Quatrième débat sous la presidence de Jean-Noël Jeanneney
p. 647-654
Texte intégral
Jean-Noël Jeanneney
1N’ayant pas lu comme vous les rapports, je suis un peu surpris, considérant le titre du rapport de synthèse : « La direction du Budget, les ministres et l’Administration », de constater que les ministres sont largement absents, sauf Maurice Petsche qui est cité. Est-ce un choix délibéré de votre part ?
Michel Margairaz
2J’ai un peu sacrifié les ministres dans la mesure où je pensais qu’ils auraient été abordés ce matin, donc par souci d’éviter les répétitions. Je vous prie de m’en excuser.
François Bloch-Lainé
3Je pense qu’il faut que les historiens se méfient un peu de ce que peuvent dire, près d’un demi-siècle après, des vieillards attendris, mais en tant que tel je tiens tout de même à dire que le souvenir que l’on conserve et que ravivent les propos qui viennent d’être tenus est celui d’une entente, celui d’une entente qui était certainement facilitée par l’amitié mais aussi par le fait que nous déjeunions une fois par semaine ensemble, Guillaume Guindey, vous Roger, et moi.
4Passant de cet attendrissement à des questions concrètes je dirai que ce qui pouvait nous séparer c’était à la fois des questions d’influence et des questions de responsabilité. Je ne suis pas sûr qu’on ait mis suffisamment l’accent sur le fait que la différence fondamentale entre les dépenses budgétaires et les dépenses d’investissements c’est que les unes étaient couvertes par des impôts dont le directeur du Trésor n’avait pas la responsabilité, et les autres par des recettes de trésorerie qui lui créaient un cauchemar quotidien. Par conséquent, il s’agissait, – et là le second secrétaire, dans l’ordre historique, de la commission des investissements a certainement des choses à dire – de maintenir cette entente, moins parce qu’il y avait conflit d’influence que parce qu’il y avait différence de responsabilité.
Roger Goetze
5Nous avions surtout beaucoup de points communs.
6Mais ce que je voudrais surtout rappeler, c’est qu’on parle toujours de cette période 1949-1956 où j’ai été directeur du Budget, peut-être faut-il quand même penser que j’avais des antécédents et que ces antécédents peuvent expliquer certaines choses. Jusqu’en 1949 j’étais directeur des Finances d’Algérie et comme directeur des Finances d’Algérie j’avais toutes les attributions d’un ministère, évidemment l’Algérie n’était pas la France bien entendu. Quand est arrivé le débarquement américain, à la suite duquel j’ai été nommé justement directeur des Finances, l’Algérie n’avait pas grand-chose du point de vue institutionnel, j’ai donc dû, là-bas en Algérie, inventer un certain nombre de choses, réfléchir au-delà des problèmes purement budgétaires.
7Ensuite, on oublie peut-être que, en 1945, j’ai été le directeur de cabinet de Mendès France et participé ainsi à la création du ministère de l’Économie nationale, ce qui peut expliquer en particulier que les positions de la direction du Budget aient été plus souples à l’égard de l’INSEE notamment, dont j’avais été, en tant que directeur de cabinet de Mendès France un des grands promoteurs. Il en est resté quelque chose lorsque je suis arrivé à la tête de la direction du Budget et ceci explique aussi mon attitude en matière d’investissements.
8J’avais posé une règle, je m’étais imposé une règle en Algérie, qui était de ne financer par l’emprunt que les investissements qualifiés de productifs et non pas les investissements généraux, les investissements d’ordre administratif qui étaient en Algérie financés par l’impôt. Ceux-ci n’étaient pas très importants il faut dire. Ceci explique certaines attitudes de la direction du Budget.
9La grande sympathie que j’ai toujours eue à la fois pour François Bloch-Lainé et pour Pierre-Paul Schweitzer qui lui a succédé au Trésor avant que je ne parte du Budget explique aussi que les relations entre les deux directions n’ont jamais pris de caractère disons aigu. Nous savions que nous avions un même parti à tirer de l’ensemble des ressources que pouvait se procurer l’État, que nous considérions je crois l’un comme l’autre comme devant faciliter les investissements, c’est-à-dire ceux qui pouvaient provoquer un développement économique, plus que les investissements, nécessaires, mais administratifs.
10Bloch-Lainé ayant pris l’initiative alors que j’étais encore en Algérie de faire le Service des études économiques et financières, le SEEF, de Claude Gruson, il est tout à fait normal que par la suite les services de Gruson aient été utilisés par la direction du Budget comme par la direction du Trésor.
11Inversement la direction du Budget a fait réintégrer dans les documents budgétaires, sous forme du fameux titre VIII les comptes spéciaux du Trésor dont la direction du Trésor fournissait les éléments et que la direction du Budget intégrait dans le budget. Mais au moment des discussions devant le Parlement c’était un administrateur du Trésor qui était là à côté de l’administrateur du Budget qui lui rappelait le respect des règlements budgétaires du décret de 1956.
12Ainsi ces relations entre les deux directions ne posent pas de problème.
Dominique Boyer
13Puisque mon ancien directeur m’y a invité tout à l’heure, je voudrais dire quelques mots pour confirmer à la fois l’impression générale que M. Margairaz a donnée des relations entre la direction du Trésor et la direction du Budget et les propos de M. Goetze et de M. Bloch-Lainé.
14D’abord dans la mécanique courante, on peut dire que les choses ont pris leur place naturellement. Chacun a joué son rôle, la direction du Trésor ayant le secrétariat de la commission des investissements et la direction du Budget s’équipant progressivement pour pouvoir traiter des problèmes qui n’étaient pas directement de la compétence du fameux bureau B2.
15Mais je crois ce qu’il faut surtout marquer, c’est que l’essentiel ne résidait pas dans un problème de conflit ou de rapport entre le Budget et le Trésor. S’il pouvait y avoir conflit intellectuel ou pratique c’était plutôt entre, d’une part, le Commissariat du plan et les ministères techniques et d’autre part la Banque de France et les autorités monétaires. En effet tout ce qui n’était pas financé par l’impôt et relevant donc de la direction du Budget, était financé sur ressources monétaires. Il fallait veiller, c’était une des préoccupations fondamentales du Trésor, à ce qu’il n’en résulte pas un affaiblissement de la monnaie, une augmentation des prix etc., et toute une dégradation de la situation d’ensemble du pays.
16Cet arbitrage entre l’intérêt des investissements à financer au-delà du budget et la prudence à avoir en matière de financement monétaire, c’est ce qu’un jour M. Petsche a baptisé du nom d’impasse : impasse au sens du bridge beaucoup plus qu’au sens de la voirie, c’est-à-dire qu’une impasse de voirie c’est quelque chose qu’il vaut mieux ne pas prendre si on veut avancer alors que de bons joueurs de bridge savent faire l’impasse qu’il faut pour sortir d’une situation difficile, et c’est dans ce sens-là que M. Petsche avait inventé ce terme qui a été beaucoup utilisé depuis. Il s’agissait d’évaluer si la partie non couverte par des ressources à peu près assurées, qu’elles soient fiscales ou qu’elles soient d’une marge d’emprunt raisonnable compte tenu de la croissance escomptée, pourrait être financée par des ressources de court terme non inflationnistes ou non trop inflationnistes.
17Autrement dit, il nous était relativement facile de nous entendre avec nos collègues du Budget sur la façon de procéder. Il y a eu peut-être quelquefois des divergences de caractère tactique, mais l’objectif était surtout que les finances françaises dans l’ensemble puissent concilier de la façon la plus intelligente possible la nécessité de reconstruction et de modernisation d’une part et le souci de ne pas détruire la valeur du franc d’autre part. Voilà, me semble-t-il, la chose importante et tout le reste ce sont des mécanismes destinés à éviter les conflits ou à trouver des solutions intelligentes auxquelles les uns et les autres coopèrent dans l’exécution.
18Il faut bien voir aussi que du côté des investissements il y avait une difficulté aussi entre le Commissariat au plan d’une part et chacun des ministères techniques et chacune des grandes entreprises nationales d’autre part parce que chacun de ces organes avait sa vie propre, ses ambitions propres. Le Plan a servi à canaliser un petit peu tout ça, à le hiérarchiser. Ensuite il a fallu, entre les demandes du Plan qui elles-mêmes correspondaient déjà à un tri parmi les demandes des acteurs de base et les possibilités de l’économie et de la monnaie française, un arbitrage de la commission des investissements à laquelle les ministres ont généralement participé eux-mêmes. Ils ont donc joué un rôle dans cette affaire, et je me souviens de prises de bec entre M. Petsche et M. Monnet qui étaient tout à fait intéressantes à voir se dérouler. Et M. Edgar Faure également a été présent dans tous ces débats.
René Magniez
19Premier problème : le Service des études économiques et financières et la direction du Budget. Trois étapes, la première, avant l’arrivée de M. Goetze. Il faut l’avouer, il faut le reconnaître, nous ne donnions au SEEF les chiffres du budget que quelques jours seulement avant la sortie du budget, c’était ainsi, j’en étais étonné mais j’ai bien dû me plier aux règles qui m’étaient données. Tout à l’heure, vous vous êtes étendu sur ce qu’avait apporté M. Goetze avec le fameux bureau B1, je dis fameux puisqu’on en a parlé tout à l’heure, et par conséquent un progrès a été fait. Mais il restait une lacune, c’est que si les relations entre le bureau B1 et le SEEF étaient excellentes, les relations entre chacun des administrateurs de la 3e et de la 4e sous-direction du Budget et le SEEF n’étaient point bonnes encore. Au-delà, de la période que nous examinons, il s’est trouvé qu’à la tête du SEEF est arrivé Serisé, qui était un ami, moi-même étant alors sous-directeur de la 1re sous-direction. Nous ne pouvions pas accepter que les fonctionnaires du SEEF aient une piètre idée des connaissances économiques de leurs collègues du Budget et que ceux-ci soient d’avis que leurs collègues du SEEF manquaient totalement de réalisme. Nous avons donc décidé tous les deux de réunir les membres du SEEF et ceux du Budget, un par un, chacun ayant un domaine précis, et ils se sont affrontés devant nous. Tout s’est très bien passé, après quoi ceux du Budget n’ont plus eu le même sentiment vis-à-vis de leurs camarades du SEEF et inversement. C’étaient les trois étapes que je voulais marquer. Ainsi nous avons pris en main, si je puis dire, Serise et moi, l’héritage de M. Goetze. Nous avons fait en sorte que ceci devienne une réalité.
20Deuxième problème, l’INSEE. Ce n’est pas seulement l’INSEE, c’est aussi les Prix, ce sont tous ces services qui étaient dans un budget à part et il faut bien dire qu’en dépit des efforts de M. Goetze il y avait dans l’esprit de chacun de ceux de la rue de Rivoli : nous, nous sommes la rue de Rivoli, eux c’est le quai Branly. Il en résultait que les fonctionnaires du quai Branly éprouvaient quelque difficulté à venir défendre leur budget devant la direction du Budget. S’ajoutait à celà que nous avons eu souvent en face de nous des directeurs de l’INSEE brillants mais peu combatifs.
21Lorsque nous avons eu enfin devant nous un directeur sachant défendre son point de vue, l’INSEE a obtenu les crédits qu’il souhaitait avoir.
22Troisième point : Gilbert Devaux et la culture Comptabilité publique. Loin de moi l’idée de mettre en doute l’intelligence de M. Devaux, mais je dois préciser que lorsqu’il est arrivé à la direction du Budget il en ignorait les règles et les usages. Il va de soi que son apprentissage a été de courte durée. Son livre est passé quelque peu inaperçu par rapport à ce qu’il a fait comme directeur du Budget. En revanche, le comptable qu’il était s’est manifesté de manière éclatante dans l’ordonnance de 1959, cette ordonnance qu’il a faite seul. Certes il y avait quelques points qu’il fallait revoir par rapport au décret de 1956, non que celui-ci fût mauvais mais simplement parce qu’on s’est aperçu qu’il y avait un problème. Par exemple fallait-il attendre le 1er novembre pour déposer le budget de l’État ? On a dit : « ce sera le premier mardi d’octobre ». Il fallait le faire. Par contre je dois dire que les fonctionnaires de la direction du Budget ont mal réagi, – même s’ils étaient d’accord avec M. Devaux pour dire que le budget n’est pas un acte, comme c’était dit dans le décret de 1862 – lorsqu’ils ont lu que le budget de l’État était un ensemble de comptes. Et en fait, lorsque vous avez une discussion budgétaire devant le Parlement, allez dire à des parlementaires qu’ils vont examiner un ensemble de comptes, ils ne comprendront pas ; ils examinent un budget, c’est-à-dire celui dont on a parlé dans le décret de 1956.
Laure Quennouëlle
23On ne peut pas vraiment, quand on fait l’analyse comparative entre différentes directions du ministère, les considérer comme des blocs monolithiques. C’est ce qui est ressorti souvent dans les témoignages oraux que j’ai exploités. D’une part, forcément, le discours des directeurs est beaucoup plus consensuel que celui des rédacteurs ou des chefs de bureau, notamment en ce qui concerne les relations entre le Trésor et le Budget, là je l’ai vraiment constaté dans l’exploitation fine des entretiens oraux. D’autre part on ne peut pas juger d’une convergence ou d’une culture d’une direction à partir du seul point de vue du directeur, je pense qu’il y a des décalages entre les différents bureaux, et qu’entre B2 et C3 au Budget, par exemple, il n’y a pas forcément les mêmes points de vue.
Paul Schwall
24Le directeur du Budget, ce matin, a fait référence à l’image fidèle en rappelant que c’est la notion fondamentale du nouveau plan comptable et il a associé le présent au passé, ce qui m’encourage à évoquer un sujet du passé qui est peut-être actuel et même très actuel.
25Dans les années cinquante, il y avait au budget une ligne « dépenses en atténuation de recettes » mais il n’y avait pas une ligne symétrique « recettes en atténuation de dépenses ». Or théoriquement une telle ligne pourrait et devrait enregistrer les recettes induites par les créations d’emplois, ne serait-ce que la contribution sociale de l’État mais aussi celle des personnels, et pourquoi pas avec un modèle de la comptabilité nationale les estimations, même très approximatives à prix globalisés, des recettes induites escomptables en TVA, en impôt sur le revenu, etc. Cela ne pourrait être valable que la première année, lorsque la mesure nouvelle simule l’incidence budgétaire. L’année suivante bien sûr l’image simulée fait place à une image réelle des recettes et des dépenses. Mais même très limité à la première année, même très imparfait, très dérisoire à la limite au regard du caractère très évaluatif des masses de recettes, il serait au moins symboliquement très fort de concrétiser les propos répétés à satiété, à savoir que la charge nette des créations d’emplois et les allégements nets des suppressions d’emplois sont trop imparfaitement estimés. Ce serait parer à une critique incontestablement fondée. Dans les années cinquante on n’avait pas les moyens en informatique et autres de simulation nécessaires. Les aurait-on aujourd’hui ? Je lance seulement l’idée qui me paraît très actuelle : La rattacher aux rapports du budget et de la comptabilité peut paraître un peu audacieux, mais c’est l’actualité qui à mon avis l’excusera.
Béatrice Touchelay
26À propos de l’intervention de M. René Magniez. La réputation du premier directeur général de l’INSEE, d’après les archives et d’après un certain nombre de témoignages, est celle d’un homme à poigne. F.L. Closon est un ancien commissaire de la République dans la région du Nord-Pas-de-Calais. Je crois que ce qui peut contribuer à expliquer les relations entre la direction du Budget et la direction du Trésor, le SEEF et l’INSEE entre 1946 et 1961 c’est le fait que le premier directeur général de l’INSEE n’ait pas été membre de l’Inspection générale des Finances, et qu’il n’était pas, à ce titre, intégré comme d’autres pouvaient l’être.
Philippe Masquelier
27Quitte à sortir un petit peu du propos sur l’histoire du Budget elle-même, je voudrais revenir un instant sur ce que disait M. Magniez de l’ouvrage de Gilbert Devaux qui probablement, est passé inaperçu au moment où il est paru. En réalité je voudrais simplement souligner la richesse de cet ouvrage, peut-être plus à l’intention des historiens qu’à l’intention des témoins de l’Administration ; cette richesse me paraît triple.
28La première chose, c’est que c’est un témoignage à chaud extrêmement intéressant, qui se rapproche des témoignages des archives orales, dans lequel Gilbert Devaux, avec conviction, incarne ce que pouvait penser quelqu’un qui a fait toute sa carrière à la Comptabilité publique, ce qui était son cas. À ce titre il est représentatif d’un certain état d’esprit sur lequel je ne porte, d’ailleurs, aucune forme de jugement.
29En deuxième lieu, ce qui est intéressant dans son ouvrage c’est qu’il propose une approche de l’histoire de l’Administration en termes de méthodes, et là, je crois qu’il peut fournir à l’historien, en analysant finement son texte, des clés d’interprétation de l’histoire de l’Administration qui est un sujet qui reste pour une bonne part à défricher. Et je dirai que très curieusement, mais là je laisse chacun regarder les textes, on s’aperçoit qu’il répond implicitement, et avec quarante ans d’avance, aux quatre impératifs que je ne citerai pas pour ne pas être long, dégagés par Pierre Rosanvallon dans « L’État en France de 1789 à nos jours ». Je trouve que ce point mérite d’être souligné et qu’il y a peut-être là une piste sur la méthode, sur l’outil de recherche que propose Gilbert Devaux.
30Troisième élément de richesse, c’est la multitude de problématiques que soulève Gilbert Devaux à partir du point de vue « Comptabilité publique ». Il est manifeste que ces problématiques à l’époque étaient passées complètement au second plan. Je ne sais pas si elles sont revenues au premier plan ou si elles ont complètement disparu. Il met notamment en avant une problématique que je crois intéressante pour l’histoire de la direction du Budget, c’est la contradiction qu’il décèle entre la règle financière et le progrès technique. Je ne peux que vous renvoyer au texte, il y en a 300 pages, mais c’est un thème récurrent de Gilbert Devaux et je me demande s’il n’y a pas là une piste à explorer pour les historiens.
Lucile Tallineau
31Je voudrais répondre à M. René Magniez et tout d’abord le remercier de sa contribution, dans la mesure où j’ai trouvé ce qu’il a écrit sur l’ordonnance de 1959 tout à fait intéressant et cela m’a beaucoup aidé. En particulier, j’ai apprécié sa critique de la notion de compte utilisée dans l’ordonnance de 1959 dont j’apprends finalement qu’il s’agit là de la touche personnelle de M. Gilbert Devaux.
32Or, en tant que professeur de finances publiques, je dois dire que j’ai toujours eu beaucoup de difficultés à faire comprendre aux étudiants la formulation utilisée dans l’article 16 de ladite ordonnance. Cette assimilation du « budget » à un « compte » ne correspond pas au bel édifice législatif décrit dans les articles 1 et 2.
33Les universitaires ont cherché une cohérence entre les articles 1, 2 et 16 de l’ordonnance de 1959. En fait il n’y en a pas. Et je suis très heureuse de le voir confirmer.
34Malheureusement, le Conseil constitutionnel, en appliquant le principe d’unité, se fonde sur l’article 16 et la notion de compte. Alors on n’a pas fini d’en reparler.
Florence Descamps
35M. Goetze, lorsque vous êtes de 1945 à 1949 directeur des Finances de l’Algérie, comme vous l’avez dit vous-même, vous êtes grosso modo ministre des Finances de l’Algérie et vous avez donc sous votre haute main les services fiscaux et la politique fiscale de l’Algérie. Lorsque vous devenez directeur du Budget en 1949, vous n’avez plus en théorie de compétence fiscale. Est-ce que dans le cadre de l’élaboration de la loi de finances, la direction du Budget a les moyens de procéder à une évaluation propre des ressources fiscales ou est-elle dépendante de la DGI dans ce domaine, où sont menées par ailleurs dans la même période des réformes importantes ? La direction du Budget a-t-elle une vision propre de la politique fiscale à mener ? Si oui, a-t-elle la possibilité de suggérer des mesures dans ce domaine ? Et pour terminer quels étaient les liens entre la direction du Budget et la direction générale des Impôts dont on n’a pas beaucoup parlé aujourd’hui.
Roger Goetze
36La direction du Budget avait une personne qui était particulièrement compétente dans les évaluations, c’est M. Rossard qui est ici présent. C’est lui qui représentait au début ce qu’on appelait le bureau B1 justement. Comme c’était la direction du Budget qui était responsable des évaluations qui figuraient dans le Budget, je dois dire que c’étaient les évaluations de M. Rossard qui étaient retenues mais c’était à un moment où la direction générale des Impôts d’ailleurs n’existait pas encore. Autant que je me souvienne, il y avait le Service de législation fiscale. La direction du Budget n’a jamais eu de politique fiscale. Elle n’a jamais donné d’idées spéciales, sauf peut-être dans des entretiens privés, mais enfin je ne crois pas qu’elle ait donné des idées sur la façon dont il fallait partager l’impôt entre la TVA et les impôts sur le revenu par exemple.
Jean Rossard
37En effet, je me suis occupé assez longtemps, sous l’autorité de M. Goetze, de l’évaluation des recettes budgétaires et je confirme tout à fait ce qu’il a dit. Les évaluations qui étaient retenues dans la loi de finances puisque, de surcroît je m’occupais des lois de finances, étaient les évaluations de la direction du Budget. Alors sur l’influence que pouvait avoir la direction du Budget sur les recettes, sur le choix des recettes, c’était évidemment une influence limitée parce que c’est un problème de politique financière générale et la direction générale des Douanes et Droits indirects et les autres directions responsables de la recette avaient évidemment un rôle important à jouer. Ce qui nous intéressait nous, c’était l’équilibre d’ensemble et la manière dont les choses se passaient. Et c’est au point de vue de l’équilibre peut-être que nous avons pu jouer un rôle dans l’élaboration des projets de lois de finances du côté recettes.
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