Rapport introductif
p. 623
Texte intégral
1Je vais être volontairement très rapide pour laisser la parole aux rédacteurs des trois communications dont je dois simplement ouvrir la discussion. En outre, faire un rapport de synthèse sur « les perspectives d’ensemble » est une ambition démesurée. Je suis saisi en fait d’un double sentiment. Le premier est l’impression que plus les archives s’ouvrent et sont dépouillées, plus les problématiques demeurent identiques. Le deuxième est qu’il faudrait, comme l’a fait Milward, confronter les écrits ou les intentions des diplomates à la réalité chiffrée, délaisser pour un temps les « beaux papiers » des chancelleries pour les statistiques du commerce qui attendent toujours d’être méticuleusement explorées.
2Sur ce terrain, j’ai recensé cinq questions :
- La première est tout à fait banale : après la brutale rupture des circuits d’échanges sur lesquels reposait traditionnellement l’économie européenne, pouvait-on, sans devises ou presque, satisfaire à la fois les besoins immédiats des populations et les nécessaires investissements de la reconstruction ?
- La deuxième ne l’est pas moins : pouvait-on imaginer que la reconstruction se fasse sans ce qu’Annie Lacroix-Riz nomme la « tornade des marchandises américaines », tornade qui ne fut jamais autant désirée que par ceux sur qui elle s’abattait ?
- La troisième porte sur le haut prix des marchandises américaines que relève Milward. Peut-on comparer le prix des exportations américaines avec les prix européens ? Dans la mesure aussi où l’on connaît la volonté des Américains de faire baisser les prix des matières premières importées d’Europe ou des empires coloniaux, peut-on grossièrement calculer les termes de l’échange entre les États-Unis et les différents pays avec lesquels ils commerçaient ?
- La quatrième est relative à la place que devait jouer l’Allemagne dans la reconstruction des échanges, une Allemagne qui était, on le savait depuis Les conséquences économiques de la paix de Keynes, le pivot du commerce intereuropéen à la fois comme fournisseur et comme marché ?
- La cinquième, enfin, porte sur les relations entre les pesanteurs du long terme et les soubresauts du court terme qui nous préoccupe. A tracer les courbes du commerce extérieur en longue durée, la période Marshall, en effet, risquerait de ne pas apparaître comme une période majeure. En courte durée, pourtant, elle a été l’objet d’un débat essentiel entre ceux qui imaginaient une possible complémentarité entre pays de l’Est riches en matières premières et en sources d’énergie et pays de l’Ouest, capables comme les pays Scandinaves (mais l’exemple n’est-il pas exceptionnel ?), de fournir crédits et équipements industriels, et ceux qui estimaient, au contraire, qu’il fallait échapper aux rigidités des accords bilatéraux, accélérer l’intégration de l’Allemagne et accepter le libre échange et les « bienfaits » de la pression américaine, pression qui aboutit paradoxalement, comme le montre Milward, à l’éviction des États-Unis du commerce européen au profit de l’Allemagne.
3En conclusion alors, reste posée la question de savoir comment aurait évolué le commerce intereuropéen, sans l’aide ou le « diktat » du Plan Marshall, une question qui aurait semblé bien farfelue à ceux qui venaient de subir les privations de la guerre.
Auteur
Professeur d’histoire économique à l’université de Paris I, 12, place du Panthéon, 75231 Paris Cedex 05.
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