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Les héritages de la RCB

p. 629-657


Texte intégral

1Troisième volume d’une histoire au long cours, Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel (1962-1978) caractérise une étape clé du déploiement de la gestion des finances publiques dans la France contemporaine. Le premier temps (1815-19141) fut marqué par le lent développement, très intriqué, d’un droit budgétaire et comptable et d’instruments pratiques lui donnant corps dans l’administration : y alternaient la domination de préoccupations juridiques (la définition des comptes, la mise en place de procédures, la détermination de responsabilités spécifiques et des contrôles afférents) et la formalisation de considérations gestionnaires (un contrôle des actions et des réalisations des ministres et de leurs agents administratifs, élaboration d’outils de comparaison des coûts et résultats de l’action publique). La thèse défendue était celle d’un mouvement parallèle et d’une hybridation originelle des rationalités juridiques et gestionnaires. D’un côté, on observait la patiente construction d’un droit budgétaire et comptable organisant progressivement les rapports entre les institutions (gouvernement, Chambres du Parlement) et distribuant les rôles joués par des acteurs administratifs (le ministère des Finances, la Cour des comptes). De l’autre, se développait un ensemble d’instruments lui servant de support (une comptabilité moderne, des comptes spécifiques, la mise en avant du budget comme outil de pilotage politique) qui distillait, insensiblement mais souvent marginalement, des préoccupations de gestion. Le deuxième temps (1917-19672) fut caractérisé par la figure dominante du contrôle appliqué à la dépense et aux finances publiques, sous toutes ses formes, du contrôle des dépenses engagées au contrôle financier local en passant par le contrôle de l’autorisation et de la régularité des opérations jusqu’au contrôle, plus moderne et plus gestionnaire, de l’action des services et de « l’utilité » de la dépense. Le terme contrôle dépassait alors la vérification pour aborder la maîtrise ou le pilotage mais la figure prédominante du contrôle témoignait des enjeux dominant toujours les débats : les équilibres de pouvoir entre exécutif et législatif dans un régime démocratique et parlementaire. Cette « politique des contrôles », de l’entre-deux guerres aux années 1950, faisait coexister plusieurs manières de penser la gestion publique. Toutefois, les Trente Glorieuses et la montée en puissance de l’État interventionniste et modernisateur favorisaient particulièrement l’explosion d’innovations gestionnaires conduisant à « dépasser la simple régulation des moyens financiers pour s’attacher à la mesure des résultats de l’action des services publics eux-mêmes »3 : la réaffirmation du rôle budgétaire de la Cour des comptes en lien avec les commissions des finances du Parlement, la création du Comité central pour l’étude des coûts et rendements des services publics, la conversion gestionnaire de la direction du Budget, le contrôle financier rénové des ministères, en constituaient des exemples. Pour autant, fidèle à un mouvement de balancier, la période étudiée se concluait par une séquence de formalisation juridique forte (1956-1962), législative et constitutionnelle, marquée par le décret organique du 19 juin 1956, l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 et le décret du 29 décembre 1962. On assistait ainsi à l’inscription dans l’ordre juridique d’une partie des initiatives gestionnaires, mais aussi économiques, de la période. Toutefois, là où le décret organique de 1956 prenait acte de la « gestionnarisation » des finances publiques sous la IVe République, l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, rendue nécessaire par le changement de constitution, se montrait nettement moins entreprenante en matière de gestion et s’inscrivait dans une autre filiation conceptuelle, fondée sur le droit et sur la réaffirmation du modèle juridique de gestion de l’État. Elle laissait au décret relatif à la comptabilité publique le soin de décliner concrètement les principes qu’elle posait.

2La rationalisation des choix budgétaires constitue une troisième phase dans notre enquête historique. Par comparaison avec les deux périodes antérieures, ce « moment RCB » frappe par la moindre présence des enjeux et rationalités proprement juridiques puisqu’il est très vite acquis qu’elle ne réforme pas le droit budgétaire et comptable stabilisé dix ans auparavant dans l’ordonnance du 2 janvier 1959. En revanche, la RCB semble offrir un tremplin favorable à l’essor, l’expérimentation, la systématisation doctrinale et la diffusion à grande échelle de méthodes, d’outils, de savoirs et de pratiques économico-gestionnaires apparus quelques dizaines d’années plus tôt. La RCB constitue une sorte d’écrin-atelier dans lequel ces instruments vont se déployer, être testés, évoluer et se perfectionner avec le temps. La RCB est aussi caractérisée par un effort inédit de théorisation de cet assemblage d’instruments et de savoirs. Dans ses contenus, la RCB se décline en trois volets articulés en système ou en cycle, graphiquement représentés : des études micro-économiques coûts-bénéfices fondées sur le calcul économique et portant sur des politiques publiques en préparation ; un plan de réforme de la procédure budgétaire sur la base d’une programmation rationnelle de l’action administrative assise sur les « budgets de programme » ; l’essor et la diffusion des méthodes modernes de gestion qui reposent sur une évaluation des actions publiques à travers leur décomposition rationnelle en objectifs, moyens et résultats et à des fins de suivi et de contrôle de l’exécution des dépenses. La RCB débute au milieu des années 1960 dans le prolongement de la direction par objectif (DPO) et bénéficie de regards portés outre atlantique sur les expériences américaines du PPBS (le Planning, Programming and Budgeting System). Elle se développe tout au long des années 1970 et est interrompue en 1984, quand les crédits interministériels qui lui sont consacrés disparaissent du budget de l’État. Elle perdure néanmoins, formellement, à travers certains de ses instruments, jusqu’au dépôt des derniers budgets de programmes en 1996 puis disparait complètement du vocabulaire administratif.

3Au regard de ces trois périodes, on peut interroger la spécificité, l’influence et les héritages de la RCB au sein de l’ordre administratif afin de poursuivre la problématique globale qui anime les trois volumes de la collection consacrée à l’histoire de la gestion des finances publiques. En quoi la RCB concourt-elle à déplacer le centre de gravité entre une approche légale et règlementaire et une approche gestionnaire de l’aspect financier de l’action publique ? Constitue-t-elle une hybridation de ces rationalités ou marque-t-elle, au contraire, une nouvelle progression de l’esprit gestionnaire et de ses instruments ? Comment situer la RCB sur le temps long ? À quel monde appartient-elle ? L’idéal du gouvernement rationnel qu’elle porte la lie-t-elle à la planification qui entame lentement son déclin à la fin des années 1960 ? Ou bien constitue-t-elle la genèse et l’incubateur de ce qu’on appellera plus tard le « New Public Management » dont la réception en France fait débat ? En ce sens, la RCB constituerait une étape importante dans la formalisation des préoccupations gestionnaires, un moment de cristallisation d’instruments et de pratiques qui se seraient, à l’image des expériences qui l’ont précédée, diffusés ensuite dans l’administration pour être finalement ressaisis dans le cadre de la LOLF. En bref, la RCB est-elle la fin d’une époque ou le point de départ d’une autre ? Ce questionnement amène à dépasser, sans la rejeter, une lecture classique mais discutable scientifiquement concernant les réformes en termes de succès ou d’échecs : la RCB est-elle en effet un échec en tant que réforme administrative comme il a souvent été dit et écrit4, y compris dans cet ouvrage ? Et qu’est-ce à dire ? On le sait, l’interprétation en termes de succès ou d’échec emprunte trop aux catégorisations indigènes des acteurs en termes d’action et aux rhétoriques de l’héroïsme, de l’inefficacité ou de la nostalgie. Mais elle est évidemment utile, dans le sens où l’ont faite jouer les contributeurs de cet ouvrage, pour réfléchir aux dynamiques (favorables ou défavorables) d’action collective, à l’étendue et aux limites d’une réforme ainsi qu’à ses effets de transformation sur les règles et les pratiques.

4Dans un premier temps, nous réfléchirons à la spécificité de ce « moment RCB » pour se demander si la rationalisation des choix budgétaires marque la fin d’une période – celle de l’État modernisateur des Trente Glorieuses – ou constitue le point de départ d’une nouvelle ère, celle de l’État qu’on réforme et de l’État sous contraintes qui doit, indéfiniment, faire montre de sa discipline et de son ascèse. Entre ces deux thèses, on cherchera aussi à montrer que la RCB possède des traits structurels inédits qui ont la vie dure et qu’on retrouvera dans les réformes administratives de la Ve République.

5Dans un deuxième temps, on tirera le fil des héritages de la RCB en suggérant qu’elle a aussi fonctionné comme un incubateur d’idées et d’instruments qui se sont initialement développés dans son giron pour mieux prendre ensuite leur envol. On montrera particulièrement comment les communautés professionnelles du management public et de l’évaluation des politiques publiques lui sont redevables. Pour autant, la RCB préfigure-t-elle ou s’inscrit-elle dans le cadre d’une emprise néo-managériale sur l’État ?

6Dans un troisième temps, on interrogera le lien entre la RCB et la loi organique relative aux lois de finances adoptée le 1er août 2001. La LOLF, texte pilier du droit public financier contemporain, a réalisé ce qui n’était pour la RCB qu’un horizon d’attente voire un impensé ou un tabou : la réforme de la procédure budgétaire via la refonte de l’ordonnance du 2 janvier 1959. Dès lors, la LOLF est souvent présentée comme la première inscription de la gestion dans le marbre de la loi, mais une gestion devenue nouvelle gestion publique. En proposant une comparaison systématique de la RCB et de la LOLF, nous essaierons de confirmer l’irréductible singularité de la première, objet de ce volume.

La RCB dans son moment : fin de cycle ou point de départ ?

7Quelle est la spécificité du moment RCB tel que cet ouvrage vient de le décrire ? Trois conclusions saillantes nous semblent pouvoir être mises en exergue. Premièrement, la RCB est bien l’aboutissement de deux décennies d’expérimentations disparates de techniques micro-économiques et gestionnaires. Elle en hérite et en propose un assemblage inédit qui se cristallise dans la réforme. Pour autant, deuxièmement, la composition réalisée est originale et constitue un capital dont on hérite : la proposition de réforme dessine un horizon d’attente qui articule l’analyse micro-économique d’aide à la décision, le choix rationnel, la budgétisation, et le contrôle gestionnaire de l’exécution. L’idéal d’un gouvernement rationnel s’impose. Mais la RCB marque aussi, troisièmement, le point de départ d’une nouvelle phase de la réforme administrative : les initiatives ultérieures hériteront de plusieurs mécanismes saillants au cœur de la RCB qui perdurent encore de nos jours.

La RCB comme assemblage : la cristallisation d’instruments et de techniques en plein essor

8Au terme de l’histoire que cet ouvrage vient de retracer, il apparaît impossible de ne pas replacer la RCB dans la généalogie des instruments et des pratiques dont une partie se cristallise avec elle et dont elle est le produit. Une première conclusion conduit à suggérer que la RCB est l’actualisation et la stabilisation, dans une politique publique de réforme administrative, d’instruments, de savoirs et de questionnements qui, pour une large partie d’entre eux, ont été développés sur l’administration tout au long des années 1950 et 1960. Le calcul économique (dont les premières formes apparaissent au xixe siècle chez les ingénieurs des Ponts et Chaussées5) et les études coûts-avantages ont été développés dans les années 1950 dans les grandes entreprises publiques (EDF, SNCF) dans le cadre du mouvement de recherche opérationnelle6 puis à la direction de la Prévision dès le début des années 1960 qui renforce ses capacités de deux manières : par le recrutement d’ingénieurs économistes spécialisés (statistiques, tarification des transports collectifs) formés dans les écoles d’application de polytechnique (Ponts, Mines, ENSAE) ; par la création d’une direction de la Recherche économique appliquée étudiant la rentabilité des investissements. Parallèlement, la gestion des entreprises n’a cessé de se renouveler dans les deux décennies antérieures à la RCB, avec, par exemple, le développement de la direction participative par objectifs (DPO)7. Bien évidemment, la RCB n’est pas le réceptacle de toutes les expérimentations gestionnaires antérieures, loin s’en faut. Les techniques de comptabilité et les méthodes modernes de gestion relèvent de l’histoire longue du management depuis le taylorisme et Fayol en France8 et le volume 2 de L’invention de la gestion des finances publiques a bien montré, dans les années 1950, l’essor d’instruments et de pratiques gestionnaires dans les administrations publiques qui seront ensuite « oubliés » ou relégués : que l’on songe, par exemple, à l’organisation scientifique du travail et aux techniques d’organisation et méthodes portées par Gabriel Ardant au sein du Commissariat général à la productivité9 ou aux pratiques renouvelées de contrôle financier des administrations10. Les porteurs de ces initiatives sont oubliés voire méprisés par les réformateurs de la RCB. Toutefois, sur une période temporelle plus courte, les années 1960 semblent caractéristiques de ce qu’on a pu appeler la cristallisation d’un « souci de soi de l’État » construisant progressivement l’administration en « objet de connaissances » dans plusieurs de ses composantes (optimisation des dépenses publiques, calcul des coûts de fonctionnement ou de la masse salariale dans la fonction publique, comptage des agents, comportements des fonctionnaires face au changement) débouchant sur sa mise en cause et sa constitution en « problème public »11. L’existence du programme « l’administration face au changement » piloté par Michel Crozier en 1964 était révélateur des interrogations que soulevaient alors les fonctionnements des administrations et leur rationalité12. Par ailleurs, les influences qui conduisent à la RCB ne sont pas que françaises. L’emprunt au Planning, Programming and Budgeting System (PPBS) nord-américain, observés lors de missions d’études menées par des hauts fonctionnaires français, a été analysé dans l’ouvrage13.

9De ce point de vue, à l’aune de ces dynamiques généalogiques, la RCB hérite d’instruments et de savoirs en plein essor et les assemble dans une composition originale : les savoirs micro-économiques s’articulent aux méthodes modernes de gestion, tenus ensemble par une procédure budgétaire qu’on veut rénover par le biais des « budgets de programme ».

La RCB comme précipité original : le grand alignement des analystes, des décideurs, des budgétaires et des gestionnaires

10Pour autant, même en révélant son assemblage composite « hérité », la RCB n’en demeure pas moins une réforme originale et singulière, ce que ce livre aura, nous l’espérons, démontré. Elle débouche sur un « précipité », une doctrine réformatrice qui va se théoriser et se bonifier avec le temps, notamment en raison de l’effort de formation continue qu’elle requiert et qui favorisera la diffusion de ses techniques et de ses raisonnements. La RCB constitue un capital singulier qui rend possible un héritage. Rappelons le contenu de ce « magot » : une théorisation cohérente d’un gouvernement rationnel. La RCB se présente publiquement, sous sa forme globale et conceptuelle, comme un cycle administrativo-budgétaire rationnel et vertueux articulant cinq phases : 1. Une phase de diagnostic et de formulation du problème confrontant les objectifs de la politique envisagée aux moyens et aux actions existants dans le cadre d’analyses coûts-avantages évaluant les options ; 2. Une phase de décision éclairée avec choix d’objectifs et de programmes liés débouchant sur un plan stratégique ; 3. La traduction des choix opérés dans des programmes pluriannuels destinés à réaliser ces objectifs et leur traduction budgétaire sous la forme de budgets de programme équipés d’indicateurs de gestion et de production destinés à suivre la réalisation et ses coûts ; 4. La mise en œuvre des programmes dont l’exécution est suivie par des techniques de gestion ; 5. Une phase de contrôle des résultats et de réévaluation sur la base de mesures des effets de l’exécution (contrôles comptable, de gestion ou de réalisation)14. Ce système, objet de nombreuses représentations graphiques, formalise l’idéal d’un gouvernement rationnel fondé sur des savoirs micro-économiques et gestionnaires. Même partiellement empruntée et traduite du PPBS et bien qu’elle constitue un horizon d’attente, cette théorisation réformatrice est originale dans sa capacité à lier trois dispositifs. Les techniques micro-économiques, via les analyses coûts-avantages, sont le socle initial de la réforme en permettant d’éclairer et de rationaliser les grandes décisions politico-administratives d’interventions sectorielles. Les budgets de programme constituent la représentation matérielle de ces choix, rationnellement présentés en programmes pour lesquels sont explicités des objectifs pluriannuels, les ressources allouées, les responsabilités et les résultats attendus sur la base d’indicateurs de gestion et de résultats. Le budget de programmes est à lui seul un concentré de techniques de gestion. Les méthodes modernes de gestion constituent un ensemble d’instruments destinés, sur la base de ces budgets, à suivre et contrôler l’exécution des politiques publiques initiées. L’originalité de la RCB repose toute entière sur cette articulation.

11Dans notre perspective d’histoire de la gestion des finances publiques, la RCB tient ensemble, de manière inédite, des ingrédients qui se déployaient alors de manière autonome. De fait, le volume 2 de L’invention de la gestion des finances publiques donnait à voir des initiatives prises sur chacun des segments. Dans l’idéal du gouvernement rationnel qui définit la RCB, l’objectif est d’associer et d’aligner le plus étroitement possible les analystes, les décideurs (politiques et financiers), les budgétaires et les gestionnaires. Tout se tient. Les études coûts-avantages fondées sur le calcul économique ont comme visée thérapeutique la transformation des fonctionnements administratifs puisqu’il s’agit de reconfigurer rationnellement le circuit d’analyse, de décision et de suivi de l’exécution. Mais cette action passe par la médiation des budgets de programme et la refonte espérée de la procédure budgétaire. Cette alliance – matérialisée dans la configuration associant direction de la Prévision, direction du Budget et administrateurs des ministères sectoriels – fait la singularité de l’opération et l’ancre dans son « moment ». Pour les promoteurs de la RCB, l’art de gouverner est en crise en raison de l’opacité de l’action administrative (Philippe Huet parle d’absence de cohérence dans l’action, de lenteur de réaction, de cloisonnement ou de responsabilité de la décision imprécise ou obscure15). Cette crise est d’autant plus problématique qu’elle survient dans le contexte de sollicitations croissantes, liées à l’augmentation des besoins collectifs, et à l’extension de la planification. La pathologie de l’État est alors analysée comme un défaut d’intégration entre la réflexion préliminaire à la décision, la décision, la gestion, et l’observation des résultats de la gestion. Pour y remédier, l’idéal proclamé par la RCB est l’élaboration d’un schéma intégré de gouvernement rationnel. Cette intégration est intellectuelle et doctrinale mais elle est aussi institutionnelle avec la coalition Prévision‑Budget.

12En un sens, le moment RCB est de son époque puisque la RCB partage avec la planification l’illusion de la rationalité des processus publics et le pilotage de l’action publique par la programmation ex ante des choix. Toutefois, intellectuellement autant qu’institutionnellement, la RCB constitue une alternative à la planification16. Elle est même construite contre le Commissariat général au Plan. De fait, planification et RCB reflètent deux visions distinctes du gouvernement rationnel. Pour la planification, une fois les buts bien négociés, la mise en œuvre n’est plus un problème : elle devient une conséquence logique de la décision. Avec la RCB, au contraire, l’administration ne peut plus être considérée comme une organisation transparente dont le seul objectif serait de mettre en œuvre les choix du Plan. Elle constitue un ensemble d’organisations dont les objectifs doivent être analysés et rationalisés (la détermination des décisions et des objectifs doit être revue grâce aux savoirs micro-économiques), dont on ne connaît pas a priori les moyens (l’administration « n’exécute » pas de manière linéaire) et dont les résultats méritent d’être évalués (on ne sait pas ce que produit la bureaucratie ou, plus exactement, on constate que ce qu’elle produit ne correspond pas aux objectifs fixés). La critique du Plan est presque explicite. Il ne s’agit pas de fabriquer, avec les ministères et les groupes sociaux concernés, des objectifs macro-économiques souhaitables pour l’équilibre général (approche planificatrice top-down). À la prévision-planification de type macroéconomique concernant les grands domaines socio-économiques, elle substitue une démarche de connaissances, fondée sur la microéconomie et le management. Elle promeut l’optimisation des choix des grands investissements publics et l’optimisation du suivi et du contrôle des dépenses publiques. Il s’agit de suivre, d’analyser et de mesurer, dans les cadres fixés par la planification, les objectifs et choix intermédiaires ainsi que leur réalisation en fonction des moyens. Les « Rcbistes » restent cependant animés par l’idéal d’un gouvernement rationnel. S’ils admettent que le fonctionnement de l’administration n’est pas suffisamment connu et rationnel, leur ethos d’ingénieurs/économistes les conduit à penser qu’une mise à plat des activités des administrations est possible à travers l’analyse de leurs missions, de leurs objectifs et d’une recherche d’optimisation des objectifs et des moyens. La RCB réforme l’administration par la science et, sans doute, le Plan lui-même avec ses objectifs en matière d’investissements collectifs.

La RCB comme réforme administrative : des traits institutionnels qui ont la vie dure

13Au-delà de l’originalité intellectuelle de la RCB, son moment est aussi caractérisé par une série de traits institutionnels (des enjeux, des relations de pouvoir, des idées) qui ont largement survécu à la réforme administrative du tournant des années 1970. D’une certaine manière, la RCB met en place une configuration de réforme dont certaines composantes et propriétés vont durer et restent observables dans certaines politiques ultérieures de réformes de l’État. La RCB peut apparaître ici comme la mère des réformes administratives sous la Ve République et partager plusieurs points communs avec les démarches à venir. Nous en retiendrons six.

141. L’idéal globalisant et systémique de pilotage de l’action publique constitue certainement un trait commun à de nombreuses initiatives de réforme de l’administration. La RCB a théorisé ce gouvernement rationnel sous forme de cycle et de chaînes. Ce programme fort et ses composantes – la rationalisation micro-économique des décisions donnant forme à des budgets centrés sur des politiques publiques et mesurés via des outils de gestion débouchant sur le suivi et le contrôle de l’exécution des politiques constituées en programme – est une matrice qu’on retrouvera, de manière implicite ou explicite dans des réformes néo-managériales ultérieures17.

152. Les instruments présents dans la RCB, quel que soit leur degré de conceptualisation ou de mise en place effective dans les ministères, constituent assurément une grammaire de réforme qu’on verra reprise ultérieurement. En font partie la définition des objectifs, la construction et l’usage d’indicateurs (la RCB distingue les indicateurs de résultats, de moyens et de gestion18) permettant théoriquement d’apprécier l’efficacité et l’efficience de l’action administrative et des gestionnaires publics19, les budgets de programme, le souci de quantification de l’action publique et le développement du contrôle de gestion. La RCB s’inscrit ici dans un mouvement long. Cette évolution est en partie une gestionnarisation. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il s’agit de dépasser la simple question de l’administration financière de l’État pour aller vers la gestion de l’action publique.

163. La RCB est aussi la manifestation d’une foi certaine dans la science, l’économie mathématique et appliquée, dans la possibilité d’un gouvernement rationnel et dans la technologie. Elle s’appuie particulièrement sur le développement technologique dont la puissance de calcul est nécessaire à la modélisation des systèmes. Elle sert d’ailleurs parfois de point d’entrée à l’informatique dans les administrations, quand elle n’en est pas, purement et simplement, l’alibi20. À bien des égards, cette foi en la rationalité du gouvernement et en la technologie a pu tourner à la croyance tant la disposition d’une information, réputée complète, est éloignée de la possibilité de son utilisation à des fins gestionnaires. Mais, inversement, il est aussi clair que sans la maîtrise de cet outil, les développements managériaux étaient impossibles. On observera plus tard combien la nouvelle gestion publique n’a pu prospérer sans le déploiement d’un progiciel de gestion intégré au sein de l’État. Cette ambition était déjà le rêve de la RCB.

174. La RCB donne aussi à observer une autre propriété élémentaire des politiques de réforme administrative : « la concurrence entre acteurs centralistes pour le monopole du contrôle et de la régulation de l’État »21 et le rôle majeur que jouent les ministères économiques et financiers dans ce jeu. La RCB a reposé sur une forte coalition centraliste, direction de la Prévision et direction du Budget. L’alliance entre les deux directions du ministère de l’Économie et des Finances est précaire mais inédite. Leur lutte pour le monopole de l’orientation de la réforme et les conflits entre leurs deux visions (micro-économique versus budgétaire) sont illustratifs du poids des concurrences dans les politiques de réforme de l’État. Avec la RCB, les économistes (ou prévisionnistes) sont sur le devant de la scène mais les budgétaires leur contestent le leadership. Ce seront plus tard les gestionnaires de crédits (voire les financiers) qui deviendront centraux avec la nouvelle gestion publique. La RCB met d’ailleurs bien l’accent sur le rôle crucial de la direction du Budget dans les réformes administratives. Sans être, à elle seule, capable de porter une réforme, elle peut jouer un rôle de catalyseur qui permet d’engager une dynamique si elle s’y implique et y trouve son intérêt. Inversement, si elle ne porte pas la réforme, elle peut jouer le grain de sable et parvenir à gripper un processus qui paraît par ailleurs bien huilé. Ce rôle central, qui fait bascule, est observable dans de nombreuses réformes ultérieures.

185. Le cinquième trait saillant de la RCB est la nature des dynamiques d’action collective qu’elle occasionne. Comme toute politique « transversale » de réforme administrative22, la RCB a pour objectif et pour enjeu de vouloir imposer des principes, des règles et des instruments à « l’administration » dans son ensemble c’est-à-dire aux organisations du système administratif étatique (ministères, directions, organes de contrôle, inspections, etc.) qui doivent mettre en œuvre la réforme, la subissent ou en tirent bénéfice. Cette transversalité et cette revendication de transformation engagent des redistributions de pouvoir entre les acteurs réformateurs, qui peuvent gagner du pouvoir ou des moyens de contrôle, et les ministères sectoriels qui doivent endosser les coûts de la réforme en l’appliquant. La question de l’appropriation ministérielle des réformes se pose avec acuité. En ce sens, la RCB nous montre qu’il existe des histoires de la modernisation des ministères, chacun acclimatant les mots d’ordre et les instruments de réforme à l’aune de ses propres logiques institutionnelles.

196. La sixième et dernière composante durable de la RCB concerne la place qu’y occupe la formation des agents publics aux nouvelles méthodes. Pour la première fois sans doute en France au xxe siècle, en raison de l’envergure de la RCB, l’enjeu de formation des fonctionnaires à un processus de réforme a été pris au sérieux. Il a aussi été pris à bras le corps par les réformateurs et traité « grandeur nature » avec un déploiement de moyens et d’effectifs sans commune mesure23. La RCB s’est construite, chemin faisant, à travers l’investissement massif dans des stages, des séminaires, des conférences et des enseignements qui donnent corps à la réforme en en fabriquant une représentation générale et un discours public, en en développant des contenus transmissibles (par exemple des études de cas qui resteront célèbres) mais aussi en socialisant de nombreux agents aux nouvelles méthodes et au nouvel esprit. De ce point de vue, l’entreprise massive de formation aux techniques RCB préfigure les initiatives toutes aussi considérables de formation à des réformes administratives ultérieures. On pense ici au Renouveau du service public sous Michel Rocard de 1989 à 1991 ou, évidemment, au déploiement de la LOLF. Toutes les initiatives placées sous le label de la MODERFIE (pour modernisation financière) suivie de celle de la performance publique traduisent cette volonté de promouvoir une culture – la nouvelle gestion publique – et d’y sensibiliser et socialiser les esprits.

La RCB comme incubateur de savoirs : le management public et l’évaluation des politiques publiques sont‑ils les descendants de la RCB ?

20La RCB a placé au cœur de son dispositif le développement de techniques et de savoirs qui en ont constitué véritablement les piliers : les études micro-économiques coûts-avantages, les budgets de programme et les méthodes modernes de gestion. Quoique très marginalement, elle a même laissé une place à l’apport des sciences sociales24. Certes, le cycle rêvé par la doctrine, reliant l’aide à la décision, les structures budgétaires de programmes et le contrôle de l’exécution par la gestion, n’a jamais vraiment existé faute d’être institutionnalisé. Mais c’est justement cette faible intégration qui explique peut-être que la RCB se soit révélée un formidable incubateur, favorisant, de manière ouverte, l’essor et la diffusion d’instruments et de savoirs. En effet, alors qu’elle est porteuse d’un idéal de contrôle et de maîtrise, la RCB a finalement revêtu une forme largement décentralisée et opérée sur un mode plus incitatif que coercitif, cherchant à favoriser le développement des techniques et leur appropriation par les ministères sectoriels. Dans sa pratique, la RCB s’est construite autour de l’harmonisation d’un petit ensemble de théorisations, de présentations et de méthodes mais, sur la base du volontariat et d’un travail d’incitation, elle a cherché à faire produire, par les cellules RCB de chaque ministère, des études coûts-avantages, des budgets de programme et des formations à la gestion. Cette forme a sans doute fait la faiblesse de la RCB comme réforme transformatrice mais elle a favorisé le déploiement de nombreuses initiatives autonomes qui ont vécu leur vie dans les ministères ou dans le cadre des stages de formation interministériels. La 3e partie de l’ouvrage a bien montré la diversité des appropriations ministérielles et les fortes fluctuations de leur devenir. En raison de cette forme ouverte, la RCB nous semble avoir favorisé l’essor et la diffusion de plusieurs savoirs qui se sont développés par la suite, dans le cadre de petites communautés professionnelles dont la généalogie ramène à un mécanisme d’incubation dans le cadre de la RCB. Nous nous proposons de montrer en quoi le développement du management public, puis celui de l’évaluation des politiques, sont redevables de la RCB de sorte qu’ils peuvent l’un et l’autre être considérés comme des fruits de cette expérience.

Le management public en gestation dans les séminaires RCB

21Plusieurs chapitres de l’ouvrage ont souligné le rôle que jouent les méthodes modernes de gestion et l’investissement dont elles sont l’objet. De fait, la RCB les a inclus dans les programmes de formation. En les portant en gestation, la RCB a rendu possible le développement d’une communauté professionnelle qui va donner naissance en France, à partir d’un ensemble composite de techniques de gestion, à ce qui va être appelé le « management public »25, qu’il faut toutefois historiquement bien distinguer du New Public Management anglo-saxon qu’on verra apparaître et se diffuser plus tardivement dans le contexte hexagonal. On peut défendre la thèse que la manière dont les techniques de management ont été diffusées via la RCB a favorisé mais aussi façonné le développement d’un management public en France acclimatant les techniques de gestion au secteur public.

22De fait, en offrant d’importants financements au CESMAP (Centre d’études supérieures du management public) mais aussi à d’autres organismes spécialisés dans le management (le Centre supérieur de formation au management, CSFM ; la CEGOS ; la SEMA) pour développer des formations lors des stages ou séminaires qu’elle met en place, la RCB a structuré le développement d’une communauté professionnelle centrée sur le « management » appliqué au secteur public. Certaines de ces organisations revendiquent d’importer au cœur de l’État des méthodes modernes de gestion (le contrôle de gestion, la comptabilité analytique, les tableaux de bord, le marketing, les relations publiques, etc.) avant tout développées dans le secteur privé. Mais d’autres, à l’image de certains membres du CESMAP, dont son directeur scientifique Patrick Gibert, vont considérer qu’il ne faut pas en rester là et fabriquer un « management public », adapté aux spécificités du secteur public, de l’État et de ses ministères. Au début des années 1970, cette entreprise ne va pas de soi. Les fondateurs du CESMAP sont spécialistes des domaines du management d’entreprise (contrôle de gestion, marketing, finances, etc.) et le management public n’est d’abord qu’une somme de spécialités fonctionnelles, répliquant les fonctions d’entreprise. Tout au long des années 1970, certains d’entre eux vont travailler à la définition d’une théorie qui adapte les techniques de gestion aux organisations publiques (biens collectifs spécifiques, rôle de l’élection, finalités extraverties et souvent disputées des administrations, contraintes légales, situation de monopole, valeurs originales, exigences multiples de redevabilité et de surveillance publique, etc.). Les premiers manuels de « management public », rédigés par des membres du CESMAP ou des grandes écoles de gestion, paraîtront au tout début des années 198026.

23Dans ce processus, on peut dire que le management public est en gestation dans des formations RCB, ses experts étant devenus des enseignants réguliers de ses stages. Ces formations jouent un rôle essentiel dans son essor : elles permettent au CESMAP, par exemple, de tisser un réseau de relations et d’appuis au sein des ministères sectoriels qui passent ensuite commandes de formation. Elles lui offrent la source principale de son financement. Progressivement, d’ailleurs, l’organisme mettra en place une partie plus gestionnaire qui relègue le volet économiste-techniciste de la RCB pour s’orienter vers les enseignements plus classiques du management, en particulier le contrôle de gestion.

24Ces conditions de diffusion via la formation continue de la RCB ne seront pas sans conséquences sur l’influence du management public en France. Alors que le « Public Management » est développé aux États-Unis dans les universités27, le management public va se développer en France dans l’État, et être diffusé au sein des ministères par le biais de la formation continue. Certes, les formations permettent aux promoteurs du management public de s’adresser directement aux ministères sectoriels. Bénéficiant de l’autonomie des ministères, ils peuvent y promouvoir des pratiques (contrôle de gestion, marketing, gestion du personnel, etc.) qu’ils adaptent aux spécificités de chacun. Petit à petit, les promoteurs du management public parviennent à s’affranchir des autorisations des institutions centralistes (ministère des Finances) pour créer des « marchés locaux » au sein de certains ministères sectoriels demandeurs d’expertises nouvelles.

25Pour autant, ce mode de développement, façonné par le fait d’avoir émergé en partie dans le cadre de la formation continue valorisé par la RCB, a des conséquences sur la production et la légitimité du management public. En instaurant une relation directe entre experts du management public et ministères sectoriels, les premiers s’assurent une clientèle locale mais affaiblissent leur rôle de médiateurs et perdent toute chance de pouvoir imposer le management public comme savoir monopolistique. Par ailleurs, la démarche favorise la fragmentation du management public en savoirs élémentaires. Ces derniers sont jugés d’autant plus appropriables par les hauts fonctionnaires des ministères qu’ils ne sont pas perçus comme idéologiques mais comme techniques. Diffusé comme un « état d’esprit » dans le cadre de la RCB dans les années 1970, le management public n’est donc pas relié à une doctrine de réforme spécifique et aura du mal à ne pas apparaître pour ce qu’il était initialement : une transposition du privé au public28. À certains égards, cette diffusion via la formation continue explique aussi en partie la difficulté des promoteurs du management public à constituer une discipline enseignée dans les écoles de formation des fonctionnaires. La prégnance des concours administratifs, l’absence de la gestion publique dans les épreuves « héritées », l’ethos des hauts fonctionnaires de l’État (a contrario la charge critique contenue dans les savoirs managériaux) et la force du modèle des « écoles de fonctionnaires » dans le système français relèguent le management public à une existence « hors du système »29, c’est-à-dire non articulée à la formation initiale des agents. Les débats sur le développement de la formation à la RCB, étudiés dans cet ouvrage, montrent qu’en dépit des plaidoyers d’universitaires en gestion comme Robert Le Duff, la création de diplômes en gestion publique dans les universités restera longtemps lettre morte. Il faudra attendre octobre 1985 pour voir créer un diplôme d’études approfondies (DEA) de « gestion publique » à l’université Paris-I, habilité pour 4 ans, en collaboration avec l’université de Caen (et notamment le professeur de gestion Robert Le Duff, déjà embarqué dans l’entreprise de la RCB). Mais, simultanément, cette diffusion pragmatique via la formation continue et au contact des ministères empêche l’idéologisation de la doctrine telle qu’on a pu l’observer, à la même période, en Grande-Bretagne. Outre-Manche, les savoirs managériaux sont articulés, via les économistes du Public Choice et les Think tanks de la « nouvelle droite »30, à la critique radicale de la bureaucratie et débouche sur la prégnance de l’idéologie du New Public Management dans les réformes administratives. En France, dans les années 1970 et même 1980, l’articulation du management public aux théories économiques de la bureaucratie (marginalement défendues par des économistes comme Guy Terny ou Émile Lévy) et aux enjeux de discipline budgétaire ne s’opère pas. Le management public relève de pratiques internes aux ministères et ne se transforme pas, du moins pas avant les années 1990, en doctrine plus cohérente et idéologique.

L’évaluation des politiques publiques : l’histoire d’une conversion des cellules RCB

26La deuxième communauté professionnelle héritière de la rationalisation des choix budgétaires est celle qui donnera naissance à l’évaluation des politiques publiques. En effet, des fonctionnaires du réseau RCB, moribond au début des années 1980, vont réorienter leur plaidoyer, abandonnant les approches micro-économiques de type « coût-efficacité » pour l’évaluation des politiques publiques. Cet essor repose sur une reconversion intellectuelle mais reflète aussi les contraintes administratives que les administrations des Finances (directions du Budget et de la Prévision) font peser sur eux. Les deux directions ont de fait abandonné le soutien d’une RCB qui s’est diluée. Vincent Spenlehauer a décrit avec précision31 cette trajectoire d’anciens de la RCB au sein de la direction de la Prévision. Nous en résumons les grandes lignes pour mettre en évidence une autre communauté héritée de la RCB.

27Robert Poinsard et Bernard Walliser, tous deux membres de la sous-direction Études sectorielles de la direction de la Prévision, vont continuer de défendre « l’esprit RCB » et chercher les moyens de sauver ce qui peut encore l’être du dispositif lui-même en perdition. La thématique montante de « l’évaluation des politiques publiques » va offrir cette opportunité en faisant entrevoir une possible reconversion de quelques acquis de la RCB. Un retour en arrière est nécessaire. Depuis la fin des années 1970, des professeurs et chercheurs de gestion ou de sociologie sont partis aux États-Unis, grâce aux financements de la Fondation nationale pour l’enseignement et la gestion des entreprises (FNEGE). Ils y ont découvert la Policy analysis (l’analyse de politiques) et l’Evaluation research et en réimportent les concepts en France32. À l’occasion d’un colloque intitulé « Où va la gestion publique ? » les 28, 29 et 30 mai 197933, Poinsard et Walliser ont découvert les premières présentations tirées des travaux et enseignements américains des approches dites de « politiques publiques » et « l’évaluation des politiques publiques ». Le colloque donne lieu à une opposition assez nette entre les défenseurs de la RCB et les tenants d’approches économiques néo-libérales comme Guy Terny qui diffuse alors en France les approches plus radicales du Public Choice sur la bureaucratie. L’évaluation des politiques publiques va constituer un objet de compromis qui reprend en partie des considérations familières aux tenants de la RCB mais permet aussi de les reformuler dans un nouveau cadre conceptuel : définition des politiques publiques comme unité d’analyse, évaluation des moyens, évaluations des réalisations, des impacts, de l’efficience, de l’efficacité, de la satisfaction. À la suite de ce colloque, Robert Poinsard a l’idée de recycler les cellules RCB des ministères en les reconvertissant à l’analyse de politiques et propose la création d’un comité national des politiques publiques. Il défend son projet auprès de Jean-Claude Milleron qui a pris, depuis 1981, la tête de la direction de la Prévision à la place de Pierre Cortesse. L’évaluation des politiques publiques devient progressivement un « substitut méthodologique possible à la RCB pour la conduite d’études sur les décisions publiques34 ».

28Si le projet n’est finalement pas retenu, cet investissement se matérialise par la décision d’organiser un colloque sur l’évaluation des politiques publiques35, qui recrée l’illusion, un court instant, que les institutions des années 1960 ‒ Commissariat général au Plan, direction de la Prévision, et même direction du Budget ‒ collaborent à nouveau. Début 1983, Michel Deleau, nouveau sous-directeur de la sous-direction C sur les études sectorielles, obtient l’aval de Jean-Claude Milleron pour proposer à Robert Poinsard, associé à Jean-Pierre Nioche36, de développer les travaux sur l’évaluation des politiques publiques. Cette demande se cristallise, comme premier coup de sonde, par l’organisation d’un grand colloque, les 15 et 16 décembre 198337, visant les membres de la haute fonction publique. Le succès est considérable : 700 réponses, 440 participants, comprenant un très grand nombre de hauts fonctionnaires des ministères, des cabinets ministériels, des grands corps, des experts, universitaires et chercheurs, des élèves de l’ENA ou d’HEC38. Pour autant, le colloque ne marque pas le succès « inconditionné » de l’évaluation. Celle-ci fait l’objet de controverses, notamment de la part de hauts fonctionnaires qui la jugent incompatibles avec le contrôle administratif. Au titre de l’inventaire traditionnel réalisé lors des héritages, il est intéressant de noter la manière avec laquelle les promoteurs de l’évaluation se démarquent et de la RCB et de la gestion publique. Influencés par leur passage aux États-Unis et leur découverte de la Policy analysis, ils reprennent à leur compte les critiques d’une RCB autoritaire et normative. Ce faisant, ils opposent nettement l’évaluation et les savoirs de gestion publique et défendent une orientation plus « intellectuelle » que gestionnaire. Cette position est particulièrement bien incarnée dans les textes contemporains au colloque de Jean-Pierre Nioche, d’ailleurs formé au CESMAP mais qui le quitte prématurément39. Il y défend l’idée d’une évaluation des politiques publiques articulée aux approches dites de « politiques publiques » parce qu’elles sont « explicatives », et non aux approches de gestion publique qu’ils jugent « normatives »40. Pour lui, le management public centré sur les outils de gestion (contrôle de gestion, direction par objectif, gestion de personnel) reflète un « principe de transposition des méthodes des entreprises aux administrations »41 qui méconnaît les « processus réels de décision et d’action des pouvoirs publics »42. Au contraire, l’évaluation est vantée comme l’instrument de connaissance idéal, adaptée à un contexte marqué par la croissance des enjeux interministériels et par la décentralisation mais dans lequel « les réformes préalables telles que la modification de la procédure budgétaire ou celle de la comptabilité publique [sont] quasi-insurmontables43 ». En réintroduisant « par le bas » et par le biais de l’analyse des politiques publiques, la réflexion sur les finalités de l’action publique, l’évaluation pourrait contribuer à développer, selon Nioche, « le renforcement des régulations externes, l’obligation de rendre des comptes et la visibilité des résultats44 ». Cette distinction « intellectuelle » entre évaluation et gestion publique ne résiste cependant pas toujours aux pratiques des organismes de formation. À partir de 1983-1984, le CESMAP, devenu en 1982 Institut du management public (IDMP), accordera, par exemple, une place croissante aux politiques publiques dans ses formations, notamment à travers le séminaire de formation sur l’évaluation des politiques destiné à des hauts fonctionnaires et organisé par Patrick Gibert et Jean‑Claude Thœnig45.

29Les retombées du colloque de 1983 seront modestes mais la direction de la Prévision restera au moins un temps, comme elle l’avait été pour la RCB, le soutien de l’entreprise, avec l’aide, cette fois, du Commissariat général au Plan. En septembre 1984, l’arrivée d’Henri Guillaume à la tête du Commissariat général au Plan, ancien de la RCB46 et de la direction de la Prévision, favorisera la mise en place d’une collaboration entre le Plan et la sous-direction C « Études sectorielles » de la DP afin de poursuivre le développement des recherches sur l’évaluation de politiques. Un groupe de travail restreint se constituera au sein du Commissariat dont l’objectif est de prescrire des « normes méthodologiques et institutionnelles pour le développement de l’évaluation47 ». Les déboires conjoncturels du VIIIe Plan (1981-1985), avec un plan intérimaire (1982-1984), donneront du crédit aux démarches d’évaluation des politiques pour le suivi de l’exécution du IXe Plan (1984-1988). Toutefois, les prises de position des institutions de soutien confirmeront l’absence d’engagement. L’arrivée de Patrice Vial48 à la tête de la troisième sous-direction (1986) puis de la direction de la Prévision (1987) marquera un nouveau retrait de la direction. Vial perçoit l’évaluation comme un alibi des décideurs politiques « qui ne veulent pas s’inspirer des modes d’organisation des grandes entreprises privées49 » c’est-à-dire mettre en place des systèmes gestionnaires de responsabilité. La gestion stratégique des études sectorielles (sous-direction RCB) sera alors confiée à Paul Champsaur (X-ENSAE) qui souhaite que la direction de la Prévision se tourne plus radicalement vers les approches économiques. À la même époque, la direction du Budget privilégie, elle, les approches discrètes sur les salaires et les effectifs et n’est plus engagée sur les savoirs managériaux. L’évaluation ne constitue pas une « solution institutionnelle » utile à son action de réduction des crédits budgétaires. Seul le Commissariat général au Plan assurera donc « l’accueil » de quelques réflexions évaluatives, ce dont témoigne la publication finale, sous son nom, du rapport du groupe de travail auquel participent Michel Deleau et Robert Poinsard50. Il faudra attendre la mandature de Michel Rocard, Premier ministre de 1988 à 1991, autre membre du service des Études économiques et financières, future direction de la Prévision, pour voir institutionnalisée l’évaluation des politiques publiques dans le cadre d’une évaluation du revenu minimum d’insertion (RMI) confiée à Patrick Viveret, puis de la création d’un dispositif d’ensemble par décret du 22 janvier 1990 comprenant un comité interministériel, un fonds de développement de l’évaluation et un conseil scientifique.

30L’exemple de ces deux communautés, héritières de la RCB, nous conduit, pour conclure, à évoquer le New Public Management, doctrine anglo-saxonne de réforme des administrations publiques, particulièrement influente dans les réformes des administrations publiques à partir des années 1980-1990. Peut-on considérer que la RCB ait constitué une réforme ayant favorisé l’essor du NPM dans le contexte français ? À titre d’avertissement, il faut d’emblée insister sur le fait que l’assignation d’un label « NPM » ou « pas NPM » à des réformes ou des instruments constitue un intérêt très relatif. Les instruments et les idées se comprennent avant tout à travers leurs usages, ce que cet ouvrage a bien montré avec la RCB. L’interprétation du NPM est aussi l’objet d’intenses débats selon qu’on l’assimile à la domination de logiques de marché, à l’emprise de mesures d’austérité ou au souci de renforcer le contrôle politique sur les bureaucraties. Ceci posé, est-il possible de dire que la RCB constitue un espace gestationnel du NPM ? Si l’on se fie aux contenus, certains instruments de la RCB correspondent, au moins une voire deux décennies auparavant, à des techniques qui restent présentes dans le New Public Management : mise en place d’un modèle de contrôle par la production et le traitement d’informations, matérialisé dans des instruments de gestion qualitatifs et quantitatifs (objectifs, indicateurs, cibles) ; exigence de mesure des « résultats » de l’action publique, c’est-à-dire de son effectivité, de son efficacité et de son efficience, ce que les réformateurs appellent désormais une « logique de la performance » ; délégation des choix budgétaires et renforcement (supposé) de l’autonomie pour les gestionnaires ; valorisation de l’autonomie des unités de gestion, assimilable aux prémices de l’agence comme forme organisationnelle. Les instruments de la RCB constituent-ils une archéologie néo-managériale ? Oui si l’on les considère « techniquement » en dehors de leur contexte d’usage et du sens que revêt leur utilisation dans le cadre de la RCB. Budgets de programme, indicateurs, comptabilité analytique sont des instruments de nouvelle gestion publique en gestation. En revanche, interprétés dans le cadre de la RCB et de sa philosophie, il est difficile de les assimiler au NPM. La logique du gouvernement rationnel appartient toujours au monde de la planification même si elle s’en fait la critique. De plus, la RCB intervient dans un contexte de croissance économique qui laisse des perspectives ouvertes au pouvoir. On cherche à optimiser la rationalité, le coût et l’efficacité de l’action publique dans une période historique qui ne fait pas encore de la réduction des dépenses publiques un mantra politique mais un enjeu de régulation et de maîtrise par certains acteurs (la direction du Budget notamment).

De la RCB à la LOLF : filiation ou déni de filiation ?

31Les héritages et descendances dont nous venons d’exposer la trame sont précis et bien documentés. Il existe encore une filiation supposée et discutée de la RCB, un héritage que des acteurs ou des chercheurs51 peuvent lui prêter « spontanément ». En l’occurrence, la loi organique n° 692-2001 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (la LOLF) qui réforme la procédure budgétaire52. Elle mobilise une large palette d’instruments et de principes dont quelques-uns (les programmes, les indicateurs, la responsabilisation des gestionnaires) ressemblent étrangement à ceux de la RCB. Par ailleurs, elle transforme effectivement la procédure budgétaire et réforme les règles d’allocation, de gestion et de contrôle des dépenses publiques des ministères. Cette forte efficacité réformatrice ‒ une réforme « qui réussit » et remet en cause l’ordonnance du 2 janvier 1959 ‒ conduit forcément à faire retour sur la RCB. Cette dernière « aurait échoué » et reposait sur un paradoxe : elle ambitionnait d’installer une nouvelle manière, plus moderne et efficace, de programmer et d’évaluer les dépenses publiques à un moment où, pourtant, la procédure existante bénéficiait d’une légitimité politique et d’une crédibilité très forte, dix ans après la chute de la IVe République. À trente ans d’écart, on peut pourtant douter qu’une généalogie directe puisse être tracée entre deux réformes tant les acteurs, les idées, les institutions et les contextes diffèrent. On ne doit pas non plus exagérer cette perception. Au moment de l’adoption, les promoteurs de la LOLF semblent a minima ignorer l’expérience RCB et au pire la rejeter. Marquée du sceau de l’échec, la RCB n’aurait donc rien à voir avec la LOLF. Pour autant, ce questionnement est légitime à au moins trois titres : au titre d’une démarche archéologique et généalogique qui se demanderait si la RCB appartient au même mouvement historique de longue durée que la LOLF et si les deux séquences reflètent l’influence d’une nouvelle gestion publique, en gestation (en 1968) ou triomphante (en 2001) ; au titre de la comparaison en raisonnant sur les différences entre deux réformes fortement articulées à une institution robuste, la constitution financière de l’État, et qui ont vu l’engagement d’acteurs collectifs identiques (la direction du Budget, le Premier ministre, la Cour des comptes, le Parlement, etc.) ; au titre, enfin, d’une réflexion sur la manière dont des acteurs individuels peuvent considérer des réformes homologues à trente ans d’intervalle.

Une chronologie troublante

32D’abord, la chronologie de la réforme du cadre budgétaire en 2001 est troublante. Les derniers effets palpables de la RCB au niveau budgétaire disparaissent juste avant le début de l’épisode LOLF. Les derniers budgets de programmes, en phase d’essoufflement depuis presque 10 ans, sont remis à la représentation nationale en 1996. La dissolution de 1997 et la nouvelle législature coïncident avec la complète disparition d’une information de type managériale sur les dépenses de l’État, héritée de la RCB. C’est précisément cette nouvelle législature qui réalisera l’impensable : la réforme de l’ordonnance organique de 1959 après 34 tentatives infructueuses53. Les travaux du groupe de travail parlementaire débutent à l’automne 1998, ils se formaliseront au sein d’un rapport, dit Fabius-Migaud, remis en janvier 1999, qui peut être considéré comme la première étape vers la loi organique de 200154. On doit donc accepter un séquençage presque parfait, du point de vue chronologique, entre les dernières traces de la RCB et les prémices de la LOLF, comme si le vide laissé par la première permettait ou incitait au déclenchement de la seconde.

Des points communs indiscutables, des philosophies différentes

33Le deuxième point de comparaison porte sur les instruments et contenus des deux réformes. La RCB constitue la première cristallisation d’une réforme de l’ordre budgétaire et des éléments de sa grammaire réapparaissent au début des années 2000. Qu’il s’agisse de la structuration budgétaire de l’action administrative en programmes55, de la détermination d’objectifs véhiculant une culture de mesure des résultats inscrite dans le texte de la loi organique ou de la promotion d’une comptabilité analytique susceptible de permettre de déterminer le coût des politiques, la LOLF et la RCB présentent de nombreuses similitudes. Dans la même perspective, les deux démarches reposent sur l’idée d’une possible quantification du suivi de l’action publique, voie aujourd’hui critiquée comme une forme de gouvernance par les nombres56. De fait, les trois types d’indicateurs présents dans la LOLF existaient dans la RCB. Les indicateurs d’efficacité socio-économique (ou d’intérêt général, du point de vue du citoyens), les indicateurs d’efficience (du point de vue du contribuable), les indicateurs de qualité de service (du point de vue de l’usager) tels que décrits en 2001 répondent aux indicateurs de résultats (sous divisés en indicateurs de réalisation et indicateurs d’impact), aux indicateurs de moyens et aux indicateurs de gestion de la RCB. Enfin, la LOLF décline aussi, mais de manière beaucoup plus effective avec les budgets opérationnels de programme (BOP), l’idée présente dans la RCB d’une responsabilisation des gestionnaires de ministères. Pour ces motifs, il semble possible d’évoquer une filiation entre la LOLF et la RCB sans pour autant affirmer que la première reprenne toutes les caractéristiques de la seconde. De fait, si certains instruments sont identiques, la LOLF est évidemment une réforme plus complète dans ses contenus puisqu’elle contient aussi un important volet de réforme de la comptabilité de l’État57 et des instruments discrets limitant les possibilités d’expansion des dépenses de personnel. Au-delà, la proximité des instruments ne doit pas tromper. La philosophie de la LOLF est l’inverse de celle de la RCB. D’un côté, le cycle vertueux de la RCB est construit à partir de la rationalisation ex ante des décisions publiques, grâce au calcul économique, et organise ensuite les instruments de réforme (les budgets de programme puis le contrôle de gestion) comme la déclinaison d’un choix rationalisé dont le suivi est encadré par un format budgétaire et des contrôles de gestion. La RCB est bien le rêve d’un gouvernement rationnel parce qu’elle met l’accent sur l’amélioration de la décision. De l’autre, le cycle de la LOLF met l’accent sur la mesure des résultats (des performances) pour les comparer aux objectifs grâce aux indicateurs et contrôler l’action des administrations. Les objectifs sont ce qu’ils sont (des choix politiques, mais pas des choix idéalement rationnels) et l’enjeu est de vérifier qu’ils ont été atteints en mesurant les résultats et les performances à leur aune. L’enjeu est de renforcer ex post le contrôle politique sur les administrations et leurs réalisations.

34Un autre angle de comparaison porte sur la temporalité budgétaire dans les deux réformes. La RCB comme la LOLF butent sur un principe fort du droit public financier : l’annualité budgétaire. Dans les deux cas, les velléités de rénovation de la conduite de l’action publique se heurtent au caractère annuel de l’impôt. Obtenu en 1789 par la représentation nationale, ce droit d’autoriser la levée de l’impôt pour un an en vue de la couverture des charges publiques, interdit les autorisations de dépenses à effet pluriannuel. Or, l’action administrative est continue et ne saurait être remise en cause toutes les quatre saisons. La gestion publique s’opère de manière pluriannuelle (personnel, contrats, équipements) et repose sur des projections et prévisions elles aussi pluriannuelles. La RCB a pu laisser entendre que les plans devenaient glissants58. Perspective insupportable du point de vue de l’orthodoxie juridique : pire que des services votés, des services votés pluriannuels ! Les crédits d’engagement de la LOLF tentent de résorber cette contradiction.

Des différences nombreuses

35Les deux réformes peuvent enfin être comparées à l’aune des enjeux d’action collective qu’elles soulèvent et de leur portage, politique, parlementaire et administratif. La RCB n’était pas coercitive et recherchait la coopération des administrations, sur la base du volontariat, de l’incitation et de l’accompagnement. On l’a vu, elle n’avait pas force de loi, encore moins de loi organique, et n’était donc pas obligatoire. Les décrets qui la portaient ne réformaient pas l’ordonnance du 2 janvier 1959 (relative aux lois de finances) ou le décret du 29 décembre 1962 (relatif à la comptabilité publique). Les deux textes étaient trop récents pour qu’il soit envisagé de les modifier. Par contraste, la LOLF est une loi organique, rendue nécessaire par la Constitution de 1958, puisque son article 34 dispose : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Assez curieusement, elle est plus légitime juridiquement que l’ordonnance de 1959 adoptée durant la période constitutionnelle transitoire. Mais surtout, en raison de son très fort ancrage juridique, la LOLF ne laisse pas place à l’exception : elle est votée en 2001 et entre en application complète en 2006, emportant tout sur son passage. Elle dispose de cette très forte force contraignante qui, finalement, a fait défaut à la RCB. La RCB est mise en œuvre par décret là où la LOLF est une loi organique, c’est une différence majeure entre les deux.

36Au-delà de la valeur juridique des textes, le portage politique nécessaire à leur adoption n’est pas du tout le même. Pour la première, il s’agit d’un portage par le seul pouvoir exécutif, relativement instable et dans une période mouvementée. Dans un premier temps, l’intérêt du Parlement fut réel. Mais dans un second temps, c’est plutôt du désintérêt voire de la méfiance qui transparaît des deux chambres59. Perçue comme une démarche technocratique, la RCB nierait le débat politique60. La LOLF pour sa part a bénéficié d’un portage politique très fort et initial par le Parlement. L’exécutif s’y est associé sans tenter de la récupérer. La démarche a été soutenue par deux figures parlementaires tutélaires (Didier Migaud et Alain Lambert, respectivement rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et président de la Commission des finances du Sénat). La LOLF est ainsi politiquement défendue tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale et surtout, en cette période de cohabitation, tant au Parti socialiste (et sa gauche plurielle) qu’au Rassemblement pour la République (et sa majorité présidentielle). Cette « conjonction astrale »61 favorable, selon les termes des acteurs, a permis son adoption à l’unanimité et son déploiement sans encombre dans les années qui ont suivies. Du point de vue parlementaire, les contextes de la fin des années 1960 et des années 1990 offrent également très peu de points de comparaison. Sous l’angle institutionnel, les années 1960 représentent les années de la rationalisation assumée des pouvoirs du Parlement. L’usage du terme rationalisation est ici assez cocasse puisqu’il s’agit d’un euphémisme pour désigner la fin de sa puissance politique. La fin des années 1990 vient clore une bonne vingtaine d’années de revendications de regain de pouvoir des assemblées et marque un souci de rééquilibrage. Dès lors il n’est pas surprenant que la RCB relève plus d’une logique économico-gestionnaire alors que la LOLF traduit plutôt des préoccupations institutionalo-gestionnaire. Dit autrement, la place du Parlement dans le nouvel équilibre issu de la réforme est une différence fondamentale entre les deux processus : en marge de la RCB, le Parlement se veut au cœur de la LOLF et le bénéficiaire de la réforme, même si la réalité des usages de la LOLF peut conduire à des effets moins évidents.

37Au-delà du gouvernement moteur dans l’initiative de la RCB, deux administrations se sont particulièrement impliquées dans son lancement : la direction du Budget et la direction de la Prévision du ministère des Finances. Ce soutien administratif a évolué dans le temps et explique un « déploiement en zigzag »62. Il reste néanmoins fort sur toute la période, ce qui permet l’envol de la RCB. La LOLF de 2001 est, pour sa part, moins portée qu’accompagnée par l’administration des Finances. Le choix politique initial était de laisser la plume au Parlement et ce sont donc plutôt les fonctionnaires parlementaires qui sont à l’origine de la rédaction du texte. Évidemment, Bercy n’est pas loin et sans le soutien de quelques réformateurs de l’administration relayés aux plus hauts niveaux de l’exécutif, la LOLF n’eut pas abouti. Leur influence a été prépondérante dans la réorientation du texte dans le sens du renforcement des contrôles pesant sur les gestionnaires et de multiples mécanismes destinés à imposer la contrainte budgétaire. Mais la LOLF reste une proposition (et pas un projet) de loi organique adoptée sans amendement du gouvernement. Cela ne signifie pas que le Parlement est resté sourd à certaines revendications de l’administration, mais la LOLF est une réforme de la gestion des finances publiques, initiée, délibérée et votée au Parlement.

Alors, la RCB, échec ou diffusion ?

38On l’aura compris, les données et analyses accumulées dans cet ouvrage incitent à penser la spécificité de la RCB dans son moment, dans sa configuration originale et dans ses appropriations ministérielles. Penser la RCB comme un échec n’est pas heuristique et n’aide pas à en identifier les ressorts, les relations de pouvoir, la philosophie singulière de gouvernement rationnel, le rôle, aussi, dans l’histoire du développement de la gestion des finances publiques. À l’évidence, « l’esprit » de la RCB et ses instruments se sont dilués et diffusés dans l’administration et ont contribué à forger le terrain sur lequel ont pu prospérer les séquences suivantes. La RCB a disséminé sa culture de la rationalité toujours espérée des processus de gouvernement, de la mesure et de la quantification des fonctionnements publics, incitant à distinguer l’héritage visible et l’héritage réel. C’est bien au regard de cette distinction qu’il paraît indispensable d’explorer ses contributions originales.

Notes de bas de page

1  Philippe Bezes, Florence Descamps, Sébastien Kott, Lucile Tallineau (dir.), L’invention de la gestion des finances publiques. Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au xixe siècle (1815-1914), Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2010, 579 p.

2  P. Bezes, F. Descamps, S. Kott, L. Tallineau (dir.) L’invention de la gestion des finances publiques. Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2013, 675 p.

3  F. Descamps, « Introduction », dans P. Bezes, F. Descamps, S. Kott, L. Tallineau (dir.) L’invention de la gestion des finances publiques. Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), op. cit., p. 7.

4  Bernard Perret, « De l’échec de la rationalisation des choix budgétaires à la loi organique relative aux lois de finances », Revue française d’administration publique, 2006-1, p. 31‑42.

5  François Etner, Histoire du calcul économique en France, Paris, Economica, 1987 ; Bernard Grall, Économie de forces et production d’utilité. La pensée gestionnaire des ingénieurs des Ponts et Chaussées (1831-1891), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.

6  Pour une mise en perspective historique de l’histoire du calcul économique des années 1930 jusqu’à son intégration dans la RCB, voir Daniel Benamouzig, La santé au miroir de l’économie, Paris, Presses universitaires de France, 2005, p. 67‑90.

7  Octave Gélinier, Morale de l’entreprise et destin de la nation, Paris, Plon, 1965, p. 254‑259 puis O. Gélinier, « Direction participative par objectifs. Un style de direction ambitieux qui motive et perfectionne les hommes pour accomplir la réussite commune », Revue Hommes et Techniques, n° spécial 281, 1968.

8  Sur cette question, F. Descamps « Le ministère des Finances dans la Grande Guerre, une administration sens dessus dessous. Désordres, inadaptation ou crise de mutation ? », in F. Descamps et Laure Quennouëlle (dir.), Finances publiques en temps de guerre. Déstabilisation et recomposition des pouvoirs, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2016, p. 73‑100 et « L’entreprise a-t-elle été un modèle d’inspiration au ministère des Finances pour la modernisation de l’État dans la France des Trente Glorieuses ? », Entreprises et Histoire, n° 84, 2016, p. 103‑122.

9  F. Descamps, « Une tentative de politique de productivité dans les services publics : Gabriel Ardant et le Commissariat général à la Productivité 1954-1959 » in P. Bezes, F. Descamps, S. Kott, L. Tallineau (dir.) L’invention de la gestion des finances publiques. Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), op. cit., p. 401‑442.

10  S. Kott, « L’évaluation du prix de revient dans les années 1950 : le contrôle financier des administrations centrales » in P. Bezes, F. Descamps, S. Kott, L. Tallineau (dir.) L’invention de la gestion des finances publiques. Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), op. cit., p. 381‑400.

11  P. Bezes, « Le souci de soi de l’État : l’idéal d’un gouvernement rationnel de l’administration (1962-1972) », Réinventer l’État, Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 61‑126.

12  Sur les liens entre réforme administrative et sciences sociales dans les années 1960, F. Descamps, « Réformer l’administration par les sciences sociales. Les tentatives pionnières du ministère des Finances 1965-1972 », Le Mouvement social, n° 273, octobre-décembre 2020, p. 35‑56.

13  Voir les contributions de Vincent Spenlehauer, « La mécanique du PPBS. Du rêve administratif au cauchemar politique » et de Fabien Cardoni, « À l’ouest du nouveau, le PPBS. La traduction du Planning-Programming-Budgeting System américain par les militaires français 1963-1969 » dans la première partie du présent ouvrage.

14  Présentation de la RCB, 12 novembre 1969 pour le stage RCB de l’Abbaye de Royaumont, 20‑22 novembre 1969, CAEF, Mission RCB, 3D 81.

15  Philippe Huet, « Présentation générale de la RCB » in Direction du personnel et des services généraux, centre de formation professionnelle et de perfectionnement, Ministère de l’Économie et des Finances, Conférences sur la rationalisation des choix budgétaires, avril-juin 1969, p. 2.

16  Dans un texte de juillet 1969, Bernard Cazes, énarque (1955), membre du Commissariat général au Plan, fin connaisseur de la Rand Corporation et spécialiste de prospective, décrit les contradictions entre planification et RCB. B. Cazes, « Les rapports entre rationalisation des choix budgétaires et planification nationale », CAEF, Mission RCB, 3D 81.

17  P. Bezes, Réinventer l’État, op. cit. ; Bernard Abate, La nouvelle gestion publique, LGDJ, Systèmes, 2000, 152 p.

18  Commission de rationalisation des choix budgétaires, Note sur l’élaboration des budgets de programme, mai 1971, p. 42, CAEF, direction de la Prévision, B52 335.

19  Voir la contribution de Marie Carpenter, « La RCB et la transformation de la direction générale des Télécommunications », dans la troisième partie du présent volume.

20  Voir les contributions de Xavier Laurent, « La RCB au ministère de la Culture : l’étude RCB sur les monuments historiques » et de Sylvain Brunier, « Une centralisation paradoxale : les usages de la RCB dans l’administration de l’Agriculture », dans la troisième partie du présent volume.

21  P. Bezes, Réinventer l’État, op. cit., p. 25‑30.

22  P. Bezes, Réinventer l’État, op. cit., p. 14‑16.

23  Voir la contribution de P. Bezes, « Former pour réformer. La formation à la RCB au cœur de sa mise en œuvre » dans la deuxième partie du présent volume.

24  Voir la contribution de F. Descamps, « La Mission RCB aux Finances 1968-1971 : un cas hors normes ? » dans la troisième partie du présent volume.

25  Nous reprenons dans les lignes suivantes les arguments développés dans P. Bezes, Réinventer l’État, op. cit., p. 187‑195 ainsi que dans P. Bezes, « État, experts et savoirs néo-managériaux. Les producteurs et diffuseurs du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en sciences sociales, 193, 3, 2012, p. 16‑37.

26  Patrick Gibert, Le contrôle de gestion dans les organisations publiques, Paris, Éditions d’Organisation, 1980 ; Romain Laufer, Alain Burlaud, Management Public. Gestion et légitimité, Paris, Dalloz, 1980.

27  Les écoles de « Public Management » ou de « Public Policy » se développent aux États-Unis à partir du début des années 1970. Pour une description des programmes américains, cf. P. Gibert, Rapport du groupe de travail sur le thème « Formation au Management Public », « Réflexions sur la pratique américaine », Colloque CESMAP, Management des Politiques Publiques, 27‑28 octobre 1980 (non publié) ; Jean-Claude Thoenig, Enseigner le management public. Le courant actuel aux États-Unis, Enseignement et Gestion, n° 15, Paris, FNEGE, 1976.

28  C’est d’ailleurs ce que lui reprochent certains hauts fonctionnaires qui cherchent pourtant à l’endosser comme signe de leur modernité et de leur réformisme. Cf. par exemple Michel Massenet, « chapitre 3. La transposition dans l’administration des modèles privés de gestion », La nouvelle gestion publique. Pour un État sans bureaucratie, Paris, Éditions Hommes et Techniques, 1975, p. 39‑48.

29  P. Gibert, « Esquisse du bilan de la pratique française », communication au colloque sur le management des politiques publiques, 27‑28 octobre, ENA, 1980 (non publié).

30  Peter Self, Government by the Market? The Politics of Public Choice, Basingstoke, Macmillan, 1993 ; Kenneth Dixon, Les évangélistes du marché. Les intellectuels britanniques et le néo-libéralisme, Paris, Raisons d’agir, 1998.

31  V. Spenlehauer, L’évaluation des politiques publiques, avatar de la planification, « Mort de la RCB et naissance de l’évaluation des politiques publiques », op. cit., p. 434‑482.

32  Jean de Kervasdoué, « Pour une évaluation des politiques publiques. Réflexion à partir de la sociologie des organisations », Annales des Mines, juillet-août 1981, p. 133‑144 ; Bernard Yon, « L’évaluation des politiques publiques est-elle possible ? », Analyses de la SEDEIS, 1, novembre 1977 ; Jean-Gustave Padioleau, « La mise en œuvre des politiques publiques », Analyses de la SEDEIS, 3, mars 1978.

33  Le colloque est organisé en collaboration par le Centre d’enseignement supérieur des affaires du groupe HEC (CESA) et par l’UER Sciences des organisations de l’université Paris-Dauphine, avec le soutien financier de la direction de la Prévision et de son directeur, Pierre Cortesse. Le colloque est piloté par Georges Dupuis, vice-président de l’université Paris-I et ancien directeur des études de l’ENA, Guy Terny, professeur d’économie, enseignant au CESMAP, également ancien directeur des études de l’ENA et Jean-Pierre Nioche professeur de gestion à HEC. V. Spenlehauer, L’évaluation des politiques publiques, avatar de la planification, op. cit., p. 439‑445.

34  V. Spenlehauer, L’évaluation des politiques publiques, op. cit., p. 445.

35Ibid., p. 461‑473.

36  Jean-Pierre Nioche, « De l’évaluation à l’analyse des politiques publiques », Revue française de science politique, vol. 32, février 1983, p. 32‑61.

37  Les Actes du colloque sont publiés chez Economica : J.-P. Nioche, Robert Poinsard, L’évaluation des politiques publiques, Paris, Economica, 1984 (préface : Jacques Delors ; propos d’ouverture : Anicet Le Pors).

38  Pour une analyse précise de la population du colloque, voir V. Spenlehauer, L’évaluation des politiques publiques, op. cit., p. 466‑467.

39  Formé au CESMAP au début des années 1970, il le quitte en 1975 lors de la première crise de l’organisme. Initié à l’évaluation des politiques publiques par Reinhard Angelmar, disciple de D.T. Campbell et spécialiste des sciences sociales appliquées, Nioche devient un des promoteurs de l’évaluation des politiques publiques lorsqu’il devient professeur au département Stratégies à HEC en 1978. J.-P. Nioche, « L’évaluation des politiques publiques : Français encore un effort… », CESA-Les cahiers de recherche, n° 200/1982 ; du même auteur, « Les problématiques du phénomène administratif », CESA-Les cahiers de recherche, CR n° 226, 1983.

40  J.-P. Nioche, « L’évaluation des politiques publiques : Français encore un effort… », p. 23.

41  J.-P. Nioche, « Les problématiques du phénomène administratif », op. cit., p. 11‑12.

42Ibid., p. 24.

43Idem.

44Idem.

45  Christian Join-Lambert, membre de la Cour des comptes, et fondateur de l’association Services Publics, y participe et devient un des promoteurs de l’évaluation dans l’administration. C. Join-Lambert, « L’évaluation de l’action, nouveau principe de la gestion publique ? », Revue française de finances publiques, n° 18, 1987, p. 9‑19.

46  Henri Guillaume est diplômé de l’École nationale des Ponts et Chaussées. Il travaille au sein de la troisième sous-direction RCB de la direction de la Prévision. Il est titulaire d’un doctorat d’économie et devient professeur d’économie à l’université de Lille I avant d’entrer dans les cercles de Pierre Mauroy, alors qu’il est devenu expert du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Membre du cabinet du Premier ministre de 1981 à 1984, Pierre Mauroy le nomme commissaire au Plan à son départ en juillet 1984.

47  V. Spenlehauer, L’évaluation des politiques publiques, op. cit., p. 475.

48  Patrice Vial est né en 1948. Ancien élève de l’ENA (1977), inspecteur des Finances, diplômé d’HEC, il est titulaire d’un Master of Business Administration de l’université de Stanford sur le financement de la FNEGE.

49  V. Spenlehauer, L’évaluation des politiques publiques, op. cit., p. 478.

50  Commissariat général du Plan, Évaluer les politiques publiques. Méthodes, déontologie, organisation, Paris, La Documentation française, mai 1986.

51  B. Perret, « De l’échec de la rationalisation des choix budgétaires à la loi organique relative aux lois de finances », op. cit.

52  Damien Catteau, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public financier rénové, Paris, Dalloz, 2007, 556 p.

53  L. Tallineau, « Le cadre juridique de la gestion financière », in P. Bezes, F. Descamps, S. Kott et L. Tallineau, L’invention de la gestion des finances publiques. Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au xixe siècle (1815-1914), IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2010, p. 47‑111.

54  Laurent Fabius et Didier Migaud (groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire), Contrôler réellement, pour dépenser mieux et prélever moins, document d’information A.N. 27 janvier 1999, 2 tomes. Laurent Fabius est alors président de l’Assemblée nationale. Didier Migaud est rapporteur général de la Commission des finances de cette même assemblée.

55  Voir la contribution de Manuel Tirard, « L’expérience française des budgets de programmes et ses enseignements », dans la deuxième partie du présent volume.

56  Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, cours au collège de France (2012-2014), poids et mesures du monde, Paris, Fayard, 2015, 512 p.

57  Corinne Eyraud, Le capitalisme au cœur de l’État : comptabilité privée et action publique, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2013, p. 197‑213 ; S. Kott, Jean-Paul Milot, Les comptes publics : objets et limites, Paris, LGDJ, Systèmes, décembre 2019, 214 p.

58  Voir la contribution de Christian Descheemaeker, « La RCB vue par la Cour des comptes », dans la deuxième partie du présent volume.

59  Voir la contribution de Benjamin Mosny, « Le Parlement et la rationalisation des choix budgétaires », dans la deuxième partie du présent volume.

60  Voir la contribution de S. Kott, « La doctrine juridique et la rationalisation des choix budgétaires », dans la deuxième partie du présent volume.

61  Pierre Joxe, « À propos d’une réforme historique », Revue française de finances publiques, 76, 2001, p. 31.

62  Voir la contribution de F. Descamps, « Aléas et sinuosités d’une réforme de la gestion publique. L’invention de la RCB au ministère des Finances 1962-été 1969 », dans la première partie du présent volume.

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