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Le système de planification-programmation-préparation du budget (3PB) à la Défense : impasse ou étape ?

p. 609-626


Texte intégral

1La Défense se prête probablement mieux que d’autres ministères à une réalisation plus aboutie de la rationalisation des choix budgétaires (RCB) en raison à la fois de la masse (critique) de son budget et de sa singularité dans le budget de l’État, de l’autonomie de ses finalités et de la spécificité de ses missions au sein des politiques publiques, de la structure relativement fonctionnelle et très hiérarchisée de ses services, et enfin des investissements à très long terme qu’elle est amenée à lancer.

2Ce ministère s’intéresse dès le début des années 1960 au Planning-Programming-Budgeting System (PPBS) américain1. Il développe précocement son propre système de rationalisation des choix budgétaires, qui reste indépendant des expériences menées dans les ministères civils2. En outre, les travaux de planification militaire ne s’articulent pas avec ceux de la planification civile, qui demeurent bien distincts3. Le système de planification-programmation-préparation du budget (3PB) est encouragé par les ministres des Armées (puis de la Défense nationale), Pierre Messmer et Michel Debré, et développé par le Centre de prospective et d’évaluations (CPE). Le 3PB doit permettre de choisir, en toute connaissance de coûts, entre différents programmes d’armement. Il implique de fixer des objectifs stratégiques à long terme, de définir des systèmes d’armes pour les réaliser et enfin d’anticiper au plus juste les dépenses nécessaires.

3Le 3PB produit quatre principaux développements : les budgets de programmes, de fonctionnement, de gestion ainsi que le programme militaire à cinq ans (PM5A). En 1969, le CPE établit un premier budget de programmes qui ventile le budget voté pour 1969 entre des éléments de programme4. L’idée est de passer d’un budget de moyens à un budget par objectifs. Après de nombreux ajustements, Debré réussit fin 1971 à présenter au Parlement le budget de la Défense pour 1972 sous la forme d’un budget de programmes, ce dernier document représentant le premier « blanc » de l’histoire budgétaire de la Défense. Ces documents ne servent cependant pas aux discussions budgétaires et constituent des redites des lois de finances initiales5. Le PM5A détaille, lui, sur cinq ans les dépenses à réaliser pour les programmes d’armement. Il « budgétise » en quelque sorte les lois de programme votées. Le PM5A est actualisé tous les ans. Préconisés par le contrôleur général des Armées Pierre Louf6 dès 1967, inspirés par l’exemple suédois, les budgets de fonctionnement consistent en une enveloppe financière attribuée à un responsable d’unité (corps de troupe, base aérienne, bâtiment de la Marine) ou de commandements opérationnels et territoriaux, qui peut la gérer d’une manière autonome pour régler les dépenses quotidiennes. Expérimentés à l’initiative de la direction des Services financiers dès 1970 avec l’accord de la direction du Budget7, ils sont généralisés en 1972. Les budgets de gestion, essayés peu après, représentent les corollaires des budgets de fonctionnement dans les services de soutien et logistiques (Matériels, commissariats notamment et en premier lieu).

4Lancé en 1964, le système 3PB peine à être opérationnel en 19708. Cette année-là, la division Plans-Programmes de l’État-major des armées (Ema) adresse une critique sévère du 3PB dirigé par le CPE :

« L’Ema considère que les évolutions explicitement ou implicitement proposées par le CPE ne permettront pas d’atteindre les objectifs fondamentaux fixés par le ministre en mars 1968. Les trois conditions essentielles de la mise en œuvre du nouveau système ne paraissant pas devoir être réalisées dans des délais raisonnables, à savoir :
 – définition d’une structure de programmes adaptée aux besoins du Comité directeur du plan ;
 – mise à l’étude des moyens de mesure du produit (activité, capacité, efficacité) ;
 – mesure des coûts budgétaires réels d’acquisition ou d’entretien des moyens des forces et des services.

[…] continuer à ventiler les budgets votés ou le plan militaire [la loi de programme sur cinq ans] entre les éléments de programme n’apporterait aucune information nouvelle, dans le domaine des coûts de fonctionnement en particulier, car elles sont déjà contenues dans les documents qui ont permis de les préparer9. »

5Par une décision ministérielle du 13 novembre 1970, Debré rééquilibre les responsabilités du 3PB en faveur de l’Ema. En octobre 1972, le même officialise le changement de direction du 3PB au profit de l’Ema10. Avec le départ en 1973 (démission du 28 mars connue le 3 avril 1973)11 de Michel Debré, fervent promoteur de la RCB puis puissant moteur de l’expérience aux Armées12, la réforme semble condamnée. Comment expliquer cet échec ? Est-il total ? Quelles sont les conséquences sur le long terme de l’expérience 3PB ?

6Afin de répondre à ces questions, cet article étudie la réception du 3PB par les contemporains au début des années 1970. Nous verrons d’abord les réactions des cadres militaires au 3PB qui leur est imposé, puis les études de chercheurs en sciences sociales qui ont analysé le 3PB et la RCB in situ. Il s’agira, dans un troisième temps, de présenter une synthèse des obstacles rencontrés par le 3PB et des raisons de son abandon afin, en conclusion, de s’interroger sur les effets à long terme du moment 3PB. À l’heure du bilan, seront ainsi présentés successivement les points de vue des acteurs, des témoins et de l’historien.

Les réactions des militaires

7Une des principales conditions de la réussite du 3PB est de faire comprendre et accepter aux contemporains la nouvelle méthode et les choix qui en découlent. Nous avons choisi de présenter trois types de document qui permettent d’appréhender les difficultés du 3PB : une fiche de l’Ema, des questions de stagiaires lors d’une formation au 3PB, deux articles du directeur du CPE.

8En février 1972, une fiche de l’Ema dresse un bilan peu favorable de la réforme au regard des objectifs (que nous avons retranscrit en italiques) définis cinq ans plus tôt par le groupe de travail coût-efficacité du général Delachenal13 :

« Formuler une orientation générale permettant de définir les missions et les tâches à accomplir […] Cette recommandation du rapport a donc été jusqu’ici suivie d’une façon partielle, avec retard et beaucoup de difficultés. Utiliser une planification-programmation conduisant à replacer dans un cadre général toutes les décisions à prendre. […] C’est ici, parmi toutes les recommandations du rapport, celle qui a été suivie avec le plus de persévérance si l’on s’en rapporte aux progrès réalisés dans le domaine de la programmation et qui ont abouti à l’établissement du PM5A 1971‑1975 et 1972‑1976. »

9Pourtant, le PM5A n’a pas encore constitué « un cadre général pour toutes les décisions à prendre », ce qui est pourtant sa finalité.

« Pratiquer un contrôle de gestion permettant une constante adaptation de la programmation, la connaissance des faits conduisant à une meilleure prévision ultérieure. C’est seulement le 13 novembre 1970, par sa décision n° 046867 que le ministre prescrivait des expérimentations ponctuelles de budgets de fonctionnement dans les trois armées. […]

Promouvoir un nouvel état d’esprit favorisant l’adoption d’une méthode unique employée systématiquement et d’un vocabulaire commun à l’ensemble du ministère. […] Si le CPE a donné l’exemple dès le début […] rares ont été les études coût-efficacité dignes de ce nom réalisées par les états-majors. Un rappel du ministre (décision n° 5829 du 10 février 1971) a contraint les états-majors à annoncer une liste d’études à faire dans les deux ans : ces études sont d’intérêt inégal mais représentent un important volume de travail.

Rejeter toute proposition non accompagnée d’évaluation coût-efficacité. Il est vraisemblable que cette règle n’a jusqu’à présent jamais été appliquée.

Aménager tous les organismes de recherche opérationnelle pour leur permettre de participer aux études coût-efficacité. Cet aménagement ne semble pas avoir été systématique.

Disposer des informations nécessaires pour réaliser ces études. Aucune véritable “banque de données”, intéressant soit les coûts, soit les efficacités, soit les deux, n’a été créée dans les états-majors. […] Le moins qu’on puisse dire est que les méthodes coût-efficacité sont encore loin de s’être généralisées. […] On doit surtout regretter que les décisions ne soient pas encore systématiquement préparées dans un esprit coût-efficacité, ce qui suppose, non pas une quantification systématique, mais seulement un mode de raisonnement consistant à imaginer toujours plusieurs solutions et à les comparer entre elles suivant le critère coût-efficacité14. »

10Ce sont en effet le centre de la réforme (l’efficacité) et le cœur du problème (la recherche de celle-ci au meilleur coût) qui butent sur des obstacles multiples, à commencer par « un mode de raisonnement » inadapté.

11Afin de prévenir les réactions négatives au projet 3PB, il faut l’expliquer. Ainsi, l’ensemble des structures d’enseignement du ministère de la Défense intègre les nouveaux concepts du 3PB dans leurs cours et des stages de formation sont organisés. Les inquiétudes sur l’efficience du système s’expriment par exemple dans des questions écrites posées le 16 février 1972 par les auditeurs du séminaire 3PB-PM5A organisé par le CPE15. Cette question clairvoyante d’un service de la Marine aurait pu émaner d’une autre armée :

« Le PM5A, malgré ses imperfections, a donné des résultats intéressants, notamment le pourcentage des crédits prévisionnels entre les différents programmes majeurs. Ces résultats ont-ils été utilisés par les autorités de l’échelon central ? Pouvaient-ils les aider à prendre des décisions en vue d’une répartition meilleure des crédits, compte tenu du fait que les travaux sur l’évaluation des capacités sont encore peu avancés et que les décisions sont généralement prises au niveau des opérations ou des programmes d’armement, donc au niveau des moyens ou en fonction de considérations fixées a priori (priorité de la FNS [force nucléaire stratégique], déflation des effectifs pour diminuer les dépenses du titre III, emploi dans les usines d’armement…). Autrement dit, il semble que pendant longtemps encore le PM5A ne sera qu’un tableau de bord enregistrant les décisions déjà prises. De plus, la constitution du PM5A demande un temps important aux états-majors ce qui ne leur permet pas de se consacrer aux études coût-efficacité ou coûts-avantages, donc à des études ponctuelles destinées à améliorer la programmation. »

12La réponse émet le vœu que l’organisation du travail au sein des états-majors puisse permettre de concilier 3PB et études de coût‑efficacité…

13En outre, à l’objection que « le PM5A ne donne rien de plus qu’une information sur les crédits estimés nécessaires [et que] le réexamen du troisième plan a lieu par les méthodes classiques », il est répondu : qu’« on doit reconnaître qu’actuellement il n’est pas procédé à une véritable optimisation et qu’en particulier la révision de la troisième loi de programme [1970-1975] ne se fait pas dans des conditions satisfaisantes. Mais il pourra en être autrement le jour où on sera en mesure de déterminer des capacités. » La direction centrale du Commissariat de l’armée de l’Air s’interroge, quant à elle, si le 3PB n’est pas en train de devenir surtout un instrument de contrôle de gestion et assez peu une méthode d’aide à la décision et, plus grave sans doute, s’il n’est pas tout simplement utopique de vouloir un tel système alors que la comptabilité analytique n’est pas généralisée dans les Armées. Cette réforme, que ses thuriféraires présentent comme des idées de bon sens, a suscité les réflexions pleines de bon sens des praticiens.

14Lors de ce séminaire, il est aussi relevé que l’expérimentation en cours des budgets de fonctionnement ne s’accorde pas avec celle du PM5A, les premiers devant servir avant tout à une déconcentration de la décision à des niveaux inférieurs de responsabilité, le second renforçant la centralisation des choix. Un représentant de la direction de l’Infrastructure de l’armée de l’Air expose également qu’après des années de concertation et de mise au point « l’incohérence des documents comptables et des documents de gestion prévisionnelle existants pose des problèmes pratiquement insolubles aux personnels chargés d’établir les documents 3PB »16. Le CPE reconnaît ce décalage persistant entre le catalogue des programmes et les documents budgétaires. De plus, les questions des cessions, reports et fonds de concours ne sont toujours pas réglées. Le 3PB, au lieu de résoudre des problèmes récurrents, en a engendré de nouveaux.

15La réforme, qui ne présente que des généralités sans réelle plus-value, n’a pas été pleinement acceptée. Les stages de formation au 3PB ne convainquent pas. Les personnels concernés, à tous les niveaux, doutent ou s’opposent à une réforme dont ils ne comprennent pas l’utilité concrète. « Pour remédier à ces différents défauts […] le travail de réflexion méthodologique sur le 3PB a été repris à partir de 1973 »17, explique, dans un article de 1977, le troisième directeur du CPE, Paul-Ivan de Saint-Germain18. Il avoue à l’occasion d’autres défauts graves, ignorés plus tôt par le Centre :

Ainsi, le PM5A « englobait la totalité des besoins ; en revanche il était muet sur les ressources permettant de satisfaire ces besoins, et, parmi d’autres difficultés, cette absence de contrainte financière réaliste le rendait inopérant pour la préparation des budgets, et par là même peu utile. Le PM5A faisait d’autre part partiellement double emploi avec la loi de programme relative aux équipements. Dans le domaine de la planification, les travaux par ailleurs entrepris aboutissaient en 1974 à l’élaboration d’un plan à long terme pour la période 1976-1985. Mais ce document fut lui aussi abandonné pour son manque de réalisme financier, manque de réalisme tenant en particulier à la difficulté qu’il y a à appréhender, pour le long terme, aussi bien les ressources probables que les coûts des équipements et de fonctionnement19. »

16Dans un autre article de 1977, ce directeur du CPE reconnaît que « la structure même des documents était parfois un handicap pour l’aide à la décision ; ils établissaient un système d’informations interarmées différent du système de gestion qui, lui, est par armées, et les gouverneurs de crédits avaient du mal à y “retrouver leurs petits »20.

17Inutiles aux gestionnaires de crédits, comment est appréciée la réforme par les chercheurs contemporains qui étudient le 3PB ?

Les analyses des chercheurs

18Parmi la pléthore d’articles, de livres et de travaux universitaires que le PPBS et le 3PB suscitent durant les années 1960-197021, nous retiendrons les mieux informés : ceux des juristes Lucien Sfez et Régis Forissier, du sociologue Jean-Claude Thoenig et des politistes Laurent Dobuzinskis et Michel Fleurence22.

19Lucien Sfez, professeur de science politique à l’université de Paris-Dauphine, défend, dans L’administration prospective, l’idée que le 3PB sert à la planification (en articulant le plan en programmes et les programmes en budget), au contraire de ceux qui pensent qu’il vise, secrètement, à déplanifier. En 1970, il constate en effet que « tout se passe actuellement comme s’il existait des équipes d’administration absolument parallèles et ne se rejoignant jamais (ou rarement). Les uns préoccupés de bâtir des modèles satisfaisants pour l’esprit ; les autres chargés de la gestion quotidienne et vidant progressivement de leur substance les modèles proposés23. » Le 3PB (et la RCB) présente un autre risque majeur, clairement identifié par Sfez : « la RCB tue les vieux rapports hiérarchiques, favorise la conscience des responsabilités à tous les niveaux, en particulier au niveau politique. […] On voit bien ici l’obstacle : des siècles de pouvoir hiérarchique et centralisé cèderont-ils le pas devant les implications de la RCB ? L’administrateur de niveau moyen osera-t-il remettre en cause dans son analyse les objectifs du décideur, son “patron” qui peut décider de toute sa carrière24 ? » Enfin, selon Sfez, l’introduction de la RCB devrait inclure « la modification du système des castes administratives »25.

20En 1971, l’analyse du sociologue Jean-Claude Thoenig, chercheur au Centre de sociologie des organisations (CSO), à partir de données recueillies lors d’une enquête sociologique dans un ministère technique civil (mais dont les résultats sont en grande partie valables pour la Défense), fait apparaître « l’existence de facteurs qui peuvent réduire considérablement la capacité d’innovation charriée par le PPBS. Celle-ci est fonction davantage des comportements des experts et des utilisateurs de ces méthodes que de leur maîtrise intellectuelle et du raffinement technique des procédures budgétaires élaborées26. » Dans cet article sans concession et argumenté, l’auteur explique notamment que « les stagiaires et les auditeurs sont traités comme de futurs experts et non de futurs utilisateurs » et que « le PPBS est ressenti par ces futurs utilisateurs comme quelque chose à la fois d’arbitraire, de rigide et d’oppressant ». Il y décrit les relations tendues entre les experts et les gestionnaires, les grands corps et les administrateurs civils, Paris et les antennes locales. Thoenig recense les multiples causes de résistance au changement pour les utilisateurs du système parmi lesquelles figurent surtout les craintes d’une perte d’autonomie et de pouvoir. Il dépeint le PPBS comme une utopie rationaliste totalisante sous-estimant les données psychosociologiques des fonctionnaires, négligeant une certaine incohérence humaine entre finalités et comportements et supposant une pérennité des objectifs. L’auteur préconise alors un changement radical de stratégie qui permette de dépasser l’innovation technique pour favoriser à tous les niveaux de la hiérarchie des comportements de coopération et d’innovation. L’auteur regrette que « le PPBS aurait pu fournir l’occasion pour des modes de raisonnement inspirés des sciences sociales d’opérer leur percée au sein de l’administration, il prolonge la prédominance d’un mode de raisonnement techniciste sur la réalité administrative »27. En somme, la sociologie des organisations, naissante, n’est pas suffisamment écoutée.

21Dans le même esprit, Laurent Dobuzinskis, étudiant en science politique en 1971, souligne une ambiguïté de taille dans la définition du PPBS et du 3PB : « réforme “technique”, qui vise, indirectement, à modifier les processus décisionnels, son succès dépend en fait de la malléabilité de ces derniers »28, de la vitesse de la conversion au changement. Or les scansions rapides de ces réformes simultanées se heurtent au rythme plus lent de l’Administration.

22Chronologiquement, vient ensuite l’étude juridique de Régis Forissier qui porte sur « L’introduction des techniques et méthodes de management dans l’administration des armées ». Ce médecin militaire est en relation avec le contrôleur général des Armées Pierre Louf, apôtre dans les années 1960 du développement du contrôle de gestion et de la déconcentration de la gestion financière, dont il reprend les idées dans sa thèse de droit soutenue en 197329. Forissier reconnaît les risques d’échec du 3PB tel qu’il est développé. Il étudie le 3PB et les budgets de fonctionnement, « systèmes de décision et de gestion basés sur les principes de la direction participative par objectifs »30. Pour lui, la mise en œuvre du 3PB « ne peut se concevoir sans une amélioration concomitante de la gestion des armées impliquant une clarification des structures administratives en vue de permettre l’analyse et la collecte des coûts dont la connaissance est nécessaire aux niveaux de la prise de décision31. » Forissier pointe là la faille principale dans le système 3PB qui devrait être comblée par la mise en œuvre des budgets de fonctionnement mais surtout des budgets de gestion en cours d’expérimentation, de la comptabilité analytique et in fine du contrôle de gestion. Les budgets de gestion nécessitent une réforme structurelle des services logistiques qui ne dépendraient plus des directions centrales mais des divers ensembles de forces. En somme, une révolution dans l’histoire administrative des Armées. Pour Forissier qui connaît bien la culture militaire, le 3PB révèle d’anciennes résistances administratives, qui ne sont du reste pas propres à la Défense.

Il existe ainsi, dit-il, une certaine « méfiance de l’Administration à l’égard de ses propres membres, par une présomption d’incompétence à l’égard de tout ce qui n’est pas décidé d’en haut et par la conviction que les échelons extérieurs à l’administration centrale ne sauraient prendre l’initiative de propositions de modifications valables en matière d’amélioration des structures ou des techniques et méthodes de travail. […] or il est bien connu que si le service d’état-major favorise l’exercice de la réflexion et de l’esprit de synthèse, il n’est pas toujours particulièrement propice à l’affirmation du caractère et favorise souvent un conformisme contraire au développement des personnalités et à la remise en cause des idées reçues, des méthodes et des structures, que postule l’état d’esprit du management. Mais surtout la séparation plus marquée dans les armées françaises qu’ailleurs des armées et des services de soutien qui, pour la plupart, ne prolongent pas leur action jusqu’au sein des corps et formations, a engendré souvent dans ces services, la naissance d’un comportement de méfiance à l’égard de toute proposition de réforme émanant d’une origine extérieure, qu’ils ont tendance à ressentir comme une tentative de mainmise plus prononcée sur eux de la hiérarchie de commandement32. »

23Doit-on réellement généraliser ce trait de caractère conservateur et frondeur à l’ensemble des personnels des Armées ? Quoiqu’il en soit, ce sont les habitudes de pensée au travail qui constituent la cible ultime du 3PB. Enfin, selon Forissier, « beaucoup de responsables des Armées sont enclins à se demander si ces nouvelles techniques ne risquent pas de constituer pour le ministère des Finances un moyen détourné pour asseoir plus solidement sa puissance sur les rouages de la Défense33. »

24Enfin, Michel Fleurence, un aviateur34, a interrogé les acteurs du 3PB (notamment les directeurs du CPE) afin de réaliser son mémoire pour le diplôme d’études approfondies de science politique soutenu en 197835. Empreint à la fois d’un certain optimisme et d’une certaine réserve, ce travail, commencé en 1974 et bien informé, demeure relativement critique et lucide. Il explique ainsi qu’« on a bien relevé que le système était particulièrement adapté au niveau des interventions du ministre et de l’administration centrale et non à celui des états-majors, grands commandements et formations. Il fallait prolonger à des niveaux inférieurs, en allant jusqu’au plan local, la méthode ainsi élaborée. En d’autres termes, il aurait fallu intéresser les hommes en les rendant responsables de la formulation de leurs besoins et de la répartition de leurs ressources36. » Par ailleurs, malgré les budgets de programmes, le 3PB ne permet pas de mieux préparer le budget annuel. Enfin, il aurait fallu « d’abord faire expliciter chaque fois les objectifs par les décideurs : l’expérience a montré que ce n’est pas toujours facile, ni même peut-être faisable »37. Est-il en effet possible de définir des objectifs administratifs et politiques sur le long terme, à la fois suffisamment précis, mobilisateurs et apolitiques ?

25Que ce soient des optimistes, qui reprennent la doxa en vigueur, ou des Cassandre, qui ont identifié les problèmes présents et futurs, ces chercheurs n’ont pas d’influence sur le développement du système 3PB, qui est suspendu en 1974 puis abandonné sans bruit.

Les causes de l’échec du 3PB

26En tenant compte des appréciations et des observations évoquées plus haut, il est possible de hiérarchiser les causes de l’agonie du 3PB. Il convient ainsi de distinguer les erreurs lors de la mise en œuvre, qui auraient pu être évitées, des résistances structurelles à ce changement d’envergure, qu’il n’a pas été possible de surmonter.

Les erreurs dans la mise en œuvre

27En premier lieu, la réforme 3PB est menée à une cadence soutenue. Aux travaux sur les études coût-efficacité succèdent ceux sur la structure de programmes avec ses éléments, puis très rapidement la transformation d’un budget voté en un budget de programmes et enfin, dans la foulée, la constitution d’un PM5A, que l’on aurait voulu glissant, en deux ans. La Défense est la première à présenter des budgets de programmes. L’Équipement les utilise avec succès38. La Défense est allée plus vite et plus loin qu’aucun autre ministère, mais aussi peut-être trop vite. Les phases d’expérimentation ne sont pas poussées jusqu’à leur terme. Ce vaste mouvement réformateur est initié aux risques de la précipitation dans les actes mais aussi de la confusion dans les esprits. En effet, le 3PB a souffert de la multiplication des expériences financières. Tout est lancé en même temps, si bien qu’en avril 1972 une décision ministérielle crée « un groupe de travail représentant les organismes pilotes du PM5A, des budgets de fonctionnement et des budgets de gestion afin d’identifier les problèmes de cohérence nécessaires entre ces trois opérations et de dégager des solutions respectant les objectifs et contraintes propres à chacune d’elles »39. Le mouvement 3PB s’accompagne de l’introduction aux Armées du management et du contrôle de gestion. Il est constamment préconisé une réforme des services et de l’organisation des Armées40. Le mélange des genres de réforme obscurcit les objectifs du 3PB.

28Un défaut méthodologique majeur de l’implantation du 3PB réside dans le fait que sa mise en œuvre n’a pas suivi un schéma logique, pourtant si goûté des promoteurs de la réforme, à savoir d’abord les plans à long terme, ensuite les programmes à moyen terme qui déterminent en fin les budgets annuels. Ainsi, le Livre blanc sur la défense (1972-1973 en 2 vol.) et les plans à long terme (1972-1974, un par armée, un pour les forces nucléaires stratégiques et un pour l’arme nucléaire tactique) auraient dû précéder, dans cette logique, le PM5A (établi en 1970), ainsi que les budgets de programmes (construits dès 1969).

29En troisième lieu, la charge de travail nouvelle demandée aux services concernés devient vite considérable. En administration centrale et dans les états-majors, le 3PB occasionne un surcroît de travail ressenti comme inutile. Dans les unités, les tenants du 3PB répètent aux gestionnaires, sans les convaincre, qu’après une phase de centralisation, la réforme va les aider. Or, à l’inverse de l’exemple suédois, le 3PB n’a pas commencé par recenser les besoins au niveau déconcentré. Le système français, système global et solution clé en main, ne peut s’ajuster aux besoins réels des personnels décisionnaires et gestionnaires. Le 3PB très théorique et technocratique est imposé par le haut et par des experts.

30La responsabilité de Michel Debré, ministre de la Défense nationale en 1969-1973, peut également être avancée. La multiplication des décisions du ministre, qui sonnent aujourd’hui comme des vœux pieux, témoigne de son interventionnisme tous azimuts. Cependant, la volonté politique, aussi forte et directive soit-elle, ne peut assurer à elle seule le succès d’une entreprise aussi révolutionnaire. Cette personnification de la réforme a pu en outre contribuer à son rejet.

31Enfin, l’erreur principale est de ne pas avoir réussi à connaître les coûts de fonctionnement, de fabrication et de revient des programmes d’armement. Certes, l’évaluation de l’efficacité opérationnelle d’un système d’armes qui n’existe pas encore est complexe, notamment car elle n’est pas entièrement quantifiable (par exemple, le confort d’un véhicule compte pour l’efficacité des troupes qu’il transporte). Pourtant, la connaissance des coûts réels, aussi multiples et difficiles à établir soient-ils (par exemple pour évaluer les coûts des personnels), constitue une étape incontournable. Or, constamment repoussé autant qu’espéré, le contrôle de gestion aurait permis de connaître les coûts et, pour partie, de mesurer l’efficacité. Le 3PB a ainsi, entre autres, manqué d’outils de gestion à la hauteur de son ambition. Sans le préalable de la collecte de données sur les coûts réels, la méthode coût-efficacité est inefficiente.

32Outre ces multiples erreurs lors de la tentative d’implantation, le 3PB a également souffert de contraintes structurelles.

Les causes structurelles de l’abandon

33En premier lieu, le choc pétrolier de 1973 et la crise majeure qui le suit porte un coup fatal au 3PB (et à la RCB). La poursuite de la rationalisation des choix budgétaires apparaît dès lors irrationnelle. Pourtant, en période de crise économique, le 3PB et la RCB auraient pu trouver là un supplément d’acuité. Michel Debré n’a pas complètement tort, dans ses mémoires, quand il affirme : « La RCB, comme je l’avais déjà dit et comme je le répète alors, est un excellent instrument dans les temps de stabilité monétaire et politique41. » En difficulté pendant les années 1960 de forte inflation, le 3PB ne servira pas en temps de crise économique mondiale et d’hyperinflation.

34Ensuite, l’épisode du 3PB enseigne, en miroir inversé, les conditions de la réussite de la planification à la Défense. Ainsi, bien avant 1973, joue la contrainte des tables de la loi des finances publiques écrites au xixe siècle et brandies par les Finances rappelant en particulier le commandement de l’annualité budgétaire. Si la procédure d’élaboration budgétaire et le « court-termisme » de la rue de Rivoli est remis en question par le 3PB, le budget annuel représente un récif sur lequel viennent se briser les espoirs des pionniers du 3PB.

35D’une manière générale, le 3PB doit ébranler les forteresses administratives. L’enjeu majeur est sans doute bien, comme l’écrit Jacques Bravo, « d’induire une dynamique nouvelle des comportements et des mentalités par le langage des budgets de programmes et leurs techniques »42. Le 3PB implique l’ardente obligation de planifier autrement. Alors que les tenants du nouveau système évoquent modestement un changement d’état d’esprit à insuffler, l’utilisation des concepts importés des États-Unis implique en réalité une révolution des catégories de pensée administratives qui consistent à raisonner non plus en termes de ressources classées par nature mais par destinations, par fonctions et in fine par objectifs, nécessitant l’introduction dans l’Administration des notions de productivité, rentabilité et responsabilité personnelle. L’absence de révolution – qu’il est impossible de décréter – des « modes de fonctionnement » à tous les niveaux hiérarchiques explique aussi l’abandon du 3PB. Les partisans du 3PB ont donc mal estimé les modalités d’acculturation à la philosophie sous-tendant le 3PB, c’est-à-dire à la fois la capacité à se remettre en question et à rénover ses méthodes. En outre, si le cartésianisme du système satisfait les mentalités françaises, il ne détruit pas le scepticisme coutumier face à la nouveauté. Au sein des Armées, la quête de modernité affronte le conservatisme de l’administration. Ainsi, formation ne signifie pas adhésion, et les réticents sont légion, comme l’illustrent les documents cités en première partie.

36Par ailleurs, et paradoxalement, alors que l’informatique est à cette époque très limitée dans ses possibilités de traitement des informations, empêchant la pleine réalisation des objectifs induits par le 3PB (collecte et traitement des coûts de base notamment), l’emploi d’un ordinateur a néanmoins pu laisser penser que ce sera le calculateur qui décidera. De surcroît, l’ensemble 3PB est pénalisé par l’absence d’un organe centralisant les données relatives aux coûts et à leur efficacité (à l’image des services imposants de l’Assistant secretary of systems analysis aux États-Unis), laissant ce type d’études se faire sans systématisation et au gré de la volonté des différents états-majors. Les études restent ainsi hétérogènes et en nombre relativement limité, et les conclusions qu’on peut en tirer ne suffisent pas à combler les lacunes dans tous les autres secteurs non étudiés.

37Plus que les imperfections méthodologiques, les lacunes conceptuelles, les limites technologiques et comptables, les freins du Budget et des habitus administratifs, ce sont des enjeux de pouvoir qui fragilisent le 3PB. Ce dernier rebat les cartes des décideurs. En effet, nombreux sont ceux qui, à la Défense, avec le 3PB, vont perdre en pouvoir décisionnaire mais pas en responsabilité. À tous les niveaux, il va être demandé de justifier et de chiffrer précisément les besoins. Sur le plan de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’administration militaire, la réforme renforce, dans un premier temps du moins, le sommet de la hiérarchie administrative au détriment des décideurs intermédiaires. Venue du haut, la réforme est aussi vécue comme un mouvement de centralisation contrariant les vieilles tendances centrifuges des armées au profit de l’Ema et du ministre. Le système n’a cependant pas réussi à affaiblir les égoïsmes budgétaires des différentes armées et du secteur de l’armement.

38Parallèlement, le ministre et le chef d’État-major des armées disposent, en théorie, avec le 3PB d’un pouvoir d’arbitrage renforcé. Et, au sein du gouvernement, si le système fonctionnait pour permettre une planification financière « objectivée », le ministre de la Défense obtiendrait une nouvelle arme dans les arbitrages budgétaires. Or il s’avère que le 3PB (et la RCB) peut à la fois contraindre le choix politique (par exemple en empêchant de maintenir artificiellement l’activité des industries d’armement) et restreindre la variable d’ajustement budgétaire que représente le budget de la Défense. Les ministres de la Défense et des Finances, s’ils soutiennent officiellement le développement des RCB, n’ont guère intérêt à leur institutionnalisation. Les parlementaires, eux, conscients de ces dangers, refusent de prendre officiellement en considération les documents issus du 3PB.

39Le 3PB apparaît bien comme la production d’une technocratie – ensemble de personnes tenant leur pouvoir de leur maîtrise de savoirs, de techniques et de technologies spécifiques – en plein essor. En effet, la Défense vit à partir des années 1960 une technicisation et une sophistication de ces modes de gestion, financiers notamment, qui accroissent le nombre d’experts en son sein et amènent les ingénieurs et techniciens savants aux portes de la décision politique43. Issu des développements et des impératifs de la recherche opérationnelle, le 3PB se construit sur un corpus de techniques et s’érige en pseudoscience de la décision. Pseudo car il se structure en dehors des milieux scientifiques et s’inspire de la prospective qui n’est pas alors reconnue académiquement. En outre, les modes de fonctionnement administratifs sont encore largement ignorés (cf. la sociologie des organisations supra). Enfin, le 3PB emprunte le discours et des méthodes des sciences exactes, sans la possibilité de leur exactitude. Selon l’image de Bruno Latour44, il faut voir là une boîte noire qui n’a pu être refermée. Si de la technicité (à défaut de technologie pour sa mise en œuvre) émerge un contre-pouvoir, les militaires mais également les politiques s’élèvent contre cette ascension dans la hiérarchie décisionnelle de ces experts d’un nouveau genre. Cette méthode « rationalisatrice » ne bride-t-elle pas le processus démocratique qui doit nécessairement aboutir à un compromis ? La passion et l’irrationnel n’ont-ils pas toute leur place dans la Cité ? La science peut-elle tout embrassée et tout régentée ?

40En définitive, le 3PB n’a réussi à changer ni le processus de décision des programmes d’armement, ni la procédure budgétaire, ni les mentalités administratives, ni la comptabilité des coûts. Le 3PB s’est heurté à une coalition ad hoc d’intérêts hétérogènes : les politiques, le Budget, les industriels de la défense qui auraient moins de marges de négociation, la majorité des cadres et des gestionnaires militaires. L’échec du moment 3PB semble donc sans appel.

Conclusion : un bilan mis en perspective

41Replacée dans la longue durée, la réforme 3PB avortée laisse cependant de nombreux acquis. Il faut noter l’introduction du management dans les armées avec ses finalités gestionnaires. Les budgets de fonctionnement perdureront après le 3PB car ils répondent aux attentes des chefs de corps. Si le but des promoteurs du 3PB en 1964 était de « donner à la stratégie de préparation des forces militaires un poids au moins égal à celui de la stratégie d’emploi de ces forces »45, alors il est globalement atteint dès la fin des années 1960. En outre, si la méthode primitive n’a pas forcément réussi à faire faire de bons choix – notamment entre des futurs probables –, elle a eu cependant le mérite d’obliger à réfléchir aux processus de décision et aux finalités militaires. Elle a également eu comme effet bénéfique d’avoir définitivement fait prendre conscience « qu’il [ne] serait dorénavant plus possible de raisonner et de prendre des décisions dans le cadre trop étroit des budgets annuels »46.

42Produit importé, le 3PB du ministère de la Défense n’est pas une production hors-sol et ses racines puisent dans une double critique de la planification héritée de la Libération et des lois de programme qui, au milieu des années 1970, doivent encore faire la preuve de leur efficacité. Le système s’appuie en outre sur les avancées de la prospective française et constitue un essai de prospective appliquée. Cette expérience 3PB représente une étape féconde sur les voies de la planification et de la programmation des dépenses militaires, de la réforme administrative et de la déconcentration financière, de la gestion par objectifs et du contrôle de gestion aux Armées.

43Mis en perspective, le 3PB a aidé à mieux dépenser pour la Défense. Ce système qui pouvait paraître sans avenir a connu plusieurs futurs. Le moment 3PB constitue une transition entre deux époques et non pas une impasse. La diffusion des idées de rationalisation des choix budgétaires à partir du milieu des années 1960 a en effet porté ses fruits une génération plus tard. Les débris de la RCB ont produit le terreau de la loi organique sur les lois de finances de 2001, la LOLF. Car, quand les données du problème restent d’actualité, certaines innovations offrent parfois des avancées sans lendemain mais avec un surlendemain47.

Notes de bas de page

1  Voir notre article au début du présent volume, partie I.

2  Les militaires présentent « leur » RCB aux civils notamment lors des stages RCB, mais il n’apparaît pas dans les archives de collaboration effective pour l’élaboration ou la mise en œuvre des deux systèmes.

3  Sur la désynchronisation entre les deux exercices et les relations entre le Commissariat général du Plan et les Armées, voir Fabien Cardoni, « Les futurs parallèles. Planifications civile et militaire en France 1950-1970 », in Danièle Fraboulet et Philippe Verheyde (dir.), Pour une histoire sociale et politique de l’économie. Hommages à Michel Margairaz, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 297‑310.

4  Service historique de la Défense (désormais SHD), 20T 104, CPE, Les problèmes de coûts dans le système 3PB. Première transformation d’un budget voté en budget de programmes, 2e édition du 25 septembre 1969, annule et remplace l’édition du 10 juillet 1969.

5  Une note du ministre de la Défense, adressée à la direction du Budget à propos du projet de loi de finances pour 1973, explique que, dans la présentation du budget 1972 en structure 3PB, « les indications données ont un caractère évaluatif, de telle sorte que les comparaisons avec les éléments déjà fournis pour 1972 ne peuvent être faites qu’avec prudence et au niveau des grandes masses. » Centre des archives économiques et financières (désormais CAEF), B 21 796, direction du Budget, bureau B2, Projet de loi de finances pour 1973. Note de synthèse du ministre de la Défense nationale, s. d., impr., 13 p.

6  Pierre Louf (1915-2010), né en 1915, École spéciale de Saint-Cyr 1936 (promotion « Soldat inconnu »), participe en tant qu’officier à la campagne de Tunisie à partir du printemps 1942, au débarquement de Provence et à la Libération de l’Alsace et de Strasbourg. Il rejoint en 1955 le Contrôle général des Armées. Il effectue une mission aux États-Unis en octobre 1969.

7  IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, entretien de Dominique Lewandowski avec l’auteur, 1er mars 2016 et IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, entretien 5 de Dominique Lewandowski avec l’auteur, 17 décembre 2018.

8  Sur l’histoire du 3PB, voir F. Cardoni, « Le choix des futurs. La programmation des dépenses militaires en France 1945-1973 », manuscrit inédit pour l’habilitation à diriger des recherches, histoire, université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2019, à paraître aux Éditions de la Sorbonne en 2022.

9  SHD, 9S 57, Note de la division Plans-Programmes au CPE, 19 juin 1970.

10  SHD, 23T 105, Note du ministre d’État chargé de la Défense nationale au chef d’État-major des armées, 16 octobre 1972. Archives nationales (désormais AN), fonds Michel Debré, 6DE 27, dossier Rationalisation des choix budgétaires 1973, directive pour la constitution du PM5A 1973 du général Maurin, chef d’État-major des armées, 26 octobre 1972.

11  Sur les conditions de son départ du gouvernement, Michel Debré, Entretiens avec Georges Pompidou 1971-1974, Paris, Albin Michel, 1996, p. 119.

12  Sur le rôle personnel en faveur de la RCB de Michel Debré aux Finances, voir Aude Terray, Des francs-tireurs aux experts. L’organisation de la prévision économique au ministère des Finances 1948-1968, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, p. 458‑462.

13  Général Pierre Delachenal (1918-2011), École spéciale militaire de Saint-Cyr (Promotion 39), aviateur, il a commandé la Patrouille de France ; il est nommé général de brigade en 1965 ; il commande le 2e CATAC (commandement aérien tactique), la 13e brigade aérienne équipée de Mirages 3 (1963-1965) puis la 2e région aérienne à Villacoublay. Il devient par la suite chef de la division Programmes à l’Ema. Au moment d’achever sa carrière en 1971, il exerce la responsabilité d’inspecteur technique de l’armée de l’Air.

14  SHD, 9S 56, Fiche de la division Programmes de l’Ema sur la « suite donnée au rapport du groupe de travail coût-efficacité du général Delachenal du 15 février 1967 », mars-avril 1972.

15  SHD, 15T 868, Compte rendu du séminaire 3PB-PM5A organisé par le CPE. Questions écrites des auditeurs du 16 février 1972 posées dans le cadre du séminaire.

16Ibid.

17  Paul-Ivan de Saint-Germain, « Les aides à la décision », L’Armement, n° 47, octobre 1977, p. 15.

18  P.-I. de Saint-Germain, né en 1936, X 1955, École supérieure aéronautique, ingénieur au Centre d’essai des propulseurs de Saclay (1960-1965), ingénieur au Centre technique aéronautique (1965-1971), conseiller technique du délégué ministériel pour l’armement (1971-1974), chargé de mission au cabinet du ministre de la Défense (1974-1975), directeur du Centre de prospective et d’évaluations du ministère de la Défense (1975‑1982).

19  P.-I. de Saint-Germain, « La rationalisation des choix budgétaires dans les armées », Bulletin interministériel pour la RCB, décembre 1977, n° 31, p. 6.

20  P.-I. de Saint-Germain, « Les aides à la décision », art. cité, p. 15.

21  Voir à ce propos, par exemple, la bibliographie de la thèse de Michel Jeannin, « La planification militaire », doctorat, droit, sous la direction de Roland Drago, université Paris II, 1983, 3 vol., 889 p., dont plus de 200 p. d’annexes. Parmi les travaux universitaires traitant du 3PB, mais hors de notre période, il faut mentionner, outre le travail de M. Jeannin, Bernard Ratel, « La programmation militaire en France et à l’étranger : perspectives concernant la coopération européenne en matière de défense », DEA, science politique, Paris I, 1985.

22  La thèse complémentaire d’économie de Philippe Champy ne constitue qu’une redite des textes et du discours officiels contemporains « La planification des dépenses militaires en France depuis 1960 », doctorat, sciences économiques, université Paris II, faculté de droit et des sciences économiques, 1971, 95 p. (président du jury Jean-Marcel Jeanneney). L’auteur a néanmoins interrogé les principaux protagonistes du 3PB, dont les deux premiers directeurs du CPE.

23  Lucien Sfez, L’administration prospective, Paris, A. Colin, coll. U, 1970, p. 159.

24Ibid., p. 142.

25Ibid.

26  Jean-Claude Thoenig, « Le PPBS et l’administration publique : au-delà du changement technique », Annuaire international de la fonction publique 1970-1971, Paris, Centre de recherche et de documentation sur la fonction publique de l’Institut international d’administration publique, Berger-Levrault, 1971, p. 98.

27Ibid., p. 105.

28  Laurent Dobuzinskis, « Étude comparative de l’introduction du “Planning, Programming, Budgeting System” dans les administrations françaises et américaines », mémoire pour le diplôme supérieur d’études et de recherches politiques, sous la direction de Bernard Gournay, Paris, FNSP, septembre 1971, p. 160.

29  Régis D. Forissier, « L’introduction des techniques et méthodes de management dans l’administration des armées », doctorat, droit, sous la direction de Roland Drago, université Paris II, 1973, 267 p.

30Ibid., p. 4.

31Ibid., p. 139.

32Ibid., p. 223‑224.

33Ibid., p. 225.

34  Il est aujourd’hui général de brigade aérienne (2S).

35  Michel Fleurence, « La rationalisation des choix budgétaires au ministère de la Défense nationale 1968-1978 », mémoire, DEA, science politique, sous la direction de Pierre Dabezies, Paris I, 1978, n. p.

36Ibid., p. 37.

37Ibid., p. 71.

38  Sur les résultats de cette expérimentation et notamment la réalisation d’un budget de programmes à l’Équipement : L. Dobuzinskis, op. cit. ; Philippe Kessler et François Tixier (préface d’Albin Chalandon, ministre de l’Équipement et du Logement), Le budget de programmes : un instrument de management pour les administrations publiques, Paris, Berger-Levrault, 1973, 205 p. ; Didier Coustaury, « Le budget de programmes du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du Logement et du Tourisme (section de l’équipement et du tourisme) », doctorat de sciences économiques, Paris II, 1973, 2 vol. 335 f. ; Jacques Bravo, « L’expérience française de budgets de programmes », Revue économique, janvier 1973, n° 1, p. 1‑65.

39  R. D. Forissier, op. cit., p. 145.

40  À noter cependant le train de réformes en 1959-1962 : créations de la Délégation ministérielle pour l’armement, du Contrôle général des Armées et de l’État-major des armées.

41  M. Debré, Trois Républiques pour une France, t. 5 : Combattre toujours : 1969-1993, Paris, Albin Michel, 1994, p. 130.

42  J. Bravo, « L’expérience française de budgets de programmes », art. cité, p. 63.

43  Sur les experts du 3PB à la Défense, voir F. Cardoni, « Les experts de la prise de décision financière au ministère de la Défense dans les années 1960 », in François Monnier et Jean-Michel Leniaud (dir.), Experts et décision, Paris, Publications de l’EPHE-Droz, 2013, p. 74‑83.

44  Bruno Latour, La science en action, trad. de l’anglais par Michel Biezunski, Paris, La Découverte, 1989, 450 p.

45  M. Fleurence, op. cit., p. 40.

46  P.-I. de Saint-Germain, « Les aides à la décision », art. cité, p. 14.

47  Sur les différentes formes du Performance budgeting depuis ses origines : Allen Schick-Organisation pour la coopération économique et le développement, « The Metamorphoses of Performance Budgeting », 34e réunion annuelle des responsables budgétaires seniors, Paris, OCDE, 27 mai 2013, 32 p.

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