Introduction de la deuxième partie
p. 215-216
Texte intégral
1Entre le renvoi du Mouvement des fonds à la fin de 1936 et la nomination à la Banque de France au début de 1949, la carrière de Wilfrid Baumgartner, placé durant toute la période à la tête du Crédit national, semble de prime abord avoir connu une manière de parenthèse. Éloigné quelque temps après la victoire du Front populaire de la réalité du pouvoir administratif central, demeuré aux marges du pouvoir politique au moment de la guerre et de l’Occupation, écarté, du fait de sa captivité de 1943 à 1945, du processus de recomposition administrative à l’œuvre à la Libération, Wilfrid Baumgartner retrouva pourtant en apparence les voies du pouvoir et de l’influence en accédant à la fin de la période de la reconstruction au poste de gouverneur de l’Institut d’émission nouvellement nationalisé.
2Cet itinéraire à première vue étonnant demande à être expliqué : comment le grand commis de la fin de la Troisième République parvint-il à retrouver au début de la Quatrième une place aux sommets de l’appareil économique et financier de l’État, après un intervalle de plus de dix ans durant lequel se succédèrent le régime de Vichy et la tutelle allemande, puis à partir de la Libération le gouvernement provisoire de la République française ? Ces rapides modifications dans la nature du pouvoir posent immanquablement et avec une acuité renouvelée le problème des rapports entretenus par le haut fonctionnaire avec le pouvoir politique et même le pouvoir tout court à une époque où les événements se sont rapidement succédés, multipliant ruptures et reclassements, y compris et d’abord au sein de l’État.
3Mais ces évidentes ruptures ne doivent pas masquer pour autant les continuités que semble comporter aussi une période tout entière dominée par la pressante question du relèvement de l’économie nationale et du rattrapage, selon un thème promis à un bel avenir, du retard français. Placé à la tête du Crédit national, établissement financier semi-public dont la raison d’être depuis sa fondation au lendemain immédiat de la Première Guerre mondiale consistait précisément dans le financement de la reconstruction et de l’équipement industriel du pays, Wilfrid Baumgartner s’est trouvé, une nouvelle fois, en prise avec l’enjeu majeur du financement du redressement économique : quelles formes prit-il en 1937-1939, sous la double pression de la crise économique française persistante et de la préparation de la guerre de plus en plus certaine ? Au lendemain de la défaite, comment le Crédit national et son président conçurent-ils leur rôle dans le relèvement des premières ruines de la campagne malheureuse de 1940 ? Surtout, de quelle façon fut envisagée l’action de l’établissement dans la période de reconstruction et de modernisation des équipements qui, aux yeux de bien des responsables sous l’Occupation déjà, devait suivre un jour la fin de la guerre ? Quelle place enfin échut au Crédit national et quelle fut l’action de Wilfrid Baumgartner au lendemain immédiat de la Libération et jusqu’au déclenchement de l’aide Marshall, alors que la France, pour l’essentiel, ne pouvait compter que sur ses propres forces ? Pour le financier public devenu banquier s’est posée alors de manière directe la « question du crédit » en France.
4Le relèvement économique posa en effet, avec plus d’urgence à chaque nouvelle étape, le problème de ses modalités financières et de ses fins. Déjà frotté à ces questions du temps du Mouvement des fonds, le président du Crédit national put-il nourrir dans cette conjoncture particulière des ambitions nouvelles ? Quelle place surtout y tint le facteur de l’innovation financière dans le domaine sensible du crédit qui fut dès le début de son activité, on l’a vu, associé de près à ses préoccupations ? Au-delà, n’était-ce pas tout le problème du devenir d’un libéralisme économique déjà fortement infléchi par la crise qui se trouvait une fois de plus posé, dans cette période charnière des années 1940, par l’évolution mentale du haut fonctionnaire des Finances ?
5La guerre assurément domina dans toute la première partie de la période, de sa préparation de plus en plus intense à partir de 1936, jusqu’à la fin des hostilités en 1945. Ce fut pour le Crédit national et son président à la fois le temps de la mise à l’écart et des vastes ambitions nourries pour l’avenir.
6À la Libération et jusqu’au début effectif de l’aide Marshall en 1949 prit place ensuite cette période de la reconstruction et de la modernisation des structures économiques dont Wilfrid Baumgartner avait de longue date envisagé les modalités financières, et durant laquelle l’établissement dont il avait la charge fut amené à jouer un rôle à bien des égards non négligeable contribuant de manière directe à renforcer l’institution de formes d’économie d’endettement en France.
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