Les ingénieurs du corps des Mines dans les entreprises au XXe siècle
p. 183-198
Texte intégral
1Cette contribution vise à étudier les carrières des ingénieurs du corps des Mines dans les entreprises au sens large dans la longue durée du xxe siècle, ce que l’on appelle donc généralement le phénomène du « pantouflage ». Elle s’inscrit dans le prolongement de la grande thèse d’André Thépot, qui avait fait un inventaire systématique des « congés » dans l’industrie jusqu’au début des années 19201. Pour la période ultérieure, on n’a pas d’étude systématique, seulement des études déjà anciennes de sociologues, comme celle d’Erhard Friedberg et Dominique Desjeux, qui se contentent d’indiquer une répartition des ingénieurs par grands secteurs d’affectations (fonction publique, secteur public ou parapublic, secteur privé) en 1949, 1961 et 19702, ou encore Élie Cohen, qui se livre à une réflexion intéressante sur les liens entre appartenance au corps des Mines et performances industrielles3. Plus récemment, Alain Beltran a livré une excellente synthèse du phénomène pour la période de l’après-guerre, mais sans produire de données statistiques nouvelles4.
2Il s’agit d’abord ici de mesurer l’ampleur globale du pantouflage dans toutes ses dimensions, carrière en entreprise privée ou publique, durable ou éphémère, quel que soit le statut vis-à-vis de l’administration d’origine (congé, mais aussi détachement, démission ou retraite) et quelle que soit la fonction en entreprise (mandataire social ou cadre salarié), à condition qu’elle soit exercée à titre principal, pas dans le prolongement d’une fonction administrative (cas des fonctionnaires désignés administrateurs d’entreprises à participation publique). Comment le phénomène évolue-t-il dans le temps ? Vers quels secteurs et entreprises est-il dirigé ? Quelle est la part des entreprises publiques ? Quels sont les liens avec l’évolution des fonctions administratives du corps et sa pénétration de nouveaux secteurs ? Les questions portent aussi sur les conditions du passage en entreprise pour un haut fonctionnaire. À quel stade de la carrière intervient-il ? Existe-t-il des filières privilégiées ? Est-il définitif ? L’aspect le plus nouveau est aussi de ne pas étudier les pantouflages simplement du point de vue des administrations, mais également de celui des firmes. Comment s’effectuent les recrutements en entreprises ? À quels postes les ingénieurs des Mines sont-ils recrutés ? Quel est leur degré de réussite ? Ont-ils tous vocation à devenir des patrons, ou du moins des cadres dirigeants, ou existe-t-il d’autres filières plus techniques ?
Le corpus étudié
3Il comprend l’ensemble des ingénieurs du corps des Mines recrutés par la filière initiale5, devenus ingénieurs élèves à l’École supérieure des mines de Paris de 1870 à 1969, soit 643 individus. Remonter à 1870 permet d’intégrer tous les pantouflages depuis la seconde industrialisation. S’arrêter en 1969 limite l’étude à ceux dont la carrière est presque achevée aujourd’hui, à 60 ans passés (le plus jeune est né en 1948). Par ailleurs, on a ainsi une population homogène sortie de la seule École polytechnique6, et donc exclusivement masculine, puisque cette école militaire n’est ouverte aux femmes qu’en 19727. Le recrutement est toutefois légèrement déséquilibré dans le temps : la moyenne double de cinq ingénieurs par an jusqu’en 1944 – avec des promotions qui varient, sauf les périodes particulières des guerres et après-guerre, de deux à sept – à une dizaine ensuite jusqu’en 1969 ; près de 40 % des ingénieurs étudiés appartiennent donc aux vingt-cinq dernières promotions. Cette augmentation ne remet pas en cause l’élitisme du recrutement tout au long de la période étudiée : le corps des Mines a, depuis les années 1850, définitivement installé sa suprématie par rapport aux autres débouchés à la sortie de Polytechnique, et en particulier celui du corps des Ponts et Chaussées. Tous les majors de l’X ont intégré le corps, et la plupart des suivants au classement qui en ont la possibilité le font. Seule la filière spécifique des mines coloniales (55 ingénieurs des promotions 1912 à 1955 de l’X) est un peu moins attractive ; nombreux sont les polytechniciens à préférer renoncer au corps des Mines pour rester en métropole ; ceux qui l’intègrent sont donc légèrement en retrait au classement, jusqu’à la trentième, voire quarantième place parfois. Après quelques années de services coloniaux, ils ont pourtant la possibilité de réintégrer la métropole, où beaucoup font d’ailleurs, à l’image de Pierre Guillaumat (X-1928, sorti 10e), de belles carrières.
Les sources
4Les ingénieurs sont d’abord identifiés par promotions, jusqu’en 1934, d’après le recensement effectué sur les pages « archives » du site des Annales des mines8 ; les promotions ultérieures ont été reconstituées à partir des éditions successives de l’annuaire du corps. Les carrières en entreprises ont été repérées par un dépouillement systématique de la rubrique « Personnel » des Annales des mines. Partie administrative à partir de 1880, qui comporte, jusqu’en 1970, l’indication des autorisations de détachement ou de congé en entreprises. Pour la période ultérieure, les éditions successives des annuaires du corps donnent des informations sur les ingénieurs « hors de l’administration » et, à partir de 1996, elles comportent des notices biographiques généralement assez complètes sur les carrières de l’ensemble des membres et anciens membres du corps vivants. Ces informations ont été complétées par celles fournies par les éditions successives des annuaires de l’École polytechnique, ainsi que, pour les promotions jusqu’à la fin des années trente, par la base en ligne « La famille polytechnicienne9 ». Différents annuaires biographiques ont également été utilisés, notamment ceux rassemblés dans les Archives biographiques françaises de l’éditeur allemand Saur10, et, à partir des années cinquante, les éditions successives du Who’s who in France11. Des dossiers personnels d’ingénieurs pantoufleurs ont été également, dans la limite des délais légaux, raccourcis par la nouvelle loi de 2008 sur les archives, consultés12. La presse d’information générale et d’affaires constitue une source précieuse pour reconstituer les carrières, au moins dans la période récente. De nombreuses monographies d’entreprises ou études de branches apportent de riches informations, même si les auteurs assimilent parfois abusivement des ingénieurs civils des Mines, notamment ceux passés au préalable par Polytechnique, à des membres du corps13. Cette étude s’inscrit dans des recherches menées depuis plus de vingt ans sur les dirigeants des grandes entreprises françaises14. Des entretiens avaient notamment été effectués en 1988-1989 avec quelques anciens ingénieurs des Mines devenus patrons, aujourd’hui décédés pour la plupart15. Les mémoires de Roger Martin16 ou le témoignage de Henri Malcor17, recueilli par deux chercheurs, sont également très riches d’informations.
L’ampleur considérable du phénomène
5En tout, ce sont 398 X-Mines, soit 62 % de l’ensemble, qui ont travaillé, au moins à un moment donné de leur carrière avant 60 ans18, à titre principal pour une entreprise, comme cadre salarié ou dirigeant mandataire social. La définition adoptée ici de l’entreprise est large, dans la mesure où elle intègre les entreprises et établissements publics qui ont une activité industrielle ou commerciale, susceptible d’avoir été auparavant (cas de la SNCF, d’EDF, de GDF ou des Charbonnages de France, issus de la nationalisation de leur branche) ou ensuite (cas des sociétés nationales pétrolières intégrées ensuite à Elf-Aquitaine ou à Total, privatisées) dans un cadre privé. En revanche, ne sont pas comptabilisés des détachements dans des établissements comportant également une activité de recherche, comme le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ou l’Institut français du pétrole (IFP)19.
6Ce qui frappe, c’est la constance du phénomène dans l’ensemble des promotions (tableau 1). Seule la première décennie 1870 se distingue, avec 24 % seulement des ingénieurs passés par une entreprise ; ensuite, la proportion n’est jamais inférieure à 51 % (années 1890) et atteint un maximum de 75 % (années 1930). Le pourcentage retombe légèrement autour de 60-65 % dans l’après-guerre, mais les effectifs concernés sont plus importants, avec des promotions nettement plus nombreuses.
7Il s’agit donc d’un phénomène massif, dominant, pas d’une exception. On peut même considérer qu’il s’agit d’une norme. Une carrière d’ingénieur des Mines débouche généralement dans une entreprise. Les parcours alternatifs sont minoritaires20 : ils ne sont qu’un tiers (33 %) à avoir fait une carrière administrative jusqu’au grade le plus élevé, comme inspecteur, puis ingénieur général des Mines, et encore pour un tiers à nouveau d’entre eux, sans que cela exclue d’être également passés par une entreprise. Il n’en faut, il est vrai, que quelques-uns pour gérer le corps en fin de carrière au sein du Conseil général des mines. Parmi les fonctions accessibles par simples détachements, les postes de directeurs ministériels sont souvent atteints dès la quarantaine par quelques-uns, et les autres établissements publics administratifs n’offrent qu’un nombre restreint de postes de haut niveau. Le corps serait bien embarrassé de ses membres s’ils restaient tous dans les cadres jusqu’à leur retraite. Une autre filière alternative est celle d’une carrière académique ou scientifique, comme enseignant ou à la direction des écoles des mines, comme professeur dans d’autres établissements d’enseignement supérieur, ou comme chercheur dans des établissements de recherche comme le CNRS ou le CEA, mais elle ne concerne qu’environ 10 % de la population21. Beaucoup plus marginales sont les carrières politiques plus ou moins durables (7 cas hors simples ministères « techniques » ponctuels) ou les entrées en religion (3 cas).
Tableau 1. Part des X-Mines ayant fait carrière en entreprises publiques et privées selon les promotions d’ingénieurs élèves
Promotions | Effectif | Entreprises | Entreprises publiques seulement | Entreprises privées |
1870-1879 | 34 | 24 % | 0 % | 24 % |
1880-1889 | 46 | 57 % | 9 % | 48 % |
1890-1899 | 39 | 51 % | 0 % | 51 % |
1900-1909 | 36 | 67 % | 3 % | 64 % |
1910-1919 | 60 | 63 % | 7 % | 57 % |
1920-1929 | 60 | 72 % | 13 % | 58 % |
1930-1939 | 53 | 75 % | 21 % | 55 % |
1940-1949 | 99 | 65 % | 19 % | 45 % |
1950-1959 | 106 | 65 % | 18 % | 47 % |
1960-1969 | 110 | 60 % | 15 % | 45 % |
Ensemble | 643 | 62 % | 13 % | 49 % |
8La définition retenue intègre certes les entreprises publiques, où l’affectation, sous la forme de détachement et non de congé, peut apparaître comme un simple prolongement de la carrière administrative22. Mais, d’une part, après les nationalisations de 1945 et surtout de 1982, ce secteur public intègre de nombreuses branches qui relevaient auparavant du secteur privé ; les ingénieurs des générations concernées qui y pantouflaient ont fait ainsi un retour « involontaire » dans le secteur public. D’autre part, seuls 13 % des X-Mines n’ont fait carrière qu’en entreprise publique23 et près de la moitié (49 %) a fait carrière au moins un temps dans le secteur privé (tableau 1). Ce pourcentage est d’ailleurs étonnamment stable puisque, en dehors de la décennie 1870, il ne tombe jamais en dessous de 46 %, avec un maximum de 64 % pour la décennie 1900 qui pantoufle avant les grandes vagues de nationalisation.
9Le phénomène est d’autant plus important qu’il intervient souvent très tôt dans la carrière. L’âge médian du premier passage en entreprise est de 34 ans, et, contrairement à une idée reçue, le phénomène du pantouflage précoce n’est pas récent : cet âge médian est parfaitement stable pendant l’ensemble de la période étudiée. Un nombre non négligeable de départs s’est toujours effectué très tôt, avant 30 ans, après quelques années d’activité administrative seulement, et le phénomène touche encore plus les promotions d’avant 1945 (tableau 2). L’immense majorité a lieu avant 45 ans et ils sont très peu nombreux après 50 ans. Ces départs tardifs sont d’ailleurs, pour la moitié d’entre eux, dirigés vers des entreprises publiques.
Tableau 2. Âge du premier passage en entreprise avant 60 ans selon les promotions
Promotions | – 30 ans | 30-34 ans | 35-39 ans | 40-44 ans | 45-49 ans | 50-59 ans | nsp | Total |
1870-1914 | 13 % | 45 % | 22 % | 13 % | 5 % | 2 % | 1 % | 100 % |
1918-1943 | 19 % | 36 % | 19 % | 12 % | 9 % | 5 % | 1 % | 100 % |
1944-1969 | 10 % | 38 % | 24 % | 11 % | 8 % | 6 % | 2 % | 100 % |
Ensemble | 14 % | 39 % | 21 % | 12 % | 8 % | 5 % | 1 % | 100 % |
10Dans la plupart des cas, ces départs sont définitifs. Ils ne sont, dans l’ensemble de la population, que 33 (8 % de ceux passés en entreprises) repérés pour être retournés définitivement dans l’administration avant 60 ans24, et encore, pour la moitié d’entre eux, ce retour s’effectue tardivement, à 50 ans ou plus, et, pour une autre moitié, concerne des passages en entreprises publiques qui peuvent n’avoir été qu’une étape dans une carrière administrative. Dans le secteur privé, ils sont très peu nombreux à avoir visiblement échoué, ou à ne pas avoir été satisfaits de l’expérience, pour revenir après quelques années dans l’administration ; quelques autres ont certes fait des retours provisoires non comptabilisés ici, soit qu’ils reviennent un temps pour retenter leur chance ensuite après un premier échec, soit qu’ils se voient offrir, par exemple sous Vichy, à l’image de Jean Bichelonne, secrétaire général du Commerce et de l’Industrie25, ou de Henri Lafond, secrétaire général à l’Énergie, une responsabilité politico-administrative prestigieuse (dans un cabinet ou une direction ministériel) qui explique leur retour, mais le phénomène reste marginal. Les écarts de salaires, qui motivent, à l’évidence, souvent les départs, notamment précoces26, sont rapidement tels qu’un retour définitif n’est guère envisageable. Pourtant, à la différence d’un autre grand corps comme l’Inspection des Finances, la réglementation des congés a toujours été, quels que soient ses régimes successifs, relativement libérale. Jusqu’en 1879, les congés pouvaient être accordés pour une durée illimitée après cinq années de service dans l’administration27 ; ensuite, ils ne sont en principe attribués que pour une durée de cinq ans, à condition d’être « dans l’intérêt public », mais cette clause est interprétée largement et les renouvellements sont largement accordés. Le corps est partagé entre le souci d’encadrer les congés, notamment pour éviter que des ingénieurs ne soient influencés, dans leur activité administrative, par la perspective d’une carrière dans le secteur privé ou qu’ils ne se compromettent dans des affaires financières douteuses, et la volonté de garder un lien qu’une démission viendrait rompre. Un nouveau régime, adopté en 1908-1910, donne le choix entre un congé hors cadre illimité, restreint aux entreprises « chargées de services publics » ou aux compagnies minières, et un congé de cinq ans pour convenances personnelles, permettant d’accéder à n’importe quel emploi, mais en principe non renouvelable. Les ingénieurs passés dans le privé sont alors plus nombreux à démissionner rapidement. Mais l’application des textes s’avère assez irrégulière ; la distinction entre congés hors cadre et pour convenances personnelles n’est pas très nette ; le second est souvent prolongé tacitement. En pratique, à part ceux pantouflant avant d’avoir cinq ans de services actifs, qui sont contraints à une démission immédiate mais sans frais28, les ingénieurs ont en général le temps de s’assurer une situation solide dans le secteur privé avant de quitter définitivement le corps.
Les débouchés en entreprises
11Les secteurs du pantouflage ont beaucoup évolué dans la période étudiée (tableau 3, qui prend en compte le seul premier pantouflage). Jusqu’en 1914, les pantouflages sont, pour l’essentiel, concentrés dans des secteurs précis : les chemins de fer (39 %) dominent nettement, suivi des houillères (14 %), des autres mines (14 %), de la sidérurgie (14 %) et, à un degré moindre, de la distribution d’eau, gaz et électricité (8 %). Ils s’effectuent pour l’essentiel dans des entreprises alors privées, mais dont les activités sont en relation directe avec les missions traditionnelles de contrôle du corps, relevant pour l’essentiel du régime de la concession. Après 1919, le chemin de fer chute (13 %), la sidérurgie (10 %) et l’eau-gaz-électricité (5 %) régressent, mais de nouveaux débouchés apparaissent : la métallurgie, notamment non-ferreuse (11 %), le pétrole (10 %) et la chimie (10 %). Dans la période 1944-1973, le chemin de fer, réduit à la seule SNCF, s’effondre (2 %) ; les autres débouchés traditionnels stagnent ; seul le pétrole croît nettement (19 %), alors que les banques (8 %) et la catégorie résiduelle (12 %) émergent. Dans la dernière période (1974-200029), les houillères, les mines ou la sidérurgie chutent également ; la construction mécanique progresse fortement avec l’automobile et l’aéronautique (15 %), et, surtout, les autres branches s’envolent (32 %). Dans cette dernière catégorie, on trouve le nucléaire – une activité nouvelle du corps des Mines, dans le prolongement de son investissement au CEA –, les matériaux de construction (ciments, verre), mais aussi la construction électrique, l’industrie agroalimentaire, les services informatiques, etc. Les pantouflages dans l’industrie de consommation, sans lien évident avec l’activité administrative, qui, dans la période antérieure, reposaient souvent sur des contraintes familiales (fils ou gendres amenés à reprendre l’entreprise), deviennent plus fréquents. Le corps des Mines a compensé la disparition (houillères), le déclin (chimie, métallurgie) ou la concentration des firmes (sidérurgie, pétrole) par une polyvalence qui l’amène à ne plus avoir de véritable secteur de prédilection.
Tableau 3. Répartition par secteurs du premier pantouflage en fonction de la période (en %)
Secteurs | 1879-1914 | 1919-1943 | 1944-1973 | 1974-2000 |
Chemins de fer | 39 % | 13 % | 2 % | 1 % |
Houillères | 14 % | 15 % | 13 % | 4 % |
Autres mines* | 14 % | 14 % | 9 % | 5 % |
Sidérurgie | 14 % | 10 % | 12 % | 4 % |
Métallurgie | 2 % | 11 % | 5 % | 1 % |
Eaux gaz électricité | 8 % | 5 % | 5 % | 11 % |
Chimie | 0 % | 10 % | 9 % | 5 % |
Pétrole | 0 % | 10 % | 19 % | 13 % |
Construction mécanique** | 2 % | 3 % | 5 % | 15 % |
Banques | 3 % | 6 % | 8 % | 8 % |
Autres | 5 % | 4 % | 13 % | 32 % |
Ensemble | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
12Ces évolutions relatives doivent cependant être relativisées en effectifs absolus, surtout si l’on tient compte de l’ensemble des éventuels pantouflages successifs (tableau 4). Si les chemins de fer s’effondrent nettement avec la nationalisation, les houillères se maintiennent mieux et le gaz-électricité progresse même. Le nombre de passages par le secteur pétrolier est particulièrement élevé.
13Les X-Mines ont des débouchés traditionnels dans un certain nombre de grandes entreprises. On les retrouve dans des compagnies houillères privées (Anzin, Lens, Grand’Combe, Courrières, etc.), mais pas dans toutes. Ils sont ensuite nombreux aux Charbonnages de France (32, sans compter la filiale chimique). Ils vont dans la potasse d’Alsace et dans les mines coloniales (Mokta-el-Hadid, Gafsa, etc.). Ils sont plus nombreux à passer par EDF (16) ou GDF (10) que dans les anciennes compagnies privées. Dans la sidérurgie, ils sont à peu près partout, sauf chez Wendel, où la famille semble s’en méfier30. Dans la métallurgie, Pechiney (16), Ugine (5) ou Peñarroya (6) constituent, à partir des années 1920, des débouchés privilégiés. Dans la chimie, ils sont plutôt dans la chimie minérale (Kuhlmann, Saint-Gobain, Nobel) qu’organique (Rhône-Poulenc, Roussel-Uclaf). Dans le pétrole, ils sont dans le secteur public (Société nationale des pétroles d’Aquitaine, Régie autonome des pétroles, etc.), mixte (CFP) ou même étranger (BP France), mais pas dans le secteur privé national (Desmarais, Pechelbronn). Dans la construction électrique, ils ne sont présents que de manière tardive et restreinte chez Thomson (5) ou à la Compagnie générale d’électricité (6). De même, leur modeste implantation dans l’industrie automobile, chez Peugeot (3) et Renault (6), ne commence respectivement qu’en 1968 et 1974. Dans les banques, ils sont surtout présents dans les banques d’affaires, comme Lazard (4) ou Paribas (8), mais aussi dans les grandes banques de dépôts nationalisées en 1945, comme la Société générale (4) ou le Crédit lyonnais (4).
Tableau 4. Principaux secteurs de pantouflages successifs selon les promotions (en effectifs absolus)
Secteurs | 1870-1914 | 1918-1943 | 1944-1969 |
Chemins de fer | 24 | 12 | 4 |
Houillères | 21 | 24 | 13 |
Autres mines | 16 | 25 | 15 |
Sidérurgie | 17 | 20 | 15 |
Eau-gaz-électricité | 11 | 5 | 17 |
Chimie | 5 | 12 | 23 |
Pétrole | 3 | 21 | 33 |
Banque | 7 | 10 | 19 |
(Ensemble des pantouflages) | (101) | (129) | (198) |
14Les X-Mines ne sont pas non plus, à quelques exceptions près (Charles Ledoux chez Peñarroya, Auguste Rateau ou Conrad Schlumberger, par exemple), des créateurs de leurs propres affaires ; ils vont plutôt dans des entreprises déjà établies, prenant souvent la succession des premières générations de fondateurs.
Recrutements et réussites en entreprise
15Les recrutements dans les grandes entreprises industrielles s’effectuaient traditionnellement de manière organisée. Un X-Mines était recruté par génération, tous les dix ou vingt ans, par des contacts établis au plus haut niveau entre les dirigeants de la firme et des personnalités influentes du corps, qui jouaient, sans en avoir nécessairement le titre officiel, au Conseil général des mines, un rôle de parrain. Le nom, dans les années 1930-1950, d’un Henri Lafond (1894-1963) est ainsi souvent évoqué31. L’expérience administrative ne semblait pas déterminante ; les jeunes ingénieurs n’avaient souvent pas eu le temps d’avoir d’autres fonctions qu’en arrondissements minéralogiques, sans que certains apparaissent de manière flagrante plus favorables que d’autres. Ils étaient simplement remarqués, au sein d’un corps aux effectifs restreints, comme des personnalités prometteuses, dont les compétences pouvaient intéresser les grandes entreprises. Ce n’est véritablement qu’à partir de Vichy que les ingénieurs commencent à investir les cabinets ministériels ou les directions centrales du ministère de la Production industrielle. Parmi les promotions 1944-1969, s’ils ne sont que 24 % connus pour être passés par un cabinet ministériel, 86 % de ceux-ci ont pantouflé. Les cabinets du ministre de l’Industrie, de l’Économie et des Finances, du Premier ministre ou, sous la Cinquième, du président de la République comptent bien sûr parmi les mieux représentés. Par ailleurs, parmi les 24 à avoir atteint le rang de directeur ministériel dans ces promotions, 17 ont pantouflé, dont 12 dans des entreprises publiques.
16À leur arrivée dans une grande entreprise comme Nord-Est, Pechiney ou Pont-à-Mousson32, les ingénieurs des Mines bénéficiaient traditionnellement d’un parcours particulier ; ils faisaient d’abord une sorte de stage d’un ou deux ans pour découvrir les différents services et établissements, avant d’être en général directement intégrés à la direction parisienne et de prendre rang pour un accès plus ou moins programmé en quelques étapes au sommet. Dans les compagnies minières déjà citées où ils sont implantés, les X-Mines parvenaient toujours au poste de directeur général, les ingénieurs civils ne s’imposant que par défaut dans les autres compagnies. Aux Charbonnages de France, ils sont trop nombreux pour accéder tous à la direction générale du groupe, mais ils se partagent les directions des bassins, de l’important centre de recherches (Cerchar) ou de la filiale chimique. Dans la grande industrie, on trouve de quasi-dynasties d’administrateurs délégués, directeurs généraux ou PDG issus du corps, à la seule merci d’un décès ou d’une défaillance prématuré : c’est le cas, dans la sidérurgie, chez Denain-Anzin (Henry de Nanteuil33) et Nord-Est (François Villain, Alexis Aron34), regroupées ensuite dans Usinor (Maurice Borgeaud, Jean Hüe de la Colombe), Châtillon-Commentry (Léon Lévy, Jacques Taffanel, Paul Baseilhac, Claude Laplace), Schneider (Jules Aubrun, André Vicaire) et Marine (Théodore Laurent, Léon Daum, Henri Malcor, André Legendre), rassemblées ensuite dans Creusot-Loire (Philippe Boulin, Michel Collas), dans la métallurgie avec Pechiney (Raoul de Vitry, Pierre Jouven), Ugine (Georges-Jean Painvin35, René Perrin) et Peñarroya (André Belugou, Henri Pagézy, Rolland Ritter, Bernard de Villemejane), dans la chimie avec Kuhlmann (Raymond Berr36, Jean-Jacques Desportes) ou la direction générale correspondante de Saint-Gobain (Félix Lavaste, Philippe Coste), dans le pétrole avec la CFP (Jules Mény, Victor de Metz, René Granier de Lilliac) ou BP France (Joseph Huré, François Chenevier), etc. Ceux qui vont dans des firmes de taille un peu moins importante sont souvent dirigeants d’emblée. Il en est de même pour les pantouflages plus tardifs dans des entreprises publiques, qui s’effectuent souvent par parachutages à la direction générale (Potasse d’Alsace, Régie autonome des pétroles, etc.). Les seules exceptions sont les secteurs où les X-Mines ne sont pas en position de force, notamment parce qu’ils se heurtent à la prédominance d’autres grands corps. C’est particulièrement net dans les compagnies de chemins de fer face aux X-Ponts. Octave Henry-Gréard (promotion 1901) est le seul à accéder à la direction générale d’une compagnie privée (Paris-Orléans), beaucoup plus souvent détenue par des ingénieurs des Ponts et Chaussées. Les X-Mines doivent souvent s’y contenter de directions techniques, en particulier celles de l’exploitation ou du matériel et de la traction, voire du seul titre d’ingénieurs en chef. Un ingénieur ambitieux comme Théodore Laurent (promotion 1885) a ainsi, après une quinzaine d’années à plafonner dans deux compagnies successives (le Midi et le Paris-Orléans), rejoint à 45 ans la sidérurgie pour devenir rapidement directeur général de Marine-Homécourt. Les X-Mines connaissent en revanche plus de réussite à la SNCF où, à l’image de Louis Armand (promotion 1927), ils sont sept à presque accaparer successivement la direction générale jusqu’en 1987. Dans l’électricité ou le gaz, les X-Mines étaient également dominés par les X-Ponts dans les compagnies privées, et le phénomène s’est là prolongé à EDF, sauf les brèves présidences non exécutives d’Étienne Audibert et de Pierre Guillaumat, mais pas à GDF, où on les retrouve à plusieurs reprises à la direction générale. De même, dans les banques, ils occupent plutôt des fonctions d’ingénieurs-conseils que de directions générales, souvent laissées à des inspecteurs des Finances. Philippe Malet (promotion 1947) et Gérard Worms (promotion 1958) sont les deux premiers X-Mines à accéder brièvement à la tête d’un grand groupe financier (Suez) dans les années 1980-1990.
17Dans la grande industrie, ce n’est qu’à partir des années 1960 que le système connaît des ratages, avec la concentration opérée dans la sidérurgie, la métallurgie ou la chimie, qui amène des ingénieurs de la même génération à se trouver en concurrence ; certains sont mis sur la touche. Les X-Mines promis à la direction générale de Kuhlmann ou d’Ugine sont ainsi victimes de la concentration au sein de Pechiney-Ugine-Kuhlmann. Même si, chez Usinor, on multiplie les postes de direction générale à leur profit dans les années 1970, tous les X-Mines en place ne peuvent prétendre aux postes de PDG qu’ils pouvaient escompter au départ. Et la prise de contrôle du groupe par l’État, à la suite de la crise en 1978, vient rebrasser les cartes. Des managers extérieurs, même s’ils sont pour certains également membres du corps des Mines, comme Raymond H. Lévy ou Francis Mer, sont nommés à la place des X-Mines maison qui attendaient leur tour. Les nationalisations de cinq autres groupes industriels en 1982 perturbent également, avec les nombreux changements de PDG imposés par l’État à chaque alternance, de nombreux plans de carrière. Rares sont ceux qui, comme Jean-Louis Beffa (Saint-Gobain), y résistent. Le déclin des Charbonnages de France, où les X-Mines ne se risquent plus guère depuis les années 1970, la concentration considérable dans les secteurs de prédilection, jusqu’à une seule entreprise dans la sidérurgie (Usinor-Sacilor), devenue même multinationale (ArcelorMittal), ou dans le pétrole (Total), la disparition d’autres entreprises comme Pechiney ont considérablement réduit les débouchés plus ou moins garantis, alors que les effectifs du corps ont fortement crû depuis 1945. Celui-ci ne dispose plus de véritables chasses gardées. Dans les dernières décennies, les X-Mines sont implantés dans des secteurs les plus divers, avec des réussites remarquables pour certains (outre Jean-Louis Beffa, Bertrand Collomb chez Lafarge, Jean-Martin Folz chez PSA, Pierre Faurre chez Sagem, etc.), mais celles-ci reposent plus sur des facteurs individuels que collectifs et ne se prolongent plus nécessairement au profit du corps. À ces réussites spectaculaires s’ajoutent bien sûr de nombreuses réussites de second rang de dirigeants qui, barrés par d’autres pour le poste de PDG, doivent se contenter d’une grande direction de branche au comité exécutif, ou même bien d’autres, qui se contentent de fonctions de cadres dirigeants plus anonymes. Mais avec les restructurations incessantes, la pression financière des actionnaires, les carrières en entreprises sont aussi devenues plus précaires. Les mobilités sont fréquentes, parfois ascendantes – J.‑M. Folz est, par exemple, passé par quatre entreprises successives de la chimie (Rhône-Poulenc), de la construction électrique (Schneider), de la métallurgie (Pechiney) et de l’agroalimentaire (Béghin-Say) avant de s’imposer à la présidence du directoire de PSA –, mais d’autres, nombreuses, sont plutôt descendantes, jusqu’à n’avoir le choix qu’entre réintégrer le corps à un grade modeste, lorsque c’est encore possible, ou finir sa carrière à la cinquantaine comme consultant dans un cabinet de conseil désigné par ses propres initiales, qui relève plus de l’autoentrepreneuriat que du management.
18Les ingénieurs du corps des Mines connaissent donc toujours une réussite statistiquement remarquable en entreprise pour un groupe recruté aussi jeune, sur de seuls critères académiques. Ils maintiennent un taux de pantouflage très élevé, ce qui en fait un modèle dominant de carrière, par rapport aux trajectoires minoritaires dans la seule administration jusqu’au Conseil général des mines ou dans la recherche publique. Tous ou presque accèdent à un statut de cadres dirigeants, voire de dirigeants, et pas de simples ingénieurs. Le choix, à la sortie de Polytechnique, d’intégrer le corps plutôt que démissionner immédiatement pour entrer directement en entreprise s’avère plus que payant. Mais tous les X-Mines ne deviennent pas pour autant des grands patrons, et ils le deviennent proportionnellement de moins en moins dans les promotions plus récentes. Nombreux sont ceux, dans les grands groupes issus d’une concentration massive, comme Usinor-Sacilor ou Total, à ne pouvoir prétendre qu’à des directions de filiales plus ou moins importantes. Ces fonctions sont surtout devenues plus précaires depuis les années 1970, en relation avec l’instabilité croissante des PDG, du fait de la crise, des interventions de l’État actionnaire, puis des pouvoirs renforcés du conseil d’administration, qui bouleversent régulièrement la composition des états-majors. Le phénomène exceptionnel d’un corps très restreint qui offrait, de manière quasi automatique, un accès aux élites industrielles dirigeantes à ses meilleurs éléments n’existe plus. À la différence de l’inspection des Finances, dont le recrutement est resté très étroit (5 postes par an en moyenne), l’accroissement sensible des effectifs du corps des Mines, après 1945, associé au déclin des débouchés traditionnels, a suffi à entraîner une relative banalisation des carrières en entreprise. Mais la propension à quitter l’administration ne s’en réduit pas pour autant ; les avantages financiers continuent probablement, au moins à court terme, de compenser largement la relative perte de prestige des fonctions exercées.
Notes de bas de page
1 Il débordait ainsi légèrement le cadre chronologique formel de son étude ; André Thépot, Les ingénieurs des Mines du xixe siècle. Histoire d’un corps technique d’État. 1810-1914, Paris, Eska, 1998.
2 Erhard Friedberg, Dominique Desjeux, « Fonctions de l’État et rôle des grands corps : le cas du corps des Mines », Annuaire international de la fonction publique, 1971-1972, p. 567-585.
3 Élie Cohen, « Formation, modèles d’action et performance de l’élite industrielle : l’exemple des dirigeants issus du corps des Mines », Sociologie du travail, XXX-4, 1988, p. 587-614.
4 Alain Beltran, « Le corps des Mines et l’industrie des années cinquante aux années quatre-vingt », in Alain Beltran, Christophe Bouneau, Yves Bouvier, Denis Varaschin, Jean-Pierre Williot (dir.), État et énergie xixe-xxe siècle, Paris, CHEFF, 2009, p. 217-257.
5 Hors les promotions prévues par la loi du 24 décembre 1907 de contrôleurs des Mines, devenus ensuite ingénieurs des Travaux publics de l’État (Service des mines), qui s’effectuent au compte-gouttes à partir de 1910 : 9 cas sont recensés jusqu’en 1938 ; 7 le sont dans le contexte particulier de la Libération ; ensuite, bien que le nouveau décret du 27 mars 1950 relatif au statut des ingénieurs des Mines le systématise en principe en prévoyant qu’un dixième des titularisations soit réservé à ces promotions, ils ne sont, semble-t-il, que 6 à en bénéficier avant 1970 (3 en 1952, 2 en 1960 et 1 en 1962). Ces ingénieurs, promus en général aux alentours de la quarantaine, font plutôt des carrières exclusivement administratives. Un seul, un ingénieur civil de l’École des mines de Paris, promu en 1945, dès l’âge de 31 ans, est connu pour avoir fait ensuite carrière dans le secteur privé à partir de 1951, dans les mines coloniales, jusqu’à la direction générale de la Compagnie de Mokta-el-Hadid (Jacques Peccia-Galletto).
6 Les premiers corpsards recrutés parmi les ingénieurs civils des Mines (décret du 20 février 1969) sont nommés élèves ingénieurs en 1970. L’accès pour les élèves des écoles normales supérieures (décret du 6 mai 1974) entre en vigueur dès l’année 1974.
7 Dès la promotion 1972, Anne Chopinet, sortie major, intègre le corps des Mines en 1975.
8 http://www.annales.org/archives/.
9 Sur le site de la bibliothèque de l’École polytechnique. www.bibliotheque.polytechnique.edu. Les « fiches matricules » indiquent notamment la profession des parents, le classement de sortie et la ou les principales professions exercées.
10 Accessibles en ligne sur le site de la Bibliothèque nationale, http://renet.bnf.fr/jsp/index.jsp.
11 Paris, éditions Jacques Laffite, 1re éd. 1953 à 40e édition 2009.
12 Dans la série F14 du ministère des Travaux publics aux Archives nationales à Paris (AN), ou dans des versements ultérieurs du ministère de l’Industrie au Centre des archives contemporaines de Fontainebleau (CAC).
13 Erreur très fréquente à laquelle succombent les meilleurs historiens, et que je n’aurai pas l’indélicatesse de recenser ici…
14 Rassemblées dans un mémoire inédit d’habilitation à diriger des recherches soutenu en 2008 à l’EHESS, « Diriger une grande entreprise française au xxe siècle : modes de gouvernance, trajectoires et recrutement », à paraître en 2012 aux éditions du CTHS.
15 Comme Pierre Jouven (1908-2002, ancien PDG de Pechiney) ou Maurice Borgeaud (1909-2006, ancien PDG d’Usinor).
16 Roger Martin, Patron de droit divin…, Paris, Gallimard, 1984.
17 Philippe Mioche, Jacques Roux, Henri Malcor. Un héritier des maîtres de forges, Paris, Éditions du CNRS, 1988.
18 La retraite normale d’un ingénieur des Mines resté en poste dans l’administration s’effectue certes, en général, plus tardivement pour les générations concernées, autour de 70 ans, mais un éventuel passage en entreprise à plus de 60 ans, en pratique comme dirigeant, est considéré ici comme non significatif.
19 Seuls les détachements dans les filiales industrielles de ces organismes, comme la Cogema pour le CEA ou Coframines pour le BRGM, ont été considérés comme des passages en entreprises.
20 D’autant plus, que parmi les 38 % qui n’ont pas fait carrière en entreprise, il s’en trouve 6 % (38) à être décédés très prématurément, avant 40 ans, notamment pendant la Grande Guerre, avant d’avoir éventuellement eu le temps de le faire.
21 Les fonctions académiques, notamment dans les écoles des mines, n’ont longtemps pas été exclusives d’une carrière administrative ; ce n’est que dans la période récente qu’elles tendent à se spécialiser.
22 C’est d’ailleurs particulièrement parmi ceux n’ayant fait carrière que dans le secteur public qu’on trouve ceux ayant, malgré leur passage en entreprise, atteint le grade le plus élevé (39 sur 71).
23 Le secteur public est pourtant entendu largement ici, comme l’ensemble des entreprises à participation publique dans lesquelles l’État contrôle la désignation des dirigeants ; c’est le cas, par exemple, de la Compagnie française des pétroles (CFP, future Total), à capitaux mixtes.
24 N’est pas comptabilisé ici le cas de ceux qui, après avoir pris leur retraite dans une entreprise publique, par exemple à 60 ans passés, retournent ensuite quelques années, jusqu’à leur retraite administrative, plus tardive, dans un corps dont ils n’avaient pas démissionné.
25 Dont le retour est toutefois comptabilisé comme définitif dans la mesure où il est mort accidentellement en 1944, avant que la question d’un probable retour dans le secteur privé ne se pose.
26 Voir le témoignage d’Henri Malcor, qui fait état de la difficulté à entretenir son jeune ménage avec son salaire d’ingénieur ordinaire de 3e classe, qui s’élevait à 28 000 F par an, soit pourtant 3,5 fois le salaire moyen d’un ouvrier de province, et qui choisit de démissionner, après 18 mois de service, pour entrer dans l’industrie sidérurgique en 1931, à 25 ans ; dossier personnel, AN, F14 20698 et Ph. Mioche, J. Roux, Henri Malcor…, op. cit., p. 47.
27 A. Thépot, Les ingénieurs des Mines…, op. cit., p. 297-304.
28 Le directeur des Mines considère d’ailleurs, dans son avis donné au directeur du personnel du ministère des Travaux publics à propos de la démission d’H. Malcor, en 1931, qu’« il y a là un vice de notre organisation qui est très net, auquel il faudrait porter remède le plus tôt possible, soit en exigeant des jeunes ingénieurs qui sortent de l’École un engagement de servir au moins dix ans l’État, soit en les obligeant à rembourser les sommes avancées pour eux par l’État à l’École des mines » ; dossier de carrière, doc. cit. Il n’est entendu qu’en… 1985, bien trop tard pour concerner les générations étudiées ici, lorsqu’un nouveau décret impose aux jeunes ingénieurs de servir l’État huit années après leur titularisation, sauf à devoir rembourser leurs frais d’études ; décret n° 85-574 du 31 mai 1985 modifiant le décret du 27 mars 1950 relatif au statut des ingénieurs des Mines, Journal officiel de la République française, 6 juin 1985, p. 6265.
29 Aucun ingénieur de la population étudiée ne pantoufle avant 60 ans après 2000.
30 « S’il est déjà difficile de mettre d’accord une réunion de Français, cela devient à peu près impossible lorsqu’il y a en présence une demi-douzaine de majors de l’X », carnets de François de Wendel, 6 juillet 1939, cités par Philippe Mioche, La Sidérurgie et l’État en France des années 1940 aux années 1970, thèse de doctorat d’État, université de Paris-Sorbonne (Paris-IV), 1992, p. 337.
31 Voir, par exemple, les mémoires de R. Martin, Patron de droit divin…, op. cit., p. 35, et le témoignage de P. Jouven, entretien avec l’auteur, 21 juin 1989, Paris.
32 D’après les entretiens avec P. Jouven (cit.), M. Borgeaud (Paris, 25 juin 1989), ou le témoignage de R. Martin, Patron de droit divin…, op. cit., p. 127-134.
33 Son décès accidentel, en 1941, donne sa chance à René Damien, polytechnicien non corpsard.
34 Écarté par les pressions antisémites à l’automne 1940.
35 Sa démission forcée, à la Libération, laisse la place à Eugène Mathieu, polytechnicien et ingénieur civil des Mines.
36 Mort en déportation en 1944.
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Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Ce livre est cité par
- Evens, Siegfried. (2021) The seeds of a European risk society: Marcinelle and the European Coal and Steel Community. European Review of History: Revue européenne d'histoire, 28. DOI: 10.1080/13507486.2021.1882949
- Massé1, Pauline. (2021) Des instruments (insuffisants) pour gouverner les critiques adressées au « renouveau minier » en France métropolitaine. Une articulation autour des référentiels de l’environnement et du territoire. Revue Gouvernance, 18. DOI: 10.7202/1082504ar
- (2014) Notes de lecture. Revue française d'administration publique, 149. DOI: 10.3917/rfap.149.0279
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
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