Un libéralisme pragmatique : une approche de l’économie politique des ingénieurs des Mines par leur contribution à la jurisprudence des sociétés anonymes, 1807-années 1840
p. 127-143
Plan détaillé
Texte intégral
Introduction
1Le code de commerce de 1807 consacre l’apparition, dans le droit français, d’une nouvelle forme d’association : la société anonyme. Devenue partout le support juridique de la grande entreprise capitaliste au xixe et surtout au xxe siècle, elle est perçue rétrospectivement comme un vecteur de modernisation des économies et comme le compagnon de la révolution industrielle. Dès les années 1840, les commentateurs les plus enthousiastes la décrivent comme « la véritable association de notre temps, celle que les besoins actuels de l’industrie réclament et à qui l’avenir appartient1 ». Or, pendant soixante ans, jusqu’aux lois de 1863-1867, l’État s’est réservé un rôle prépondérant dans la constitution de ces sociétés : aucune ne pouvait exister sans autorisation gouvernementale. Cet interventionnisme a de toute part été dénoncé comme une pratique d’un autre temps, en inadéquation totale avec les besoins du commerce, et comme une politique en partie responsable du « retard » français. Les ingénieurs des Mines, pour des raisons exposées dans la seconde partie de cette contribution, se sont trouvés au cœur de la longue procédure d’autorisation des sociétés anonymes. Cette position leur a alors valu d’être la cible d’une partie des critiques de ce système de l’autorisation.
2Sans véritablement prendre parti quant aux éventuelles conséquences négatives qui auraient résulté de l’intervention de l’État, cette contribution cherche à saisir les logiques et les représentations qui ont présidé à la mise en place et à l’existence d’un tel système. Refusant une vision selon laquelle l’État aurait par nature des intérêts antithétiques à ceux du « secteur privé », et mènerait donc des politiques néfastes aux milieux du commerce, il s’agit ici de replacer la société anonyme dans un contexte institutionnel et intellectuel. Après un rappel rapide des particularités juridiques de la forme anonyme et un bref aperçu de sa diffusion dans l’économie de la première moitié du xixe siècle, la seconde partie est consacrée aux logiques en vertu desquels l’État, et en particulier l’Administration des mines, a cru devoir intervenir aussi profondément dans la constitution des sociétés anonymes. Loin de chercher à brimer la dynamique de l’économie, les ingénieurs percevaient leur action comme indispensable face à un type d’association nouveau qui pouvait mettre en péril la bonne marche du commerce et qui ne comportait pas les garanties et les freins présents dans toutes les autres formes juridiques. Pour terminer, à partir d’un examen succinct des points de jurisprudence dont l’Administration des mines fut à l’origine, nous traçons l’esquisse d’une économie politique qui aurait vraisemblablement pu être l’environnement intellectuel des ingénieurs des Mines. Il en ressort un tableau à mi-chemin entre un discours libéral largement intégré et une dimension beaucoup plus pragmatique et interventionniste où la théorie ne prend pas le pas sur une forme de « bon sens ». Un positionnement en définitive assez commun pour la période considérée.
I. La société anonyme : de quoi parle-t-on ?
3Le code de commerce est promulgué le 15 septembre 1807 et entre en vigueur le 1er janvier 1808. En plus de formes juridiques « anciennes », il consacre l’apparition dans le droit français de la société anonyme. L’élément essentiel qui distingue la SA des autres types d’association commerciale réside dans la responsabilité limitée dont bénéficie l’ensemble des associés. Le public n’ayant pas la garantie qu’offre la responsabilité in infinitum d’au moins un des associés, le gouvernement croit devoir examiner et autoriser chaque constitution de société anonyme :
« la société anonyme ne peut exister qu’avec l’autorisation du gouvernement, et avec son approbation pour l’acte qui la constitue. Cette approbation doit être donnée dans la forme prescrite pour les règlements d’administration publique2 ».
4En plus de ce fameux article 37, neuf autres seulement traitent de la société anonyme. Ils établissent la responsabilité limitée de tous les actionnaires et précisent que la société ne peut pas être connue sous le nom d’un ou plusieurs des associés : elle est désignée par son objet. En dehors de ces considérations très générales, le code est totalement muet : il ne dit rien des critères pris en compte lors de la procédure d’autorisation et ne prescrit aucune obligation en termes de gouvernance ou de structure du capital. Rien non plus n’est précisé quant à la procédure, à ce qui est attendu des pétitionnaires et des organes de l’État concernés. Ce flou a sans doute joué en faveur des ingénieurs et explique en partie comment ils sont devenus des acteurs clés de la procédure.
5Si la société anonyme comporte un certain nombre d’avantages, elle n’est autorisée qu’au terme d’une procédure longue, coûteuse et dont l’issue est incertaine. L’usage de cette forme juridique requiert en outre une publicité qui rebute certains commerçants. L’État, enfin, a été souvent blâmé pour sa politique restrictive dans l’octroi des autorisations. Aussi, selon le décompte d’Anne Lefebvre-Teillard, seules 389 sociétés obtiennent l’autorisation entre 1807 et 1848, et quelque 650 sociétés anonymes seulement sont créées pendant toute la durée du système de l’autorisation (1807-1867), soit environ dix par an en moyenne3. Les sociétés anonymes ne sont pas présentes de manière homogène dans tous les secteurs. Dans la période qui nous intéresse, les assurances sont surreprésentées, avec près de 23 % des créations. Suivent les sociétés de travaux publics et de transports, avec respectivement 20 % et 17 % des créations. Les mines, carrières et usines métallurgiques n’arrivent qu’ensuite, avec seulement 46 créations, soit moins de 12 % du total (tableau 1).
Tableau 1. Répartition des SA par branche d’activité, 1808-1848
Assurances | 89 | |||
Dont : | assurances | maritimes | 49 | |
incendies | 23 | |||
vie | 14 | |||
agricoles | 3 | |||
Travaux publics | 78 | |||
Dont : | Canaux et voies navigables | 18 | ||
Transports | 68 | |||
Dont : | Chemins de fer | 31 | ||
Mines, carrières et métallurgie | 46 | |||
Dont : | Mines seules | 14 | ||
Carrières | 4 | |||
Banques et établissements de crédit | 16 | |||
Services publics | 15 | |||
Textiles | 10 | |||
Verreries | 9 | |||
Papeteries | 8 | |||
Raffineries de sucre | 7 | |||
Spectacles | 7 | |||
Immobilier | 5 | |||
Chimie | 3 | |||
Divers | 28 | |||
TOTAL | 389 |
Source : © A. Lefebvre-Teillard, La société anonyme…, op. cit., p. 67.
6Sans entrer dans les détails, notons quelques caractéristiques des SA du premier xixe siècle. D’abord, il semble que les créations de SA ont pu être le résultat de stratégies très variées : peu de choses en commun, en effet, entre les SA de canaux, fondées en 1821-1822 et qui ne sont qu’un instrument de l’État pour emprunter, la Compagnie des forges et fonderies de Montataire qui émet 400 actions de 5 000 francs, toutes soumissionnées par cinq membres de la famille Mertian, et les 400 000 actions de 500 francs de la Compagnie des chemins de fer du Nord. Ensuite, et en particulier pour les sociétés dont s’occupe le Conseil général des mines (CGM), l’actionnariat est généralement très étroit (ces sociétés comptent en moyenne un peu plus de 43 actionnaires). Le montant du capital moyen est moins élevé que ce que l’on imagine généralement, du moins il n’est pas un critère déterminant, puisqu’il est identique au capital moyen des sociétés en commandite par actions enregistrées à Paris au cours de l’année 1837 (2,2 millions de francs)4. La valeur nominale des titres, enfin, est généralement très élevée : 12 000 francs en moyenne jusqu’au début des années 18405. Beaucoup de sociétés, en somme, peuvent encore être identifiées à un petit groupe de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, trouve un avantage dans la forme anonyme. Le temps de la grande société à proprement parler anonyme et impersonnelle n’est pas encore venu. Les fondateurs entendent ne laisser aucun « étranger » s’immiscer dans leur affaire et usent souvent de la marge contractuelle dont ils disposent pour verrouiller le contrôle de la société.
II. Les ingénieurs des Mines dans la procédure d’autorisation des sociétés anonymes
7La circulaire ministérielle du 23 décembre 1807 vient préciser la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation gouvernementale. Les pétitionnaires s’adressent au préfet de leur département, au préfet de police à Paris, qui transmet la demande au ministre, accompagnée d’un rapport et d’un avis. Le Conseil d’État se prononce ensuite, et si la société est autorisée, ses statuts sont publiés au Bulletin des lois. L’article 4 de l’instruction fixe, dans les grandes lignes, les informations que les rapports des préfets doivent contenir :
« Les préfets des départements, et les préfets de police à Paris, feront, sur la pétition à eux adressée, toutes les informations nécessaires pour vérifier les qualités et la moralité, soit des auteurs du projet, soit des pétitionnaires ; ils donneront leur avis sur l’utilité de l’affaire, sur la probabilité du succès qu’elle pourra obtenir ; ils déclareront si l’entreprise ne paraît point contraire aux mœurs, à la bonne foi du commerce, et au bon ordre des affaires en général ; ils feront des recherches sur les facultés des pétitionnaires, de manière à s’assurer qu’ils sont en état de réaliser la mise pour laquelle ils entendent s’intéresser ».
8Il est clair que dans le cas d’une société minière, certaines connaissances techniques sont indispensables pour mesurer « les probabilités de succès » d’une entreprise : les ingénieurs du corps des Mines semblent alors les mieux à même d’en juger. Les ingénieurs en chef du corps des Mines, en poste dans les différents arrondissements du territoire, s’imposent ainsi comme les interlocuteurs privilégiés des préfets, qui, très souvent, joignent à leur propre rapport celui de l’ingénieur. Mais ni le Conseil d’État ni le ministre ne se contentent de ce premier niveau d’expertise. En 1816, le ministre de l’Intérieur inaugure une pratique nouvelle en demandant l’avis du comte Molé, directeur général des Ponts et Chaussées, pour évaluer le capital social en nature de la Compagnie des mines de houille de Montrelais, ainsi que « les chances de succès de l’entreprise ». La réponse lui parvient sous la forme d’un rapport d’un ingénieur des Mines, Mathieu, accompagné de l’avis du Conseil général des mines6. Cette pratique devient la règle : le Conseil général des mines (CGM) est désormais consulté sur toutes les demandes de sociétés minières et métallurgiques. Ce rôle d’expert, par ailleurs, entre tout à fait dans les attributions des ingénieurs. Le décret du 18 novembre 1810 stipule en effet qu’en plus du travail ordinaire de surveillance, les ingénieurs donneront « leur avis motivé […] sur tous les objets pour lesquels ils seront consultés par les autorités compétentes » (titre II-23).
9Mais les ingénieurs des Mines sont bien empruntés lorsqu’ils sont sollicités : qu’attend-on précisément de leur part ? Sur quels aspects leurs rapports doivent-ils porter ? Brongniart, inspecteur général du corps des Mines, dans l’une des premières affaires consignée dans les procès-verbaux du CGM, constate que « ni le Ministre ni le Directeur général des mines ne précisent sur quelle partie des statuts le Conseil doit émettre un avis », et présume que « le Conseil, dans ses attributions ordinaires, ne croira devoir examiner dans ces statuts que les articles qui sont en rapport avec l’art et l’administration des mines […]7 ». En réalité, la conception qu’a Brongniart des attributions de son administration est vaste, puisque, dans le même rapport, il examine la durée de la société, si l’objet de l’association est réel, si les moyens mis en œuvre sont suffisants, si les statuts sont conformes au droit des mines et des sociétés anonymes, enfin si les modes de calcul des bénéfices et de rétribution des actionnaires sont convenables. Brochant de Villiers, chargé de pratiquement tous les rapports relatifs aux sociétés anonymes entre 1821 et 1837, émet lui une opinion toute différente :
« comme dans toutes les affaires du même genre le Conseil a jugé devoir discuter les statuts sous tous les rapports, j’ai pensé que je devais me conformer à cet usage8 ».
10Dans les faits, ces deux interprétations ne font pas grande différence, puisque, dans les deux cas, le rapporteur dépasse largement le cadre des questions purement techniques. À l’évidence, l’Administration des mines entend user de sa position pour faire valoir ses vues sur la jurisprudence des sociétés anonymes, et plus généralement sur la politique économique et commerciale du pays. N’oublions pas que l’Administration des mines est composée de l’élite de la nation, recrutée parmi les meilleurs à la sortie de Polytechnique9. Cette population cultivée et éduquée entend faire entendre sa voix sur ces questions de politique publique, même si elles ne sont pas précisément du domaine de ses attributions.
11L’importance prise par l’Administration des mines dans la procédure d’autorisation des sociétés anonymes tient en outre à la nature de ces dernières. Du point de vue du gouvernement, l’autorisation se justifie par la nécessité de vérifier que le capital déclaré par la société est bien réel10. Il faut comprendre que sans cette certification, l’existence d’une société dont tous les membres bénéficient de la responsabilité limitée est simplement impensable, puisqu’en cas de défaut de paiement, les créanciers n’ont aucun droit sur les fortunes personnelles des associés ; le capital devient alors l’unique garantie que la société offre au public. Dans l’esprit des législateurs, il se substitue à la responsabilité in infinitum qui, dans tous les autres types de société, est le sort d’au moins une catégorie des associés. Pas de société anonyme, donc, sans vérification de la réalité du capital. Or une portion importante du capital des sociétés minières et métallurgiques consiste très souvent en capital en nature, meuble ou immeuble. Lorsqu’il s’agit d’évaluer la valeur d’une concession (et donc celle du gisement concédé) ou celle d’une machine, les ingénieurs des Mines apparaissent comme seuls en mesure de se prononcer11. Le caractère central de la question de la réalité du capital amène les ingénieurs à proposer un certain nombre de règles strictes en matière d’évaluation des apports, de rémunération des actionnaires et des administrateurs, ou encore de dissolution des sociétés. En outre, le mode de fonctionnement du CGM lui a sans doute permis d’acquérir cette position centrale dans la procédure. En désignant un de ses membres comme unique rédacteur des rapports concernant les autorisations de sociétés anonymes, et sachant que les membres du CGM y passaient en général de nombreuses années, l’administration des mines a créé de véritables experts ès sociétés anonymes, à l’image de Brochant de Villiers, qui connaissaient parfaitement les enjeux et la jurisprudence en la matière.
12La réaction de l’État, face à cet « impérialisme administratif », prend forme dans une lettre du ministre du Commerce datée de 182812. Elle demande aux ingénieurs des Mines de ne donner leurs avis que sur des questions techniques, d’après « de simples renseignements généraux ». Nous n’avons pas pu identifier avec certitude ce qui, à ce moment précis, a motivé cette mise au point. Néanmoins, la mention expresse du matériau qui doit servir de base aux rapports laisse à penser que des exploitants ont pu se plaindre de l’excès de zèle des ingénieurs. Le vice de forme ou l’absence de certaines pièces, en effet, sont fréquemment invoqués par des ingénieurs pour justifier un avis négatif13. Cette lettre a-t-elle eu l’effet escompté ? Rien n’est moins sûr. À sa réception,
« le Conseil croit devoir soumettre à M. le Directeur Général quelques observations y relatives. Il pense que le système proposé par cette lettre […] n’est point admissible », et que pour satisfaire à la tâche qui lui est assignée, il doit « coordonner ensemble les questions techniques et économiques et […] s’éclairer par des matériaux particuliers recueillis par les soins des autorités locales et avec le concours des hommes de l’art14 ».
13Il est difficile, à partir des procès-verbaux du Conseil, d’isoler le poids et l’influence des différents membres individuellement15. Cela dit, il semble que, sur ce point tout au moins, Brochant de Villiers ait été un fervent défenseur de l’ingérence de l’Administration des mines :
« Au premier abord, cette question [d’un emprunt déguisé en SA] semble étrangère à la compétence de l’administration des mines. En général, cette administration vise à donner son avis sur des projets de statuts de sociétés anonymes pour des mines et des usines, qu’en ce qui est relatif à la suffisance du capital, à l’évaluation des objets matériels qui en font parties, aux moyens de le conserver et de maintenir constamment le roulement de l’entreprise. Mais ce sont précisément des considérations relatives au capital et à l’évaluation des objets matériels qui en font partie, qui me conduisent à élever cette question. À la vérité, je suis entraîné en la traitant à m’appuyer sur quelques motifs d’un autre genre ; mais j’espère qu’on reconnaîtra que je ne pouvais pas les omettre sans risquer de tronquer une discussion qui me paraît avoir une assez grande importance16 ».
14Or l’influence de Brochant de Villiers, spécialiste des questions relatives aux sociétés anonymes pendant dix-huit ans, se fait encore sentir après que ce dernier a quitté ses fonctions au sein du CGM. Après lui, Auguste-Henri de Bonnard rédige quelques rapports tout à fait dans le même style, puis rapidement, dès 1838, Abdon-Jacques-Frambourg Garnier reprend le flambeau jusqu’en 1848. Durant les premières années, il ne dévie pas de la ligne tracée par son prédécesseur. Puis, peu à peu, à partir de 1842-1843, ses rapports se conforment de plus en plus à la volonté exprimée par le ministre dans sa lettre de 1828, sans qu’aucun événement particulier ne puisse expliquer cette inflexion.
15Il résulte de cette prise de liberté – conséquence à la fois d’une volonté d’un certain nombre d’ingénieurs influents et de la nature des tâches qui leur sont attribuées – que l’Administration des mines s’impose comme un acteur important de la création de normes en matière de société anonyme. Certes, ses avis ne sont pas toujours suivis, mais, au moins pour un temps, le ministre accepte le Conseil général des mines comme interlocuteur. En 1822, le ministre reçoit une demande d’autorisation pour la Société anonyme pour la recherche des mines de houille dans le département du Haut-Rhin, société semble-t-il formée à l’initiative du préfet de ce département, qui, « sentant toute l’importance d’une découverte de houille dans cette contrée manufacturière, a provoqué la formation de la société et qui a déterminé les principaux fabricants du pays à s’y intéresser17 ». En 1826, puis en 1827, deux autres sociétés pour la recherche de houille demandent l’autorisation de se constituer en SA18. C’est à chaque fois l’occasion d’un échange de lettres et de rapports entre le ministre, le Conseil d’État et le CGM. Brochant de Villiers, rejoint peu à peu par les autres membres du CGM, se montre dès 1822 favorable à ces demandes et pense qu’il convient de les encourager. Elles sont finalement toutes trois refusées, mais le Conseil d’État, comme en atteste par exemple la lettre qu’il adresse au CGM le 23 août 182619, a été incité par les positions de Brochant de Villiers et du CGM à préciser sa jurisprudence et à affiner ses critères d’autorisation.
16L’Administration des mines, donc, est au bénéfice d’un pouvoir qui excède de beaucoup les questions purement techniques. Un tel pouvoir est-il légitime ? La question se pose dès lors que les ingénieurs prennent part à des entreprises privées20. Le cas de la Compagnie des mines de fer de Saint-Étienne en est une bonne illustration. Le 16 juin 1819, Duhamel lit un rapport relatif à la demande d’autorisation de cette société21. Dans la dernière partie de ce rapport, on apprend que le fondateur de cette société, qui est à l’origine de la demande, n’est autre que Louis de Gallois, ingénieur en chef du corps des Mines. La question est alors posée, dans une lettre du préfet de la Loire au directeur général des Mines, de savoir si un ingénieur des Mines peut être intéressé dans une affaire privée, et, de l’avis même de Duhamel, « ces observations ne sont pas sans fondement ». Mais il fait aussitôt remarquer qu’« ayant consulté les lois et règlements sur les mines, il n’a trouvé nulle part qu’ils aient jamais interdit positivement cette faculté aux ingénieurs ». Non content de cet argument, qui pourrait ne pointer qu’une lacune de la loi à corriger, Duhamel se lance dans un véritable plaidoyer pour la participation des ingénieurs dans les affaires privées. Il conclut que « loin de défendre aux officiers des mines de s’intéresser dans les établissements qui sont dépendants de leur administration, il est à désirer, pour l’avantage de la société, qu’ils s’associent dans le plus grand nombre possible ». En outre, Gallois a anticipé la remarque et a pris, de sa propre initiative, la disposition de ne plus intervenir comme ingénieur dans les affaires qui touchent au département de la Loire.
III. Une approche de l’économie politique des ingénieurs des Mines
17Si cette étude partielle d’une fonction particulière de l’Administration des mines ne nous autorise pas la prétention de dresser un tableau complet de l’horizon intellectuel des ingénieurs dans le premier xixe siècle, elle suggère quelques remarques d’ordre général. L’Administration en général et les ingénieurs des Mines en particulier ont été souvent traînés à la barre des accusés par les historiens et les économistes : pour Anne Lefebvre-Teillard, le CGM « a joué un rôle fondamental dans l’histoire des sociétés anonymes : son hostilité marquée et durable à l’égard de cette forme de société, dont nous avons déjà parlé, est à l’origine de la politique restrictive suivie par le Conseil d’État dans l’autorisation des sociétés industrielles22 ». Maurice Lévy-Leboyer est plus sévère encore lorsqu’il écrit :
« les agents [de l’État] ont souvent abusé de leur droit de regard sur les sociétés pour réserver le marché financier aux émissions du Trésor. […] Les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les conseillers d’État […] se sont donné pour mission de maintenir l’économie sous tutelle23 ».
18La lecture des dossiers d’autorisations des sociétés anonymes invite à se représenter les relations du couple administration/acteurs du secteur privé de manière plus pacifiée. D’abord, ces deux « groupes » ne sont pas absolument cloisonnés et hermétiques l’un à l’autre. L’étude des carrières des ingénieurs menée par André Thépot a non seulement montré que les allers-retours des ingénieurs entre le service de l’État et l’industrie privée étaient fréquents, mais qu’ils étaient encouragés par les plus hautes sphères de la hiérarchie24. D’autre part, l’action des ingénieurs des Mines peut se comprendre comme l’expression de la volonté du pouvoir public de protéger les différentes parties prenantes d’une société anonyme, en particulier celles qui ne bénéficient pas d’une information suffisante pour évaluer correctement les risques liés à leur investissement. Dans le jargon des économistes, on dirait que la fonction de l’Administration des mines était de réduire les asymétries d’information et de minimiser le risque d’aléa moral. L’activité des ingénieurs des Mines peut tout entière se comprendre comme la volonté de fournir aux divers contractants une information sûre et de qualité. L’objet de cette contribution n’est cependant pas de revenir en détail sur l’ensemble des dispositions présentes dans la jurisprudence, et souvent reprises ensuite par la loi, dont les ingénieurs furent à l’origine. Nous prendrons seulement deux exemples qui nous permettent de cerner les logiques et représentations qui sous-tendent leur action.
A. La question des apports en nature
19Toute l’intervention des ingénieurs dans la procédure d’autorisation des SA se comprend à la faveur d’un même objectif : celui de ne pas tromper le public quant à la valeur réelle des actifs d’une société. C’est relativement à cette préoccupation qu’il faut lire l’évolution de la jurisprudence concernant la composition du capital, tel qu’il apparaît dans l’acte constitutif de la société. Dès la fin des années 1830, le capital en nature n’apparaît plus dans les statuts des sociétés, ou alors il n’est mentionné que « pour mémoire ». Seul le fonds de roulement en numéraire est chiffré. Cette pratique trouve son origine dans un rapport de Brochant de Villiers de 1827, dans lequel il propose de ne pas comprendre la valeur de la concession dans le capital social. Il donne, dans ce même rapport, les raisons qui l’y conduisent :
« On ne peut estimer une concession de houille que d’après son étendue et celle du terrain houiller qu’elle englobe, d’après la puissance, la profondeur, et le nombre des couches exploitables qui y sont reconnues, en tenant compte des difficultés qui se rencontrent dans l’exploitation et des frais qu’elle entraîne ordinairement, de la quantité de la houille, de son débouché et de son prix courant. La plupart de ces données ne pouvant être jugées que sur des aperçus très vagues, le résultat auquel elles conduiront, c’est-à-dire l’estimation de la valeur de la concession, sera nécessairement très incertain. Dans une transaction entre particuliers, on pourrait s’en contenter mais on doit désirer une détermination plus rigoureuse lorsqu’il s’agit de fixer une valeur formant une partie notable du capital d’une société anonyme25 ».
20C’est donc l’incertitude sur la valeur de la concession qui justifie une telle prudence de la part de l’Administration des mines. Cette disposition est acceptée par le Conseil d’État, et, dans l’acte définitif, la concession ne fait plus partie du capital social. Une fois sera coutume et, à plusieurs reprises, dès 1829, le Conseil général des mines se réfère à cette jurisprudence pour faire corriger des statuts qui ne s’y conforment pas. C’est ensuite dans les sociétés constituées pour l’exploitation d’un péage que la pratique va plus loin, en ne mentionnant pas du tout le montant du capital26. Cette jurisprudence se généralise pour les sociétés minières et métallurgiques, par l’intervention du CGM. L’acte qui autorise la Compagnie des mines de Terre-Noire et des hauts-fourneaux de Janon, en 1839, ne mentionne pas les valeurs des biens en nature, meubles ou immeubles, et donne pour seule valeur chiffrée celle du fonds de roulement de 150 000 francs, en reprenant exactement la formulation de l’avis du CGM.
21Dans un premier temps, toutefois, une évaluation juste des apports en nature n’était pas apparue comme irréaliste : ce fut même un des fondements de l’intégration de l’Administration des mines à la procédure d’autorisation. Ce n’est qu’à la suite d’un certain nombre de scandales que les ingénieurs ont peu à peu rechigné à engager leur responsabilité et leur crédibilité dans un exercice qu’ils jugeaient par nature incertain. Si leurs efforts pour faire disparaître tout à fait les valeurs en nature des statuts furent couronnés d’un certain succès jusque dans les années 1850, la loi de 1867 revient au système de l’évaluation, en mentionnant simplement que « la première assemblée générale fait apprécier la valeur de l’apport » (art. 4). Ce système perdure dans ces termes laconiques jusqu’à l’apparition des commissaires aux apports dans les années soixante.
B. Dépréciation et amortissement du capital
22Les ingénieurs des Mines ne se préoccupent pas seulement de la valeur des apports au moment de la constitution des sociétés. Ils cherchent également à mettre en place un système qui permette de prendre en compte la dépréciation que le temps et l’usure font subir à la valeur des objets formant le capital. Il semble que les premières traces d’un amortissement dans des statuts furent l’initiative des fondateurs des mines de houille de Schoenecken, au tout début des années 1820. Ils proposent en effet de constituer un fonds d’amortissement alimenté chaque année par 15 % de la valeur des meubles et immeubles susceptibles de se déprécier. Face à cette nouveauté, les ingénieurs des Mines hésitent. Dans un premier rapport au CGM, l’ingénieur en chef Brongniart se demande « si cette clause ne réduit pas trop les bénéfices des actionnaires ». Ce n’est qu’après une semaine de réflexion que le Conseil, dans son avis, estime que « si les rédacteurs de l’acte social des mines de Schoenecken ont effectivement l’intention d’introduire une telle clause dans leurs statuts, il y a lieu d’applaudir à leur prévoyance27 ». Brochant de Villiers prend alors cette disposition à son compte et cherche à l’imposer aux sociétés requérantes durant toutes les années 1820. Ce combat n’est toutefois pas gagné d’avance, comme en témoigne, en 1827, le cas des verreries de Lamotte. Dans son rapport au CGM, Brochant de Villiers propose de prendre en compte la dépréciation des immeubles (5 % par an) et des machines (6,6 % par an). Pour des raisons qui ne sont pas claires, cet avis n’est pas suivi par le Conseil d’État, qui propose d’autoriser la société à ne déprécier ces valeurs que de 1 % par an. Selon Anne Lefebvre-Teillard, il faut attendre la crise de 1836-1837 pour que l’obligation d’amortir le capital se retrouve dans les statuts de la plupart des nouvelles sociétés autorisées, et plus longtemps encore pour que les sociétés admettent ce principe et le fassent accepter à leurs actionnaires28. On reconnaît ici, sous forme embryonnaire, les règles relatives à l’amortissement du capital présentes dans le code de commerce aujourd’hui encore.
23Cette volonté de « certifier » l’information apparaît également clairement dans les discours des ingénieurs qui, peut-être trop prompts à imaginer qu’il existe une catégorie bien définie de « faiseurs de projets » malhonnêtes, réfléchissent beaucoup à la manière de protéger les actionnaires et les partenaires commerciaux susceptibles de se laisser abuser. L’administration n’avait d’ailleurs pas le monopole d’un tel raisonnement. Claire Lemercier remarque en effet que « pendant longtemps, l’existence d’une autorisation gouvernementale des sociétés anonymes n’est pas vécue comme une brimade par les milieux d’affaires. La chambre parisienne elle-même, pourtant adepte du « laisser faire », n’y est pas hostile, au nom de la protection du public contre les « faiseurs de projets » qui chercheraient à s’enrichir sans engager leur responsabilité29 ». En outre, les avis rendus par le CGM ne rendent pas compte de l’opposition de principe à ce type de société, que décrivent Anne Lefevbre-Teillard ou Maurice Lévy-Leboyer. Très rares, en effet, sont les refus définitifs. Lorsque les avis sont négatifs, ils exposent en détail les motifs du refus et, souvent, ils proposent une version corrigée des statuts afin de les rendre conformes à la jurisprudence. L’objectif que semblent donc poursuivre les ingénieurs n’est pas celui de tuer dans l’œuf tout projet de société, mais plutôt celui de rendre ce type d’institution viable.
24Enfin, pour comprendre l’intervention des ingénieurs, il faut revenir aux textes de droit qui encadraient l’usage de la société anonyme. Nous avons déjà évoqué les faiblesses du code de commerce de 1807. Ce texte, très général, avait nécessairement vocation à être précisé par les usages et la jurisprudence. C’est un peu malgré eux que les ingénieurs se sont alors trouvés en position de « faiseurs de droit », puisque, d’une certaine manière, leur incombait la responsabilité de la viabilité des sociétés autorisées. On se réfère souvent aux lois de 1863 et 1867 comme à des lois de « libération » ou de « libéralisation » des sociétés. Cette terminologie induit en erreur, puisque, à de nombreux égards, ces lois ne sont pas moins contraignantes que ce que l’Administration a cherché à imposer depuis 1807.
25Certes la procédure d’autorisation disparait avec ses lourdeurs et ses longueurs. Mais la nouvelle loi de 1867 reprend très largement la jurisprudence forgée pendant plus d’un demi-siècle. Gageons que si les sociétés requérantes, avant 1863-1867, avaient soumis aux ingénieurs des statuts conformes aux prescriptions de la loi de 1867, l’Administration ne se serait pas opposée à leur autorisation simplement en vertu d’une haine irrationnelle à l’endroit de ce type d’association. Les soixante années du système de l’autorisation ont ainsi constitué le temps nécessaire à l’apprentissage des usages de la société anonyme et à la construction de son encadrement juridique. Les ingénieurs des Mines ont en quelque sorte été les scribes d’un processus mettant à contribution de multiples acteurs.
26Les tensions qui ont existé entre l’Administration et un certain nombre de représentants de l’industrie privée résultent davantage des ambivalences constitutives du discours et des pratiques économiques de la période : l’Administration intègre rapidement à son discours les principes libéraux, en diffusion rapide dans le premier xixe siècle. Nombreuses, au cours des séances du CGM, sont les interventions qui en témoignent, à l’instar de celle de Brochant de Villiers en 1829 :
« Cette extension des cas de dissolution et les différentes clauses qui ont été réclamées ci-dessus, relatives aux inventaires annuels et aux dividendes, pourront peut-être être regardées comme superflues et même comme trop gênantes et nuisibles à cette liberté qu’il faut laisser au commerce et à l’industrie. Je suis bien éloigné de repousser ces principes de liberté, je reconnais autant que qui que ce soit que les entreprises manufacturières en général ne peuvent prospérer, si elles sont entravées par de nombreuses mesures prohibitives ou de nature à restreindre leurs opérations30 ».
27Mais ces pétitions de principe n’empêchent nullement les ingénieurs d’intervenir en toute bonne conscience dans ce qu’on pourrait qualifier de libéralisme pragmatique. Les ingénieurs semblent en effet accorder à « l’économique » des capacités d’auto-organisation et d’autorégulation. Autrement dit, la sphère de l’économie comporterait des forces propres et cohérentes, dont le fonctionnement serait gêné par l’intervention d’acteurs extérieurs à cette sphère. Jusque-là, les ingénieurs sont en accord parfait avec la théorie libérale « pure ». Mais cette dernière postule également que si ces forces d’autorégulation ne sont pas entravées, la société maximise son bien-être31. Or les ingénieurs semblent ici basculer d’une conception théorique de la question vers une position beaucoup plus pragmatique32 : ils perçoivent la société anonyme comme l’instrument potentiel d’opérations d’« agiotage » ayant pour fondement la crédulité d’individus mal informés, et l’exploitation d’activités ayant trait à l’intérêt général, fréquent pour les sociétés anonymes, ne peut, selon eux, être laissée à des individus n’ayant comme principal horizon qu’un profit à court terme. L’adéquation entre la somme des intérêts privés, d’un côté, et l’intérêt général, de l’autre, est donc beaucoup moins parfaite dans l’économie politique des ingénieurs que dans la théorie économique libérale. En dépit d’un libéralisme affiché, les ingénieurs se sentent parfaitement légitimes lorsqu’ils interviennent dans la sphère économique, dans la mesure où ils le font en vertu du principe qui, pour eux, doit sous-tendre toute activité publique, celui de l’intérêt général. Dans l’économie politique des ingénieurs, les lois du libéralisme sont ainsi subordonnées à celles de l’ordre et du bien-être social, et la liberté n’est pas une finalité en soi. Elle n’est défendue qu’autant qu’elle permet d’atteindre des objectifs supérieurs dans la hiérarchie des valeurs des ingénieurs.
Conclusion
28Au terme de cet exercice périlleux, au cours duquel nous avons cherché à réaliser un grand écart entre des pratiques administratives et juridiques très concrètes, d’une part, et un horizon intellectuel, une économie politique, d’autre part, nous sommes en mesure de faire quelques remarques en guise de conclusion. D’abord, les ingénieurs des Mines ont joué un rôle prépondérant dans la procédure d’autorisation des sociétés anonymes au xixe siècle, et dans la construction de la jurisprudence de cette nouvelle forme juridique. Ils ont régulièrement fait preuve d’un certain « impérialisme administratif », en cherchant à faire entendre leur voix sur des problèmes bien plus larges que les simples questions techniques qui justifiaient leur intégration à la procédure d’autorisation à l’origine. Cette attitude leur a d’ailleurs valu un regard sévère de la part d’une certaine historiographie, qui y a vu une volonté néfaste de « mettre l’économie sous tutelle ». Cette interprétation nous paraît fautive. Nulle part, dans les archives du Conseil général des mines, n’apparaît cette idéologie interventionniste aveugle et déraisonnée. L’intervention des ingénieurs n’est jamais justifiée théoriquement, elle est davantage le résultat pragmatique d’une volonté d’assurer le bon fonctionnement du commerce. En l’occurrence, il s’agit de rendre une innovation juridique viable, alors que le code de commerce, dont les faiblesses en la matière seront corrigées par les lois de 1863-1867, semblait ne pas suffire pour en réguler les usages. Le service de l’intérêt du commerce, et a fortiori de l’intérêt général, semble demeurer le principal objectif des ingénieurs.
29Cette attitude se caractérise par son pragmatisme qui, in fine, prime sur l’assimilation en façade d’une théorie libérale très présente dans les discours. À cet égard, l’avènement d’une société, telle que décrite par Polanyi, où l’économie s’est « désencastrée » pour devenir tout à fait autonome, ne semble pas être une réalité dans la première moitié du xixe siècle33. Les acteurs de l’économie sont probablement de plus en plus prompts à affirmer les vertus de la liberté du commerce et les capacités autorégulatrices du marché. Mais lorsque l’expérience pratique semble ne pas prouver la relation supposée nécessaire entre liberté du commerce et service de l’intérêt général, alors les ingénieurs tranchent sans hésiter en faveur du second. Faut-il y voir une position intellectuelle propre aux ingénieurs ? Ce libéralisme pragmatique peut au contraire être mis en parallèle des pratiques et des discours des commerçants lillois décrits par Jean-Pierre Hirsch34. Cette ambivalence entre liberté et intervention, entre intrication et autonomie de la sphère économique, semble donc partagée largement par les différents acteurs de l’économie de la première moitié du xixe siècle. Plus généralement, ces tensions peuvent être considérées comme constitutives de l’économie politique de la période, et peut-être le sont-elles de toute société qui entend concéder au marché certaines fonctions régulatrices.
Notes de bas de page
1 Charles Coquelin, « Des sociétés commerciales en France et en Angleterre », Revue des Deux Mondes, n° 3, 1843, p. 408.
2 Art. 37 du code de commerce.
3 Anne Lefebvre-Teillard, La société anonyme au xixe siècle, Paris, PUF, 1985.
4 Calcul d’après les chiffres donnés dans Charles E. Freedeman, Joint-Stock Enterprise in France, 1807-1867. From Privileged Company to Modern Corporation, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1979, p. 28 et 54.
5 Cette moyenne chute par la suite lorsque les compagnies de chemins de fer imposent un nominal de 500 francs comme nouveau standard, adopté peu à peu par pratiquement toutes les compagnies.
6 Dossier d’autorisation de la Compagnie des mines de houille de Montrelais, Arch. nat. F14 8232.
7 Rapport de Brongniart, Compagnie des mines de houille de Schoenecken, séance du CGM du 3 octobre 1821, Arch. nat. F14 17932.
8 Rapport de Brochant de Villiers, Forges et fonderies de la Loire et de l’Isère, séance du CGM du 26 juin 1822, Arch. nat. F14 17933.
9 Sur la formation et les carrières des ingénieurs des Mines, voir André Thépot, Les ingénieurs des Mines du xixe siècle : histoire d’un corps technique d’État, 1810-1914, Paris, Eska, 1998.
10 C’est ce que rappelle l’instruction ministérielle du 9 avril 1819 : « […] un des principaux motifs que la loi a eus en vue en exigeant l’autorisation du gouvernement, c’est de s’assurer préalablement de la réalité d’un fonds capital mis dans la société. On ne peut être sûr qu’il existe, si cette autorisation ne le certifie ».
11 En 1828, au sujet de la fabrique d’acier de Hattmatt, le préfet écrit au ministre qu’il lui fut « très difficile de trouver quelqu’un qui fût apte à ce genre de travail et qui voulût bien s’en charger », Arch. nat. F14 8232.
12 Cette lettre, malheureusement, n’a pu être retrouvée. Nous en avons connaissance par les mentions qui en sont faites lors de la séance du CGM du 9 juin 1828, Arch. nat. F14 17941.
13 Voir, par exemple, les séances du CGM des 17 décembre 1827 et 9 juin 1828 sur les Forges de Ria, respectivement Arch. nat. F14 17940 et 17941.
14 Rapport de Brochant de Villiers, Forges de Ria, séance du CGM du 9 juin 1828, Arch. nat. F14 17941.
15 Ce qui a pourtant une importance que l’on ne soupçonne pas toujours. Anne-Sophie Bruno, dans un cas très différent du nôtre, mais avec une procédure d’autorisation semblable, montre que de tous les facteurs qu’elle a identifiés comme pouvant influer sur l’issue de la procédure, c’est l’identité du rapporteur qui joue le plus. Voir Anne-Sophie Bruno, « L’attribution des cartes de commerçants étrangers. Le cas des indépendants tunisiens (1978-1982) », Anne-Sophie Bruno et Claire Zalc (dir.), Petites entreprises et petits entrepreneurs étrangers en France (xixe-xxe siècles), Paris, Publibook, 2006, p. 63-82.
16 Rapport de Brochant de Villiers, Forges d’Axat, séance du CGM du 15 décembre 1836, Arch. nat. F14 17952.
17 Rapport de Brochant de Villiers, Société anonyme pour la recherche des mines de houille dans le département du Haut-Rhin, séance du CGM du 11 décembre 1822, Arch. nat. F14 17933.
18 Il s’agit de la Société anonyme pour la recherche de mines de houille dans le département des Ardennes (séance du CGM du 17 juillet 1826, Arch. nat. F14 17939) et de la Société anonyme pour la recherche de mines de houille dans le département du Bas-Rhin (séance du CGM du 23 avril 1827, Arch. nat. F14 17940).
19 Cette lettre, reproduite in extenso dans le procès-verbal de la séance du CGM du 25 septembre 1826, vise à exposer et à justifier l’avis du Conseil d’État. Elle témoigne du sérieux avec lequel il considère les avis du CGM.
20 André Thépot a montré que la présence d’ingénieurs des Mines dans l’industrie privée n’était pas rare au xixe siècle. Voir A. Thépot., Les ingénieurs des Mines…, op. cit.
21 Rapport de Duhamel, Compagnie des mines de fer de St-Étienne, séance du CGM du 16 juin 1819, Arch. nat. F14 17929.
22 A. Lefebvre-Teillard, La société anonyme…, op. cit., p. 142.
23 Maurice Lévy-Leboyer, Les banques européennes et l’industrialisation internationale dans la première moitié du xixe siècle, Paris, PUF, 1964, p. 701.
24 A. Thépot, Les ingénieurs des Mines…, op. cit.
25 Rapport de Brochant de Villiers, Mines de houille de Montrelais, séance du CGM du 23 juillet 1827, Arch. nat. F14 17940.
26 D’abord la Société anonyme du canal d’Aire à la Bassée, constituée en 1832 après l’achèvement des travaux, puis plusieurs sociétés de ponts dès 1836. Voir A. Lefebvre-Teillard, La société anonyme…, op. cit., p. 153.
27 Avis du CGM, Mines de houille de Schoenecken, séance du 10 octobre 1821, Arch. nat. F14 17932.
28 A. Lefebvre-Teillard, La société anonyme…, op. cit., p. 233-234.
29 Claire Lemercier, « La chambre de commerce de Paris, acteur indispensable de la construction de normes économiques », Genèses, n° 50, 2003, p. 56.
30 Rapport de Brochant de Villiers, Forges et Fonderies d’Imphy, séance du CGM du 13 avril 1829, Arch. nat. F14 17942.
31 Pour être plus précis, c’est la somme des utilités individuelles qui est maximisée.
32 C’est cette dimension pragmatique qui marque la ligne de partage, dès la fin du xviiie siècle, entre les partisans d’une « science » ou « physique » économique et ceux d’une économie « politique ». Sur ces deux sensibilités et leur genèse, voir Jean-Claude Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique (xviie-xviiie siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 1992, p. 63-95.
33 Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983.
34 Jean-Pierre Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991.
Auteur
Après des études d’histoire économique et d’économie à l’université de Genève et à l’université Paris X-Nanterre, Jean Rochat prépare une thèse de doctorat sur les sociétés par actions en France à la fin du xviiie et au xixe siècle. Il s’intéresse en particulier à l’évolution des usages des différentes formes juridiques des entreprises et à la manière dont l’État en régule l’emploi. Il est actuellement assistant à l’Institut d’histoire économique Paul-Bairoch de l’université de Genève.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances, 1918-1946
Les hommes, le métier, les carrières
Nathalie Carré de Malberg
2011
Le choix de la CEE par la France
L’Europe économique en débat de Mendès France à de Gaulle (1955-1969)
Laurent Warlouzet
2011
L’historien, l’archiviste et le magnétophone
De la constitution de la source orale à son exploitation
Florence Descamps
2005
Les routes de l’argent
Réseaux et flux financiers de Paris à Hambourg (1789-1815)
Matthieu de Oliveira
2011
La France et l'Égypte de 1882 à 1914
Intérêts économiques et implications politiques
Samir Saul
1997
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (I)
Dictionnaire biographique 1790-1814
Guy Antonetti
2007
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II)
Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
2007
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
2012
Wilfrid Baumgartner
Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
Olivier Feiertag
2006