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Entre politiques publiques et pratiques économiques : les dynamiques de la Révolution française

p. 427-451


Texte intégral

1Proposer un bilan de ce volume peut sembler une gageure tant sont ici divers les sujets abordés, les chronologies embrassées et les terrains d’enquête explorés.

2Rappeler d’emblée qu’il est le fruit de la collaboration de plusieurs organismes spécialisés en histoire économique1 et en histoire de la Révolution française2 suffit à en dégager l’ambition initiale. Dix ans après le numéro des Annales historiques de la Révolution française (AHRF) consacré aux « temps composés de l’économie », et près de trente ans après le colloque tenu en 1989 à Bercy sous l’égide du CHEFF récemment créé3, la rencontre organisée au CNAM les 7‑8 juin 2018 visait à renouer, du moins à resserrer, les liens distendus entre des pôles de recherche qui, sans s’ignorer, peinent encore à échanger.

3Si les cloisonnements institutionnels n’y sont évidemment pas étrangers, l’éloignement du champ des études révolutionnaires avec le terrain socio-­économique y est aussi pour beaucoup. En témoigne le bilan plus qu’étriqué des travaux menés en histoire économique en amont comme en aval du Bicentenaire de 1989 : constaté dès les premiers états des lieux historiographiques réalisés au lendemain de la commémoration4, il a été confirmé depuis, par tous ceux entrepris, à titre rétrospectif ou prospectif, entre 1991 et 20115.

4Du côté des publications de la SER, le bilan n’est guère plus flatteur : en se limitant aux articles parus dans sa revue depuis les dix dernières années, il apparaît que le nombre de ceux traitant exclusivement des questions économiques se réduit à la portion congrue ; généralement cantonnés à la rubrique des « regards croisés6 », ils font, pour la plupart, l’objet de contributions isolées dans des numéros de varia (une douzaine tout au plus) ou dans les numéros spéciaux consacrés à des chantiers connexes7. La production éditoriale de la SER est encore plus éloquente : à peine quatre titres relatifs à l’histoire socio-économique dans la cinquantaine d’ouvrages publiés dans la 3e et 4e série de la « Bibliothèque d’histoire révolutionnaire » entre 1962-1999 ; aucun dans la collection des « Études révolutionnaires » créée en 20018.

5Cette relative désaffection pour l’histoire économique n’est, certes, pas spécifique à l’historiographie révolutionnaire9. Bien que dans les dernières publications rendant compte des orientations récentes de l’histoire économique la période révolutionnaire ne soit pas tout à fait ignorée10, les pistes esquissées en faveur d’un « retour de l’histoire économique11 » tardent toutefois à s’appliquer à la séquence révolutionnaire, sans doute en raison des échelles spatiales et temporelles privilégiées12. Si les décloisonnements permis par le global turn ont eu le mérite d’achever de faire imploser le cadre hexagonal dans lequel a trop longtemps été confinée l’histoire de la Révolution, ils restent encore essentiellement l’apanage de l’historiographie anglo-saxonne et d’une histoire atlantique trop souvent arrimée à l’histoire coloniale stricto sensu, voire annexée par celle-ci13. Quant au prisme de la longue durée, il faut bien admettre qu’il peine à rendre compte du rythme épileptique des décennies encadrant le tournant des xviiie-xixe siècles. La fortune des travaux et débats récents autour du concept de « révolution industrieuse14 » a ainsi contribué à dissoudre encore un peu plus la portée de la décennie révolutionnaire dans la genèse, toujours plus incertaine, de la « révolution industrielle ».

6Ceci ne suffit pas, toutefois, à expliquer pourquoi, alors que les historiens de l’économie n’ont jamais ignoré la période révolutionnaire, les spécialistes de la Révolution ont quant à eux singulièrement boudé l’histoire économique.

I. Les rendez-vous manqués des historiens de la Révolution avec l’histoire économique ?

7En ouverture de ce livre, Dominique Margairaz interroge l’« actualité » de l’histoire économique de la Révolution française, en regard de l’ampleur des travaux réalisés dans les quarante dernières années par les spécialistes de l’histoire économique, sur un terrain déjà amplement labouré par les épigones labroussiens. Du point de vue de l’historiographie révolutionnaire, force est de constater, à l’inverse, que le Bicentenaire a échoué à insuffler une dynamique de recherches collectives en histoire économique – et ce, de l’aveu même de son principal artificier, Michel Vovelle. Dans un testament aux allures de « dépôt de bilan15 », ce dernier reconnaissait à demi-mot les limites du virage « tout politique16 » emprunté par l’histoire de la Révolution. Ces limites, il a toutefois contribué lui-même à les produire, ne serait-ce qu’en dirigeant son armée de thésards sur les friches de cette « Nouvelle Histoire », dont il fut lui-même l’un des pionniers. Il suivait en cela de nombreux disciples d’Ernest Labrousse revenus des promesses de l’histoire sérielle et d’un rêve de synthèse brisé par la déconstruction des schémas structuralistes autant que par l’irrésistible ascension de l’histoire dite « des mentalités » – plus exactement, des représentations. Qu’une telle bifurcation, commune à ce que l’on a coutume d’appeler « la troisième génération » des Annales, ait permis de revivifier l’histoire de la Révolution en l’autorisant à sortir des sentiers (re)battus par l’historiographie soboulienne, nul n’en doute. Il est tout aussi indéniable qu’elle a contribué, ici comme ailleurs – mais, dans le champ des études révolutionnaires, sans doute un peu plus encore qu’ailleurs – à stériliser durablement les recherches sur cette « vie économique », qui avait pourtant été inscrite au fronton de la Commission créée à cette fin en 1903 par Jean Jaurès17. Or, paradoxalement, celle-ci n’a pas connu non plus son âge d’or à l’époque du règne supposé de l’histoire économique et sociale.

8Ce règne, c’est Georges Lefebvre qui l’inaugure dans le champ de l’histoire révolutionnaire, dans le sillon de ses deux compagnons de route des Annales, Lucien Febvre et Marc Bloch, en prenant, en 1932, les commandes de la SER (en lieu et place d’Albert Mathiez) et en créant, à partir de 1937, l’Institut d’histoire de la Révolution française (après avoir succédé à Philippe Sagnac à la tête de la chaire d’histoire de la Révolution française). C’est aussi cette histoire-là qui est promue, entre 1945 et 1967, au sein de l’Institut d’histoire économique et sociale (IHES) par celui qui, sans être le disciple de Lefebvre, en fut néanmoins le protégé18 et l’héritier putatif : Ernest Labrousse. Avant de s’imposer comme le pilier de l’histoire sociale quantitative, Labrousse aurait pu, et dû, en toute logique, lui succéder à la chaire d’histoire de la Révolution s’il n’avait hérité, en 1944, de celle d’histoire économique et sociale de Marc Bloch19. « Les face-à-face historiques du Bicentenaire, on les lira un jour eux aussi, pour une part, à son miroir20 », écrivait Madeleine Rebérioux à la mort de ce dernier, un an tout juste avant le Bicentenaire. Il est vrai que cette génération labroussienne, formée sous son magistère dans les années 1950-1960, s’entre-déchire en amont d’une commémoration qui s’est faite sous le patronage post-mortem21 du maître. Mais c’est aussi dans ce miroir labroussien que s’inscrit peut-être l’un des « rendez-vous manqués » du champ des études révolutionnaires, non pas seulement avec le renouvellement de l’histoire sociale entamée au début des années 199022, mais bel et bien, dès les années 1960, avec l’histoire économique et sociale telle que l’avait conçue et promue la seconde génération des Annales. Même si cette supposée hégémonie labroussienne mérite d’être nuancée23, il n’est pas interdit, compte tenu des segmentations du champ universitaire, de voir dans cet évitement de l’histoire économique la volonté, pour Lefebvre, de ne pas empiéter sur un territoire déjà occupé, voire confisqué24, par celui dont il considérait la thèse ès lettres comme « la plus remarquable qu’il [ait] eue à examiner25 » ; et, pour ses successeurs, la nécessité de s’en démarquer – que ce soit pour l’héritier autoproclamé de Lefebvre (Albert Soboul) ou pour son disciple émancipé (Michel Vovelle)26, au profit d’une histoire qui fut d’abord « sociale et politique », puis « politique et culturelle » – bien plus qu’économique au sens strict.

 

9Cette conclusion est aussi l’occasion de faire le point sur la singularité de la perspective retenue dans cet ouvrage par rapport à cette séquence labroussienne et aux renouvellements esquissés à la faveur de ce « moment économique » du Bicentenaire27.

10L’approche par la « conjoncture » retenue par Labrousse et ses disciples a permis de dégager des cycles de court et de moyen terme, dont les scansions et les pulsations sont désormais bien établies28, grâce aux nombreux travaux réalisés sur les salaires et les prix (des denrées, des produits manufacturés et des terres), dans le sillage des travaux pionniers de François Simiand, Henri Hauser et Labrousse lui-même29. Ces travaux ont notamment permis de mettre au jour les crises successives ou cumulées qui ont tout à la fois servi de berceau, de terreau et, in fine, de linceul à la Révolution – sans préjuger, du reste, de la nature nécessairement économique de telles crises. En cela, le « moment labroussien » a incontestablement permis de rendre à la Révolution française ses origines et ses rythmes économiques. Le Bicentenaire a cherché, quant à lui, à en peser les conséquences.

11En déplaçant la focale de ses causes à ses effets, et du paradigme de la crise à celui de la croissance, le principal enjeu des études inscrites au tournant des années 1980 et 1990 a consisté à déterminer dans quelle mesure et jusqu’à quel point la Révolution avait accéléré ou, à l’inverse, retardé l’avènement d’un système de production et d’échange de type capitaliste. Alors que, pour les uns, elle aurait durablement accentué le « blocage », voire le « retard30 », de la croissance économique française – au point d’être même considérée par certains comme une véritable « catastrophe31 » –, pour d’autres, elle aurait au contraire jeté les bases du décollage capitaliste32, en permettant notamment de libérer les forces productives et d’accroître la productivité agricole33 – si bien que l’analyse des multiples déclinaisons de ce libéralisme a constitué l’un des principaux enjeux et legs du Bicentenaire.

12C’est là une alternative inextricable dont cet ouvrage entend se démarquer. De fait, si l’histoire quantitative est à nouveau d’actualité34, l’heure n’est en revanche plus vraiment aux grands bilans comptables et à l’évaluation, trop souvent binaire, du coût ou de la portée de la décennie révolutionnaire. Dans le sillage du numéro des AHRF de 2008, qui invitait à s’affranchir de l’obsédante question des ruptures et des continuités au profit de l’étude fine des emboîtements et des temporalités économiques, il s’agit bien ici, en lieu et place du découpage labroussien du social en « lamelles », de privilégier une approche par « loupes » – toute la difficulté consistant à trouver la bonne focale pour saisir ces changements économiques35. Ce faisant, l’enjeu consiste à réévaluer ces changements en termes de dynamiques – que ce soit celles, héritées, dans lesquelles la Révolution s’inscrit et qu’elle a pu infléchir, ou celles, neuves, qu’elle a contribué à insuffler ponctuellement, voire à impulser durablement.

13Empruntée au monde de la physique, la notion de « dynamique », bien qu’elle recouvre des acceptions diverses pour les différents économistes qui l’ont théorisée depuis la seconde moitié du xxe siècle36, renvoie à un mouvement incertain, irrégulier et inattendu, induisant un point de déséquilibre. Une telle approche implique de ne pas préjuger a priori de dynamiques déterministes (la transition d’un mode de production féodal à un système capitaliste), évolutionnistes (fondées sur la sélection des institutions les plus efficientes pour le développement économique) et linéaires (les anticipations des acteurs étant censées précéder et présider leurs choix). Penser les évolutions ou les changements économiques induits sous ou par la Révolution en termes de dynamiques, implique aussi de conjuguer des variables endogènes au fonctionnement du système économique (telles que les ressources, les capacités, la fiscalité) avec des facteurs exogènes (les lois, les techniques, voire les mentalités), sans minimiser bien sûr le poids des héritages et les facteurs d’inertie.

14Une telle perspective permet un déplacement significatif par rapport aux questionnements des colloques de la fin des années 1980. Il ne s’agit pas ici de réévaluer la « vitalité théorique » de la période en matière d’économie politique37, de proposer une genèse des « mécanismes économico-financiers de l’État contemporain38 », non plus que de prendre la pesée globale des changements induits par la Révolution sur les structures de production et d’échange. À la question posée en amont du colloque de Lille de 1988, « en quoi la Révolution a-t-elle transformé l’organisation économique et sociale de la France ?39 », la problématique serait plutôt ici, plus modestement : en quoi les mutations de l’organisation économique et sociale, dictées par la loi, autant que par l’inflation et la guerre, ont-elles impacté les pratiques économiques des acteurs et en quoi, en retour, ces pratiques ont-elles contribué à modifier ces dynamiques et même à façonner le nouvel ordre économique et social ?

15C’est pour y répondre que ce volume privilégie l’approche « par cas », à l’échelle des acteurs : ceux qui en sont les praticiens et ceux qui en fixent et en réajustent les orientations.

II. Les dynamiques confrontées des acteurs économiques et publics

16Si la plupart des contributions ici réunies puisent à des fonds déjà explorés, et même, pour certains, publiés par la Commission Jaurès – à l’exception de quelques fonds jusqu’ici délaissés ou méconnus40, c’est toutefois pour en proposer des lectures renouvelées, voire résolument neuves au regard de l’historiographie révolutionnaire, en prenant acte de toute une série de renouvellements en cours en histoire économique.

17C’est vrai du monde ouvrier, dont les conflits sous la Révolution, trop souvent réduits à leur seule expression politique, sont ici remis en perspective à l’aune des modes de régulation du travail41 (Jean-Christophe Balois-Proyart ; David Plouviez). C’est vrai aussi de la question des innovations agricoles, qui traduit le renouveau d’une histoire rurale fécondée par l’histoire des savoirs (Laurent Brassart) autant que par l’histoire globale (Marguerite Martin). C’est vrai enfin de l’histoire des consommations, qui permet de réévaluer le commerce du luxe (Natacha Coquery) et les pratiques de rationnement par les cartes de pain (Serge Aberdam et Laure Després) comme deux composantes ignorées de l’économie morale de l’an II42, complémentaires des taxations et réquisitions du maximum43. L’histoire désormais bien établie des mutations de la propriété a quant à elle gagné à intégrer les apports récents de l’économie politique (Julien Vincent) et de l’histoire environnementale (Thomas Le Roux) et, plus, généralement, d’une histoire renouvelée du crédit44 et du papier-monnaie45 pour mieux cerner les dynamiques d’expropriations et de transferts46 (Karine Audran ; Hannah Callaway ; Jean-Paul Rothiot) ou pour revisiter à nouveaux frais les pratiques de spéculation de la bourgeoisie marchande (Boris Deschanel ; Guillaume Foutrier). Enfin, l’histoire des circulations marchandes et commerciales, qu’elles soient maritimes ou terrestres, constitue ces dernières années l’un des principaux chantiers en cours d’exploration47, sans doute par un effet de rattrapage par rapport aux acquis historiographiques du Bicentenaire, qui avait, de fait, sacrifié en partie la question des échanges sur l’autel des dynamiques agricoles, industrielles et financières. C’est d’ailleurs les mondes du négoce qui sont au cœur de six des seize contributions réunies dans ce livre, comme ils l’avaient été du colloque de Lille de 2007. Celui-ci invitait à questionner davantage les facultés différenciées des négociants à (re)négocier leur position à la faveur, ou en dépit, de la tourmente révolutionnaire – manière, en clair, de substituer au paradigme tenace de la « révolution bourgeoise », l’étude du processus de construction d’un « ordre bourgeois48 ».

18En glissant ainsi des « temps composés » de l’économie aux temps qu’expérimentent les acteurs, le présent volume s’inscrit à l’évidence dans le sillage de ce tournant pragmatique de l’histoire sociale qu’aurait en partie manqué l’historiographie révolutionnaire. Mais choisir d’appréhender ces dynamiques économiques à tous les échelons de l’appareil économique et étatique est aussi une manière de ramener l’histoire économique de la Révolution à ses origines juridiques, du côté de ce droit où elle a commencé à s’écrire sous la plume de Philippe Sagnac49. Partant, ce livre s’inscrit pleinement dans le renouveau d’une histoire des institutions et des processus d’institutionnalisation qui constituent l’un des champs de recherche les plus actifs ces dernières années50. Alain Chatriot et Claire Lemercier s’interrogeaient toutefois, en 2012, « sur le paradoxal désintérêt pour les aspects parlementaires de l’histoire des normes économiques, des débats à la tribune au travail des commissions51 ». C’est là l’un des domaines qui, pour la période qui nous intéresse, a été dans les dix dernières années l’un des plus renouvelés : les spécialistes de l’histoire politique de la Révolution ont désormais pleinement intégré à leurs questionnements l’étude des processus de fabrication et d’application des lois, en s’employant à décortiquer les rouages de la mécanique administrative et institutionnelle pour mieux comprendre le fonctionnement du nouvel État de droit52. Parallèlement, les travaux menés ou initiés, notamment au sein de l’IDHE.S, sur les savoirs et les pratiques administratives et, plus généralement, sur les catégories de l’action publique à l’époque révolutionnaire, sont allés dans le même sens53. Sans doute y a-t-il là un point de convergence entre les deux champs historiographiques, dont, nous semble-t-il, les contributions ici rassemblées rendent compte. Toutes examinent de près les organismes qui, à l’échelle gouvernementale (comités législatifs, commissions exécutives et bureaux ministériels) ou administrative (départements, districts, municipalités, sections), œuvrent à l’encadrement, l’encouragement ou l’accompagnement des dynamiques économiques. Toutes mettent aussi l’accent sur les partages d’attribution souvent flous et fluctuants entre des institutions parallèles, voire concurrentes, ainsi que sur les conflits de compétence qui en résultent et impriment aux dynamiques économiques des directions contradictoires.

19Cette entrée par les « dynamiques » permet ainsi d’envisager dans une perspective résolument dialectique l’articulation entre deux objets trop souvent dissociés : d’un côté, les politiques publiques, marquées par une refonte profonde des cadres institutionnels et sociaux, des normes juridiques, et des modes de régulation de la production et du marché ; de l’autre, l’expérience des acteurs économiques, entendue comme le répertoire des comportements et actions déployées pour faire face aux bouleversements révolutionnaires. Envisager la manière dont la loi s’impose aux acteurs et dont les acteurs, en retour, s’accommodent de la loi revient ainsi, pour le dire avec Jean-Claude Perrot, à « remettre le droit à l’heure des faits54 » – en clair, ici, à l’épreuve de l’expérience des acteurs. C’est cette imbrication étroite et ces interactions constantes entre politiques publiques et pratiques économiques qui constituent le fil rouge du présent recueil.

III. La fabrique des politiques publiques en matière économique

20Toutes les contributions insistent sur la spécificité du temps économique sous la Révolution : celui d’une incertitude endémique. Cette incertitude est d’abord le fruit de l’instabilité politique et institutionnelle qui peine à fixer un cadre normatif suffisamment stable, consensuel et pérenne, du fait de l’enchaînement et de l’empilement des lois et des règlements les plus contradictoires. Elle est aussi le fait des vicissitudes d’une guerre qui n’en finit pas de durer et peine à stabiliser les frontières de l’« empire », rendant toujours plus chaotiques les rythmes de production et d’échanges. Elle est, enfin, la conséquence d’une crise financière que la Révolution exacerbe, en faisant tourner la planche à billets à marche forcée, tant pour éponger la dette que pour financer la guerre. À tous ces titres, le temps de la Révolution est avant tout celui de l’urgence, de l’éphémère et de l’imprévisible. Ce temps qui ne se décline plus qu’au conditionnel suppose, de la part des acteurs économiques, de naviguer à vue et, pour les dirigeants politiques, de piloter en aveugle, faute de pouvoir anticiper les aléas de la conjoncture et de modeler leurs décisions en conséquence. De ce fait, les autorités n’ont-elles pas privilégié des mesures conjoncturelles destinées non pas à assurer une croissance sur le long terme, mais avant tout à stabiliser des équilibres en optant, par nécessité, pour des mesures de court terme ?

21En ce qui concerne le cadastre, les mines, les douanes ou encore l’organisation du travail, deux grands moments d’élaboration normative se dégagent : d’un côté, un « moment de fondation », sous la Constituante, qui pose les fondements d’un nouvel ordre économique libéré des entraves et des privilèges de l’époque moderne mais soucieux de capitaliser sur les acquis ou les projets de l’administration monarchique pour mieux réaliser certaines de ses promesses ; de l’autre, un « moment de refondation », sous le règne napoléonien, qui serait celui de la synthèse ou du compromis entre les acquis de la Révolution et certains héritages des réformes entreprises à la fin de l’Ancien Régime. On aurait tort toutefois de faire de ce moment napoléonien le simple résultat d’un mouvement linéaire, qui, sur les décombres d’un droit trop souvent disqualifié comme « intermédiaire », renverrait la décennie révolutionnaire à une simple parenthèse et le droit d’exception de l’an II, à un malheureux accident. Entre ces deux moments fondateurs, l’économie « dirigée » (François Hincker) ou « administrée » (Denis Woronoff) a bel et bien survécu à la Terreur par bien des aspects, ne serait-ce que parce que c’est encore dans la palette des outils inventés en l’an II pour remédier à l’inflation et aux pénuries en tous genres que puisent allègrement les dirigeants. Cette économie sous tutelle et sous perfusion de l’an II se signale en effet par un effort sans précédent de l’État pour collecter l’information et multiplier les interventions dans le domaine économique – ce que tous les régimes suivants prolongeront sous des formes diverses pour faire, enfin, de l’économie politique une véritable « politique économique55 ». Par ailleurs, cette sortie mal négociée de la Terreur en matière économique n’hypothèque en rien les dispositifs protectionnistes ; elle ne fait en réalité, jusque sous le Directoire et même au-delà, que les aménager dans le sens d’un assouplissement ou d’un durcissement qui épousent de près les respirations de la guerre. Enfin, si elle permet d’alléger en partie le dispositif de confiscation, elle ne met pas un terme aux ventes de biens fonciers et immobiliers, ni même à l’exportation des objets de luxe, non plus qu’à ces introuvables cartes de pain qui survivent bien au-delà de la suppression du maximum, pour contrer la flambée de l’inflation. De ce fait, tous les expédients expérimentés entre 1795 et 1799 ne sont pas que l’expression des errements d’un retour trop prompt à un libéralisme débridé, mais bien la traduction balbutiante, ici comme ailleurs, d’une tentative de retour à la normale – ou, plus exactement, à cette « liberté protégée » par l’État, qui, de l’Ancien Régime à l’Empire, constitue certainement le « rêve » le plus pérenne et le mieux partagé du commerce56. D’où l’intérêt de ne pas traiter de façon isolée les moments d’élaboration de ces politiques publiques, mais de les réinscrire dans toute l’épaisseur des héritages de l’Ancien Régime, ainsi que dans toute la complexité de la décennie révolutionnaire.

22Julien Vincent montre ainsi que le cadastre de 1802 résulte du renoncement au « rêve d’égalité » né de la Constituante en matière fiscale, tout autant que d’un constat pragmatique : l’impossibilité de réaliser dans des délais raisonnables un cadastre parcellaire, faute de moyens techniques, administratifs et financiers suffisants. C’est aussi une autre genèse de la création de la Banque de France en 1803 que propose Guillaume Foutrier en réévaluant le chaînon manquant, séminal bien qu’éphémère, des caisses patriotiques dont, à Rouen, la bourgeoisie d’affaires profite pour perfectionner ses pratiques d’escompte, en retenant de cette expérience aussi malheureuse (à brève échéance) que fructueuse (sur le long terme) la nécessité de restaurer un ordre monétaire garanti par l’État. Thomas Le Roux démontre quant à lui que la loi de 1810 sur les mines est moins une rupture qu’un compromis « laborieux » par rapport à la réglementation élaborée en 1791 et à celle édictée en 1744 et 1761, puisqu’il a fallu près de vingt ans pour mettre d’accord l’État et les concessionnaires sur leur titre respectif de propriété. À l’inverse, David Plouviez constate qu’en matière de régulation du travail dans les arsenaux, le règlement adopté en 1786 en faveur du travail dit « à l’entreprise » a eu beau provoquer une vague d’émeutes sans précédent, il n’a été retouché qu’à la marge ; la pérennité d’un tel système jusque sous la Restauration s’explique par sa flexibilité, du fait qu’il ait permis la coexistence des deux types d’organisation du travail, adaptée en fonction des besoins, et surtout, des sites et situations portuaires. Quant à la réglementation douanière de 1810, elle n’est pas que le fruit des exigences du blocus, mais aussi d’un bricolage entre le code de 1791, les logiques prohibitionnistes héritées de l’an II et les attentes déçues des négociants en faveur d’un retour à cette « liberté protégée », réclamée à l’unisson depuis l’an III, comme le prouvent les consultations de 1797 étudiées par Virginie Martin. Dans le même sens, Jean-Christophe Balois-Proyart démontre que la création du livret ouvrier en 1811 apparaît comme l’ultime réponse à l’un des effets dérivés de la dérégulation du marché de l’emploi qui, en « libérant » la main-d’œuvre du carcan de l’Ancien Régime, a ôté aux entrepreneurs la possibilité d’édicter leurs propres règlements, alors qu’elle a, parallèlement, accentué la mobilité et même la volatilité de la main-d’œuvre ; ce livret ouvrier sanctionne l’échec successif du Code pénal de 1791 et du billet de congé de 1803 à décourager le débauchage « sauvage », et, partant, satisfait aux revendications des donneurs d’ouvrages tout en se mettant au diapason de la jurisprudence édictée à l’échelle locale par les conseils de prud’hommes, les municipalités et les préfets. C’est aussi en 1811 que se formalise une politique publique en matière de transports marchands, prenant acte des défauts des enquêtes réalisées depuis l’an III : c’est pour se donner les moyens de mieux saisir les dynamiques du fret et pouvoir ainsi agir sur leur coût de revient que ces enquêtes sont dorénavant menées à l’échelle des villes plutôt que dans le cadre des circonscriptions administratives.

23De ce point de vue, ce livre comble une des lacunes pointées par Louis Bergeron en conclusion du colloque de Lille de 1987. Celui-ci regrettait que le thème de « l’État observateur et pédagogue de l’économie » ait été occulté, faute de prise en compte de la statistique, de « l’effort d’enseignement et d’information de l’État » et de la « pénétration des agents de l’État dans l’activité économique57 ». Si toutes les contributions envisagent ces multiples déclinaisons de l’intervention étatique, plusieurs d’entre elles se fondent précisément sur des enquêtes statistiques : leur multiplication résulte de la volonté de prendre la pesée de certains phénomènes et le pouls du négoce, mais aussi de la nécessité de légitimer des décisions arrêtées ou d’arbitrer celles en suspens ou en débat58. Ces enquêtes permettent ainsi d’appréhender la manière dont les autorités révolutionnaires cherchent à construire leur politique publique en tentant de saisir - plus ou moins bien d’ailleurs - ces dynamiques qu’elles prétendent tantôt libérer, tantôt encadrer, ou du moins orienter dans le sens d’un intérêt général à géométrie variable. Il en ressort deux enseignements majeurs.

24Le premier est que la versatilité des lois s’explique bien souvent par leur inadéquation aux réalités du système de production et d’échange, dont les législateurs peinent à saisir la subtilité des mécanismes, la complexité des dynamiques et, plus largement, l’intrication des échelles spatiales. Rachel Waxman démontre que la législation prohibitionniste à l’encontre des produits anglais achoppe sur la question, cardinale, de la traçabilité des produits – la globalisation des échanges multipliant les intermédiaires et les imitations et rendant ainsi impossible l’identification de leur provenance. De même, Anne Conchon explique que la difficulté à comprendre l’économie des transports résulte d’un découplage institutionnel entre, d’un côté, les infrastructures (qui relèvent du Comité des ponts et chaussées) et, de l’autre, les prestations (qui incombent au Comité des transports, postes et messageries) dont les enquêtes de l’an III portent la marque. Dans la même optique, Marguerite Martin souligne que le déficit d’informations dont dispose l’administration sur les dynamiques globales du marché des produits coloniaux empêche le redéploiement de la culture de l’indigo des Antilles vers les Mascareignes et, plus généralement, interdit d’en faire un secteur stratégique pour l’industrie nationale : la timidité de cette entreprise de relocalisation, qui ne bénéficie nullement du soutien de l’État, procède d’une hiérarchie des priorités indexée sur l’issue incertaine de la guerre maritime (dont dépend la reconquête de Saint-Domingue), mais aussi de la pérennité du maintien problématique de l’esclavage dans cette partie-ci de l’Empire français (à laquelle est suspendue la réussite d’une culture qui nécessite une grande quantité de main-d’œuvre). C’est aussi cet écueil de la main-d’œuvre qui fait avorter l’introduction des légumes-racines, en dépit de tous les encouragements dont elle bénéficie à l’inverse de la part de l’État pour les substituer aux fourrages dans l’alimentation du bétail : Laurent Brassart souligne que leur greffe se heurte moins aux préjugés de cultivateurs routiniers qu’à celui de la rentabilité d’une culture aux profits hasardeux, à une époque où l’agriculture manque cruellement de bras. Symétriquement, si la production minière et sidérurgique, le commerce des biens de luxe et, dans une moindre mesure, le secteur des transports ont fait l’objet d’une attention continue de la part de l’État, c’est précisément pour leur caractère stratégique – que ce soit pour mener ou financer la guerre, ou bien pour contrer ses effets, par la relance des circulations intérieures. Mais cela a-t-il suffi pour autant à garantir l’essor pérenne de ces domaines ponctuellement décrétés stratégiques ? Jean-Paul Rothiot montre que si la sidérurgie lorraine a profité des commandes de l’État pour augmenter ses productions, la guerre n’a toutefois pas permis une modernisation de l’appareil productif, en dépit de tous les encouragements développés en ce sens par le gouvernement. Le volontarisme étatique se heurte ainsi à des limites qui ne permettent pas de bouleverser radicalement les structures de production, mais seulement d’en stimuler certaines au gré des nécessités de la guerre.

25En second lieu, il est clair que la séquence révolutionnaire constitue un laboratoire privilégié pour envisager la manière dont les normes sont autant imposées aux acteurs que construites par eux59. La précarité de l’encadrement normatif ne saurait en effet être uniquement appréhendée à l’aune des changements d’orientations politiques, consécutifs à la valse des hommes au pouvoir et des Constitutions en vigueur, comme la simple déclinaison de lignes partisanes aussi labiles en matière économique que les partis auxquels elles sont généralement imputées. Cette instabilité résulte, certes, des ajustements nécessaires pour tenir compte des fluctuations de la conjoncture ; mais elle s’explique aussi par les arbitrages rendus entre les avis contradictoires – qu’ils soient collectés lors des consultations initiées par le gouvernement ou spontanément émis par les acteurs économiques. Ceux-ci ne se contentent pas de simples réactions critiques : leur réactivité prospective est un indice de leur volonté de peser sur le processus législatif, non pas seulement pour corriger, mais bel et bien pour forger le nouvel ordre économique. En supprimant les organes intermédiaires qui, jusqu’ici, « représentaient » les corps de métier et les différentes branches du négoce, la Révolution n’a pas étouffé la voix des acteurs économiques : elle en a libéré la parole, au point de ne plus rendre nécessairement audibles leurs attentes, faute de consensus sur leurs besoins respectifs. C’est clairement ce que révèle l’enquête de 1797 diligentée par le ministère des Relations extérieures auprès du négoce, qui, en fonction des lieux et des domaines d’activité, dresse des diagnostics radicalement différents, tant sur l’interprétation que sur l’impact économique de l’inflation et, partant, sur les moyens d’y remédier. C’est aussi ce qui se lit en creux, dans les pétitions adressées par le négoce, pour réclamer l’inflexion ou l’abrogation des lois à l’encontre du commerce des marchandises anglaises ou encore en faveur de l’exportation des produits de luxe. Les fortes divergences d’intérêts exprimées révèlent ainsi les effets différenciés de l’inflation sur des secteurs et des acteurs inégalement armés pour y résister ; elles sont aussi le fruit de rapports de force entre des groupes d’intérêt ne coïncidant pas nécessairement avec des groupes socio-professionnels bien définis. C’est tout l’intérêt de déceler ces intérêts convergents ou discordants, à l’aune des pratiques expérimentées par les acteurs pour faire de l’incertitude autre chose qu’un temps subi.

IV. Les pratiques économiques à l’épreuve de l’incertitude

26Le comportement des acteurs n’est en effet pas que passif, au sens où il ne serait qu’une perpétuelle tentative d’ajustement face aux diktats d’une conjoncture qui, tout à la fois, ralentit la production, entrave les échanges avec l’étranger, et perturbe les marchés et les circuits d’approvisionnement et de distribution. Il n’a rien non plus d’uniforme. La réussite des stratégies et/ou des expédients économiques mis en œuvre pour résister aux bouleversements révolutionnaires, c’est-à-dire pour encaisser et digérer la déflagration du nouvel ordre politique et l’onde de choc de deux décennies consécutives de guerre et d’inflation, dépendent très largement des secteurs d’activité considérés, mais aussi de leurs échelles et horizons d’action, de leurs types de revenus, de l’étendue et de la densité de leurs réseaux, ainsi que de leurs positions respectives dans les structures de production et d’échanges. Elle dépend aussi de leur capacité à conjurer, du moins à composer avec, l’incertitude qui peut, suivant les cas, constituer autant une contrainte (accentuant la frilosité et le repli vers des valeurs refuges) qu’une ressource (autorisant les innovations plus ou moins payantes). L’éventail des ressources mobilisées par les acteurs, soit pour faire face aux difficultés conjoncturelles, soit pour tirer profit de la nouvelle donne, est aussi large que, d’une part, la somme des contraintes qui pèsent sur leurs activités et, de l’autre, la gamme des opportunités qui s’offrent à eux pour les diversifier ou les consolider.

27« L’affairisme, l’abri foncier, le pain quotidien » sont autant de parades bien connues qui, si l’on suit Jean-Claude Perrot, « produisent des effets macro-économiques60 », mais dont les variations d’amplitude et d’usage ne se mesurent qu’à l’échelle des acteurs qui optent pour l’un et/ou l’autre de ces expédients, afin de contrer les effets conjugués de l’inflation et de la guerre.

28La dépréciation de l’assignat a eu beau alimenter une inflation galopante qui s’est essentiellement répercutée sur les prix, elle n’a toutefois pas fait sombrer tout le commerce, à qui elle a aussi offert de nouvelles opportunités. Le désendettement massif qu’elle a permis – en fonction, certes, des types de crédits – a servi de moteur aux dynamiques foncières, immobilières et financières.

29Karine Audran souligne que les investissements fonciers ne sont pas une nouveauté pour les négociants bretons, pas plus que ne le sont, comme le rappelle Hanna Callaway, les investissements immobiliers dans les hôtels aristocratiques parisiens, et l’usage du crédit pour convertir des biens en capitaux disponibles pour d’autres formes d’investissements. À cet égard, la mise en vente des biens confisqués et séquestrés, permise par ce « grand jubilé des dettes » (Arnaud Orain), n’a fait qu’accentuer, dans des proportions inédites, ces transferts de propriété dont les dynamiques sont désormais bien établies grâce à la synthèse de Bernard Bodinier et Éric Teyssier61. Elles n’ont toutefois pas le même enjeu ni le même usage en fonction des types d’acquéreurs et des époques. C’est surtout sous le Directoire que les négociants bretons, les maîtres de forges lorrains ou les entrepreneurs parisiens profitent de l’effondrement du cours du papier-monnaie pour acheter à moindre coût, par soumission, tous les biens nationaux qu’ils n’avaient jusqu’ici pas nécessairement pu s’offrir aux enchères. Suivant les cas, l’investissement foncier et immobilier constitue un placement susceptible de compenser des rendements en berne dans certains domaines d’activité ou, à l’inverse, un moyen d’engager des reconversions jugées soit immédiatement rentables, soit fiables sur le long terme : d’un côté, ces acquisitions de propriétés offrent des moyens d’exploitation profitables dans des secteurs stratégiques (les mines ou la métallurgie pour répondre aux besoins croissants de l’industrie de guerre) ; de l’autre, elles permettent de compenser la contraction de l’offre vers d’autres types de placements (du fait notamment de la rétractation des débouchés extérieurs consécutive à la guerre maritime). Ainsi, pour les négociants bretons, les investissements dans ce marché extraordinaire constituent à la fois une opportunité de diversification par rapport à ceux poursuivis sur le marché ordinaire et un « gage supplémentaire de crédit » selon Karine Audran.

30En effet, le crédit est un moyen de s’accommoder des aléas du cours monétaire et même de capitaliser sur ses fluctuations. Pour les propriétaires qui cherchent à se soustraire aux multiples formes d’expropriation, les propriétés immobilières offrent une palette de ressources financières qui permettent d’engager ou de poursuivre des opérations déguisées de transfert. La crise de l’assignat n’a pas non plus unilatéralement ruiné le négoce, elle a aussi permis de réaliser, contre toute attente, de bonnes affaires. C’est ce que démontre Boris Deschanel à partir du cas de la famille Perier, qui a su jouer des variations inter-régionales du cours de la dépréciation de l’assignat pour faire mieux que sauvegarder son activité commerciale ; ou encore Guillaume Foutrier à partir du cas de la bourgeoisie rouennaise, qui détourne les caisses patriotiques de leur vocation initiale pour en faire un levier commercial, en transformant un outil d’échange monétaire en une institution bancaire d’escompte. Dans les deux cas, ces diverses formes de spéculation constituent des paris sur l’avenir qui s’avèrent aussi audacieux que hasardeux : d’un côté, elles ne valent que pour un temps donné, en fonction d’une configuration politique et d’un cours monétaire bien précis qui peuvent, au gré des événements, sensiblement évoluer et, par conséquent, redéfinir de fond en comble la rentabilité et la sécurité des montages financiers expérimentés ; de l’autre, ces opérations de spéculation tendent à fragiliser les réputations commerçantes au sens où, si elles les exposent à des sanctions légales, elles dégradent les rapports de crédit, et, ce faisant, érodent le socle de la confiance sans laquelle il n’est plus possible ni d’emprunter, ni d’escompter. En somme, jouer sur l’inflation reste un pari risqué, qui ne s’avère toutefois pas nécessairement perdant.

31De même, si la guerre a pénalisé les structures de production et perturbé les circuits d’échanges commerciaux, c’est, là encore, à des rythmes très divers et dans des proportions très variables selon les types de produits et de circuits. Pour les acteurs économiques, il est deux manières, non exclusives l’une de l’autre, de faire face à ces bouleversements : d’une part, diversifier leurs réseaux et circuits commerciaux pour trouver d’autres leviers d’échanges en mobilisant de nouveaux canaux et intermédiaires commerciaux, à l’instar de ce qui s’est fait dans toutes les guerres du xviiie siècle62 ; d’autre part, redéployer leurs activités vers des secteurs ou des sites de production jugés, là aussi, sinon plus rentables, du moins, dans l’immédiat, plus sûrs. C’est ce que note Jean-Paul Rothiot au sujet du déplacement géographique de l’activité sidérurgique dans le sud de la Meuse et les Vosges, moins exposés que la Moselle en l’an II aux invasions et occupations ennemies. À une autre échelle, c’est aussi ce que démontre Marguerite Martin au sujet de la culture de l’indigo dont la Révolution ne crée pas, mais accentue le redéploiement des zones de production, entamé dès les années 1770-1780, depuis Saint-Domingue, en direction de l’Amérique du Sud et de l’océan Indien. Mais jusqu’à quel point les guerres révolutionnaires et napoléoniennes ont-elles durablement bouleversé cette géographie des zones de production et d’échanges commerciaux ? Symétriquement, cette économie de guerre n’a-t-elle pas accru les économies d’échelle, en accentuant la spécialisation de certaines productions industrielles, voire agricoles, pour pallier la diminution des importations ?

32En effet, si la guerre a largement hypothéqué les circuits d’approvisionnement coloniaux et européens, elle a parallèlement contribué à favoriser des phénomènes de repli, voire de rétractation des échanges à l’échelle régionale, et même nationale. C’est ce que suggère Anne Conchon en se fondant sur le grand nombre de maisons de commission créées en 1791 et, surtout, entre 1793 et 1795, qui laisse supposer une intensification des transports marchands par voie terrestre. C’est ce qui affleure aussi des conclusions de Boris Deschanel et Guillaume Foutrier : la fortune des Perier et la réussite de la transformation des caisses patriotiques en banques d’émission et d’escompte tiennent finalement aux horizons restreints (régionaux) de leurs réseaux marchands.

33Enfin, la guerre a autorisé certaines expériences sans lendemain, soit qu’elles n’aient pas été consacrées en droit, soit qu’elles se soient heurtées aux logiques du marché. Dans le premier cas, il faut citer certains dispositifs très localisés, à l’instar des billets de confiance émis par les caisses patriotiques, des cartes de pain distribuées par les sections et les municipalités, ou encore des cadastres ou des règlements de travail fabriqués à l’échelle locale. Ces institutions adaptées à des besoins et des contraintes spécifiques échappent largement au contrôle de l’État – selon qu’elles relèvent soit d’une application diversifiée de la loi, soit d’un moyen de suppléer à ses silences. C’est surtout vrai des cartes de pain, dont la distribution amplement pratiquée en l’an II et qui perdure localement jusque sous le Directoire, n’a toutefois jamais fait l’objet d’aucune loi, de sorte qu’elle échoue à être intégrée comme une composante à part entière de la « politique de rationnement » – tout comme, d’ailleurs, la culture de l’indigo, qui peine à s’imposer dans le dispositif de ravitaillement des manufactures françaises. À l’inverse, c’est parce que certaines productions ont été stimulées par les besoins militaires que la guerre a permis des reconversions opportunistes, mais bien souvent synonymes d’ascensions éphémères, en particulier pour ceux qui cherchent à capitaliser sur les commandes publiques, en s’improvisant par exemple maîtres de forges, et qui en sont payés par des faillites retentissantes. Celles qui frappent les plus grosses fortunes négociantes de Rouen en 1792 révèlent, certes, la fragilité de l’escompte pratiqué dans le cadre des caisses patriotiques, mais aussi, plus généralement, la fracture pérenne au sein de la bourgeoisie d’affaires rouennaise – la « mésalliance » entre le patriciat négociant et le patronat fabricant ne faisant qu’accentuer la rivalité héritée du terreau institutionnel et social du système corporatif et, en définitive, conforter l’ascendant du premier sur le second.

34Les capacités différenciées d’adaptation et d’innovation des acteurs économiques ne tiennent donc pas seulement à la vitalité des branches d’activité dans lesquelles ils sont impliqués : elles sont aussi une affaire d’expérience professionnelle et de réputation sociale. Elles dépendent en premier lieu de l’expérience du métier, d’un savoir et d’un savoir-faire que tous ne maîtrisent pas. Ainsi seuls ceux des maîtres de forges qui étaient déjà engagés dans la sidérurgie avant la Révolution ont eu les reins suffisamment solides pour résister à la chute des commandes de fusils et de canons. Elles dérivent aussi de la solidité du capital financier et relationnel. Ces ressources relationnelles, extrêmement variables d’un groupe ou d’un individu à l’autre, constituent autant de leviers ou de boucliers soit pour diversifier, soit pour préserver leurs affaires. Hannah Callaway rappelle ainsi que c’est la complexité des transferts au sein de l’entité familiale qui permet de brouiller la traçabilité des opérations immobilières permises par l’usage extensif du crédit. De même, Boris Deschanel démontre que la capacité de la maison Perier à résister aux poussées inflationnistes en jouant des écarts géographiques du cours de l’assignat résulte de son ancrage et de son rayonnement régional : celui-ci lui assure non seulement un spectre suffisamment large de partenaires commerciaux, mais aussi des appuis dans l’administration et des protections politiques, sans lesquels elle ne peut ni couvrir ses opérations de spéculation, ni sauvegarder sa réputation entachée du soupçon d’affairisme. Dans la même perspective, si les milieux d’affaires rouennais peuvent s’engager dans l’escompte, c’est grâce à la réputation que leur vaut à la fois leur position dominante dans le négoce et leur place privilégiée au service de l’État. Si l’État ne peut se passer ni de leurs capitaux, ni de leur expérience et de leur expertise, les négociants, quant à eux, ne manquent jamais de mettre en avant la manière dont ils servent l’intérêt général en investissant dans les marchés militaires, en facilitant les circulations monétaires, mais aussi en s’impliquant dans l’administration locale, non pas seulement pour garder la main sur l’information mais bel et bien pour sauvegarder leur réputation.

35Au temps des guerres révolutionnaires, la « formule de la longévité » (Gérard Gayot) se décline autour de l’équation suivante : « un berceau (des politiques familiales de longue durée) ; un terreau (les fidélités de la main-d’œuvre proto-industrielle) et un réseau (de relations commerciales en France et en Europe)63 ». Il conviendrait encore d’ajouter à ce triptyque la notion de service public. N’est-ce pas en effet ce service public qu’inventent, en même temps qu’ils l’invoquent, tous ceux qui, des entrepreneurs de transport aux maîtres de forges en passant par les négociants, donneurs d’ouvrages et concessionnaires de mines, cherchent à obtenir des avantages de l’État64 ? On aurait toutefois tort de n’y lire qu’un simple argument tactique, consistant à draper de la parure de l’intérêt général, des intérêts strictement particuliers. Il y a là aussi une question de principes, de valeurs – politiques et sociales.

36Au chapitre des regrets exprimés dans sa conclusion, Louis Bergeron avait pointé le fait que les valeurs devaient être intégrées à l’étude des dynamiques économiques car « c’est peut-être à travers ce système de valeurs que le véritable lien entre Révolution française et capitalisme peut être saisi65 ». Sans doute est-ce l’une des spécificités des dynamiques économiques de la période révolutionnaire que d’avoir été impulsées, non pas seulement par des logiques de rendement et de profit, mais aussi puissamment par des valeurs. L’égalité innerve ainsi jusqu’à l’Empire les aspirations à une équité fiscale fondée sur le cadastre, de même qu’elle est au fondement de ce « droit-créance » à la subsistance auquel donne forme l’« économie d’émission » exhumée par Fal’kner. Tout aussi ambigu et malléable est l’idéal de « liberté » : inlassablement mobilisé par l’État pour justifier ses arbitrages, c’est aussi l’un des principaux leitmotivs élevés par les différents acteurs économiques à l’appui de leurs revendications. Si les entrepreneurs se disent tout aussi attachés que les milieux d’affaires ou les donneurs d’ouvrage au principe d’une liberté soigneusement modulée par l’État, ils en proposent toutefois une définition qui n’est pas exempte d’une certaine nostalgie des privilèges. En effet, c’est en se réclamant des droits consacrés par la Révolution et de ce critère cardinal de l’« utilité publique » qu’ils revendiquent le droit aboli d’édicter eux-mêmes, sous la protection de l’État, les règles propres à encadrer le travail, les échanges ou l’accès au marché de l’argent. Les luttes sémantiques dont ces valeurs sont l’objet ne participent-elles pas d’ailleurs pleinement des conflits des différents professionnels de l’économie – tant entre eux qu’avec l’État ?

37Tous les débats relatifs au cadastre s’articulent autour de la tension entre ce « désir d’égalité » et les déclinaisons multiples que députés et ministres confèrent alternativement à la notion d’utilité publique. De même, le bras de fer entre l’État et les propriétaires de mines se pose autant en termes de conflits d’intérêts entre propriétaires de surface et concessionnaires que de conflits de droits, l’État s’érigeant en dépositaire de l’utilité publique pour justifier la disposition du tréfonds et des mines qu’il s’arroge, tandis que les propriétaires invoquent le droit sacré et imprescriptible de la propriété pour défendre leurs fonds. C’est encore au nom de cette utilité publique que les logiques de conservation des objets de luxe défendues par la Commission des arts sont supplantées par celles, jugées autrement prioritaires, des importations des produits de première nécessité, comme le souligne dans sa conclusion Natacha Coquery. L’élasticité des normes ne serait ainsi que le reflet des impulsions contradictoires qui président à leur élaboration, en fonction d’intérêts et de valeurs aussi partagées que disputées.

Conclusion

38Si l’on doit tirer le bilan de ce volume, on peut évidemment regretter que la juxtaposition d’éclairages thématiques et circonstanciels ne permette pas aisément de dégager des perspectives générales. On ne manquera pas non plus de souligner que certains dossiers attendus manquent ici à l’appel – à commencer par celui du nouvel ordre fiscal ou des mutations agricoles qui mériteraient assurément de plus amples investigations. On peut enfin déplorer le manque d’inscription de ce livre dans l’orbite de l’histoire globale, à tout le moins, extra-hexagonale, alors même qu’il eût fallu prendre en compte la dilatation de l’espace français, à partir du Directoire, pour rendre compte de l’emboîtement des dynamiques économiques. Quel fut précisément l’impact des pillages, des réquisitions et des prélèvements en tous genres, arrachés par la force des baïonnettes et des traités léonins, sur la situation financière et économique de la Grande Nation, puis du Grand Empire ? Quelles perspectives inédites de reconversion, d’investissement ou de placement ont été offertes aux acteurs économiques dans ces territoires tour à tour occupés, républicanisés, annexés ou satellisés ? Il y a là à coup sûr des chantiers neufs qu’il convient de creuser dans une perspective impériale, mais à une échelle résolument continentale et non point seulement atlantique.

39On gagnerait aussi certainement à prolonger la réflexion sur l’articulation des dynamiques économiques et politiques à l’aune du degré de « compétence » des acteurs publics – non pas seulement en fonction des attributions respectivement assignées aux divers organismes en charge de l’économie, mais en fonction de leur capacité d’expertise réciproque, qui dépend elle-même des « experts » consultés par, ou employés dans, l’administration. D’un côté, une histoire sociale de cette administration de l’économie permettrait de mettre au jour le degré de collusion de celle-ci avec certains milieux d’affaires ou d’entrepreneurs et, par conséquent, de mieux comprendre les options opportunément ou systématiquement défendues à la tribune des assemblées ou dans le secret des bureaux. De l’autre, la mobilisation au service de l’État des savoirs et des savoir-faire économiques suppose d’étudier de façon encore plus poussée des organes qui les sollicitent ou qui s’en revendiquent, tant à l’échelle centrale (des comités et commissions législatifs jusqu’aux bureaux ministériels en passant par tous les appendices qui, peu ou prou, leur sont associés) que, surtout, à l’échelle locale, afin de mesurer les continuités de personnels dans les organismes, créés de toutes pièces ou ressuscités de l’Ancien Régime, pour contrôler la production et les échanges. Nul doute enfin que l’investigation des fonds d’archives judiciaires (justices de paix, tribunaux criminels, tribunaux de commerce, conseils de prud’hommes) permettrait de mieux saisir comment, en matière économique, le droit s’applique aux faits et les faits s’imposent aux lois, à travers la manière dont les acteurs investissent l’enceinte judiciaire comme un lieu, non pas simplement de négociation, mais de confection de ces normes.

40Malgré ces limites, ce volume collectif prend acte des chantiers en cours et, à partir des pistes esquissées, prend date pour en défricher de nouveaux. Plus qu’un bilan, il est surtout une invitation à poursuivre un dialogue toujours plus étroit entre les spécialistes de l’économie et ceux de la période révolutionnaire, pour que continue à s’écrire une histoire économique de la Révolution française.

Notes de bas de page

1  L’unité mixte de recherche (UMR) Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (IDHE.S) et l’IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France (CHEFF).

2  La Société des études robespierristes (SER) et l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF), désormais intégré à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC).

3  Dominique Margairaz et Philippe Minard (dir.), « Articuler les temps composés de l’économie », Annales historiques de la Révolution française, n° 352, 2008/2 ; État, finances et économie pendant la Révolution française, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991.

4  Michel Vovelle et Antoine de Baecque (dir.), Recherches sur la Révolution. Un bilan des travaux scientifiques du Bicentenaire, Paris, La Découverte, 1991 ; M. Vovelle (dir.), Les colloques du Bicentenaire. Répertoire des rencontres scientifiques nationales et internationales, Paris, Société des études robespierristes, 1991.

5  Ainsi que le rappelle Philippe Minard dans le présent volume. Si, en 2003, Gérard Béaur pouvait encore plaider en faveur d’une poursuite des travaux en histoire économique (G. Béaur, « L’histoire économique de la Révolution n’est pas terminée », dans Martine Lapied et Christine Peyrard, La Révolution française au carrefour des recherches, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2003, p. 21‑44), deux ans plus tard, cette histoire-là disparaissait entièrement des « perspectives actuelles » esquissées par Jean-Clément Martin (La Révolution à l’œuvre. Perspectives actuelles dans l’histoire de la Révolution française, Rennes, PUR, 2005), avant de retrouver une (très) modeste place dans les deux derniers bilans historiographiques, respectivement dressés par Michel Biard (dir.), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, Paris, Tallandier, 2010 (avec un article de Guy Lemarchand, « La Révolution n’a pas été une “catastrophe économique” ») et par Cyril Triolaire (dir.), La Révolution française au miroir des recherches actuelles, Paris, Société des études robespierristes, 2011.

6  Entre autres : « Genre, travail et cité », Annales historiques de la Révolution française, n° 394, 2018/4 ; « Ce que les cultures matérielles peuvent apporter à l’historiographie de la Révolution française », Annales historiques de la Révolution française, n° 386, 2016/4 ; « Terre et agriculture sous la Révolution et l’Empire », Annales historiques de la Révolution française, n° 383, 2015/4 ; « Les révolutions à l’épreuve du marché », Annales historiques de la Révolution française, n° 370, 2012/4.

7  Par exemple, les numéros « Révolution et environnement », Annales historiques de la Révolution française, n° 399, 2020/1 ; « L’animal en révolution », Annales historiques de la Révolution française, n° 377, 2014/3 ; « Les Indes orientales au carrefour des Empires », Annales historiques de la Révolution française, n° 375, 2014/1 ; « Des Antilles aux Indes orientales, la Révolution française et la question coloniale », Annales historiques de la Révolution française, n° 395, 2019/1.

8  D’après la recension proposée par Raymonde Monnier, « Regards sur la production éditoriale de la SER », Annales historiques de la Révolution française, n° 353, 2008/3, p. 235‑257.

9  Jean-Claude Daumas, « Redynamiser l’histoire économique en France », Entreprises et Histoire, n° 52, 2008/3, p. 7‑17.

10  Elle intéresse plusieurs historiens traitant notamment du travail, de la propriété ou de la monnaie. Signalons ainsi les contributions de Gérard Béaur (« Les rapports fonciers et monétaires entre les villes et les campagnes dans la France des xvie et xixe siècles ») et de Laurent Herment (« Rats des villes, rats des champs. Combats pour la maîtrise des surplus et de l’approvisionnement frumentaires : le tournant révolutionnaire ») dans J.-C. Daumas (dir.), Faire de l’histoire économique aujourd’hui, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2013.

11  Guillaume Calafat et Éric Monnet, « Le retour de l’histoire économique ? », La Vie des Idées, 5 janvier 2016, https://laviedesidees.fr/Le-retour-de-l-histoire-economique.html.

12  Notons à cet égard qu’aucun chapitre relatif à la période révolutionnaire n’est consacré dans l’ouvrage dirigé par J.-C. Daumas (dir.), L’histoire économique en mouvement. Entre héritages et renouvellements, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012.

13  David Armitage et Sanjay Subrahmanyam (dir.), The Age of Revolutions in Global Context, c. 1760-1840, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010 ; Paul Cheney, Revolutionary Commerce. Globalization and the French Monarchy, Harvard, Harvard University Press, 2010 ; Suzanne Desan, Lynn Hunt et William Max Nelson (dir.), The French Revolution in Global Perspective, Ithaca, Cornell University Press, 2013 ; Alan Forrest et Matthias Middell (dir.), The Routledge Companion to the French Revolution in World History, New York, Routledge, 2016. Pour une mise au point récente, voir David A. Bell, « Questioning the Global Turn: The Case of the French Revolution », French historical studies, vol. 37, n° 1, 2014, p. 1‑24 ; P. Cheney, A. Forrest, L. Hunt, M. Middell et al., « La Révolution française à l’heure du Global Turn », Annales historiques de la Révolution française, n° 374, 2013/4, p. 157‑185.

14  Jan de Vries, The Industrious Revolution: Consumer Behavior and the Household Economy, 1650 to the Present, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.

15  M. Vovelle, La bataille du Bicentenaire de la Révolution française, Paris, La Découverte, 2017.

16  M. Vovelle, « Du tout social au tout politique », Annales historiques de la Révolution française, n° 310, 1997, p. 545‑555.

17  Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution française. Voir notamment « Un héritage scientifique : les publications de la Commission Jaurès », C. Peyrard et M. Vovelle, Héritages de la Révolution française à la lumière de Jaurès, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2017, p. 99‑122.

18  Non content d’avoir activement œuvré à la publicité de ses travaux auprès de la Société d’histoire moderne, des Annales historiques de la Révolution française et des Annales d’histoire économique et sociale, c’est Lefebvre qui l’incite à soutenir sa thèse de doctorat ès lettres en 1943. De cette « dette » contractée à l’égard de Georges Lefebvre, témoigne l’hommage vibrant que lui rend à sa mort Ernest Labrousse : « Braudel et moi le lui disions un jour : on l’aurait embrassé comme un cher emblème, comme un cher symbole » (« Georges Lefebvre », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 15, n° 1, 1960, p. 1‑8). Sur les liens entre Lefebvre et Labrousse, voir aussi Stéphane Buzzi, « Georges Lefebvre (1874-1959), ou une histoire sociale possible », Le Mouvement social, n° 200, 2002/3, p. 177‑195.

19  Jean-René Suratteau, « Lefebvre et Labrousse », Annales historiques de la Révolution française, n° 276, 1989, p. 126. Voir aussi Christophe Charle, « Entretiens avec Ernest Labrousse », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 32‑33, avril-juin 1980, p. 119‑120. Pour une mise au point de ces « filiations » historiographiques manquées ou fictives, voir Virginie Martin, « La Révolution française », dans Yann Potin et Jean-François Sirinelli (dir.), Générations historiennes (xixe-xxie siècle), Paris, CNRS Editions, 2019, p. 611‑630.

20  Madeleine Rebérioux, « Ernest Labrousse, historien jaurésien », Annales historiques de la Révolution française, n° 276, 1989, p. 145.

21  En 1983, c’est à son maître que Michel Vovelle avait choisi de confier, aux côtés de Jacques Godechot, la présidence d’honneur de la Commission de préparation du Bicentenaire. Notons aussi la participation continue et assidue de Labrousse à la Société des études robespierristes, dont il fut membre de 1926 jusqu’à sa mort en 1988 et dont il prit même la coprésidence en 1982, à la mort d’Albert Soboul.

22  Sur ce rendez-vous « manqué », voir Philippe Minard, « L’héritage historiographique », dans Jean-Pierre Jessenne (dir.), Vers un ordre bourgeois ? Révolution française et changement social, Rennes, PUR, 2007, p. 32 ; Gaïd Andro et Clyde Plumauzille, « Révolution française et sciences sociales », Annales historiques de la Révolution française, n° 400, 2020/2, p. 151.

23  J.-C. Daumas, « Où va l’histoire économique en France aujourd’hui ? Tendances, enjeux, propositions », dans idem, L’histoire économique en mouvement, op. cit., p. 19‑58.

24  Michel Margairaz, « Histoire économique et sciences sociales : alliance, cohabitation, confrontation ? », L’Économie politique, n° 57, 2013/1, p. 72‑90, plus particulièrement p. 74‑80.

25  G. Lefebvre, compte rendu critique de l’ouvrage de E. Labrousse, La crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, t. 1 : Aperçus généraux. Sources, méthode, objectifs. La crise de la viticulture, Annales historiques de la Révolution française, n° 106, 1947, p. 168‑173.

26  M. Vovelle, La bataille du Bicentenaire, op. cit., p. 18.

27  P. Minard, « La Révolution française : un moment économique », dans M. Vovelle, A. de Baecque (dir.), Recherches sur la Révolution…, op. cit., p. 333‑341.

28  Jean-Claude Perrot, « Voies nouvelles pour l’histoire économique de la Révolution », Voies nouvelles pour l’histoire de la Révolution française, Paris, Éd. du CTHS, 1978, p. 117 et s.

29  François Simiand, Recherches anciennes et nouvelles sur le mouvement général des prix du xvie au xixe siècle, Paris, Domat-Montchrestien, 1932 ; Henri Hauser, Recherches et documents sur l’histoire des prix en France de 1500 à 1800, Paris, s. n., 1936 ; E. Labrousse, « Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle », thèse de droit, 2 vol., Paris, Dalloz, 1933 ; idem, La crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, Paris, PUF, 1944.

30  E. Labrousse, L’histoire sociale. Sources et méthodes, Paris, PUF, 1967.

31  François Crouzet, « Angleterre et France au xviiie siècle. Essai d’analyse comparée de deux croissances économiques », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 21, n° 2, 1966, p. 254‑291.

32  François Hincker, La Révolution française et l’économie. Décollage ou catastrophe ?, Paris, Nathan, 1989 ; Gérard Gayot et Jean-Pierre Hirsch (dir.), numéro spécial « La Révolution française et le développement du capitalisme », Revue du Nord, hors-série n° 5, coll. « Histoire », 1989 ; « Révolution de 1789. Guerres et croissance économique », Revue économique, vol. 40, n° 6, novembre 1989 ; La Révolution française, essor ou blocage économique ?, actes du colloque Paris Dauphine, 1990, Historiens et géographes, mars-avril 1990.

33La Révolution française et le monde rural, Paris, Éd. du CTHS/INRA, 1989 ; Jean-Laurent Rosenthal, The Fruits of Revolution: Property Rights, Litigation and French Agriculture, 1700-1860, Cambridge, Cambridge University Press, 1992. Cet ouvrage démontre notamment que les incertitudes relatives aux droits de propriété et aux nombreux litiges qui en découlaient étaient responsables du manque d’investissement dans l’agriculture sous l’Ancien Régime. Les réformes entreprises pendant la Révolution auraient entraîné une augmentation des investissements dans le drainage et l’irrigation après 1820, permettant d’augmenter la productivité des terres et d’étendre la surface cultivée. Dans le même sens, voir J.-P. Jessenne et Nadine Vivier, « Libérer la terre ! Une Europe des réformes agraires (vers 1750-1850) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 63, 2016/4, p. 27‑65.

34  Voir le numéro spécial « Histoire quantitative », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 73, n° 4, 2018, ainsi que Pat Hudson et Mina Ishizu, History by Numbers: An Introduction to Quantitative Approaches, Londres, Bloomsbury Academic, 2017 (1re éd. 2000) ; Claire Lemercier et Claire Zalc, Méthodes quantitatives pour l’historien, Paris, La Découverte, 2007.

35  D. Margairaz et P. Minard (dir.), « Articuler les temps composés de l’économie », art. cité, p. 4.

36  Michal Kalecki, Théorie de la dynamique économique, Paris, Gauthier-Villars Éd., 1966.

37  Gilbert Faccarello et Philippe Steiner, « Prélude : une génération perdue ? », dans idem, La pensée économique pendant la Révolution française, Grenoble, PUG, 1990, p. 14. Sur les théories économiques, voir aussi Jean-Michel Servet (dir.), Idées économiques sous la Révolution, 1789-1794, Lyon, PUL, 1989 ; Manuela Albertone et P. Cheney (dir.), « Économie politique et Révolution française », La Révolution française, 2018/14, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lrf/2001.

38  Ainsi qu’y invitait l’appel à contribution lancé en 1988 par le CHEFF en amont du colloque de 1989 « État, finances et économie pendant la Révolution française ». Celui-ci se composait de sept rubriques : la crise financière d’avant la Révolution ; les gestionnaires et profiteurs ; les nouvelles institutions financières ; la question des assignats ; la nouvelle fiscalité ; l’économie de guerre ; la réglementation du commerce extérieur.

39  G. Gayot et J.-P. Hirsch, « Présentation », dans idem, La Révolution française et le développement du capitalisme, op. cit., p. 13‑14.

40  L’enquête statistique découverte dans les fonds des Archives diplomatiques de La Courneuve en est un exemple. Sans être méconnue, l’enquête de 1811 étudiée par Anne Conchon n’avait jamais été exploitée pour étudier les transports. Soulignons également les recherches entreprises dans les fonds d’archives judiciaires par Jean-Christophe Balois-Proyart et David Plouviez pour traquer les litiges relatifs aux conflits de travail, ainsi que dans les archives des comptabilités marchandes conservées dans la série J des archives départementales, par Boris Deschanel et Guillaume Foutrier. Enfin, c’est précisément la disparition de ce « continent de papier » que constituent les cartes de pain qu’interrogent Serge Aberdam et Laure Després, pour expliquer l’intérêt tout relatif porté par les historiens aux théories de Fal’kner sur l’« économie d’émission ».

41  Dans la lignée, notamment, des travaux d’Alain Cottereau, Steven Kaplan, Philippe Minard et Michael Sonenscher.

42  Laurence Fontaine, L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.

43  D. Margairaz et P. Minard, « Marché des subsistances et économie morale : ce que taxer veut dire », Annales historiques de la Révolution française, n° 352, 2008/2, p. 53‑100.

44  J.-L. Rosenthal, Philip T. Hoffman, Gilles Postel-Vinay, Des marchés sans prix. Une économie politique du crédit à Paris, 1660-1870, Paris, Éditions de l’EHESS, 2001.

45  Rebecca Spang, Stuff and Money in the Time of the French Revolution, Cambridge, Harvard University Press, 2015.

46  G. Béaur, Jean-Michel Chevet, María-Teresa Pérez-Picazo, Phillip R. Schofield (dir.), Property Rights, Land Markets and Economic Growth in the European Countryside (13th-20th Centuries), Turnhout, Brepols, 2013. Sur la « sacralisation » de la propriété, voir Rafe Blaufarb, L’invention de la propriété privée. Une autre histoire de la Révolution française, Seyssel, Champ Vallon, 2019.

47  Pour une mise au point historiographique, Silvia Marzagalli, « Le négoce maritime et la rupture révolutionnaire : un ancien débat revisité », Annales historiques de la Révolution française, n° 352, 2008/2, p. 184‑207. Voir, entre autres, les travaux de Matthieu De Oliveira, Les routes de l’argent. Réseaux et flux financiers de Paris à Hambourg (1789-1815), Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011, consultable en ligne, https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/106 ; Arnaud Bartolomei, Les marchands français de Cadix et la crise de la Carrera de Indias (1778-1824), Madrid, Casa de Velázquez, 2017.

48  J.-P. Jessenne (dir.), Vers un ordre bourgeois ? Révolution française et changement social, Rennes, PUR, 2007.

49  Philippe Sagnac, La législation civile de la Révolution française (1789-1804). Essai d’histoire sociale, Paris, Hachette, 1898. Dans l’hommage que Georges Lefebvre consacre à celui qu’il a « bien connu » à Lille et qui a été, avec Henri Sée et Henri Pirenne, l’un des rares à saluer l’importance de sa thèse, il en fait l’un des pionniers de l’histoire économique et l’un des précurseurs de la méthode statistique. Voir G. Lefebvre, « Nécrologie », Revue historique, t. 223, 1955, p. 178‑181.

50  Qu’il s’agisse des institutions économiques elles-mêmes ou, dans un sens plus large, de toutes les formes « d’organisations ou de normes qui peuvent être publiques, privées ou difficiles à placer sur cette échelle, mais qui se caractérisent par une formalisation minimale qui les rend lisibles par les acteurs et permet d’identifier des frontières », lesquelles « peuvent être disputées ou transgressées », mais contribuent « à structurer l’activité économique ». Voir Alain Chatriot et C. Lemercier, « Institutions et histoire économique », dans J.-C. Daumas, L’histoire économique en mouvement…, op. cit., p. 144.

51Ibid., p. 149. Voir aussi A. Chatriot et C. Lemercier, « Une histoire des pratiques consultatives de l’État », dans Michel Offerlé et Henry Rousso (dir.), La fabrique interdisciplinaire. Histoire et science politique, Rennes, PUR, 2008, p. 191‑203.

52  Voir récemment, entre autres, les numéros spéciaux : Guillaume Mazeau et Maria Betlem Castellà i Pujols (dir.), « Les comités des assemblées révolutionnaires : des laboratoires de la loi », La Révolution française, 2012/3, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lrf/673 ; Gaïd Andro et Laurent Brassart (dir.), « Administrer sous la Révolution et l’Empire », Annales historiques de la Révolution française, n° 389, 2017, p. 3‑18 ; V. Martin, Céline Parcé et Cécile Robin (dir.), « Gouverner par la loi. Les comités et commissions des Assemblées révolutionnaires : pouvoir législatif et fonctions exécutives », La Révolution française, 2020/17, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lrf/3147. Voir aussi Alexandre Guermazi, Jeanne-Laure Le Quang et V. Martin (dir.), Exécuter la loi (1789-1804), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2018.

53  Voir, entre autres, D. Margairaz, François de Neufchâteau : biographie intellectuelle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2005 ; idem, « L’invention du service public : entre “changement matériel” et “contrainte de nommer” », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 52, 2005/3, p. 10‑32 ; A. Conchon, « Paris et les transports sous la Révolution », dans À Paris sous la Révolution. Nouvelles approches de la ville, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2008, p. 105‑116 ; idem, « Les transports intérieurs sous la Révolution : une politique de l’espace », Annales historiques de la Révolution française, n° 352, 2008/2, p. 5‑28 ; Igor Moullier, « Le ministère de l’Intérieur sous le Consulat et le Premier Empire (1799‑1814). Gouverner la France après le 18 brumaire », thèse de doctorat sous la direction de Gérard Gayot, université de Lille 3, 2004, inédite ; idem, « Une révolution de l’administration ? La naissance de la science administrative impériale (1800‑1815) », Annales historiques de la Révolution française, n° 389, 2017/3, p. 139‑160 ; Éric Szulman, La navigation intérieure sous l’Ancien Régime. Naissance d’une politique publique, Rennes, PUR, 2014.

54  L’expression, sous sa plume, s’appliquait au « moment 1789 ». Elle vaut ici dans son sens heuristique. Voir J.-C. Perrot, « Capitalisme, finances publiques et Révolution », dans La Révolution française et le développement du capitalisme, op. cit., p. 19.

55  Sur les débats relatifs à la validité de l’expression de « politique économique » pour l’époque moderne, voir P. Minard, « État et économie en France après la Révolution », Historiens et géographes, n° 378, 2002, p. 195‑201.

56  J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991 ; J.-P. Hirsch et P. Minard, « “Laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup”. Pour une histoire des pratiques institutionnelles dans l’industrie française (xviiie-xixe siècle) », dans Louis Bergeron et Patrice Bourdelais (dir.), La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ?, Paris, Belin, 1998, p. 135‑158.

57  L. Bergeron, « Conclusions », dans La Révolution française et le développement du capitalisme, op. cit., p. 435‑439.

58  Anne Conchon étudie le secteur méconnu des transports, à partir de l’enquête de 1811, en la remettant en perspective avec celles réalisées en l’an III ; ce sont aussi les bilans proposés par l’enquête de 1811 pour le secteur stratégique des forges, que conteste Jean-Paul Rothiot à partir des résultats de celle de la fin de l’an IV. Marguerite Martin mobilise également celle du 25 germinal an II sur le secteur textile pour mesurer l’impact du ralentissement des approvisionnements en colorants. Quant à la réforme douanière, elle est étudiée par Virginie Martin à partir des deux consultations parallèles diligentées auprès du négoce par le ministère des Relations extérieures et des Finances en décembre 1797.

59  Jacques Revel, « L’institution et le social », dans Bernard Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 2013 (1re éd. 1995), p. 85‑113.

60  J.-C. Perrot, « Capitalisme, finances publiques et Révolution », art. cité, p. 24.

61  Bernard Bodinier et Éric Teyssier, L’événement le plus important de la Révolution. La vente des biens nationaux (1769-1867) en France et dans les territoires annexés, Paris, Société des études robespierristes, Éd. du CTHS, 2000.

62  Éric Schnakenbourg (dir.), Neutres et neutralité dans l’espace atlantique durant le long xviiie siècle (1700-1820). Une approche globale, Bécherel, Les Perséides, 2015.

63  P. Minard, « Synthèse des discussions », dans La Révolution française et le développement du capitalisme, op. cit., p. 429.

64  D. Margairaz, « L’invention du “service public”… », art. cité.

65  L. Bergeron, « Conclusions », art. cité.

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