L’industrie française des Travaux publics face à la reconstruction
L’impact du Plan Marshall 1945-1953
p. 265-282
Texte intégral
1En France métropolitaine, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les destructions dépassaient de beaucoup en ampleur celles qui avaient résulté du précédent conflit1. Les entreprises de travaux publics de notre pays2 se trouvaient ainsi affrontées à une tâche d’autant plus immense que les Allemands avaient procédé à leur encontre à de très lourds prélèvements en matériels3. Elles relevèrent pourtant le défi. Jusqu’en 1952-1953, elles connurent une croissance exceptionnellement rapide. Pour elles, le cycle de la reconstruction s’acheva à cette date. En 1954 en effet, la branche plongea dans une profonde récession : au cours de l’année, son chiffre d’affaires TTC4 chuta de 30 %, chiffre d’autant plus considérable, que, depuis 1952, l’indice INSEE du coût de la construction n’avait pas augmenté.
2Au cours de la période 1945-1953, l’aide américaine5 joua un rôle de première importance dans la reconstruction des infrastructures ou leur remplacement par d’autres plus modernes et mieux adaptées aux besoins futurs du pays ; elle contribua également au financement de grands chantiers industriels, tels que ceux lancés par la sidérurgie ou les firmes cimentières. Déterminants à ce point de vue furent les accords Blum-Byrnes et surtout le Plan Marshall, qui prit fin avec le déclenchement de la guerre de Corée6. A partir de ce moment, si cette aide financière ne cessa pas, elle prit néanmoins surtout la forme de grands programmes de construction de camps et d’aérodromes de l’OTAN. Il y eut donc, sous cet angle également, une césure historique vers 1952-1953, qui ne manqua pas d’influer sur la nature des travaux exécutés par les entreprises. Celles-ci ne répondirent pas de manière uniforme au défi de la reconstruction : l’expansion spectaculaire de la branche7 s’accompagna d’une intensification de la concurrence, liée à l’émergence d’« outsiders » ainsi qu’au développement de spécialités comme les terrassements.
I. La branche travaux publics : une expansion spectaculaire
A. Ampleur des besoins
1. Destructions massives
3Bien que les pertes humaines eussent été moins lourdes qu’à l’issue du premier conflit mondial, les destructions matérielles atteignaient, elles, un niveau beaucoup plus considérable : plus du quart de la fortune nationale contre un dizième en 19188. Aux destructions de 1940, s’ajoutaient celles consécutives aux bombardements et aux combats menés sur le sol français en 1944-1945 : 460 000 immeubles détruits et 1 900 000 endommagés, la guerre ayant frappé 74 départements au lieu de 13 en 1914-1918 et anéanti près du quart du capital immobilier au lieu de 9 %. La Normandie avait le plus souffert : Le Havre était sinistré à 82 %, Saint-Lô à 77 %, Caen à 73 % et Rouen à 50 %. Les destructions avaient tout autant amputé le potentiel productif du pays : en 1946, le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme – MRU – estimait à deux ou trois années de revenu national de l’avant-guerre le coût du retour à la normale.
4Les chemins de fer avaient aussi beaucoup souffert des bombardements, des combats et, à l’arrière, de « la bataille du rail » engagée par la Résistance. En 1945, sur 40 000 km de lignes, seuls 18 000 restaient en service, par tronçons isolés ; avaient été anéantis 115 gares principales et 24 de triage – sur respectivement 300 et 40 –, ainsi que 1900 ouvrages d’art stratégiques. Le réseau routier n’était pas moins atteint : au total 7 550 ponts détruits représentant une brèche de 160 km. Le pays ne disposait plus que de 20 % de la longueur de quais utilisable en 19399. En 1944, Marseille se trouvait privé de la quasi-totalité de ses installations, hormis le Vieux port et trois postes de quais dans les bassins modernes. A Dunkerque, l’écluse Watier ainsi que l’ensemble de l’outillage étaient hors service ; au Havre et à Rouen, la situation était pire encore, tandis qu’à Nantes et à Bordeaux, les épaves coulées en travers des chenaux empêchaient toute navigation normale. En fait la plupart des grands ports de l’Atlantique se trouvaient presque entièrement détruits.
5Les voies navigables aussi avaient subi de graves dégâts du fait des combats de 1940 et 1944 ainsi que des actes de destruction et de sabotage10. Il était devenu impossible de naviguer sur 4 000 km de canaux et 4 250 km de rivière. Il fallait déblayer les ruines de 1 500 ouvrages d’art ainsi que de plus de 2 000 épaves. Quant aux équipements hydrauliques eux-mêmes, ils avaient beaucoup souffert, puisqu’en janvier 1946, on comptait 43 barrages et 233 écluses inutilisables11. Pour faire face aux nécessités de l’heure, les gouvernants n’avaient d’autre solution que de donner la priorité à la reconstitution du capital productif, fût-ce aux dépens de la consommation et de la reconstruction immobilière.
2. Priorité à la remise en route de l’économie
6Privée de moyens de transports, la France souffrait aussi de graves pénuries : en charbon, en électricité, en matériels agricoles et en main-d’œuvre12. Toutefois, beaucoup plus qu’en 1918, il existait un très large accord de l’opinion pour privilégier l’effort de reconstruction au détriment des satisfactions immédiates. Ce consensus fut sans doute à l’origine du succès du Plan Monnet lequel donnait la priorité en matière d’investissement à six secteurs de base : le charbon, l’électricité, les transports, le ciment et le machinisme agricole13. De même, l’opinion adhérait-elle à l’idée qu’il appartenait à l’État d’impulser, de contrôler et de diriger le redémarrage de l’économie.
7De 1946 à 1952, les dépenses de reconstruction et d’équipement engagées par lui connurent une croissance très forte. Elles profitèrent beaucoup plus aux travaux publics qu’au bâtiment puisque, durant la même période et en francs constants, les crédits du MRU ne représentèrent qu’à peine 10 % du total de ceux engagés par le ministère des Travaux publics. Autre indice de l’effort consenti par l’État, la part de ses investissements au sein des dépenses civiles passa de 27,5 % en 1947 à 45,9 % en 1953. L’État joua un rôle considérable au travers de l’attribution de dommages de guerre, de loin le plus important des postes de l’investissement définitif. A partir de 1950, s’y ajoutèrent de très grosses dépenses d’équipement militaire : en 1952, elles absorbèrent jusqu’à 50 % des investissements définitifs.
8Les marchés des collectivités locales demeurèrent d’ampleur modeste, en dépit d’une vive reprise, ainsi que le montre l’exemple des administrations départementales14. Par contre, les firmes de génie civil eurent aussi à répondre à une forte demande émanant des branches productives15. En 1949, elle provenait pour 46,5 % de l’énergie et des transports, où les travaux de BTP concernaient surtout les travaux publics. Cette demande tirait son origine de l’effort d’investissement des grandes entreprises nationales – Charbonnages de France, EDF, GDF ou SNCF ainsi que des sociétés à capitaux mixtes – telles que la CNR ou les compagnies pétrolières à participation publique. De 1945 à 1951, les entreprises publiques ou semi-publiques effectuèrent plus de 50 % des dépenses nationales d’équipement, non compris celles destinées à la reconstruction.
9En matière de reconstitution des infrastructures, la SNCF obtint des résultats tout à fait spectaculaires : dès décembre 1945, elle assurait un niveau de trafic équivalent à celui de 193816. A l’initiative d’hommes comme Daniel Boutet (1886-1971), vice-président depuis 1944, ou Raoul Lévi, directeur des installations fixes, entrepreneurs et ingénieurs collaborèrent efficacement à la remise en état des ouvrages d’art. Avec l’aval de leur client, les premiers recoururent massivement au béton armé, mais n’hésitèrent pas non plus à introduire des matériaux nouveaux tels que les aciers à haute résistance ou les métaux légers. Surtout, beaucoup plus qu’avant la guerre, les dirigeants de la SNCF laissèrent une grande latitude aux entreprises quant au choix des procédés d’exécution. Elles innovèrent tant pour la mise en place des ouvrages provisoires que pour la réalisation des fondations d’ouvrages définitifs : à ce point de vue, la vive compétition opposant les tenants du béton armé et les constructeurs métalliques s’avéra des plus bénéfiques, puisque, dès 1947, la plupart des ouvrages avaient été reconstruits.
10Le cas de la SNCF ne fut pas isolé. Dès octobre 1944, la navigation avait été rétablie sur les principales voies navigables, du Havre à Paris et de Lyon à la mer. Un mois plus tard, la liaison devenait possible de Paris aux bassins miniers du Nord et du Centre. Plus lente s’avéra la reconstitution de l’équipement portuaire. Néanmoins, on trouva assez vite des solutions provisoires à peu près satisfaisantes. Si les travaux de remise en état ne s’achevèrent qu’en 1962, le trafic reprit avec vigueur dès 1945. L’ampleur de la tâche força encore à innover : à Marseille par exemple en 1954 on comptait plus de 11 km de quais – contre 22, il est vrai, en 1939, mais plus longs, plus profonds et équipés de terre-pleins de superficie accrue.
11Plus spectaculaire encore fut l’effort développé en faveur de l’équipement énergétique du pays17. A elle seule, Electricité de France réalisait 70 à 80 % des investissements de la branche électricité. Elle se caractérisait en effet par le taux d’investissement le plus élevé de toutes les entreprises publiques : près des deux tiers de son chiffre d’affaires vers 1950. De ce fait, elle représentait une part importante d’une FBCF nationale pourtant elle-même en rapide progression : cette part atteignait 6,5 % en 1950. Le Plan Monnet accordant une nette priorité à l’équipement hydraulique – 57 % du total des investissements électriques totaux –, la Direction de l’équipement d’EDF mit en service de nombreux et puissants aménagements hydroélectriques : dès 1948, elle livrait L’Aigle et La Girotte ; il y en eut sept en 1949, dont Génissiat, dix en 1950, huit en 1951 et 1952, dont Bort-les-Orgues et Tignes. En dépit d’une amorce de réorientation au profit du thermique à partir de 1949-1950, cette prépondérance de l’hydraulique constitua une aubaine pour les entreprises de travaux publics.
B. Croissance forte et gains de productivité
12Portée par cette vigoureuse augmentation de la demande, la branche travaux publics connut, en métropole, une croissance très forte :
Tableau I Taux de croissance annuels moyens du chiffre d’affaires TTC, des effectifs annuels et de la productivité apparente du travail de la branche travaux publics entre 1946 et 1952 (en %, calcul par ajustement exponentiel)
Chiffre d’affaires TTC*... | + 23,1 |
Effectifs moyens annuels | + 8,3 |
Chiffre d’affaires annuel par personne employée*... | + 14,8 |
13La période de la Reconstruction se caractérisa donc par une vive progression du chiffre d’affaires : moins spectaculaire cependant qu’après la première guerre mondiale, elle se poursuivit plus longtemps et se déroula de manière moins heurtée.
14Surtout, cette période vit la branche réaliser d’impressionnants progrès de productivité du travail. Ils marquèrent un tournant décisif dans l’histoire d’une branche jusque-là caractérisée par la lenteur de ses gains d’efficacité : au-delà de 1952-1953, l’effort de productivité demeura soutenu :
Tableau II Taux de croissance annuels moyens du chiffre d’affaires par personne employée (en %, calcul par ajustement exponentiel et à partir de données en francs constants)
1946-1952... | + 14,8 |
1953-1964 | + 5,7 |
1964-1974... | + 4,9 |
15Ces progrès de productivité étaient d’autant plus nécessaires que les frais de personnel représentaient environ le tiers des charges d’exploitation, soit presque autant que les dépenses inhérentes aux achats de matériaux. Tandis que maîtres d’œuvre et entreprises développaient des techniques de plus en plus économes en matériaux – le béton précontraint ou les barrages-voûtes par exemple –, les dirigeants professionnels se préoccupèrent de fournir ces mêmes entreprises en main-d’œuvre qualifiée. Dès 1943, la Fédération Nationale des Travaux Publics – FNTP – avait créé dans ce but l’école d’Egletons en Corrèze, dont la première promotion sortit en octobre 1946 et dont la capacité d’accueil fut accrue à la même époque.
16Mais il convenait aussi d’introduire de nouvelles méthodes de travail s’inspirant de celles alors en cours aux États-Unis. Dès février 1945, André Borie (1889-1971), ancien Commissaire au BTP en 1939-1940, partit aux États-Unis à la tête d’une mission de productivité18. Deux mois durant, les participants visitèrent les usines des principaux constructeurs américains – Caterpillar, lowa, Bucyrus Erié, Euclid –, afin d’étudier quels matériels seraient importés en France pour le cas où les constructeurs français ne pourraient les fournir dans des délais suffisamment brefs. Cette mission marqua le point de départ d’une époque nouvelle : désormais les entreprises fournirent un important effort d’investissement afin de se doter d’un matériel moderne le plus souvent d’origine américaine.
17Elles y étaient d’autant plus incitées que certains maîtres d’ouvrage poussaient en ce sens. EDF encouragea par exemple beaucoup la mécanisation des chantiers hydrauliques19. Il s’agissait, pour l’essentiel, de pallier la pénurie de main-d’œuvre spécialisée, « ainsi que d’enrayer « l’augmentation croissante des salaires et de leurs charges annexes »20. Les terrassements en constituèrent l’un des champs privilégiés : sur les chantiers du Rhin par exemple la cadence mensuelle maximale des matériaux terrassés s’éleva de 1 million de m3 – Ottmarsheim (1949-1952) –, à 1,6 – Vogelgrün (1956- 1959). Mais la mécanisation gagna bien d’autres domaines : l’abattage en carrière, la fabrication et la mise en place des bétons et surtout les travaux souterrains. A ce point de vue, l’une des innovations les plus importantes résida dans l’introduction, en 1947, des burins à pastille, qui permettaient d’accroître dans de fortes proportions les vitesses de perforation. L’accroissement des cadences libérant des quantités de déblais de plus en plus imposantes, il fallut perfectionner les engins de chargement et de transport des déblais, en recourant aux pelles mécaniques à godets et aux wagonnets à rotation rapide. Mais pour acquérir de tels matériels, il convenait, pour les entreprises, de disposer des crédits à moyen terme d’équipement, dont la profession avait tant manqué entre les deux guerres.
C. Un instrument majeur de la modernisation : le CCME
18L’instrument majeur de la modernisation fut le Comptoir Central de Matériel d’Entreprise ou CCME21. Les firmes de travaux publics se caractérisant à la fois par la faiblesse de leurs marges et par un effort d’investissement essentiellement tourné vers l’acquisition de matériels, leurs besoins de financement concernaient surtout le crédit à moyen terme. Ici résidait l’intérêt de la création du CCME. Il naquit en avril 1945, avec l’appui du président de la FNTP de l’époque, Georges Humbert (1897-1964), et à l’initiative de quatre hommes : trois entrepreneurs de premier plan, Edmond Billiard (1885-1965)22, Lucien Bourrellis (1882-1959) et Joseph Mège (1877-1946) ; Georges Legoux, un ancien directeur de la région Sud-Ouest de la SNCF. Le Comptoir se fixait deux objectifs principaux ;
« permettre, en groupant les commandes des entreprises, de les passer en série auprès des constructeurs, d’en suivre la construction et d’en assurer la répartition »
« en faisant appel au crédit à moyen terme, de mettre ce matériel à la disposition des entreprises par l’intermédiaire de contrats de location-vente et pour une durée de
3 à 5 ans, variant suivant la nature du matériel »23.
19Bien que G. Legoux en fût devenu le président-directeur général, les entrepreneurs pesaient d’un poids prépondérant au sein du conseil d’administration. En dehors des trois fondateurs, ils y étaient représentés par A. Borie, au titre de la FNTP, G. Humbert, Georges Frot (1897-1979) et J. Salmson, à celui du Syndicat Professionnel des Entrepreneurs de Travaux Publics de France, principale composante de cette même FNTP, Jean Rigal (1899-1969), PDG de la Société Française d’Entreprises de Dragages et de Travaux Publics24, comme délégué du Groupement des Constructeurs de Matériel. Les trois derniers sièges furent attribués à la Fédération Nationale du Bâtiment – PNB –, à l’Union Nationale de la Construction Métalliques – UNCM –, ainsi qu’au second représentant des constructeurs. En vue de préparer les décisions du conseil, on créa deux comités, l’un technique, confié à L. Mège, l’autre administratif, dirigé par E. Billiard.
20Dès le mois de mai, le CCME obtenait du ministère de la Production industrielle 25 000 tonnes de bons-matières destinés au démarrage des fabrications de matériel par les constructeurs nationaux. Pour le complément, il s’efforça de récupérer les équipements provenant de l’Organisation Todt et d’acquérir les matériels usagés dont les Américains cherchaient à se débarrasser, afin de limiter au maximum les achats effectués auprès des industriels d’Outre-Atlantique. Ultérieurement, une commission interministérielle fut chargée d’exprimer l’ensemble des besoins et de ventiler entre les professions intéressées tout le matériel fabriqué ou importé, chacune ayant à le répartir entre ses ressortissants.
21Cette répartition étant basée sur les dommages de guerre, il apparut rapidement que certaines entreprises parmi les plus éprouvées ne pourraient reconstituer leur parc avec leurs seules ressources : les prix ayant quintuplé de 1939 à 1945, les fonds de renouvellement étaient devenus trop insuffisants, tandis que le retard apporté par l’État ou les collectivités publiques dans le règlement des travaux mettaient en péril l’équilibre des trésoreries. Le CCME s’adressa donc à la Caisse Nationale des Marchés de l’État – CNME –, créée en 1936, afin d’obtenir son aval aux crédits à moyen terme d’équipement consentis aux entreprises. Celle-ci donna son accord en octobre 1945. Désormais, les banques accordèrent beaucoup plus largement les crédits nécessaires, puisque le CCME se trouvait en mesure d’en garantir le remboursement. Dans ce système, qui fonctionna jusqu’en 1947, le concours du CCME était calculé en fonction du chiffre d’affaires de chaque firme, compte tenu des dommages de guerre.
22A partir de 1948, les opérations du Comptoir se développèrent beaucoup, qui consistaient en l’obtention, pour le compte des entreprises, de crédits à moyen terme d’équipement accordés par les grandes banques, en particulier celles réunies dans le pool de financement25. Ces opérations eurent essentiellement pour objet de faciliter l’équipement des grands chantiers, métropolitains surtout, mais aussi de l’Union française, voire, de plus en plus, étrangers (Irlande ; Egypte ; Ceylan, Pakistan, Thaïlande ; Australie, Nouvelle-Zélande ; Brésil, Equateur, Tahiti). Dans ce dernier cas, il s’agissait « de pallier la réduction des dotations budgétaires « ports et barrages » par de grands travaux hors du territoire français »26 : en effet, ni EDF ni la CNR n’ouvrirent d’important chantier de barrage en 1951 et 1952.
23A 85 %, les risques CCME étaient désormais garantis par nantissement des fonds de commerce de Sociétés auxiliaires de matériels – SAM. Instituées en 1947 à l’initiative du Comptoir, celles-ci étaient des sociétés dans le capital desquelles le CCME détenait une très faible participation. Elles obtenaient de lui le crédit à moyen terme et louaient le matériel à leur entreprise mère. De son côté, le CCME se garantissait en prenant en nantissement le fonds de commerce de la SAM. Cette même année, la Banque de France fit obligation de constituer une SAM à toute entreprise dont les crédits dépassaient 5 millions de francs. Dès 1953, il existait 500 sociétés de ce type ; en outre, ce système apportait un maximum de sécurité au Comptoir : sur 15,3 milliards de francs de crédits en cours au 31 décembre 1953, le montant cumulé des impayés ne se montait qu’à 170 millions, dont moins de 15 irrécouvrables.
24Le rôle joué par le CCME fut réellement considérable. En 1946 et 1947, ce dernier obtint pour 5 milliards de francs de crédits par an, destinés à permettre aux entreprises de reconstituer leur parc. Entre 1948 et 1953, il en accorda pour 6 milliards par an en moyenne. Sur le total précité, 2 milliards furent utilisés, de 1947 à 1951, pour les barrages du Plan Monnet ; durant l’exercice 1952, 2 milliards permirent l’achat du matériel spécial nécessité par la réalisation des infrastructures des aérodromes de l’OTAN. De surcroît, au 30 septembre 1953, environ 5 000 entreprises avaient recours au CCME, dont 1 500 de travaux publics, 3 000 de bâtiment et 500 de négociants en matériaux, les premières bénéficiant unitairement d’un volume plus importent de crédits. L’action du Comptoir compta en effet pour beaucoup dans l’essor remarquable d’un bon nombre de ces firmes.
II. Les entreprises
25Dans une industrie caractérisée par la quasi-absence de barrières à l’entrée, le dynamisme même du marché incitait à l’émergence d’« outsiders » susceptibles de venir concurrencer avec efficacité les « leaders » ; il favorisait aussi le développement des spécialités ayant le plus bénéficié de l’irruption des matériels américains : ainsi des travaux de terrassement.
A. Inégale adaptation des firmes leaders
1. Hersent
26Les sociétés les plus anciennement établies en tête de la profession manifestèrent une inégale faculté d’adaptation aux conditions nouvelles. Elle s’avéra difficile dans le cas de la maison Hersent. Fondée en 1860 par Hildevert Hersent27, devenue Société Anonyme Hersent – SAH – en 1922, elle jouissait en 1939 d’un immense prestige international : elle avait entre autres édifié une bonne partie des ports d’Anvers, de Lisbonne et du Pirée. A cette date, elle figurait au deuxième rang du secteur derrière les Grands Travaux de Marseille – GTM – par l’importance de son chiffre d’affaires, les précédant même par le niveau de ses bénéfices. Mais la guerre l’éprouva très durement puisque le plus gros de son matériel fut soit coulé à Bizerte durant les combats de Tunisie, soit détruit ou endommagé à Casablanca à l’occasion du débarquement américain au Maroc.
27De ce fait, elle ne put prendre part à la reconstruction en métropole, ni même reprendre sérieusement pied en Tunisie. Plus grave, elle prit trop tard le virage du béton précontraint et se trouva ainsi distancée par ses principaux concurrents dans la spécialité qui lui avait valu autrefois tant de succès : les travaux portuaires. Elle axa l’essentiel de son développement sur l’exécution de marchés au Maroc, en Argentine et surtout en Afrique noire. Dans le second pays, elle essuya nombre de déboires durant la décade péroniste, en particulier, dès 1946, la nationalisation des actifs de sa principale filiale, la Société du Port de Rosario ; en Afrique noire, elle souffrit très durement de la contraction brutale des investissements publics survenue au début des années 1950 ; il en fut de même au Maroc au milieu de la décennie.
2. GTM
28En 1939, la Société des GTM28 disputait à la S AH la place de numéro un de la profession. Par contre, à la différence de cette dernière entreprise, elle apparaissait comme une firme à gestion managériale, dirigée par de remarquables ingénieurs, pour la plupart issus du Corps des Ponts et Chaussées. Après la guerre, cette tradition se poursuivit, puisqu’elle eut à sa tête Marcel Chalos, professeur à l’Ecole des Ponts et grand spécialiste de la précontrainte des bétons. Il fut admirablement secondé par M. Yves Jannès, un « X » doué pour la finance et, à partir de 1952, par M. René Gonon, excellent technicien lui aussi et de surcroît grand meneur d’hommes. Sous l’impulsion de M. Chalos, les GTM s’orientèrent précocement vers la construction d’ouvrages en précontraint. Mettant au point une série de procédés originaux, ils s’imposèrent ainsi précocement comme l’un des leaders mondiaux de la précontrainte.
29Servis par l’excellence de leur technique, ils prirent une part considérable à la reconstruction du pays. Ils œuvrèrent à la remise en état du réseau de la SNCF ainsi que de nombreux ports : Bordeaux, puis Cherbourg, Rouen, Le Havre ; enfin Marseille, Nantes et Sète. Tout en poursuivant les travaux des barrages du Castillon et de Génissiat29, la société engagea, pour le compte de la CNR ou d’EDF, de très gros chantiers : aménagement hydroélectrique d’Ottmarsheim sur le Rhin et barrages de la Chaudanne sur le Verdon ainsi que de Donzère-Mondragon sur le Rhône. Mais, dès cette époque, elle amorça sa diversification : en dehors de la centrale thermique du Bec, elle réalisa entre autres l’émissaire de Toulon-La Seyne, avant, en 1951, d’obtenir d’importants contrats de la SOLLAC.
30En même temps, les dirigeants procédèrent à une très sensible réorientation des activités du groupe. Entre 1945 et 1948, ils se dégagèrent du secteur de la distribution des eaux, qui les avait aidés à surmonter l’épreuve de la guerre, ainsi que des Etablissements Bertolus, spécialisés dans l’électrochimie, mais dont le développement aurait exigé de trop lourds investissements. Ils utilisèrent les importantes disponibilités ainsi libérées pour renforcer leurs positions dans le domaine du BTP. Ils y développèrent beaucoup leurs filiales, en particulier les Travaux du Midi, une entreprise de bâtiment bien implantée dans la région marseillaise, ou |les Grands Travaux d’Electrification et de Canalisation – GTEC –, qui s’orientèrent essentiellement vers la pose de caténaires et de pipe-lines.
31Encouragés par le succès de ces deux filiales, les GTM prirent de fortes participations dans d’autres firmes spécialisées : dès 1949, pour Fondation, Bâtiment et Travaux Publics – FBTP en 1950, pour Routes Modernes. Si cette dernière ne donna pas les résultats attendus, la première par contre connut un remarquable essor : s’orientant de plus en plus vers le seul bâtiment, elle créa des agences à Boulogne-sur-Mer, au Mans, à Paris et à Troyes. De toutes les filiales, la plus active fut néanmoins UTE ou Union de Travaux et d’Entreprises30. Surtout établie dans l’Est, elle travailla beaucoup pour la SNCF ou l’EDF, tantôt pour les Ponts et Chaussées ou l’industrie privée. Entre 1945 et 1952, le taux de croissance de son chiffre d’affaires dépassa beaucoup celui de sa maison mère, si bien qu’au début des années 1950, elle se plaçait parmi les plus grandes entreprises françaises de bâtiment et travaux publics.
3. SGE
32Au début des années 1950, il n’existait qu’une firme française pour dépasser, en métropole, l’activité des GTM : la Société Générale d’Entreprises31. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, affaiblie par le conflit, elle avait dû faire front à la nationalisation des sociétés de production-transport-distribution dont elle était la maison mère. Désormais privée de ses marchés captifs ainsi que d’abondants produits financiers, elle se trouvait dans l’obligation de se battre contre la concurrence et de trouver de nouveaux marchés porteurs. Entre 1946 et 1948, elle releva ce double défi. Prenant une part prépondérante au déblaiement et à la reconstruction de Caen, elle joua aussi un rôle dominant dans la reconstruction du port de Dunkerque, et en particulier de la grande écluse Trystram.
33Fidèle à sa tradition, elle conserva sa position de leader dans le domaine de l’hydroélectricité. Gérante de la participation qui mena à bien, en 1949, les travaux du barrage et de la centrale de Génissiat, elle réalisa bien d’autres chantiers de première importance : aménagements hydroélectriques de Cordéac sur le Drac, de la Vanelle sur Isère, de Saint-Gepiez-ô-Merle et d’Enchanet sur la Maronne ainsi que de Couesque sur la Truyère. Dans ces deux derniers cas, SGE introduisit une innovation : le barrage à voûte mince fortement inclinée vers l’avant, grâce auquel il devenait possible d’économiser jusqu’à 20 % de béton par rapport à un ouvrage ordinaire (de type poids-voûte). Elle édifia encore le puissant barrage poids-voûte du Chastang sur la Dordogne, ainsi que, plus tard, le complexe hydroélectrique de Montpezat, comportant plusieurs barrages, 17 km de galeries et une usine souterraine, où sont turbinées sous 600 m de chute les eaux du bassin supérieur de la Loire avant leur restitution dans un affluent de l’Ardèche.
34Tout en développant son activité en matière d’électrification rurale, SGE continua comme avant le conflit d’œuvrer à l’extension des centrales thermiques : ainsi celles de Sainte-Barbe en Sarre, du Fesc pour les Houillères des Cévennes, du Bec pour celles de la Loire ainsi et surtout que de Comines pour EDF. Elle s’orienta également vers l’installation de caténaires – Paris-Lyon, Valenciennes-Thionville. Mais elle ne négligea pas les opportunités nouvelles. Elle exécuta en participation les travaux de l’aérodrome de Colmar-Meyerheim ; surtout, elle s’imposa comme le principal entrepreneur de la SOLLAC, pour le compte de qui elle construisit cinq usines ainsi que quatre centres résidentiels.
35SGE était gérée avec rigueur par ses principaux dirigeants : les PDG Henri Laborde-Milaa (1886-1947) puis Jean Matheron (1902-1985) ainsi que le vice-président Paul Huvelin, futur numéro un du CNPF, ces deux derniers gendres du fondateur Alexandre Giros. Sous leur impulsion, le groupe amorça son redéploiement, autour de sa maison mère ainsi que de deux sociétés relais, la Société Générale d’Exploitation Industrielle – ou SOGEI – en France et la Compagnie Générale de Distribution d’Eclairage et de Force Motrice Industrielle – ou GEDEI- en Belgique. Il s’intéressa très tôt à l’ingénierie, SOGEI ajoutant à sa fonction de holding celle de bureau d’études. Il développa beaucoup ses activités BTP en Belgique, au travers de la Société Centrale d’Entreprises, et en Afrique du Nord, grâce à la Société Générale d’Entreprises Chérifiennes et à la Société Générale d’Entreprises Algériennes, spécialisées dans les travaux publics, ainsi qu’à la Société des Mines d’El Alia, tournée vers la fourniture de charpentes métalliques. En outre et grâce à l’indemnité obtenue par suite de la nationalisation de ses filiales électriques, SGE opta en faveur d’une active politique de prises de participations visant à la fois à s’assurer des positions solides au sein des fournisseurs – ainsi avec les Tréfileries et Laminoirs du Havre – et à obtenir un maximum de produits financiers – dans le cas de Kléber-Colombes. La Générale d’Entreprises se trouvait donc bien armée pour affronter la concurrence des « outsiders ».
B. Émergence d’outsiders
1. Retour en force
36La reconstruction favorisa le retour au premier plan de firmes réputées, mais que la guerre avait durement frappées. Tel fut le cas de l’Entreprise Fougerolle pour Travaux Publics – EFTP32. Entre 1945 et 1951, elle se développa à un rythme très élevé, bien supérieur à la moyenne de la profession. Parce qu’ayant refusé tout travail pour le compte des Allemands, elle jouissait d’un préjugé très favorable auprès des maîtres d’ouvrages publics. Menée de main de maître par Lucien Bourrellis, elle obtint rapidement d’importantes indemnités de dommages de guerre ainsi que de gros marchés. Elle s’engagea presque aussitôt dans la remise en état de tunnels, de ports (Calais, La Rochelle-Pallice, Rouen et surtout Boulogne) ainsi que de ponts, à l’exemple du grand ouvrage ferroviaire franchissant la Loire à Orléans. Elle acheva pour le compte d’EDF l’aménagement de la chute de Pralognan, en Savoie.
37Délaissant la mise en place de réseaux, l’EFTP se réorienta vers les aménagements hydroélectriques devenus la principale spécialité de l’entreprise. En métropole, elle contribua à l’équipement du Rhin et, surtout, mena à bien le grand chantier de dérivation de la Rhue dans la retenue du barrage de Bort-les-Orgues dans le Cantal (pas moins de 12 km de galeries). Néanmoins les travaux portuaires continuèrent d’offrir des débouchés substantiels, comme les aérodromes, ces derniers à partir de 1952. Loin de se cantonner au marché métropolitain et servie par ses capacités d’innovation, l’entreprise et ses filiales développèrent une importante activité dans l’Union française, notamment au Maroc, où l’EFTP mena à bien de très importants travaux. Solidement implantée au Portugal depuis 1934, elle opéra en outre, dès 1949, une spectaculaire percée hors Zone franc : d’abord en Tasmanie, puis, à partir de 1952, au Canada.
38Les Entreprises Campenon Bernard33 connurent une trajectoire assez similaire. Sous l’impulsion de leur fondateur, Edmé Campenon (1872-1962), elles prirent une part active à la reconstruction des infrastructures du pays. Elles réparèrent de nombreux ouvrages d’art, dont une dizaine de ponts sur la Loire, jouèrent un rôle prépondérant dans la reconstruction d’Orléans et surtout dans celle des ports de Brest et du Havre, où elles mirent en place le plus long quai du monde d’un seul alignement. Mais elles s’orientèrent également vers de nouveaux domaines d’activité : les aménagements hydroélectriques et la construction des pistes pour avion : elles innovèrent en réalisant à Orly la première piste en béton précontraint du monde. Leur avance en matière de précontrainte des bétons leur valut d’ailleurs de nombreux succès en Algérie et en Tunisie, où elles édifièrent de grands barrages.
39La force principale de l’entreprise lui venait de son étroite collaboration avec le père du béton précontraint, l’ingénieur Eugène Freyssinet (1879-1962). Remontant au milieu des années 1930, elle s’était concrétisée en 1943 par la création de la Société Technique pour l’Utilisation de la Précontrainte – STUP. Chargée d’assurer le développement et l’exploitation des procédés Freyssinet, elle les diffusa et les imposa dans le monde entier, devenant rapidement la première société mondiale d’ingénierie dans son créneau. Avec sa maison mère, elle devint l’élément porteur d’un groupe dynamique. Ce dernier s’implanta, dès 1946 et avec succès, en Amérique latine, où il réalisa, entre 1950 et 1953, de remarquables ouvrages d’art : le pont de Joazeiro au Brésil ainsi que les trois viaducs de Caracas, pourvus des plus grandes voûtes en béton d’Amérique et dont le marché avait été enlevé face à une très forte concurrence nord-américaine. Présent au Maroc, ce groupe s’intéressa également de bonne heure au bâtiment et aux travaux routiers, au travers de ses filiales respectives, la Société Nouvelle d’Entreprises Froment-Clavier et la Société Viasphalte.
2. Nouveaux venus
40Mais il y eut également de nouveaux venus, à l’instar de la Compagnie Industrielle de Travaux34, filiale de Schneider et Cie, ou, plus encore, des Entreprises Métropolitaines et Coloniales. Fondées en 1928 par Léon-Joseph Dubois (1890-1966)35, celles-ci s’étaient pourvues d’un important bureau d’études et assurées l’active collaboration du grand ingénieur Albert Caquot (1881-1976). Au lendemain du second conflit mondial, elles s’imposèrent rapidement dans le peloton de tête des firmes françaises de travaux publics, grâce à une croissance exceptionnellement forte. En métropole, elles réalisèrent deux grands barrages : La Girotte, remarquable ouvrage à voûtes multiples, construit avec le minimum de matériaux possible en l’état des connaissances de l’époque ; Bort-les-Orgues, édifié sans matériel américain et terminé avec un an d’avance, grâce aux inventions propres de L.J. Dubois. Grâce aux dommages de guerre, les EMC se dotèrent à Rouen de l’une des plus puissantes usines européennes de charpentes métalliques : elles supplantèrent ainsi rapidement tous leurs concurrents français. Servies par la qualité de leurs techniques, elles se réorientèrent rapidement de Madagascar, où elles étaient solidement installées, vers l’étranger : présentes en Syrie dès 1947, elles prirent pied au Brésil deux ans plus tard, puis à Ceylan et au Pakistan en 1950.
41Firme entrepreneuriale elle aussi, la Société Dumez36 donnait déjà la priorité à la rentabilité sur la croissance. Bien que son ascension fût moins spectaculaire que celle des EMC, elle avait à sa tête deux remarquables chefs d’entreprises, les frères Pierre (1901-1970) et André Chaufour37, le premier ayant épousé en 1926 l’une des filles du fondateur Alexandre Dumez (1864-1932). Au lendemain du second conflit mondial, l’entreprise œuvra de façon déterminante au relèvement économique du pays. Elle exécuta d’importants travaux dans les ports de Cherbourg, Dieppe et surtout Brest, mena à bien de nombreux chantiers pour la SNCF et participa encore à la reconstruction d’Amiens et de Caen, où elle utilisa les procédés Freyssinet de précontrainte. Ce ralliement au béton précontraint fut d’ailleurs à l’origine de nombreux succès techniques. Se faisant une spécialité de la construction des cuves et dépôts d’hydrocarbures, elle s’imposa par ailleurs souvent face à la concurrence pour les marchés de pistes et aires de stationnement d’aérodromes, grâce à sa maîtrise des techniques modernes de terrassement.
42Tandis que se développait sa filiale marseillaise, la Société en créa une seconde en Alsace dès 1948. Mais la plus vigoureuse de ces filiales était tunisienne : la Société Tunisienne des Entreprises Chaufour-Dumez mena à bien de nombreux et importants chantiers, notamment celui du grand à contrefort et à voûtes multiples de Nebeur sur l’Oued Mellègue. A force d’innovation, les ingénieurs de Dumez réalisèrent une économie d’un tiers sur le coût final des travaux. Reconnue désormais l’égale des plus grandes firmes de la profession, la Société Dumez développa beaucoup son activité en Algérie, s’implanta solidement au Maroc (1948), puis en Guinée (1949) et au Sénégal (1950). Surtout, elle se tourna vers l’étranger : l’Egypte dès 1949, puis le Kenya en 1951. En portant son effort vers une Afrique anglophone en voie d’émancipation, elle forgeait déjà les armes de sa réussite future.
3. Hommes nouveaux
43Avec la reconstruction, quelques personnalités nouvelles s’imposèrent au premier plan, à l’exemple de Jean Caroni38 . Né en 1895, il était sorti en 1914 de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Fondateur en 1925 de l’entreprise du même nom, il s’imposa entre les deux guerres comme un bon spécialiste des terrassements et du battage des pieux et palplanches et travailla entre autres à l’aménagement du port de Lille. Bien qu’implanté depuis 1933 en Région parisienne, il n’accéda à la notoriété nationale qu’après la Libération. Il fut en effet l’un des principaux reconstructeurs de Dunkerque et surtout l’un des entrepreneurs qui œuvra le plus à la remise en état du réseau navigable français. Cet innovateur s’imposa dès lors comme l’une des personnalités les plus influentes du BTP national, jouant le rôle de trait d’union entre les deux fédérations rivales, la FNB et la FNTP, aux instances dirigeantes desquelles il appartenait dans les deux cas.
44La reconstruction révéla aussi Jean Lefèbvre39. Né en 1913 et fils de l’entrepreneur Charles Lefèbvre (1881-1941), juriste de formation, il avait fait ses débuts en 1938 dans l’une des sociétés créées par son père, la Compagnie Industrielle des Piliers40. Cette dernière fabriquait un produit nouveau destiné à améliorer les performances du goudron employé pour le revêtement superficiel des chaussées. En 1941, à la mort de Charles, J. Lefèbvre prit la direction de la Compagnie Industrielle ainsi que de la Salviam, une importante entreprise de travaux routiers créée dès 1927 par le défunt. Repliées en zone Sud, les deux affaires tournaient au ralenti, la Compagnie des Fillers ayant entre-temps pris le nom d’Entreprise Jean Lefèbvre – EJL. Dès le mois d’août 1944, les Américains confièrent à J. Lefèbvre la réfection des pistes de l’aéroport d’Orly, opération effectuée en quelques semaines grâce au matériel mis à sa disposition.
45Cette expérience fut déterminante, car la confiance renouvelée de ses clients permit à l’entrepreneur de se doter, le premier en France dans l’industrie routière, des bulldozers et finishers couramment utilisés Outre-Atlantique. En même temps, il développa systématiquement la technique des tapis d’enrobés, autorisant la réalisation de revêtements épais à longue durée de vie. Devant l’afflux des contrats, les EJL installèrent des agences permanentes à Bordeaux, Douai, Lyon, Orléans, Thouars (Deux-Sèvres), puis Arras, Clermont-Ferrand, Le Mans et Metz. Bien implantées en France, les EJL s’intéressèrent bientôt à l’Algérie et à l’Afrique noire. Surtout, au prix d’un effort constant d’autofinancement, la firme se trouvait en mesure de prendre part aux chantiers de l’OTAN : dès 1951, elle se voyait confier la construction des pistes de la base aérienne de Creil. Ce fut un succès qui lui valut par la suite d’obtenir des travaux de même nature à Sézanne, puis à Sommesous, en Champagne. Il s’ensuivit un bond en avant de l’activité des EJL, devenues dès 1952 l’une des cinq plus grandes entreprises françaises de travaux routiers.
C. Essor de l’industrie du terrassement
46La reconstruction favorisa également la montée en puissance, au sein de la branche elle-même, de certaines spécialités : ainsi des entreprises de réseaux et centrales électriques – avec entre autres l’ascension de la société Trindel41- ou plus encore de l’industrie du terrassement.
1. Un renouvellement profond des techniques
47Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les techniques de terrassement se renouvelèrent en profondeur42. Les matériels évoluèrent rapidement. Tandis que la pelle mécanique ne cessait de se perfectionner, les bulldozers gagnaient toujours en puissance et en longévité : dès 1940, l’adoption aux États-Unis du convertisseur de couple permettait d’adapter la vitesse à l’effort. De ce fait s’amorça une spécialisation des matériels selon le type de tâches à exécuter. Mais apparurent aussi des machines entièrement nouvelles. Le « scraper » moderne vit le jour vers 1938, lorsque des ingénieurs américains eurent l’idée d’accoupler les anciens scrapers43 à des tracteurs spéciaux sur deux roues équipés de pneus géants. En même temps, naquirent de nouveaux équipements de transport, qui tirèrent bénéfice du développement des pneumatiques, comme les « bottomdumps », camions se vidant par le fond, ou les « dumpers », appareils pourvus de bennes à grande capacité et à déplacement rapide. Les progrès de la mécanisation provoquèrent une spectaculaire compression des coûts.
48Les avancées obtenues dans le domaine des terrassements ne se limitaient pas aux seuls matériels. Ils devaient beaucoup aux progrès de la mécanique des sols, discipline née au XVIIIe en France, à l’initiative du physicien Charles-Auguste Coulomb (1736-1806), mais tombée dans l’oubli au XIXe, en dépit des expériences de l’ingénieur dijonnais Alexandre Collin. En 1925 cependant, le savant allemand Karl Tergazhi engagea ses premiers travaux de recherches. Au cours des années suivantes, il définit les principales lois de la mécanique des sols. D’origine israëlite, Tergazhi se réfugia aux États-Unis durant les années 1930. Grâce aux laboratoires dont étaient équipés les grands chantiers américains, la mécanique des sols devint une discipline majeure du génie civil. Dès le début des années cinquante, elle effectua une spectaculaire percée en Europe. Elle y contribua en particulier au succès des barrages remblayés en matériaux meubles : dès 1948, EDF lançait d’ailleurs un concours d’études en vue de réaliser le grand ouvrage en terre de Serre-Ponçon ; quant aux premiers contacts avec les entrepreneurs, ils furent pris dès 1952.
2. Des entreprises innovatrices
49Deux firmes jouèrent un rôle prépondérant dans l’introduction en France du matériel et des méthodes américaines. La Société Anonyme Ossude44 avait été fondée au milieu du XIXe siècle par Sylvain Pradeau. Peu avant la guerre de 1914-1918, elle avait activement participé à la construction du Métropolitain de Paris. Dirigée à partir de 1924 par un entrepreneur de premier ordre, Joseph Ossude (1880-1961), petit-fils du fondateur, elle connut un remarquable développement. Tout en poursuivant la construction du Métro, elle œuvra activement pour le compte des Chemins de Fer de l’Est et surtout réalisa quelques-uns des plus puissants ouvrages de la Ligne Maginot. Solidement établie en Tunisie depuis 1930, elle travailla également en Algérie à l’aménagement de la base navale de Mers-el-Kébir et au Portugal à l’extension du port de Leixoes. Peu active durant le second conflit mondial, elle avait en outre subi de nombreuses destructions et spoliations de matériel, les Allemands lui ayant confisqué celui qu’elle possédait dans l’Est du pays.
50En 1945, elle abordait donc la reconstruction avec des moyens limités. Bénéficiant d’importants dommages de guerre, J. Ossude fit procéder par ses ingénieurs à une étude rationnelle du plan de rééquipement de l’entreprise. Dans ce but, ses principaux dirigeants effectuèrent de nombreux voyages d’étude aux États-Unis, où ils établirent de multiples contacts avec constructeurs spécialisés. Grâce au matériel ultra-moderne dont elle s’était dotée, elle enleva rapidement une succession de très gros marchés : reconstruction de plusieurs formes de radoub au Havre et à Marseille, création du port pétrolier de Lavéra, où elles utilisa les techniques de refoulement hydraulique couramment employées aux États-Unis pour édifier les barrages en terre ; aménagement hydroélectrique de la Luzège, dont elle mit en place le barrage et où elle creusa un tunnel d’amenée de 6 km, en y faisant appel, la première en Europe, aux plus récents procédés américains de perforation et d’évacuation des matériaux.
51Mais ses principaux chantiers concernèrent le terrassement : à son actif la réalisation de ceux des aménagements hydroélectriques de Donzère-Mondragon sur le Rhône, puis de Fessenheim sur le Rhin. Elle construisit également deux importants aérodromes militaires, ceux de Damblain et de Rosières-en-Haye. Tout en amorçant précocement sa diversification vers le bâtiment industrialisé – procédés Agglogiro de préfabrication –, elle développa beaucoup son activité dans l’Union française : très active en Tunisie et en Algérie, elle œuvra au Maroc aux chantiers de l’aérodrome de Meknès, de l’usine hydroélectrique souterraine d’Afourer ainsi que du réseau d’irrigation de la plaine des Beni-Moussa. Ces succès l’incitèrent à se porter vers la Guinée et le Sénégal ainsi que vers l’étranger, Libéria et surtout Irak, où elle effectua de très gros terrassements. Dès 1952-1953, elle faisait figure de numéro un français du terrassement.
52L’Entreprise Razel Frères45 constituait cependant un très sérieux concurrent. Créée en 1880 par Emile I Razel (1846-1922), elle s’était, dès le début, spécialisée dans les travaux de terrassement, travaillant notamment pour diverses compagnies de chemins de fer départementaux. Entre les deux guerres et sous l’impulsion des deux fils du fondateur, Emile II (1867-1933) et René (1896-1980), elle se plaça rapidement à la pointe de la technique des terrassements. S’attachant dès les années 1920 à l’études des techniques américaines, les deux frères introduisirent en France les premières pelles mécaniques sur chenilles, les premiers draglines, puis les premiers tracteurs à remorque, que, les premiers à nouveau, ils employèrent au compactage des sols.
53Ayant rapidement reconstitué son parc de matériel au lendemain du second conflit mondial, l’Entreprise Razel Frères œuvra à grande échelle à la remise en état des infrastructures détruites : réfection de canaux, terrains d’aviation et piste Est-Ouest de l’aérodrome du Bourget, puis ouvrages divers pour la SNCF et EDF. A partir de 1948, les chantiers importants se multiplièrent : route Douala-Edea au Cameroun, pistes d’envol d’Orly, de Reims, Séchault, Strasbourg, Toul, Villacoublay, terrassements du train à fil de Jœuf, autoroute Sud de Lille, plate-forme de la centrale EDF de Porche-ville, et même, pour le compte de l’OTAN, construction de l’aérodrome de Diyarbakir en Turquie.
54Le succès de Razel Frères tenait à trois raisons. L’entreprise avait fermement opté pour la spécialisation dans les terrassements, consacrant des sommes substantielles à l’étude des progrès de la recherche théorique et appliquée en matière de mécanique des sols. Mais elle visait aussi à la plus grande standardisation possible du matériel, afin de gérer de la façon la plus économique son stock de pièces de rechange ; ce matériel était fréquemment renouvelé, tous les quatre ans en moyenne, et associait puissance et mobilité très grande, ce qui en permettait le déplacement rapide d’un chantier à l’autre. Surtout, demeuré seul à la tête de la firme, René Razel accordait une importance considérable à la formation des hommes : ses ingénieurs, conducteurs de travaux et chefs de travaux effectuaient dès cette époque des stages fréquents à l’étranger et notamment aux États-Unis.
3. Une ascension spectaculaire
55Dans l’industrie des terrassements aussi, la reconstruction révéla des hommes neufs : ainsi Hubert Touya (1907-1983), le fondateur des Chantiers Modernes46. Ingénieur des Mines, entré en 1937 à l’entreprise Lafont de Bordeaux puis mobilisé dans l’Aviation en 1939, il fit, au lendemain de l’Armistice, passer en Zone libre un important matériel militaire. Revenu à la vie civile, il participa, fin 1940, à la création d’une entreprise, la STLM, dont il devint directeur général. Gaulliste convaincu, il entra rapidement dans la Résistance, où il occupa, à partir de novembre 1943, d’importantes fonctions pour l’ensemble du Sud-Ouest. Tout en fournissant des renseignements militaires aux Alliés, il transforma ses chantiers en une organisation de refuge pour les réfractaires du STO et les résistants recherchés par la Gestapo. Il n’hésita pas non plus à héberger et transporter lui-même vers l’Espagne des agents de liaison parachutés ou des évadés politiques. Mais, en février 1944, les Allemands l’arrêtèrent puis le déportèrent, courant mai, en camp de concentration. Il ne fut libéré, par les Russes, qu’un an plus tard.
56Dès avril 1946, il créa une petite SARL : les Chantiers Modernes. Il l’équipa presque aussitôt d’un matériel très compétitif, acquis avec l’aide des cadres de son ancienne entreprise. La nouvelle société obtint très vite de gros chantiers des Houillères du Bassin de Lorraine. En 1949, les Chantiers Modernes enlevèrent le concours ouvert en vue de la réalisation de la piste d’envol de l’aérodrome de Brétigny. Pilotes d’un groupement, ils avaient proposé une solution d’un type nouveau, qui fit l’objet d’un premier brevet et grâce auquel le chantier put être mené à bien en deux ans. Désigné par le ministère de l’Air comme conseiller technique et coordinateur du programme de construction des aérodromes de l’OTAN en France, H. Touya édifia ainsi, de 1952 à 1954 et en participation, trois grandes bases à Dreux, Evreux et Grostenquin, dans l’Est.
57Les Chantiers Modernes se diversifièrent très tôt. Après avoir exécuté l’usine des Ciments français à Bordeaux (1946-1949), ils enlevèrent en 1951 l’adjudication de la station d’épuration de Bordeaux, pour la mise en place de laquelle H. Touya introduisit un procédé jusque-là inemployé en France et permettant de supprimer totalement les batardeaux. La société œuvra aussi à la construction de ponts, de routes de bases militaires, la pose de canalisations ou de fondations sur pieux, tout en s’intéressant aux travaux portuaires. A partir de 1949, elle amorça la constitution d’un véritable groupe, absorbant cette même année les Etablissements Sabathié et Guirauton, dont H. Touya était devenu le gérant. Le développement de ce groupe favorisa l’ascension de son principal dirigeant, qui, par ailleurs très proche de J. Chaban-Delmas, présida la FNTP de 1970 à 1973.
Conclusion
58A l’exemple des entreprises de terrassement précitées, un nombre important de firmes françaises s’équipèrent, au lendemain de la Libération, d’un matériel complètement neuf. Ce remarquable effort de mécanisation n’aurait cependant pas été possible sans l’intervention décisive du CCME : à travers lui, la profession des travaux publics, qui en avait le contrôle total, compta incontestablement au nombre des grands bénéficiaires de l’aide Marshall. Il convient néanmoins de ne pas négliger le rôle considérables d’importateurs tels que la société Bergerat et Monnoyeur, concessionnaire Caterpillar en France, qui procura presque immédiatement aux firmes de notre pays les machines les plus modernes. L’action simultanée du CCME et des entreprises, mais aussi de ces importateurs ou de certains maîtres d’ouvrages comme EDF ou la SNCF eut des effets positifs considérables : dès le début des années 1950, le marché français devint, pour les grands constructeurs américains, le marché-test, celui où ils introduisaient les machines les plus modernes avant de les fournir aux autres pays d’Europe.
59On comprend mieux, dès lors la place privilégiée occupée par les entreprises françaises dans la construction des aérodromes et des camps de l’OTAN : elles en édifièrent un grand nombre non seulement en France, mais aussi en Turquie, en Espagne et en Norvège. Ainsi s’explique également que les firmes françaises de travaux publics aient par la suite répondu avec une telle efficacité aux besoins croissants des Français en logement47 : mieux équipées que leur concurrentes du bâtiment, disposant en outre d’une capacité d’autofinancement et d’innovation généralement supérieure, elles prirent le plus souvent l’avantage. Aujourd’hui, des six grands « majors » que compte le BTP français, Bouygues seul est issu du bâtiment.
Notes de bas de page
1 Pariset (J.D.), Reconstructions et modernisation. La France après les ruines 1918... 1945, Paris, Archives nationales, 1991, 312 p.
2 Barjot (D.), La grande entreprise française de travaux publics en France (1883-1974) : contraintes et stratégies, thèse de Doctorat d’État, Dir. F. Caron, Université de Paris IV-Sorbonne, 1989, 4 271 p., 7 vol. (à consulter pour toutes les entreprises citées par la suite).
3 Barjot (D.), La grande entreprise française de travaux publics en France, op. cit., p. 1503-1507.
4 Toutes Taxes Comprises.
5 Bossuat (G.), « L’aide américaine à la France après la seconde guerre mondiale », XXe siècle, janvier-mars 1986 ; « Les risques et les espoirs du Plan Marshall pour la France », Histoire économique et financière de la France. Etudes & documents I, Ministère de l’Économie, des Finances et du Budget, Paris, Imprimerie nationale, 1989, p. 207-258 ; « L’aide américaine », Reconstruction et modernisation, op. cit., p. 291-297. Lacroix-Riz (A.), « Crédits américains et coopération européenne (1949-1954) », in Fridenson (P.), Straus (A.) eds, Le Capitalisme français, XIXe-XXe siècles. Blocages et dynamisme d’une croissance, Paris, Fayard, 1987, p. 327-349 (article discutable). Margairaz (M.) « La mise en œuvre du Plan Monnet », in Cazes (B.), Mioche (P.) eds, Modernisation ou décadence. Contribution à l’histoire du Plan Monnet, Publications de l’Université de Provence, p. 47-76. Milward (A. S), The Reconstruction of Western Europe 1945-1955, London, Methuen, 1984 ; « La planification française et la reconstruction européenne ». Modernisation ou décadence, op. cit., p. 77-115. Mioche (P.), « L’invention du Plan Monnet », ibidem, p. 15-45.
6 Van der Wee (H.), Histoire économique mondiale 1945-1990, Louvain-la-Neuve, Academia Duculot, 554 p. (voir en particulier chapitres 1 et 9).
7 Barjot (D.), « Un patronat face aux Plans : les entrepreneurs de travaux publics (1946-1965) », in Rousso (H.), De Monnet à Massé. Enjeux politiques et objectifs économiques dans le cadre des quatre premiers plans (1946-1965), Paris, Editions du CNRS, 1986, p. 159-180.
8 Pariset (J.D.), Reconstructions et modernisation, op. cit.
9 Couteaud (J.), « Le rôle de l’entreprise dans l’édification des ports », Entrepreneurs et entreprises. Livre d’or de l’entreprise française, Paris, Ed. du Moniteur, tome 1, 1955, p. 131-136.
10 Brunot (A.), Coquand (R.), Le Corps des Ponts et Chaussées, Paris, Ed. du CNRS, 1982, p. 590.
11 « 1917-1977 : Travaux a soixante ans », n° spécial, Travaux, avril 1977, p. 53.
12 Caron (F.), Bouvier (J.), « Reconstruction et inflation », in Braudel (F.), Labrousse (E.), Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF, tome IV, p. 667-683.
13 Kuisel (K.F.), Le Capitalisme et l’État en France. Modernisation et dirigisme au XXe siècle, Paris, Gallimard, 1984, p. 376-406. Mioche (P.), Le plan Monnet. Genèse et élaboration 1941-1947, Paris, Publications de la Sorbonne, 324 p.
14 Fontvieille (L.), Evolution et croissance de l’administration départementale française. Cahiers de l’ISMEA, AF n° 14, Économie et Sociétés, 1982, 192 p.
15 Mairesse (J.), « L’Evaluation du capital fixe productif. Méthodes et résultats », Les Collections de l’INSEE, n° 72-73, C18-19, novembre 1972, 268 p.
16 Levi (R.), « L’entrepreneur et les travaux de chemin de fer », Entrepreneurs et entreprises, tome 1, op. cit., p. 150-158 ; « Les progrès dans la construction des ponts sous rails », Un demi-siècle de progrès, op. cit, p. 36-41.
17 Picard (J.F.), Beltran (A.), Bungener (M.), Histoire(s) de l’EDF. Comment se sont prises les décisions de 1946 à nos jours, Paris, Dunod, 1985, 268 p. Barjot (D.), La grande entreprise de travaux publics (1883-1974), op. cit., vol. 3, p. 1829- 1866.
18 Rowley (A.), « Les missions de productivité aux États-Unis », communication au colloque La France en voie de modernisation, FNSP, 1981.
19 Olivier-Martin (R), Guignard (G.), « La mécanisation des chantiers de travaux publics d’Electricité de France », Le Moniteur des Travaux publics et du Bâtiment, n° 21, 21 mai 1960, p. 19-23. Loubaton (M.), Lescaut (F.), « L’évolution des ouvrages de production d’énergie électrique et des chantiers EDF », ibid., n° 28, 13 juillet 1968, p. 17-29.
20 Olivier-Martin (R), Guignard (G.), art. cit., p. 20-21.
21 Archives consultées : assemblées générales du CCME et de la FNTP de 1944 à 1953.
22 Barjot (D.), « La construction du Métro : un défi relevé par les entreprises françaises de travaux publics », Métropolitain, l’autre dimension de la ville, Paris, Bibliothèque historique de la ville de Paris, 1988, p. 90-109.
23 Assemblée générale de la FNTP, 10 janvier 1945.
24 Barjot (D.), « L’innovation dans les travaux publics XIXe-XXe siècles : une réponse des firmes au défi de la demande publique ? », Histoire, économie et société, n° 2, 1987, p. 209-231. Jean Rigal présidait aussi la société des Etablissements Pinguely, constructeur de matériel lourd de travaux publics.
25 Ce pool de banques liées de façon privilégiée au CCME comprenait les établissements suivants : Crédit Lyonnais, Société Générale, BNCI, CNEP, CIC et affiliés, Crédit du Nord, CCF, Banque Worms, Banque de Paris et des-Pays-Bas, Union Européenne, Union Parisienne, Union des Mines.
26 Assemblée générale du CCME de 1954.
27 Barjot (D.), « Un grand entrepreneur ingénieur du XIXe siècle : Hildevert Hersent (1827-1903) », L’Information Historique, 1985, n° 5, p. 177-180 ; « Les entreprises de travaux publics face à la décolonisation (1936-1956) », in Ageron (C.R.), Les Prodromes de la décolonisation de l’Empire français (1936-1956), p. 157-164 ; « Société Anonyme Hersent », Entrepreneurs et entreprises, op. cit., tome 1, p. 130-133.
28 Barjot (D.), « Contraintes et stratégies : les débuts de la Société des Grands Travaux de Marseille (1892-1914) », Provence historique, fasc. 162, 1990, p. 381-401 ; « L’électricité, marché porteur : le cas des Grands Travaux de Marseille (1897-1939) », in Cardot (F.), Des entreprises pour produire de l’électricité. Le génie civil, la construction électrique, les installateurs, Paris, PUF, 1988, p. 91-109 ; « Société des Grands Travaux de Marseille », Entrepreneurs et Entreprises, op. cil, tome 1, p. 117-121.
29 Barjot (D.), « Une réussite à valeur de symbole : Génissiat (1937-1949) », in Cardot (F.), La France des électriciens, Paris, PUF, 1986, p. 63-78.
30 « UTE. Union de Travaux et d’Entreprises », Entrepreneurs et entreprises, op. cit., tome 2, 1957, p. 171-174.
31 Barjot (D.), « L’Analyse comptable : un instrument pour l’histoire des entreprises. La Société Générale d’Entreprises », Histoire, économie et société, 1982, n° 1, p. 145-168 ; « Un grand patron : Alexandre Giros (1870-1937) », Bull, d’histoire de l’électricité, n° 10, décembre 1987, p. 49-68. Ribeill (G.), Evolution technique et organisationnelle dans le bâtiment : SGE, Noisy-le-Sec, Certes-ENPC, 1986, 60 p. Société Générale d’Entreprises (1908-1958). Ouvrage du cinquantenaire, Paris, 1958, 50 p.
32 Barjot (D.), Fougerolle. Deux siècles de savoir-faire, Caen, 1992, 288 p. « Entreprise Fougerolle pour Travaux Publics », Entrepreneurs et entreprises, op. cit., vol. 1, p. 96-99.
33 « Entreprises Campenon Bernard », ibidem, p. 34-38. Entreprises Campenon Bernard, Historique. Références, Paris, Sapho, 1951, 132 p. Entreprises Campenon Bernard, Historique, Imprimerie de Bobigny, 1963, 102 p. Voldman (D.), Histoire de l’entreprise de BTP Campenon Bernard 1920-1975, Paris, 1987, 89 p. dactyl.
34 Caila (P.), Mémoires d’une entreprise, la Compagnie Industrielle de Travaux (1949-1972). De la transformation du département travaux publics de Schneider à l’insertion dans un grand groupe SPIE-Batignolles, mémoire de maîtrise, Dir. F. Caron et D. Barjot, Université de Paris IV-Sorbonne, 1990, 251 p.
35 Barjot (D.), « Croissance du marché et stratégie des firmes : le cas des travaux publics (1945-1960), Études & documents. Comité pour l’Histoire économique et financière de la France, n° III, 1991, p. 405-418. « Entreprises Métropolitaines et Coloniales », Entrepreneurs et entreprises, op. cit., tome 1, p. 91-95.
36 Barjot (D.), avec la collaboration de P.P. Heiser, R. Molay et H. Solomondis, « L’ascension d’une entreprise familiale : Dumez (1890-1990) », Culture technique, n° 26, 1992, p. 72-80.
37 Né en 1903 et toujours en vie.
38 « Entreprise Caroni », Entrepreneurs et entreprises, op. cit., tome 1, p. 39-41.
39 Jean Lefèbvre. Une entreprise et son histoire, Paris, Nathan, 1988, 190 p.
40 Les fillers sont des constituants pulvérulents qui confèrent aux agrégats de gravier et de sable formant la base des revêtements routiers la cohésion indispensable à leur utilisation. Ils permettent entre autres de limiter les « ressuages », ces plaques noires qui apparaissent sur les routes sous l’effet conjugué de la chaleur et de la circulation. Les fillers autorisent encore un meilleur accrochage des gravillons et réduisent ainsi beaucoup les risques de projection de gravillons.
41 Jayat (M.), Histoire d’un installateur électrique : Trindel, mémoire de maîtrise, Dir. F. Caron et D. Barjot, Université de Paris IV-Sorbonne, 1990, 162 p.
42 « Cinquante ans au service de la route », Revue générale des routes, n° spécial du cinquantenaire, n° 520, 1976, 270 p.
43 Il s’agissait de wagons-scrapers, montés sur roues et munis d’une benne mobile avec vidange vers l’avant.
44 « Société Anonyme Ossude », Entrepreneurs et entreprises, op. cit., tome 1, p. 162-165.
45 « Entreprises Razel Frères », ibidem, p. 166-168.
46 « Chantiers Modernes, ibidem, tome 2, p. 44-47. « Hubert Touya », CM-Actualités, juin 1984, 50 p.
47 « Les stratégies des groupes de travaux publics », in Voldman (D.) ed., Région parisienne, approche d’une notion 1860-1980, Les Cahiers de l’IHTP, n° 12, octobre 1989, p. 105-116.
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Le Plan Marshall et le relèvement économique de l’Europe
Ce livre est cité par
- Brunier, Sylvain. (2018) Le bonheur dans la modernité. DOI: 10.4000/books.enseditions.8663
- Bossuat, Gérard. (2001) Les aides américaines économiques et militaires à la France, 1938-1960. DOI: 10.4000/books.igpde.2052
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- Loison, Marie-Claire. Berrier-Lucas, Celine. Pezet, Anne. (2020) Corporate social responsibility before CSR: Practices at Aluminium du Cameroun (Alucam) from the 1950s to the 1980s. Business History, 62. DOI: 10.1080/00076791.2018.1427070
Le Plan Marshall et le relèvement économique de l’Europe
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