nouveau texte de l’amendement. L’affaire « pourrait être utile à l’Ambassade pour corriger toute fausse impression parmi les pays participants » : ces derniers, bien loin de penser, sur la base d’articles de presse contradictoires, qu’« il y aurait des signes de changement dans la politique américaine ou que les États-Unis seraient satisfaits des actuelles politiques de contrôles des exportations dans le commerce Est-Ouest [, ] reconnaîtraient au contraire ce que l’amendement Wherry aurait signifié et pourraient bien être impressionnés par le fort soutien du Congrès (et l’opposition officielle) qu’il a reçu ici93 ».

74La politique de « coercition » que le Département d’État prétendait éviter et qu’il cautionna avec énergie marqua des points dans les derniers mois de 1950. Mobilisation du Congrès, refus généralisé par le Commerce des licences d’exportation vers l’Europe occidentale – neutres inclus –, « utilisation du forum de l’OTAN », non pour remplacer l’utile CG-Cocom mais « pour exercer une pression supplémentaire sur les gouvernements concernés en vue de leur faire accepter le point de vue américain94 », incitèrent les plus rétifs à céder. Quelques exemples semblent probants.

75Dès l’été, Danemark et Pays-Bas « retirèrent leurs réserves » respectivement sur « le droit d’accorder des licences d’exportation pour les bateaux-citernes dans la mesure où elles étaient estimées indispensables à la conclusion d’accords de commerce avec les pays d’Europe de l’Est » et « sur le respect des engagements commerciaux antérieurs95 ».

76En octobre, Londres, Stockholm et Berne proclamèrent leur allégeance sur des points essentiels. « Le 6 octobre le Gouvernement britannique imposa des contrôles de licences sur toutes les machines-outils métalliques à moteur vers toutes les destinations sauf les États-Unis et le Commonwealth britannique96 ». La Suisse, menacée d’« embargo général », via le refus des licences, promit désormais beaucoup, et notamment de « garantir fermement la non-réexportation des matériels stratégiques importés97 ». La Suède en fit autant, donnant le 17 octobre « des assurances orales mais catégoriques que, à l’exception d’une légère possibilité de fuites par négligence ou fraude, « aucun matériel (items) 1a et 1B livré à la Suède par les États-Unis ne seraient réexporté vers l’Europe de l’Est98 ». Les deux neutres confièrent même à Schuman « la disposition de leurs pays à coopérer de façon informelle avec le Comité de Coordination [Cocom] sur les contrôles à l’exportation99 ».

77Au fil des réunions bilatérales, multilatérales, et surtout tripartites (avec les Français et les Anglais à Londres, du 17 octobre au 20 novembre), le « progrès » accompli fut jugé à Washington « très substantiel100 ». Londres et Paris consentirent à un nouveau gonflement des listes : sur 318 nouveaux items soumis au contrôle par les Américains, les deux pays en conservèrent 244 (102 pour l’embargo complet, 73 pour le « contrôle quantitatif » et 69 pour « l’échange d’informations101 »). Bilan en effet glorieux, car, admit Holmes, chargé d’affaires à Londres, au terme des longs entretiens, « pour les Britanniques et particulièrement les Français, les contrôles acceptés [ici] représentent le maximum général tolérable par leurs gouvernements102 ».

78La réunion du 29 novembre 1950 du CG mesura l’avancée américaine : contrôle du « commerce de transit et des ports libres », « échange d’un maximum d’informations sur les négociations commerciales avec les pays du bloc soviétique », « listes noires » recensant les rebelles en vue de sanctions – première mention dans la documentation publiée d’une procédure appelée à un énorme développement –, prise de position sur les « propositions tripartites de Londres avant le 25 décembre si possible », « impact économique » traité à la manière américaine (« problème autres sources matériels (items) que ceux reçus Bloc soviétique et autres marchés marchandises (commodities) exportées vers Bloc soviétique103 »). Quant au bilan général, on n’en peut nier le caractère satisfaisant pour les États-Unis, malgré le visible mauvais vouloir des Européens à s’exécuter : c’est Washington même qui évalua, au début de 1951, « le volume du commerce entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest à environ 40 % de son niveau d’avant-guerre104 ».

79En réalité, les concessions de 1950, forcées, volontiers insincères, mais que la seule statistique rendait incontestables, ne suffisaient point. Dès l’automne, les Américains préparèrent, sous couvert de « contrôles » renforcés, un embargo généralisé, en cachant soigneusement leurs intentions à ce stade des débats – notamment pour « rassurer les Français105 ».

B. 1951 : vers la Loi Battle

80Janvier 1951 rendit les choses plus claires, et soumit les Européens à une permanente surenchère. Assumée officiellement par le Commerce édictant de nouvelles restrictions de licences106, elle fut partagée par le Département d’État malgré quelques coquetteries concernant l’« appréhension » européenne de l’« embargo total » ou de la « guerre économique au sens large »107. Les projets des premiers mois 1951 semblèrent même perdre le sens des limites éventuelles de l’écrasante puissance américaine, telles les « recommandations » du 9 février du Département d’État, véritable rêve éveillé : les États-Unis, commis à l’application de la Section 117 (d) de l’ECA et de l’amendement Cannon, marchaient vers l’embargo universel des produits (items) « en situation de pénurie » (in short supplÿ) ou utiles au « potentiel de guerre soviétique », à coup de licences généralisées, appuyés sur le Cocom et l’OTAN ; sans oublier « la coopération maximale de pays comme la Suède et la Suisse » pourtant absents des « accords multilatéraux des contrôles à l’exportation », celle renforcée avec « les Républiques américaines », et la perspective d’imposer un « accord sur les sanctions économiques » contre la Chine par l’intermédiaire de l’ONU108.

81L’année 1951, close sur la transformation officielle du Plan Marshall et de TEC A en « Agence de Sécurité Mutuelle » (Mutual Security Agency ou MSA)109, apporta de nouveaux motifs de satisfaction à Washington. Exemple significatif des concessions consenties par les Européens, même lorsqu’ils ne s’étaient pas transformés en emprunteurs structurels, celui de la Suisse. Ce pays fut soumis par Washington à un véritable forcing pour adhérer à, selon la formule d’Acheson, un « embargo de facto aussi complet que possible sur les exportations de la liste 1110 » : les rencontres répétées avec des délégués américains dans lesquels Berne voyait des « agents de la circulation » (traffïcpolicemen) ou des « agent[s] d’exécution » (enforcement agent[s])111, et l’embargo sur les licences d’exportation eurent finalement, comme s’en félicita en juillet le Secrétaire d’État américain, « un effet sur la bonne volonté de la Suisse à coopérer112 ».

82Bien que résolument fidèle par le verbe à sa neutralité, réaffirmée à chaque occasion, la Suisse alla très loin dans le compromis. Elle se résigna à modifier la législation de son commerce extérieur entre avril et juin 1951113 ; puis elle abdiqua, devant Linder – chef de la délégation américaine au Cocom –, le 23 juillet, en souscrivant à l’« accord » suivant : « embargo total des marchandises (items) AEC » ; « embargo sur toute la liste internationale I sauf 18 marchandises » ; « maintien des livraisons de la liste internationale II à leur niveau de 1949-50 soit approximativement 65 millions de francs suisses » ; engagement de « donner aux pays d’Europe occidentale une priorité non écrite sur l’exécution des commandes » ; gestion des quotas sur la base des entreprises et sur une base nationale114.

83Que dire alors des pays atlantiques et emprunteurs, bousculés plus brutalement et constamment, dans le cadre de l’OTAN, au Cocom et ailleurs ? Mais comme l’allant atlantique manqua singulièrement à tous ceux qui l’affectaient parfois, la collaboration avec le Congrès connut un nouveau temps fort. Soigneusement préparée par de nombreux conciliabules, la législation de 1951 (dont nous excluons ici la résolution apparemment onusienne du 18 mai décrétant l’embargo contre la Chine) porta à de nouveaux sommets le chantage sur les emprunteurs, dans un va-et-vient permanent de textes et entretiens entre l’exécutif et le législatif.

84Dès le début de 1951 au plus tard, le Sous-Comité Battle, muni par le Département d’État d’« une quantité considérable de renseignements confidentiels », et soumettant ses rapports aux bons soins de ce dernier « pour examen au moins d’un point de vue de sécurité » avant leur diffusion aux parlementaires, exerça la pression publique sur les alliés en vue de les faire renoncer à l’« excès de secret concernant les contrôles à l’exportation115 ».

85Puis on rejoua la comédie de l’année précédente : à l’amendement Wherry de 1950 succéda l’amendement du Sénateur Kem, qui « refuserait toute nouvelle aide économique à tout pays qui livrerait des matériels de guerre à l’Union soviétique, à la Chine, ou à tout satellite soviétique ». Présenté le 9 mai, il fut atténué par la référence à d’éventuelles « exceptions sous la responsabilité du Président sur avis du Conseil National de Sécurité », et voté ainsi à l’unanimité le 21 par les deux Chambres avec la loi additionnelle de crédit.

86On forgea sur ce texte une légende à usage externe, celle de l’« opposition » de l’Administration et du Président, qui n’aurait signé le texte le 2 juin116 que contraint et forcé, « parce que c’était une clause additionnelle d’un important crédit militaire117 ». Tout montre que dans ce prélude au grand moment de l’embargo marshallien – la loi Battle –, le Congrès ne fut qu’un instrument dans les mains de l’exécutif pour tenter de venir à bout des alliés européens. Prétexte à un catalogue ingérable de milliers d’/fe/ns118, extrêmement humiliant pour l’Europe occidentale comme le fit avec pertinence remarquer à plusieurs reprises le Département d’État119, l’affaire servit à tester le Cocom réticent.

87Chacun comprit en effet, comme l’attesta la réunion du 31 mai, que l’amendement, applicable dans les quinze jours (la « date-limite » en avait été fixée au 4 juin), « aboutirait à une extension des propositions américaines d’embargo ». Cette épée de Damoclès fut pendue au-dessus des têtes au Cocom (le délégué américain dosa ses effets ce jour-là en observant que « tout commentaire était entièrement prématuré puisque l’amendement Kem n’était pas encore une loi et qu’il n’avait donc pas d’instructions120 »), et ailleurs.

88Linder fit aussitôt usage du texte devant les Anglais opposés à « la guerre » et fort mécontents « de la manière dont était passée la résolution Kem », le 5 juin, pour combattre le secret sur les œuvres multilatérales et « souligner l’importance d’éviter les questions dramatiques en particulier le caoutchouc qui est devenu un symbole dans l’opinion publique du commerce Est-Ouest en général121 ». Excellente préparation pédagogique, ou, comme le remarqua le représentant américain des Suppléants au Conseil de l’Atlantique Nord, « très utile arrière-plan pour » la nouvelle étape des discussions, « la réunion du 11 juin122 ».

89Simultanément, Washington élaborait l’étape suivante du dossier « avec le Comité Battle123 ». Sous couvert d’opposition républicaine, la majorité parlementaire se montra beaucoup plus sage que ne le suggéraient les polémiques officielles. On prépara de concert le voyage européen de juin des délégués du « Sous-Comité Battle », dont le chef entretenait de si « fréquents contacts » avec « le Département124 » : utile moyen d’alerter encore les hôtes européens des parlementaires américains sur l’ire de l’« opinion » et du Congrès. Dans le cadre d’une querelle publique bruyamment arbitrée par les « éditoriaux favorables à l’Administration », ledit Comité soumit à la correction des divers Départements et organismes exécutifs (« État, ECA, Commerce et Défense ») les versions successives125 de ce qui allait devenir la célèbre « Loi Battle126 ».

90Elle fut votée le 28 août au terme d’un été insupportable tant aux membres du Cocom qu’aux neutres127, signée par le Président le 26 octobre, et rigoureusement applicable dans les trois mois (au 24 janvier 1952). Fondement définitif de la politique d’embargo contre le commerce Est-Ouest, ce texte constitua, de l’avis pertinent d’Adler-Karlsson, « le document législatif le plus important reliant le programme américain d’aide à l’étranger à la demande spécifique adressée aux gouvernements bénéficiaires de se conformer aux règles américaines dans leur commerce extérieur avec les nations communistes128 » : définition, au mot près, partagée par tous les emprunteurs de dollars, telle la France, dont le Gouvernement, rappela Bonnet en janvier 1952, jugeait « extrêmement difficile (...) d’accepter la réglementation par le Congrès des Etats-Unis du commerce français sans l’accord du Gouvernement français ou du Parlement français129 ».

91La loi refléta aussi la profonde complicité de l’exécutif et du législatif en confiant au Président et à l’« Administrateur » désigné en vertu du Mutual Defense Assistance Act (ce serait Harriman130) la gestion d’un embargo généralisé, confondu avec les listes américaines, et la décision en matière d’« exceptions ». Extrayons du long texte qui prévoyait un rapport trimestriel de l’exécutif aux Comités intéressés du Congrès la référence à la suppression des crédits : elle sanctionnerait le refus d’obtempérer tant à l’embargo absolu sur les « matériels de guerre131 » qu’au « programme de contrôle des exportations de marchandises (items) pas sujets à l’embargo défini par le Titre I de cette loi » et à la communication d’« informations suffisantes pour permettre au Président de déterminer que le pays bénéficiaire coopère effectivement avec les États-Unis132 ».

92Si le Battle Act illustra remarquablement le degré de puissance auquel s’étaient hissés les États-Unis au début des années cinquante, il ne suffit pas davantage que les autres pressions américaines à en abolir les incontournables limites. Le chantage aux crédits Marshall se révéla certes d’une incontestable efficacité, comme il n’avait cessé de l’être depuis 1947-1948.

93Mais comment des crédits en régulière diminution au fil des ans auraient-ils pu faire oublier les réalités qui fixaient des bornes de fait au droit de décision américain en Europe occidentale ? Celle-ci se trouvait affaiblie par un réarmement massif et largement importé d’Amérique que Washington exigeait à marche forcée ; par l’inflation avivée ; par le chantage aux productions américaines, refusées plus capricieusement encore que naguère parce que dotées des nouveaux marchés qu’offrait l’heureuse conjoncture « coréenne » ; par le dollar gap qu’aggravait l’indéracinable protectionnisme américain. L’amélioration du second trimestre 1950 aux causes « accidentelles133 » ne dura guère, et l’Europe fut confrontée à une « situation économique et politique sérieuse » dans l’année qui suivit134.

94A peine prise en défaut par les besoins des premiers mois de guerre, la cuirasse de la protection américaine retrouva promptement son intégrité : le renouvellement de mai-juin 1951 du Trade Agreements Act, officiellement, selon le rite, « signé (...) à contrecœur » par Truman135 , associa étroitement les deux aspects obligatoires du commerce extérieur d’après-guerre, « des mesures nettement discriminatoires à l’égard de l’URSS et de ses satellites », et « les dispositions les plus protectionnistes utilisées par les États-Unis depuis 1934 » : « la clause échappatoire136 » et celle du « point critique137 » permettaient de relever à volonté les droits de douane intérieurs dont les Américains prônaient la baisse ou la suppression par tous leurs partenaires.

95La crise des paiements de 1951 rendit donc impossible la liquidation totale du commerce avec l’Est, quelle que fût la vigueur des chantages aux dollars (d’ailleurs en chute libre138). Les fidèles alliés britanniques l’exposèrent clairement, dans un de leurs accès de franchise, assez nombreux hors des tréteaux idéologico-politiques « coréens ». Citons à cet égard les interventions de Gaitskell (Chancelier de l’Echiquier) et de son collègue Morrison (Affaires Etrangères), une fois de plus pressés, le 11 septembre, à Washington, quatre jours avant la conférence atlantique d’Ottawa139, de céder sur « les vingt items restants des listes de contrôle », caoutchouc en tête, et menacés des foudres périodiques du Congrès : le rapport Battle annuel sur l’application des contrôles raviverait la blessure « de temps en temps », argua Acheson.

96Exposé britannique argumenté et sincère qui mérite une citation fidèle tant il illustre la situation générale d’une Europe occidentale acculée au déficit chronique par les exigences commerciales du prêteur de dollars : « le Royaume-Uni, rappela Gaitskell, importait deux produits essentiels d’URSS, du bois et du grain. Chaque année les négociations entre les deux pays atteignaient un point critique quand les Britanniques se demandaient s’ils obtiendraient un accord commercial pour l’année suivante. Ces produits (commodities) étaient vitaux pour l’économie du Royaume-Uni, mais si les marchandises (items) que les Soviétiques pouvaient acheter en sterlings étaient sévèrement limitées, il était toujours possible qu’ils ne souhaitent pas accumuler des réserves de sterlings, et qu’ils mettent fin aux accords. Les Britanniques étaient à présent débiteurs en vertu des accords en cours pour un montant considérable parce que des restrictions avaient été placées sur l’exportation de caoutchouc vers l’URSS, mais que des quantités de bois et de grain avaient été importées aux prix très élevés actuellement pratiqués sur les marchés mondiaux140. Ce déficit continuait à s’accroître.

97Pour parler très franchement, le Royaume-Uni se trouvait actuellement au début d’une très sérieuse crise du dollar. Le 4 octobre [Gaitskell] devrait faire un rapport au Parlement sur la situation sterling-dollar » : un déficit de près de 500 millions du compte en dollars était prévu pour les années 1951-1952 ; le déficit global, zone sterling incluse, approchait 1,2 milliard de dollars, soit environ le montant des surplus britanniques de 1950. Fin 1952, les réserves britanniques, réduites à l’équivalent de 2 milliards de dollars, replongeraient dans le même abîme qu’avant la dévaluation de la livre. Situation imputable aux achats en dollars de plus en plus importants des pays de la zone sterling, aggravée par « la production de guerre, et les prix élevés des matières premières ».

98L’espoir caressé par le Trésor britannique en 1950 de « résoudre le problème du déficit en dollars et (...) de dominer la situation » s’était évanoui, situation grosse de « conséquences politiques très sérieuses », et pas exclusivement britannique : « c’était un problème européen. L’Europe en revenait à la situation d’avant le Plan Marshall en raison du nouveau facteur – le réarmement mondial – qui avait été introduit dans le tableau général. A propos du commerce Est-Ouest dans le contexte de l’OTAN il croyait que les autres membres auraient le même avis que le Royaume-Uni. L’URSS et les zones satellites offraient des biens que les États-Unis seraient probablement incapables de fournir et que certains des pays européens n’auraient pas les dollars pour acheter même s’ils étaient disponibles ». Insistant beaucoup sur la contribution du réarmement à la situation dramatique des échanges extérieurs, Gaitskell poursuivit : « le Royaume-Uni ne peut continuer » à sacrifier ses exportations aux exigences accrues de la Défense. Les chiffres fixés par l’OTAN entraîneraient « confusion et désagrément tant qu’on tiendrait pas compte franchement des réalités économiques en confrontant les aspects économique et militaire de la situation de l’Europe. Confrontation des deux éléments qui n’a jamais été faite au sein de l’OTAN. Au rythme où vont les choses, l’Europe devrait se lancer dans une économie de guerre ».

99Morrison le soutint fermement en insistant sur les vertus d’un commerce non militaire mais civil, dont toute nouvelle réduction « blesserait » son pays bien plus que l’URSS, et en se félicitant des rapports commerciaux avec les Soviets, « très bons partenaires d’affaires » (very business-like to deal with) et « en général fidèles à leurs engagements » {tbey generally stuck with their bargains)141.

100Les Anglais ne mentaient pas en déclarant leur cas peu original : la situation des années de réarmement partiellement forcé plaça en effet l’OECE dans une situation si dramatique que tous les pays exprimèrent en 1951 les mêmes réserves, Danemark, Norvège et Pays-Bas en tête.

101La crise provoquée au Danemark en mal de charbon polonais par le diktat américain éclata en 1951. Elle emplit la correspondance des Foreign Relations et incita les Danois, qui comptaient parmi les Scandinaves les plus pro-Américains142, à comparer l’allié américain à l’occupant allemand détesté. Objet d’un nouvel assaut de l’État américain (le Général Olmsted) et du Congrès contre le manque d’allant de « l’effort militaire danois » dans le cadre de l’OTAN, « peu après la Conférence d’Ottawa d’où le Danemark la gardé l’impression que les petits pays étaient menés les rênes très serrées par l’Amérique »143, soumis à une pression continue et intolérable sur le commerce Est-Ouest144, Copenhague ulcéré s’épancha parfois : « certains fonctionnaires danois des Affaires Etrangères ont été jusqu’à me dire, rapporta l’Ambassadeur de France à la mi-octobre 1951, qu’ils pensaient parfois aux relations que le Danemark avait eues avec l’Allemagne de 1940 à 1943 pendant la période de l’« occupation douce »145 ».

102Le miracle coréen engrangea pourtant sa moisson annuelle de victoires américaines contre le commerce Est-Ouest. Le vieux combat contre la concurrence occasionnée par le commerce Est-Ouest avait depuis l’été 1951 reçu un renfort décisif avec la Loi Battle, qui conservait à peine le distinguo fictif entre l’embargo absolu et le reste soumis à « contrôle ». Fondement nécessaire à la fois au nouvel accroissement des listes et à l’aveu que rien ne distinguait vraiment les listes 1 et 2, la troisième étant vouée à la liquidation pure et simple146. La perspective ouverte par l’application immédiate des clauses d’embargo du Battle Act (et des sanctions contre les receveurs d’aide rebelles) – 24 janvier 1952 – permit aux Américains de s’attaquer plus ouvertement à une vieille cible qui ne datait pas de l’ère coréenne : celle des accords anciens, qui portaient sur des produits inclus dans les listes américaines et « internationales », et que les pays de l’OECE avaient jusqu’alors correctement défendus en se couvrant des règles du droit.

103Ce nouvel assaut contre du matériel plaisamment qualifié de « hard cote » fut accompagné d’une pression plus forte contre « le secret », sur les « listes noires » et d’une aggravation des procédures de « contrôle », sous prétexte de ne pas indisposer le Congrès147. La colère de la France, en une année 1952 de contentieux particulièrement sévère avec les Américains148, résuma bien celle de l’ensemble des « pays Marshall » ou plutôt « MSA ». Il est significatif que Paris soit apparu à Battle, au terme d’un séjour européen évoqué plus loin, comme le plus rétif, alors que ses autres interlocuteurs européens avaient affecté une « attitude (...) beaucoup plus sympathique et coopérative qu[’il] ne [s’] y étai[t] attendu (...) malgré le dommage infligé à des firmes et industries particulières149 ».

104La généralisation de l’embargo à laquelle le Cocom était fermement prié d’apporter sa caution fut jugée intolérable. Surtout lorsque les Soviétiques réunirent avec grand succès, à partir du 3 avril, une « Conférence Économique » groupant 49 pays et 471 délégués, dont « 13 représentants du monde des affaires américain », qui souligna à nouveau les ambiguïtés de la concurrence entre Occidentaux alliés : les pays publiquement les plus dociles supportèrent avec peine que la nation qui gelait leur commerce avec l’Est fût pour l’occasion aussi dignement représentée à Moscou150.

105Comme le concéda avec un sens certain de l’euphémisme un rapport Acheson-Harriman du 22 septembre, « la Conférence Économique de Moscou s’est avérée inquiétante, particulièrement du point de vue des succès de propagande soviétiques dans les régions sous-développées et de l’excitation des méfiances mutuelles au sein des grands intérêts d’affaires dans divers pays participant au Cocom151 ».

106L’adhésion européenne demeurant défaillante, Kem fut à nouveau mobilisé au tournant de mai-juin pour stigmatiser le laxisme de l’Administration et relancer les frayeurs européennes : son nouvel amendement, aggravant encore la Loi Battle, prévoyait « des sanctions en matière d’assistance économique contre les pays qui échangeaient certains produits (commodities) avec le Bloc soviétique ». La chronologie de la manœuvre, adoption puis rejet de l’amendement entre le 26 mai et le 3 juin, juste avant de nouvelles pressions sur Paris et Londres, et son usage à cette dernière occasion postulent la coutumière complicité entre Administration et Congrès152.

107Comme le dit Acheson aux Français et aux Anglais, leçon apprise par cœur et débitée dans les mêmes termes – les entretiens successifs du 12 juin 1952 en témoignent –, « malheureusement notre loi ne distinguait pas entre les contrats passés avant l’entrée en vigueur de la Loi Battle », et « il ne fallait pas que nos amis à l’étranger se laissent tromper par une impression fallacieuse de sécurité » : malgré le rejet du Sénat par 59 voix à 11, l’Administration avait failli être « battue [sur] la question de l’amendement Kem153. » La pression via le Congrès fut utilement entretenue, au cours de l’été, par une mission confiée à Battle lui-même : un séjour de « six semaines d’étude en Europe » pour y « observer l’opération des contrôles d’exportations vers le Bloc soviétique dans 8 (sic) pays d’Europe occidentale », prétexte à de nouvelles récriminations contre des nations qui avaient l’audace de ne pas confondre la « Public Law 213 » avec leur propre législation154.

108L’exemple danois apparut une fois de plus comme typique des réactions fatiguées d’une Europe dépendante, mais aussi des limites imposées à une puissance incapable, malgré tous les discours, de se substituer entièrement au commerce inter-européen et contrainte de prêter des dollars aux acheteurs de marchandises américaines sous peine de perdre les marchés ouest-européens. Le Danemark, requis comme tous les autres pays partenaires de longue date de l’Est européen de s’attaquer désormais aux contrats bilatéraux antérieurs à l’embargo – les fameux bateaux-citernes155 –, fut menacé de suspension des crédits américains en vertu désormais de la Loi Battle. Malgré les pressions relancées « bilatéralement »– le Cocom se montrant peu coopératif156 –, Copenhague tint bon. Dès le 15 janvier 1952, au Cocom, « les Danois firent ressortir que si les États-Unis étaient vraiment décidés à arrêter leur aide en dépit du fait qu’un pays se soumettait complètement aux procédures du Cocom cette action aurait des répercussions non seulement au Cocom mais aussi dans d’autres organisations157 », allusion à peine voilée à la taraudante envie de quitter l’OTAN. Les mois suivants ne retouchèrent pas ladite réponse.

109Comme l’admit le lucide rapport Acheson-Harriman de septembre 1952, « malgré de vigoureuses démarches des Etats-Unis et la possibilité d’une suppression de l’aide, le gouvernement danois s’est senti contraint d’honorer l’engagement (...) antérieur de livrer un bateau-citerne à l’URSS158 ».

110Comme Washington avait au moins autant besoin de prêter que l’OECE d’emprunter, il fallut bien consentir les « exceptions » aux règles de suppression des crédits. Ce qui ne signifiait pas une autorisation aux pays concernés de livrer, mais la simple reconnaissance de la réalité des inévitables livraisons : la « seule alternative laissée aux États-Unis » consistait à « (1) continuer à faire des démarches bilatérales comme dans le cas danois et décider si on accordait une exception seulement après livraison effective, ou (2) informer par avance les gouvernements concernés que les États-Unis sont disposés à accorder des exceptions pour ces engagements antérieurs qu’ils pensent devoir respecter et à poursuivre toute nouvelle discussion dans le seul objectif de s’assurer des informations complémentaires sur lesquelles fonder ces exceptions ».

111Avant même que le Danemark n’en fit l’objet (« un second bateau-citerne est en cours de construction (...) pour la Russie », gémit Battle en septembre159), les Pays-Bas, l’Italie et la Norvège bénéficièrent d’« exceptions (...) permettant] de poursuivre l’aide malgré les livraisons de produits (items) sous embargo » : le 22 avril pour la livraison à la Pologne, prévue par un « engagement antérieur », de trois derricks néerlandais de 240.000 dollars ; le 24 juin pour la livraison à la Roumanie d’une meuleuse « centerless » italienne de 11.000 dollars « qui avait reçu (par erreur) une licence pour l’exportation avant le 24 janvier 1952 ». « Exceptions publiques » à laquelle s’ajouta celle prévue pour la prochaine livraison par la Norvège à la Tchécoslovaquie de « 3.250 tonnes d’aluminium sous embargo ». Et la France devait encore à la Pologne des matériels classés par les Américains « hard core », « surtout des machines-outils », qu’elle livrerait assurément160.

112Si Washington ne put obtenir de ses emprunteurs la renonciation à toutes les marchandises exportées (caoutchouc et roulements échappèrent en fait à l’embargo total), le bilan global du combat des États-Unis contre le commerce Est-Ouest nous paraît glorieux. Concurrençant le leur, beaucoup plus à l’Ouest de l’Europe, zone désormais privilégiée de la « Porte Ouverte », qu’à l’Est, ce négoce avait depuis la fin de la guerre représenté un objectif majeur d’une stratégie commerciale aux ambitions illimitées. A la seule lecture des statistiques officielles du commerce Est-Ouest entre 1947 et 1952161, on mesure que le Plan Marshall, étape essentielle des « prêts liés » d’après-guerre, offrit aux Américains le levier qui leur avait manqué jusque là. L’action volontiers obsédante d’avant le Plan, et incontestablement efficace – le cas suédois le prouve –, franchit un seuil qualitatif : le chantage aux livraisons, l’envoi de délégations américaines, les entretiens répétés avec des « Occidentaux » de cœur, les vigoureuses notes de protestation d’avant 1947-48, les campagnes de presse américaines relayées par les alliés vernaculaires semblent, par comparaison avec ce qui leur fit suite, presque modestes.

Exportations vers l’Europe de l’Est (pourcentage du total des exportations)

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Importations en provenance d’Europe de l’Est (pourcentage du total des importations)

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113Sans constituer une véritable solution de continuité, tant les problèmes étaient posés depuis longtemps, le Plan Marshall donna au combat singulier du tigre en quête de prétendue égalité de chance contre un mouton, pour reprendre l’expression imagée du Neiv/îepuW/c de janvier 1945, des chances décisives de succès. Législation américaine visant simultanément tous les emprunteurs, sans cesse brandie devant ceux qui, en signant les « bilatéraux » Marshall, en avaient accepté les clauses léonines contre le commerce Est-Ouest ; permanent chantage au retrait des crédits ou des licences d’exportation des marchandises – intéressante orientation autoritaire des marchés américains en Europe usage immodéré des tribunes « militaires » qu’institua promptement la phase atlantique du Plan assurèrent somme toute la docilité des « pays ERP ».

114Dossier formellement comparable, celui des réparations était d’emblée réglé en 1945 à Washington : mais il fallut le levier du Plan Marshall pour que les prélèvements obstinés des Britanniques et des Français dans leurs zones respectives fussent totalement et officiellement liquidés. Le dossier du commerce Est-Ouest agonisa plus lentement, ou n’alla pas jusqu’à la mort totale ; il s’orienta cependant de façon décisive dans la direction recherchée entre le Plan Marshall proprement dit et son successeur allégué, le programme de « Défense Mutuelle », plus conforme à la militarisation des économies poussée depuis 1949-50 et accélérée à l’ère coréenne.

115Bilan glorieux qu’il faut cependant nuancer. Malgré les données officielles, et la correspondance diplomatique qui s’entrouvre sur ce dossier « secret », on ne sait rien d’absolu : compte tenu de la mobilisation américaine, CIA en tête, pour traquer les « échappatoires » (loopholes) au blocus, débusquer le discret transit ou les fraudes162, on peut accorder crédit au scepticisme marqué d’Adler-Karlsson sur le chiffrage réel du commerce Est-Ouest à l’heure de l’embargo « européen » et « asiatique » généralisé. Son « hypothèse machiavélique » d’une « manipulation » de la politique américaine d’embargo par les Européens de l’ouest, « de sorte qu’ils puissent préserver à la fois le commerce [avec l’Est] et, en faisant semblant de se prêter aux demandes américaines, l’énorme aide américaine en dollars », paraît très raisonnable.

116Les chiffres cités par cet auteur sur l’augmentation parallèle des exportations finlandaises vers l’URSS et des exportations belges vers la Finlande – doublement des deux chiffres « en 1951, par exemple »– attestent l’efficacité du « transit » clandestin pour contourner l’embargo américain. La fraude occidentale, au cours des années cinquante, aurait atteint un minimum annuel de « 25 à 50 millions de dollars (...) ou peut-être plusieurs fois ce [dernier] montant163 ». Le cas suédois, qui présente une gamme imposante des fuites et réexportations relâchant de fait l’embargo (de l’Ouest à l’Est, des pays de catégorie II vers les plus exposés de la catégorie I), suggère ce qui eut cours ailleurs. La Suisse et la Suède ne furent pas les seules à « ferm[er] les yeux sur un montant anormalement élevé de négoce illégal164 » ou rendu illégal par la seule volonté américaine. Les impératifs créés par l’insurmontable dollar gap s’opposèrent jusqu’au bout à la réussite totale des objectifs américains à l’époque des emprunts massifs de l’Europe à reconstruire.

117De même d’ailleurs que les pratiques américaines elles-mêmes, au grand dam des Européens dont Washington prétendait écarter la concurrence. Car les Américains, soucieux de se réserver les marchés ouest-européens, renoncèrent eux-mêmes beaucoup moins aux charmes du négoce avec l’Est que ne le supposait la statistique officielle de ces échanges, proche de zéro au début des années cinquante165. Cette caractéristique décelable dans la phase pré-coréenne de l’embargo se maintint ensuite dans la discrétion appesantie par la phase du « blocus » allégué.

118On comprend mieux la présence des hommes d’affaires américains à Moscou, en avril 1952, en relevant, avec Adler-Karlsson, la représentation nettement majoritaire des firmes américaines dans le lot des sociétés internationales qui violèrent allègrement l’embargo édicté par Washington. Sur la « liste noire » des « 62 firmes » qui ignoraient délibérément l’interdiction de négocier avec l’Est européen, établie en 1952 par le Bureau américain du Commerce international (rattaché au Département du Commerce), celles de nationalité américaine détenaient la majorité absolue : 33 d’entre elles caracolaient en tête de leurs homologues ouest-européennes (11 suisses, 5 britanniques, 5 italiennes, 2 belges, 2 de Trieste « et quelques autres166 »).

119Les États-Unis parvinrent pourtant, au nom d’« intérêts de sécurité » qui transformèrent tout en « produits stratégiques » et grâce au levier du Plan Marshall, à inverser la tendance, non seulement au rétablissement des courants traditionnels d’échanges Est-Ouest, mais à leur énorme développement attendu dans l’après-guerre. Prétendue défense de l’Occident menacé par le tentaculaire « potentiel militaire de l’URSS et de ses satellites », l’embargo gêna l’Ouest européen plus que sa cible officielle. La diminution ou la stagnation forcée des échanges mutuels, malgré l’empressement de l’Est européen à commercer, devait obligatoirement résulter des refus de livraisons imposés par Washington. L’Ouest européen ne pouvait indéfiniment acheter sans vendre à ses partenaires de l’Est.

120Les rapports américains reconnurent périodiquement que les victimes occidentales de leur embargo n’auraient jamais renoncé spontanément aux avantages cumulés du commerce Est-Ouest : les bas prix (comparés aux cours américains) des matières livrées par l’Est ; les bons prix que l’Est à équiper ou à rééquiper était disposé à accepter pour se procurer des produits industriels que l’Europe de l’Ouest n’aurait pu, en l’absence de cette clientèle, placer « dans le monde libre qu’à perte167 ». Comme l’avoua avec une franchise presque candide un rapport d’avril 1953 sur « les effets probables d’une rupture du commerce Est-Ouest », la dépendance de nombre de pays européens à l’égard du charbon ou du grain de l’Est, du Royaume-Uni à la Norvège et au Danemark en passant par l’Autriche, la Finlande et l’Italie, ne pouvait si aisément être balayée : « ces importations sont avantageuses aux pays demandeurs essentiellement parce que les sources de remplacement de ces produits devraient être réglées principalement en dollars168 ».

121La pression multilatérale, bilatérale, exercée par les voies « civiles » (Congrès et missions ECA en tête) ou « militaires », permit cependant aux États-Unis, à la charnière des années quarante et cinquante, de s’ériger en fournisseur privilégié d’une Europe occidentale tentée par le recours à bien d’autres sources d’approvisionnement. A l’heure glorieuse du « Siècle américain », sur 40 millions de tonnes d’exportations mondiales de céréales, États-Unis et Canada en assuraient 25 (soit 62,5 %) contre respectivement 32 et 7 (soit moins de 22 %) « dans les années d’avant-guerre » : plus de la moitié de l’accroissement ainsi enregistré avait « compensé le déclin de 10 millions de tonnes provenant auparavant d’autres sources169 ».

122En 1949, malgré l’embargo, l’ensemble des pays de l’OECE réussit encore à exporter nettement plus vers l’Europe orientale que vers les États-Unis (94,1 millions de dollars de moyenne mensuelle contre 66,2) : mais ces derniers, qui ne représentaient plus que 4,23 % des exportations totales du groupe, contre 5,77 en 1937-38, avaient réussi à repousser la part de l’Est européen, appelée à croître, de près de 10 à 6 %. Du côté des importations, tandis que l’Est européen ne fournissait plus que 5,41 % du total, contre 10,31 avant-guerre, soit une réduction relative de près de moitié, les États-Unis avaient presque doublé la leur, passant de 10,10 à près de 18 % (17,96)170. Fin 1952, l’OECE, concluant sans rire que « cette réduction du commerce est-ouest semble avoir été due en grande partie imputable à une réduction des disponiblités exportables de l’Europe orientale », se montra plus catégorique encore sur la réduction de l’ancien partenaire de premier plan à la portion congrue (de « près de 20 % des exportations totales de l’Europe occidentale » en 1937-38 à « 9 % en 1951171 »).

123Moyennes éclairantes, bien qu’elles gomment d’énormes inégalités entre les pays théoriquement souverains et les pays vaincus et occupés par l’armée américaine : chez les champions incontestés du commerce Est-Ouest d’avant-guerre, l’ère Marshall permit de consolider les acquis de la première phase de l’Occupation.

124(En % du total, 1949172)

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125L’ouverture des archives interdit d’attribuer à la spontanéité ou à l’émerveillement devant les performances de l’économie américaine ce renversement des rôles par rapport à l’avant-guerre.

126En 1953, alors que les antibiotiques figuraient parmi les produits « stratégiques » interdits à la réexportation ouest-européenne, Eisenhower, dans une intervention d’un remarquable bon sens, vite corrigée par son Secrétaire Wilson, anéantit froidement les faux-semblants du vieux combat commercial contre le négoce inter-européen : fallacieuse « distinction entre les matières stratégiques et non-stratégiques », besoin danois impératif du charbon polonais, politique « folle et impossible » qui restreignait le commerce Est-Ouest alors que « le niveau de vie de la plupart des pays d’Europe était », son récent séjour en France l’en avait encore convaincu, « sacrément trop bas173 ».

127Si le bon sens avait été mortellement touché par la puissance qu’incarnait le Plan Marshall, les États-Unis n’y avaient point perdu. « Il n’était pas déraisonnable de penser que le volume en dollars du commerce entre les blocs aurait pu au moins doubler en 1951 par rapport à son niveau de 1948, si la politique d’embargo n’avait pas été en vigueur », déclara Henry Schwartz lors d’une réunion de spécialistes américains de l’économie soviétique. La Commission Randall évalua « le coût net pour l’Europe occidentale des contrôles Est-Ouest » à un minimum de « 100 à 200 millions de dollars annuels », et son Président commenta ainsi la victoire remportée : « Nous avons interdit à nos anciens ennemis de commercer avec les communistes, et nous avons persuadé nos anciens alliés de limiter rigoureusement ce commerce. Ils n’ont eu que le choix de se plier à nos vœux et d’abandonner la structure traditionnelle de leur commerce174. »

128Résumé lapidaire d’un dossier auquel les archives restituent ses véritables couleurs en le débarrassant d’une tenace couche de vernis : il releva, à l’époque du Plan Marshall comme auparavant et ensuite, non de l’idéologie atlantique et coréenne hantée par le « potentiel militaire de l’Est » puis par « la menace actuelle d’agression communiste175 », mais des vieux impératifs de la « Porte Ouverte » américaine, si clairement compris par les concurrents ouest-européens à la veille de la Paix de 1945.

Notes de bas de page

1  « Les signes de baisse de la demande [américaine] se multiplient, en particulier dans les industries comme les machines-outils, les locomotives, les roulements, etc. Il est probable que les intérêts touchés fassent pression pour un relâchement des contrôles des exportations vers l’Europe de l’Est, directement et par l’intermédiaire du Congrès », tél. du 25 février 1949, Foreign Relations of the United States (FRUS) 1949 vol. V, p. 88. Pertinence du jugement confirmée par l’allègre violation américaine de l’embargo (cf infra).

2  Voir A.S. Milward, The Reconstruction of Western Europe 1945-1951, Londres, 1984, p. 283-361.

3  Chiffres votés en octobre 1949 pour l’exercice à échéance le 30 juin 1950. Il s’agit (en « large part », admit le Département d’État) de « matériel de surplus » digne de la quincaillerie, mais pour le prochain exercice, avait averti Washington, « il faudra recourir davantage à des commandes à l’industrie américaine ». Les Européens marris de la menace de baisse des crédits américains affectés à leurs achats apprirent à l’occasion « que cette réduction en valeur devrait être compensée par l’amélioration de la qualité des matériels plus modernes qui pourr[aie]nt être expédiés désormais », lettre de Bonnet n° 2325, Washington, 18 mai 1950, Europe Généralités 1949-1955 (plus loin, Europe 1949...) vol. 18, Pacte atlantique, janvier 1950-mai 1951, MAE.

4  Lettre de Blondel n° 1, Oslo, 2 janvier 1950, ibid.

5  Correspondance de janvier à mai 1950, ibid.

6  FRUS 1949 vol. V, correspondance de février, notamment sur les réunions Ambassade-ECA-Alphand du 4, à Paris, p. 77-78 ; entre Européens, le 14 (France, Grande-Bretagne, Suisse, Suède, Benelux), à Paris, p. 80 ; États-Unis-Grande-Bretagne, le 14 janvier, à Washington, encore sur le caoutchouc, p. 83 ; de la CEE de Genève, du 14 au 19 février, p. 83-86.

7  Tél. Siegbert à l’Ambassade en France, 24 janvier 1949, FRUS 1949, vol. V, p. 71. Sur l’Italie, ibid., passim, notamment le tél. Harriman à Hoffman, 15 octobre 1949, p. 150-152. Dans un chef-d’œuvre du style grandiloquent de guerre froide, à prétentions historiques (sur le « Bloc continental » de l’URSS et de ses satellites et la volonté soviétique de renouveler l’entente de 1241 entre Gengis Khan et Frédéric d’Allemagne « grâce à quoi les sabres des nomades et des semi-nomades des steppes firent périr la civilisation de l’Europe »), Chataigneau définit cet accord commercial et de paiement du 15 décembre 1948 comme un élément du « nouvel ordre eurasien patiemment construit depuis un an » par Moscou, lettre n° 265, Moscou, 9 février 1949, Europe URSS 1944-1949 (plus loin URSS...) vol. 47, relations avec les Anglo-Saxons, novembre 1948-février 1949, Archives du Ministère des Affaires Etrangères (MAE).

8  Résumé du tél. non publié de Harriman à Hoffman n° 144, Paris, 14 mars 1949, FRUS 1949 vol. V, p. 92.

9  Tél. Harriman à Hoffman, Paris, 10 mars 1949, ibid., p. 92-93. Style télégraphique respecté.

10  Sur le parfait contrôle exercé par les États-Unis sur le Canada, cf. infra.

11  Gunnar Adler-Karlsson, Western Economie Warfare 1947-1949. A Case Study in Foreign Economie PoZ/cy (ouvrage essentiel), Stockholm, 1968, p. 25.

12  Lettre de Bonnet n° 5444, Washington, 10 novembre 1949, B Amérique 7944-/949 (plus loin B Amérique...) vol. 234, politique américaine du commerce extérieur (avril 1945-juillet 1951), MAE.

13  Sur le caractère largement tactique des divisions prétendument décisives, consulter, outre les archives du Quai, toutes les années concernées des FRUS.

14  Tél. Bruce à Paris, Washington, 24 mars 1949, FRUS 1949 vol. V, p. 100-101.

15  Tél. Acheson « à certains bureaux diplomatiques et consulaires », Washington, 11 mai 1949, ibid., p. 110-113.

16  Sur son rôle dans le ballet entre Congrès et Administration en vue de baisser les crédits Marshall en 1949 (il proposa une coupe de 740 millions de dollars, précisée par secteur de produits), tél. Bonnet, Washington, 15 mai 1949, B Amérique... vol. 165, ERP, mars-décembre 1949, MAE.

17  A. Lacroix-Riz, L’économie suédoise entre l’Est et l’Ouest 1944-1949 : neutralité et embargo, de la guerre au Pacte Atlantique, 1991, Paris, L’Harmattan.

18  Tél. Lovett à Matthews (instructions de pressions sur la Suède, argumentation à l’appui), 14 janvier 1949, FRUS 1949, vol. V, p. 64-65.

19  Il faudrait citer la totalité des archives économiques du Quai d’Orsay pour les années 1947-1952.

20  Voir toutes les cotes citées des FRUS et infra.

21  Tél. Bruce, 27 mai 1949, FRUS 1949 vol. V, p. 116-117.

22  Adler-Karlsson, Western..., op. cit., p. 38.

23  Tél. Acheson à l’Ambassadeur de France, Washington, 14 juillet 1949, secret, FRUS 1949, vol. V, p. 133-134 et n. 2, p. 134.

24  Tél. Bonnet n° 154/DET, Washington, 2 juillet 1949, Très confidentiel, B Amérique... vol. 165 (et L’économie suédoise entre l’Est et l’Ouest..., op. cit., chap. 6).

25  Tél. Bruce, Paris, 18 octobre 1949, non publié, FRUS 1949, vol. V, p. 159.

26  Tél. Millard à Acheson, Bruxelles, 13 octobre 1949, ibid., p. 149-150.

27  Selon le tél. 1256 du Département, le 28 octobre, une ferme pression exercée avant l’importante réunion du 14 novembre évoquée plus loin « améliorerait substantiellement l’attitude belge sur les contrôles commerciaux », n. 7, ibid., p. 150.

28  James G. Blaine, d’après la n. 1., ibid., p. 148.

29  Il pouvait s’agir au minimum de deux pays : les Pays-Bas, très attachés au commerce avec l’Est (cf. infra), avaient dès la fin de 1948 supplanté la docile Italie dans un marché de bateaux-citernes et de matériel de forage pour la Hongrie et l’URSS (cité, A. Lacroix-Riz, « La perception française de la politique américaine en Europe de 1945 à 1948 », Cahiers d’histoire de l’institut de recherches marxistes (chirm), n° 25, 1986, p. 143) ; le Danemark, dont la livraison de bateaux-citernes constituait un élément majeur des accords commerciaux avec Moscou (cf. infra). Pressés une fois de plus de maintenir l’embargo sur ces produits, les Français observèrent en octobre « que ça ne servirait à rien puisque la Hollande travaillait actuellement à des commandes portant sur neuf bateaux, et que le Danemark avait des commandes d’environ 20 (sic) [unités]. Au surplus, ni la Grande-Bretagne ni la Norvège n’avaient mis l’embargo sur les bateaux-citernes ». Tél. Bruce à Acheson, Paris, 21 octobre 1949, FRUS 1949, vol. V, p. 159.

30  Tél. Millard à Acheson, Bruxelles, 13 octobre 1949, ibid., p. 148-149.

31  Tél. Perkins (Sous-Secrétaire d’État pour les Affaires européennes) à Acheson, Londres, 25 octobre 1949, ibid., p. 161.

32  Tél. Hoffman à l’Ambassade en France, 27 juin 1949, ibid., p. 129.

33  Correspondance d’avril-mai, Europe Généralités 1944-1949 (plus loin Europe...) vol. 27, Pacte Atlantique, avril-juin 1949, et de juillet-août, Europe 1949... vol. 17, Pacte Atlantique, OTAN et Pacte méditerranéen, juillet-décembre 1949, MAE. Sur le chantage aux crédits « atlantiques » en Europe nordique, référ. Scandinaves.

34  N. 1, FRUS 1949, vol. V, p. 150.

35  Tél. à Acheson, 22 octobre 1949 (au terme de la réunion à Paris des Ambassadeurs américains en Europe, les 21 et 22), Paris, ibid., p. 160-161.

36  Correspondance de la fin octobre, notamment le tél. Harriman à Hoffman, Paris, 28 octobre 1949, ibid., p. 163-164.

37  Tél. Harriman à Hoffman, Paris, 28 octobre 1949, ibid., p. 164.

38  Prête à tous les abandons verbaux, l’Italie appréciait fort le commerce Est-Ouest, notamment le traité de commerce conclu le 11 décembre 1948 à Moscou. Voir notamment tél. Siegbert à l’Ambassade en France, 24 janvier et tél. Harriman à Hoffman, 15 octobre 1949, ibid., p. 71. et p. 150-152.

39  Tél. Marshall à Bruce, secret, Washington, 2 novembre 1949, ibid., p. 166.

40  Résumé du tél. 7405, non publié, Paris, 14 novembre 1949, ibid., p. 174.

41  Tél. Katz, représentant spécial-adjoint de l’ECA, à Hoffman, Paris, 25 novembre 1949, ibid., p. 174.

42  Résumé du tél. 7513, non publié, Paris, 19 novembre 1949, ibid., p. 174-175. Sur les réunions de novembre, correspondance à dater du 14, ibid., p. 174 sq et FRUS 1950, vol. IV, n. 2 et 3, p. 67 et circulaire Acheson, Washington, 26 avril 1950, p. 90.

43  Tél. Acheson à l’Ambassade de France, Washington, 22 décembre 1949, FRUS 1949, vol. V, ibid., p. 181-182.

44  Contraste frappant entre l’interventionnisme économique et financier permanent en Allemagne Occidentale et la liberté d’action politique laissée dès 1945 à des zones d’occupation dont l’encadrement nazi ou nazifié était demeuré largement en place sous la tutelle américaine et britannique. Voir notamment James Stuart Martin, Ail Honorable Men, op. citJ, passim ; A. Lacroix-Riz, « La dénazification politique de la zone américaine d’occupation en Allemagne vue par les Français (1945-1949) », article à paraître. Francia, et « La dénazification économique de la zone d’occupation américaine : la perception française du phénomène », Revue historique, janvier 1991, n° 574, p. 303-347.

45  Tél. Mc Cloy, Francfort, 17 octobre 1949, et tél. non publiés 976 et 2160 des 12 et 15 octobre 1949, FRUS 1949, vol. V, p. 153-157.

46  Tél. Katz à Hoffman, Paris, 25 novembre 1949, ibid., p. 175-176.

47  Bilan des réunions des trois MAE les 8 et 9 mai, au cours desquelles Schuman lança son célèbre « plan », The Beginnings of the Schuman-Plan (contributions au colloque d’Aix-la-Chapelle, 28-30 mai 1986), Baden-Baden, 1988.

48  Aide-mémoire du Département d’État à l’Ambassade d’Angleterre, 31 août 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 183.

49  Adler-Karlsson, Western..., op. cit., p. 71-74.

50  Problème énorme et complexe d’un pays partagé entre une docilité obséquieuse à l’égard de Washington et une fraude gigantesque, dont profitèrent évidemment nombre de filiales américaines en RFA. Voir toutes les livraisons des FRUS consacrées au sujet à partir de 1950 et les cotes allemandes et économiques du Quai d’Orsay 1949-1955.

51  Tél. Harriman à Hoffman, Paris, 13 janvier 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 67-68.

52  « Note éditoriale », FRUS 1950, vol. IV, p. 72.

53  Sur l’article de Sidney Gruson, New York Times éu 31 janvier 1950, tél. Acheson à l’Ambassade à Londres, Washington, FRUS 1950, vol. IV, p. 75-76 ; sur la collaboration du journal avec le Département d’État, n. 2, p. 75 (et toute la correspondance de Bonnet entre 1945 et 1955, MAE).

54  Tél. Acheson « à certains bureaux diplomatiques », Washington, 15 février 1950, et tél. non publié, 10 mars 1950, FR US 1950, vol. IV, p. 77.

55  Le chantage se nicha partout, y compris dans les revendications commerciales américaines à propos du Maroc (A. Lacroix-Riz, Les Protectorats du Maghreb entre la France et Washington du débarquement à l’indépendance 1942-1956, L’Harmattan, 1988, p. 61-63).

56  Tél. Massigli n° 2876, Londres, 21 octobre 1949 (et voir correspondance des 23 et 24 octobre 1949), B Amérique... vol. 165. Sur le partage des tâches entre exécutif et législatif à propos des crédits à l’Europe jusqu’à l’été 1949, B Amérique... vol. 164-165, ERP, janvier-décembre 1949 (et A. Lacroix-Riz, « Crédits américains et coopération européenne (1949-1954) », Le Capitalisme français 19e-20e siècle. Blocages et dynamismes d’une croissance, Paris, Fayard, 1987, p. 327-349).

57  Courriers de janvier à mai 1950, B Amérique... vol. 166, ERP, janvier 1950-novembre 1951, et CE 56 A 22 9, vol. 41, Finebel, Benelux, Fritalux, 1949-1952 (consulté avant classement définitif), etc., MAE.

58  N. 2, p. 130, à partir d’une dépêche non publiée, FRUS 1950, vol. IV, p. 130.

59  Tél. Acheson, 13 avril 1950, Washington, ibid., p. 81-82.

60  Tél. Douglas à Acheson, Londres, 1er mai 1950, Washington, ibid., p. 96.

61  Note éditoriale, Washington, ibid., p. 82.

62  Mémorandum de Thompson pour Acheson, Washington, 2 mai 1950, ibid., p. 100.

63  Rapport cité, ibid., p. 84.

64  Voir notamment le tél. Bruce 450.6031, Paris, 17 mai 1950, ibid., p. 127.

65  Correspondance du premier semestre 1950, ibid.

66  Rapport n. d., ibid, p. 116-123.

67  Voir notamment tél. Bruce à Acheson, Paris, 2 juin 1950, ibid., p. 136-138.

68  Tél. Bruce à Acheson, Paris, 13 juillet 1950, ibid., p. 156. La tactique de retranchement derrrière la ferme opposition communiste à l’alliance exclusive avec Washington fut systématiquement utilisée pour tenter de limiter les concessions atlantiques, particulièrement la cession des bases aéro-navales : voir A. Lacroix-Riz, « Opinion Scandinave et neutralité au début de l’ère atlantique : Danemark, Islande et Norvège des bases d’après-guerre à la signature du Pacte (1945-1949) », deux articles à paraître, GMCC.

69  Tél. n° 2854-2855, Moscou, 29 décembre 1948, Danemark... vol. 15.

70  Lettre de Charbonnière n° 367, Copenhague, 10 mai 1949, ibid.

71  Lettre de Charbonnière n° 489, Copenhague, 21 juin 1949, ibid.

72  America..., op. cit., p. 140.

73  D’après Adler-Karlsson, Western..., op. cit., p. 173.

74  Hausse contestée par la statistique de l’OECE : la moyenne mensuelle des exportations norvégiennes vers l’Europe orientale, indique une baisse relative entre 1948 et 1949, avec des pourcentages respectifs de 18,85 puis 14,89 du total. Source . tableau 50, Bulletin statistique du Commerce extérieur, OECE, n° 8, décembre 1950.

75  Outre les FRUS, cotes citées jusqu’en 1954, voir Adler-Karlsson, Western..., op. rit., chap. 13, p. 139-150 : l’auteur évalue les listes de 1951-52 à 400 items, concernant 26,7 % des biens mondiaux échangés, contre respectivement 100 et 6,7 % en 1949, et cite largement les listes publiées par Londres après 1954, p. 146 et 148-150.

76  Tél. Bonnet n° 2911-2915, Washington, 31 juillet 1950, B Amérique... vol. 166, ERP, janvier 1950-novembre 1951, MAE.

77  Tél. Bonnet n° 2675-2677, Washington, 15 juillet 1950, ibid.

78  Lettre de Bonnet n° 3462, Washington, 20 juillet 1950, ibid.

79  Lettre de Bonnet n° 4021, Washington, 24 août 1950, B Amérique... vol. 234.

80  Tél. Bruce à Acheson, Paris, 13 juillet 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 156-157.

81  Tél. Gray (Chargé d’Ambassade) à Acheson, Paris, 25 juillet 1950, ibid., p. 159-160.

82  Entre la fin juillet et la mi-août, Copenhague annonça au Cocom qu’il imposait « l’embargo sur les nouveaux-bateaux-citernes pour l’Europe de l’Est », décision qui ne serait pas modifiée sans consultation prioritaire du Groupe consultatif, tél. non publié, Paris, 27 juillet 1950, ibid., p. 160.

83  Tél. Acheson à l’Ambassade de France, Washington, 14 juillet 1950, et n. 3, ibid., p. 158-159.

84  Tél. Acheson à l’Ambassade de France, Washington, 5 août 1950, ibid., p. 162-163.

85  Le Cocom avait examiné 288 items de la liste 1-B, en recommandant 15 pour la liste internationale I, 30 pour la II, 75 pour la III (celle des renseignements mutuels en vue de « contrôle » ou d’embargo clair), mais en rejetant 153 comme d’importance insuffisamment stratégique. Tél. 580, non publié, Paris, 1er août 1950, ibid., p. 162.

86  N. 1, ibid., p. 189. Sur la suite de l’affaire, dix jours après, cf infra.

87  Lettre de Bonnet n° 4021, Washington, 24 août 1950, B Amérique... vol. 234.

88  Correspondance, notamment du NSC, à partir d’août, particulièrement rapport du 21 et annexes, FRUS 1950, vol. IV, p. 163-172.

89  Lettre de Bonnet n° 4021, Washington, 24 août 1950, B Amérique... vol. 234.

90  Tél. Acheson à l’Ambassade à Londres, Washington, 9 septembre 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 184-186.

91  Projet américain, document 33, New York, 13 septembre 1950, FRUS 1950, vol. III, p. 1285-1286.

92  Communiqué cité, New York, 19 septembre 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 187-188.

93  Tél. Webb 460.509/9-2350 à l’Ambassade à Paris, Washington, 23 septembre 1950, ibid., p. 192-193.

94  Tél. Webb 460.509/9-1950 à l’Ambassade à Paris, Washington, 23 septembre 1950, ibid., p. 194. Pression jugée particulièrement utile sur les vieux problèmes de l’hévéa, des roulements, instruments de précision et divers métaux (dont l’étain), ibid., p. 224-225 et 243.

95  N. 2, ibid., p. 137.

96  Rapport Jessup (au nom du DE) à Lay, Washington, 11 octobre 1950, ibid., p. 203.

97  Tél. Vincent, Ministre à Berne, à Acheson, 10 octobre 1950, ibid., p. 200.

98  Tél. Butterworth, Ambassadeur à Stockholm, 18 octobre 1950, ibid., p. 210.

99  Tél. 1880, non publié, Paris, 10 octobre 1950, ibid., p. 211.

100  Tél. Acheson à l’Ambassade à Paris, Washington, 22 novembre 1950, ibid., p. 243.

101  Note éditoriale, FRUS 1951, vol. I, p. 1012.

102  Tél. Holmes, chargé à Londres, 21 novembre 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 241-243.

103  Tél. Bruce à Acheson, Paris, 30 novembre 1950, ibid., p. 246-247. Style télégraphique respecté.

104  Rapport au Président annexé par Acheson à sa lettre du 10 février, 9 février 1951, Washington, FR t/5 1951, vol. I, p. 1028.

105  Tél. Holmes, Londres, 21 novembre 1950, FRUS 1950, vol. IV, p. 242.

106  Voir notamment le rapport Sawyer pour le NSC, Washington, 17 janvier 1951, FR t/5 1951, vol. I, p. 1000-1005.

107  Rapport Thorp pour Labouisse, Washington, 25 janvier 1951, ibid., p. 1010.

108  Rapport au Président annexé par Acheson à sa lettre du 10 février, Washington, 9 février 1951, ibid., p. 1031. C’est via la résolution de l’AG de l’ONU du 18 mai 1951 que les États-Unis allaient légitimer et tenter d’étendre à tous leur propre blocus contre la Chine et son commerce avec l’Europe occidentale.

109  Sur l’organisme consacrant la militarisation de l’« aide américaine », créé officiellement fin décembre 1951, correspondance de janvier-février 1952, CE 61 A 22 9 5, Aide américaine à la productivité, amendement Blair-Moody, août 1951-février 1954 cl A 22 9 5, Aide américaine à l’Europe, janvier 1951-juillet 1954, MAE (consulté avant classement définitif).

110  Tél. Acheson à la Légation en Suisse, Washington, 22 juin 1951, FRUS 1951, vol. I, p. 1128-1129.

111  Rapport McClelland sur la réunion avec le Ministre suisse Karl Bruggman, Washington, 11 juin 1951, ibid., p. 1103-1104.

112  Tél. Acheson à l’Ambassade en France, Washington, 19 juillet 1951, ibid., p. 1154-1155.

113  Tél. non publié sur la loi du 26 avril, en vigueur à dater du 25 juin 1951, autorisant « le Département suisse de l’Économie Publique (...) à désigner les biens qui ne peuvent être exportés sans autorisation spéciale » et ceux « pour lesquels un certificat d’exportation suisse serait exigé ». N. 7, ibid., p. 1129.

114  Tél. Patterson à Acheson, Berne, 24 juillet 1951, ibid., p. 1159-1160.

115  Rapport Wright à Kirlin au terme d’une réunion avec Roy Bullock, du Sous-Comité spécial (dit Battle) du Comité des AE de la Chambre, Washington, 23 mars 1951, ibid., p. 1058-1059.

116  Note éditoriale, ibid., p. 1073.

117  Argument d’Acheson à destination des Anglais, compte rendu de la seconde réunion, Washington, 11 septembre 1951, ibid, p. 1185.

118  La Défense avait début juin dressé une liste d’« environ 1.700 items de catégorie générale comportant chacun de nombreuses sous-sections », extrait de compte rendu Mc Williams d’une conversation, Washington, 12 juin 1951, ibid., p. 1106.

119  Voir la correspondance de mai-juin, ibid., p. 1073 sq.

120  Référence à cette clause, tél. Bruce à Acheson, Paris, 31 mai 1951, ibid., p. 1082.

121  Compte rendu Perkins de l’entretien de Franks (Ambassadeur d’Angleterre) avec Perkins, Raynor et Linder, Washington, 5 juin 1951, ibid., p. 1085-1086.

122  Tél. à Acheson, Londres, 8 juin 1951, ibid., p. 1095.

123  Compte rendu Linder d’une conversation, Washington, 5 juin 1951, ibid., p. 1084-1085.

124  Tél. Acheson à l’Ambassade en France, Washington, 14 juin 1951, ibid., p. 1109 – à l’arrivée à Paris de la délégation comprenant Battle (Alabama), Coudert (New York), Herter et Wigglesworth (Massachussets).

125  Rapport Linder à Acheson, Washington, 20 juin 1951, ibid., p. 1121-1126.

126  Au sein d’une documentation fournie, le compte rendu Wright (Bureau de Défense Économique [Économie Defense Staff\ du DE) de l’entretien de l’EDS avec Kenneth Hansen, adjoint du Sénateur O’Conor (président du sous-comité des contrôles et des politiques d’exportation du comité du Commerce inter-États et extérieur), Washington, 8 août 1951, constitue l’exemple le plus flagrant de la complicité entre Administration et Congrès sur le commerce Est-Ouest et la Loi Battle : celle-ci « avait été bien présentée par le Congressiste Battle comme sa propre loi et le Département d’État avait pris soin d’éviter tout soutien ouvert du projet ce qui n’aurait pu aboutir qu’à le liquider entièrement », ibid., p. 1166-1168.

127  Sur l’irritation de la Suisse devant la tactique à la hussarde pratiquée à son égard, voir notamment tél. Patterson, Ministre à Berne, à Acheson, 20 juillet 1951, ibid., p. 1155-1156.

128  Adler-Karlsson, Western..., op. cit., p. 27.

129  Compte rendu McMurtrie Godley d’une conversation, Washington, 5 janvier 1952, FRUS 1952-1954, vol. I, part 2, p. 818.

130  Confirmé par le Sénat « Directeur de la Sécurité mutuelle » le 19 octobre 1951, FRUS 1951, vol. I, p. 1213.

131  Titre I, sections 101 et 103. Cité par Adler-Karlsson, Western..., op. cit., p. 28-29.

132  Titre II, « Autres matériels », sections 202 et 203. Ibid., p. 29.

133  Hausse du prix des matières premières, accroissement de la demande civile américaine, réarmement et stockage accélérés « ont eu des effets spectaculaires, dont les sorties d’or des réserves de Fort Knox sont pour l’opinion le signe le plus sûr », lettre de Bonnet n° 5666, Washington, 24 novembre 1950, B Amérique... vol. 166.

134  Le déficit de la balance des paiements, 2,332 milliards de dollars en 1950, avait grimpé à 2,158 au premier semestre de 1951. Note de la Direction générale politique, confidentiel, Paris, 4 août 1951, Europe... 1949-1955 vo\. 64, questions internationales et inter-européennes, septembre 1949-novembre 1955, MAE.

135  Tél. Bonnet n° 4508-4509, Washington, 19 juin 1951, B Amérique... vol. 234.

136  Incluse dans tous les accords avec l’étranger, elle donnait à l’Administration le droit de relever unilatéralement les tarifs douaniers et d’imposer des contingents d’importation « chaque fois qu’une concession » résultant des accords conclus apparaîtrait « préjudiciable à l’économie nationale ». Réf. n. suiv.

137  Le peril point repris à la législation de 1948 (mais non inclus dans celle de 1949) était une « clause préventive » invocable à tout moment par la Tariff Commission ; le Président, s’il la refusait, devait « expliquer sa position au Congrès », qui mettait ainsi juridiquement l’exécutif « dans l’impossibilité de négocier sur les articles ainsi signalés par la Tariff Commisssion ». Note n° 344 de Jean Richard, Attaché commercial à Washington, 22 juin 1951, B Amérique... vol. 234.

138  Tableau des montants d’aide américaine de 1950 à 1952 incluant les Quinze (hors Suisse, on le sait), en millions de dollars : Royaume-Uni, 955,2, 265,6, 350,3 ; France, 700,6, 435, 262,5 ; Danemark, 83, 48,8, 14 ; Italie, 401,6, 262, 170,5 ; Norvège, 95,2, 41,3, 16,9 ; Pays-Bas, 268,8, 107,3, 100 ; Belgique-Luxembourg, 229,7, 59,6, 15,8, etc., sources américaines de 1962, citées par Adler-Karlsson, Western..., op. cil, p. 45.

139  Tenue du 15 au 20 septembre 1951 : l’opposition de l’Europe au réarmement accéléré y éclata suffisamment pour être rapportée par l’officieuse Année politique, qui évoqua « le dilemme beurre-canons », 1951, p. 245-248.

140  Cas général de déséquilibre imposé par l’embargo aux Occidentaux toujours acheteurs mais empêchés par Washington de vendre à leurs partenaires de l’Est : pour la Suède, L’économie suédoise entre l’Est et l’Ouest..., op. rit-, chap. 7.

141  Compte rendu de l’entretien du 11 septembre 1951, FRUS 1951, vol. I, p. 1183-1185.

142  Par opposition par exemple avec les Islandais. Voir notamment le « rapport de fin de mission sur l’évolution du Danemark de 1946 à 1951 » de Charbonnière, Paris, 29 novembre 1951, dont n’ont été versés que des extraits, p. 38-40 et 82-85, B Amérique... vol. 199, relations entre les États-Unis et la Scandinavie (Danemark-Groenland, Islande, Norvège, Suède) (octobre 1944-décembre 1951), MAE.

143  Lettre n° 690, Copenhague, 16 octobre 1951, B Amérique... vol. 199. Washington voulait alors entre autres imposer aux Scandinaves indignés et aux autres l’inclusion dans le Pacte de la Grèce et de la Turquie.

144  Il est impossible de citer les références de FRUS \95\, vol. I, sur la pression exercée (j’y ai relevé vingt courriers sur le Danemark, et une quinzaine sur la Norvège).

145  Lettre n° 690, Copenhague, 16 octobre 1951, B Amérique... vol. 199. Les guillemets d’« occupation douce » ont été manuscrits par un lecteur du courrier au Quai d’Orsay. La correspondance d’août-septembre de FRUS 1951, vol. I décrit bien l’indignation danoise et la nostalgie neutraliste ravivée d’un pays dont l’adhésion au Pacte avait relevé du calvaire.

146  Correspondance à partir de janvier 1952, FRUS 1952-1954, vol. I, part 2, et notamment le rapport Kean {Office of the Northeast Asian Affairs), Washington, 17 mars 1952, p. 831-832.

147  Même source pour toute l’année 1952.

148  Outre le dossier chronique du réarmement allemand, celui des Protectorats s’envenima, voir Les Protectorats..., op. cit., chap. V, p. 133-180.

149  Rapport de Battle à Harriman, Washington, 29 septembre 1952, FRUS 1952-1954, vol. I, part 2, p. 899.

150  « Le gouvernement français fut suffisamment inquiet des effets psychologiques sur les hommes d’affaires français pour s’exprimer en faveur d’une réunion du groupe consultatif le plus tôt possible pour discuter du problème » : il lui fallut l’attendre deux mois, les Américains n’étant cette fois pas pressés. Note éditoriale, tél. 6626 non publié, Paris, 28 avril 1952, et référence à la réunion différée jusqu’au 24 juin, ibid., p. 834.

151  Rapport cité, à l’attention de Lay, Washington, 22 septembre 1952, ibid., p. 877-878.

152  Il faut donc accueillir avec la plus grande méfiance la lettre au ton officiel d’Acheson à Connally, évoquant son « profond souci » des « conséquences de l’adoption de l’amendement Kem à la Loi de Sécurité mutuelle », Washington, 9 juin 1952, ibid., p. 847-850. Adoption et rejet avaient évidemment été préparés de concert.

153  « Discussion du problème en cours du commerce Est-Ouest avec l’Ambassadeur » de France, puis de Grande-Bretagne, Washington, 12 juin 1952, ibid, p. 850-851. Les Anglais assistèrent naturellement à une prestation sur le caoutchouc sur fond de chantage à l’amendement Kem : « comme l’Ambassadeur le savait compte tenu des remarques du Sénateur Kem, un grand nombre de gens dans ce pays considéraient le caoutchouc comme une marchandise {item) d’une grande importance stratégique ». Franks répliqua calmement à son hôte (Linder) que le vrai problème était celui de l’effondrement des cours, sous les coups de boutoir du « caoutchouc synthétique produit par le Gouvernement américain », ibid, p. 853.

154  Rapport de Battle à Harriman, Washington, 29 septembre 1952, ibid, p. 896-900. Symbole, s’il en fut, de l’idéologie du Congrès en matière de puissance américaine.

155  Le cas danois (« environ 6 millions de dollars » de bateaux-citernes) figura implicitement dans le contentieux présenté aux Français et aux Anglais le 12 juin 1952, ibid., p. 850 et 852.

156  D’où l’intention américaine, renouvelée depuis l’automne 1951 (correspondance à partir de septembre, FR US 1951 vol. I), et qui ulcéra les membres de l’organisme, de ne pas tenir compte de ses « recommandations » insuffisamment dociles, mais des seuls « intérêts de sécurité des États-Unis » définis par le Battle Act, tél. Bruce au Département d’État, 24 janvier 1952, FRUS 1952-1954, vol. I, part 2, p. 828-830.

157  Tél. Bruce au Département d’État, 17 janvier 1952, ibid, p. 820.

158  Rapport cité, à l’attention de Lay, Washington, 22 septembre 1952, ibid., p. 880.

159  Rapport de Battle à Harriman, Washington, 29 septembre 1952, ibid., p. 899-900.

160  Rapport cité, à l’attention de Lay, Washington, 22 septembre 1952, ibid., p. 880-881.

161  Voir tableau. Source, Adler-Karlsson, Western..., op. rit., p. 173.

162  FRUS, op. rit., à dater de 1949-50.

163  Adler-Karlsson, Western..., op. rit., p. 56, 170 et 196-197.

164  Ibid., p. 176-177.

165  Tableau de 1948 à 1952, période pendant laquelle les importations est-européennes en provenance des États-Unis passèrent de 11,7 % du total à environ 0. N. Spulber, « Effects of the embargo on the Soviet Trade », Harvard Business Review, p. 123, cité ibid., p. 172.

166  Ibid., p. 69-70.

167  Rapport au Président du 9 février 1951, déjà cité, FRUS \95\, vol. I, p. 1033-1034.

168  Rapport cité, Washington, 16 avril 1953, FRUS 1952-1954, vol. I, part 2, p. 961.

169  Rapport Acheson-Harriman à Lay, Washington, 19 janvier 1953, ibid., p. 924. Voir les pourcentages glorieux des exportations américaines, par rapport au total mondial, pour l’ensemble des céréales, maïs en tête (11,2 % en 1948, 56,5 % en 1951), le coton (39,5 % et 43,5 % respectivement) et le tabac (stabilisé autour de 39 %), Problèmes et progrès de l’économie européenne, janvier 1954, tableau 27, p. 326. Q 5772/8, BDIC.

170  Source : tableaux 2 et 3, Bulletin statistique du Commerce extérieur, OECE, n° 8, décembre 1950.

171  « Les exportations vers l’Europe orientale ont aussi été quelque peu réduites en application des restrictions stratégiques instituées par nombre de pays ». Perspectives de l’économie européenne. Expansion économique. Balance dollar, OECE, décembre 1952, p. 70. Q 5112/%, BDIC. Démonstration, s’il en fut, qu’on ne saurait traiter le dossier sur la base des rapports officiels de l’OECE.

172  Source : ibid., tableaux 16, 17, 84, 85, 46, 47. Année de « normalisation » relative pour la RFA, qui doubla dès le 4e trimestre ses importations en provenance d’Europe orientale et quintupla ses exportations vers cette même zone (voir tableaux 84-85), tendance redoutée, fermement contrôlée et inversée par Washington, au moins selon la statistique officielle, dans la période qui suivit. Sur l’importance du discret commerce avec l’Est et « les comptes soviétiques à la « Rhein-Ruhr-Bank » (...) surchargés » par la vente croissante à la RFA de fers bruts, à un prix très compétitif (265 DM la tonne contre 300 chez « les producteurs locaux » allemands), lettre de François-Poncet n° 747, Bonn, 23 juiller 1955, confidentiel, Europe 1949... vol. 69, Plan Schuman, octobre 1952-décembre 1955, MAE. Comparer le présent tableau avec celui de la 1re partie de cette étude concernant 1937-1938, « Une indispensable étude préalable : le commerce Est-Ouest de la guerre au Plan Marshall (1945-printemps 1947) », n. 16, Revue d’Histoire économique et financière, 1992.

173  Compte rendu d’une discussion Eisenhower, Stassen, Wilson, Weeks, etc., 137e réunion du NSC, 18 mars 1953, FRUS 1952-1954, vol. I, part 2, p. 940-941.

174  Adler-Karlsson, Western..., op. cit., p. 166.

175  « Rapport sur l’organisation et l’administration de l’Agence de Sécurité Mutuelle » d’Eugène Dumont, Direction des Approvisionnements français aux États-Unis, février 1952, CE 61 A 22 9 5.

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