Les contrôleurs des dépenses engagées – contrôleurs financiers et la direction du Budget : du contrôle au conseil
p. 345-375
Texte intégral
1Le ministère des Finances a toujours eu pour tâche principale la gestion des finances de l’État.
2Le ministre des Finances « doit, dans la limite de ce que la loi lui accorde, surveiller ceux des actes de ses collègues qui engagent les finances (...) et veiller à ce que leurs demandes de crédits nouveaux ne viennent pas détruire l’équilibre qu’il a eu tant de peine à établir1 ». Ce rôle de coordinateur n’est pas apparu avec les finances publiques modernes. « Il est de nécessité absolue (...) que votre majesté exige des ordonnateurs de toutes les parties qu’ils se concertent avec le ministre des Finances (...). Il est surtout nécessaire que lorsque vous aurez, Sire, arrêté l’état des fonds de chaque département, vous défendiez à celui qui en est chargé d’ordonner aucune dépense nouvelle, sans avoir auparavant concerté avec les finances les moyens d’y pourvoir. Sans cela chaque département se chargerait de dettes qui seraient toujours des dettes de Votre Majesté et l’ordonnateur de la finance ne pourrait répondre de la balance entre les dépenses et les recettes2. »
3Avec l’émergence du parlementarisme, la prééminence du ministre des Finances en matière financière devrait se trouver établie. « Le ministre des Finances est spécialement responsable devant le Parlement de la bonne gestion de toute la fortune publique et de toute l’administration financière du Gouvernement3. » Cette « responsabilité » ne manquera pas de générer des tensions entre « le gardien de l’équilibre budgétaire » et ceux que la pratique qualifie de « ministères dépensiers ». Une des directions du ministère des Finances est « au cœur de cet affrontement : la dépense publique, que deux forces contraires s’emploient, l’une à réduire, l’autre à étendre démesurément. Sur le champ de bataille, les forces en présence paraissent bien inégales : d’un côté l’escouade légère de la direction du Budget et ses quelque 150 “moines soldats4” qui forment un solide carré, de l’autre côté les régiments compacts des ministères dépensiers précédés de leurs chevaux-légers budgétaires.
4« Le combat n’est inégal qu’en apparence, car la direction du Budget, juchée sur la hauteur de l’intérêt général, tient une position quasi inexpugnable, défendue en outre par de solides redoutes, les directives du Premier ministre. De plus, elle sait comment traiter avec les forces qui l’assiègent et au sein desquelles elle dispose de représentants permanents5. » L’organisation du ministère des Finances restreint le champ de la préparation du budget à deux acteurs, le ministère dépensier et la direction du Budget. L’évocation de « représentants permanents » au sein de ce vocabulaire guerrier suggère que le contrôleur financier (car c’est bien de lui qu’il s’agit), par-delà son rôle de vérificateur, agirait en diplomate entre les différents acteurs du processus budgétaire.
5Le contrôleur financier central est donc présenté comme un ambassadeur de la direction du Budget en poste au sein du ministère dépensier. L’historique de la fonction permet de réaliser que tel ne fut pas toujours le cas.
6Plus que de contrôle financier, au xixe siècle, il convient d’évoquer un contrôle budgétaire. On assiste, dans la lignée de la volonté exprimée par Turgot, à la mise en place d’une tutelle budgétaire du ministre des Finances sur ses collègues.
7Décret du 1er décembre 1861 : « Aucun décret autorisant ou ordonnant des travaux ou des mesures quelconques pouvant avoir pour effet d’ajouter aux charges budgétaires ne pourra être soumis à la signature de l’empereur, qu’accompagné de l’avis du ministre, secrétaire d’État aux Finances6 . »
8Arrêté du 1er avril 1871 : « À partir de ce jour, aucune dépense de l’État ne devra être engagée et ne sera acquittée par le Trésor public qu’autant que le ministre des Finances, préalablement consulté, aura reconnu la possibilité d’y pourvoir. »
9Cependant, ces textes sont peu observés, au point que Rouvier, alors ministre des Finances, devra les rappeler aux ministres ordonnateurs par une circulaire d’octobre 1889.
10La Comptabilité publique est alors « la grande direction du ministère des Finances7 » et les outils qu’elle s’est forgés apparaissent comme imparables et renforçant sa domination. « Dans l’étude du contrôle administratif il importe avant tout de distinguer l’organisation du contrôle et, d’autre part, les procédés qu’il emploie. Les procédés de contrôle font partie intégrante de la comptabilité publique et résultent le plus souvent des règles qu’elle édicte. (...) Et réciproquement, l’organisation du contrôle a pour but de garantir l’application de certaines règles de comptabilité8. » La loi de finances du 26 décembre 1890 a prévu, par son article 59, que « dans chaque ministère, il sera tenu une comptabilité des dépenses engagées ». Il s’agit là de l’acte fondateur de ce qui deviendra le contrôle des dépenses engagées, abordé alors comme un contrôle purement comptable et dont l’efficacité est plus que douteuse. La mission est alors celle d’un contrôle des dépenses engagées stricto sensu, c’est-à-dire que le contrôleur dresse, une fois que la dépense a été engagée, une comptabilité dans laquelle entre la dépense. L’ordonnateur, du fait de l’engagement de la dépense, a créé une dette pour l’État. Juridiquement, la créance ainsi née sur le trésor devra être payée.
11La mise en place pratique de ce contrôle, purement comptable, n’est cependant pas allée sans poser d’énormes problèmes pratiques. « De façon générale, les ministres pouvaient passer outre à un refus de visa. Enfin, l’action du contrôle sur les ordonnateurs secondaires était tout à fait insuffisante9. » Devant la résistance des administrations vérifiées à se laisser contrôler, il n’est pas étonnant d’observer une période de mise en place de l’institution de 32 ans. « Il faut attendre l’après-guerre et les difficultés financières considérables qui l’ont marqué pour que la nécessité d’effectuer un contrôle sévère des dépenses apparaisse comme impérieuse10. »
12C’est la loi – dite Marin – du 10 août 1922 qui permettra son essor au contrôle des dépenses engagées. Ce texte se pose comme une synthèse intelligente des différentes tentatives d’évolution du contrôle. « Cette loi, qui instituait la charte du contrôle n’était, en définitive, pas si mal conçue puisque, à quelques détails près, elle est toujours valable et qu’il n’est pas question d’y retoucher11. » La réforme du contrôle est une volonté parlementaire : « Sans la volonté délibérée du Parlement, l’institution (telle qu’elle perdure aujourd’hui) n’aurait sans doute jamais vu le jour12. » Le contrôleur des dépenses engagées est censé permettre un meilleur contrôle des chambres sur l’action des administrations, la proposition de loi est d’ailleurs assez explicite en ce qui concerne la vision qu’avaient ses auteurs de l’ancien édifice. La proposition de loi Marin voulait « l’organisation efficace du contrôle des dépenses engagées ». Le contrôle se pose alors comme un contrôle des engagements de dépenses. L’étape franchie est importante puisqu’elle permet au contrôleur de vérifier la légalité de la dépense avant que cette dernière ne lie juridiquement l’État, le visa représente donc de facto une sanction niant l’existence juridique de l’acte d’engagement de dépense par l’ordonnateur. Georges Palthey écrit en 1935 un manuscrit sur le « contrôle préalable des finances publiques » qui ne sera publié qu’en 1942. Cet ouvrage, seul travail répertorié à ce jour dressant un bilan du contrôle à la fin de la IIIe République situe le stade de l’évolution de la fonction avant la seconde guerre mondiale. « Parti d’un contrôle interne, timide, le contrôle des dépenses engagées semble être parvenu, après 45 ans d’évolution, à une organisation harmonieuse et complète. (...) Mais la théorie est toujours éloignée de la pratique, et le fonctionnement du contrôle préventif laisse subsister quelques lacunes que la législation semblait avoir définitivement comblées13. »
13Sous le régime de Vichy, il disparaît quasiment dans son rôle d’auxiliaire parlementaire, victime d’un manque de raison d’être. « Sous l’ancien régime (la IIIe République), le frein des commissions des finances des deux assemblées, qui présentait, cela va sans dire, d’autres inconvénients, avait l’avantage de contenir les initiatives de dépenses. Aujourd’hui n’existent ni Parlement, ni commission. Le rôle de contrôleur général des dépenses publiques m’incombe à moi seul14. »
14L’immédiat après-guerre voit le contrôle attaqué à travers l’inspection des Finances15. Les deux institutions demeureront en place. À partir de 1956, le contrôleur financier remplace le contrôleur des dépenses engagées, tout en conservant ses attributions, le contrôle financier. Telle qu’elle ressort des textes, cette mission fait du contrôle financier central le « contrôle exercé, sur l’ordonnateur avant l’engagement et avant l’ordonnancement d’une dépense publique, afin d’en vérifier la régularité budgétaire, par un agent relevant du ministère des Finances16 ». Le contrôle financier, à son niveau central, a peu évolué depuis la loi cadre du 10 août 1922. Aussi peut-on adopter la définition pour la période 1922-1996, a fortiori pour la période 1947-1957. Cette définition implique deux données essentielles. Le contrôleur financier est contrôleur de l’exécution du Budget et il dépend du ministère des Finances.
15On se propose, dans le cadre de cette communication, de dresser un portrait du contrôle financier central sous la IVe République. Pour tenter de remplir cette mission, il aura fallu croiser différentes sources. La situation de base qu’offre l’ouvrage de M. Palthey est complétée par les articles de MM. Carcelle et Mas, contrôleurs financiers ayant tous deux exercé la fonction dans les années auxquelles l’étude se rattache. En outre, les témoignages présents au sein des archives orales du Comité pour l’histoire économique et financière de la France et les interviews réalisées par Mme Kessler en 1969, dans le cadre d’une recherche non publiée auprès des contrôleurs financiers, sont des sources d’une valeur déterminante. Il convient de préciser que dix des contrôleurs financiers dont Mme Kessler a recueilli le témoignage ont exercé leurs fonctions durant la période étudiée. En outre, nous avons eu accès aux dossiers personnels des contrôleurs ainsi qu’à de nombreux rapports rédigés par ces derniers en fin d’exercice, ces documents se trouvent au service des Archives économiques et financières du ministère des Finances.
16Cette étude se propose donc de situer précisément les missions du contrôle des dépenses engagées dans le cadre de ses relations avec les ministères vérifiés et la direction du Budget.
I. LES HOMMES
17Le contrôle financier, avant d’être analysé comme une mission, est une affaire d’hommes. Aussi, il importe avant toute chose d’étudier les acteurs de cette mission.
18Sur la période 1947-1957, les bottins administratifs révèlent que 43 contrôleurs des dépenses engagées se sont succédé aux différents postes. Les inventaires, les états de services et les dossiers personnels permettent d’étudier 40 contrôleurs, soit 92,5 % de la population considérée. Ce chiffre permet de poursuivre l’étude avec un degré de précision satisfaisant.
A. Leur parcours administratif
19Les seules dispositions légales régissant le recrutement du personnel au sein du corps des contrôleurs des dépenses engagées, dans les années cinquante, sont celles de la loi du 10 août 1922, en particulier son article 2 :
20Les contrôleurs des dépenses engagées sont nommés par décrets contresignés par le ministre des Finances et placés sous la seule autorité de ce ministre. Ils sont choisis exclusivement parmi les fonctionnaires appartenant aux cadres des administrations dépendant de ce ministre. À titre transitoire, pendant une période maximum de cinq ans à partir du 1er janvier 1922, ils pourront l’être également parmi les agents retraités ayant appartenu à ces cadres.
21Ils ne peuvent être chargés d’aucune fonction en dehors de leur service de contrôle.
22Ces cadres de l’administration des Finances sont issus du concours de rédacteur, cette catégorie d’agent sera ensuite intégrée au sein du corps des administrateurs civils après sa création, par le décret du 18 octobre 1945. La notion de cadre de l’administration des Finances englobe les inspecteurs des Finances et les membres de la Cour des comptes.
23Le décret de janvier 1956 (article 5) livre une définition plus précise que celle de cadre de l’administration des Finances pour l’accession au poste de contrôleur financier. Peuvent être nommés contrôleurs financiers de 2e classe :
les magistrats de la Cour des comptes ayant au moins le grade de conseiller référendaire ;
les inspecteurs des Finances appartenant au moins à la 2e classe ;
les directeurs, chefs de service, directeurs adjoints et sous directeurs de l’administration centrale des Finances ;
les contrôleurs d’État justifiant d’un minimum de trois ans d’ancienneté dans leur grade ;
le secrétaire général, le caissier général, les directeurs adjoints et sous-directeurs de la Caisse des dépôts et consignations ;
les administrateurs civils de l’administration centrale du ministère des Finances, des services centraux des administrations financières et de la Caisse des dépôts et consignations appartenant au moins à la première classe de leur grade.
24L’apparition de l’École nationale d’administration va réformer à la base le recrutement dans la mesure où les administrateurs civils seront désormais issus de ses bancs. Sur la décade envisagée, aucun contrôleur des dépenses engagées ne sort de l’ENA, de par sa formation, la population est donc homogène, elle comprend soit des administrateurs issus du concours de rédacteur, soit des membres des grands corps en service détaché.
25(...) « Les contrôleurs des dépenses engagées sont ceux qui dans les ministères supervisent les dépenses administratives. Souvent, ils se transforment en une machine à signer et parapher. Parmi eux se trouvaient autrefois des inspecteurs des Finances. Mais ces derniers s’étaient rapidement aperçu du peu d’intérêt de la fonction.
26C’est bon pour l’administration centrale avaient-ils dit.
27Et l’administration centrale, reconnaissante, s’était précipitée sur ces rogatons. Désormais, les contrôleurs sont désignés parmi les chefs et sous-chefs de bureau. C’est la plèbe, indiscutablement17. »
28Cette affirmation quelque peu dégradante pour la fonction n’en exprime pas moins une réalité quant à la personne du contrôleur. Le très faible pourcentage de membres des grands corps présents, dans l’immédiat après-guerre, confirme l’assertion selon laquelle, pour une raison à définir, les grands corps vont s’écarter des postes de contrôleur des dépenses engagées. Certains ont analysé ce fait comme un avantage pour le corps de contrôle. « Le fait que les administrateurs civils aient succédé aux inspecteurs des Finances a permis au contrôle de cesser d’être un corps étranger auprès des ministères contrôlés18. » D’autres ont pu penser qu’il s’agissait là d’une erreur de stratégie desservant la fonction. « Le prestige lié à la Cour des comptes rejaillissait sur le contrôle19. » Toujours est-il qu’en 1960, ni la Cour des comptes, ni l’inspection des Finances n’ont d’agent en détachement pour exercer les fonctions de contrôleur des dépenses engagées.
29L’organisation de l’Administration centrale est hiérarchique et pyramidale. Cela implique de façon quasiment physique que les carrières administratives ne peuvent être linéaires et que l’avancement, si il peut être automatique – du moins sensiblement égalitaire – au niveau du titre, ne le sera certainement pas au niveau de la fonction. René Magniez, sous-directeur du Budget dans les années cinquante, rappelle combien il était difficile de dire à chacun ce que serait sa carrière « sauf à celui dont on était sûr au ’il serait chef de bureau. Quant aux autres, il fallait leur trouver une sortie20. » Cet administrateur parle ici de l’organisation du bureau B2 de la direction du Budget. Très peu de services ne contiennent qu’un poste par grade permettant un avancement linéaire, aussi bien au Budget que dans les autres directions du ministère des Finances. Il faut donc bel et bien « trouver une sortie » à ceux qui ne pourront progresser dans leur branche d’origine. Au Budget, il existait des étapes à franchir dans une carrière. « Le poste convoité était celui de sous-directeur. Une fois ce poste obtenu, l’intéressé savait que la poursuite de sa carrière serait fonction, certes, de nombreux éléments, mais que celle-ci serait tout à fait convenable21 » ; « on nomme un haut fonctionnaire contrôleur des dépenses engagées quand on ne veut pas en faire un directeur22. »
30Le graphique ci-dessus confirme en partie les témoignages précités. Pour la période considérée, 84 % des contrôleurs sont issus du grade de chef de bureau ou administrateur civil ; a contrario, seulement 16 % de la population considérée intègre le contrôle à un grade supérieur (sous-directeur ou directeur). Aussi, il semble que le contrôle des dépenses engagées représente bien une porte de sortie honorable pour un chef de bureau. Les quelques exceptions qui pourraient faire douter de la validité de l’hypothèse la confirment en réalité. Les rares directeurs et sous-directeurs ayant exercé la fonction de contrôleur des dépenses engagées sont arrivés très tardivement en fonction, de sorte qu’il s’agit bel et bien pour eux d’une ultime promotion, peut-être loin du « soleil », comme le disent certains en parlant de la rue de Rivoli, mais en tout cas à un niveau non négligeable dans la hiérarchie administrative, et à Paris de toute façon.
31L’âge moyen de nomination au poste de contrôleur des dépenses engagées se situe autour de 42 ans. Il s’agit bien là d’administrateurs au tournant de leur carrière. Cet âge moyen est d’autant plus remarquable qu’il concerne plus de 75 % de la population. 34 contrôleurs sur 40 prennent leur fonction entre 35 et 50 ans. Les exceptions s’expliquent relativement aisément. D’une part, les fonctionnaires entrés jeunes au contrôle sont souvent issus des grands corps, d’autre part, ceux entrés tardivement sont les plus hauts gradés, auxquels on confie un poste de contrôle au sein d’un ministère prestigieux à défaut de pouvoir leur assurer d’autres débouchés.
32En moyenne, un contrôleur exerce sa fonction 15 ans. Il ne s’agit donc pas d’une fonction de passage, sauf pour de très rares exceptions. Le poste de contrôleur des dépenses engagées est même considéré par certains comme un « cul-de-sac23 » dans une carrière. La notion de cul-de-sac telle qu’elle est employée appelle quelques précisions. Les contrôleurs des dépenses engagées sont de hauts fonctionnaires. Lors de l’apparition des échelles lettres, le contrôleur financier pourra atteindre, en fin de carrière, l’échelle D dans la grille des traitements. En 1949, un contrôleur des dépenses engagées débutant (2e classe, 1er échelon) reçoit un traitement de 760 000 francs. Il est assimilé à un chef de service, se situant donc entre les sous-directeurs et les directeurs. Aussi la notion de cul-de-sac doit-elle être entendue en ce que la fonction n’offre pas de débouchés, à savoir qu’elle est un débouché, au même titre que le poste de trésoriers-payeur général. Il s’agit d’une deuxième carrière.
33La sortie du contrôle offre une confirmation de la place de la fonction dans la gestion des carrières au sein du ministère des Finances.
34Il apparaît assez clairement que le poste de contrôleur des dépenses engagées est un poste d’ultime carrière. Il convient d’opposer les départs à la retraite en fin de contrôle d’un côté et les réintégrations dans les grands corps ajoutées aux nominations à des missions externes de l’autre (ces missions sont de divers ordres, en règle générale, il s’agit d’une mission de représentation de la direction du Budget au sein d’offices ou d’établissements parapublics). Le rapport est alors on ne peut plus clair : 22 départs à la retraite contre 10 poursuites de carrière. En poussant plus loin l’analyse, on peut très bien n’opposer que les départs à la retraite et les nominations à des missions externes (seul débouché répertorié pour les contrôleurs en fonction dans les années cinquante), en éludant les grands corps dont l’apparition au sein des contrôleurs semble à chaque fois liée à des particularismes de carrière. De plus, la réintégration dans un des grands corps s’effectue souvent à la veille du départ à la retraite, et pour des raisons administratives. Alors le rapport devient 20 contre 6.
35Le profil type du contrôleur des dépenses engagées semble donc établi. À son entrée en fonction, l’agent a 42 ans, est issu du concours de rédacteur, est chef de bureau. Il semble que son avenir au sein de l’Administration centrale soit bloqué et pour ne pas rallonger sa carrière à un bon élément, on le nomme contrôleur des dépenses engagées. Le poste lui permet de rester à Paris, représente incontestablement un avancement au niveau du traitement, tout comme au niveau du grade. Cependant, la fonction n’offre pas de débouché puisqu’on général, on y reste jusqu’à la retraite.
B. Des agents de la direction du Budget ?
36Dès 1922, l’expérience acquise lors de la phase de mise en place du contrôle des dépenses engagées a permis de mettre en évidence que le contrôleur devait être un administrateur averti. Il était pressenti comme devant « témoigner non seulement de connaissances spéciales approfondies, mais encore de sérieuses qualités de décision ou d’énergie24 ». La question se pose donc de savoir où le ministre des Finances va recruter de tels hommes ?
37Les contrôleurs ne sont pas recrutés, comme nous l’avons vu, après un examen spécial laissant présager une préparation spécifique à la mission. Ils sont cependant censés maîtriser les rouages administratifs tout comme les arcanes de la réglementation. Il est donc absolument nécessaire de recruter à ce poste des agents ayant une bonne expérience administrative.
38On constate que, hormis quelques « accidents », l’entrée dans le corps des contrôleurs des dépenses engagées se fait en milieu de carrière après 15 à 20 ans de service au sein de l’administration des Finances. Ces chiffres s’inscrivent dans le prolongement de ceux évoquant l’âge moyen d’entrée en fonction.
39Les accidents, ou parcours atypiques, sont de deux ordres. Soit l’agent semble entrer très vite dans le corps de contrôle ; ces agents sont principalement membres de grands corps, leur parcours n’est pas soumis aux mêmes conditions que celui de leurs collègues (cela explique qu’ils entrent plus jeunes, ou après un parcours plus rapide). Soit les agents entrent très tardivement, après une longue carrière, cette constatation tend à confirmer que la promotion tardive est une ultime porte de sortie avant le départ à la retraite. Les deux agents entrés après 25 ans de carrière dans l’administration des Finances partent à la retraite après leur mission de contrôle financier.
40Ce que la pratique a mis en place est institutionnalisé par le décret du 23 janvier 1956 article 4 :
41– Peuvent seuls être nommés à l’emploi de contrôleur financier les fonctionnaires visés aux articles 5 et 6 ci-dessous justifiant d’au moins dix années de services effectifs dans un corps de la catégorie A au sens de l’article 24 du statut général des fonctionnaires.
42Cette reconnaissance par les textes de la nécessité d’une expérience incite aussi à envisager le problème sous un autre angle. À trop parler de gestion des carrières des hauts fonctionnaires, on risque d’en oublier la mission elle-même. Ces hommes ne représentent pas l’élite administrative, certes. L’effacement des grands corps rapproche la mission des préoccupations plébéiennes, soit. Mais la mission reste délicate, et si l’on ne peut pas affirmer qu’elle nécessite des hommes exceptionnels, on peut tout au moins observer que la théorie a rejoint la pratique pour y confiner des hommes d’expérience.
43Le type d’expérience est à l’origine défini par l’appartenance à la classe des cadres de l’administration des Finances. Ainsi, hormis un élément en provenance d’une administration « étrangère » (la Marine) et ayant transité suffisamment peu de temps par la direction du Budget pour ne pas en faire en pratique un agent des Finances, mais assez en théorie pour lui permettre l’accès à la fonction de contrôleur des dépenses engagées ; tous sont issus de l’administration des Finances telle que définie dans la première sous-partie.
44Le passage à la direction du Budget n’est pas une condition sine qua non à l’accès au poste de contrôleur des dépenses engagées. Il ne s’agit donc pas d’une fonction réservée et jalousement gardée puisque 40 % des contrôleurs auront passé moins de 5 ans au sein de cette direction, 25 % la rejoignant pour prendre la fonction.
II. LEUR MISSION
45Le contrôleur des dépenses engagées a pour mission essentielle d’assurer, à la source, la péréquation entre l’autorisation de dépense, telle que définie par le budget de l’État et l’acte de dépense tel qu’il est décidé par l’ordonnateur. Pour accomplir cette mission, le contrôleur dispose d’outils. Ces outils sont prévus par un dispositif légal. La pratique administrative opère une adaptation prétorienne de ce dispositif.
46Il est donc extrêmement enrichissant pour l’étude du contrôle en tant qu’institution de mettre en perspective théorie et pratique du contrôle au cours des années cinquante.
A. Le bras armé de la direction du Budget
47Le progrès indiscutable – amorcé dès 1902 – confirmé par la loi du 10 août 1922 est de faire du contrôleur des dépenses engagées un agent des Finances. Cet agent est nommé par le ministre des Finances :
48Article 2.– Les contrôleurs des dépenses engagées sont nommés par décrets contresignés par le ministre des Finances et placés sous la seule autorité de ce ministre. (...)
49Ce que le décret du 23 janvier 1956 confirme :
50Article 3. – Les contrôleurs financiers sont nommés par arrêté du ministre des Finances.
51Libéré de toute tutelle hiérarchique émanant du ministère vérifié, le contrôle peut exercer une vérification impartiale et technique. Les contrôleurs sont placés en service détaché auprès d’un ministère pour y exercer leur mission, ils intègrent ainsi un corps administratif spécifique tout en conservant la possibilité de réintégrer leur poste d’origine, en gardant le bénéfice de leur ancienneté. Le statut de contrôleur est défini parallèlement à celui de l’administration centrale par le décret de 1956, avant cette date la réglementation ne fait état que de l’appartenance aux « cadres de l’administration centrale des Finances ». Après 1956, une distinction s’opère entre les contrôleurs de première et de deuxième classe. Les rémunérations sont différentes et l’avancement, au choix du ministre, est cependant quasiment automatique dans la mesure où l’ancienneté y joue un rôle très important. Les nominations à la première classe sont possibles en surnombre pour tout contrôleur ayant exercé au titre du contrôle de deuxième classe pendant 10 ans. Les contrôleurs financiers de première classe reçoivent des ministères plus importants et leur traitement est supérieur à celui des contrôleurs financiers de seconde classe.
52Sans être totalement autonome, le contrôleur est donc un agent des Finances bénéficiant d’une tutelle diluée. Cette situation est généralement ressentie comme confortable et permettant à l’homme d’exercer sa fonction en toute liberté.
53Le premier point de la mission est sans conteste le visa que le contrôleur doit apposer sur toute proposition d’engagement de dépense d’une part et toute ordonnance de paiement émanant d’un ordonnateur primaire d’autre part. L’absence de ce visa rend l’acte caduc et le comptable doit refuser de payer les sommes correspondantes. Au-delà de cette mission de contrôle comptable, le contrôleur exerce une fonction d’informateur du ministère des Finances par le biais des rapports de fin d’exercice qu’il remet à la direction du Budget.
1. Le contrôleur, entre le comptable et le censeur
a. Sur la comptabilité de l’engagement
54La loi de 1922 exprime très clairement ce qu’est le visa préalable de l’engagement.
55Article 5. – Tous autres décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions émanant d’un ministre ou d’un fonctionnaire de l’administration centrale et ayant pour effet d’engager une dépense sont soumis au visa préalable du contrôleur des dépenses engagées.
56Le contrôleur les examine au point de vue de l’imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l’exactitude de l’évaluation, de l’application des dispositions d’ordre financier des lois et règlements, de l’exécution du budget en conformité du vote des Chambres et des conséquences que les mesures proposées peuvent entraîner pour les finances publiques. À cet effet, il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des engagements de dépenses.
57Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularités, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre des Finances.
58Il ne peut être passé outre au refus de visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre des Finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition.
59Le but bien entendu de ce visa est de soumettre l’ordonnateur à l’autorisation préalable de dépense émise par le Parlement. C’est la nature même de l’acte qui permet l’efficacité du contrôle. « L’engagement, dans la plupart des cas, ne constitue qu’une mesure interne qui ne lie pas l’État. Même lorsque le ministre a pris l’initiative d’effectuer la dépense, il est libre – sauf lorsque la dette naît de la loi ou d’une circonstance extérieure – de ne pas y donner suite et son refus d’exécution n’est susceptible d’aucun recours25. » L’action du contrôleur ne s’exerce que dans la phase interne de la décision de dépenser, le visa est une formalité administrative, une mesure d’ordre intérieur « exclusivement destinée à assurer l’exécution des règles budgétaires26 » et qui n’est pas susceptible de recours contentieux pour excès de pouvoir. L’avantage indiscutable du contrôle est donc de s’intercaler avant que l’acte n’engage définitivement l’État et ne crée de créance au profit des tiers sur le Trésor. « L’engagement n’a pas pour effet de rendre l’Administration débitrice, c’est là l’intérêt essentiel du contrôle27. »
60Ce contrôle préalable, de l’engagement de la dépense, porte majoritairement sur trois points.
61Premièrement une vérification de l’adéquation à la nomenclature budgétaire : « Les ordonnateurs ont une tendance naturelle, surtout en fin d’exercice, à imputer sur des chapitres dont les crédits restent disponibles, certaines dépenses qui doivent normalement porter sur d’autres crédits qui se trouvent épuisés (...) Les crédits devenus inutiles par suite des circonstances n’appartiennent pas aux départements ministériels mais au trésor28. » Dans la pratique, il s’agit là d’une tâche essentielle du contrôle. « Nous avons dû protester en 1954, contre le fait que certains travaux d’aménagement et de peinture, que l’installation de mobilier de bureaux étaient réalisés dans les locaux de la rue de Grenelle sur les crédits de l’université de Paris ou des lycées de la capitale. Les intéressés ont pris l’engagement de renoncer, à l’avenir, à ces détournements de crédits qui pour certains demeurent la règle29. »
62En second lieu, une appréciation de la disponibilité des crédits au moyen d’une comptabilité des engagements déjà effectués, « ainsi, la comptabilité (de l’engagement) doit-elle faire apparaître à tout instant le montant des crédits déjà consommés et le montant des crédits disponibles ou des autorisations de programme non encore affectées30 ». Le contrôleur va s’assurer au jour le jour que les crédits disponibles sont suffisants pour permettre toute mesure se présentant au visa.
63Enfin, une vérification de l’exactitude de l’évaluation de l’engagement. Étant donné son statut d’acte d’administration ne faisant pas grief, le visa de l’engagement représente, en théorie, un écueil non négligeable puisqu’il empêche l’acte de dépense d’exister. Aussi, un département ministériel peut-il être tenté de permettre un commencement d’exécution à une mesure qu’il défend, un des moyens étant de la sous-évaluer pour qu’elle passe le contrôle. « Le contrôleur ne doit pas se contenter de rechercher si les calculs sont matériellement exacts ; il a surtout à discuter les procédés d’évaluation employés et les principes sur lesquels reposent les calculs31. »« Si la sous-estimation a pour objet et pour intérêt évidents d’accélérer le lancement d’une opération d’un coût favorable en apparence, au détriment d’opérations plus onéreuses également en apparence, elle a en tout cas pour conséquence, tout comme le lancement sans autorisation, de fausser totalement la répartition des crédits : elle se traduit nécessairement par un dépassement de crédits qui doit être gagé par la suite sur d’autres opérations prévues sur le Budget32. »
64Cependant, la place du contrôleur reste extérieure à la prise de décision. « Le contrôleur en aucune manière n’exerce une tutelle sur le ministère contrôlé. Il n’a pas de pouvoir de décision. Qu’il y ait ou non refus de visa, le service contrôlé garde toutes ses prérogatives vis-à-vis de l’extérieur. Il lui revient d’arrêter, compte tenu de la position du contrôleur, sa position définitive dont il assume toute la responsabilité. Il peut renoncer à prendre une décision, même si elle a recueilli l’accord du contrôleur. De même, si le contrôleur peut empêcher l’Administration de prendre telle ou telle décision, il ne peut pour autant l’obliger à agir dans le sens qu’il juge nécessaire – au mieux peut-il la persuader 33. »
65Une fois la dépense engagée, l’ordonnateur va soumettre au contrôle l’ordonnance de paiement adressée au payeur. Le contrôleur des dépenses engagées va pouvoir vérifier la concordance entre la demande d’autorisation d’engagement telle qu’il l’a reçue et l’ordonnancement de la dépense telle qu’elle est réalisée. Ce visa présente moins d’intérêt que le visa de l’engagement. En effet, il intervient une fois que l’État est engagé juridiquement, la dépense sera liquidée. Ensuite, et c’est la conséquence directe de l’obligation du paiement, le contrôleur doit viser l’ordonnancement. En cas de désaccord du service du contrôle, son seul moyen d’action est de viser avec observation. Il laisse alors au comptable le soin de choisir quant au paiement effectif des sommes réclamées.
b. Exercice pratique du contrôle
66Le service du contrôle des dépenses engagées est soumis à un rythme de travail très soutenu. Le nombre total des visas ne cesse de s’accroître avec le temps. « L’ensemble de ces avis, visas et rapports s’élève au total à 3 072. Les propositions d’engagement de dépenses soumises au visa se sont élevées à 4 156. Enfin, les ordonnances de paiement ont formé un total de 4 586 titres, les ordonnances collectives de délégation de crédit ont atteint un total de 1 801 et les ordonnances diverses de virement le chiffre de 24034. » Pour un ministère important, tel que l’Éducation nationale, les dossiers intéressant directement ou indirectement les engagements de dépenses soumis au contrôle ont dépassé le chiffre de 50 000 et les projets d’ordonnances comptabilisés et visés celui de 45 00035 en 1953. Dans ces conditions, il est permis d’émettre un doute quant à l’efficacité réelle du contrôle. Ce doute est confirmé par les contrôleurs eux-mêmes : « Le nombre d’affaire est trop élevé pour que l’on voit tout de façon approfondie, la signature est parfois automatique36. »« Il est matériellement impossible d’examiner totalement tous les dossiers qui passent chaque jour entre les mains du contrôleur, le temps consacré à chacun d’eux ne peut être que superficiel37. »
67Si les mailles du filet tendu au travers des excès des administrations peuvent sembler lâches, le filet n’en est pas moins présent. La crainte du gendarme suffisant à contraindre l’administration à observer certaines règles élémentaires, « l’efficacité du contrôle vient de la menace que représente le refus de visa38 ». Cependant, le refus de visa est, pour le contrôleur, une arme à double tranchant. Comme il a été précisé, le refus de visa empêche la proposition d’engagement d’exister. Il a été reproché à juste propos à cette technique de représenter une ingérence des administrateurs dans le processus de prise de décision par le politique. Pour ne pas générer de tension entre son service et l’Administration contrôlée, le contrôleur se doit d’utiliser cette sanction avec précaution. Les refus de visa sont très rares, certains affirmant que : « le refus officiel de visa n’existe pas, (n’ayant eu) que 2 ou 3 fois à user de la menace39 ». Il convient de relativiser ce propos abrupt et parler plutôt de refus sec du visa. Le contrôleur est légalement habilité à refuser le visa de l’engagement pour des raisons précises. Cependant, il éprouve la nécessité, quand une affaire lui paraît spécialement délicate, de recourir à l’arbitrage de la direction du Budget elle-même. Il se « couvre avant de refuser son visa40 ». Si il a des doutes sur la position des Finances, il ne vise pas. « Il faut « tâter le terrain », je ne vais rue de Rivoli qu’une dizaine de fois par an avec certains dossiers41. » Dans le cadre complexe de l’imputation budgétaire des frais de mission de certains administrateurs, le contrôleur financier près le ministère des Affaires économiques préfère consulter la direction du Budget. « Étant donné le développement possible de cette affaire, le contrôleur financier a cru devoir différer l’apposition de son visa sur la proposition de dépense relative à l’envoi au Maroc de l’expert, sauf instruction précises de la direction du Budget (...).
68La direction du Budget, saisie de cette affaire par note du 14 novembre 1957, n’ayant pas donné d’instruction au contrôle, la proposition d’engagement de dépense précitée s’est trouvée définitivement rejetée 42. » Les contrôleurs, s’ils hésitent à recourir à cette sanction ultime qu’est le refus de visa, hésitent tout autant à importuner la direction du Budget trop fréquemment. « Le fantassin doit se faire tuer, c’est son métier43 », ils se font un devoir d’assumer leur fonction et ne demandent l’avis des Finances que lorsqu’ils ne parviennent pas au compromis. Le contrôleur se trouve donc dans la position délicate de juge de la légalité formelle d’une décision avec pour seule sanction l’annulation de cette décision, schéma par trop manichéen dans le cadre des relations entre administrateurs. La pratique révèle donc une certaine latitude dans l’emploi de la méthode cœrcitive, « on tient sur les principes et on adoucit l’application si cela n’en vaut pas la peine, on fait une observation de principe mais on ne remet pas tout en cause44 ». Tout semble être lié au rapport entretenu par le contrôle avec l’Administration vérifiée. « À maintes reprises au cours de l’année, l’attention des services fut rappelée sur le caractère obligatoire du visa préalable posé par l’article 5 de la loi du 10 août 1922. Ces avertissements répétés redressaient la situation pour quelques semaines ; puis, avec une ténacité digne d’un meilleur objet, les services reprenaient leurs anciennes habitudes et le contrôle se trouvait placé derechef devant le fait accompli : si bien qu’il dut adresser au directeur du cabinet de l’époque une note rappelant de façon très ferme le principe précité (...). Il était indiqué dans cette note que le contrôle ne pourrait admettre plus longtemps la continuation de tels errements.
69Malgré cette prise de position, de nouveaux ordres de mission furent présentés dans le courant du mois de décembre postérieurement à la date de départ, bien que dans la quasi-totalité des cas il eût été possible de les établir en temps utile. Dès lors, il était difficile d’éviter un incident qui se produisit au sujet de la présentation, le 12 décembre, d’un ordre de mission concernant M.Z..., Contrôleur d’État, daté de la veille, pour un déplacement qui avait eu lieu le 6 décembre.
70Cette mission fut en définitive régularisée dans un but d’apaisement, au vu des explications fournies par le bureau du cabinet45. »
c. Opportunité
71Si la pratique révèle que le contrôle n’est pas, stricto sensu, un contrôle de la légalité formelle de l’acte, il devient primordial de poser la question du pouvoir d’intervention du contrôleur dans le processus de la décision de dépense. En d’autres termes, on peut se demander dans quelle mesure le contrôle n’est pas étendu au contrôle de l’opportunité de l’engagement de dépense ?
72La mission du contrôleur est définie par la loi. « Il (le contrôleur) n’a pas à aborder les questions d’opportunité »46, l’affirmation est claire, elle émane d’un des acteurs du contrôle et s’inscrit dans la droite ligne des prescriptions de la loi de 1922. Il convient en outre de réaffirmer que le nombre des décisions sur lesquelles le contrôleur doit trancher est relativement restreint. L’opportunité devient en fait plutôt une marge de manœuvre, voire une marge d’appréciation de ce que doit être la légalité. « Il y avait des motifs valables pour ne pas suivre, quelquefois, les règles47 », sur un nombre de points numériquement faible. Il ne faut cependant pas oublier l’existence de cette marge de manœuvre. « Quand un service commet une irrégularité, si le besoin est légitime, il y a toujours une procédure, si le besoin apparaît moins légitime, alors on dit non48. »« Si la demande répond à un besoin réel de l’Administration, il cherche une solution juridique défendable bien que plus éloignée des textes49. » Le contrôleur, sans avoir le pouvoir de décider d’une mesure, peut « aider » à sa réalisation, si il l’estime nécessaire. Si il estime qu’une mesure n’est pas nécessaire, il devra toujours s’abriter derrière des considérations financières ou de stricte légalité de l’acte pour appuyer sa décision. Pour justifier le refus d’autorisation d’un achat d’autobus pour le ramassage scolaire des élèves d’un lycée, le contrôleur des dépenses engagées insiste sur les répercussions financières de l’acquisition ; « l’afflux des élèves dans les établissements du second degré se traduira dans les budgets futurs par des dépenses considérables : l’effort financier qui devra être accompli est tel que l’on ne saurait encore alourdir les charges incombant à l’État par des engagements nouveaux », avant d’expliquer clairement la raison motivant son refus ; « il nous a semblé (...) que le franchissement d’une distance de 800 à 1 000 mètres ne pouvait être considéré comme un obstacle insurmontable pour les enfants fréquentant le lycée50 », la distance évoquée étant celle séparant l’établissement considéré de la gare de tramway et de l’arrêt de bus les plus proches.
73Ce pouvoir semble encore étendu « pour les avis essentiels, si le contrôleur financier estime qu’une mesure est scandaleuse il doit chercher des prétextes pour le refuser51 ». Cette assertion est d’autant plus importante et notable qu’elle émane d’un administrateur qui, avant d’exercer la fonction de contrôleur financier, a été à un poste où il était un interlocuteur du contrôleur au sein de la direction du Budget. Il existerait donc une obligation morale d’appréciation du sérieux de la décision, au-delà de la simple considération de son opportunité. Il apparaît que le contrôleur peut : faciliter une décision qui lui apparaît opportune, en entraver une qui ne lui paraît pas opportune, mais qu’il doit s’opposer à une décision qui lui apparaît scandaleuse. Cette possibilité d’action, comme il a été dit, s’exprime peu à travers le visa, « gentillesse et diplomatie sont les moyens d’accéder au contrôle de l’opportunité52 ». Ce sont les relations personnelles du contrôleur qui lui permettront de dissuader une administration « dans l’erreur ».
2. Le contrôleur, un outil d’information
74« La confection du Budget se fait dans des plages de temps très contraignantes, si bien que les directives qui peuvent être données par le directeur ou par le ministre sont des directives très générales et qui n ’influent pas sur la manière dont on apprécie l’opportunité. C’est constamment un jugement d’opportunité sur l’octroi de crédits. Au fond, ce jugement d’opportunité, une fois accepté un certain nombre de règles élémentaires, est vraiment de la totale appréciation de l’administrateur qui a été en charge du Budget53. » Ce témoignage très explicite, quant à la possibilité de trancher sur l’opportunité d’une mesure pour l’Administration de la direction du Budget, soulève la question de l’élaboration de la décision elle-même. Ces points ne font pas l’objet d’une discussion sans préparation. L’administrateur, si bien informé, tire une bonne partie de ses données des rapports et notes des contrôleurs des dépenses engagées. Lors de la discussion de son premier budget en tant que directeur, Roger Goetze raconte : « J’ai été extrêmement surpris de voir l’administrateur civil mener à côté de moi une discussion étonnante. Il en savait plus que les gens de l’Éducation nationale sur les effectifs scolaires, leurs besoins, etc.54. »
a. L’informateur de la direction du Budget
75Si la décision est essentiellement politique, au sens où le choix final doit émaner d’une institution représentative, « l’action de la direction du Budget n’est pas toujours limitée par les décisions impératives du Gouvernement. Il lui est généralement possible de porter sur les demandes qui lui sont présentées une appréciation plus libre. Elle doit alors se faire une opinion des besoins. Son opinion repose sur les informations qu’elle a pu recueillir. Le problème de l’information constitue, en effet, pour la direction du Budget, un problème essentiel (...)55. » Qui est son informateur ? « Un haut fonctionnaire – le contrôleur financier – est (...) placé auprès de chaque ministre pour surveiller sa gestion du point de vue financier. Cette surveillance et ce contrôle facilitent incontestablement l’établissement, par les services du ministère des Finances, d’un Budget mieux informé56. » Le contrôleur est-il un bon informateur ? « On savait beaucoup de choses (à la direction du Budget) grâce au contrôleur financier, surtout lorsqu’il était bien. Il y en avait de moins bien, mais dans les ministères importants, on avait de très bons contrôleurs financiers57. » Sa mission est dans son ensemble une mission d’information. La comptabilité des dépenses engagées, au-delà de son rôle de vérification purement comptable, est une source d’information quant au bien-fondé d’un crédit budgétaire. « Les informations qu’il doit fournir sur la situation des différents chapitres présentent un intérêt particulier lorsqu’il s’agit des propositions budgétaires car elles peuvent influer sur la décision que prendront les services du ministère des Finances pour maintenir ou augmenter, voire diminuer les crédits. (...) Elles le conduisent à présenter ses suggestions tant sur l’importance des crédits qu’il estime devoir être affectés à un chapitre que sur les réformes qu’il estime susceptibles d’être réalisées dans l’Administration qu’il contrôle58. »
76À l’origine créé pour permettre aux chambres d’obtenir une gestion plus rigoureuse du budget tel que défini par la loi, et pour informer le Parlement des dérives financières des ordonnateurs, la loi du 10 août 1922 prévoit la possibilité pour le Parlement de contacter le contrôleur des dépenses engagées. Ce dernier est, dans les années cinquante, un agent de renseignement des Finances et plus particulièrement de la direction du Budget. « On est des espions59 » déclarait un contrôleur, en se référant explicitement à sa direction de rattachement. Pourtant les dispositions prévoyant les relations entre le contrôle et le Parlement furent actualisées, l’article 68 de la loi du 21 mars 1947 explicitant la procédure des contacts avec les commissions et renforcées par l’article 3 de la loi du 18 juillet 1948. Il semble cependant que dans la pratique « ces relations ne s’effectuent que par écrit (...) avec l’assentiment du ministre des Finances, qui tout au moins doit être avisé immédiatement60 ». « (Dès) ma première mission au ministère du Travail, il n’était plus question de rapports directs entre les commissions parlementaires et les contrôleurs financiers. Le ministre des Finances y avait mis un holà, depuis pratiquement l’origine sans doute61 ».
b. Les vecteurs d’information
77Le contrôleur dispose, malgré son éloignement géographique, de deux moyens d’action pour informer la direction du Budget : les notes d’information sur des points particuliers et les rapports de fin d’année sur la gestion des comptes du ministère contrôlé.
78Les notes sont rédigées à l’initiative, soit du contrôleur, soit de la direction du Budget. La masse de travail demandé au contrôle aidant, les notes à objet particulier vont être annexées aux rapports annuels sous forme d’études.
79Dans une première partie de son rapport de fin d’exercice, le contrôleur dresse un bilan global de la gestion des comptes du ministère pour l’année considérée. Ce bilan est plus ou moins synthétique et généralement très bien mis en perspective au vu des contraintes extérieures aux phénomènes strictement financiers. « Comme l’a montré notre exposé, les moyens financiers du ministère des Armées “air” sont restés incertains jusqu’au mois d’août 1958. Au budget déjà sévère, admis au début de l’année, la loi de finances (2e partie) a apporté des modifications qui se sont révélées presque aussitôt insupportables. La poursuite de l’activité de l’armée de l’air en Afrique du nord et, d’autre part, en dépit de certaines compressions de programme, l’importance des paiements à satisfaire concernant les études et fabrications aéronautiques motivaient des dotations supérieures à celles retenues par le législateur. (...) Mais, après avoir eu à faire face à des difficultés extrêmement sérieuses sur le plan budgétaire pendant le premier semestre 1958, le ministère des armées « air » a bénéficié, en définitive, d’une sérieuse aisance financière si l’on considère que des reports importants sont apparus en fin de gestion62. » D’une façon générale, les rapports font état dans leur introduction du bon fonctionnement général des services au regard des procédures administratives en matière budgétaire.
80Dans un second temps le contrôleur aborde quelques points particuliers de son travail, en les détaillant. On peut ainsi trouver une étude très poussée du coût par élève des internats de la région sud-ouest pour les années cinquante dans le rapport du contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale63 ou une étude comparative du prix de revient du pain, entre la meunerie boulangerie de l’Assistance publique qui livre tous les hospices et une boulangerie industrielle. Avec en guise de conclusion cette remarque éclairante sur le degré de technicité de l’étude atteint par le contrôleur : « Enfin, la lutte contre le gaspillage du pain doit être résolument poursuivie dans tous les établissements. Les français consomment de moins en moins de pain, il en est certainement de même des malades64. »
81Le contrôleur doit faire un rapport annuel prioritairement adressé aux commissions des finances des assemblées et au ministre des Finances. Le rapport est remis au ministre des Finances à travers le bureau B3 de la direction du Budget, il relève de la responsabilité du ministre de transmettre le rapport au Parlement. Si les relations directes entre le corps de contrôle et le Parlement semblent définitivement écartées, le rapport de gestion pouvait être la dernière manifestation de ce lien ancestral. Mais « le rapport crée scandale dans l’administration contrôlée ; les Finances ne veulent pas l’envoyer au Parlement65 », aussi « le rapport passait par le directeur du Budget qui avait monté un bureau pour caviarder le rapport du contrôleur dans la mesure où il ne lui plaisait pas66 ». Le rapport gène les relations entre la direction du Budget et le ministère contrôlé. Il est conservé en tant que source d’information et remodelé avant d’être éventuellement transmis aux destinataires légaux. « Le chef de bureau (du contrôle des dépenses engagées) m’a téléphoné pour me remercier et me dire que j’avais fait un bon rapport, et qu’il allait m’envoyer la version définitive dans laquelle j’ai retrouvé certaines de mes phrases, mais ils avaient supprimé certaines parties entre un paragraphe X et un paragraphe Z67. » Paradoxalement, le fait que ces rapports ne soient pas adressés à leurs destinataires initiaux en fait donc des sources d’information plus rigoureuses. Débarrassé de la contrainte inhérente à sa position au sein du ministère vérifié, le contrôleur peut se laisser aller. « Si ces rapports étaient allés au Parlement, on aurait fait plus attention, alors que là chacun vidait son cœur68. »
82Le sort de ces rapports reste cependant incertain, non relayés, ils ne trouvent leur utilité que dans l’attention qui leur est prêtée au niveau de la direction du Budget. On peut être tenté d’analyser le vaste champ des connaissances dont fait preuve le bureau B2 comme un gage de l’utilisation des rapports. Il convient cependant de s’interroger sur les sources réelles de ces informations. Les contrôleurs sont eux-mêmes dubitatifs quant au bon fonctionnement du réseau mis en place : « Le rapport ne sert à rien, personne ne le lit69. »« Les renseignements transmis par le contrôleur financier ne parviennent pas à ceux qui pourraient les exploiter70. » Le doute existant autour de l’utilisation faite des informations transmises par les contrôleurs peut trouver deux types de justifications. « Le ministre des Finances ne voulait pas (que le contrôleur ait des relations avec le Parlement) car il voulait conserver sa mainmise sur le contrôle financier et il ne voulait pas que certaines choses soient connues du Parlement71. » De plus, la direction du Budget peut douter du bien-fondé des données transmises. « La bonne ou mauvaise exploitation des renseignements provient de la confiance des Finances en le contrôleur72. » La volonté de rétention d’information et la méfiance à l’égard d’un corps qu’elle a conscience de ne pas maîtriser complètement amène la direction du Budget à ne pas croire en « l’efficacité et à l’utilité du contrôle ». Les contrôleurs lui reprochent parfois même « un manque de coordination73 ».
c. L’agent de la direction du Budget
83Qu’il s’agisse de leur affectation, des conditions d’exercice de leur fonction, de leur avancement, de leur discipline, les contrôleurs financiers dépendent exclusivement du ministre des Finances (article 2 de la loi de 1922) et « en fait du directeur du Budget74 ». Le contrôle financier central en France est un contrôle interne à l’exécutif mais externe au service de l’ordonnateur. « Les contrôleurs financiers (...) sont soumis au pouvoir hiérarchique du directeur du Budget dont ils constituent l’œil et le bras armé dans chacun des ministères75. »
84Les rapports entre le service du contrôle des dépenses engagées et le ministère des Finances « dépendent des relations personnelles que l’on a avec B2 76 ». Les relations entretenues avec B2 ne semblent pas difficiles, peut-être parce que la direction du Budget n’attend justement pas grand chose du contrôle. En conséquence, il n’est pas étonnant qu’un des contrôleurs interrogés déclare : « Je ne vois pas de raisons de mésentente avec la direction du Budget autre que personnelles77. » Cette piste semble se confirmer si l’on considère qu’« il faut s’adapter à la façon de voir des directeurs du Budget qui n’ont pas toujours la même vision du contrôle78 ».
85La mission du contrôleur financier central est mouvante, en fonction des relations qu’il entretient avec les bureaux B2 (avec qui il correspond) et B3 (dont il dépend, administrativement parlant), mais aussi en fonction de la personne du directeur. Leur place n’est cependant pas assimilable à un poste politique. « Ces fonctionnaires bénéficient de garanties réglementaires de stabilité extrêmement appréciables dans l’exercice de leur fonction. Ils échappent ainsi en grande partie aux vindictes d’origine politique. La seule mesure qui puisse être prise à leur encontre est la mutation de poste. Mais étant donné le faible effectif des contrôleurs, cette éventualité est peu dangereuse et extrêmement rare79. » Cette possibilité de mutation est pourtant ressentie, non comme une brimade, ni comme une sanction, mais comme une instabilité nuisant à l’efficacité du service puisque « n’importe quel administrateur nous (les contrôleurs) fait valser80 ». Le contrôleur, en s’affranchissant de la subordination du ministre contrôlé s’est donc soumis à celle du commanditaire.
B. Des agents « intégrés » au ministère dépensier
86« Le contrôleur financier ne pouvait pas ignorer qu’il était le représentant de la direction du Budget, mais on n ’aurait pas rempli notre mission si on avait fait que suivre le Budget81. » Détaché en terre hostile, le contrôleur des dépenses engagées devra déployer des trésors d’ingéniosité pour se faire accepter par les services contrôlés. « Nous sommes les gens des Finances mais j’essaie de démolir cette idée82. »
87Cette volonté manifeste d’intégrer le ministère contrôlé provient essentiellement de leur rôle d’informateur des Finances. « Le contrôleur financier doit être intégré au ministère contrôlé, c’est là qu’il acquiert des informations83. » À contrario le contrôleur doit se mettre au service du ministère contrôlé. C’est là un sens caché de la modification de son titre. Le contrôleur financier devient un conseiller financier.
1. Les relations entre le contrôleur et l’Administration vérifiée
88Le service du contrôle des dépenses engagées est géographiquement situé au sein même du ministère contrôlé. Cette implantation n’est pas sans signification ni répercussion. La mission même du contrôleur nécessite sa présence sur place. On ne peut pas imaginer des navettes, reliant le service du contrôle et ceux des ordonnateurs, effectuant d’incessants allers et retours avec les demandes d’engagements de dépenses ou les ordonnances de paiement. Délocalisé, ce service est aussi en partie mis à la charge du Budget du ministère contrôlé puisque les locaux et une partie des agents sont mis à la disposition du représentant de la direction du Budget par le ministère d’accueil. « (...) Ces quelques agents sont choisis avec soin – ce qui semble nécessaire compte tenu de l’intérêt de l’Administration contrôlée à avoir à ces postes des interlocuteurs avertis84. » En guise de conclusion à son rapport, un des contrôleurs en exercice dans les années cinquante insiste sur la qualité des éléments composant son service et sur leur influence quant à ce qu’il estime être une mission réussie ; « Ces éléments internes (la compétence des agents du service) s’ajoutant aux relations confiantes entretenues avec la plupart des directions du quai Branly et particulièrement avec le service de l’Administration générale (...), ont contribué a permettre au contrôleur soussigné, il l’espère du moins, d’exercer ses fonctions avec une efficacité suffisante, en dépit de l’accroissement des tâches85. »
89Disposant d’un service de qualité, mais en nombre qu’il estime généralement insuffisant, le contrôleur se doit d’entretenir des relations de confiance avec ses interlocuteurs au sein de l’administration vérifiée. Cependant, « il ne faut pas se laisser phagocyter par le ministère contrôlé86. » Le contrôleur occupe une position telle qu’il doit s’impliquer dans la vie du ministère contrôlé tout en n intégrant pas sa logique en terme de besoins. « Il ne faut pas être en place au même ministère plus de 7 ans, sinon on entre dans les intérêts du ministère contrôlé87. » Cette remarque peut sembler empreinte d’une grande sagesse, elle dénote surtout une non-application des textes. Les contrôleurs des dépenses engagées ne sont pas censés exercer leurs fonctions au sein d’un même ministère plus de 5 ans (décret du 13 mars 1942). On ne peut que constater l’existence de ce texte « dont l’application n’a jamais été très rigoureuse88 ». La relation existant entre le contrôle et les services peut placer le contrôleur devant un dilemme. « Le contrôleur doit savoir s’informer, mais ne pas trahir la confiance qu’on lui accorde. Il doit savoir donner des conseils et persuader sans empiéter sur les attributions qui ne sont pas les siennes. Il doit veiller à ce que son personnel – qui dépend directement ou non des deux ministères – observe les mêmes règles de discrétion89. »« L’examen du point de vue financier de toute affaire les conduit (les agents du service du contrôle), par la force des choses, à connaître les autres aspects et à être informés de détails confidentiels qu’ils ne peuvent exploiter, même pour informer le ministre des Finances, sans trahir la confiance des responsables de l’administration contrôlée90. » Pour l’efficacité de sa mission, le service du contrôle doit être « intégré » au ministère, car c’est de là que vient l’information. Les contrôleurs insistent sur la nécessité que « les gens viennent vous voir et parlent à cœur ouvert91 ». En effet, les relations, en termes budgétaires, sont telles au sein d’un ministère dépensier que « les services se trahissent les uns les autres et sont heureux de s’abriter derrière le contrôle92 ». En pratique, « les services viennent nous prévenir discrètement lorsqu’il y a un ordre irrégulier des cabinets, ils nous disent, voilà ce qui se passe, à vous de jouer93. » Alors, le contrôleur se doit d’« avoir le sens de la diplomatie et des relations humaines94 ». Il faut éviter les conflits, « le contrôleur financier ne doit pas être un casseur d’assiettes95 ». C’est à ce moment que le contrôleur, pour préserver sa marge de manœuvre ultérieure, va prendre un peu de liberté avec une application trop stricte des textes. « L’octroi de crédits pour les opérations nouvelles a été différé jusqu’en mai 1958 et n’a pris un caractère définitif qu’en août 1958. Eu égard à cette situation, il a été jugé nécessaire de mars à juillet d’autoriser les services « air » à passer divers marchés de fabrication ou de fournitures estimés urgents par anticipation sur les décrets de répartition à venir96. » Cependant, comme il a été évoqué, le contrôleur est parfois amené à débouter l’administration demanderesse. « Il faut prendre les formes, enrober la décision de ne pas viser dans du papier de soie, il ne faut pas être agressif et présenter l’affaire avec le plus d’amabilité possible. Il faut que l’interlocuteur parte avec les mains vides mais content 97. »
90Le contrôleur ressent sa présence comme celle d’un corps étranger mais non hostile, comme « un calcul dans un rein douloureux98 ».
2. Les conseillers financiers du ministère contrôlé
91Un gros reproche fait au contrôle des dépenses engagées est d’entraver la procédure administrative, les services sont parfois placés devant l’urgence des demandes, le contrôle doit alors « avoir comme règle l’intérêt général et le respect des textes et les concilier avec l’action 99 ». La difficulté du métier vient « de l’affrontement des exigences de régularité financière et de la pratique administrative100 ». On ne sera donc pas étonné de recueillir très fréquemment cette affirmation dans les témoignages : « Les conflits apparaissent là où régularité financière et action administrative se heurtent101 . » Au niveau strictement formel, « les conflits proviennent d’affaires relativement simples, traitées avec désinvolture par l ’Administration102 ».
92Si bien que la mission du contrôle a évolué. « Le ministère (des Finances) voulait faire des contrôleurs des dépenses engagées des contrôleurs mais aussi des conseillers financiers auprès des ministères contrôlés103. »« Le rôle de conseiller financier que doit jouer le contrôleur des dépenses engagées, aussi bien à l’égard du ministre des Finances, que du ministre auprès duquel il est placé, n’est pas une de ses attributions les moins importantes. Cette mission est certainement la plus délicate qu’il ait à remplir. Car il s’agit moins d’appliquer des règles strictes de contrôle que d’éclairer utilement l’opinion du ministre des Finances sur le fonctionnement et les besoins financiers des services contrôlés, et de se faire reconnaître par les administrations comme un conseiller qu’il est utile de consulter sur toutes les questions d’ordre budgétaire104. » On trouve ici la justification pratique de la large possibilité d’interprétation de la légalité d’une décision administrative accordée au contrôleur. « L’efficacité du contrôle vient de ce que ses conseils sont écoutés du fait de la possibilité qui lui est offerte de refuser le visa105. » Ce rôle de conseiller peut entraîner de la part de certains contrôleurs légalistes ce constat désabusé quant à leur mission : « On est conseiller financier pour tourner la loi106. »
93La désinvolture de l’Administration peut parfois tourner à la mauvaise foi, alors le système devient proprement ingérable. La lenteur reprochée au contrôle peut provenir du manque de célérité dans le traitement de l’information des services. « C’est encore cette année le défaut d’engagement préalable à la réalisation des dépenses qui a motivé les plus nombreuses observations. On a peine à croire que le contrôle des dépenses engagées qui, dans sa forme actuelle, existe depuis plus de 30 ans, soit encore ignoré des fonctionnaires actuellement en service107. »
94Cependant, les difficultés rencontrées vis-à-vis de certains services ne doivent pas laisser planer d’ombre sur le constat quasiment unanime de bonne collaboration de l’administration. Dès lors, le contrôle prend son essor et il devient un vrai outil de progrès. En général, le contrôleur, aux prises avec le quotidien de la vie du ministère, va proposer des réformes techniques ou pratiques. Ces réformes vont, suivant les domaines considérés, soit dans le sens d’un assouplissement ou d’un durcissement de la réglementation, soit toucher à l’organisation même de la vie du ministère. Dans son rapport pour 1953, le contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale avait réclamé des normes de dimension et de prix pour les installations des enseignements techniques. Il semble avoir été écouté puisqu’il se félicite dans son rapport pour 1954 de ce qu’une commission a été mise en place en vue d’établir ces normes. Mais il déplore alors que la commission n’ait pas abouti à la conclusion qu’il vallait mieux utiliser « les magasins d’académie » qui sont des organes inter-direction permettant, par leur politique d’achat en nombre, « dans de nombreux cas, de fournir un matériel excellent à des prix plus favorables108 ».
95Au-delà de sa mission de contrôle, le contrôleur est donc bel et bien un conseiller dont le but n’est pas seulement de restreindre la masse des dépenses, mais de collaborer à une meilleure organisation du ministère contrôlé.
96L’article 4 de la loi du 10 août 1922 dispose que « les contrôleurs des dépenses engagées donnent, au point de vue financier, leur avis motivé sur les projets de lois, de décrets, d’arrêtés, contrats, mesures ou décisions soumis au contreseing ou à l’avis du ministre des Finances, ainsi que sur les propositions budgétaires et les demandes de crédits additionnels de toute nature des départements ministériels auxquels ils sont attachés ». Il est très difficile au contrôle de se prononcer sur la totalité des textes à incidences financières. Une mesure, quelle qu’elle soit, entraîne invariablement une dépense. Par exemple, une mutation avec compensation financière d’un agent doit être soumise à l’avis du contrôleur... La disposition essentielle de l’article 4 précité est donc la soumission au contrôleur des dépenses engagées du projet de Budget tel qu’il est préparé par le ministère concerné. Il émet « un avis qui constitue un utile instrument de travail109 », lors de l’élaboration du projet de budget par la direction du Budget.
97La procédure budgétaire française prévoit des « conférences budgétaires », réunissant administrations dépensières et direction du Budget, dont le but essentiel est de permettre la réalisation de choix entre les différentes mesures envisagées. « Le jour de la conférence budgétaire, vous avez le sous-directeur, chargé de la première sous-direction, l’administrateur civil qui a préparé le budget, le contrôleur financier et les services. (...) C’est une procédure exclusivement orale, il n’y a pas de procès-verbal de cette réunion110. » Le contrôleur, interface entre les protagonistes, « éprouve des difficultés (lors des conférences), pris entre le marteau et l’enclume111 ». Son rôle exact au sein des conférences est très difficile à évaluer puisqu’il n’existe pas de traces écrites de ces conférences. Il est sans aucun doute d’un conseil avisé. « Le contrôle financier est placé au point de contact de ces deux forces opposées (ministère des Finances et ministère dépensier). Représentant du ministre des Finances, il doit évidemment avant tout faire respecter les directives de ce dernier ; mais vivant la vie de l’administration qu ’il contrôle, il peut estimer que certaines réalisations sont absolument nécessaires ou que d’autres peuvent ne pas être absolument incompatibles avec des prescriptions apparemment formelles. Aussi peut-il se faire l’intermédiaire de l’administration qu’il contrôle auprès du ministère des Finances, notamment au cours des discussions budgétaires et, le cas échéant, suggérer des solutions qui, sans violer les dispositions fondamentales du droit budgétaire ou de la comptabilité publique, permettent de pallier certaines difficultés et d’aboutir à des résultats concrets112. » Les témoignages directs des contrôleurs sont cependant par trop discordants pour que l’on puisse valider cette possibilité évoquée. Cependant, la notion de « rôle au sein des conférences budgétaires » demande à être précisée. Tout d’abord, comme il a été dit, la direction du Budget a plus ou moins confiance en son contrôleur. Elle est ainsi justement tentée de donner plus ou moins d’importance à ses avis ou suggestions, a fortiori quand ils vont dans le sens d’une demande du ministère dépensier. De plus, la fonction du contrôleur n’est pas de faire pencher la balance dans un sens mais de permettre aux participants des conférences de prendre une décision. C’est peut-être plus à la lueur de cette analyse qu’il convient de lire le témoignage suivant : « le contrôleur assiste aux conférences budgétaires, tantôt pour défendre le ministère contrôlé, tantôt pour aller contre lui. Le ministère des Finances à toujours été très respectueux de la liberté d’expression des contrôleurs financiers, admettant qu’il prenne parti pour le ministère contrôlé, ce qui ne l’empêchait pas de dire non contre notre avis (...) Devant le directeur du Budget, le contrôleur financier avait un rôle très important parce qu’il était sur le terrain113. » Pour schématiser la situation, son rôle au sein des conférences budgétaires est d’« éclairer la direction du Budget objectivement114, puisqu’il est l’organe de liaison bien informé des suggestions des deux parties 115 ». Dans ce sens, on remarquera que lorsque la décision devient politique, c’est-à-dire au niveau de l’arbitrage entre ministres, quand il est présent, le contrôleur perd toute sorte d’influence. « Les ministres marchandaient et ne consultaient pas le contrôleur financier, on était là pour information 116. »
Conclusion
98Le contrôleur des dépenses engagées, plus qu’un diplomate ou un fusible, apparaît, dans les années cinquante, comme un neurotransmetteur, comme un traducteur placé entre un service administratif et la direction du Budget. Les deux protagonistes ne poursuivent en effet pas le même objectif, mais surtout ne parlent pas la même langue. Monsieur Magniez confirme a contrario cette incompréhension en évoquant ses relations avec les administrateurs des services lors des conférences budgétaires : « Il y avait à la tête de certaines directions du ministère de la Culture des personnalités extrêmement brillantes qui n’hésitaient pas, avant de se rendre rue de Rivoli, à s’intéresser à la technique budgétaire. C’est ainsi qu’un directeur des archives me déclara tout de go que ses crédits pour déduction pour vacances d’emplois étaient sous-évalués et qu’il n’en était pas de même pour les dotations dont il disposait au titre de l’insuffisance des traitements moyens. Ainsi aura-t-il tenu à se faire expliquer, en vue de me séduire, ce que signifiaient des expressions sûrement barbares à ses yeux117. »
99Cette fonction de contrôleur des dépenses engagées « exige des connaissances très techniques, du doigté, une aptitude certaine au contacts118... » Le contrôleur est un « tampon119 » dont « la présence limite les conflits120 ». Son rôle a cependant grandement évolué depuis la création de l’institution et les années cinquante représentent la cristallisation de cette mutation. En 1888, M. Peytral, alors ministre des Finances, prédisait un contrôle qui « évite les détournements, (mais) n’empêche pas les gaspillages ». Avec l’arrivée de la Ve République, il existe bel et bien une institution de normalisation des relations entre les protagonistes de la joute budgétaire. Si on ne peut affirmer que ce déplacement dans la fonction, d’un contrôle purement comptable à un rôle de conseil, est l’œuvre des années cinquante, il est cependant clair qu’en 1958 le contrôle financier s’affirme comme un lieu de rencontre et de transaction de la discussion budgétaire. Évidemment, la portée de l’intervention du contrôle dépend en grande partie de la personne qui l’exerce, tant en ce qui concerne les relations avec la direction du Budget qu’avec les ministères contrôlés. « C’est essentiellement sur le contrôleur lui même que repose la valeur du contrôle121. »
100Au-delà de l’importance du facteur humain, il existe des limites à l’efficacité du contrôle. Il s’agit de celui du contrôle des ordonnateurs secondaires qui se voient confier des crédits par les ordonnateurs principaux. Seule la validité de la délégation de crédit est visée par le contrôleur. Dans les années cinquante, la direction du Budget avait parfaitement conscience de ce problème. « Il est indispensable que soit institué un contrôle des engagements de dépenses plus efficace que celui qui fonctionne actuellement, dont la lacune essentielle réside dans les facilités données aux services extérieurs par l’absence, de fait, du contrôle122. » Les années soixante-dix ont vu la mise en place d’un contrôle local avec l’aide des trésoriers-payeurs généraux. La création d’un contrôle financier décentralisé en 1996 s’inscrit dans la droite ligne de cette volonté.
Notes de bas de page
1 E. Dubois de l’Estang, « Le Budget », article du Nouveau dictionnaire d’économie politique, sous la direction de Léon Say, Paris Guillaumin, 1891, p. 260.
2 Programme financier de Turgot, cité par E. Dubois de l’Estang, « Le Budget », article du Nouveau dictionnaire d’économie politique, sous la direction de Léon Say, Paris Guillaumin, 1891, p. 260.
3 Victor Marcé, « Le contrôle financier », article du Nouveau dictionnaire d’économie politique, sous la direction de Léon Say, Paris Guillaumin, 1891, p. 568.
4 Pour reprendre l’expression utilisée par Henri Emmanuelli lorsqu’il était secrétaire d’état au Budget de 1983 à 1986, expression réutilisée par Jean Choussat « Le budgétaire et le dépensier », revue Pouvoirs, n° 53, 1990, p. 61.
5 Jean Luc Perron, « Le ministère des Finances, les avants postes », Revue Pouvoirs, n° 53, 1990, p. 37.
6 Bulletin des lois : VIIe série, Bull. 121, n° 1310, p. 774.
7 Philippe Masquelier, « L’histoire de la direction de la Comptabilité publique 1870-1940 », actes du colloque La Comptabilité publique continuité et modernité, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1995, p. 48.
8 Victor Marcé, « Le contrôle financier », article du Nouveau dictionnaire d’économe politique, sous la direction de Léon Say, Paris Guillaumin, 1891, p. 567.
9 Jacques Reny « Défense et illustration du contrôle financier central », Revue Administrative, n° 252, novembre 1989, p. 527.
10 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 13.
11 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 14.
12 Jacques Reny « Défense et illustration du contrôle financier central », Revue Administrative, n° 252, novembre 1989, p. 537.
13 Georges Palthey, Le contrôle préalable des finances publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1942, p. 66.
14 Yves Bouthilier, Le drame de Vichy, tome II, les finances sous la contrainte, Paris, Plon, 1951, p. 371.
15 André Ferrat, La République à refaire, Paris, Gallimard, 1945, 252 pages.
16 Gonzague Chupin, « contrôle financier central », dans Dictionnaire encyclopédique des finances publiques, sous la direction de Loïc Philip, Paris, Economica, 1991, p. 476.
17 BREF, daté du samedi 6 avril 1946, archives privées Nathalie Carré de Malberg.
18 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 1, archives privées Marie-Christine Kessler.
19 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 5.
20 Entretien biographique avec René Magniez, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, entretien n° 4, cassette n° 4.
21 Entretien biographique avec René Magniez, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, entretien n° 4, cassette n° 4.
22 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 5.
23 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 3.
24 Rapport sur la loi Marin devant le Sénat, de M. Bérenger, le 2 février 1922.
25 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 17.
26 Conseil d’État : 27 janvier 1950, Arrêt Ganière, confirmé par CE Arrêt Lagraulet, 16 mars 1956.
27 Georges Palthey, Le contrôle préalable des finances publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1942, p. 80.
28 Georges Palthey, Le contrôle préalable des finances publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1942, p. 82.
29 SAEF, Rapport de M. Bessière, contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1954, carton B 30962, fonds Budget.
30 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 21.
31 Georges Palthey, Le contrôle préalable des finances publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1942, p. 84.
32 SAEF, Rapport de M. Bessière, contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1954, p. 42, carton B 30962, fonds Budget.
33 Jacques Reny « Défense et illustration du contrôle financier central », Revue Administrative, n° 252, novembre 1989, p. 532.
34 SAEF rapport de M. Martial, contrôleur financier près le ministère de la Santé publique et de la Population pour l’exercice 1958, carton B 30968, fonds Budget.
35 SAEF, Rapport de M. Rivière, contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1953, carton B 30962, fonds Budget.
36 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 2, archives privées Marie-Christine Kessler.
37 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n0 79, jan./fév. 1961, p. 27.
38 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
39 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 4, archives privées Marie-Christine Kessler.
40 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
41 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 5, archives privées Marie-Christine Kessler.
42 SAEF, Rapport de M. Noury, contrôleur financier près le ministère des Affaires économiques pour l’exercice 1957, p. 24, carton B 30958, fonds Budget.
43 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
44 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 2, archives privées Marie-Christine Kessler.
45 SAEF, Rapport de M. Noury, contrôleur financier près le ministère des Affaires économiques pour l’exercice 1957, p. 14, carton B 30958, fonds Budget.
46 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 22.
47 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 4.
48 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 6, archives privées Marie-Christine Kessler.
49 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 7, archives privées Marie-Christine Kessler.
50 SAEF, Rapport de M. Bessière, contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1954 p. 30, carton B 30962, fonds Budget.
51 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 5, archives privées Marie-Christine Kessler.
52 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 8, archives privées Marie-Christine Kessler.
53 Entretien Pierre Cortesse, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 1, face A.
54 Entretien avec Roger Goetze, Paris, 1997, CHEFF, notes Nathalie Carré de Malberg.
55 Rossard, La prévision en matière budgétaire, conférence du 16 novembre 1951, Paris, ITAP, p. 6.
56 Robert Granger, La préparation du budget dans les services centraux des ministères, conférence du 16 octobre 1956, Paris, ITAP, p. 2.
57 Entretien biographique avec René Magniez, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, entretien n° 4, cassette n° 4.
58 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 23.
59 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 1, archives privées Marie-Christine Kessler.
60 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 23.
61 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 4.
62 SAEF, Rapport de M. Bertin-Mourot, contrôleur financier près le ministère des Armées (air) pour l’exercice 1958, p. 7, carton B 30959, fonds Budget.
63 SAEF, carton B 30962, fonds Budget.
64 SAEF, rapports du contrôleur financier près l’Assistance publique à Paris pour l’exercice 1958 par MM. Chadzinsky et Musnier de Pleigne, p. 16, carton B 30960.
65 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 9, archives privées Marie-Christine Kessler.
66 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
67 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
68 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
69 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 4, archives privées Marie-Christine Kessler.
70 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 2, archives privées Marie-Christine Kessler.
71 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
72 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 9, archives privées Marie-Christine Kessler.
73 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 7, archives privées Marie-Christine Kessler.
74 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 15.
75 Jean Luc Perron, « Le ministère des Finances, les avants postes », revue Pouvoirs, n° 53, 1990, p. 46.
76 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
77 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 8, archives privées Marie-Christine Kessler.
78 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 7, archives privées Marie-Christine Kessler.
79 Georges Palthey, Le contrôle préalable des finances publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1942, p. 74.
80 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 2, archives privées Marie-Christine Kessler.
81 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
82 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
83 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 10, archives privées Marie-Christine Kessler.
84 Jacques Reny « Défense et illustration du contrôle financier central », Revue Administrative, n° 252, novembre 1989, p. 531.
85 SAEF, Rapport de M. Noury, contrôleur financier près le ministère des Affaires économiques pour l’exercice 1957, p. 28, carton B 30958, fonds Budget.
86 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 2, archives privées Marie-Christine Kessler.
87 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 4, archives privées Marie-Christine Kessler.
88 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 16.
89 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 29.
90 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 27.
91 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 2, archives privées Marie-Christine Kessler.
92 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 4, archives privées Marie-Christine Kessler.
93 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 4, archives privées Marie-Christine Kessler.
94 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
95 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 1, archives privées Marie-Christine Kessler.
96 SAEF, Rapport de M. Bertin-Mourot, contrôleur financier près le ministère des Armées (air) pour l’exercice 1958, p. 9, carton B 30959, fonds Budget.
97 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 5, archives privées Marie-Christine Kessler.
98 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 9, archives privées Marie-Christine Kessler.
99 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 7, archives privées Marie-Christine Kessler.
100 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 10, archives privées Marie-Christine Kessler.
101 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 6, archives privées Marie-Christine Kessler.
102 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 9, archives privées Marie-Christine Kessler.
103 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 3.
104 Georges Palthey, Le contrôle préalable des finances publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1942, p. 140.
105 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 6, archives privées Marie-Christine Kessler.
106 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 4, archives privées Marie-Christine Kessler.
107 SAEF, Rapport de M. Bessière, contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1954 p. 10, carton B 30962, fonds Budget.
108 SAEF, Rapport de M. Bessière, contrôleur des dépenses engagées près le ministère de l’Éducation nationale pour l’exercice 1954, carton B 30962, fonds Budget.
109 Rossard, La prévision en matière budgétaire, conférence du 16 novembre 1951, Paris, ITAP, p. 6.
110 Entretien biographique avec René Magniez, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, entretien n° 4, cassette n° 4 face B.
111 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 8, archives privées Marie-Christine Kessler.
112 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 25.
113 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
114 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 3, archives privées Marie-Christine Kessler.
115 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 6, archives privées Marie-Christine Kessler.
116 Entretien biographique avec André Caussin, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, cassette n° 6.
117 Entretien biographique avec René Magniez, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, archives orales, entretien n° 5.
118 Jacques Reny « Défense et illustration du contrôle financier central », Revue Administrative, n° 252, novembre 1989, p. 537.
119 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 9, archives privées Marie-Christine Kessler.
120 Entretiens avec les contrôleurs financiers, Contrôleur n° 6, archives privées Marie-Christine Kessler.
121 P. Carcelle et G. Mas, « Le contrôle financier », Revue administrative, n° 79, jan./fév. 1961, p. 30.
122 Note de la direction du Budget du 31 juillet 1955 « suggestion pour une réforme du contrôle des dépenses engagées », archives privées Roger Goetze.
Auteur
Chargé de recherches au Comité pour l’histoire économique et financière de la France et doctorant en droit public. Sa thèse porte sur le thème suivant : « Du contrôle des dépenses engagées au contrôle financier, les facteurs d’évolution d’une fonction. »
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