La Mission RCB aux Finances 1968‑1971 : un cas hors norme ?
p. 549-605
Texte intégral
1L’invention de la rationalisation des choix budgétaires s’est construite au ministère des Finances à partir de deux inspirations différentes et selon deux entrées chronologiques, à la direction de la Prévision à partir de 1963-1965, puis à la direction du Budget à partir de 1967. Elle est ensuite promue au printemps 1968 au rang de réforme administrative par le ministre des Finances, puis après la crise de Mai 1968 portée à bout de bras en 1968-1969 par le cabinet et les directeurs du ministère, pour accéder en 1969 au rang de politique interministérielle de gestion publique. Au cours de ce processus de gestation non linéaire, marqué par l’aléa politique, apparaissent successivement les trois volets de la RCB, celui des « études analytiques » élaboré à la Prévision dès 1966, celui des budgets de programme défini par le Budget à l’automne 1968 et repris officiellement par le Premier ministre en septembre 1969, ainsi que celui des « techniques modernes de gestion »1. Les ministères sectoriels sont invités à mettre en œuvre à leur échelle ce programme de réforme. Quel accueil le ministère des Finances, en tant que département ministériel récipiendaire et non plus en tant que pilote de la réforme, a-t-il réservé à la RCB ? Comment s’est-il approprié la RCB ? Quelle version de la RCB le ministère des Finances a-t-il déployée ?
Une expérience d’auto‑réformation
2À la fin des années 1960, le ministère de l’Économie et des Finances est un ministère très puissant, qui prétend à la fois à la conduite de la croissance et au contrôle des « grands équilibres ». Depuis 1959, il bénéficie de la cristallisation du « bloc » constitutionnel budgétaire et comptable, de la modernisation continue de son organisation tout au long de la décennie, de la centralisation accrue de son pouvoir, de la continuité des politiques économiques et financières de Valéry Giscard d’Estaing et de Michel Debré et de la croissance des Quinze Glorieuses. À la veille de 1968, il est cependant travaillé par deux préoccupations. La première concerne l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique et la redéfinition du rôle du ministère de l’Économie et des Finances dans le choix des politiques publiques. La seconde préoccupation touche au « souci de soi » défini comme le besoin de faire de l’administration un objet de connaissance2 et se caractérise par une volonté d’auto-réformation stratégique et fonctionnelle. Le lancement de la RCB en 1968 constitue une réponse à ce double besoin. Les deux premiers volets historiques décrits dans la partie II du présent volume – les études micro-économiques au service de la décision et la rénovation de la procédure budgétaire –, répondent à la première préoccupation. La seconde préoccupation, plus interne, est dévolue à la Mission RCB confiée à Philippe Huet, inspecteur des Finances et ancien directeur général du Commerce intérieur et des Prix (1962‑1968).
La création de la Mission RCB février‑mai 1968
Une Mission au service de la réorganisation du MEF février‑mai 1968
3Dès les séminaires de réflexion d’Amboise et de Barbizon (17‑18 février, 28 mars 1968), germe l’idée de créer à l’échelle du ministère une structure ad hoc pour l’application de la RCB aux Finances, ne serait-ce qu’au nom du devoir d’exemplarité, avec à sa tête un haut responsable du ministère. Philippe Huet est nommé le 27 avril 1968 et la Mission RCB est instituée par arrêté ministériel le 13 mai 1968. Ses missions sont les suivantes : « faire toutes propositions relatives à la définition des missions du ministère » et « proposer les modifications à apporter à la compétence et à la structure des services du ministère de l’Économie et des Finances pour l’accomplissement de ces missions ». Un alinéa complémentaire vient pointer un second objet : les travaux de la Mission devront permettre « d’expérimenter une méthode tendant à la rationalisation des choix budgétaires et au contrôle des résultats de l’action administrative par des études d’analyse de système et de coût-efficacité »3. Il s’agit de prendre le ministère de l’Économie et des Finances comme terrain d’expérimentation pour tester des nouvelles méthodes de gestion permettant de contrôler ex ante et ex post les résultats de l’action publique.
4Le choix de Philippe Huet mérite qu’on s’y arrête un instant. Né en 1920, inspecteur des Finances non-énarque (promotion 1946), il appartient à la grande famille des hauts fonctionnaires rationalisateurs des Finances4. À la tête de la direction générale des Prix, il a mené plusieurs réorganisations administratives au sein de sa direction et absorbé en 1965 la direction du Commerce intérieur. Il a une bonne connaissance des entreprises françaises, qu’il a acquise notamment lors de la sortie du blocage des prix suite au plan de stabilisation de 1963, et il a réussi, en partenariat avec la direction générale des Impôts, l’extension de la TVA aux services et au commerce5. Enfin, depuis son poste à l’OTAN (1951-1953) et son séjour à Londres en tant que conseiller financier à l’ambassade de France (1958-1962), il a une rare familiarité avec le monde anglo-saxon. Lisant et parlant l’anglais, il s’est initié aux questions de programmation militaire et se montre d’emblée à l’aise avec les techniques du PPBS américain. Légèrement plus âgé que les autres directeurs du ministère, pour la plupart énarques fraîchement arrivés aux postes de direction, il fait figure de « sage » et entretient de bonnes relations avec les ministres Michel Debré et Robert Boulin. Philippe Huet, grand commis de l’État, respecté par ses pairs, est donc un homme doté de ressources multiples, placé à la croisée de différents mondes, rassurant pour la « Maison » mais susceptible de se faire le passeur d’idées nouvelles. Les événements de Mai 1968 viennent percuter cette construction debréienne.
Philippe Huet et le choc de Mai 1968 : un ministère en crise ?
5Notre hypothèse est que la crise de Mai 68 a eu un impact majeur sur ce haut fonctionnaire épris de service public, sur la conception de sa mission à la tête de la Mission RCB et sur ses idées en matière de réforme administrative. Rejoignant le diagnostic très critique du Club Jean Moulin en 19686 et celui de Raymond Martinet, directeur du Budget quelques années auparavant7, il écrit au nouvel et éphémère ministre des Finances Maurice Couve de Murville le 21 juin 19688 : « La Mission (…) n’est pas remise en cause par les événements du mois de mai, malgré les tâches prioritaires qui incombent actuellement aux services du Département. Au contraire, le ministère dont l’action récente et les méthodes traditionnelles ont été par certains mises en cause à l’occasion des troubles et des révoltes de ces jours et des malentendus, sinon du malaise plus profond, que ceux-ci ont manifesté, ne saurait rester à l’écart d’un mouvement de réforme, qui n’épargnera guère les institutions les mieux assises ». Selon Huet, Mai 68, révolte étudiante et ouvrière, a sa déclinaison dans l’ordre administratif et la contestation dont le ministère des Finances a fait les frais de la part des autres départements ministériels en est l’expression directe. Dans la suite de sa note, il propose au ministre un vaste programme de réforme, « en vue d’améliorer l’instrument administratif, son rendement effectif et surtout son visage à l’égard de l’extérieur (exécutants, autres administrations et administrés) ». On notera la préoccupation communicationnelle – très nouvelle – qu’a Huet pour l’image de son ministère.
6Le programme proposé par Huet comporte quatre niveaux. Le premier concerne les quatre directions générales dotées de services extérieurs (Trésor public, Impôts, Douanes, Prix), pour lesquelles Huet formule un diagnostic particulièrement sévère : moyens insuffisants ou inadaptés ; programmation insuffisante ; mutations mal maîtrisées ; formation inadaptée ; absence de coordination à l’échelon départemental et régional en dépit de l’instruction du 30 juin 1965 qui a suivi la réforme régionale et préfectorale de 1964 ; non organisation des échanges d’information et absence d’appréciation des coûts économiques des actions du ministère. Il annonce d’entrée de jeu que, selon lui, la solution se situe dans une structure horizontale et permanente de coordination, sorte de « service d’organisation qui serait saisi par principe de tous les problèmes d’adaptation des directions concernées à leurs missions et qui veillerait par la création et l’animation de groupes de travail inter-directionnels à l’évolution progressive et harmonieuse de leurs méthodes et de leurs structures »9.
7Le deuxième niveau concerne l’administration centrale des Finances, la coordination centrale de la prise de décision et l’élaboration de la synthèse économique. Selon lui, trop de décisions se prennent de façon unilatérale, précipitée et sans préparation suffisante. Pour lui, la solution se trouve dans l’organisation de la concertation entre directions techniques et dans la constitution d’états-majors d’étude dans chaque direction10. En attendant, la structure horizontale évoquée plus haut pourrait se charger du travail transversal d’organisation de la concertation et d’étude.
8Au troisième niveau, la discussion avec les autres départements ministériels reste le problème « le plus délicat en doctrine et en pratique, celui qui soulève le plus d’intérêt et le plus de passion ». Au cœur de ce problème, se situe la direction du Budget. « Il s’agit d’une révolution mentale à réaliser à la fois chez les administrateurs et les administrés. (…) Mais [la direction] en est parfaitement consciente, et qui plus est, elle s’y déclare consentante, car elle est de plus en plus accablée des décisions de tous niveaux qui remontent vers elle, et inquiète des responsabilités inacceptables que chacun se plaît ainsi à lui faire endosser. » Selon Huet, la direction du Budget serait écartelée entre le risque de gaspillage et celui de « la paralysie progressive » des services. « La sanction en est hier comme aujourd’hui la mise en accusation unanime du ministère, rendu souvent injustement responsable de tout ce qui ne va pas ». Pour Huet, la solution réside d’abord dans la programmation : « Il importe donc en priorité d’armer la direction du Budget en vue d’une discussion des programmes et de lui permettre en formant ses administrateurs à ces nouvelles techniques de les dégager parallèlement de la surveillance harassante de l’exécution budgétaire au jour le jour ». Ensuite, continue-t-il, il faut déconcentrer – « décongestionner les organes de commandement gouvernementaux et leurs relais administratifs parisiens » – et instituer un contrôle a posteriori11.
9Quatrième et dernier niveau, celui des méthodes, il faut améliorer au ministère l’information de gestion, ainsi que sa circulation qui présente des lacunes, des incohérences, un manque de rigueur et de discipline et des incompatibilités. Il conclut : « Il est certain que l’exploitation systématique des sources d’information existantes ou potentielles au sein du ministère et dans ses services extérieurs ferait franchir un pas de géant à la connaissance ainsi qu’à la faculté d’apprécier et de choisir du ministre et de ses grandes directions de conception et d’action ». Le même effort serait à faire dans la communication du ministère concernant ses propres actions, en interne et en externe.
10Derrière toutes ces préconisations, il y a un véritable enjeu de gouvernance et de société que n’hésite pas à pointer Philippe Huet : « Sans aucun doute, si l’on veut dans le proche avenir faire accepter à chacun les contraintes de l’intérêt général et restituer à tous avec une liberté réelle de décision le sens de la responsabilité et le goût de l’initiative, bref convertir les administrés de plus en plus critiques en citoyens actifs, cet effort d’information et de coopération doit être étendu à tous les domaines de l’action administrative. (…) Il est surtout indispensable que par un vrai renversement d’attitude, l’administration et ses représentants qualifiés dépouillent l’autorité et le prestige de l’imperium, hérité de l’organisation napoléonienne, accueillent la critique et acceptent la discussion. La conversion exigée ainsi du ministère de l’Économie et des Finances sera particulièrement radicale [souligné par nous]. (…) La difficulté de fond réside ici bien plus qu’ailleurs dans l’insuffisance des effectifs, le manque de temps et de moyens. Elle devra être surmontée, car l’existence de l’État dans une de ses fonctions essentielles se joue bien là en vérité ».
11Enfin, convaincu de la nécessité d’organiser au ministère des Finances le dialogue social, Huet recommande la création d’une institution « dont les événements de Mai 68 auront montré la nécessité, celle d’un service de relations administratives, animé par une personnalité formée aux relations industrielles et capable de bons contacts avec les représentants, syndicalistes ou délégués de toutes sortes, des agents du ministère (…). Ce service restreint assisterait utilement le Chef de Mission dans sa tâche d’information, de sondage et de préparation des discussions formelles au sein des comités techniques paritaires (…) ; il pourrait aussi sur leur demande aider les directeurs généraux dans cette même fonction de relations administratives, dévoreuse de temps et souvent harassante ».
12Cette note du 21 juin 1968, au ton personnel et pressant, se donne à lire comme le témoignage à chaud d’un haut fonctionnaire des Finances sous le choc de Mai 68 ; Huet prend acte de la nouvelle donne idéologique et propose un nouveau corpus de principes à décliner à l’échelle du ministère : coordination, programmation, déconcentration et concertation.
13À partir de 196912, son diagnostic personnel s’enrichit des analyses « croziériennes », qui depuis la parution du Phénomène bureaucratique en 1963 connaissent une large diffusion dans la haute fonction publique, notamment par le biais du Club Jean Moulin dont Michel Crozier est un des responsables13, et qui atteignent un sommet médiatique avec le discours de la Nouvelle Société de Jacques Chaban-Delmas le 16 septembre 1969 et la parution de La société bloquée (Le Seuil, 1970). Dans ses notes et conférences14, Huet stigmatise « le déphasage » du ministère des Finances vis-à-vis du reste de la société : lenteur, irresponsabilité, bureaucratie, absence d’imagination et d’initiative, « adaptation au changement impossible », absence de prévision, « de cohérence dans l’action », de programmation et de stratégie, irrationalité, centralisme, militarisme et conservatisme, uniformité de la règle et rigidité. Il n’est pas certain que ce diagnostic peu flatteur ait résonné favorablement à l’oreille du ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing de retour Rue de Rivoli à l’été 1969, ni à celle de son cabinet (Jacques Calvet), surtout si ces analyses sont reprises au même moment par le Premier ministre, dont les principaux conseillers sont Simon Nora et Jacques Delors, tous deux membres du Club Jean Moulin et fort peu giscardiens.
14Quoiqu’il en soit, le diagnostic posé par Philippe Huet trahit son appétence personnelle pour la sociologie administrative et la psychologie sociale, pour la conduite du changement et pour ce qu’on commence à appeler le management15. C’est très perceptible dans la documentation personnelle qu’il accumule pendant toute la durée de sa mission, dans la bibliographie qu’il cite et dans ses notes préparatoires en vue de la rédaction du Rapport final de la Mission. De façon plus générale, chrétien progressiste, Huet s’intéresse à la psychosociologie et aux « études socio-économiques » menées à l’époque au Plan ou à la Prévision et s’interroge sur le mode de développement économique et social suivi par la France16. Comme François Bloch-Lainé au Trésor, Claude Gruson au SEEF, Jean Ripert à l’INSEE ou Raymond Martinet au Budget il appartient à ce groupe des hauts fonctionnaires des années 1960 convaincus que les sciences sociales et humaines peuvent contribuer à préparer et éclairer la prise de décision. Aussi se montre-t-il intéressé par tous les projets qui tournent autour de l’idée d’un Institut de formation et de recherche sur les sciences sociales appliquées17, qui verra finalement le jour en 1970 sous le nom d’Association pour le Développement des sciences sociales appliquées (ADSSA18).
La formation de son équipe
15Les premières esquisses pour le recrutement d’experts RCB aux Finances datent de la note du 30 mars 1968 signée par les trois directeurs concernés, Jean Sérisé, Renaud de La Genière et Philippe Huet ; il s’agit à l’époque de recruter une quarantaine de contractuels, à partager entre la Prévision, le Budget et la Mission RCB19. Huet envisage pour sa Mission une équipe d’une quinzaine de personnes, composée de contractuels spécialistes d’économie et de mathématiques, plus trois ou quatre « chefs de groupe ». Des ambitions que Mai 68 et le collectif budgétaire de l’été vont se charger de raboter. Début 1969, l’équipe est finalement constituée20 : deux inspecteurs des Finances, Jean Gonot, son ancien adjoint à la direction des Prix, en attente d’autres horizons, et Bernard Auberger21, ancien élève de l’école des Mines de Paris, jeune inspecteur des Finances récupéré à sa sortie de la « tournée »22 ; un jeune ingénieur de l’Armement mis à disposition par le ministère des Armées, Geoffroy d’Aumale23 ; trois cadres financiers en provenance des « services extérieurs », Pierre Brioudes, directeur départemental adjoint des Prix, Claude Perdriau, inspecteur principal du Trésor Public et Jean Vigouroux, directeur départemental des Impôts, plus une secrétaire, Melle Mathise. Sont également recrutés au cours de l’année 1969 cinq agents contractuels, deux ingénieurs-économistes, Daniel Salem24 et Patrick Saintville25, plus trois vacataires fraîchement diplômés de sciences économiques, un homme et deux jeunes femmes, M. Aussédat, mesdemoiselles Bonte et de Montgolfier, auxquels s’ajoutent trois secrétaires. Philippe Huet aurait voulu s’attacher un administrateur civil à son retour de mobilité, Georges Beisson, promis par la direction du Personnel, un directeur des Douanes et un magistrat de la Cour des comptes, mais il n’obtiendra aucune de ces mises à disposition26. Il aurait aussi voulu recruter un sociologue, sans succès. Enfin la question des locaux est résolue fin 1968 : c’est rue Croix des Petits Champs que la Mission RCB élit domicile, tout près des bureaux de la Prévision, à deux pas du Palais du Louvre27.
16Un premier programme d’étude à l’automne 68. Après le trou d’air de mai-juillet 1968, la continuité des X-Ponts au cabinet du ministre des Finances sauve la RCB et Jean-Paul Parayre conseiller technique de François-Xavier Ortoli soutient la coalition des trois directeurs. En septembre 1968, afin d’établir un programme de travail coordonné à l’échelle du ministère, Jean Sérisé et Philippe Huet demandent aux directions de leur faire parvenir une liste d’études coûts-efficacité qui les intéresseraient directement28. Elles donnent lieu à un premier programme de travail, présenté au ministre François-Xavier Ortoli le 16 septembre 196829.
Un premier programme d’étude à l’automne 1968
17Dans cette note, Philippe Huet met au cœur de ses priorités la réforme des directions à services extérieurs ; il annonce son désir de s’attaquer à l’organisation du ministère, ainsi qu’à la rénovation de la tutelle des Finances sur les autres acteurs publics, car « c’est là que le ministère est le plus violemment attaqué et la réflexion constructive doit porter non seulement sur l’exercice du contrôle mais sur l’usage de l’autorité et du pouvoir réglementaire ». Il en appelle à la « conversion des esprits et des attitudes » et propose d’« améliorer sinon changer radicalement les rapports entre l’administration et les administrés » en entreprenant « une étude nouvelle et originale des rapports sociaux d’autorité, de plus en plus contestés et à transformer profondément ». Il exprime à nouveau sa préoccupation pour l’image du ministère et souhaite « redresser le courant d’opinion défavorable où convergent à l’encontre de la Rue de Rivoli les mécontentements de toutes origines ». Selon lui, « la création auprès du Ministre d’un organisme consultatif des usagers des services financiers pourrait également, avec d’utiles suggestions, offrir un exutoire à beaucoup de reproches informulés et améliorer de ce fait la renommée fâcheuse du Ministère ».
18Plus concrètement, Huet propose trois « études générales »30. La première devra porter sur les missions et l’organisation prospective des directions générales à services extérieurs (Comptabilité publique, Douanes, Impôts, Prix et Concurrence), sous le nom de « Structures 85 ». La deuxième étude concernera les méthodes de travail et la coordination des services à l’administration centrale et la troisième, l’organisation de l’information au sein du ministère31. Il propose aussi une « étude fondamentale », qui « vise à une connaissance plus scientifique des relations établies entre l’administration et les administrés, de leur nature, de leurs formes, de leurs motivations, mais aussi de leurs défauts, de leurs lacunes, éventuellement de leur anachronisme ». Pour ce faire, il propose la conclusion d’un contrat de recherches avec un laboratoire en sciences sociales : « cette étude déborde les moyens du ministère et de la Mission. Aussi a-t-il été nécessaire de consulter à son sujet le spécialiste français le plus réputé de la sociologie et de la psychologie administratives, avec l’équipe duquel la méthode la plus économique et la plus efficace est certainement de passer un contrat d’étude, d’objectifs et de moyens bien définis. Michel Crozier avec lequel j’ai donc eu plusieurs entretiens a finalement accepté cette formule d’étude sur contrat, à réaliser dans le cadre des services extérieurs, en accord avec les directions concernées et avec l’aide de leurs échelons centraux. Le contenu et le coût d’une pré-étude exploratoire dans deux ou trois départements convenablement choisis ont été précisément définis, et le contrat établi à cette fin sera prochainement soumis à la signature du ministre ».
Des études-pilotes RCB en nombre restreint
19À partir des suggestions des directions, il propose une série d’études-pilotes mobilisant les techniques RCB32. Sont envisagés les sujets suivants : la refonte du réseau des perceptions, véritable serpent de mer de la réforme administrative aux Finances ; la rationalisation du traitement des dossiers économiques soumis au FDES (direction du Trésor) ; la politique immobilière du ministère ; la taxation de la viande et ses incidences économiques ; une étude coût-efficacité portant sur un investissement économique d’équipement collectif tel qu’un marché-abattoir33 et une dernière étude sur l’organisation des laboratoires du ministère. À cette liste, viennent s’ajouter des travaux plus ponctuels, répartis sous quatre grandes rubriques (gestion, décision, tutelle, information et formation)34. Cette liste d’études à mener frappe par sa modestie et témoigne du scepticisme des directions, il ne concerne que quelques directions (CP, DGCCIP, DPSG) et n’a aucun caractère transversal ni multidirectionnel.
20Ce programme est néanmoins approuvé lors d’un entretien accordé à Huet par le ministre Ortoli le 30 octobre 1968, puis par une note du 25 novembre 1968. Lors du retour de Valéry Giscard d’Estaing Rue de Rivoli en juin 1969, Huet présente à nouveau les inspirations et les objectifs de la RCB aux Finances et fait un premier bilan des actions RCB engagées35.
Réformer le MEF par les sciences sociales
21Le programme de travail de la Mission RCB a, depuis l’arrêté originel de Michel Debré, deux axes principaux : définir les grandes missions du ministère et les moyens de leur réalisation ; lancer des études RCB appliquées au ministère en utilisant « les techniques modernes de gestion ». Sans négliger les études coûts-avantages listées plus haut, c’est à la première commande que Huet va consacrer l’essentiel de son énergie pendant trois ans. Il veut en effet réaliser une « photographie » du ministère36, qui ne soit assimilable ni à un rapport de l’inspection des Finances ni à un manuel de finances publiques ou de droit administratif37, qui prenne en compte autant les services extérieurs que l’administration centrale et surtout, qui ne soit pas centrée sur le passé ou l’existant mais qui comporte une forte dimension prospective38. Pour cela, il rompt avec les méthodes traditionnelles des corps de contrôle et convoque les sciences sociales en plein essor39.
Philippe Huet et les sciences sociales
Au cœur du « mal bureaucratique », les directions à services extérieurs
22La priorité de Huet, on l’a dit, va aux directions dotées de services extérieurs qu’il considère comme les plus atteintes par le mal bureaucratique. De fait, depuis 1960, ces directions constituent un chantier permanent de réorganisation, qu’il s’agisse de son ancienne direction des Enquêtes économiques et des Prix réorganisée plusieurs fois entre 1962 et 1965, de la direction générale des Impôts dont les services centraux ont été fusionnés en 1960 et dont les services extérieurs sont en cours de fusion depuis 1968, ou des services du Trésor public dont la rationalisation s’étire depuis le rapport de la Commission de réforme administrative installée en 1959 par Michel Debré alors Premier ministre40. Nommé ministre des Finances, ce dernier a commandé à l’été 1967 un rapport à Claude Gruson sur les services financiers, puis en janvier 1968 une étude RCB à la direction de la Prévision sur la rationalisation du réseau des perceptions. Cette commande, favorisée par le passage de Jean Sérisé de la direction de la Comptabilité publique à la Prévision, entamée en avril 1968 et relancée en septembre 1968, constitue la première réalisation de la RCB aux Finances41. L’étude, sur la base d’un modèle mathématique, propose une méthode pour déterminer la meilleure localisation possible des postes de perception sur le territoire et vise à éclairer les décisions de fermeture de perceptions rurales au profit du renforcement des postes comptables urbains. À cet outil micro-économique, Huet veut opposer des approches plus « humanistes ».
« L’étude Crozier » dans les services financiers 1968‑1969
23Philippe Huet prend contact avec Michel Crozier à l’automne 1968, probablement par l’entremise de son beau-frère, Jean Ripert, membre du Club Jean Moulin. Le contrat avec le Centre de sociologie des organisations (CSO) est signé en décembre via l’Association Marc Bloch42 pour une durée de six mois (janvier-juin 1969) et s’insère dans le programme de recherches de Michel Crozier, L’administration face au changement. En 1968, Michel Crozier est sans doute le sociologue français le plus connu au ministère des Finances43. Depuis ses premiers travaux dans les années 1950, il apparaît comme l’un des rares sociologues français à s’intéresser aux administrations publiques (Anciens combattants, Agence comptable des Chèques postaux). Pour son ouvrage Le Phénomène bureaucratique (Le Seuil, 1963), il a travaillé sur le SEITA, établissement industriel et commercial qui dépend du ministère des Finances et, en 1964-1965, il a lancé un vaste programme de recherche sur L’Administration face au changement. Il est aussi l’un des sociologues les mieux introduits aux Finances. Membre du Club Jean Moulin, il y rencontre des membres du Commissariat général au Plan (Jacques Delors, Yves Ullmo, Jean Ripert, futur directeur général de l’INSEE), mais aussi de nombreux hauts fonctionnaires issus des Finances comme François Bloch-Lainé, Claude Gruson, Simon Nora, Yves Bernard ou Jean Saint-Geours. En 1966, il a bénéficié de financements importants de la part de la direction du Budget via la MSH de Fernand Braudel dans le cadre du Groupe de recherche sur les administrations centrales44. En mars 1968, son nom est retenu pour faire partie du Groupe central de RCB et il sera maintenu en 1971 dans la Commission interministérielle de RCB sous Valéry Giscard d’Estaing. Ses engagements politiques le positionnent au centre gauche, mais restent acceptables aux yeux du ministre des Finances de l’époque, qu’auraient sans doute rebuté les options marxisantes ou plus contestataires de certains de ses contemporains (Alain Touraine, Pierre Bourdieu). Michel Crozier est également auréolé de ses différents séjours aux États-Unis et de sa connaissance des universités américaines. Or, les membres du cabinet de Michel Debré ont les yeux rivés sur les États-Unis, que ce soit pour la gestion de l’État (le PPBS de Mac Namara), pour le système fiscal (les innovations de l’administration Kennedy) ou pour la gestion des entreprises ou l’enseignement de la gestion (les Business Schools, la création de la FNEGE et de l’université de Dauphine)45.
24De cette « étude Crozier », comme il l’appelle familièrement, Huet escompte principalement « deux produits » : « la définition des difficultés et des tensions lors de l’établissement de nouvelles méthodes »46 et « la compréhension des problèmes posés aux agents de l’administration par la transition menant à des structures mieux adaptées à un environnement évolutif »47. De leur côté, reformulant la commande, les chercheurs du CSO veulent surtout « comprendre et analyser la dynamique sociale qui préside aux échanges et aux régulations entre l’organisation et son environnement », ainsi que « les rapports existant au niveau départemental entre les anciens segments territoriaux du ministère et l’environnement des “décideurs” locaux »48. La recherche se situe d’emblée au plan théorique sur le terrain de l’articulation entre pouvoir central, (nouveau) pouvoir régional et pouvoir local et sur l’évaluation des capacités de décision et d’action dont disposent les agents au sein de ce « système d’action » complexe.
25Les deux chercheurs sollicités sont François d’Arcy49 et Pierre Grémion, chargé de recherches au Groupe de sociologie des organisations, qui travaille à l’époque avec Jean-Pierre Worms sur le pouvoir régional50. Ces sociologues ayant travaillé pour leurs propres enquêtes en Champagne et en Aquitaine, il est décidé que deux départements de ces régions, l’un urbanisé et proche de Paris, la Marne, l’autre rural et traditionnel, le Lot-et-Garonne, seront les deux départements-pilotes de la pré-enquête Finances. Les enquêtes de terrain démarrent respectivement en mars et en avril 1969 dans les trois administrations sélectionnées51 : Prix, Impôt et Trésor Public et s’achèvent en juin 196952. Le projet donne lieu à un premier exposé d’étape le 18 avril 196953, à une première restitution orale le 30 septembre 1969 et à une première note de synthèse des deux chercheurs54.
26Cette note d’étape, qui fait ressortir bien des traits du « phénomène bureaucratique », relève en préambule l’importance de la règle et l’absence d’accommodation locale dans les services financiers urbains. Si elle met en valeur le statut de notables des cadres des Finances en milieu rural, elle souligne aussi que le modèle notabiliaire (compétence, intégrité, conscience professionnelle, forte insertion sociale) est fortement déstabilisé par l’urbanisation et l’exode rural. Il s’ensuit en ville un nouveau mode de relations de plus en plus « anonyme », « bureaucratique et aveugle » avec les administrés, alors que les problèmes et les tâches s’alourdissent et se complexifient sans cesse (le centre est mis en cause, et en même temps, il est regardé comme le seul capable de prendre les décisions). Alors que la société française devient majoritairement urbaine et industrielle et que, dans cette configuration, le pôle préfectoral apparaît désormais comme le principal moteur de dynamisme et d’impulsion économique, les sociologues observent un isolement croissant des services des Finances qu’ils décrivent comme des services régis par la tradition, hiérarchisés, segmentés, cloisonnés, étanches, en retrait de la vie économique… Les deux chercheurs concluent à un système rigide et bureaucratique, fondé sur la défense de la règle, sans grand contact avec l’environnement social et sa modernisation, atteint par « les dysfonctions qu’entraîne le passage d’une société rurale à une société urbaine » et traversé par une contradiction forte entre ses attributions traditionnelles et ses nouvelles missions centrées sur l’action économique. Ils posent le problème du changement et de l’adaptation au rôle que le centre veut faire jouer aux acteurs financiers locaux, notamment en matière de développement économique. Pour que cette nouvelle mission ait des chances de réussir, il faudrait, selon eux, créer de nouveaux relais dans ce nouvel environnement urbain, tout en conservant l’ancien réseau de relais de la société rurale, avec le risque d’accroître l’isolement des services comptables et fiscaux et de rendre plus difficile leur adaptation. Ce diagnostic « photographie » une situation historique bien déterminée. Du côté du Trésor public, suite au décret du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs du préfet, la mise en place du rôle économique du trésorier-payeur général n’en est encore qu’à ses débuts55. Et du côté des Impôts, la fusion des services extérieurs des trois régies financières vient tout juste d’entrer en vigueur (au 1er janvier 1969).
27Le Rapport final est remis à la Mission RCB à la mi-octobre 196956, puis de façon fractionnée en décembre 1969 aux directions concernées, ainsi qu’au cabinet. Chaque direction ne reçoit que le chapitre qui la concerne. Les conclusions du rapport général confirment les « dysfonctionnements » du système financier local liés au « passage d’une société rurale à une société industrielle et urbaine »57 : respect de la règle qui engendre le formalisme, l’irresponsabilité et l’impunité de l’ordonnateur ; perte du statut notabiliaire pour les cadres financiers et appauvrissement des rapports sociaux entre administration et administrés ; complexité croissante de la législation et apparition de contre-experts concurrents ; isolement et trop faible insertion des responsables financiers départementaux dans le tissu économique régional58 ; faiblesse du rôle coordinateur du trésorier-payeur général auprès des services départementaux du ministère et cloisonnement vertical des administrations financières ; rôle pivot et dominant du préfet au niveau local. Revendiquant leur positionnement de chercheurs, les auteurs du rapport ne fournissent aucune mesure ni piste de réforme si ce n’est la création de nouveaux services, préconisation structurellement peu recevable par le ministère des Finances. « La conciliation des fonctions traditionnelles et des fonctions économiques élargies au sein des structures existantes ne semble pas possible. Introduire les exigences de la rationalité économique à l’échelon local exigerait donc la création de nouveaux supports institutionnels. (…) Sortir de cette contradiction est une tâche difficile et les résultats de la pré-enquête ne permettent pas de proposer les éléments d’une stratégie de changement ». Et les deux sociologues de préconiser de nouveaux travaux sociologiques sur « les transformations de l’environnement social » et sur la recherche prospective de « nouvelles régulations sociales en milieu urbain ».
28Quel accueil a-t-il été réservé à cette étude dont Huet attendait beaucoup ? Au sein de la Mission RCB, les réactions ont été mitigées, comme dans les directions concernées. Un accueil favorable à la direction générale des Impôts par Dominique de La Martinière59, qui, selon Huet, se serait inspiré des conclusions pour « examiner de façon rationnelle les éléments et les conditions d’une politique à long terme du personnel et des effectifs »60. Un bon accueil également à la direction générale du Commerce intérieur et des Prix avec Jean-Pierre Fourcade61, qui a pu lire dans les conclusions des auteurs la confirmation des changements introduits récemment dans sa direction par son prédécesseur et lui-même. En revanche, Jean Farge, directeur de la Comptabilité publique62, dont les services sont en réalité l’objet principal de l’étude Crozier, se serait montré plus réservé, niant toute difficulté de fonctionnement63 : « la direction fonctionne comme une horloge », se souvient Pierre Grémion64. Philippe Huet, commanditaire personnel de l’étude, parle dans le Rapport final de 1971 de « résultats contestables », sans en dire plus65. Le rapport de pré-enquête n’est pas diffusé66 et la seconde phase extensive de l’enquête, prévue au départ par la Mission RCB et le CSO, n’a jamais eu lieu. Dans son Rapport final, Huet, visiblement déçu, émet le regret de n’avoir pas pu faire plus d’études de sociologie. Le cabinet ou les directions se seraient-elles opposées à la poursuite de l’enquête ? Nulle source écrite ne nous permet pour l’instant de conclure sur ce point. Quoi qu’il en soit, selon Huet, cette étude a permis un regard « différent » et a donné aux directeurs concernés « un écho quelque peu inhabituel des problèmes d’insertion de leurs services de base, écho différent de celui qu’ils perçoivent à travers le système d’information hiérarchique »67.
29Réalisée sur l’initiative personnelle de Philippe Huet et dans un contexte historique bien particulier (post Mai 1968), « l’enquête Crozier » ne connaît pas de suites Rue de Rivoli68, contrairement à ce s’est produit dans d’autres ministères comme l’Équipement (Jean-Claude Thoenig), l’Intérieur (Catherine Grémion) ou l’Industrie (Erhard Friedberg) ; il faut attendre le tournant des années 1980 et 1990, dans un tout autre contexte, pour voir resurgir quelques enquêtes sur les services des Impôts et leurs usagers69.
Structures 1985 ou l’impossible « attitude prévisionnelle »
30En parallèle de « l’étude Crozier », Huet propose un travail de réflexion prospective aux quatre directions à services extérieurs (Impôts, Comptabilité publique, Commerce intérieur et Prix, Douanes). Préparé par la Mission RCB au premier trimestre 1969, mené cette fois-ci en interne, ce projet dénommé Structures 1985 vise à réfléchir aux évolutions à long terme de ces directions et à l’adaptation de leurs moyens aux nouveaux objectifs fixés par les pouvoirs publics. Cet intitulé s’inspire du groupe Horizon 1985, lancé en 1962 au Commissariat général au Plan par Pierre Massé70. Huet n’y a pas participé, mais les études statistiques et prospectives l’ont toujours intéressé71. Conformément à la méthode prospective, l’objectif du groupe de travail Structures 1985 consiste à se projeter dans l’avenir (20 ans), à élaborer des « structures d’objectifs » pour les services, en identifiant les principaux aléas et les principales contraintes externes qui s’imposent à l’action administrative, et à déterminer les indicateurs et les moyens qui seront nécessaires (structures, personnels, méthodes de travail, informatique, etc.)72. Selon Huet, la direction générale des Impôts et la direction générale du Commerce intérieur et des Prix auraient joué le jeu, pendant que la Comptabilité publique se serait moins impliquée73. Dans sa note au ministre le 30 octobre 1969, le chef de la Mission avoue que l’étude Structures 1985 est au point mort. D’après Bernard Gheux, qui a fait son mémoire de DES sur la RCB au ministère des Finances en 1970 et fera par la suite carrière aux Impôts, l’étude n’aurait été effectuée qu’à moitié, à savoir imaginer la structure des services selon diverses hypothèses politico-économiques à quinze ans, mais la partie concernant les moyens n’aurait jamais été abordée74. D’après les archives Auberger, l’échec de ce projet est assumé publiquement par Philippe Huet, notamment au cours des stages RCB75. « L’attitude prospective » semble s’être heurtée à l’annualité budgétaire et à une impossible prévision à long terme, au désintérêt des cadres dirigeants du ministère, à la méfiance des directions et des syndicats…
Entrer dans la « boîte noire » de l’administration centrale des Finances : l’enquête‑questionnaire
31Mais c’est à l’administration centrale que Huet a finalement consacré la part la plus importante de son attention. Pour pénétrer cette « boite noire », mal connue76 et jalousement gardée par la direction du Personnel et des services généraux, Huet a choisi d’avoir recours là encore aux méthodes des sciences sociales, et plus précisément à l’enquête par questionnaire, mais en prenant bien soin cette fois-ci de la mener entièrement en interne avec son équipe.
Les objectifs de l’enquête‑questionnaire77
32Récusant le modèle de la mission de contrôle traditionnelle, Huet souhaite donner la parole aux acteurs administratifs eux-mêmes ; il s’agit d’obtenir « une description par les intéressés eux-mêmes de leurs objectifs, activités, moyens ». Dans cette idée, on peut discerner l’influence de Michel Crozier78, notamment dans l’importance accordée aux représentations des acteurs, à leur participation et à leurs jugements de valeur. Mais le contexte historique joue lui aussi un rôle décisif : après les événements de Mai 68, dans certaines directions des Finances, un véritable besoin s’est fait sentir de remettre à plat l’organisation du travail en sollicitant la parole et la collaboration des agents. Cette demande est particulièrement forte dans les directions les plus touchées par la contestation politique et sociale, dans les directions les moins hiérarchiques et les moins conformistes, qui sont aussi celles pour lesquelles les problèmes de débouchés et d’évolution de carrière sont les plus difficiles, comme la Prévision79 ou l’INSEE80 ; de fait, ces dernières se sont livrées, par voie de questionnaires, à un auto-examen de leurs missions et de leur fonctionnement. Philippe Huet, proche de Jean Sérisé directeur de la Prévision et de Jean Ripert directeur général de l’INSEE, a pu avoir l’idée d’étendre cette interrogation à l’ensemble de l’administration centrale. Quoiqu’il en soit, l’air du temps est à l’enquête par questionnaire, dans les sciences sociales comme dans les cabinets de consultants français ou américains81.
33Mais l’enquête-questionnaire voulue par Huet ne poursuit pas au premier chef un objectif sociologique, elle a avant tout un caractère managérial et organisationnel. Les buts officiels définis par Huet sont de deux ordres : d’un côté, à l’échelon individuel, la « sensibilisation de chacun à la notion d’objectifs »82 et de l’autre, à l’échelon du ministère, l’« élaboration ultérieure par la Mission d’une structure cohérente et hiérarchisée des objectifs poursuivis par le ministère dans l’exécution de ses grandes missions » susceptible de servir de base à l’élaboration d’un budget de programme (cf. la notice générale accompagnant le questionnaire). Il s’agit aussi de clarifier les organigrammes des directions, de faire apparaître les doubles emplois et les défauts d’organisation ou de structure. L’originalité tient sans doute à la volonté de Huet d’utiliser une méthode from the bottom up. « Il est vain de partir du haut pour ordonner une structure d’objectifs qui soit autre chose qu’un organigramme de justification plaqué sur une réalité assez éloignée de toute ordonnance et souvent tout à fait incohérente. Nous devons faire éclater cette incohérence et la rendre sensible à chacun et donc partir de la base. Mais il faut aussi donner le désir et le moyen de rétablir la cohérence c’est-à-dire indiquer ce que peut être une structure d’objectifs et demander à chaque échelon hiérarchique d’exprimer ses objectifs jusqu’aux buts rattachés à des missions générales au niveau du directeur »83. Le « cheminement » doit donc partir de la base pour se terminer au sommet84. Selon les notes de Bernard Auberger prises en 1969 lors d’une conférence de Huet85, l’enquête-questionnaire a quatre buts : définir les objectifs collectifs et individuels des unités successives de la pyramide hiérarchique ; définir les attributions de chacun ; connaître les liaisons internes et externes entre les agents et les bureaux ; avoir l’avis de chacun sur son travail (moyens suffisants, définition précise des tâches, documentation, recyclage)86.
34Mais il existe aussi des objectifs « officieux », non explicités dans la Notice générale, qui s’expriment dans les débats internes de la Mission. Selon le compte rendu de la réunion du 12 novembre 1968, par exemple, le but du questionnaire « c’est de faire un choc, d’amener chacun à réfléchir sur ce qu’il fait, la manière, en coopération avec qui, par quels canaux, allers et retours, comment son produit sort de sa cellule pour arriver où ? »87. D’un point de vue de la gestion du ministère des Finances, il s’agit de construire un « organigramme réel » du ministère, de mesurer la productivité des services et les coûts de gestion interne, de re-répartir les personnels, d’établir des indicateurs du degré de réalisation des objectifs, de visualiser les liaisons et les circuits, d’identifier « les circuits aberrants », d’établir une hiérarchie des responsabilités, entre directions centrales et services extérieurs88.
35Enfin, les considérations de compétitivité administrative internationale ne sont pas absentes des préoccupations du directeur de la Mission qui établit le benchmarking des systèmes d’allocation budgétaires dans les grands pays du monde occidental et souligne la concurrence accrue des systèmes financiers publics internationaux en termes de productivité administrative89.
La réalisation de l’enquête : méthodes et outils
36La responsabilité de l’enquête-questionnaire est confiée dans un premier temps en septembre 1968 à Jean Gonot, inspecteur des Finances, ancien chef de service à la direction générale des Prix, puis à partir de 1969 à Geoffroy d’Aumale, polytechnicien, spécialiste de la programmation budgétaire. Pour la rédaction du questionnaire, ce dernier s’entoure d’un groupe de travail90, composé d’Auberger, Brioudes, Vigouroux et Aussédat, et prévoit de demander conseil à l’INSEE91. Pour le dépouillement des questionnaires, en dépit du petit nombre d’agents de la Mission RCB, pour des raisons de confidentialité, il est décidé de fonctionner « en interne »92 ; une tentative est faite avec le SCOM, mais reste sans suite. Pour l’exploitation informatique, Geoffroy d’Aumale pense à l’INSEE, à HEC (en time-sharing) puis se tourne vers les directions du ministère équipées de moyens informatiques ; le partenaire informatique sera finalement la DGI.
37En ce qui concerne les méthodes d’enquête93, l’interview orale (modèle Crozier) et le questionnaire anonyme (modèle Darbel) sont successivement discutés puis réfutés94. Le questionnaire sera écrit et nominatif. Dans le cahier des charges, l’une des difficultés vient de ce que le questionnaire doit être appliqué à la totalité des 2 300 agents de l’administration centrale, ce qui conduit à demeurer dans les généralités, sans pouvoir descendre dans le détail technique d’une direction. Les concepts utilisés font l’objet de débats animés : « attributions », « objectifs », « fonctions », « activités ». Certains n’avaient jamais été définis rigoureusement, comme « attributions » par exemple, pas même au SCOM. Le choix est finalement fait d’« un questionnaire participant », où la « définition des objectifs est concertée à chaque niveau » et doit donner lieu à un dialogue entre l’agent et son supérieur hiérarchique. Suite aux remarques du groupe de test restreint95, des questions sont supprimées concernant l’identification de l’enquêté (administration d’origine de l’agent, diplômes et formation, durée du poste, nom du supérieur hiérarchique96). Lors du test général, la partie « Identification » est donc considérablement allégée et limitée aux indications suivantes (nom, groupe d’âge, appartenance au service, localisation géographique, appartenance au corps et grade), privant du coup l’enquête de corrélations importantes avec les origines administratives, les formations, le niveau de diplôme et les corps. La méthode choisie a donné lieu à de nombreux débats, en interne au sein de la Mission comme en externe, avec des cabinets spécialisés ou avec les sociologues de l’équipe Crozier97.
38Le calendrier de l’enquête s’est étiré sur plus de deux ans98. La phase préparatoire (élaboration du questionnaire, rédaction des notices explicatives, etc.) a duré jusqu’en février 196999. Par une note du 27 janvier 1969, Huet soumet l’enquête-questionnaire au ministre. Le même jour, François-Xavier Ortoli en autorise le lancement « immédiat », approuve le questionnaire et la notice d’utilisation mise en pièces jointes. Entre février et mai 1969, le questionnaire est testé sur dix administrateurs100, puis sur un échantillon de cent personnes en mars-avril 1969101 (un bureau par direction102). Suite aux réunions tenues avec les correspondants des directions103, en juin 1969, le questionnaire est mis au point définitivement, ainsi que la notice générale explicative de treize pages104. Au cours du mois d’août 1969, l’impression des documents est réalisée en août par l’Imprimerie nationale105 tandis que sont envoyées aux directeurs les premières circulaires d’annonce du lancement de l’enquête, signées par Huet le 31 juillet 1969. Les questionnaires sont adressés le 15 septembre 1969 à tous les cadres A de l’Administration centrale des Finances, soit 18 services, 2 300 personnes (administrateurs civils et attachés d’administration), auxquels il faut ajouter une centaine d’agents du Centre français du Commerce extérieur qui réclame en janvier 1970 d’être associé à l’enquête106. Un correspondant est désigné dans chaque direction. La distribution du questionnaire se fait « par la voie hiérarchique » et son retour doit être précédé d’une discussion et d’une concertation entre agents et responsables hiérarchiques, notamment sur la question des objectifs. La date-butoir de réponse est fixée au 1er novembre 1969. En janvier 1970, 1 800 questionnaires sont revenus à la Mission RCB107. Pour des raisons de coûts et de confidentialité, le dépouillement et la codification108 des questionnaires se font au sein de la Mission RCB, sous la direction de Geoffroy d’Aumale, avec une répartition des directions par chargé de mission (par exemple, Auberger reçoit les questionnaires de la direction du Trésor). Le traitement statistique des questionnaires est effectué par l’INSEE (cartes perforées et mécanographie lourde109) et la direction générale des Impôts fin 1969 qui met à disposition ses équipements informatiques (confection des tableaux statistiques110). L’exploitation qualitative des résultats se déroule tout au long du premier semestre 1970 au sein de la Mission.
39La notice d’utilisation du questionnaire est très instructive111. Selon les responsables de la Mission RCB, elle se veut « un document en marge des documents administratifs traditionnels », un support de dialogue entre l’agent et son supérieur hiérarchique. Il faut rappeler qu’à l’époque l’entretien annuel d’évaluation n’existe pas et que la « direction par objectifs » (DPO) que Philippe Huet affectionne particulièrement vient à peine de faire son apparition dans les entreprises publiques (Air France). Le questionnaire et sa notice explicative, l’entretien entre le supérieur hiérarchique et son subordonné, constituent, sans que le terme en soit prononcé, les premiers outils de management expérimentés au MEF en matière de gestion des ressources humaines et de communication interne. « Le questionnaire n’est pas seulement un moyen de collecter les données nécessaires à la réalisation de l’étude. Il est aussi conçu comme un instrument visant à retenir au mieux l’intérêt et solliciter au plus haut point la contribution active de tous ceux auxquels il s’adresse. Chacune des “fiches” qui le composent devra parvenir aux responsables de l’étude dans l’état où son rédacteur l’aura établie. Les observations ou divergences de vues des fonctionnaires d’encadrement appartenant aux niveaux les plus élevés de responsabilité seront consignées, si le besoin s’en fait sentir après les réunions, sur des documents distincts de la fiche de base ».
40L’objectif majeur, selon la notice, consiste à « améliorer l’information sur les tâches qui incombent à l’administration du ministère de l’Économie et des Finances, sur l’organisation des “forces” mises en place pour y faire place et sur le degré d’adéquation de l’une et de l’autre. Chaque agent devra se demander : “à quoi servent” mes attributions ? Ce faisant, il sera conduit à préciser son rôle dans l’organisation de la cellule à laquelle il appartient, ainsi que sa part dans les résultats de l’activité de son service d’affectation et de l’ensemble du ministère ». La notice vise donc à répondre au besoin de dialogue et d’information, au désir de partage de responsabilité et de travail en équipe que P. Huet prête aux administrateurs de la Rue de Rivoli, mais aussi à l’ajustement des tâches dans chaque bureau. Enfin, le rapprochement des informations individuelles « permettra de savoir et de faire savoir le nombre de personnes des divers niveaux de compétence, la nature et l’importance des moyens, le temps enfin, qui sont consacrés à l’accomplissement de chacune des grandes missions du ministère ». Et ainsi de mesurer l’efficacité administrative par comparaison entre résultats et objectifs.
41Le questionnaire est présenté sous deux formes, le formulaire A pour les agents sans responsabilités hiérarchiques112, en trois parties (vert, 19 pages) et le formulaire B113, en quatre parties (rose, 35 pages) pour les chefs de bureau et l’encadrement supérieur114. Le questionnaire, nominatif, est dans les deux cas très long et demande une demi-journée de travail. Les thèmes dominants du questionnaire portent sur la répartition des tâches entre les directions grâce à une cartographie des attributions, sur l’organisation du travail, les méthodes de travail et les « produits du travail » au sein des directions, sur les liaisons avec les autres directions centrales, sur les missions et les objectifs assignés à chacun et, pour finir, sur les moyens affectés à la réalisation de ces missions115. Plusieurs problématiques croziériennes affleurent entre les lignes du questionnaire : mesurer la connaissance des objectifs de l’organisation et la participation des agents à ces objectifs ; évaluer le poids des routines (la non-variabilité des objectifs) ; mesurer l’intégration des agents dans l’organisation ou au contraire leur isolement au sein du système administratif.
L’accueil de l’enquête-questionnaire par l’administration centrale des Finances
42Comme pour l’étude Crozier, l’accueil de l’enquête par les directeurs est mitigé116. Philippe de Montrémy117, pour les Douanes, exprime ses « réserves matérielles », mais s’exécute militairement118. Jean Farge, directeur de la Comptabilité publique répond méthodiquement119. Dominique de La Martinière, très intéressé par les questions de management et d’organisation, manifeste dès le départ sa motivation pour l’enquête-questionnaire, alors même qu’est entrée en vigueur au 1er janvier 1969 la « fusion des régies », c’est-à-dire la fusion des services locaux de l’Enregistrement, des Contributions directes et des Contributions indirectes, réorganisés autour du centre départemental des Impôts. Il est le premier à se déclarer candidat pour l’enquête120, demande l’introduction de questions spécifiques et fait imprimer un formulaire spécial pour sa direction générale (rouge et bleu)121. Enfin, il apporte son aide matérielle au dépouillement des questionnaires en donnant l’accès aux centres informatiques de la DGI. La direction générale de la Concurrence et de la Consommation, l’ancienne direction de Huet, moins ancienne, plus petite et plus souple du fait même de ses réorganisations continuelles depuis la Libération, serait, selon les dires des responsables de l’enquête, la direction qui aurait le plus rapidement tiré profit des résultats une fois communiqués et aurait mis la première sur pied un programme de travail pour la rénovation de son organisation et de sa gestion122. Le Conseil français du Commerce extérieur, qui fait binôme avec la DREE demande à participer au dispositif123. Quant à la direction du Personnel et des services généraux, elle a été associée dès la phase de préparation de l’enquête notamment par le biais de son bureau Organisation, mais, en dépit du soutien officiellement affiché par son directeur Jean Mascard124, elle considère sans aménité la Mission Huet, cet organe rival dirigé par un inspecteur des Finances, qui détient une compétence transversale sur la totalité de l’administration centrale et dispose de crédits consistants pour des travaux qui relèvent de ses attributions à elle : organisation, structures et missions de l’administration centrale, politique des personnels et des recrutements, communication externe, communication interne, formation et recyclage, informatique, gestion budgétaire, politique immobilière, relations avec les syndicats, etc. Enfin, alors que le Budget délègue avec bonne volonté dans les réunions de méthodologie « son » statisticien-sociologue, Alain Darbel, la direction du Trésor, tout à la fois condescendante, désireuse d’affirmer son particularisme et soucieuse de ne pas dévoiler ses « arrangements » internes, manifeste sa mauvaise grâce en retournant la dernière les questionnaires.
43Philippe Huet a par ailleurs dû déminer le terrain syndical. De fait, les syndicats (CGT, FO, CFDT, CFTC) s’opposent au principe du questionnaire nominatif125. Suite à la distribution du questionnaire en octobre 1969, les syndicats demandent une audience au chef de la Mission. FO et la CFDT envisagent une action commune pour protester contre le principe de non-anonymat et contre le fait que certaines directions n’envisagent pas d’organiser les discussions participatives et contradictoires prévues par l’enquête, comme le Budget notamment. D’autres s’insurgent devant certaines questions d’ordre « privé » comme la question sur « le temps de travail à la maison ». La CFDT s’oppose au principe d’un deuxième exemplaire du questionnaire conservé au sein de la direction et veut qu’il n’y ait qu’un seul exemplaire rempli, archivé à la Mission RCB, puis versé aux Archives (ce qui sera fait). Ils insistent enfin pour que le dépouillement soit confidentiel et soumis au secret statistique. Après avoir été rassurés en novembre 1969, les syndicats demandent à connaître les retombées de l’enquête et à recevoir les premiers tableaux chiffrés. Entre-temps, les discussions de concertation au sein des directions ont lieu, non sans créer quelques « tensions entre les agents » (selon les syndicats), mais les réticences syndicales finissent par s’estomper. P. Huet propose alors au cabinet du ministre de leur communiquer les premiers tableaux sur la répartition des agents par immeuble, les pyramides d’âge, la répartition par catégorie d’âges à travers les corps et les réponses touchant l’installation matérielle et le recyclage126. Ces tableaux seront communiqués aux syndicats le 18 décembre 1970, après accord du cabinet du ministre et de la direction du Personnel et des services généraux127 ; en revanche, tous les documents d’analyse resteront confidentiels, communiqués par la Mission RCB seulement au cabinet et aux directeurs.
Exploitations de l’enquête‑questionnaire
44Le 29 décembre 1969128, Geoffroy d’Aumale établit un premier bilan de l’enquête au sein des différentes directions. Certaines directions n’ont encore que partiellement répondu : la Prévision, l’INSEE, les Impôts, la direction du Budget. D’autres n’ont même pas commencé à répondre : la Comptabilité publique, le service d’Information, l’inspection des Finances, et la direction du Trésor, qui sera la dernière à répondre. Selon d’Aumale, il y a celles « qui ont joué le jeu de l’opération [et] en ont tiré profit » (la direction des Prix, les Relations économiques extérieures) et « celles qui ont refusé de s’y intéresser [et] l’ont considérée comme une perte de temps et n’ont pas tiré profit de la réflexion qu’imposaient beaucoup de questions ». Pour les premières, l’enquête a permis « une meilleure compréhension des objectifs poursuivis par les cellules hiérarchiques et la mise en évidence de certains problèmes de fonctionnement des services, problèmes souvent soupçonnés par la direction mais dont la preuve était difficile à établir ».
45Selon Huet, les « difficultés » de l’enquête ont été de trois ordres : celles tenant au questionnaire lui-même ; celles tenant à la procédure retenue et celles tenant à l’exploitation. Il y a eu en effet des problèmes de définition, de compréhension ou d’interprétation de certaines notions (attributions, objectifs) : certaines questions étaient mal posées, trop imprécises ou ambiguës. L’enquête a par ailleurs laissé de côté certains sujets centraux : par exemple, aucune information n’a été recueillie sur les travaux des services extérieurs ; d’autres thèmes, stratégiques, n’ont pas été abordés (rémunérations, carrière, commandement, qualité du management). Enfin, en raison du « biais hiérarchique » ou de « consignes trop directives », une « excessive prudence » a marqué les réponses : les « observations manuscrites » en parallèle du questionnaire, trop rares, en témoignent. En termes d’exploitation, la remontée des questionnaires par la voie hiérarchique s’est faite très lentement, jusqu’au 31 janvier 1970, voire mars 1970 pour le Trésor, entraînant un retard d’exploitation et de rendu. Le travail de codification pour le traitement automatique a été long et fastidieux (catalogue sur feuillets mobiles) et il a fallu un double traitement, automatique et manuel.
46À ces difficultés énoncées par Huet lui-même ou par ses collaborateurs, nous en ajouterons quatre autres : la position hors organigramme de la Mission RCB, dotée d’un simple statut consultatif, interdit toute ingérence ou contrainte sur les directions centrales ; son assimilation à l’inspection des Finances a pu provoquer de la part des directions centrales peu accoutumées à être contrôlées une forte réaction de défiance ; la succession des conseillers ministériels en charge de la RCB en un temps très restreint a également gêné la Mission Huet129 ; enfin, les aléas du contexte politique et social en 1968-1969 ont affecté le positionnement de la Mission RCB.
47Quoi qu’il en soit, les exploitations de l’enquête font l’objet de multiples « produits ». En premier lieu sont élaborés par l’INSEE des tableaux statistiques de synthèse sur l’ensemble des questionnaires, par direction et à l’échelle du MEF, sur les attributions, les conditions de travail, les facteurs d’efficacité au travail, la répartition par origine administrative, la répartition géographique des agents par immeuble, les pyramides des âges, la répartition par catégorie d’âges à travers les corps, l’installation matérielle, le recyclage, les moyens matériels, etc. Entre avril et l’été 1970, chaque direction reçoit les tableaux qui la concernent, tandis que la direction du Personnel et des services généraux reçoit en plus les tableaux transversaux concernant l’ensemble de l’administration centrale130. Dans un second temps, sont mises au point des études statistiques et qualitatives par direction (tableaux chiffrés, puis rapport de synthèse et liste de propositions de réforme pour chaque direction131). Le rapport de synthèse est diffusé au directeur concerné et donne lieu à une discussion contradictoire entre la Mission RCB et la direction intéressée132. Enfin, des études particulières, soit transversales à l’administration centrale des Finances, soit propres à certaines directions, sont réalisées. Par exemple, « Les problèmes du travail et du comportement des fonctionnaires du Département »133 ou « Problèmes relatifs à la direction du Trésor ». À partir des tableaux statistiques de l’enquête, la Mission RCB tente de procéder à des calculs de coûts des personnels par direction, mais elle peine à obtenir des informations sur les rémunérations des cadres A, notamment sur les primes dont la direction du Personnel et des services généraux refuse de communiquer le montant. Elle essaie aussi de déterminer les effectifs réels de l’administration centrale, en recoupant plusieurs sources documentaires différentes, les documents budgétaires, les sources de la direction du Personnel et l’enquête-questionnaire.
48De son côté, la direction du Personnel, qui a reçu un jeu des tableaux statistiques, exploite, elle aussi, en juin 1970, les questionnaires, grâce à son bureau Organisation et Méthode134, tandis que la direction générale des Impôts et la direction générale du Commerce intérieur et des Prix font de même pour leur propre compte. La DPSG commence par procéder au calcul de ratios par bureau et par direction, à partir des 1 748 questionnaires A collectés auprès des cadres de l’administration centrale. Dans sa note de synthèse, l’administrateur de la direction du Personnel indique que la notion d’objectif a été introduite « fort récemment au sein de l’administration » mais qu’elle est d’un maniement quotidien à la direction du Personnel. Il rappelle que la direction du Personnel s’associe aux objectifs de la Mission tels que l’élaboration « d’une structure d’objectifs », la « mesure des produits » de l’administration et des services, l’accroissement des responsabilités, l’amélioration du « climat et des conditions psychologiques du travail » et qu’elle espère « disposer d’un véritable organigramme détaillé du ministère (…) plus complet et éclairant que les organigrammes formels parus jusqu’à ce jour », « permettant de connaître avec précision les attributions des différentes unités administratives et plus utilement encore de retrouver l’unité compétente pour une attribution donnée ou la réalisation d’un objectif déterminé »135. La direction du Personnel indique qu’elle attend aussi de l’enquête une meilleure connaissance des services et des agents, ainsi que l’ouverture de débats et d’échanges d’informations. En effet, dès la fin 1969, elle tente de tirer plusieurs enseignements chiffrés : l’insatisfaction des agents en matière d’immobilier et d’installation (63 % de mécontents) ; l’isolement de certains agents (17 %) ; l’absence de recyclage pour au moins 80 % des agents ; la trop faible documentation et l’absence d’information horizontale… L’administrateur conclut : « Si l’on veut que cette entreprise statistique n’apparaisse pas fantaisiste et inutile, il nous faut maintenant nous substituer à la Mission RCB pour essayer de remédier à certains problèmes mis en évidence et qui nous concernent directement : l’information et la formation en matière de recyclage ; le recensement méthodique des besoins suivis d’un plan de réalisation en matière de matériel ; l’affectation de personnels subordonnés en priorité là où les besoins sont les plus évidents ». La direction du Personnel conclut également à la nécessité de monter « une documentation méthodique et complète par cellule de travail », de favoriser la circulation de l’information et d’organiser « le recyclage permanent des personnels ». « En tout état de cause, il ne faut pas en rester là (…), si l’on veut qu’une mentalité de manager s’épanouisse un jour à l’administration centrale de l’Économie et des Finances à tous les niveaux de la hiérarchie » (souligné par nous).
49Dernier type de « produit », la Mission RCB rédige des notes de propositions de réforme à l’échelle de l’ensemble du ministère, par exemple sur la création d’un Secrétariat général136, sur la suppression d’une direction ou une réforme organisationnelle comme celle de la direction du Budget137 ou celle de la Comptabilité publique. C’est ainsi qu’une importante réflexion a lieu au sein de la Mission Huet sur l’absorption d’une partie des activités de la Comptabilité publique par la direction générale des Impôts, dans le but notamment d’harmoniser les systèmes d’informations et de regrouper les activités d’assiette et de recouvrement. Dès l’été 1970, Huet propose au ministre de réunir ces activités dans un grand directoire de la Fiscalité, proposition qui, comme le rapport Cullmann de 1957 sur le même sujet, restera sans suite. Jusqu’à la tentative de fusion par Christian Sautter en 2000, et sa réalisation effective en 2010 (création de la DGFIP).
Bilan et « suites » de l’enquête‑questionnaire
50Quels sont les acquis de l’enquête-questionnaire ? Tout d’abord, le « portrait photographique » et analytique de l’administration centrale des Finances, commandé par Michel Debré au printemps 1968, a été réalisé. Les traits qui se dégagent des questionnaires individuels sont les suivants : une très grande « lourdeur hiérarchique (nombre excessif d’échelons de décision et organisation de l’administration centrale trop hiérarchisée) », « des cellules hétérogènes (dans leur taille, dans leurs attributions) », l’« exercice par l’administration centrale d’un trop grand nombre d’attributions de gestion qui pourraient être déconcentrées » et une « fonction de planification administrative peu développée (cellules de programmation trop peu nombreuses) »138. Le diagnostic général porté par la Mission Huet semble confirmer les thèses défendues par le Club Jean Moulin dans Pour nationaliser l’État139 et les analyses de Michel Crozier : l’excès de centralisation des décisions, la non-intégration de certains bureaux et la non-participation de certains agents placés trop loin des centres de décision, la non-connaissance des buts de l’organisation ou « le déplacement des buts », le cloisonnement étanche des directions et même des bureaux, l’isolement et l’anonymat des agents, l’irresponsabilité, l’éloignement du terrain et la méconnaissance des situations réelles concrètes, l’entretien du secret, la rétention ou la non-transmission des informations d’un service à l’autre, l’absence d’état-major et de fonction réflexive ou stratégique, la lourdeur des procédures hiérarchiques, la pénurie de moyens et l’indigence des locaux, l’absence de gestion des ressources humaines.
51Cependant, le portrait du ministère, peu avantageux, est lacunaire, car le questionnaire a évité soigneusement les questions des relations de pouvoir entre les différents bureaux ou groupes au sein d’une même direction, ainsi qu’entre les différentes directions au sein du système général de l’administration centrale, alors que nul n’ignore au ministère la stratification interne des directions et leur hiérarchisation à l’échelle de la Rue de Rivoli. D’autres sujets importants ont été laissés de côté tels que la reconnaissance des compétences et des talents, l’inégale gestion des carrières, des rémunérations, des primes et des débouchés d’une direction à l’autre, tout ce qui touche au statut général de la fonction publique, à la grille des corps, des fonctions et des rémunérations et de façon plus générale à la gestion de ce que l’on commence à appeler les « ressources humaines ». Le fait que la pratique du statut général des fonctionnaires (affectation par le rang du concours ou par hasard, absence d’adéquation entre les compétences, les missions et les talents ou les goûts, promotion à l’ancienneté, sans sanction ni récompenses, irresponsabilité, anonymat, etc.) puisse être un frein ou une gêne pour une gestion moderne et dynamique des administrateurs est un sujet débattu oralement dans les séminaires RCB des directeurs, mais ne fait l’objet d’aucun développement écrit. L’évitement est patent.
52Les données collectées par l’enquête-questionnaire constituent une source précieuse de connaissances pour le cabinet du ministre, pour la Mission RCB, et pour les directions elles-mêmes, notamment pour la direction du Personnel. Celle-ci ironise sur les résultats de l’enquête, mais compte bien s’en saisir et les retravailler en les croisant avec les résultats du recensement de l’INSEE de 1968. Quant à Huet, il se fait un devoir (un plaisir ?) de mettre au jour les dysfonctionnements des directions140. La tonalité très critique, abrupte, « donneuse de leçons » et très « corps de contrôle » des notes de synthèse puis du Rapport final a certainement indisposé plus d’un directeur.
53Au final, l’enquête-questionnaire a permis la rédaction de nombreuses études monographiques directionnelles141 ; elle alimente à partir d’avril 1970 l’écriture d’un Rapport final de près de 750 pages, dont les chapitres sont répartis entre les différents rédacteurs de la Mission142. Ce Rapport final, fruit du travail collectif d’une équipe d’administrateurs, de contractuels, de cadres des services extérieurs et d’inspecteurs des Finances pendant plus de trois ans de travail, est remis en décembre 1971 au ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing143.
54Le Rapport, à la fois « photographique » et prospectif, répond très directement à la commande de Michel Debré. Dans un premier volume, Huet définit les missions économiques, financières mais aussi sociales du MEF et son organisation optimale. Elles sont au nombre de quatre : le développement économique ; la direction financière et le contrôle de gestion des activités de l’État ; la prestation de service au bénéfice des collectivités autres que l’État ; la protection des intérêts des particuliers. Le second volume, qui s’intitule « La mission de gestion interne envisagée dans la perspective d’un management actif du département » fait accéder la gestion du ministère au rang d’objet d’analyse, de connaissance, d’investissement et de réforme. Cette cinquième mission de gestion interne est une mission d’allocation, de coordination, de soutien, d’appui et de logistique, qui ne relève pas de la politique gouvernementale, mais s’applique à l’instrument « ministère des Finances ». Au sein de cette mission, Huet distingue quatre fonctions principales : 1° « organiser les services et coordonner leur action » ; 2° « prévoir et gérer les moyens nécessaires » ; 3° « assurer par des méthodes de gestion moderne la programmation, l’orientation et le contrôle d’efficacité des activités » ; 4° « veiller à une bonne insertion de l’administration dans son environnement et à une amélioration de la qualité des relations administratives ». C’est à la fois le périmètre et les méthodes d’une direction du Personnel et des services généraux rénovée que Huet dessine, ou plutôt ceux d’un Secrétaire général élargi qu’il appelle de ses vœux.
La Mission RCB aux Finances : une commission de réforme administrative dédiée au MEF ?
55Le bilan des travaux de la Mission RCB des Finances fait apparaître fin 1971 une version atypique et décalée de l’acculturation de la RCB dans un ministère sectoriel. Bien plus qu’à une rénovation de l’action publique par les techniques mathématiques d’aide à la décision, les préoccupations et les réalisations s’apparentent davantage à un vaste programme de réforme administrative.
Des études analytiques RCB limitées
56Dans le projet initial de Valéry Giscard d’Estaing en 1965, les techniques RCB (recherche opérationnelle, calcul économique, études coûts-avantages) devaient servir à éclairer la prise de décision des responsables budgétaires ou politiques dans leurs choix des grands équipements, dans la répartition des investissements ou dans l’allocation comparée des ressources nécessaires à telle ou telle action publique. C’est principalement à la direction de la Prévision que revient cette mission, y compris sur les questions qui concernent directement le MEF : la politique fiscale, la politique financière (investissements, épargne, emprunts, le financement du logement, etc.). À l’échelle plus modeste de la Mission RCB, l’enjeu consiste à faire la démonstration que ces techniques sont applicables à un ministère régalien comme celui des Finances et à convaincre les autorités gestionnaires du ministère qu’elles ont une utilité administrative. Or, absorbée par l’enquête-questionnaire qui s’est révélée chronophage, composée principalement de cadres administratifs de formation littéraire ou juridique, la Mission Huet ne consacre en définitive qu’une faible part de ses forces aux études RCB à contenu mathématique ou micro-économique. Ce sont les contractuels économistes Saintville, Salem, Aussédat, Bonte et Montgolfier, sous la responsabilité de Bernard Auberger, inspecteur des Finances et ancien élève de l’école des Mines de Paris, qui se voient confier les études coûts-avantages aux Finances. Trois types d’études vont être menés, principalement au bénéfice (en concurrence de ?) de la direction du Personnel et des services généraux.
57Le premier concerne les projets immobiliers du ministère qui engagent à l’époque des budgets très lourds et pour lesquels une rationalisation des coûts est attendue. Sont mis au point deux modèles économiques immobiliers, l’un dénommé CITE, utilisé dans le cadre de l’étude coûts-avantages sur le déménagement du ministère de la rue de Rivoli et la réinstallation dans Paris des services centraux du ministère144 ; l’autre dénommé LOCO, destiné à la direction des Personnels et des services généraux et à la direction générale des Impôts pour la construction des nouveaux centres des Impôts dans le cadre de la fusion des régies financières décidée en 1968. Après la dissolution de la Mission Huet en 1971, une cellule de programmation immobilière se développera à la DPSG et se constituera en maître d’œuvre, non seulement pour le ministère, mais aussi pour l’ensemble des services de l’État145.
58Ensuite, la Mission RCB apporte son appui technique aux directions du ministère en réalisant pour leur compte des petits modèles économiques appliqués à des sujets ponctuels : un modèle anti-fraude fiscale pour la direction générale des Impôts, un modèle pour la direction du Trésor appliqué à la gestion de la trésorerie, un autre destiné à évaluer la rentabilité des investissements étudiés dans le cadre du FDES, un modèle pour la gestion chèques dans les trésoreries de la direction de la Comptabilité publique, un autre pour les Douanes (SOFIA), et enfin pour la direction du Personnel, un « modèle prévisionnel de gestion des personnels informaticiens » (GESPER) permettant de calculer, suivant les entrées et les sorties, le nombre de techniciens, ingénieurs, programmeurs à recruter, à former et à implanter à l’administration centrale dans les dix ans à venir en vue du développement de l’informatique au ministère.
59Enfin, au sein de la Mission Huet, Geoffroy d’Aumale est chargé de mettre en place une comptabilité des programmes d’études, une structure d’objectifs et une comptabilité jours-hommes afin de déterminer les activités et le coût d’une structure telle que la Mission Huet.
60Le bilan de la Mission RCB peut paraître mince en matière de calcul économique et d’études coûts-efficacité. De fait, les études RCB aux Finances n’ont pas eu l’ampleur d’études ministérielles aussi ambitieuses que l’opération Sécurité routière au ministère de l’Équipement ou l’opération Périnatalité au ministère de la Santé. Toutefois, il ne faut pas oublier que c’est la direction de la Prévision qui est la véritable chef de file des études analytiques et qu’elle assure d’ailleurs de nombreuses études à la demande des directions techniques du MEF (Trésor, fiscalité, prix et tarifs, etc.). Par ailleurs, le Budget et le Trésor ont veillé à importer directement les compétences d’ingénieur dont ils avaient besoin et à créer des cellules d’étude sous leur contrôle direct. La Mission Huet ne peut donc avoir qu’une fonction d’appoint et s’est positionnée soit sur l’élaboration de petits outils gestionnaires soit sur des sujets qui relèvent assez directement des attributions de la direction du Personnel et des services généraux.
L’ouverture du chantier de l’informatique
61À partir de 1971-1972, le lancement du chantier des budgets de programme révèle que doivent être réalisés de toute urgence des travaux préparatoires préalables, à caractère comptable et budgétaire. C’est ainsi que pendant que la direction du Budget est contrainte de se lancer en 1969 dans la rénovation de la nomenclature budgétaire, confiée à Raymond Meunier, ancien commissaire de l’Air et spécialiste de comptabilité analytique146, la Mission Huet se voit conduite à prendre en charge l’étude sur le recensement des nomenclatures utilisées au ministère des Finances, en association avec l’INSEE et la direction du Budget147. C’est également la Mission Huet qui prend la tête des travaux sur la rénovation des contrôles, en lien avec la direction de la Comptabilité publique et l’inspection générale des Finances148.
62Mais le chantier le plus lourd en enjeux financiers, organisationnels et gestionnaires est sans aucun doute le chantier informatique. Certes depuis le début des années 1960, la question de l’information est à l’ordre du jour, mais elle prend une acuité nouvelle avec le lancement concomitant du Plan Calcul et de la RCB, qui ont en commun au moins un objectif, la construction d’une informatique de gestion publique149. La Mission RCB, en la personne de Geoffroy d’Aumale, investit une partie de ses moyens dans la mise à l’étude et la préparation d’un vaste plan d’équipement pour le ministère des Finances et soutient la naissance d’une fonction « Informatique » à la direction du Personnel et des services généraux. Huet nourrit une véritable foi en l’informatique. Il voit dans le recours aux « ensembles électroniques de gestion » une nécessité pour la préparation des décisions, un moyen de rationaliser les tâches d’exécution et de faire des gains de productivité, un outil de gestion puissant en matière d’informations, le support d’une réforme de l’administration et la clef d’un accroissement de l’efficacité du ministère150 ; pour ce faire, il mobilise le cabinet et l’inspection des Finances.
63Une commission du développement informatique au ministère de l’Économie et des Finances est créée le 20 mai 1969, à l’initiative de la Mission Huet151. Elle est confiée à la présidence de l’inspecteur général des Finances Henri Chanet152. Cette commission de développement informatique (CDI) doublonne la commission de l’Informatique créée par Michel Debré le 16 avril 1968 pour étudier les projets d’équipement informatique du ministère en 1969-1971153. Aucune articulation entre les deux commissions ne semble avoir été prévue154. La nouvelle CDI est animée par Noël Aucagne, chef de bureau Informatique à la direction du Personnel et des services généraux155. Tout l’enjeu de cette commission réside dans le choix des équipements informatiques des grandes directions de gestion (DGI, CP), sachant que chacune d’entre elles a jusque-là fait ses choix de manière indépendante sans rechercher la moindre compatibilité ou articulation avec le système de sa voisine156. Grâce aux espoirs mis par Huet dans la réforme administrative par l’informatique157, la question informatique au ministère est propulsée sur le devant de la scène ministérielle et devient un enjeu de gestion tout à fait considérable158 : études des besoins, coordination des équipements à l’échelle du ministère, appels d’offre et passation des marchés avec les constructeurs, choix des équipements par les directions, cartographie de leurs implantations en province ou à Paris, compatibilité des équipements entre directions, satisfaction ou non des exigences du Plan Calcul, comparaison des coûts, recrutements et gestion des personnels informaticiens, constructions de centres départementaux informatiques, formation des personnels, contrats avec les cabinets de conseil, séparation et réorganisation des tâches d’exécution et de gestion, réforme administrative, etc. Les enjeux sont si considérables que l’on ne peut s’empêcher de penser que c’est précisément sur cette question de la politique informatique du ministère que des études RCB auraient dû être menées, afin de comparer les systèmes et les équipements alternatifs, de mesurer les coûts et d’évaluer les avantages de tel ou tel dispositif. Le cloisonnement des directions, le poids des choix d’équipements antérieurs, l’absence de coordination informatique à l’échelle du ministère, la trop lente mobilisation du cabinet du ministre sur ces questions, le retard pris dans la programmation des investissements, le sous-équipement de la Mission RCB et des directions concernées en ressources d’ingénierie expliquent que ces études coûts-avantages n’aient pu être menées comme elles auraient dû l’être. Les temps n’étaient sans doute pas mûrs…
Une tentative de « recyclage » des cadres Finances
64On a vu dans la partie II que Philippe Huet s’est fait le propagateur des « techniques modernes de gestion » à l’échelon interministériel. À l’instar du Commissariat général à la Productivité et du SCOM au tournant des années 1950 et 1960159, il s’implique d’abord dans la conception et l’animation des sessions et des stages RCB destinés au « recyclage » des cadres Finances160 et intervient auprès des directeurs de la Maison pour qu’ils autorisent leurs administrateurs à s’inscrire aux sessions de formation. De fait, les chefs de service refusent de voir s’absenter les administrateurs pendant trois jours, a fortiori une semaine ou même trois semaines. Huet supervise de près la sélection des candidats et prévoit des quotas par direction ; c’est également lui qui insiste pour que soient organisés des séminaires RCB réservés aux directeurs. Dès mai-juin 1969, il sollicite le relais de la direction du Personnel et du Centre de formation professionnelle et de perfectionnement (CFPP) pour l’organisation de stages spécialisés pour les administrateurs du ministère de l’Économie et des Finances. Il estime en effet le rythme de recyclage insuffisant pour le ministère, la direction de la Prévision qui est en charge des stages RCB à l’échelle interministérielle n’y suffisant plus. Le CFPP est opérationnel en 1970 et se fixe l’objectif d’un stage RCB par trimestre. De mai 1969 à juin 1970, 158 cadres du ministère ont été initiés à la RCB. À ces stages réservés aux Finances, il faut ajouter les stages organisés par la Prévision entre 1968 et 1970, soit environ 500 personnes. Le premier stage RCB de calcul économique pour l’administration centrale des Finances a lieu du 24 novembre au 5 décembre 1969161.
65Lucide sur la faiblesse des moyens de la Mission et désireux de démultiplier ses canaux d’influence et d’action, secondé par Bernard Auberger, Philippe Huet enrôle le service de l’inspection générale des Finances et tente de le sensibiliser aux problèmes de gestion, en suggérant de nouveaux thèmes d’enquête à caractère directement gestionnaire162 : les constructions immobilières, les coûts et rendements des services financiers (les points-travail et la question du barème de la Comptabilité publique) ; le calcul du prix de revient ; le contrôle financier ; les effectifs et leur répartition ; la rationalisation des implantations, le contrôle de la gestion des services (premiers tableaux de bord, premiers indicateurs de résultats), l’informatique. Huet demande des concours temporaires, des missions, des mises à disposition, des participations aux groupes de travail (immobilier, informatique, nomenclatures, indicateurs de résultats, personnels et recrutements, reproduction et reprographie) et il obtient que la réorientation des travaux de vérification et de contrôle dans les services extérieurs se fasse selon les nouvelles orientations gestionnaires.
66La Mission RCB, centrée à l’origine sur l’étude de l’administration centrale, grâce à son alliance avec le service de l’Inspection qui a dans ses attributions le contrôle des services extérieurs, se mue ainsi en mini-Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics dédié au ministère des Finances.
L’entrebâillement de la porte aux consultants
67Dernière activité de la Mission RCB en matière de gestion et de réforme administrative, le suivi du contrat McKinsey pour la réorganisation de l’INSEE financé par la Mission RCB163. Jean Ripert, directeur général de l’INSEE, familier de Michel Crozier au sein du Club Jean Moulin, fait dans ce contrat des choix exactement inverses à ceux de la Mission RCB. Alors qu’il dispose en interne d’importantes ressources intellectuelles en polytechniciens et en statisticiens, il a délibérément recours à un intervenant extérieur, le cabinet de conseil en organisation américain McKinsey164, qui vient tout juste de terminer son intervention au Bureau international du Travail à Genève. On se souvient que les représentants de McKinsey étaient présents au séminaire RCB d’Artigny pour les directeurs en février 1969. En contractant avec McKinsey, Ripert agit sans le savoir comme un autre directeur du ministère des Finances des années 1950, Roger Goetze, qui au tout début de son directorat, avait eu très discrètement recours aux services du cabinet français Planus pour sa propre réorganisation165. Mais le contexte a changé depuis les années 1950 et la défiance entre le ministère et les cabinets de conseil semble avoir laissé la place à une relation partenariale plus ouverte et plus intéressée. De fait, Huet entretient de bonnes relations avec les organisateurs privés, qu’il s’agisse de Jean Carteron directeur général de la SEMA et membre du Groupe central de RCB, de McKinsey, d’Octave Gélinier dont il lit les ouvrages, de la CEGOS, de Bernard Krief Consultants ou du Cabinet Pierre Driay166. Même le directeur du Budget y vient, avec un contrat en novembre-décembre 1970 avec la société STERIA en vue d’une étude sur l’automatisation des procédures d’élaboration et d’édition des documents budgétaires167.
Le grand mécano prospectif du ministère
Les propositions de Philippe Huet
68À l’été 1970, Philippe Huet établit, d’abord de façon fractionnée, toute une série de propositions de réforme pour l’administration centrale des Finances168 : la pérennisation de la Mission Huet et sa transformation en Secrétariat général à la Modernisation ; la disparition de la direction de la Dette Publique ; la création d’un sous-directeur chargé de l’épargne ; la réorganisation de la fonction fiscale au ministère ; une note importante sur le lancement d’un budget de programme pour le ministère des Finances ; une utilisation optimisée des sous-directeurs. Ces notes thématiques semblent être restées sans réponse du cabinet, mais la Mission est néanmoins prolongée d’un an, jusqu’au 31 décembre 1971. Le Rapport final de décembre 1971 rassemble l’ensemble des productions de la Mission pendant trois ans, réparties en deux gros volumes de plusieurs centaines de pages, appelés familièrement par la direction du Personnel et des services généraux « les classeurs noirs » : notes de réforme Huet, rapports antérieurs de F. Bloch-Lainé et C. Gruson169, rapports d’enquête sur les exemples à l’étranger170, compte rendu des groupes de travail, résultats statistiques de l’enquête-questionnaire, monographies directionnelles et propositions de réforme171. C’est une encyclopédie administrative à elle toute seule… Il s’en dégage des éléments ambivalents.
69Sans surprise de la part d’un Philippe Huet, qui a connu la Reconstruction des années 1950, la planification des années 1960, l’encadrement des prix et la mystique debréienne de restauration de l’État, la philosophie du Rapport reste marquée par la prédominance de l’intervention de l’État et par le rôle de conducteur de la croissance assigné au ministère de l’Économie et des Finances. L’objectif prioritaire reste celui de la poursuite optimiste de la croissance, ce qui n’est guère surprenant à une époque où l’INSEE annonce avec générosité pour 1970 des taux dépassant les 6 %172.
70Deuxièmement, d’un point de vue de vue administratif, en dépit de toutes ses déclarations d’intention et contre tous les avertissements de Michel Crozier, Philippe Huet continue de s’inscrire dans la poussée centralisatrice du ministère depuis 1945, dans la croissance quantitative des services et dans la concentration des pouvoirs économiques et financiers. Il propose ainsi l’absorption par le ministère de l’Économie et des Finances du ministère du Commerce et de l’Industrie173, ainsi que la fusion de la direction des Assurances et de la direction du Trésor174. Pour lutter contre le cloisonnement des directions techniques et pour mettre en place les structures de programmation, d’étude, d’expertise, de contrôle et de coordination qu’il estime nécessaire, il est conduit à recommander la création de nombreuses structures transversales ou horizontales supplémentaires, consultatives ou concertatives (directoires, conseils, comités, secrétaire général), nourrissant ainsi le mouvement de « bureaucratisation » et de centralisation qu’il dénonce par ailleurs. En développant comme ses pairs à la même époque, F. Bloch-Lainé, C. Gruson ou S. Nora, la classique distinction entre services de conception ou de mission et services de gestion, il alimente à son corps défendant un puissant mouvement de recentralisation et de reconcentration du pouvoir de décision, entretenant à son tour le « cercle bureaucratique » cher à son maître Michel Crozier.
71Pourtant, son discours porte bien la marque de son temps. Il laisse transparaître une incontestable aspiration à la liberté, à la responsabilité et à la personnalisation de l’autorité, à la coopération et à l’intégration, à la mobilité et à la souplesse, à la recherche du compromis et à la contractualisation, à l’effacement des frontières public-privé, au décloisonnement entre administrations publiques et entreprises, à la communication entre les groupes sociaux. Au carrefour de deux cultures administratives antagonistes, d’un côté l’ancienne administration hiérarchique, militaire, directive et autoritaire, celle des anciens rédacteurs et de l’ancienne Inspection, et de l’autre la « nouvelle administration », moderne, concertative, participative et contractuelle en train d’émerger, celle des énarques des années 1960 et des ingénieurs chargés de mission, Huet est à la croisée des deux cultures organisationnelles et administratives. Lui-même ambivalent, il aimerait dépouiller les vieux habits de l’inspecteur général des Finances pour se muer en manager public, mais il ne voit pas qu’il parle et agit en inspecteur des Finances dès qu’il investit le champ de la réforme de l’État.
Un accueil mitigé
72Selon Philippe Huet et ses collaborateurs175, ses propositions n’auraient pas reçu un bon accueil, que ce soit du côté des directeurs de la Rue de Rivoli ou du cabinet du ministre. Plusieurs éléments ont pu jouer en sa défaveur : le ton parfois très abrupt des préconisations, la nature des propositions de réforme, souvent dérangeantes, voire irrecevables176, l’échec de l’étude Crozier et de la démarche prospective, les relations peu confiantes entre Philippe Huet et Valéry Giscard d’Estaing, le dédain de Jacques Calvet directeur de cabinet du ministre, pur « budgétaire », à l’égard de la RCB, la proximité apparente des thèses de Huet avec celles du Club Jean Moulin, le contexte de concurrence politique entre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chaban-Delmas en 1969-1972… Quoiqu’il en soit, début 1972, Huet, en attente de poste de débouché, retourne à l’inspection générale des Finances, fait une brève incursion à l’OCDE (1972-1974) avant d’être nommé de 1974 à 1980 à la tête du SEITA (service d’exploitation industrielle des Tabacs et des Allumettes), terre historique du fayolisme et de la sociologie croziérienne. La boucle est bouclée.
Un héritage discret dans la moyenne durée
73Si l’on s’interroge sur les suites opérationnelles du Rapport Huet, force est de constater qu’elles n’ont pas été nombreuses, du moins explicitement. Du côté des structures, on trouve la création en 1972 du service des Pensions en lieu et place de la direction de la Dette publique, mesure recommandée par Huet, mais son étude était déjà bien avancée en 1971.
74Et pourtant, des initiatives discrètes sont prises ici ou là, témoignant de quelques rejets séminaux. À la direction du Budget, Renaud de La Genière, soucieux de muscler sa direction en capacité d’étude et d’analyse crée, en 1972, une sous-direction des Études qui dans un premier temps ne rassemble que quelques cellules disparates et mal coordonnées : Statistiques, Informatique, Nomenclature, RCB177. Très vite, devant l’ampleur des tâches de contrôle et de tutelle, la nécessité d’une rénovation plus drastique fait jour. Les propositions Huet sont reprises et retravaillées au plus haut sommet de la direction en 1973-1974 et inspirent plusieurs schémas de réorganisation et de réforme, en vue d’accroître la productivité et l’efficacité de la direction178. Finalement, la refonte totale ou presque de la direction du Budget, qui avait été récusée par Renaud de La Genière en 1971, mais préparée en 1974 par ses soins, se voit réalisée par le nouveau directeur Paul Déroche en 1975. La réforme vise d’une part à rompre avec l’extrême concentration du pouvoir budgétaire au sein de la seule première sous-direction du Budget et de l’autre, à résoudre les carences de la direction en termes d’information, de synthèse, d’analyse, d’étude et de programmation budgétaire. La réforme instaure une sous-direction de la Synthèse budgétaire et redistribue le pouvoir budgétaire dans l’ensemble des quatre sous-directions techniques, tout en conservant la sous-direction des Personnels civils et militaires en l’état179. Ces mesures de réorganisation, qui modifient plus de cinquante ans après sa création la structure historique de la direction du Budget, puisent en partie leur source dans le Rapport Huet, mais le nouveau directeur du Budget, Paul Déroche, s’abstient de toute revendication de filiation et se contente de mettre en avant des considérations d’efficacité et de gestion interne.
75C’est sans doute à la direction du Personnel et des services généraux (DPSG), dirigée par Jean Mascard, né comme Philippe Huet en 1921, énarque et ancien administrateur du Budget, que l’héritage de la Mission connaît la plus grande postérité. La DPSG prend en effet le relais de la Mission RCB pour la formation continue et le recyclage des agents180, grâce à la rénovation du Centre de formation professionnelle et de perfectionnement et à la proposition d’autres filières de formation telles que le CEPE ou le CESMAP pour les fonctionnaires les plus économistes. Le management entre dans les programmes de perfectionnement des cadres du ministère, modifiant le regard des administrateurs des Finances sur les entreprises, atténuant progressivement l’idée selon laquelle l’étanchéité serait totale entre les deux secteurs, public et privé. Mais l’héritage de la Mission Huet ne se limite pas au lancement d’une politique de formation continue jusqu’alors limitée à la préparation des concours administratifs, il se prolonge dans la structuration et la modernisation de trois autres fonctions, jusqu’alors considérées comme secondaires : la fonction « Immobilier », la fonction « Informatique » et la fonction budgétaire, avec la mise en place du budget de programme à la fin des années 1970. L’héritage direct de la Mission Huet ‒ s’il y en a un ‒ se situe sans doute là, dans la prise de conscience de l’intérêt de la fonction « Organisation et Programmation »181, dans la croissance de la fonction « Gestion » au ministère des Finances, dans le développement des fonctions d’appui et de support de la direction du Personnel et des services généraux, qui désormais souhaite agrandir son territoire d’origine jusqu’au périmètre dessiné par Huet pour le Secrétariat général182 : la coordination des politiques de personnel, la gestion des ressources humaines, l’organisation du travail, l’informatisation des services, les constructions immobilières, l’information et la documentation, la communication interne et externe, les services juridiques, l’informatique de gestion183. En 1976, le projet d’instaurer un Secrétariat général fait long feu, mais en 1977, avec l’appui de Raymond Barre Premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances, est mise en place une direction générale pour les relations avec le public (DGRP)184, à la tête de laquelle est nommé un autre inspecteur des Finances, un « fiscaliste », Guy Delorme185.
76Du côté des directions à « services extérieurs », ce sont la direction générale des Impôts186 et la direction générale du Commerce intérieur et des Prix187 qui ont sans doute le mieux capté l’intérêt des innovations gestionnaires de la RCB. La direction par objectifs (DPO) chère à Philippe Huet fait l’objet d’expérimentations dans deux directions du ministère : l’une à la DGI (cf. les contrats de programmes avec les directions départementales) et l’autre à la direction générale du Commerce intérieur et des Prix (DGCIP) où se met en place une nouvelle organisation déconcentrée, régionalisée et spécialisée (Instruction générale du 27 juillet 1970). Les premiers outils du contrôle de gestion (indicateurs de résultats, tableaux de bord) y font également leur apparition188. Ainsi, alors même que la DGCIP est en plein recentrement sur ses nouvelles missions de défense de la concurrence, ses services élaborent en 1970-1971 les premiers indicateurs de résultats. Par exemple, pour les actions « Prix », la direction distingue le nombre de sondages et de constations effectués, le nombre de tarifs déposés, le nombre d’entreprises vérifiées et de conventions négociées, le nombre d’adhésions recueillies et d’avertissements délivrés, le nombre de radiations prononcées et de dossiers soumis au comité départemental des prix, le nombre de procès-verbaux établis, etc. Elle fait de même pour chacune de ses missions, « Salaires et emplois », « Concurrence et ententes », « Information économique », « Protection du consommateur », « Marchés publics » et « Aides à l’exportation ». Elle élabore aussi des fiches-agents permettant d’évaluer en pourcentage l’importance des travaux accordée à telle ou telle mission.
77Mais, une fois passées les premières impulsions données par les directeurs les plus militants, le soufflé retombe. Ne subsiste plus que l’ingrat et fastidieux chantier des budgets de programme généralisé par circulaire en 1978 à l’échelle interministérielle et qui s’impose au MEF comme aux autres ministères sectoriels.
Un rapport anticipateur dans la longue durée
78Si l’on se situe maintenant à Horizon 1985, les préconisations de Huet semblent trouver un écho dans l’informatisation accélérée des services et dans l’arrivée de la micro-informatique à la fin des années 1980, dans la réforme et la création de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (1985), et dans le déménagement de Rivoli à Bercy (1989)… Si l’on allonge l’horizon des réformes aux années 2000, au tournant du xxe et du xxie siècle, les résultats sont nettement plus probants : on trouve la fusion du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, l’instauration d’un Secrétariat général, la création d’une grande direction du Trésor et de la Politique économique (qui réunit la prévision économique, la politique industrielle, les assurances, les relations économiques extérieures, les affaires internationales, la trésorerie, etc.), l’érection d’une Agence des participations financières de l’État, la mise en place suite au vote de la LOLF en 2001 d’un budget de performance, d’une comptabilité patrimoniale et d’un contrôle de gestion a posteriori, la création d’une direction générale de la Modernisation de l’État189, le développement du New Public Management et pour finir, last but not least, un peu plus tard dans le siècle, en deux étapes, la fusion de la Comptabilité publique et des Impôts dans une énorme direction générale des Finances Publiques (2010)190. Toutes réformes évoquées par le Rapport final de la Mission Huet de 1971. Mais, n’est-ce pas pécher par téléologisme que de voir dans ces réalisations lointaines le fruit des vues anticipatrices de Huet ? De fait, entretemps, le Rapport Huet s’est totalement perdu dans les sables, tout autant que le nom de son auteur, comme celui de Gabriel Ardant pour le coût et le rendement des services publics ou la productivité administrative. La réforme administrative, ni linéaire ni cumulative, a toujours beaucoup de pères putatifs, mais peu d’enfants légitimes et déclarés.
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79Fin 1971, la Mission RCB referme ses portes. Elle passe le relais à la Commission interministérielle de RCB installée par le ministre des Finances en janvier 1971 pour ce qui concerne la diffusion interministérielle des « techniques modernes de gestion » et de l’autre, à la direction du Personnel et des services généraux, pour tout ce qui concerne la modernisation du ministère des Finances.
80La version de la RCB que la Mission Huet a mise en œuvre aux Finances repose sur deux points d’ancrage, totalement atypiques. Davantage qu’à des études mathématiques coûts-avantages, c’est d’abord à un exercice de sciences sociales qu’elle a invité le ministère, prenant ainsi le relais des « enquêtes Martinet » lancées en 1966 par le directeur du Budget sur les administrations centrales, programme de recherche sociologique dans lequel la Rue de Rivoli brillait par son absence. Ensuite, c’est la rénovation de la gestion publique qui est devenue son sujet de prédilection, celle du ministère des Finances puis celle de l’administration tout entière. Trois raisons expliquent ces choix hétérodoxes : la commande originelle de Michel Debré de redéfinir les missions, l’organisation et les outils d’action du ministère dans le nouveau contexte de la Ve République et de la croissance économique ; l’appétence personnelle de Philippe Huet pour les sciences sociales, la prospective et le management ; enfin, Mai 68 et la crise de l’État qui ont donné à la réforme de la gestion publique une urgence nouvelle et infléchi ses contenus.
81Cette expérience originale n’a jamais été réitérée, pas plus en 1989 après le grand conflit des Impôts qu’en 2001 après la réforme « manquée » de Christian Sautter191. Et, si en 1990, suite au mouvement social de 1989, Jean Choussat inspecteur général des Finances et ancien directeur du Budget sous Jacques Delors et Laurent Fabius, a bien été nommé Délégué général à la modernisation par Pierre Bérégovoy, il est resté un général sans troupes. Ses missions, cantonnées aux questions de gestion, de méthodes et de communication, n’étaient pas aussi larges ni aussi ambitieuses que la Mission Huet, et elles n’ont pas dépassé le périmètre du ministère. La Mission Huet est un donc objet administratif inédit, une sorte d’apax. Ni commission de réforme, ni organe consultatif, ni brigade de l’inspection des Finances, ni mission de vérification de la Cour des comptes, ni service d’étude, elle réunit un assemblage assez hétéroclite d’inspecteurs des Finances chevronnés et débutants, d’ingénieurs, de cadres des services extérieurs non énarques, de jeunes économistes contractuels et, si l’on étend le périmètre de la Mission jusqu’aux contrats de recherche Crozier, de jeunes chercheurs en sociologie des organisations. La Mission RCB porte la marque du tropisme rationalisateur de l’inspection des Finances, du volontarisme réformateur debréien, d’une inspiration libérale croziéro-chabano-giscardienne post 1968 et de la confiance mise par les technocrates des Finances en la capacité de la science à éclairer les décisions et à anticiper l’avenir. De ces inspirations diverses découle un mélange improbable de travaux expérimentaux, effervescents, quelque peu hétérogènes, qui ne doivent pas faire oublier l’effort de réflexivité et d’exhaustivité, de synthèse et de prospective, qui a été accompli pour penser à la fois le passé et le futur du ministère. En définitive, la Mission RCB des Finances, c’est au xxe siècle la première et unique expérience de prospective appliquée aux services financiers et désignée comme telle, c’est la première enquête qualitative sur la perception et l’image du ministère auprès de ses partenaires ou des usagers et c’est aussi la première enquête de « satisfaction au travail » de ses fonctionnaires centraux.
82La Mission RCB est emblématique d’une décennie exceptionnelle, celle de la croissance économique, de la facilité budgétaire, de l’expansion de la culture du chiffre pour mesurer l’action publique192, de la croyance dans un gouvernement rationnel des choses et des hommes ; mais elle est aussi emblématique de l’impact de Mai 68, du doute sur le modèle économique de développement français, de la crise des institutions et de la remise en cause de l’État. Cette combinaison improbable suscite un véritable appétit en matière de sciences sociales appliquées, partagé par des décideurs politiques et des administrateurs réformistes et rencontre l’offre de sociologues désireux d’étendre leurs terrains d’enquête et soucieux d’utilité sociale193. Mais la Mission RCB, c’est aussi l’histoire d’une déception et d’un échec, car il faut souligner la résistance du ministère de l’Économie et des Finances aux sciences sociales. L’étude Crozier et l’expérience de prospective ne sont pas bien reçues ou du moins tournent court ; malgré les désirs de Huet, la Mission RCB ne comporte aucun sociologue ; à la direction de la Prévision, les sociologues, minoritaires, ne s’attardent pas, tandis qu’Alain Darbel quitte la direction du Budget ; il faudra attendre plus de vingt ans pour que les services financiers fassent à nouveau l’objet d’études sociologiques194.
83Suite à l’échec de l’étude Crozier, la Mission Huet se focalise sur la rénovation des fonctions et des méthodes de gestion à l’administration centrale des Finances ; à ce titre, elle peut être considérée comme la première expérience managériale au ministère des Finances au xxe siècle. Sous la IVe République, il y a bien eu quelques expériences d’adaptation des méthodes de gestion des entreprises, menées par une poignée de militants de la réforme administrative préoccupés par le rendement des services de l’État, mais elles ont été le plus souvent portées par des structures latérales (le Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, le Commissariat général à la Productivité, le service central d’Organisation et Méthode et elles ont été discontinues. Avec la RCB, on passe à une tout autre échelle. Déployées par Philippe Huet, les ambitions managériales de la Mission sont considérables, quand elles prévoient 1° la préoccupation systématique du rendement dans la « production » des services techniques du MEF (barème, coûts, produits, indicateurs), 2° l’introduction du management dans la gestion du ministère lui-même (objectifs, missions, programmation, organisation, structures, ressources, résultats) et 3° l’introduction du management au niveau gouvernemental (pilotage de la politique budgétaire et de l’allocation des ressources, évaluation des politiques publiques). Au-delà des emprunts techniques à la gestion des entreprises, il s’agit bien de faire souffler un grand vent de modernisation sur le ministère par la création d’un « état d’esprit » et d’un environnement administratif nouveaux, fondés non plus sur le droit, la règle et la circulaire, mais sur une culture du résultat et de la responsabilité via le contrôle de gestion.
84Il n’en reste pas moins qu’aux Finances, la RCB reste une expérience limitée dans le temps et dans l’espace. Elle a été portée par une poignée de dirigeants gestionnaires, militants du management, dotés du zèle prosélyte des nouveaux convertis (Saint-Geours, La Genière, Huet, Mascard, Fourcade, La Martinière, Vidal), mais toutes les directions du ministère n’ont pas été touchées également et quand bien même, elle y a fait une percée, elle n’a pas forcément pénétré l’épaisseur de la technostructure des Finances qui lui a bien souvent opposé scepticisme, indifférence et inertie. À cet égard, la RCB s’insère dans une longue succession d’instruments gestionnaires ou managériaux fabriqués par certains hauts fonctionnaires financiers195, parfois inspirés des entreprises, qui marquent les tentatives effectuées par les responsables des finances publiques pour échapper au carcan budgétaire et comptable public, le contourner ou le rénover196, mais qui, ne parvenant pas à s’inscrire dans le droit, ne font que passer. Après la RCB, il faut attendre les années 1990 pour que le ministère des Finances connaisse un mouvement de modernisation accéléré, porté notamment par le New public Management dans les années 1990197 ; mais cette « conversion » à la gestion198 se fera surtout à la faveur des progrès de l’informatique, des bouleversements introduits par le déménagement à Bercy et du conflit social des Impôts de 1989. Cette histoire reste à écrire.
Notes de bas de page
1 Voir notre contribution dans la partie II.
2 Philippe Bezes, relisant Michel Foucault, in Réinventer l’État, Les réformes de l’administration française, 1962-2008, Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 9.
3 Journal Officiel, 15 mai 1968.
4 En 1947-1948, Philippe Huet est conseiller technique au cabinet de Paul Ramadier en charge de la commission de la Hache, puis il suit son ministre au ministère des Armées où il supervise la reconversion et la réorganisation des armées françaises en temps de paix. En 1956, toujours directeur de cabinet de Ramadier, ministre des Finances et des Affaires économiques, il est le destinataire du rapport Bloch-Lainé de 1956 sur les structures économiques gouvernementales. En octobre 1962, il participe à une commission de réforme de l’inspection des Finances pour étudier diverses mesures susceptibles d’accroître son efficacité et de renforcer sa coopération avec les directions centrales (instruction du ministre des Finances aux directeurs le 23 avril 1963). En bref, il a toujours été intéressé par la réforme administrative.
5 Frédéric Tristram, Une fiscalité pour la croissance, La direction générale des Impôts et la politique fiscale en France de 1948 à la fin des années 1960, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 561‑597.
6 Club Jean Moulin, Pour nationaliser l’État, voir le chapitre sur le MEF, p. 42‑64.
7 Florence Descamps, « Réformer l’administration par les sciences sociales. Les tentatives pionnières du ministère des Finances 1965-1972 », Le Mouvement social, n° 273, octobre-décembre 2020, p. 35‑56.
8 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note du 21 juin 1968.
9 Sous ces formulations quelque peu alambiquées, c’est l’idée d’un secrétaire général – disparu depuis le régime Vichy – qui renaît ici sous la plume de Huet.
10 P. Huet rejoint ici les conclusions du chapitre sur l’administration dans le rapport Horizons 1985, écrit en grande partie par Jérôme Monod, conseiller référendaire à la Cour des comptes et délégué adjoint à la DATAR. Cf. F. Descamps, « Penser le futur de l’administration en 1963-1964, un enjeu de la compétition gouvernementale pour le pilotage de l’État », in Gilles Le Beguec et F. Tristram (dir.) Penser l’avenir au temps de Georges Pompidou, Bruxelles, Peter Lang, 2018, p. 119‑143.
11 Cf. les conclusions du Rapport Nora sur les entreprises publiques (avril 1967) et celles du Rapport Lenoir sur l’exécution du Ve Plan en Picardie et Pays de Loire (mai 1968), qui critiquent dans les deux cas la tutelle de la Rue de Rivoli et appellent à davantage de participation et de contractualisation.
12 CAEF, 3 D 86, conférence de P. Huet au CFPP le 24 avril 1969 ou à la SNCF le 1er octobre 1970.
13 Club Jean Moulin, Pour nationaliser l’État, Paris, Le Seuil, 1968.
14 CAEF 3D 85, P. Huet, note n.s. et s.d. « Une Nouvelle administration ».
15 Voir André Delion, « Administration publique et management », Bulletin de l’Institut international d’administration publique », janvier-mars 1969, p. 58. André Delion, né en 1927, ancien élève de l’ENA (1950-1952), sorti de la Cour des comptes en 1953, va consacrer une partie de sa carrière à la réforme administrative, ainsi qu’à la gestion des entreprises publiques dont il est un spécialiste (cf. L’État et les entreprises publiques, Paris, Sirey, 1958 ; Le statut des entreprises publiques, Paris, Berger-Levrault, 1963).
16 CAEF, 3 D 85. On trouve notamment dans ses archives des notes de Philippe d’Iribarne (X‑Mines, P 1955), chargé de mission à la direction de la Prévision, telles que par exemple, « Introduction à un programme de recherches orientées tendant à permettre la prise en compte des problèmes de relations sociales dans la politique économique et sociale », 3 janvier 1969.
17 CAEF, 3 D 85 et 3 D 111.
18 Sur l’ADSSA de Michel Crozier, qui deviendra en 1976 le DEA de sociologie de l’IEP de Paris, M. Crozier, Ma belle époque : mémoires, tome 1, 1947-1969, Paris, Fayard, 2002, p. 270 ; Alexandre Paulange-Mirovic, « Nous avons réinventé la sociologie. L’Association pour le développement des sciences sociales appliquées : genèse sociale d’une entreprise académique (1968-1975) », Revue française de science politique, vol. 63, 2013, p. 545‑567 et « Michel Crozier sur le terrain (1954-1974) », Entreprises et Histoire, n° 84, septembre 2016, p. 29‑48.
19 CAEF, 3 D 91 et 3 D 93, Note du 30 mars 1968, Archives Huet. La Prévision réclame vingt postes de chargés de mission et le Budget cinq.
20 CAEF, 3 D 93 et 3 D 91, Archives Huet.
21 Bernard Auberger, né en 1937, ingénieur civil des Mines, ENA 1964-1966, inspecteur des Finances 1966, chargé de mission à la Mission RCB du MEF (1968‑1970).
22 Bernard Auberger suit le stage RCB de Pont-à-Mousson (19 août - 6 septembre 1968) ; il est affecté à la Mission RCB à la rentrée de 1968. Il fait partie de la mission aux États-Unis du 17 au 27 avril 1969 chargée de faire le point sur l’application du PPBS dans les administrations fédérales. Cette mission compte Jean Sérisé directeur de la Prévision, Roger Malafosse chef de service de la direction du Budget, Jacques Le Noane sous-directeur à la Prévision, André Lesage, commissaire général adjoint aux Prix, Philippe Berthet, chargé de mission à la direction des Synthèses économiques de l’INSEE, Hubert Lévy-Lambert, ingénieur en chef des Mines, chef du Département de l’Économie productive à la Prévision, François Lagrange, auditeur au Conseil d’État en mobilité à la direction de la Prévision.
23 Né en 1937, polytechnicien (P 1961), issu de la direction des Poudres, Geoffroy d’Aumale fait un séjour pendant l’année 1968 à l’université de Stanford où il se forme à « la programmation budgétaire ». À son retour, il publie un petit ouvrage sur ce sujet (Paris, Presses universitaires de France, 1968). Voir son témoignage recueilli par l’auteur le 5 juillet 2012.
24 CAEF, 3 D 91, Daniel Salem (+ 1977), polytechnicien (P 1951), ancien collaborateur de la SEDEIS, à qui Huet aurait voulu confier les études-pilotes, est chargé à partir de 1970 du groupe « Structures 1985 » et des constructions immobilières des services financiers, cf. « Les centres de prospective et d’aménagement du territoire », Travaux et recherches de prospective, n° 17, mai 1971, fiche sur le ministère de l’Économie et des Finances, p. 164‑178. Voir aussi D. Salem, « L’administration économique et financière des États-Unis. Tentative de parallèle avec les administrations françaises correspondantes », Bulletin de l’Économie et des Finances, n° 56, 1971.
25 Avec Georges Éginard, administrateur civil de la direction du Personnel et des services généraux, Patrick Saintville est chargé d’élaborer un modèle pour la gestion prévisionnelle des personnels de l’administration centrale des Finances. Cf. leur article « Modèle de gestion prévisionnelle des personnels », Statistiques et études financières, n° 7, 1972, p. 39‑61.
26 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au Ministre du 16 septembre 1969.
27 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au Ministre du 25 novembre 1968.
28 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger et 3 D 91, Archives Huet. Liste des questions soulevées par les directions, compte rendu de la réunion tenue le 26 septembre dans le bureau de M. Huet, en vue de la discussion du programme d’action de la Mission RCB et de la part que pourrait y prendre la Prévision. Présents : Huet, Sérisé, Le Noane, Carré, Brioudes. Liste des projets : CP (réseau des perceptions, organigramme des trésoreries générales, simplification des tâches, gestion du personnel par l’Agence comptable, analyse d’une fonction du réseau comptable) ; Commission des Marchés (politique immobilière de l’État, organisation et politique des achats au sein du ministère, formation des fonctionnaire à la gestion logistique et à la gestion des approvisionnement) ; DGI (missions et organisation d’un service de surveillance foncière, taxation et commercialisation de la viande) ; Douanes (missions, implantation et usage des laboratoires, contrôle des transports routiers) ; DREE (organisation des postes et carrières à l’étranger, gestion des crédits de mission) ; Trésor (critères de répartition du FDES ou d’appréciation des projets présentés, accès des entreprises au marché financier) ; DGCIP (études coûts-avantages sur la localisation et la capacité de traitement des abattoirs-marchés). La direction du Budget et la direction du Personnel et des services généraux n’ont proposé aucune étude.
29 CAEF, 3 D 1.
30 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, notes du 16 septembre et du 25 novembre 1968.
31 Cette dernière étude sera confiée par décision du 30 octobre 1968 à l’inspecteur général des Finances Henri Chanet. Voir infra.
32 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au ministre du 25 novembre 1968.
33 Le scandale financier des abattoirs de La Villette, dont la construction a été décidée en 1959 mais dont le chantier n’est toujours pas achevé en 1969, couve depuis le rapport public de la Cour des comptes de 1967. Dès son retour Rue de Rivoli en 1969, Valéry Giscard d’Estaing commande un rapport à l’inspection générale des Finances. C’est le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas qui interrompra le chantier de la Villette. Cf. Pierre Haddad, « Les chevillards de La Villette, naissance, vie et mort d’une corporation », thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alain Plessis, université Paris-X Nanterre, 1995.
34 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au ministre du 16 septembre 1969.
35 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note du 4 juillet 1969.
36 Expression de Philippe Huet dans son témoignage oral recueilli par le Comité pour l’histoire économique et financière de la France, entretien avec O. Feiertag, entretien n° 12 du 29 mai 1991, cassette 21 et dans son Rapport général (1971). Le terme « photographie », employé par Huet lui-même, est aussi celui de Pierre Grimanelli, directeur général du SEITA, lorsqu’il passe commande à Michel Crozierd’une étude sur les manufactures de Tabacs et d’Allumettes à la fin des années 1950.
37 Francis-Louis Closon et Jean Filippi (dir.), L’économie et les Finances. Le ministre et le ministère. L’administration centrale. Les services, Paris, Presses universitaires de France, 1968, 528 p.
38 Sur l’histoire de la prospective, voir la bibliographie en note p. 56.
39 P. Bezes, Michel Chauvière, Jacques Chevalier, Nicole de Montricher, Frédéric Ocqueteau (dir.), L’État à l’épreuve des sciences sociales. La fonction recherche dans les administrations sous la Ve République », Paris, La Découverte, 2005 ; F. Tristram et Gilles Le Béguec (dir.), Penser l’avenir au temps de Georges Pompidou, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2018. Pour un exemple de Département d’étude et prospective, voir celui du ministère de la Culture, Laurent Martin, « Du SER au DEP, ou la constitution d’une socio-économie de la culture et d’une prospective culturelle au service de l’action (1959-1993) », Revue historique, vol. 663, n° 3, 2012, p. 683‑704 ; Guy Saez (dir.), Au fil de l’esprit. Augustin Girard, un parcours entre recherche et action, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture, La Documentation française, 2011.
40 F. Descamps, « La réforme de l’État, une grande absente du plan de redressement économique et financier de 1958 ? », Fondation Charles de Gaulle, Espoir, printemps 2014, p. 46‑63.
41 CAEF, direction de la Prévision, Rentabilité des investissements 1965-1969, B-0052375/1, Étude « Localisation optimale des postes de perception, point de l’étude et modèle de résolution », Patrick Bréaud (avril 1968).
42 L’Association Marc Bloch est l’association par laquelle transitent les fonds destinés à la recherche en sciences sociales pour l’EPHE et la Maison des Sciences de l’Homme dirigée par Fernand Braudel.
43 Sur M. Crozier, François Chaubet, « Michel Crozier et le CSO, un entrepreneur sociologique de la réforme de l’État (début des années 1950-fin des années 1970 », Revue historique, n° 663, 2012, p. 659‑681 ; « Michel Crozier, entre la France et les États-Unis : parcours international d’un sociologue », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 119, 2013, p. 71‑84 et Michel Crozier, réformer la société française, Paris, Les Belles-Lettres, 2014. Pour une relecture de l’œuvre de Michel Crozier et de la sociologie des administrations, voir Gwenaëlle Rot et Denis Segrestin (dir.), Cinquante ans de sociologie des organisations, Entreprises et Histoire, n° 84, 2016, numéro consacré à Michel Crozier, ainsi que Olivier Borraz et Émilien Ruiz (dir.), « Saisir l’État par son administration pour une sociologie des rouages de l’action publique », Revue française de science politique, n° 70, 2020/1.
44 F. Descamps, « Réformer l’administration par les sciences sociales. Les tentatives pionnières du ministère des Finances 1965-1972 », Le Mouvement social, n° 273, octobre-décembre 2020, p. 35‑56.
45 Marie Chessel et Fabienne Pavis, Le Technocrate, le patron et le professeur. Une histoire de l’enseignement supérieur de gestion, Paris, Belin, 2001.
46 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger.
47 CAEF, 3 D 86. Conférence de P. Huet, 24 avril 1969, CFPP.
48 François d’Arcy et Pierre Grémion, Les services extérieurs du ministère de l’Économie et des Finances dans le système de décision départemental, Rapport de pré-enquête, Paris, Copedith, 1969, p. 3‑4.
49 Après sa thèse, Structures administratives et urbanisation, La Société Centrale pour l’Équipement du Territoire (SCET), Paris, Berger-Levrault, 1968, François d’Arcy poursuit sa carrière en sociologie et en science politique, notamment à l’IEP de Grenoble ; il sera directeur du CERAT, le Centre de recherche sur le Politique, l’Administration et le Territoire.
50 Entré dès 1964 au Groupe de sociologie des organisations, attaché de recherche au CNRS en 1966, Pierre Grémion suit plus particulièrement l’expérience de régionalisation initiée en France dans les années 1960 et co-dirige avec Jean-Pierre Worms une grande enquête sur les institutions régionales et la société locale. Cf. ses premiers rapports imprimés chez Copedith : La mise en place des institutions régionales, 1965 ; La structuration du pouvoir au niveau départemental, 1969 ; avec J.-P. Worms, « La concertation régionale : innovation ou tradition ? » in Annuaire français d’Aménagement du territoire, 1968 et « Les institutions régionales et la société locale », 1968. Il réunit ses conclusions dans un rapport, « Introduction à une étude du système politico-administratif », 1969, publié dans Sociologie du travail, vol. 1, 1970, p. 51‑73. Sur les débuts du CSO, P. Grémion, « L’atelier Saint-Hilaire », Entreprise et Histoire, n° 84, septembre 2016, p. 11‑28.
51 Finalement, l’INSEE ne sera pas retenu…
52 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 1er avril 1969. Au total, cent trente interviews sont réalisées auprès des différents échelons de responsabilité des différents services, des collectivités locales, des préfectures et des autres services déconcentrés de l’État, des chambres de commerce et d’industrie, des chefs d’entreprise ou des commerçants.
53 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, note du 21 avril 1969. Claude Perdriau, inspecteur principal du Trésor public, est assez critique ; il n’est « pas d’accord avec le constat portant sur l’isolement des percepteurs », avec la définition qui est donnée de leurs objectifs et avec le constat d’absence de relations publiques à l’échelon départemental. Il objecte qu’il y a eu de nombreuses instructions entre 1964 et 1966 de la part de la Comptabilité publique et de nombreuses circulaires du TPG pour aider les comptables. Il rappelle que l’objectif du réseau du Trésor public, n’est pas seulement la conservation du patrimoine des collectivités locales mais une gestion plus dynamique et plus économique, et que le trésorier-payeur général a un rôle de relations publiques à l’échelon départemental. Les objections de Perdriau sont prises en compte et l’échantillon final intègre l’interview de trésoriers-payeurs généraux.
54 CAEF, 3 D 89. Les relations des Services extérieurs du ministère de l’Économie et des Finances avec leur environnement départemental. Enquête exploratoire. Note de synthèse, 12 p., 30 septembre 1969.
55 Décret du 14 mars 1964, Article 12 : « Le préfet de la région prend l’avis du trésorier-payeur général de la région sur l’aspect financier et la rentabilité économique des mesures envisagées dans les matières économiques ou financières pour lesquelles il a reçu, en exécution des dispositions du présent titre, un pouvoir de décision ou de proposition. Cet avis figure au dossier ». Sur la régionalisation des investissements et l’appréciation de la rentabilité des équipements, CAEF, Fonds CP, B-0015986/1, B-0015991/1 et B-0015993/1. Voir aussi l’instruction n° 66‑57 permettant aux trésoriers-payeurs généraux d’apprécier l’incidence économique et financière des programmes d’équipement sur les collectivités locales, rédigée par la direction de la Prévision, 6 mai 1966.
56 CAEF, 3 D 91, Note au ministre du 30 octobre 1969 et rapport final, Les services extérieurs du ministère de l’Économie et des Finances dans le système de décision départemental. Rapport de pré-enquête, Paris, CSO, CNRS, 1969, 98 p.
57 Rapport final, op. cit., p. 94‑96.
58 À l’exception des responsables des services des Prix, davantage tournés vers les acteurs économiques.
59 Dominique de La Martinière (1927-2002), ancien élève de l’ENA (1950-1952), inspecteur des Finances, il accomplit à partir de 1958 la première partie de sa carrière à la direction générale des Impôts ; il est directeur général de 1967 à 1973. En 1974, il est trésorier de campagne de Jacques Chaban-Delmas. Dès l’origine, Dominique de La Martinière s’implique dans la RCB. Lors du séminaire des directeurs à Artigny, en février 1969, il rédige une fiche critique d’appréciation et fait des propositions pour améliorer la formule.
60 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, note sur l’opération RCB au ministère de l’Économie et des Finances, p. 2. Cet accueil favorable est confirmé par le témoignage de Pierre Grémion (entretien avec l’auteur au CSO le 21 mai 2011). L’entrevue se serait déroulée dans le bureau du directeur en présence des syndicats.
61 Jean-Pierre Fourcade, né en 1929, ENA 1952-1954, inspecteur des Finances, membre du cabinet de Valéry Giscard d’Estaing, secrétaire d’État puis ministre de l’Économie et des Finances (1959-1965). Il prend la succession de Philippe Huet en 1968 à la tête de la DGCIP jusqu’en 1974, date à laquelle il devient ministre de l’Économie et des Finances dans le premier gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing.
62 Jean Farge (1928-2011), ancien élève de l’ENA (1951-1953), inspecteur des Finances (1953), il effectue la première partie de sa carrière à la direction de la Comptabilité publique (1958-1978) ; en 1968, il en est le directeur.
63 CAEF, 3 D89, 1er avril 1969.
64 Entretien avec l’auteur, le 21 mai 2011.
65 Rapport final, op. cit., p. 8.
66 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 3 mars 1970.
67 Rapport final, op. cit., p. 8.
68 À l’exception notable de Christine Musselin au CSO, « Les relations avec le public dans les administrations financières : enjeux internes et limites du contrôle organisationnel », Politiques et Management Public, 1984, 2(1), p. 25‑40. Mais là encore, cette étude publiée en 1984 reste isolée tant aux Finances que dans l’œuvre de C. Musselin, sociologue des universités.
69 Il faut attendre le conflit social de 1989 pour qu’une nouvelle expérience de sciences sociales soit réalisée dans les administrations financières, cette fois-ci sur le mode de l’enquête ethnographique : Bruno Tilly, La compétence des agents du fisc, Paris, L’Harmatan, 2000 (thèse de doctorat en science politique sous la direction de Joseph Fontaine).
70 Dans le rapport Horizon 1985, le chapitre sur « L’administration en 1985 » souligne le manque de coordination des administrations françaises, le manque de formation et de mobilité des fonctionnaires français, la mise à l’écart des usagers, la nécessité de perfectionner les « dispositifs d’information » et de développer une fonction d’état-major et d’étude ainsi que les « méthodes modernes de gestion ». Sur le groupe Prospective 1985 de l’administration, F. Descamps, « Penser le futur de l’administration en 1963-1964, un enjeu de la compétition gouvernementale pour le pilotage de l’État », op. cit. p. 119‑143.
71 Au début des années 1960, avec Hubert Rousselier, président du Centre français du Commerce extérieur (CFCE) et Jean Sérisé, directeur de cabinet de Valéry Giscard d’Estaing, il soutient la création d’un Groupe d’Études Prospectives des Échanges internationaux (GEPEI puis GEPI), animé par un énarque de sa génération, Michel Courcier, et prend part à des travaux d’analyses et d’échanges internationaux, notamment sur l’Union soviétique. En 1978, lorsque Raymond Barre Premier ministre transformera le GEPI en CEPII, Centre d’études prospectives internationales, et le rattachera au Plan, c’est Huet qui en sera le premier président (1978-1982). Dans son Rapport sur la RCB de 1971, Philippe Huet insère une étude du GEPEI sur l’élaboration d’un système d’information économique sur l’étranger « qui soit susceptible d’éclairer tous les grands choix stratégiques des principaux centres de décision français, publics et privés » (chapitre II, annexe aux sections III et IV).
72 CAEF 1 A49, Note de P. Huet le 2 décembre 1968 sur l’étude « Structures 85 ».
73 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, notes au ministre du 4 juillet du 30 octobre 1969.
74 CAEF, 3 D 11, Mémoire de DES de B. Gheux, p. 27‑30.
75 Cf. l’exposé de Huet au séminaire de Nainville les Roches le 12 décembre 1969 devant les administrateurs du ministère de l’Intérieur. Lors du stage RCB organisé au CFPP, du 20 au 29 avril 1970 pour les administrateurs du ministère des Finances, P. Huet indique que « cet exercice, probablement trop ambitieux pour la première phase des travaux RCB, devra être relancé avec plus de vigueur lorsque l’évolution des idées aura progressé dans le domaine de la prospective administrative » (Archives Auberger, CAEF 3 D 83).
76 Depuis la commission de l’article 76 de 1959-1960, aucune commission de réforme administrative ne s’est penchée sur le MEF, et à l’époque, ni l’inspection des Finances ni la Cour des comptes n’interviennent à l’ACF.
77 P. Huet, « Résultats de l’enquête sur les objectifs et les moyens de l’administration centrale des Finances », Bulletin Vert, n° 48, juillet-septembre 1969, p. 44‑62.
78 M. Crozier, « Pour une sociologie de l’administration publique », Revue française de science politique, vol. 6, n° 4, 1956, p. 750‑769.
79 CAEF, 3 D 91. En aout 1968, la commission « Structures » de la direction de la Prévision lance un questionnaire sur le travail et les changements à y apporter. « La réflexion engagée pendant la grève du mois de mai se poursuit ; (…) C’est pourquoi ce questionnaire a été établi. Son but est donc d’amener chacun à s’interroger sur son travail et les conséquences de celui-ci sur soi-même et sur les autres. Le travail n’est pas inéluctablement une corvée dont il faut se débarrasser n’importe comment et le plus vite possible ; il peut même être un moyen d’épanouissement individuel et collectif, est-ce vrai ici et comment le réaliser ? Son dépouillement permettra de savoir ce que chacun souhaite ; ceci amènera peut-être à changer tout de suite certaines structures. Surtout ceci pourra conduire à une prise de conscience qui fera évoluer les comportements et rendra possible les changements ultérieurs. Ce questionnaire est anonyme si bien que tout le monde peut y répondre sans crainte (…) ». Les questions posées portent sur le cloisonnement des services de la DP, sur le travail, sur la répartition des tâches, sur la mobilité et la formation, sur les missions de la direction, sur son programme de travail et son organisation interne.
80 CAF, 3 D 81. Fin 1968, la direction générale de l’INSEE lance un questionnaire auprès de ses responsables d’unités ou de services sur les coûts, les objectifs et l’utilité des travaux menés par l’INSEE, ainsi que sur le processus décisionnel concernant la programmation des travaux. Les résultats sont connus dès janvier 1969 et présentés par J. Ripert lors du séminaire RCB des directeurs au château d’Artigny, le 7 février 1969, sous la présidence de F.-X. Ortoli et J. Chirac. Les conclusions sont très négatives et dessinent une administration lourde, lente, rétive et « résistante » au changement, non impliquée, routinière, affectée par la lourdeur de ses statuts. Ripert annonce quelques grandes mesures : passer d’un budget de moyens à une programmation pour 1969 ; mettre en place un contrôle de gestion. À la fin de son exposé, il déclare avoir besoin de concours extérieurs pour mener la réorganisation des circuits d’information et de prise de décision, et pour mettre en place les nouvelles méthodes de gestion : « il faudrait pour cela des hommes expérimentés et apportant un œil neuf. Pour notre gestion courante, nous devrions avoir le concours d’administratifs expérimentés, connaissant les méthodes modernes ». Dans ce séminaire, sont présents M. Crozier, ainsi que des représentants du cabinet de conseil McKinsey, qui font une intervention orale, distribuent leur brochure et diffusent aux participants une note intitulée : « Traduire les choix de priorité en action effective ». Il en est de même au deuxième stage des directeurs, organisé à Royaumont, ouvert par Valéry Giscard d’Estaing le 20 novembre 1969 (CAEF, 3 D 78 et 3 D 81). Pierre Cot, président d’Air France et membre du Groupe central de RCB, qui vient juste de faire intervenir McKinsey pour installer un système de programmation stratégique, expose devant les directeurs présents son expérience avec le consultant américain. C’est ce consultant qui sera chargé de la réorganisation de l’INSEE en 1970, grâce au soutien de la Mission Huet.
81 On retrouve dans la documentation de la Mission RCB, un exemplaire du questionnaire de l’enquête Darbel et Schnapper sur « les acteurs du système administratif » (16 pages, 62 questions), des exemples d’enquêtes réalisées par le cabinet américain McKinsey pour mesurer « la satisfaction des agents au travail » (Mac Millan Bloedel, août 1967, 29 p.), un questionnaire du cabinet Planus ou des modèles de questionnaires INSEE ou SCOM (3 D 90, 3 D 92, 3 D 93, 3 D 95, etc.).
82 Le questionnaire sur les objectifs auquel s’ajoute l’entretien entre le supérieur hiérarchique et son collaborateur prépare les esprits à la mise en place d’une « direction par objectifs » que Philippe Huet appelle de ses vœux.
83 CAEF, 3 D 90, Note de P. Huet à Aussédat, 10 décembre 1968.
84 Le choix de la démarche ascendante fait l’objet de nombreux débats dans l’équipe. Les références concernant l’élaboration des organigrammes et l’élaboration des structures d’objectifs sont puisées pour la plupart dans les entreprises privées américaines et dans l’administration américaine faute de cas éprouvé en France. Seule référence française invoquée, la structure d’objectifs de la Division de la rentabilité des investissements à la direction de la Prévision.
85 CAEF, 3 D 88, Notes Auberger sur la conférence « La RCB au MEF » prononcée par P. Huet le 12 décembre 1969 à Nainville-les-Roches pour le ministère de l’Intérieur.
86 CAEF, 3 D 88, op. cit. Les notes manuscrites d’Auberger nous renseignent sur l’avancement de l’enquête-questionnaire fin 1969. Selon Huet, les premiers résultats sont là : « a/ une meilleure adaptation immédiate pour la prise de conscience des objectifs généraux du directeur non assimilés par les bureaux ; b/ un transfert de personnel ou le repérage des problèmes d’information à résoudre ». Les résultats attendus ne sont pas moindres : « une bonne description des missions après confrontation avec la structure théorique (…) ; le repérage des attributions multiples et de certains problèmes de circulation permanente de l’information ; c/ une masse de chiffres et renseignements divers ». P. Huet précise que les attentes sont grandes dans l’examen de problèmes de fonctionnement transversaux : celui de l’informatique (personnel, statut, matériel et coordination des réseaux, procédures et contrôle financier automatisés) et celui de la circulation de l’information (nomenclatures, réforme du Budget, projets CP et DP, statistiques du Commerce extérieur et le problème de leur harmonisation avec les Douanes, la DREE et le CNCE). Enfin, Auberger note ce qui doit faire figure « d’action d’accompagnement » permanente : « la promotion des méthodes modernes de gestion » (modernisation des procédures budgétaires, rationalisation de la politique immobilière, programmation glissante et contrôle des résultats, introduction du calcul économique notamment au Trésor pour le FDES ou la gestion de la trésorerie). Les autres objectifs selon Huet s’inscrivent dans un autre registre, celui de la conversion des mentalités, par exemple, en promouvant « l’attitude prévisionnelle » (cf. Structures 85 et l’élaboration d’un modèle de gestion prévisionnelle des effectifs informaticiens). En conclusion, Auberger retient du discours de Huet la nécessité d’introduire « le Management dans l’administration » et que des propositions seront faites en matière de réforme de structures et de procédures dans un rapport final.
87 CAEF, 3 D 92. Préparation du questionnaire, notamment le 12 novembre 1968 et le 21 mars 1969. P. Huet accorde beaucoup d’importance aux « effets psychologiques » du questionnaire et à la pédagogie qui doit accompagner l’introduction du management et des techniques modernes de gestion auprès des agents.
88 CAEF, 3 D 11. B. Gheux confirme dans son mémoire que l’enquête-questionnaire avait pour but de mesurer les difficultés et les tensions dans le travail administratif et de comprendre les problèmes rencontrés par les agents, mais aussi de « porter une appréciation sur la répartition des ressources », notamment en personnels, op. cit., p. 27.
89 CAEF, 3 D 104, audition de P. Huet devant le Comité des inspecteurs généraux des Finances, le 12 octobre 1970. « En France, nous ne sommes donc ni originaux ni précurseurs. Il ne faut pas prendre de retard par rapport aux concurrents ; compétitivité, éclairage des prix de revient, rôle de l’innovation sont des données primordiales ». Il se livre alors à une comparaison avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, la RFA et la Suède, qu’il dit être le pays le plus avancé en matière de budget de programme. Huet dresse ensuite un palmarès des directions des Finances en matière de modernisation de leur gestion : la DGI remporte la palme. Huet ne cache pourtant pas les tensions que cela cause au sein des services, notamment aux échelons intermédiaires. Il établit également la liste des échecs ou des travaux restés « stériles », notamment la question des contrôles (contrôle financier, Inspection des Finances, Cour des comptes, agents comptables et CP, contrôle a posteriori).
90 CAEF, de 3 D 90 à 3 D 95.
91 CAEF, 3 D 92.
92 CAE, 3 D 95 et 3 D 91. Une agence de publicité, AFP-Bates, est consultée sur la présentation du questionnaire (schéma illustré, numérotation, glossaire, fiches « moyens » et « objectifs », les modalités d’envoi, les délais, la nécessité d’une permanence pour le dépannage… P. Huet consulte en parallèle Michel Crozier, le SCOM et l’INSEE.
93 CAEF, 3 D 95 ; 3 D 91, Note du 27 mars 1969.
94 CAEF, 3 D 90, Archives d’Aumale.
95 CAEF, 3 D 92.
96 CAEF, 3 D 90 et aussi 3 D 15.
97 CAEF, 3 D 90 à 3 D 95. Les débats ont lieu pendant la rédaction du questionnaire et après le dépouillement du premier échantillon-test, au sein de la Mission RCB, avec Alain Darbel, statisticien, avec l’équipe Crozier, ainsi qu’avec l’agence AFP-Bates. Geoffroy d’Aumale, le 28 janvier 1969, fait la synthèse des critiques des sociologues : pas d’élaboration préalable de la liste opérationnelle des objectifs à atteindre ; un trop grand nombre de questions ouvertes ; des termes non définis et des concepts ambigus (attributions, objectifs). Selon eux, le questionnaire poursuivrait en réalité deux objectifs complexes : réaliser « une photo de l’organisation actuelle des administrations centrales » et faire s’interroger les cadres du MEF sur les finalités de leur travail et de leurs cellules hiérarchiques, ce qui suscite le « tollé des sociologues ». Ils avertissent du risque de « susciter la révolution dans les services » et soulignent les biais méthodologiques introduits par ce double objectif (interactions et confusion). Enfin, ils mettent en cause le principe du questionnaire nominatif et le « biais hiérarchique » (3 D 91).
98 CAEF, 3 D 88, 90, 91 et 92.
99 CAEF, 3 D 92. Les premières réunions commencent fin septembre 1968 et rassemblent Huet, Gonot, Brioudes, Vigouroux, Aussédat pour la Mission RCB, Le Noane, Lequéret, Carré et Bréaud pour la direction de la Prévision, et Marty, du bureau O1 (Organisation) pour la direction du Personnel et des services généraux (DPSG). Le 15 novembre, Alain Darbel en poste à la direction du Budget, participe aux travaux du questionnaire. Une première version est rédigée en novembre 1968.
100 CAEF, 3 D 90. L’un des « enquêtés » de la direction du Trésor trouve le questionnaire trop long, pas clair (le concept d’« attributions ») et ne l’a pas rempli. Il met en garde contre « le biais hiérarchique » et « l’absence de concertation » ; son impression est d’une « subversion profonde ». De son côté, d’Aumale dans ses mémentos préparatoires parle de « préparation psychologique » à mener auprès des services, par des articles dans des publications internes, des visites aux sous-directeurs et des contacts avec les organisations syndicales. Voir aussi 3 D 92.
101 CAEF, 3 D 91 et 3 D 92. Lors du test élargi, 18 bureaux ont été testés soit 107 personnes, soit 1/20 des effectifs. Trois réunions de debriefing sont organisées avec les chefs des 18 bureaux concernés. Selon d’Aumale et Aussédat, les premières réactions à l’enquête sont favorables (acceptation de la concertation). Ils constatent cependant la pauvreté des réponses sur les objectifs (trop souvent non mesurables et non variables, voire invariants), le phénomène de « stratification de la notion d’objectifs » selon le grade et la hiérarchie, et dans les directions de gestion, l’assimilation entre attributions et objectifs. Après le test restreint et le test élargi, le questionnaire est révisé en mai 1969. Les directions font part de leurs remarques et transmettent leurs propres questions, notamment la direction générale des Impôts qui est très impliquée. La direction du Personnel et des services généraux (DPSG) se montre très critique sur le test restreint, notamment sur l’évaluation du travail des chefs de bureau. Son représentant met en cause « le caractère obsessionnel de la “mesure” physique des objectifs et des activités ». Pendant l’été 1969, la direction du Personnel insiste pour que soient prises en compte ses propres préoccupations : l’installation matérielle par immeuble, la répartition des personnels par bureau et par direction et le nombre d’agents s’occupant de gestion administrative (par catégorie de gestion, par direction, selon les effectifs gérés). Elle promet son aide sur les coûts standards des personnels de catégorie A en poste à l’administration centrale, mais prudemment, se garde bien de s’engager sur les coûts réels.
102 CAEF, 3 D 7. Un exemple de test restreint en mars 1969 : le bureau F2 à la direction du Budget.
103 CAEF, 3 D 90. Discussions « méthodologiques » sur les concepts du questionnaire ou sur le codage des réponses. La longueur du questionnaire n’est pas mise en cause par les directions. Note de synthèse du 12 mai 1969, signée d’Aumale.
104 CAEF, 3 D 89. Notice générale.
105 CAEF, 3 D 93. Les délais sont respectés et les questionnaires livrés le 19 septembre à la Mission RCB.
106 CAEF, 3 D 98, Tableaux et résultats Centre français du Commerce extérieur (CFCE).
107 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 13 janvier 1970.
108 CAEF, 3 D 94.
109 CAEF, 3 D 90, 3 D 91, Réunion Huet-Ripert le 14 octobre 1969.
110 CAEF, 3 D 90. La direction générale des Impôts a effectué les premiers tableaux statistiques à partir de novembre 1969 ; mais certains travaux, compte tenu du plan de charge de la DGI, n’ont pu se faire qu’à partir de septembre 1970. Ces travaux ont été rémunérés sur crédits de la Mission RCB par le moyen d’heures supplémentaires.
111 CAEF, 3 D 92, Notice générale et 3 D 89, Archives Auberger.
112 CAEF, 3 D 15. Formulaire A. Première partie Identification (Identité, service, installation géographique, situation administrative). Deuxième partie Vos attributions (14 questions, charge de travail, installation matérielle, contacts avec autres directions, contacts avec extérieur du ministère, précision des instructions, évaluation du travail, liberté d’initiative et d’exécution, perfectionnement et recyclage, information, documentation, facteurs d’amélioration du travail). Attributions personnelles, 22 questions. Troisième partie Objectifs individuels (6 questions) et description de ces objectifs.
113 CAEF, 3 D 15, Formulaire B. « À remplir après concertation au sein de l’unité hiérarchique ». Première partie : Identification. Deuxième partie : Votre activité (17 questions avec mesure du degré de satisfaction). Deuxième partie bis : Attributions personnelles (3 questions). Troisième partie : Objectifs individuels (4 questions, description des objectifs). Quatrième partie : Objectifs collectifs (description de chaque objectif).
114 CAEF, 3 D 91 et 3 D 93. Il y a un questionnaire spécial pour la direction générale des Impôts (rouge). Les questions ajoutées portaient sur les travaux réalisés dans l’année et leur volume, la délégation des tâches à des agents subalternes de qualification inférieure et l’évolution des tâches dans le futur, la répartition des tâches à 5 ans et l’affectation ou le retirement de personnels.
115 CAEF, 3 D 15. La question sur les moyens matériels reste vague et générale. Par exemple, il n’est pas demandé de lister les machines ou les équipements de bureau.
116 Entretien de l’auteur avec G. d’Aumale, le 5 juillet 2012.
117 Philippe de Montrémy, né en 1913, inspecteur des Finances (1939), directeur général des Douanes et des Droits indirects (1958‑1971).
118 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 28 janvier 1969, entretien Huet-Auberger.
119 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 6 janvier 1970. Sur les réunions internes à la CP auxquelles a donné lieu l’enquête-questionnaire en 1969-1971, CAEF, Fonds CP, B-0065209/2.
120 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 28 mai 1969, et 3 D 90. Selon G. d’Aumale, seul le service de Législation fiscale se serait laissé tirer l’oreille.
121 CAEF, 3 D 91. En juin 1969, le compte rendu d’une réunion de la Mission avec la direction générale des Impôts mentionne que la direction est « particulièrement intéressée par le questionnaire, sur lequel elle entend se fonder pour revoir la distribution des moyens en personnel entre les bureaux ». À sa demande, « des pages contenant des questions sur la charge des travaux d’études, sur la possibilité de faire effectuer certaines tâches par des agents d’une qualification inférieure, sur le degré d’importance des travaux, etc. seront ajoutées dans les seuls formulaires destinés à la DGI. L’exploitation du questionnaire DGI sera faite par priorité, cette direction générale fournissant une aide en personnel qualifié ».
122 CAEF, 3 D 93. La direction générale du Commerce intérieur et des Prix fait pour elle-même une synthèse en février 1970, sous la direction d’Alain-Gérard Cohen chargé de mission auprès de Jean-Pierre Fourcade, directeur général.
123 CAEF, 3 D 98, Résultats de l’enquête CFCE.
124 Jean Mascard, né en 1921, ancien élève de l’ENA, promotion France Combattante (1946-1948), administrateur civil à la direction du Budget, a été conseiller technique au cabinet de René Pleven au ministère de la Défense nationale en 1953, du secrétaire d’État au Budget en 1957 et d’André Boulloche, ministre délégué auprès du Premier ministre en 1958, puis chef des services financiers du District de la région parisienne.
125 Réactions des syndicats à l’enquête-questionnaire (CAEF, 3 D 88, 3 D 89 et 3 D 91). Un tract CGT du 9 octobre 1969 critique la transmission du questionnaire par voie hiérarchique, le délai très bref laissé pour répondre, le non-anonymat du questionnaire, la présence de jugements de valeur et l’absence d’objectivité. Il rappelle les engagements pris par le ministre des Finances les 1er et 4 juin 1968, suite à la crise de Mai 68, de consulter les syndicats sur les questions de structures et d’organisation. Un tract CGT-CFDT de la Prévision prône une « attitude réservée » à propos du questionnaire et demande l’anonymat de la consultation et le contrôle syndical. René Bidouze (CGT) demande le 10 octobre 1969 par lettre à V. Giscard d’Estaing la réunion d’un comité technique paritaire et se plaint de n’avoir pas été associé aux travaux de la Mission, contrairement aux engagements pris par le gouvernement lors des accords Oudinot et au discours du Premier ministre Chaban-Delmas du 16 septembre 1969. V. Giscard d’Estaing, dans sa réponse du 31 octobre 1969, promet aux syndicats que les résultats de l’enquête leur seront communiqués dès qu’ils seront connus et qu’ils seront associés aux réorganisations administratives. Le ministre indique à P. Huet qu’il s’oppose à ce que la réalisation du questionnaire soit subordonnée à l’avis des syndicats, mais qu’il accepte la communication des conclusions aux syndicats.
126 CAEF, 3 D 89, Note du 5 novembre 1969.
127 CAEF, 3 D 89, J. Mascard, directeur du Personnel et des Services généraux, note du 7 décembre 1970.
128 CAEF, 3 D 95, Archives d’Aumale.
129 On retiendra ainsi le rôle décisif de Jean-Paul Parayre auprès de F.-X. Ortoli, qui contraste avec la réserve de certains conseillers de V. Giscard d’Estaing comme J. Calvet, tandis que J. Sérisé, directeur de la Prévision, directeur de cabinet puis conseiller spécial du ministre, semble se désengager progressivement.
130 CAEF, 3 D 95, 3 D 96, 3 D 97 et 3 D 91. Note de G. d’Aumale à P. Huet le 25 juillet 1969, exploitation du questionnaire. Six thèmes d’étude sont prévus : la situation des agents de catégorie A et leur travail ; les facteurs d’amélioration de l’efficacité ; la fonction de gestion interne ; la fonction « contrôle, surveillance, tutelle et conseil », les activités du MEF tournées vers d’autres administrations, l’élaboration d’une structure d’objectifs.
131 Pour la direction du Trésor, CAEF, 3 D 99 et 3 D 101 (rapport de synthèse de 21 pages, 27 juillet 1970 ; annexes Organigramme et Structure des Missions ; commentaire par bureau ; notes Huet, Perdriau, Auberger).
132 On reconnaît la méthode contradictoire de l’inspection des Finances, mais aussi de la Cour des comptes ou du Comité d’enquête sur le coût et les rendements des services publics. Au moment de présenter ses conclusions au directeur concerné, P. Huet prend nombre de précautions oratoires. Ainsi par exemple, lors de l’envoi de sa note de synthèse le 28 juillet 1970 à René Larre, directeur du Trésor, Huet lui rappelle les « biais » qui ont affecté l’enquête à la direction du Trésor : l’analyse « a été volontairement orientée vers la remise en cause systématique, mais elle a pour seule ambition de susciter de votre part réflexion et réaction afin d’amorcer le dialogue indispensable au succès de cette mission. Car je souhaite ne présenter au ministre que des suggestions contradictoirement éprouvées, auxquelles vous aurez été préparé, même si vous les estimez mal fondées ou inopportunes ». La réunion contradictoire a lieu le 25 novembre 1970, en présence de Jean-Yves Haberer. L’intrusion inquisitoriale de la Mission RCB dans la vie et le fonctionnement des directions centrales, le fait que P. Huet rende directement compte au ministre, ressemblent trop, sous l’apparence d’une enquête-questionnaire à caractère organisationnel et managérial, à un contrôle et à une évaluation des services centraux par l’inspection des Finances pour ne pas indisposer des responsables gestionnaires jusque-là épargnés par ce genre d’exercice.
133 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 26 novembre 1969.
134 CAEF, 3 D 90, Note de synthèse « Analyse des résultats de l’enquête RCB de novembre 1969 », s. d.
135 CAEF, 3 D 90, Note de Beisson, direction du Personnel.
136 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 18 février 1970.
137 CAEF, 3 D 99. Notes sur la réforme de la direction du Budget, 12 juin 1970 (8 p.) et 10 juin 1970 (11 p.) ; note « Structure de mission et d’attributions » pour la direction du Budget (8 p.).
138 CAEF, 3 D 96. Archives de l’enquête-questionnaire.
139 Les archives Auberger montrent que Pour nationaliser l’État a été dépouillé et pris en notes, CAEF, 3 D 88. Auberger rédige des notes de synthèse fin 1970, où il indique que « l’administration française a sa part dans le blocage actuel de la société », 3 D 89, 5 octobre 1970.
140 CAEF, 3 D 95. Par exemple, P. Huet adresse à telle ou telle direction une note intitulée « Suggestion d’un programme de travail » ou « Établissement de la liste des problèmes qui se posent à la Direction ». En suggérant des mesures de perfectionnement, de réorganisation ou de réforme administrative, il est fidèle au tropisme rationalisateur de l’inspecteur des Finances, et à la mission qui lui a été impartie : « proposer les modifications à apporter à la compétence et à la structure des services du Département pour l’accomplissement de ces missions » (arrêté de création, Journal Officiel du 15 mai 1968).
141 CAEF, 3 D 104.
142 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger, 2 mars 1970 et programme de travail établi en avril 1970.
143 CAEF, 3 D 105, Note de P. Huet à J. Mascard lui annonçant la remise du Rapport final au ministre et lui envoyant son propre exemplaire.
144 Michel Debré a en effet pris la décision en 1968 de quitter le Palais du Louvre et de reloger le ministère des Finances dans des lieux plus spacieux et plus modernes. Plusieurs sites sont à l’étude à la veille de Mai 1968 : les Halles, le quai Branly, le site de Bercy (déjà)… cf. F. Descamps, « Le retour d’Édouard Balladur ministre de l’Économie et des Finances au Palais du Louvre en 1986. Une parfaite mauvaise décision ? », in François Monnier et Jean-Michel Leniaud (dir.), La mauvaise décision, Cahiers d’histoire administrative, Paris/Genève, EPHE-Droz, 2015, p. 65‑95.
145 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au ministre du 30 octobre 1969. Le modèle LOCO s’appuie sur de nouveaux standards de construction (constructions modulaires, procédés industrialisés). Il sera utilisé pour les arbitrages budgétaires concernant la construction de la cité administrative de Lyon.
146 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au ministre du 30 octobre 1969. Sur les conseils de la Mission RCB, le Budget a décidé de faire appel à la SEMA pour régler son problème du passage d’une nomenclature traditionnelle de budget de moyens à une nomenclature de budget d’objectifs.
147 CAEF, 3 D 76, ns, Note pour le ministre, 29 septembre 1969. L’étude conclut à la nécessité d’une harmonisation des nomenclatures utilisées au MEF sur la base du Plan comptable général et propose que la responsabilité de ce dossier soit confiée à l’INSEE.
148 Il semble que ce groupe de travail n’ait pas abouti, achoppant sur la question du contrôle de gestion a posteriori dont l’instauration est vivement souhaitée par Huet, mais à l’égard duquel la direction de la Comptabilité publique se montre plus que réservée.
149 Le terme « informatique » apparaît, avec celui d’ordinateur, au début des années 1960. Rappelons que la délégation à l’Informatique a été créée le 8 octobre 1966, que le Plan Calcul a été annoncé en conseil des ministres en décembre 1967 et qu’une circulaire du Premier ministre le 7 décembre 1967 a recommandé à tous les départements ministériels de se doter d’une commission d’informatique ayant une compétence élargie, sur les services centraux comme sur les « services extérieurs ». La RCB, quant à elle, a été lancée en janvier 1968. À la Mission RCB, P. Huet parle surtout d’« ensembles électroniques de gestion » qu’il distingue des équipements mécanographiques de la période antérieure. Sur les ensembles électroniques de gestion, voir la publication de la CEGOS, Gérard Bauvin, Les ensembles électroniques de gestion : dix expériences françaises d’utilisation, Paris, Édition des Hommes et Techniques, 1963. Voir aussi Antoine Weexteen, « Le conseil aux entreprises et à l’État en France : le rôle de Jean Milhaud (1898-1991) dans la CEGOS et l’ITAP », Paris, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Patrick Fridenson, EHESS, 1999. Sur l’arrivée de l’informatique et les bouleversements que cela engendre, Pierre Mounier-Kuhn, L’informatique en France de la Seconde Guerre mondiale au Plan Calcul. L’émergence d’une science, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2010 ; Cédric Neumann, « De la mécanographie à l’informatique. Les relations entre catégorisation des techniques, groupes professionnels et transformation des savoirs managériaux », thèse de doctorat en histoire sous la direction de Michel Lescure, université Paris-Ouest-Nanterre, 2013 et « La construction sociale d’une catégorie : les “automatismes de gestion” », Entreprises et Histoire, n° 52, 2008, p. 85‑95.
150 P. Huet, Rapport général, volume 2, chapitre II, section 2 sur les systèmes d’information et l’informatique de gestion. Sur l’illusion technicienne, Fabrice Pavé, L’illusion informaticienne, Paris, L’Harmattan, 1989. Fabrice Pavé est un disciple de M. Crozier.
151 CAEF, 3 D 91, Note additionnelle pour le ministre, 30 octobre 1969, signée P. Huet, p. 2.
152 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, note au ministre du 30 octobre 1969 ; 3 D 122, Rapport du Groupe spécialisé pour les marchés de matériels et de services informatiques. Henri Chanet, inspecteur général des Finances, préside, à partir du 2 mai 1967, à la demande d’Yves Guéna, ministre des PTT, le groupe de travail chargé d’étudier les conditions de mise en place d’un plan de rattrapage pour l’équipement téléphonique français, sous le triple aspect du financement, des structures internes et de la politique industrielle. Ce groupe de travail produit deux rapports, remis au ministre des PTT le 31 juillet 1967, qui donnent lieu à la création de deux groupes de travail, Finances-PTT et Industrie-PTT, en septembre et octobre 1967. C’est à partir de leurs recommandations que les décisions relatives à l’augmentation des investissements accordés au téléphone pour les deux dernières années du Ve Plan sont prises et qu’interviennent les premières grandes réorganisations de l’administration des Télécommunications (cf. Marie Carpenter, « Les rapports Chanet de 1967, fondement du rattrapage téléphonique français », consultable en ligne : https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-entreprises-et-histoire-2010-4-page-192.htm). Voir aussi M. Carpenter, La bataille des télécoms. Vers une France numérique, Paris, Economica, 2011.
153 CAEF, 1 A 49, Notes de la direction du Personnel et du cabinet, papiers Parayre, notamment celle du 29 novembre 1969.
154 CAEF, 1 A 49, Note du 22 janvier 1969, signée Olivier Lefranc sur les difficultés posées par cette situation.
155 Noël Aucagne, « L’informatique au ministère de l’Économie et des Finances », in IFSA, L’informatique dans l’administration, cahier n° 4, Paris, Éditions Cujas, 1969, p. 15‑25.
156 CAEF, 1 A 49, Compte rendu de la réunion du 9 décembre 1968 dans le bureau de J.‑P. Parayre.
157 Le scientisme et le technicisme de P. Huet, qui pense que l’informatique guérira l’administration de tous ses maux, sont partagés à la même époque par bien d’autres hauts fonctionnaires, au ministère de l’Intérieur, à la Défense, à l’Industrie ou à la DATAR. Sur « la griserie technicienne » et « l’illusion informaticienne » dans les années 1960, Pierre-Yves. Baudot, La compatibilité des systèmes. L’informatique dans le jeu administratif. Préfectures, collectivités locales et ministère de l’Intérieur (1966-1975), p. 11‑14, consultable en ligne : http://triangle.ens-lyon.fr/IMG/pdf/comptaSysteme.pdf.
158 L’histoire de l’informatique administrative au ministère des Finances dans les années 1960 et 1970 reste à écrire, en particulier dans ses deux variantes directionnelles, aux Impôts et à la Comptabilité publique. Sur l’introduction de la mécanographie au ministère des Finances dans la période précédente et son déclin au tournant des années 1950 et 1960, cf. Aouatef Chérif, « La mécanographie et ses répercussions au sein de l’administration française. Le cas du ministère des Finances 1930-1970 », thèse de l’École nationale des Chartes, 2006 et « Introduction des nouvelles technologies et changements organisationnels au sein du ministère français des Finances : l’exemple de la mécanographie (des années 1930 aux années 1970) », Entreprises et Histoire, vol. 75, n° 2, 2014, p. 24‑41.
159 F. Descamps, « Une tentative de politique de productivité dans les services publics : Gabriel Ardant et le Commissariat général à la Productivité 1954-1959 », in P. Bezes, F. Descamps, Sébastien Kott, Lucile Tallineau (dir.), L’invention de la gestion des finances publiques. Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, vol. 2, 2013, p. 401‑442.
160 Le premier stage CFPP au ministère des Finances a lieu en avril-mai 1969 (CAEF 3 D 78). En 1968-1969, un tiers des places est réservé aux administrateurs du ministère des Finances.
161 Pour une synthèse sur les stages, voir le rapport Le Noane (CAEF, 3 D 6). Sur les stages RCB en général, leur programme et leur organisation, CAEF 3 D 78, 3 D 81 et 3 D 04, Bulletins et stages RCB 1970 et 1971. Voir la contribution de Philippe Bezes dans le présent volume, partie II.
162 CAEF, 3 D 89, Archives Auberger (dossier Inspection des Finances).
163 CAEF, Z 10679.
164 Le cabinet de conseil McKinsey a été fondé aux États-Unis en 1926 et a ouvert son premier bureau européen à Londres en 1959, puis celui de Paris en 1964. Le consultant américain travaille pour les organisations privées (les grandes compagnies nationales et internationales), pour les organisations publiques (les services de la présidence des États-Unis) ou non gouvernementales (la Croix-Rouge, le BIT). Le rapport McKinsey sur le BIT a été transmis à P. Huet par J. Ripert le 27 mai 1969. Selon Geoffroy d’Aumale, ce choix américain fut contesté à l’époque, au nom de considérations de confidentialité et d’intérêt national. Sur le consultant américain, cf. Christofer McKenna, The World’s Newest Profession: Management Consulting in the Twentieth Century, Cambridge University Press, 2006.
165 F. Descamps, « Lorsque la direction du Budget faisait appel à un cabinet de conseil privé pour sa propre réorganisation… », Revue française d’administration publique, n° 131, décembre 2009, p. 513‑525. Sur la montée des consultants en France au xxe siècle, Odile Henry, Les guérisseurs de l’économie : sociogenèse du métier de consultant en France 1900-1944, Paris, CNRS Éditions, 2012.
166 CAEF, 3 D 78. P. Huet envoie B. Auberger, qui est pourtant un ancien élève de l’école des Mines de Paris, se former au calcul économique dans ce cabinet de conseil du 11 au 14 février 1969.
167 CAEF, Z 10 679, Archives Galdin.
168 CAEF, 3 D 91, Note au ministre du 27 février 1970, notes des 29 et 30 juillet 1970, note du 16 septembre 1970, etc.
169 CAEF, 3 D 109, Rapport Gruson de 1966 et Rapport Bloch-Lainé de 1956, résumés par P. Huet.
170 CAEF, 3 D 109, Rapports effectués par les membres de l’équipe sur les exemples étrangers (missions à l’étranger, correspondance avec l’ambassade de France, rapports et notes diverses).
171 CAEF, 3 D 104 à 3 D 110, Rapport final en 3 D 136. Dans les notes préparatoires, on discerne les résistances qu’ont suscitées les propositions de Huet en matière de gestion, notamment à la direction de la Comptabilité publique et au Budget. Les tensions les plus grandes ont lieu sur la rénovation du contrôle financier, sur l’instauration d’un contrôle de gestion a posteriori et sur l’informatique (3 D 108). Les choses se passent nettement mieux avec la DGI.
172 En 1972, le taux de croissance est de 6,6 %. Pourtant, dès 1970-1972, des doutes se font jour sur les « limites » du modèle français, cf. le Rapport du Club de Rome, commandé en 1970 au MIT, publié en 1972 et traduit en France en 1973 sous le titre de Halte à la croissance.
173 Ce sera chose faite avec Dominique Strauss-Kahn ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, en 1996, achevant l’œuvre de fusion des ministères économiques et financiers commencée en 1938, interrompue en 1944 et reprise dès 1948.
174 La direction du Trésor, refondée et diminuée en 1945, a successivement absorbé en 1959 la direction du Contrôle des entreprises publiques, en 1965 la direction des Finances extérieures, en 1991 la direction des Assurances, en 2004 la direction de la Prévision ainsi que la direction des Relations économiques extérieures.
175 Entretien de P. Huet avec Olivier Feiertag, n° 12, 29 mai 1991, cassette 21, témoignages oraux, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France et entretien de Geoffroy d’Aumale avec Florence Descamps, 5 juillet 2012 à son domicile.
176 La proposition du transfert de la fonction budgétaire à l’échelon du Premier ministre, si elle est un grand classique depuis le Rapport Bloch-Lainé de 1956, ne fait jamais recette ni auprès du directeur du Budget ni auprès du ministre des Finances. Idem pour la création d’un Secrétaire général du ministère des Finances, fonction qui a disparu Rue de Rivoli depuis qu’elle a été occupée en 1938-1939 par Yves Bouthillier et réaménagée sous Vichy, et qui dans la période fait systématiquement l’unanimité contre elle de la part des grands directeurs, du ministre et de son cabinet. Le seul moment où la direction du Budget s’est trouvée rattachée au Premier ministre, c’est lorsque Raymond Barre, en 1976, a cumulé les deux rôles de Premier ministre et de ministre de l’Économie et des Finances.
177 Cette cellule RCB, tenue par un ancien conseiller commercial, Robert Galdin, n’a qu’un rôle de coordination et d’organisation en lien avec la direction de la Prévision, au service de la Commission interministérielle de RCB ; elle n’effectue aucune étude. En revanche, elle gère les crédits RCB à l’échelle interministérielle (contractuels, consultants).
178 Note anonyme, 1973, 35 p. (plus annexes) ; note du 14 février 1974, signée G. Vidal, chef de service, à R. Gaudriault, chef du SCOM, base Crystal, Bercy.
179 Xavier Gouyou-Beauchamp, Un État dans l’État ? Le ministère de l’Économie et des Finances, Paris, Bordas, 1976.
180 Sur cette ambition de la DPSG, CAEF, 3 D 78, circulaire du 27 juillet 1969.
181 Geneviève Guitard, attachée principale à la direction du Personnel et des services généraux entre 1977 et 1989, affectée en 1983 au bureau Organisation des services (01 puis P2) où elle s’occupe du budget de programme et des réorganisations de l’administration centrale et des services financiers, a connu les « classeurs noirs » de la Mission Huet et dit les avoir utilisés tout au long des années 1970 (note de G. Guitard le 16 juin 2014).
182 Une tentative fera long feu en 1976, quatre ans après le Rapport Huet.
183 CAEF, 3 D 91, Archives Huet, entretien du 13 février 1970 entre P. Huet et J. Mascard.
184 Décret du 7 mai 1977.
185 Sur cette nouvelle direction, Guy Delorme, né en 1929, inspecteur des Finances (1954), directeur de 1977 à 1979, De Rivoli à Bercy. Souvenirs d’un inspecteur des Finances 1952-1998, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2000, p. 209‑231. Cette direction s’est principalement occupée de l’amélioration des relations avec les contribuables/usagers, à l’échelon local notamment.
186 CAEF, 3 D 85, Séminaire ENA, « Affaires administratives » et 3 D 108. Plusieurs notes dans les archives Huet attestent des difficultés que connaît la direction générale des Impôts en matière de personnel, de recrutement, de management et de gestion, engendrées ou aggravées par la fusion des régies.
187 Cf. les tableaux d’indicateurs mis au point par la direction des Prix pour ses activités de contrôle.
188 Il ne faut pas surestimer le caractère novateur de tels outils ; ceux-ci s’apparentent largement aux tentatives de calcul des coûts et rendements des années 1940 ou aux mesures de la productivité administrative à la fin des années 1950.
189 Au gré des configurations gouvernementales postérieures, le Budget s’est retrouvé non pas rattaché au Premier ministre comme l’aurait voulu Philippe Huet, mais marié avec les Comptes de l’État, la réforme de l’État et la Fonction publique (Éric Woerth, ministre de Nicolas Sarkozy en 2008‑2009).
190 P. Bezes, F. Descamps et Scott Viallet-Thévenin, « Bercy : empire ou constellations de principautés », Pouvoirs, n° 168, 2019, p. 9‑28.
191 F. Descamps, « Dysfonctionnements et réforme administrative. Le cas de la réforme Sautter 1999-2000 », Actes de la Journée d’étude de l’équipe EA 112 le 26 janvier 2011, in J.-M. Leniaud et F. Monnier (dir.), Les dysfonctionnements dans la décision administrative, Paris/Genève, EPHE/Droz, novembre 2011, p. 139‑152.
192 Theodore M. Porter, Trust in numbers. The pursuit of Objectivity in Science and in Public Life, Princeton, Princeton University Press, 2006.
193 Voir à ce sujet les mémoires de M. Crozier, Ma belle époque : mémoires, op. cit., p. 270.
194 B. Tilly, La compétence des agents du fisc, Paris, L’Harmattan, 1999. Cet ouvrage est le fruit d’une enquête ethnographique et sociologique, qui s’est déroulée dans le cadre d’une thèse en science politique pendant huit années en Bretagne au sein de l’administration fiscale locale, suite au conflit des Impôts de 1989. Mais il n’y a pas eu d’enquête du même type à l’administration centrale…
195 Albert Ogien, L’Esprit gestionnaire : une analyse de l’air du temps, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995 ; P. Bezes, « L’État et les savoirs managériaux : essor et développement de la gestion publique en France », in François Lacasse, Pierre-Éric Verrier, 30 ans de réforme de l’État. Expériences françaises et étrangères : stratégies et bilans, Paris, Dunod, 2005 ; Jean-Marcel Théron, Le pouvoir magique. Les techniques du chamanisme managérial, Pearson, 2008.
196 Pierre Lascoumes et Patrick Le Gales (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
197 Sur l’émergence du New public Management en France et son adoption par la haute fonction publique française, P. Bezes, Réinventer l’État, op. cit., p. 341‑420 (chapitre VI, 1991‑1997) et P. Bezes et C. Musselin, « Le New Public Management : entre rationalisation et marchandisation ?, in Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot et Pauline Ravinet. Une « French Touch » dans l’analyse des politiques publiques ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 128‑151 (en ligne https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01520666/document).
198 Nous empruntons à Michel Margairaz (et à François Bloch-Lainé) le concept de « conversion » qu’il a lui-même utilisé pour parler de la « conversion » du ministère des Finances à l’économie au tournant des années 1940 et 1950.
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Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel 1962-1978
Ce livre est cité par
- Pillon, Jean-Marie. Garcia, Sandrine. Mauchaussée, Marion. Peyrin, Aurélie. (2021) La Grande transformation des trois fonctions publiques : enjeux quantitatifs et qualitatif. Entretien avec Marion Mauchaussée et Aurélie Peyrin. Revue Française de Socio-Économie, n° 27. DOI: 10.3917/rfse.027.0141
Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel 1962-1978
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