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Le Plan Marshall et l’économie Suisse

p. 549-564


Texte intégral

1La participation de la Suisse au Plan Marshall constitue un cas intéressant pour plusieurs raisons.

2En premier lieu, la Suisse qui réaffirme sa neutralité à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale en se tenant à l’écart de l’Organisation des Nations Unies et notamment du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, peut-elle s’associer à une initiative avant tout américaine ? Nous verrons comment elle saura se faire reconnaître une position spéciale au sein des institutions issues du Plan Marshall1, à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) et à l’Union européenne des Paiements (UEP).

3En deuxième lieu, la Suisse n’est pas directement concernée par les propos du Secrétaire d’État américain, du 5 juin 1947, qui visent à tirer les économies européennes de la misère qui menace de s’approfondir et à contribuer par la restauration de ces économies ébranlées à rétablir la santé économique mondiale. En effet, l’économie suisse est en pleine activité depuis la fin des hostilités2, tant elle est sollicitée par les travaux de reconstruction et de relance de ses voisins. En 1946, les exportations retrouvent déjà le niveau de 1938, favorisées il est vrai par l’octroi de crédits à ses partenaires ; ces crédits sont souvent considérables3 ; ils représentent pour certains bénéficiaires la valeur des exportations fournies par la Suisse. Pays financièrement fort, la Suisse ne bénéficie pas de l’aide américaine au titre du Relief, c’est-à-dire à la reconstruction économique et sociale, prodiguée aux autres pays d’Europe selon les modalités spécifiques à chaque cas. La raison en est simple : la Suisse fournit elle-même une aide à la reconstruction. En plus des crédits alloués à ses principaux partenaires commerciaux, la Suisse n’a-t-elle pas fourni jusqu’en 1947 des prestations volontaires et à fonds perdus en faveur des populations civiles atteintes par la guerre pour un montant total de 2 milliards et demi de francs. Cependant, la Suisse bénéficie indirectement de l’aide fournie par les États-Unis, car celle-ci favorise l’expansion des économies européennes auxquelles la Suisse est fortement imbriquée.

4Autrement dit, le diagnostic que dresse le Secrétaire d’État américain ne s’adresse bien entendu pas à l’économie suisse, quand il dit : « La vérité, c’est que les besoins de l’Europe pendant les trois ou quatre prochaines années en vivres et en autres produits essentiels importés de l’étranger – notamment d’Amérique – sont tellement plus grands que sa capacité actuelle de payement qu’elle devra recevoir une aide supplémentaire très importante ou s’exposer à une dislocation économique, sociale et politique très grave ». Cependant, si le propos ne concerne pas la Suisse, cela ne veut pas dire qu’il ne l’intéresse pas ; bien au contraire, le diagnostic implique la dépendance croissante de la nouvelle prospérité helvétique de la capacité de relance économique en Europe.

5 Or, comment la Suisse a-t-elle réagi à cette proposition qui sans l’interpeller directement, n’en révélait pas moins des implications pour son économie, et a fortiori pour sa politique étrangère ?

6Pour la Suisse, comme pour la plupart des Européens, le Plan Marshall signifiait d’abord et avant tout un instrument utile à l’instauration d’une économie internationale prospère. Quant à la portée politique de ce plan – sur laquelle, il est vrai, la plupart des auteurs se sont appesantis sous l’influence du contentieux américano-soviétique qui ne cesse de s’accroître en 1947-1948 – la Suisse a pu s’en démarquer, au nom de sa neutralité, en revendiquant une position spéciale aux divers moments cruciaux où il s’est agi de se décider pour la participation à une entreprise d’organisation de l’économie européenne ou pour l’isolement.

7C’est la conquête de cette position spéciale que nous allons tenter d’analyser, en prenant trois moments essentiels : la réaction au discours de Marshall en juin 1947, l’obtention d’une position spéciale au sein de l’OECE et ses conséquences sur les relations américano-suisses, l’obtention encore d’un règlement spécial au sein de l’Union europénne des payements.

I. La réaction Suisse au Plan Marshall

8Vu l’importance qui sera celle du Plan Marshall, on est surpris de constater la lenteur des réactions de la part des autorités européennes à ce que les Américains considèrent comme une invitation urgente à la concertation économique. La plupart des responsables européens n’ont pas pris la mesure des conséquences qu’entraînerait une interruption abrupte des crédits américains ; d’abord ils ne voient pas pourquoi les Américains cesseraient une aide qui leur est commercialement si profitable ; ensuite, n’étant que peu familiers des institutions américaines, ils ne saisissent pas la portée de l’intervention de Marshall.

9En Suisse, on avait encore moins de raisons qu’ailleurs en Europe de dramatiser la situation ; on ne croyait pas beaucoup aux résultats qui pourraient découler de la suggestion de Marshall, car il ne s’agissait bien que d’une suggestion en vue de préparer un programme de concertation économique. Ce n’est qu’à la suite de l’annonce parue le 14 juin qu’une concertation franco-britannique allait être entreprise en vue de fournir une réponse au Secrétaire d’État américain que le Chef de la diplomatie suisse, le Conseiller fédéral Max Petitpierre4, s’interroge au sujet d’une éventuelle prise de position suisse. L’information rendue publique le 19 juin d’une invitation adressée par les Français et les Britanniques à l’Union soviétique de prendre part à une concertation tripartite accroît soudainement l’intérêt ; le jour même, en effet, Petitpierre télégraphie aux Ministres de Suisse à Londres, Paris, Moscou et Washington leur demandant de lui faire savoir si une prise de position du Conseil fédéral, indiquant le désir de la Suisse de s’associer à la réalisation du Plan Marshall, serait justifiée et sous quelle forme elle devrait être faite. Petitpierre estime encore, il le dit dans ce télégramme, « qu’il serait dangereux de demeurer à l’écart5 ».

10Des réponses des représentants suisses à Paris et à Washington, Petitpierre pouvait en conclure qu’il convenait d’attendre. Ainsi le Ministre Bruggmann, pourtant considéré comme bien informé des débats aux États-Unis, fut le premier à répondre à Petitpierre dans un télégramme du 20 juin 1947, dans lequel il tient à « relever que le plan économique Marshall n’existant qu’à l’état embryonnaire, on ne voit pas encore quelles pourraient être ses implications politiques » ; il signale aussi les réactions imprévisibles du Congrès face à ces demandes de crédit présentées dans le cadre du futur Plan Marshall et qu’en l’occurrence la Suisse doit se montrer prudente dans ses promesses matérielles6. Dans sa réponse, le Ministre de Suisse à Paris se contente d’annoncer « que les Russes auraient l’intention de torpiller la conférence économique »7. En revanche, la réponse du Ministre suisse à Londres, Ruegger, estimant qu’une déclaration spontanée et positive sur le Plan Marshall « pourrait même être indirectement favorable à la reconnaissance plus générale du rôle spécial de notre pays, perpétuellement neutre, mais actif dans l’entraide »8, pouvait encourager le Chef du Département politique fédéral à tenter quelque chose. L’avis du Ministre suisse à Moscou, Flückiger, disant qu’une déclaration indiquant la disponibilité de la Suisse à collaborer à l’œuvre de reconstruction européenne comme preuve de neutralité active serait heureuse à condition que Molotov accepte l’invitation à se rendre à Paris9, pouvait aussi inciter Petitpierre à suivre attentivement l’affaire, afin d’éviter une prise de position inopportune ou trop tardive. On sait que Moscou répondit favorablement à l’invitation franco-britannique, le 22 juin. Or, l’habileté du Chef de la diplomatie suisse, c’est d’avoir choisi de rendre officielle la déclaration qu’il avait en tête, le jour même de l’ouverture de la conférence tripartite à Paris, le 27 juin 1947. La déclaration10 engageait la Suisse dans la voie de la concertation internationale dont elle s’était tenue à l’écart jusqu’ici en refusant notamment d’adhérer aux Nations-Unies. Le texte mettait bien entendu l’accent sur le caractère exclusivement économique de la proposition américaine : « La Suisse ne peut que souhaiter ardemment la réalisation d’un plan de relèvement économique auquel tous les États européens pourraient être associés, en dehors de toute contingence politique. Notre pays, s’il en est sollicité, doit être prêt à collaborer, sur un pied d’égalité avec les autres États, à l’établissement de ce plan, qui permettrait à l’Europe de réaffirmer, dans le domaine économique, une solidarité rompue en suite de la dernière guerre ».

11En faisant connaître sa position au moment où tous les Européens, Soviétiques y compris, manifestaient de l’intérêt pour la proposition américaine, la Suisse ne pouvait se singulariser au nom de sa neutralité. L’échec ultérieur de la concertation paneuropéenne ne saurait par la suite lui être opposée, sous prétexte que l’URSS s’en retirait ; c’eût été priver la politique de neutralité de toute action indépendante. Ce sont justement ces considérations qui conduisirent finalement Max Petitpierre à répondre positivement à l’invitation franco-britannique du 4 juillet à prendre part, dès le 12 juillet, à une conférence européenne, dont l’URSS serait manifestement absente, conférence qui établirait un programme des possibilités et des besoins de l’Europe qui serait soumis aux Américains. Ici encore, Petitpierre sut prendre en compte le facteur temps, en préparant sa réponse. Sachant que l’invitation franco-britannique avait été adressée à tous les pays d’Europe (Espagne franquiste exceptée), il estima qu’il fallait répondre si possible avant que ne soient connues les réponses des pays européens déjà entraînés dans l’orbite soviétique, dont on pouvait escompter qu’elles seraient négatives, à la suite de l’échec de la concertation tripartite anglo-franco-soviétique et du départ de la délégation soviétique de Paris, le 3 juillet. C’est ainsi que le texte de la réponse helvétique, approuvée par le Conseil fédéral le 8 juillet, est portée à connaissance de la France et de la Grande-Bretagne le 9 juillet11. Il stipule trois points importants qui constituent le fil conducteur de la politique suisse à l’égard du Plan Marshall :

  1. « Il va de soi que la Suisse ne prendra aucun engagement qui serait incompatible avec son statut traditionnel de neutralité ».
  2. « Les résolutions de la conférence, qui affecteraient l’économie suisse, ne pourront devenir obligatoires à l’égard de la Confédération que d’entente avec elle ».
  3. « La Suisse se réserve la liberté de maintenir les accords commerciaux qu’elle a conclus avec les États européens qui ne participeront pas aux travaux de la conférence, et d’en conclure de nouveaux ».

12Par ces trois réserves, la diplomatie suisse prévenait toute critique qui émanerait soit d’une opinion publique suisse toujours prompte à déceler un abandon de la neutralité dans un engagement international, soit d’une puissance comme l’URSS qui pourrait être portée à y voir un alignement sur les États-Unis.

13Le souci de Petitpierre de prévenir que son adhésion au Plan Marshall ne soit interprétée en ce sens, va l’inciter, dès que sera connue la défection de tous les pays de l’Est et y compris celle de la Finlande et de la Yougoslavie, à recommander un profil bas à la délégation suisse présidée par le Ministre suisse à Paris, C.J. Burckhardt, lors de sa participation aux travaux du Comité de Coopération économique européenne (CCEÊ) créé par la Conférence des Seize, ouverte à Paris le 12 juillet12. La Suisse sera néanmoins représentée dans deux comités techniques, celui de l’énergie et celui des transports, tout en déléguant des experts dans tous les comités et groupes de travail consitués au sein du CCEE.

14Au cours des travaux effectués sans relâche tout au long de l’été 1947 – sur lesquels Gérard Bauer, suppléant du Ministre Burckhardt et Jacques L’Huillier, Secrétaire de légation, ont rédigé de copieux rapports13, la délégation suisse s’était rapidement rendue compte que la plupart des délégués, et notamment ceux des grands pays, ne recherchaient qu’à tirer parti de l’aide américaine proposée afin de réaliser – contrairement aux intentions des Américains – leurs propres programmes de développement industriel. Quant à la préparation des données économiques devant permettre de dresser le bilan des ressources et des besoins des États européens, les experts suisses éprouvent de grandes difficultés à fournir des statistiques et des informations précises, qu’il s’agisse du commerce extérieur, des mouvements de capitaux, de l’agriculture, etc. et ce d’autant plus que les Suisses sont avares de données chiffrées dans la crainte encore largement partagée que ces renseignements puissent nuire à l’indépendance du j>ays.

15En ce qui concerne les modalités de la nouvelle coopération économique européenne, la délégation suisse ne se trouve pas isolée quand il s’agit de contrer des projets qui pourraient être trop contraignants ; les Scandinaves partagent souvent le même point de vue et le souci de ne pas voir la coopération économique devenir l’apanage des seules grandes puissances. Dans ces conditions, la délégation suisse ne se trouva pas dans l’obligation d’entrer en première ligne pour combattre des propositions à tendances supranationales ; rapidement, c’est d’ailleurs l’Angleterre qui s’opposera de tout son poids aux solutions planificatrices avancées surtout par les Français.

16C’est dans le domaine monétaire14 que la délégation suisse dut notamment exprimer ses plus nettes réserves face à une proposition visant à créer une sorte de pool des monnaies européennes ; ce pool servirait à compenser les soldes des balances de payements des États européens entre eux. En apportant à cette corbeille des monnaies européennes, la seule monnaie saine, on redoute en Suisse d’en faire les frais et de déséquilibrer les échanges. Les délégués suisses doivent se montrer très circonspects dans cette affaire, car il s’agit d’éviter que les experts des autres pays, bien informés de la bonne santé des finances helvétiques, en viennent à exiger, au nom de la nouvelle solidarité économique, que la Suisse mette à disposition de ses partenaires une aide financière parallèle à celle des États-Unis.

17Enfin, dans un autre domaine, celui des projets d’union douanière, avancés par les Italiens et les Français15, les délégués suisses disent d’emblée leur scepticisme, que sa réalisation prématurée apporterait plus de bouleversement que de stabilité en Europe. Les discussions au sein du Comité de Coopération économique européenne à ce sujet révèlent les divergences fondamentales en ce qui concerne l’organisation économique entre ceux qui veulent simplement coopérer et ceux qui veulent organiser, voire intégrer les économies nationales.

18En ce qui concerne l’attitude des milieux économiques suisses par rapport au Plan Marshall et aux prises de position du gouvernement fédéral et de sa délégation à Paris, il est intéressant de relever que dans un premier temps, les autorités fédérales n’ont pas eu le loisir de procéder à une vaste consultation des milieux économiques concernés16 ; cependant, elles ont dû faire appel aux organisations de plusieurs branches du commerce et de l’industrie, afin de fournir des experts pour représenter la Suisse dans les divers comités et groupes de travail au sein du CCEE. Pour nous limiter à la prise de position de l’organisation faîtière du patronat suisse – l’Union suisse du Commerce et de l’Industrie, dit Vorort – elle déclare d’emblée que la participation suisse s’impose, étant donné l’arrière-plan général que comporte la proposition américaine.

19Cependant, dans une analyse présentée en décembre 194717, le Directeur du Vorort, H. Homberger, se félicite de la participation suisse aux travaux du CCEE, ne serait-ce que pour éviter l’isolement auquel la Suisse pourrait être condamnée en se tenant à l’écart de ce grand effort d’organisation de l’économie européenne ; il ne cache pas l’importance des enjeux qu’implique la démarche américaine qu’il faut suivre avec prudence et circonspection. Il relève avec inquiétude l’absence des pays de l’Est européen, dans la mesure où la Suisse à recherché d’une façon conséquente à entretenir des échanges réguliers avec tous les États ; il s’agit de veiller à ce que cette politique ne soit pas mise en cause par la mise en œuvre du Plan Marshall. Homberger ne cache pas son scepticisme par rapport aux possibilités annoncées par les promoteurs du Plan Marshall d’établir un système européen multilatéral de payements et une Union douanière européenne. En raison des difficultés de trouver des solutions simples à ces questions complexes, le Directeur du Vorort estime que la Suisse ne doit pas pousser à l’étude de systèmes irréalistes dans ces deux domaines-clés de l’organisation des échanges économiques, mais qu’elle doit tout au plus se déclarer intéressée à prendre part à ces travaux dont l’issue paraît fort improbable au principal responsable des milieux économiques suisses. En revanche, il propose que la Suisse n’hésite pas à avancer un projet d’un nouveau tarif général qui manifesterait sa disponibilité à la discussion du projet d’union douanière.

20A vrai dire, les milieux économiques ne semblent pas s’être particulièrement préoccupés en 1947 des conséquences du Plan Marshall ; les résultats obtenus au sein du CCEE ne paraissent pas suffisamment concrets. En fait, l’attitude est encore fortement marquée par la nécessité où se trouvent les milieux économiques de contrer les idées et les projets qui visent à instaurer un système multilatéral d’échanges, dont il est question justement à la Conférence de La Havane en été 1947. Or, si le Plan Marshall doit aboutir à l’instauration d’un instrument multilatéral destiné à consolider la coopération économique européenne, « il est nécessaire, peut-on lire dans une note interne de la Division du Commerce du Département fédéral de l’Économie politique, du 11 avril 194718, d’équilibrer l’actif et le passif de la balance des paiements. Or, la Suisse a tendance à avoir une balance active envers la plupart des pays. Nous aurions donc de la peine à appliquer le principe de multilatéralité. La Suisse a une position spéciale, vu qu’elle possède la monnaie la plus forte du monde. Comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, l’application du principe multilatéral pourrait nous être nuisible. Nous ne pourrions donc envisager notre collaboration sur un plan général. »

21Voilà un argument qui est affirmé aussi bien dans les milieux économiques qu’au sein de la haute administration fédérale ; il sera invoqué souvent avec insistance dans toutes les étapes et négociations qui conduiront à l’établissement de l’OECE, puis de l’UEP.

II. L’obtention d’une position spéciale dans le cadre de l’OECE et du Plan Marshall

22Les discussions au sujet de la mise en œuvre d’une politique de reconstruction économique durant l’été 1947 illustrent l’extrême difficulté de réunir les Européens sur une même formule de coopération, à fortiori d’établir un programme d’action qu’attendaient les Américains. Le rapport qui devait être remis au gouvernement américain le 15 septembre est jugé inacceptable par les responsables à Washington qui demandent de le compléter dans les dix jours ; en effet, le rapport ne comporte qu’un catalogue des atouts et des besoins des diverses économies européennes, autant de bilans qui escomptent tous une aide économique des États-Unis, à part justement la Suisse. L’espoir des Américains de voir les Européens mettre en commun leurs ressources et des stratégies de développement qui pourraient profiter à chacune des économies de l’Europe est contrecarré par les perspectives strictement nationales de chacun des bilans.

23A vrai dire, les gouvernements européens ne perçoivent pas la nécessité d’une organisation permanente chargée de veiller à l’exécution du programme de reconstruction économique que les promoteurs américains du Plan Marshall souhaitent voir s’établir en Europe. Quant aux Suisses, ils redoutent particulièrement la création d’un organe supranational et G. Bauer, le délégué suisse, est chargé de le dire à Paris19. Pour la Suisse, il suffirait d’instaurer « un organisme européen dont le rôle serait notamment de recevoir des gouvernements intéressés toutes les informations utiles et de leur faire rapport périodiquement sur les progrès accomplis ainsi que, d’une manière générale, de promouvoir une action économique concertée. Ce n’est que dans la mesure où un organisme de ce type sera établi que la Suisse pourra maintenir sa participation aux travaux de coopération. C’est d’ailleurs une formule de ce genre qui est retenue dans le rapport remis aux Américains, le 22 septembre, où il n’est plus question d’une organisation permanente ni d’une responsabilité collective des États européens, mais de la « création d’un organisme commun chargé d’examiner les progrès accomplis dans l’exécution du programme20 ». Cela illustre le peu d’intérêt qu’éprouvaient les autres États à l’égard d’une nouvelle organisation européenne qui aurait eu des conséquences un tant soi peu contraignantes.

24Cependant, au début de 1948, il est à nouveau question de constituer une organisation permanente ; les Américains insistent sur ce point, car ils ont besoin de disposer en Europe d’un instrument parallèle à leur propre « administration » qu’ils veulent créer pour gérer les fonds d’aide destinés à l’Europe. A Berne, le Conseil fédéral est à nouveau alarmé ; il « ne saurait tolérer qu’une puissance étrangère ou qu’un organisme international exerce un contrôle sur son territoire21 ».

25Devant cette menace pour son indépendance, la Suisse doit-elle se retirer des discussions en cours ? Max Petitpierre ne le pense pas ; il entrevoit une solution à l’alternative du retour à l’isolement qui éloignerait par ailleurs la Suisse du bloc occidental qui s’est effectivement constitué, sans pour autant la rapprocher d’un bloc de l’Est dont elle ne partage aucune des valeurs politiques ou économiques. Pour le Chef de la diplomatie helvétique, il s’agit de faire prévaloir la position effectivement unique de la Suisse en Europe, du fait de sa santé économique qui la dispense de solliciter l’aide américaine, pour obtenir de la part des autres États un statut particulier au sein de la future Organisation européenne de coopération économique.

26Toutefois, cette idée de proposer deux catégories de membres, à savoir les bénéficiaires d’une part, et les non-bénéficiaires du Plan Marshall d’autre part, ne sera pas retenue. Il faudra donc que la Suisse s’assure ailleurs ; elle y parviendra en proposant dans l’article 14 de la Convention de coopération économique européenne, signée à Paris le 16 avril 1948, ce qui sera appelé la « clause suisse22 » ; elle stipule au sujet du mode de décision qui est celui de l’unanimité qu’un membre de l’organisation qui déclare ne pas être intéressé par une question, peut s’abstenir sans faire obstacle aux décisions des autres membres pour qui elles sont obligatoires. Cette clause a permis à la Suisse de signer la convention et de la faire approuver par les Chambres le 7 octobre 1948. En outre, au moment d’apposer sa signature, le Ministre Burckhardt a fait une déclaration dans laquelle il souligne justement la position particulière de la Suisse aussi bien au sein de l’OECE qu’à l’égard du Plan Marshall23. « Cette convention impose à tous les pays, ayant signé l’accord, les mêmes obligations. Or, mon gouvernement constate qu’il y a deux catégories d’États : ceux qui sont directement intéressés à l’aide américaine et ceux qui n’en bénéficient que d’une manière indirecte et générale. La Suisse appartient à cette seconde catégorie de pays. Elle n’a pas l’intention de recourir à cette aide. Le gouvernement des Etats-Unis, de son côté, a relevé que la Suisse n’y participerait pas. La Suisse ne compte recevoir que des livraisons de marchandises dans le cadre normal des relations commerciales, notamment des marchandises du continent américain ».

27Par cette adhésion à l’OECE, tout en sauvegardant sa liberté d’action, la Suisse s’est prémunie du danger de l’isolement économique. La question qu’elle devra encore régler, c’est de faire en quelque sorte accepter son cas spécial par rapport aux Américains. Ceux-ci ont en effet adopté dans le Foreign Assistance Act, du 3 avril 1948, certaines conditions inscrites dans l’Economie Coopération Act, applicables à tous les membres de l’OECE. Cette loi prévoit notamment qu’un accord bilatéral sera signé avec chacun des partenaires européens, dans lequel seront fixées les conditions de l’octroi d’une aide américaine et du contrôle de son exécution par un ambassadeur ad hoc, représentant dans chaque pays l’administration de coopération économique créée à Washington. Or, tous les pays ont signé cet accord, sauf la Suisse et cela mérite une explication.

28A vrai dire la Loi de coopération économique américaine n’intéresse la Suisse que dans deux domaines :

  1. le droit de participer à la répartition des produits rares dans le cadre du Plan Marshall ;
  2. le droit que les États-Unis se réservent de refuser la livraison de marchandises entrant dans la fabrication d’un produit destiné à un pays européen non-participant pour des raisons propres à la sécurité américaine.

29La diplomatie suisse saura-t-elle faire comprendre ce point de vue particulier que pour sauvegarder ses intérêts dans les deux domaines mentionnés elle trouve inutile de signer un accord bilatéral prévu par la loi d’application du Plan Marshall ? Ce ne sera en effet pas chose aisée. La négociation s’étendra effectivement d’avril à novembre 194824.

30Comme tout gouvernement de l’OECE, Berne reçoit le 1er avril 1948 l’accord bilatéral. Après avoir examiné ce document, Berne télégraphie à son Ministre à Washington, des instructions résumant la position suisse – pas besoin de l’aide financière des États-Unis, volonté de coopération américano-suisse sur une base purement commerciale – et demandant au représentant suisse « d’engager des conversations avec le gouvernement américain afin de le convaincre de la situation particulière de la Suisse dans le cadre du Plan Marshall et « d’arriver à un échange de notes (pas besoin de traité) reconnaissant ce statut spécial. Les négociations ne devraient en aucun cas aboutir à l’interdiction des licences d’exportation américaines et troubler, en général, nos relations avec Washington », conclut le Chef de la diplomatie suisse25.

31Dans un premier temps, il semble que le Ministre suisse à Washington ne sache pas très bien comment entamer la discussion et avec quelles finalités. Il s’agit, à son avis, surtout d’éviter d’éveiller la susceptibilité des Américains et une campagne de presse à propos d’une attitude helvétique qui pourrait être perçue comme un abandon de l’effort commun.

32Dans cette affaire, la Suisse dispose d’un argument exceptionnel pour échapper aux conditions politiques de l’octroi de l’aide américaine aux gouvernements européens. La Suisse n’a effectivement pas besoin de cette aide ; les Américains estiment même que Berne pourrait injecter quelque 125 millions de dollars dans le programme, puisque sa balance des paiements est saine. Ne pourrait-elle donc pas exclure des négociations la discussion des conditions politiques prévues dans le projet américain et fixer uniquement les conditions devant régir l’octroi de licences d’exportation pour les produits rares et stratégiques ?

33Finalement, l’argumentation suisse vise à faire comprendre aux Américains que toutes les clauses du projet d’accord sont sans objet pour la Suisse, à part éventuellement la clause sur les produits rares, mais dans ce domaine, pourquoi la Suisse devrait-elle être moins bien traitée que des pays comme la Pologne, la Yougoslavie ou la Tchécoslovaquie ? Finalement ne subsisterait que la clause de non-réexportation, il serait facile d’en démontrer le caractère politique et d’en souligner par conséquent la nature intolérable pour la Suisse26.

34Durant cette première phase de discussion, on pense à Berne qu’il y a urgence à trouver un arrangement, car l’Administration américaine a fixé au 2 juin 1948 la signature des « lettres d’intention » sous peine d’être victime du blocus que les États-Unis ont l’intention de décréter en ce qui concerne les marchandises rares dont la liste de répartition entre les pays de l’OECE sera établie par l’administration Marshall. Le Ministre des États-Unis à Berne, Vincent, confie au Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique fédéral, Zehnder, ne rien comprendre aux intentions et aux mécanismes des responsables du Plan Marshall. A Washington, on estime que c’est dans la capitale des États-Unis que chacun des accords devrait être négocié, quitte à ce qu’il soit signé dans les capitales respectives. De toute évidence, les Américains recherchent à établir une certaine uniformité entre les 16 traités en préparation.

35En ce qui concerne la Suisse, la discussion reprend effectivement le 20 mai. D’après un rapport de Bruggmann du 22 mai 194827, il semblerait que la préparation d’un projet d’accord adapté au cas suisse constituait un véritable casse-tête pour les responsables de l’ECA. Le 21 mai, le Département d’État lui remet un projet de texte, en le priant d’indiquer les clauses qui conviennent et celles qui ne vont pas. Bruggmann demande des instructions à Berne, mais il se permet d’indiquer que, pour sa part, il fera tout son possible pour éviter des tensions avec les négociateurs américains ; car écrit-il : « Les Américains se considèrent actuellement comme les grands bienfaiteurs de l’Europe et seraient particulièrement irrités au cas où notre pays voudrait retirer uniquement les avantages de la restauration de l’Europe sans contribuer pour sa part en proportion à l’importance de ses propres intérêts à la reconstruction28. »

36Par télégramme du 4 juin 194829, le Département politique fédéral répond à Bruggmann que le projet d’accord américain est inacceptable. Il suggère que l’accord devrait se limiter à un échange de notes indiquant les dispositions de la Suisse à prendre part à la reconstruction économique européenne, comme elle y a d’ailleurs déjà contribué et que pour ce faire, la Suisse doit avoir un accès libre au marché américain ; étant donné que la Suisse n’a pas besoin de l’aide financière américaine pour se procurer les produits américains, la livraison de ceux-ci ne devrait dépendre d’aucune condition. Les États-Unis devraient s’engager à reconnaître le droit de la Suisse au courant normal dans les échanges commerciaux. En dernier recours seulement, le négociateur suisse pourra concéder aux Américains la promesse de ne pas réexporter des produits rares d’origine américaine. Toutefois, le contrôle de ce commerce ne saurait en aucun cas être effectué par une mission américaine comme cela figure dans les accords passés avec les autres États.

37En fait, au moment où l’on discute du principe des contrôles des marchandises rares, on ne connaît pas encore, début juin 1948, la liste des produits entrant en considération. Aussi le Ministre de Suisse, Bruggmann, juge-t-il inopportun d’insister auprès du Département d’État pour l’amener à se contenter d’un simple échange de notes avec la Suisse, au moment où il est en train de négocier des conventions avec tous les autres États simultanément ; en l’occurrence, mieux vaut ne pas se presser ; il sera plus aisé pour les négociateurs américains d’accorder formellement un traitement spécial à la Suisse, à partir du moment où il ne pourra plus être considéré comme un précédent30.

38A la suite d’informations sans doute dépassées transmises par le Ministre des États-Unis à Berne, le Chef de la Division des Affaires étrangères, Zehnder, insiste dans un télégramme du 17 juin31, sur l’objectif de la Suisse, de ne pas signer d’accord, mais de se limiter à un simple échange de lettres. Il propose même de se rendre à Washington pour discuter sérieusement de l’affaire. Là-dessus intervient une information intéressante : l’Ambassadeur Harriman qui vient de s’entretenir à Paris avec le Ministre des États-Unis en Suisse annonce sa venue prochaine à Berne. « Il envisage que le contrôle des matières premières rares qui seraient livrées par les États-Unis à la Suisse sous le signe du Plan Marshall ne constitue pas un problème. Ce qui l’intéresse surtout, rapporte le Ministre des États-Unis à Berne, c’est la possibilité pour la Suisse d’augmenter les crédits qu’elle a déjà accordés à des pays européens participant au Plan Marshall. Sur ce point, écrit Petitpierre dans une notice32, j’ai immédiatement répondu à M. Vincent que le Conseil fédéral avait pris la décision, il y a déjà assez longtemps, de ne pas accorder de nouveaux crédits et de ne pas augmenter les crédits existants ». Pour sa part, Harriman33 ne verrait pas d’inconvénients à remplacer l’accord bilatéral par un simple échange de lettres, mais, a-t-il dit, cela n’est pas de sa compétence.

39Aussi est-ce avec un soulagement certain que la Légation de Suisse à Washington apprend du Département d’État que l’Administrateur du Plan Marshall, Paul Hoffman, ne s’opposerait pas au remplacement de l’accord par un échange de lettres34. Durant les semaines qui vont suivre, l’on discute entre fonctionnaires américains et diplomates suisses les formules qui devraient être retenues dans l’échange de lettres35. La lenteur des discussions provient surtout de la difficulté à mettre d’accord entre eux les experts de l’ECA. Cependant, les projets de textes discutés à Washington ressemblent encore trop, aux yeux de Berne, au projet d’accord initial ; le Département politique fédéral télégraphie le 12 août 1948 à la Légation suisse à Washington de « ne pas poursuivre plus avant vos pourparlers », car « nous entendons marquer la différence entre notre position et celle des autres pays participants tant par la forme que par la teneur du texte que nous échangerons avec les USA36 ».

40Cette décision de Berne – que l’on peut qualifier d’abrupte – s’explique en particulier par la discussion prochaine du Message du Conseil fédéral concernant la ratification de la Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948, aux Chambres fédérales, convention combattue (au-delà de l’opposition du Parti du Travail communiste) par des groupes parlementaires et certains milieux économiques peu enclins à se soumettre aux contraintes résultant aussi bien de l’accord multilateral de Paris que de l’accord bilatéral avec les États-Unis qui en découle.

41Dans ces circonstances, les diverses moutures des projets de lettres proposées par les Américains ont toujours paru trop contraignantes ou trop détaillées aux yeux des responsables suisses. Si bien qu’à la fin de l’été 1948, on n’a pas progressé d’un pouce quant au fond. Même la visite à Berne du Sous-Secrétaire d’État aux Affaires économiques, Thorp, n’a pas contribué à faire avancer l’affaire.

42Aussi est-ce à contrecœur et résigné que le Département politique charge, le 2 octobre 194837, son représentant à Washington de présenter une contre-proposition suisse au dernier projet américain du 6 août ; mais à Berne, on ne se cache pas qu’on préférerait finalement aucun arrangement. Pourquoi ne se contenterait-on pas d’une simple note verbale ? Aussi le Département politique fédéral insiste-t-il auprès de Bruggmann pour qu’il tente une dernière fois d’inciter les Américains à renoncer à un quelconque accord ou échange de lettres. Si malgré tout, ils veulent leur accord, le nouveau contre-projet suisse est la dernière formulation à laquelle Berne peut se résoudre. Autrement, il faudra procéder à une déclaration unilatérale concernant la position particulière de la Suisse dans le programme de construction européenne.

43Lorsque Bruggmann soumet finalement à ses interlocuteurs du Département d’État la proposition d’abandonner tout accord bilatéral sous prétexte d’une ratification incertaine des Chambres suisses, il suscite leur perplexité et la réplique que l’ECA ne veut pas renoncer à un texte requis par la loi du 3 avril38. C’est alors que le Ministre suisse avance le projet de déclaration suggéré par Berne, qui récapitule les arguments essentiels de la position particulière de la Suisse. Ses interlocuteurs du Département d’État lui conseillent alors d’entrer en discussion avec les responsables de l’ECA, Henderson, Bruce, Taylor... ; ceux-ci considèrent finalement que l’accord n’est somme toute pas nécessaire, bien que l’ECA l’eût exigé. La Suisse sera traitée comme auparavant. Henderson, Conseiller de l’ECA, assure même que son administration n’exercera aucune pression particulière sur la Suisse, que par ailleurs elle est très satisfaite de la collaboration établie entre la Suisse, l’OECE et l’ECA à Paris.

44De leur côté, les autres départements américains concernés déclarèrent la même chose. Pour sa part, le Département d’État était convaincu de la coopération suisse à l’œuvre de reconstruction européenne ; seulement ses représentants avouèrent qu’ils ne s’étaient pas attendus aux difficultés que cet accord américano-suisse allait rencontrer. Pour clore le chapitre, il est convenu de publier un communiqué que Berne eût l’indélicatesse de rendre public un jour avant le Département d’État, le 4 novembre 1948, ce qui obligea le Ministre de Suisse à lui présenter les excuses de son pays39.

45On peut s’interroger sur les raisons qui ont finalement conduit les responsables américains à changer brusquement de position. Bruggmann invoque le souci d’éviter un débat public en Suisse au sujet de l’approbation de l’accord américano-suisse ; un article de la N eue Zürcher Zeitung avait en effet donné un avant-goût plutôt désagréable du débat en perspective40, débat jugé d’autant plus néfaste dans le contexte de la crise de Berlin. Pour le Ministre suisse, la presse aurait en quelque sorte joué le rôle de deus ex machina qui a permis de dénouer l’affaire, en la privant de tout enjeu.

46Il est vrai aussi que la tactique consistant à faire trainer la négociation en procédant par l’élimination successive des clauses du projet américain devait faire apparaître à ses auteurs l’aspect de plus en plus grotesque de l’accord en vue dans le cas d’un pays comme la Suisse qui disposait des moyens propres pour prendre part à l’œuvre de coopération économique, sans dépendre d’une aide financière étrangère. C’est bien cette arme financière qui a permis à la Suisse de sauvegarder son indépendance économique et sa liberté d’action dans le cadre du Plan Marshall dont la portée politique ne lui échappait nullement, mais dont elle a su se départir en ce qui la concernait.

47L’issue de cette négociation montre d’abord le souci des États-Unis de tenir sous leur contrôle tous les bénéficiaires du Plan Marshall et notamment pour prévenir toute critique qui émanerait du Congrès, d’éviter aussi que la fourniture de produits rares soient détournées de leurs buts annoncés, par exemple en étant réexportées vers d’autres pays que ceux de l’OECE. Elle illustre ensuite qu’un État considéré comme petit – la Suisse – a osé, dans une conjoncture internationale où les États-Unis s’affirment comme la plus prestigieuse des puissances, braver la volonté du plus fort et aménager avec lui un modus vivendi dont il a largement fixé les termes ; ainsi la Suisse saura s’aménager un partnership qui lui permettra de participer pleinement tout en gardant son autonomie économique, sa santé monétaire, au grand boom économique qui accompagna la mise en œuvre du Plan Marshall.

48Incontestablement, la Suisse est sortie grandie de cette épreuve qui fait d’elle la seule puissance de l’OECE à ne pas être placée sous le contrôle de l’ECA. Faut-il citer à cet égard, Robert Marjolin, alors Secrétaire général de l’OECE, qui déclara en février 1949 à Max Petitpierre, le maître d’œuvre de l’action diplomatique helvétique, que « la Suisse avait rendu service à tous les pays de l’Europe en évitant de signer un accord bilatéral avec les États-Unis. Ce fait doit être considéré comme pouvant avoir une grande importance dans l’avenir41. »

III. l’obtention d’un règlement spécial au sein de l’Union Européenne des payements (UEP)

49Forte de la position spéciale que la Suisse avait su acquérir au sein de l’OECE et par rapport aux États-Unis, la diplomatie suisse saura à nouveau faire prévaloir ses vues et ses intérêts particuliers, lors de la constitution de l’UEP, prévue par la Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948 ; dans son article 4, elle recommande la constitution d’un système de payements multilatéraux ; il s’agissait essentiellement d’empêcher toute entrave au développement des échanges commerciaux qui serait dus à des difficultés de payements.

50Peut-être faut-il rappeler qu’au sein de l’OECE des mécanismes provisoires avaient été mis sur pied dès la mise en route du Plan Marshall ; par tout un écheveau d’accords entre États participants, on réglait les excédents et les déficits des balances de payements résultant des échanges bilatéraux. Les déficits étaient justement comblés par l’aide américaine qui maintenait ainsi les courants d’échanges. Or, la Suisse qui avait signé ces accords se trouva à nouveau dans une situation particulière ; ne revendiquant aucune aide américaine, elle réglait ses déficits avec certains partenaires par des accords de compensation cas par cas. En fait, tous les États avaient l’habitude de ces diplomaties de clearing et de compensation qui étaient devenues la pratique courante depuis la grande crise des années 1930.

51Ce qui grippa le système, à vrai dire complexe, c’est la vague de dévaluations monétaires de septembre 1949. Cette crise accentua l’emprise financière américaine qui en retour devenait de plus en plus contraignante, en ce sens que les échanges se concentraient de plus en plus entre États liés au Plan Marshall. La Suisse se trouva à nouveau dans une situation paradoxale. En effet, plus l’aide américaine devenait importante pour régler les soldes des balances de payements, plus la Suisse risquait d’être écartée des achats de ses partenaires, du fait que ses achats ne pouvaient être effectués que dans une faible proportion « off shore », c’est-à-dire dans un pays non-bénéficiaire de l’aide Marshall. Pour sa part, la Suisse n’était pas disposée à allonger des crédits pour s’assurer les commandes de ses partenaires.

52Ces développements monétaires inquiétaient aussi les responsables américains, car ils leur apparaissaient contraire à leur projet initial de redonner un équilibre aux économies européennes ; l’aide Marshall risquait en effet de rendre à terme plus dépendantes encore de l’appui financier américain les économies europénnes qu’elle était destinée à transformer en partenaire entier et sain. Aussi sont-ce encore les Américains qui lancent à la fin 1949 l’idée d’une UEP. C’est en effet sur la base du mémoire qu’ils présentent – le Plan Bissel – que les Européens vont élaborer le nouveau système de payements applicables entre les pays de l’OECE. Il est adopté le 7 juillet et signé le 19 septembre 195042.

53L’UEP inaugure une multilatéralisaton des règlements des soldes des balances des payements ; elle traduit à l’échelle européenne (OECE) les principes jusqu’ici en veilleuse du système de Bretton Woods, si cher aux Américains au niveau des principes, mais inapplicable. L’UEP, dotée d’un fonds de roulement provenant de l’aide Marshall, procure des moyens de payements sous forme de crédits alloués aux États ayant des déficits dans leur balance des paiements. Ces facilités de règlement ajoutent une mesure supplémentaire à la suppression toujours recherchée, mais difficilement réalisable des restrictions quantitatives à l’importation et à l’élimination de la discrimination résultant du manque de moyens financiers. Ces nouveaux mécanismes marquent une étape importante vers la libre convertibilité des monnaies européennes qui ne sera effective qu’en 1957-1958.

54Cependant, au moment de la signature de la Convention sur l’établissement d’une Union européenne des payements, le 19 septembre 1950, le délégué suisse a été chargé par Berne de rappeler les réserves que la Suisse avait déjà formulées dans la note du 9 juillet 1947, renouvelées lors de la signature de la Convention du 16 avril 1948. Ce qu’on peut relever, c’est que dans le domaine monétaire et financier, la Suisse s’est montrée encore plus prudente et réservée que dans le domaine commercial. La sauvegarde de la santé de sa monnaie, de sa liberté d’action en matière financière a toujours été considérée comme primordiale.

55C’est la raison pour laquelle la Suisse va négocier l’obtention d’un règlement spécial relatif aux conditions de sa participation à l’UEP. Pays traditionnellement créditeur, la Suisse va bénéficier d’un quota des excédents et des déficits non pas de 15 % du volume de ses échanges, mais de 20 % – ce qui équivaut à quelque 250 millions de dollars – avec la possibilité de dépasser ce quota à sa demande.

56Au vu de ce résultat, il n’est pas étonnant que dans son Message aux Chambres fédérales concernant la ratification de cet accord, du 22 septembre 1950, le Conseil fédéral indique que ces nouveaux arrangements concernant l’UEP et les accords qui la réglementent « affectent les intérêts vitaux de la Suisse de façon plus directe que toute autre convention internationale élaborée ou conclue depuis la guerre en matière de commerce »43 :

57Pour illustrer cette importance, il suffit de signaler que la mise en œuvre de l’UEP instaure un nouvel ordre commercial entre ; les pays de l’OECE, favorable aux échanges commerciaux. La Suisse écoule près de 60 % de ses exportations vers ces pays ; en outre, l’UEP va permettre de libérer les échanges dans le sens revendiqué par le GATT, par la réduction des restrictions quantitatives à un taux qui passera rapidement de 60 à plus de 75 % des échanges entre pays membres.

58Cela signifie que si la Suisse s’était tenue à l’écart de l’UEP, elle aurait subi directement le contre-coup d’une discrimination de la part des autres membres de l’OECE. Enfin, pour sauvegarder ses intérêts particuliers, elle s’est réservée la possibilité de négocier avec chacun des États des clauses de réciprocité pour des secteurs donnés de l’économie nationale.

59On peut cependant s’interroger sur la compatibilité de la participation suisse à l’UEP et de sa politique de neutralité. L’UEP n’est-elle pas un instrument de cohésion des pays européens sous la houlette des États-Unis ? Én recherchant avant tout son propre développement économique – ce qui est légitime – ne contribue-t-elle pas à renforcer le bloc occidental qui va se retrouver justement en 1950-1951 derrière les États-Unis, lors de la guerre de Corée ? A Berne, on évalue ces questions, mais on y répond par l’argument maintes fois avancé et ceci dès le début du Plan Marshall, que l’UEP comme l’OECE, n’est qu’un instrament technique44, lequel ne saurait servir à d’autres fins que celles en vues desquelles il a été créé, et ceci même si la tension internationale s’est encore accrue entre l’Est et l’Ouest.

IV. La position des milieux économiques Suisses

60Comme nous l’avons déjà indiqué, les milieux dirigeants de l’économie suisse approuvent le principe général d’une aide américaine destinée à accélérer la reconstruction européenne et la restauration de l’économie mondiale. En revanche, ils sont peu réceptifs aux idées d’organisation des échanges tant commerciaux que monétaires qui semblent inspirer certains responsables américains et européens ; tout dirigisme ou planisme leur paraît nuisible à l’établissement d’un ordre économique libre-échangiste. Ainsi, durant l’été 1948, on redoute certaines mesures envisagées à Washington concernant la répartition des produits dits rares, dont certaines matières premières indispensables à l’industrie suisse45. On redoute aussi le développement d’une nouvelle bureaucratie de l’OECE à Paris, assoiffée de statistiques. On craint aussi que ne se constitue une sorte de front européen qui pourrait s’opposer à certaines exigences américaines à l’instar de ce que la Suisse a su obtenir en se refusant à conclure une convention avec les États-Unis. Il serait contraire aux intérêts suisses que l’exception concédée aux Suisses serve d’argument à d’autres États pour avancer leurs propres revendications face aux Américains. Mais très rapidement, les milieux économiques suisses sont satisfaits d’être pleinement associés aux travaux de l’OECE ; d’ailleurs la participation helvétique aux divers rouages techniques de cette organisation a été presqu’exclusivement confiée à des représentants de l’économie privée46. En Suisse, on se félicite de la rapidité avec laquelle l’OECE a aidé les États européens à procéder dès 1949 à la libération des échanges commerciaux qui devait atteindre dès 1951 un pourcentage de 75 %, taux qui ne sera toutefois atteint par certains États membres qu’en 1955. Mais la Suisse, ainsi que d’autres pays membres (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède) dépasse déjà le taux de 90 % de libération de ses échanges, en 1955.

61On peut affirmer que la libéralisation des échanges intereuropêens a fortement contribué à augmenter les liens économiques de la Suisse avec ses partenaires de l’OECE. Avant la création de celle-ci, 60 % du commerce de la Suisse se faisait avec les pays membres. Pendant la première année de son appartenance à l’OECE, la Suisse a vu ses produits augmenter de 32 % en direction des pays membres ; jusqu’en 1953, ils devaient encore croître de 50 %, tandis que les exportations à destination des pays pratiquant la liberté de commerce, n’augmentaient que de 25 % et celles destinées aux pays avec lesquels les échanges reposaient sur des accords bilatéraux, restaient stationnaires. Autrement dit, la Suisse a pleinement profité de la suppression des contingents et de l’interdiction de toute discrimination. En outre, du fait que l’OECE a renoncé à distinguer les marchandises « essentielles », les produits suisses spécialisés qui auraient été trop aisément classés dans la rubrique des « non-essentiels » par les États désireux de limiter leurs importations, ont pu trouver les débouchés nécessaires en dépit d’autres mesures érigées par certains États et que l’OECE a dû tolérer.

62Dès 1955, au moment où le Conseil des Ministres de l’OECE a décidé de passer à 90 le pourcentage obligatoire de suppression des contingents à l’importation, la Suisse peut se féliciter d’avoir libéré 100 % des importations des matières premières, 97,2 % de celles des produits industriels (à l’exception des tracteurs et des camions), mais seulement de 62,2 % des produits agricoles. On reconnaît en Suisse qu’il ne sera pas aisé de porter même à 75 % la libération de cette catégorie de produits, qui sera l’objet de longues négociations. En dépit de ces quelques difficultés, il est évident que l’économie suisse dans son ensemble a retiré des avantages très substantiels de la libération des échanges internationaux. Il est tout aussi patent que les résultats positifs obtenus dans les échanges commerciaux n’auraient jamais pu atteindre ce niveau, si les facilités financières obtenues dans le cadre des paiements gérés par l’UEP, organisation longtemps considérée comme un moindre mal par les dirigeants de l’économie suisse, mais qui a permis d’accomplir des grands progrès dans la question des paiements intereuropéens47, reconnaît-on dans ces mêmes milieux.

63A propos de l’UEP, il faut relever que les crédits ont été avancés (à hauteur de 930 millions pour 1950-1053) par l’État fédéral et non par l’économie privée, ce qui explique certaines prises de position en ce qui concerne les méthodes et les objectifs de l’UEP ; mais lors des discussions au sujet du renouvellement des crédits destinés à l’UEP en 1952, le Directeur du Vorort, Homberger, estime qu’une partie des crédits soit prise en charge par l’économie privée. Et de fait la plupart des branches industrielles se déclarent disposées à prendre en charge les crédits jusqu’ici avancés par l’État fédéral.

64N’y a-t-il pas dans cette prise de position, la meilleure preuve que les milieux suisses de l’économie, plutôt réticents au départ à l’égard des mécanismes multilatéraux d’échanges commerciaux et de paiements, non seulement se sont ralliés à une nouvelle conception des relations économiques internationales, mais qu’ils se sont engagés à coopérer activement à la réussite des premiers organes de coopération économique qu’ont été l’OECE et l’UEP ?

Conclusion

65L’intérêt supérieur qu’a perçu la Suisse en s’associant au Plan Marshall et à ses instruments – l’OECE, l’UEP – a été de contribuer pour sa part, mais d’une façon volontaire, au rétablissement d’un système commercial fondé sur la liberté et la multilatéralité des échanges ; le système des accords bilatéraux réglant le commerce et les payements est considéré comme un pis-aller, rendant souvent difficile aux agents économiques le développement de leur potentiel de production et de commerce. En adhérant à un système d’échanges multilatéral, la Suisse s’assure des perspectives de développement économique dont l’isolement la priverait. Car, comme le dit le Conseil fédéral dans son Message aux Chambres du 22 septembre 1950 : « Si la Suisse ne peut compter que sur elle-même dans le domaine militaire et politique, conformément à sa neutralité traditionnelle, elle ne peut guère se permettre de s’exposer, de surcroît, à un isolement économique48. »

66Cependant, ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que la participation de la Suisse à un système de libéralisation des échanges entre pays européens n’a jamais paru aux responsables politiques et économiques suisses une mesure suffisante ; à leurs yeux, elle se justifie pleinement pour autant qu’elle préfigure la création d’un système économique mondial le plus libre-échangiste possible. En revanche, tout développement de la coopération économique européenne qui conduirait à la mise en place d’un bloc économique européen – et à fortiori d’une organisation politique – la Suisse n’en veut pas et elle ne cache pas sa détermination à la combattre, n’en déplaise aux mouvements et aux citoyens suisses de conviction européiste qui prônent à l’époque l’adhésion pleine et entière de leur pays à la construction de l’Europe.

Notes de bas de page

1 Cf. notre étude : La situation particulière de la Suisse au sein de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), Histoire des débuts de la construction européenne (mars 1948-mai 1950), Edité par R. Poidevin, Bruxelles, Bruylant, 1986, pp. 95-117.

2 Sur la situation économique de la Suisse, cf. Programme de relèvement européen. Etude des pays, chapitre XIV : La Suisse, décembre 1947, 18 pages + tableaux et OECE, Rapport intérimaire sur le programme de relèvement européen, Paris, 30 décembre 1948, vol. II, p. 874-876.

3 Feuille Fédérale (FF), 1948, vol. II, p. 1134.

4 Voir les nombreux exposés du Chef de la diplomatie suisse, Max Petitpierre, concernant la participation suisse au Plan Marshall et à l’OECE ; ses principaux arguments sont repris dans ses déclarations devant les Chambres fédérales dont les plus importantes sont reproduites dans Max Petitpierre. Seize ans de neutralité active. Aspects de la politique étrangère de la Suisse (1945-1961), édité par Louis Edouard Roulet, Neuchâtel, La Baconnière, 1980, p. 218-230, 232-245.

5 Archives fédérales (AF), E 2001 (E), 1/218.

6 Ibid.

7 Télégramme no 81 du 20 juin 1947, ibid.

8 Télégramme no 142 du 21 juin 1947, ibid.

9 Télégramme no 69 du 21 juin 1947, ibid.

10 Pour le texte complet, cf. Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la ratification de la Convenion de coopération économique européenne signée à Paris le 16 avril 1948, in FF, 1948, vol II., p. 1116.

11 Pour le texte de la réponse suisse du 9 juillet 1947, cf. Max Petitpierre, op. rit., p. 411 ou FF, Vol. II, pp. 1117-1118. Elle est aussi reproduite dans l’article de G. Bauer, « L’adhésion de la Suisse à l’OECE : ses conditions principales », Relations internationales, n° 30, été 1982, p. 215. L’auteur a été le délégué de la Suisse au CCEE et à l’OECE de 1948 à 1958 ; nous tenons à le remercier pour les nombreux conseils et renseignements qu’il nous a donnés dans la préparation de notre étude.

12 Pour plus de détails, cf. notre contribution citée dans note 1, p. 106.

13 Ibid., pp. 106-107.

14 Ibid, pp. 107-108.

15 Sur cette question, Guillen, Pierre, Le projet d’union économique entre la France, l’Italie et le Benelux, Histoire des débuts de la construction européenne, op. cit. p. 143-164.

16 Pour plus de détails, voir notre contribution « Le patronat suisse et l’Europe : du Plan Marshall aux traités de Rome », in L’Europe du patronat : de la Guerre froide aux années 1960, Louvain-la-Neuve, à paraître, et Keel, Guido Alberto, Le grand patronat suisse face à l’intégration européenne, Berne, Peter Lang, 1980, p. 143.

17 Procès-verbal de la 171e séance de la Chambre suisse du commerce tenue à Zurich le 15 décembre 1947, p. 23 et ss.

18 Plan Marshall. Note pour la séance du 11 août 1947, AF E 2002 (E), 1/296. Sur les prises de position relatives aux modèles d’organisation économique, cf. notre contribution « La Suisse et le retour au multilatéralisme dans les échanges internationaux après 1945 », La Suisse dans l’économie mondiale, édité par P. Bairoch et M. Körner, Zurich, Chronos Verlag, 1990, p. 353-370.

19 Cf. les rapports de G. Bauer in AF E 2001 (E), 1/298.

20 Pour quelques développements, cf. notre contribution citée dans note 1, p. 111.

21 D’après la lettre de Petitpierre à Burckhardt du 12 mars 1948, AF E 2001 (E), 1/

22 Cf. l’article de G. Bauer, cité dans note 11.

23 Pour le texte complet de la déclaration, cf. FF, 1948, vol. II, p. 1124.

24 Pour toute cette négociation, AF E 2001 (E), 1/305.

25 Télégramme no 130 du 23 avril 1948, ibid.

26 Selon le rapport de G. Bauer du 14 mai 1948, E 2200, Paris (OECE) 1973/118/3.

27 AF E 2001 (E), 1/305.

28 Rapport du 21 mai 1948, ibid, (traduit de l’allemand par AF).

29 Télégramme du Département politique à Washington du 7 juin 1948 contenant le projet de note remise par Kessler de la Légation de Suisse au Département d’État, le 9 juin, ibid.

30 Télégramme no 221 du 5 juin 1948, ibid.

31 Ibid.

32 Selon la notice de M. Petitpierre sur cet entretien du 28 juin 1948, Ibid.

33 Harriman n’a pas fait ce voyage en Suisse. Pour son entretien avec Petitpierre à Paris en février 1949, cf. Petitpierre, Seize ans de neutralité, op. cit., p. 413-418.

34 Télégramme n° 319 du 4 août 1948, AF E 2001 (E), 1/305.

35 Télégramme no 329 du 7 août 1948, ibid.

36 Ibid.

37 Lettre de M. Petitpierre à Bruggmann du 2 octobre 1948, ibid.

38 Selon un télégramme de Bruggmann à Berne du 29 octobre 1948, ibid.

39 Pour le communiqué et ses suites, ibid.

40 Voir à ce sujet Neue Zürcher Zeitung, n° 2235, 25 octobre 1948.

41 Cf. Petitpierre, Seize ans de neutralité, op. cit. p. 416.

42 Sur toute cette question, cf. Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’adhésion de la Suisse à l’Accord sur l’établissement d’une Union européenne des payements (du 22 septembre 1950), FF 1950, pp. 993-1018.

43 Ibid., p. 1009.

44 Ibid., p. 1012.

45 Procès-verbal de la 173e séance de la Chambre suisse du commerce, tenue à Zurich le 3 janvier 1948, pp. 15 et ss. ; pour plus de détails sur les arguments avancés par les milieux patronaux, cf. Keel, Guido, op. cit. pp. 143 et ss.

46 Pour une appréciation de l’œuvre de l’OECE par les milieux de l’économie, cf. Bulletin de Documentation économique, Société pour le développement de l’économie suisse, no 2/55, avril 1955.

47 Pour une appréciation suisse de l’UEP, cf. Bulletin de Documentation économique, n° 5/53, novembre 1953 : Exposé de Paul Rossy, vice-président de la Direction générale de la Banque nationale suisse. Pour une vue d’ensemble de la position suisse, on se référera à la thèse de doctorat de Gunter Schwerdtel, The Swiss Participation in The European Payment Union 1950-1958, (à paraître) ; on s’y référera notamment pour l’état des sources et une bibliographie détaillée. Sur l’expérience UEP, cf., Kaplan, Jacob – Schleiminger, Günther, The European Payment Union : Financial Diplomacy in the 1950’s, Oxford Press, 1989.

48 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’adhésion de la Suisse à l’Accord sur l’établissement d’une Union européenne des payements (du 22 septembre 1950), FF 1950, p. 1017.

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