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Introduction de la première partie

p. 31-32


Texte intégral

1Né avec ce siècle, Wilfrid Baumgartner fit le premier tiers de sa carrière dans l’administration de la direction du Mouvement général des fonds, devenue « direction du Trésor » en 1940, au cours des dernières années de la IIIe République commencées dans les fastes de la Belle Époque, bientôt anéantie par la secousse de la Grande Guerre et le marasme de la longue crise économique des années trente, achevées enfin dans les décombres d’une défaite honteuse.

2La période a fait depuis l’objet d’études historiques innombrables, en France comme à l’étranger, et le temps est loin où René Rémond cherchait à éveiller la curiosité de ses pairs sur une époque délaissée1. C’est dire si l’étude du premier acte de la carrière de Wilfrid Baumgartner s’avance avec circonspection et assurance tout à la fois dans une époque connue, balisée et fortement problématisée déjà. Qu’attendre en effet de l’histoire singulière d’un des acteurs de cette période, parmi tant d’autres et de bien plus importants ? Surtout, pourquoi s’attacher à l’action d’un de ces hommes dont l’impuissance a semblé, dès cette époque, totale face à une crise tellement profonde et durable qu’elle a très tôt été perçue comme une crise du régime capitaliste dans son ensemble ?

3De 1902 à 1936, étape capitale dans la vie de l’homme, Wilfrid Baumgartner accéda au pouvoir par une voie qui mena en l’espace de trente ans le fils aîné d’un chirurgien parisien à la direction de la plus prestigieuse administration du ministère des Finances. Cette ascension laisse pourtant entière la question des moyens employés, des appuis sollicités, des atouts hérités et acquis, des vertus personnelles déployées. C’est ici que l’on peut tenter de contribuer à la connaissance des élites en France dans la première moitié du XXe siècle, des conditions de leur formation, de leur éventuelle reproduction, des modalités aussi de leur maintien au pouvoir et des rapports entretenus entre elles à une époque marquée pour la société française par de profonds bouleversements et d’incontestables reclassements.

4Mais l’ascension de Wilfrid Baumgartner demande aussi d’étudier la nature du pouvoir ainsi obtenu et d’examiner de quel poids réel son détenteur put peser sur les principaux événements d’une période fertile en retournements et au cours de laquelle les problèmes financiers ont semblé être posés avec une insistance inédite : l’inflation née des besoins de trésorerie sans précédent engendrés par la Première Guerre mondiale, la faillite du Cartel des gauches, la fin, avec Poincaré, de l’ancien régime monétaire, les crises monétaires à répétition qui ponctuèrent la dépression économique, les nouvelles dévaluations jusqu’à la guerre, autant de jalons dans une carrière alors tout entière placée sous le signe des finances. Sur le fond de cette conjoncture mouvementée, quelle marge de décision fut laissée au commis du Trésor ? De quelle capacité d’appréciation fit preuve l’expert des finances de l’État ? Quelle efficacité enfin revêtit son action ?

5La fin de la Troisième République, de sa naissance dans le monde du XIXe siècle à son renvoi du Mouvement général des fonds en 1936, apparaît ainsi à bien des égards pour Wilfrid Baumgartner comme le temps des apprentissages.

6Son entrée à l’inspection des Finances en 1925 était l’aboutissement de ses années de formation dont le début se perdait comme toujours dans les toutes premières expériences de l’existence. Wilfrid Baumgartner fut alors véritablement à l’école, lieu d’apprentissages théoriques, mais d’apprentissages sociaux aussi, puis pratiques avec ses débuts à l’inspection, enfin comme chargé de mission à la trésorerie dans l’ombre de Poincaré.

7À partir de 1931 et son entrée dans les cadres du Mouvement des fonds, Wilfrid Baumgartner fut mis à la rude école des réalités, celle de la crise éco­nomique et de la tâche impossible d’ajustement des recettes et des dépenses de l’État. L’analyse du mirage de l’équilibre budgétaire dans les années 1930 est depuis longtemps connue. Mais c’est aussi à cette occasion que les formes de la politique de la dette publique ont rapidement évolué, contribuant à informer de manière inédite le système financier dans sa globalité et aboutissant à renforcer en son sein les logiques d’économie d’endettement.

8Accédant enfin aux sommets de l’administration du Trésor, le jeune directeur y fit l’apprentissage tout aussi fondamental du pouvoir à une époque, entre 1934 et 1936, où le pouvoir précisément se fit changeant, mettant à l’épreuve la conception que le grand commis s’était formée entre-temps des devoirs et des pouvoirs attachés au métier de financier public. Mais cette courte période a également correspondu à une forte poussée réformatrice des marchés de l’argent, dont la réorganisation a pu sembler en 1935 comme, sur d’autres bases politiques et sociales, en 1936, le moyen d’une sortie de crise.

Notes de bas de page

1 Rémond (René), « Plaidoyer pour une histoire délaissée : la fin de la IIIe République », Revue Française de Sciences Politiques, vol. VII, n° 2, avril-juin 1957, p. 253-270.

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