La RCB et la transformation de la direction générale des Télécommunications
p. 383-427
Texte intégral
1En 1969, en France, le parc téléphonique de quatre millions de lignes principales représentait une densité téléphonique de 7,8 lignes pour 100 habitants, un des taux des plus faiéles des pays industrialisés. En 1981, le parc de 18 millions représentait un taux de 30 %, plaçant la France au 16e rang mondial. Le délai moyen de raccordement était de 16 mois en 1967. Il fut réduit à 4 mois en 1980. Au lieu de 5 000 cabines téléphoniques en 1969, la France en comptait 100 000 en 1980. Le taux d’automatisation passa quant à lui de 65 % des lignes en 1968 à environ 100 % en 19791. Les dates et l’ampleur de la réussite peuvent expliquer une tentation d’accorder à l’initiative de la rationalisation des choix budgétaires (RCB) une part – plus ou moins importante – de la responsabilité de ce succès de la direction générale des Télécommunications (DGT). Pour l’adoption des budgets de programme, par exemple, la DGT fut identifiée comme un secteur aux limites de l’économie « marchande » où « cette doctrine s’est particulièrement affirmée »2. Elle fut également considérée comme une des deux réussites, avec le ministère de la Défense, en ce qui concerne la modernisation de la gestion3.
2Cependant, les récits de cette époque citent rarement la RCB parmi les explications de cette sortie de crise des télécommunications pendant les années 19704. Un des acteurs principaux du lancement de la RCB au sein du service des Programmes et des études économiques (SPEE) à la DGT ne met pas non plus en valeur l’apport de cette initiative et s’en souvient plutôt comme une « galère » qui a rapidement « disparu dans les sables »5.
3Au moment de l’annonce officielle de la mise en place de l’opération RCB à la fin des années 1960, une réforme importante de la DGT était déjà en cours. La publication des rapports Chanet en 1967 en fut une manifestation importante6. Les groupes de travail associés à cet audit préconisèrent alors deux réformes administratives importantes nécessaires pour réussir enfin le rattrapage téléphonique : une autonomie partielle accompagnée d’une réorganisation importante avec une décentralisation vers les régions accompagnée d’un suivi très rigoureux des indicateurs de performance au niveau central. Ces réformes administratives furent entreprises entre juillet 1968 et mars 1972 en parallèle d’une réorganisation profonde de la DGT à tous les niveaux.
4Au moment du séminaire RCB tenu au château d’Artigny à Tours, du 7 au 9 février 1969, la DGT avait déjà posé les fondations de sa sortie de ce « flot d’irrationalité »7 qui avait contribué à l’état lamentable du téléphone en France. La réforme fondamentale de la DGT entamée à partir de la fin des années 1960 a donc été menée en parallèle des mesures issues de la RCB introduites au sein de cette administration. L’approche et les méthodes RCB étaient compatibles avec celle préconisée par les rapports Chanet. En particulier, en ce qui concerne la décentralisation vers les directions régionales, les objectifs et les techniques adoptés furent très complémentaires et la DGT apparaît dès lors comme ayant constitué un terrain propice pour les ambitions et les méthodes de modernisation de la gestion promues par la RCB.
5Cependant, les limites de la RCB en tant que « programme de maximation sous contraintes »8 limitèrent son impact au sein de la DGT pour qui a concerné les décisions qui relevaient des choix technologiques où l’avenir est très incertain et où l’influence de la politique industrielle est omniprésente.
6Finalement, les spécificités des Télécoms et de la Poste rendaient difficilement « transférables » leurs choix organisationnels vers d’autres administrations françaises. En particulier, au sein des télécoms, la présence des sociétés de financements et les recettes grandissantes qu’elles ont générées ont accordé une certaine autonomie de la DGT dans ses investissements et ses projets futurs – sous condition, bien sûr, de toujours pouvoir démontrer un suivi budgétaire rigoureux. Autant la RCB a pu aider pour poursuivre ce dernier objectif et pouvoir ainsi renforcer l’autonomie de la DGT et faciliter la décentralisation qui permit le déploiement rapide du nouveau réseau, autant elle a pu être perçue comme inadaptée vis-à-vis de l’ampleur des nouveaux projets entrepris par la DGT à partir de 1978.
Un souffle de réforme plane autour de la DGT dans les années 1960
7Un acteur important de la RCB au sein de la DGT, René-François Bizec9, note l’importance du rôle – et des ambitions – de Valéry Giscard d’Estaing10 en tant que ministre des Finances du gouvernement Pompidou en expliquant que la création de la direction de la Prévision dans son ministère répondit à un double objectif : « d’une part mettre la main sur les grands mécanismes d’élaboration des décisions concernant les grands investissements publics et d’autre part, essayer de contrôler autant que faire se peut la trop grande indépendance de la direction du Budget ». Il précise aussi que « l’Élysée et Matignon étaient très bien pourvus de “grands camarades”, experts en matière de politique industrielle mais Giscard lui aussi voulait mettre son nez dans la politique industrielle ». Finalement, René-François Bizec explique que « le souffle de la micro-économie fondée, pour ce qui est de la France, par Maurice Allais11, Jacques Lesourne12, Marcel Boiteux13… touchait les hauts fonctionnaires »14.
8En accueillant les participants à un séminaire de RCB en novembre 1969, en tant que ministre de l’Économie et des Finances, Valéry Giscard d’Estaing insista sur le besoin de modernisation, en regrettant : « cette espèce de mélancolie qui s’est emparée du corps social français, non pas depuis quelques mois mais depuis quelques années, et qui est le sentiment d’une certaine inefficacité ou incapacité. Cela résulte non pas du fait que nous serions devenus plus inefficaces ou plus incapables qu’avant, mais simplement que nous avons découvert qu’en réalité nos structures n’étaient pas adaptées aux nécessités économiques contemporaines »15.
9Il argumenta également pour défendre la place de la concurrence et son rôle pour inciter les acteurs à se réformer : « ce qui a été réformé, ou ce qui commence à l’être, ce sont les parties de l’État qui sont aux frontières de la compétition extérieure. Par exemple, dans le secteur de la Défense nationale, il est très frappant de voir que ce sont des entreprises de type finalement quasi commercial, qui sont amenées à réviser assez rapidement leurs structures ; dans le domaine de l’économie et des finances ce sont les secteurs des entreprises qui rendent un service de type quasi compétitif qui ont été obligés de se remanier, par exemple, la SEITA16. Par contre, tout le noyau dur de l’administration, qui n’est pas gagné par la compétition, aurait une tendance naturelle à demeurer inchangé »17.
10Valéry Giscard d’Estaing avait déjà évoqué cette société nationale, la SEITA, en tant que président de la Commission des finances en 1967, avec sa proposition de création d’une Compagnie national du téléphone. En plus de la SEITA, qui était un service du ministre des Finances avant d’être transformé en établissement public, il cita EDF dont la personnalité civile et l’autonomie financière lui permettaient de « mettre en œuvre des méthodes modernes de gestion industrielle et utiliser des modes de financement adaptés à une structure où le rendement des investissements est particulièrement élevé »18. Dans un article paru en novembre 1968 dans l’hebdomadaire des républicains indépendants, Réponses, pour défendre l’idée d’une Compagnie nationale du téléphone, il présenta ce projet comme « l’exemple même d’un changement qu’un pays moderne doit imposer à ses structures s’il veut vivre avec son temps »19. Pour remédier à la situation de pénurie persistante en France, les actions nécessaires, selon lui, ne se limitaient ni aux progrès technologiques initié par les ingénieurs du Centre national d’études des télécommunications (CNET), ni à un accès à des ressources financières plus importantes que celles prévues dans le Ve Plan. Il fallait, arguait-il, se doter d’une organisation efficace pour les opérations du téléphone, différentes de celles de la Poste et des chèques postaux et posait la question ainsi : « comment croire que la règlementation classique budgétaire, déjà paralysante pour une administration classique, est adaptée au développement du téléphone, qui constitue une industrie électronique de pointe ? ». Il concluait que « contre un tel changement, toutes les forces de conservatisme, de la routine et de la paresse d’esprit sont évidemment liguées » et insistait sur le fait que, pour éviter qu’elles ne triomphent, « il ne suffit pas de modifier les textes, il faut surtout avoir le courage de réformer le réel »20.
11Lors d’un débat avec le ministre des PTT de l’époque, Yves Guéna, Valéry Giscard d’Estaing insista à nouveau sur l’efficacité d’une organisation privée mais il n’obtint que la création d’un groupe de travail chargé d’examiner les problèmes posés par l’organisation du service du téléphone21.
Les réformes nécessaires de la DGT en phase avec les prémisses de la RCB : 1968‑1974
12Les déclarations de Valéry Giscard d’Estaing au sujet de la nécessité de réorganiser les télécommunications faisaient écho à celles – grandissantes – des usagers mécontents et des ingénieurs des télécommunications frustrés des conséquences de l’état délabré du réseau téléphonique français à l’époque du « 22 à Asnières ». La nomination de Pierre Marzin22, directeur du CNET, à la tête de la DGT en décembre 1967 marqua le début d’une série de réformes importantes mettant cette administration sur une trajectoire de croissance, d’augmentation de productivité et d’innovation qui fit date dans l’histoire des opérateurs de télécommunications. Une partie importante de ces réformes eut lieu pendant la décennie de mise en œuvre de la RCB (1968-1978) et ces initiatives parallèles sont parfois imbriquées. Pour éviter de confondre ce qui relève des réformes en cours avant le lancement des programmes de la RCB, il est nécessaire de bien préciser les réformes liées aux « rapports Chanet »23 (Tableau 1).
Tableau 1. Calendrier des réformes de la DGT et de la RCB
Année | 67 | 68 | 69 | 70 | 71 | 72 | 73 | 74 | 75 | 76 | 77 | 78 | 79 | 80 | 81 |
Plan | Fin du Ve Plan | VIe Plan | VIIe Plan | ||||||||||||
Directeur DGT | Pierre Marzin | Louis-Joseph Libois | Gérard Théry | ||||||||||||
Mise en place des recommandations des groupes de travail du rapport Chanet, 1967 | |||||||||||||||
Finances | 1* | 2* | 3* | 4* | 5* | 6* | |||||||||
Organisation | A* | B* C* | D* | E* F* | |||||||||||
Mise en place de la RCB | |||||||||||||||
DGT | Pilote | Études analytiques, budget des programmes, modernisation |
13En 1967, Henri Chanet, polytechnicien et inspecteur des Finances24, fut chargé d’étudier les conditions de la mise en place d’un « plan de rattrapage… sous le triple aspect du financement, des structures internes et de la politique industrielle »25. Yves Guéna, ministre des PTT, créa deux comités « Finances-PTT » et « Industrie-PTT » qui se penchèrent sur les questions à résoudre pour redresser la situation de retard français vis-à-vis des autres pays développés dans un horizon de 12 ans, c’est-à-dire à l’horizon 1980. Le langage des rapports Chanet rappelle celui de la RCB, en évoquant notamment la « recherche d’un optimum économique »26 mais leurs objectifs étaient triples : assurer un niveau de financement suffisant – estimé à 60 milliards de francs –, introduire une meilleure organisation administrative et technique et organiser les relations entre l’industrie et l’État.
14En tant que Premier ministre, Georges Pompidou était déjà en train de s’attaquer au retard grandissant du téléphone français avec une augmentation 20 % des investissements pour le budget de l’année 1968. Bernard Esambert, son conseiller technique27, se souvient de la difficulté éprouvée par Michel Debré face à cet arbitrage. Présent à la réunion entre lui et Yves Guéna, il rappelle : « il considéra que cet arbitrage était justifié parce qu’il avait lui-même reçu les travaux des comités PTT-Industrie et PTT-Finances. Il était donc parfaitement conscient du problème. Cependant, d’un autre côté, il était le ministre de l’Économie et des Finances et le tenant de la rigueur budgétaire et financière. Il était donc déchiré entre sa conscience des besoins et la nécessité de planifier rigoureusement son budget. Il était très ému à la fin de la réunion »28.
15Pour les ingénieurs des télécommunications, il fallait rompre avec cette politique « au fil de l’eau » qui avait mené « à l’asphyxie progressive du réseau »29. Un nouveau mode de financement fut alors introduit à travers la création d’abord de la Caisse nationale de Télécommunications (CNT). Il fut suivi, par la suite, de la création de sociétés de financement privées et, finalement, d’une société de financement publique. Ces organismes combinèrent deux innovations : l’émission de titres avec la signature de l’État français par le biais du réseau bancaire et pas seulement par le recours aux « seuls comptables des PTT » et la possibilité, pour la DGT, d’utiliser les fonds progressivement par une méthode d’achat sous forme de crédit-bail ou de leasing. Dans la mise en place de cette réforme importante, une dernière bataille fut gagnée en décembre 1969 quand le ministère des Finances accepta que ces sociétés de financement soient exonérées de l’impôt sur les sociétés30. Grâce à ces dispositifs financiers mis en place entre 1967 et 1975 pour surmonter la « prudente gestion de père de famille »31, la DGT se libéra d’abord de la rigidité budgétaire de la rue de Rivoli. Elle évita également le transfert de ses moyens vers les autres branches des PTT. En 1977, 38 % de son financement provint de la CNT, 22 % des sociétés de financement et 40 % (20 milliards de francs) de l’autofinancement. Ceci lui permit alors d’expliquer que « les Télécoms se financent sans recours à l’impôt. Les ressources proviennent des client actuels (autofinancement) et des anticipations des recettes futures (financement externe) »32.
16Les rapports Chanet insistèrent sur la nécessité d’accompagner l’augmentation des dépenses dans le réseau téléphonique avec une réorganisation profonde de la structure de la DGT pour que les « directions horizontales ou fonctionnelles » telles que celles du personnel, des bâtiments et du budget ne soient plus partagées avec la direction générale des Postes sous la coordination d’un secrétaire général. En termes organisationnels, cette structure devint de plus en plus claire et autonome à partir du 1967 avec la création de quatre services et directions successivement (Tableau 1). Dès 1968, la direction de l’Équipement fut créée, ainsi que le service des Programmes et des études économiques (SPEE) qui joua un rôle important dans l’adoption des outils RCB au sein de la DGT. En 1971, furent créés le service du personnel de la DGT, et la direction des Affaires commerciales, financières et internationales. Le poste du Secrétaire général aux PTT fut supprimé la même année malgré les protestations des syndicats qui y voyaient « l’amorce d’une scission entre la poste et les télécommunications »33. Bernard Esambert, conseiller auprès du président Pompidou, explique avoir égaré le décret du renouvellement du Secrétaire général des Postes et avoir ainsi « mis fin de fait à l’existence du secrétariat général […] et à ces transferts que je considérais comme néfastes du téléphone vers la Poste et les services financiers »34.
17À partir de 1972, les directeurs régionaux des télécommunications devinrent responsables de leurs objectifs et moyens en négociant directement avec la direction générale au sein d’une enveloppe budgétaire. Cette délégation de pouvoir mit progressivement fin aux directions départementales communes à la Poste et aux Télécommunications. Le combat politique intense nécessaire pour aboutir à cette séparation et à cette délégation des pouvoir fut mené par Pierre Marzin, directeur général à l’époque, et Gérard Théry, le responsable nommé au SPEE et futur directeur35. La DGT profita également de cette réorganisation pour renouveler les équipes sur ce terrain stratégique pour le rattrapage et pour le faire en fonction des compétences et pas simplement de l’ancienneté. Dans le but d’avoir ses compétences en quantité suffisante pour la mise en œuvre du rattrapage, une dernière réforme cruciale consista à obtenir la possibilité de recruter hors concours. Entre 1974 et 1977, la création du nouveau statut d’« inspecteurs sur titre » (INSTI) permit à la DGT d’offrir des postes à 1 515 diplômés d’écoles d’ingénieurs ou de titulaires de 3e cycle ou de diplômes équivalents36.
Une accélération de la transformation de la DGT : 1974‑1981
18Même si la situation de la DGT commença à changer de manière significative à partir de 1967 et des mesures prises en termes organisationnels et de financement et initiées par la publication des rapports Chanet, la crise du téléphone ne fut pas pour autant réglée. En parallèle des efforts consentis en matière d’investissement dans le VIe Plan, l’accroissement spectaculaire de la demande donna l’impression que le sketch comique de Fernand Raynauld « le 22 à Asnières », connu dans les années 1960, restait d’actualité. Une croissance de 30 % de la demande en 1971 fut suivie par une croissance plus forte encore de 34,4 % en 1972. Louis-Joseph Libois37 qui succéda à Pierre Marzin à la tête de la DGT en 1971, reconnut que la demande réelle des Français pour le téléphone correspondait au double de ce que prévoyait la DGT38. Les prévisions du Plan furent revues à la hausse mais la crise du téléphone s’invita néanmoins dans l’élection présidentielle de 1974. Dans la série des archives de la Présidence de la République de 1974 à 1981, une note non-signée datée de mars 1973 et intitulée « Réflexions sur la crise du Téléphone » critique ouvertement la direction des Télécommunications et conclut ainsi : « il n’est pas possible de laisser “pourrir” la crise du téléphone. Un changement est inéluctable : le problème est de le décider, et de trouver des hommes qui acceptent de l’assumer. Il doit créer, en même temps, un choc psychologique aussi bien vis-à-vis de l’opinion publique que des cadres des télécommunications, comme cela fut le cas lors de la réforme de 1968 »39.
19Élu président de la République en 1974, Valéry Giscard d’Estaing nomma Gérard Théry comme directeur des Télécommunications. En parallèle de sa responsabilité pour le SPEE depuis sa création, Gérard Théry avait également été nommé directeur de Paris en 1972. En avril 1975, Valéry Giscard d’Estaing annonça un « Plan d’Action Prioritaire » dans le cadre du VIIe Plan pour redresser la situation des télécommunications et développer un « téléphone pour tous » en France. Il y fixait des objectifs ambitieux en termes de taux d’équipement, de qualité de service, de développement de nouveaux services, de redéploiement de l’industrie par une politique d’achat sélective et de mise en œuvre d’une politique ambitieuse de recrutement et d’intéressement du personnel. La réalisation de ces objectifs nécessita des autorisations de programme de 120 milliards de francs au cours du VIIe Plan40, ce qui représentait une augmentation importante comparée aux 45 milliards de francs disponibles lors du VIe Plan.
20Cette décision prise en 1975 valut reconnaissance de l’amélioration qui avait été apportée au fonctionnement de la DGT depuis la mise en place des autres recommandations des groupes du travail qui avaient contribué aux rapports Chanet. Ces changements concernaient, d’un côté, la gestion des effectifs de la DGT et, de l’autre, le remaniement de la filière industrielle en amont. Le premier volet de réorganisation est complémentaire aux objectifs de la RCB et, entre 1968 et 1973, les mesures prises pour réformer la DGT inclurent l’adoption des budgets de programmes et la modernisation de la gestion administrative parallèles avec l’introduction de la RCB.
21Un deuxième volet de changements importants dans le secteur concernait les relations entre l’acheteur qu’était la DGT et ses fournisseurs principaux, les équipementiers de télécommunications. Il s’agissait à la fois de rompre à la fois avec une forte dépendance vis-à-vis des deux fournisseurs étrangers qu’étaient l’américain ITT et le suédois, Ericsson et avec une relation étroite et exclusive avec la Compagnie générale d’électricité (la CGE). Bernard Esambert explique avoir bloqué discrètement le renouvellement des décrets concernant le renouvellement de deux structures qui regroupaient les fournisseurs – Socotel et Sotelec – pour éviter des manœuvres de fixation de prix abusifs41. Finalement, en ce qui concerne la CGE, Bernard Esambert explique : « Dans les télécoms, elle a été le réceptacle des commandes à partir de 1968 et elle a intégré de nombreux ingénieurs du CNET. Elle avait la bénédiction de l’État mais elle en voulait toujours davantage. Son rôle de lobbyiste n’est plus à démontrer. Il a parfaitement fonctionné sur les télécoms mais à un point tel qu’il n’était plus souhaitable à l’époque de lui laisser le quasi-monopole de ce secteur. Nous devions trouver un deuxième champion des télécommunications »42. La table est donc dressée pour l’introduction du groupe Thomson dans le secteur des télécommunications, chose faite en 1975 au moment de la consultation internationale pour la commande de commutateurs pour le déploiement du réseau lors du rattrapage. Sur ce deuxième volet des réformes organisationnelles de la DGT et, notamment, de sa politique d’achat, c’est la politique industrielle voulue par la direction générale qui influença les choix technologiques et la mise en place de nouvelles pratiques en lien étroit avec le plus haut niveau de l’État. La direction des Affaires industrielles, créée en 1974 et devenue la direction des Affaires industrielles et internationales (DAII) par la suite, coordonna ses initiatives à travers ses attributions de contrôle des prix et de contrôle technique du matériel. Le Centre national d’études des télécommunications (CNET) perdit dans la réforme son rattachement direct à la direction et devint alors un service de la DAII orienté vers la recherche43.
La création du SPEE et le projet pilote de la RCB : 1968
22Gérard Théry rappelle que « les premiers actes de développement du téléphone remontent à 1968 et il s’agissait bien de décisions dont on pouvait dire qu’elles étaient quasiment régaliennes et qui venaient de l’Élysée : créer un état-major à la direction générale des Télécommunications, la renforcer, et lui donner tous les outils favorables à cette croissance »44.
23En plus de la nécessité d’un système de financement durable et d’une autonomie vis-à-vis des autres activités du ministère des PTT, les rapports Chanet identifièrent clairement la nécessité pour la DGT de décentraliser la prise de décision pour la coordination des travaux nécessaires au rattrapage. Pour cela, elle prôna l’adoption aux échelons régionaux de méthodes de travail « permettant l’analyse correcte des problèmes et la définition des solutions les meilleures » et insista « sur la nécessité, pour répondre à ces tâches, de disposer d’un organe de recherche opérationnelle doté d’effectifs et de moyens de calcul suffisants »45. La création d’une direction spécifique fut proposée pour la coordination nécessaire entre les études économiques, l’équipement et l’exploitation. Pour parvenir à un processus d’équipement « logique, cohérent et sûr », les rapports Chanet préconisèrent donc des études au niveau régional sur la base d’une programmation définie au niveau central par une nouvelle direction qui devrait également promouvoir une comptabilité analytique pour « permettre l’établissement, au niveau régional, des comptes de gestion et d’un tableau de bord économique »46.
24Nommée « Service des programmes et des études économique » (SPEE), cette direction fut créée par Pierre Marzin dès sa nomination comme directeur en 1968. Le premier responsable du SPEE fut Gérard Théry, futur directeur général et qui était alors l’un des « jeunes loups » désignés à l’époque comme « la bande des quatre, dite des colonels »47 qui œuvraient pour la nomination de Pierre Marzin à la tête de la DGT. Les rapports Chanet insistèrent en premier lieu sur la priorité à accorder à l’automatisation intégrale des installations d’abonnés. Très impliqué dans la rédaction des rapports Chanet, Gérard Théry est considéré comme ayant été derrière une « décision anti-démagogique » importante consistant à développer et automatiser le réseau interurbain avant d’« ouvrir en grand le robinet des nouveaux abonnés »48.
25Le ministère des PTT était un des sept ministères49 qui participaient à l’étude pilote de la RCB lancée dès janvier 1968 et la mission fut menée par le SPEE, nouvellement créé au sein de la DGT. Gérard Théry invita alors Jean-Bernard Hauser, ingénieur du corps des Mines à prendre un poste de responsabilité au SPEE50. Jean-Bernard Hauser se souvient être « arrivé en même temps que cette demande [d’étude RCB] du Budget et, donc, mon premier travail a été de lancer cette équipe »51.
26Le premier projet mené par Jean-Bernard Hauser au sein du SPEE était l’étude d’un choix technologique fondamental pour le rattrapage et pour le développement d’une industrie française des télécommunications. Cette étude, nommée « Commutation électronique », devait évaluer le potentiel de deux systèmes électroniques alternatifs en développement au CENT : le premier, Périclès, à Paris, et le deuxième, Platon, à Lannion en Bretagne. Les différences entre les deux systèmes concernaient à la fois l’état réel d’avancement technologique et le coût final de leur déploiement. La recherche sur le premier système était en cours au CNET depuis 1957 et visait à développer un système de commutation électronique avec une connexion physique ou « spatiale ». Le deuxième, développé depuis 1962, visait un système de commutation entièrement électronique ou « temporelle »52. La recherche sur la commutation spatiale était plus avancée et son déploiement était moins dépendant des avancées technologiques dans le domaine des composants électroniques que le système de commutation temporelle. Cependant, le système de commutation temporelle du CNET était plus innovant et les télécommunications françaises étaient en avance par rapport aux autres pays grâce à la proximité des services de commutation et de transmission installés en Bretagne. Ses progrès se nourrissaient également de liens forts avec l’industriel installé sur place : la CGE. L’arrivée à maturité de la recherche sur la commutation électronique temporelle offrait donc à la DGT la possibilité de sortir de l’emprise des technologies étrangères fournies par les filiales françaises d’ITT et de Ericsson. Pour réaliser une comparaison réaliste des deux technologies naissantes, cependant, une étude poussée des conséquences de leur déploiement dans le réseau fut jugée nécessaire.
27Le directeur du CNET à l’époque, Louis Joseph Libois, présente ce projet comme une étude « des grandes options concernant l’équipement du réseau ». Elle fut préparée « selon des méthodes relevant, dans leurs grandes lignes, de l’analyse coût-efficacité ». Il y est précisé néanmoins que « la commutation électronique, en tant que technique, étant encore au stade de l’expérimentation, il n’était donc pas possible de calculer un bilan coût/avantage totalement quantifié ni de proposer un véritable programme d’introduction de ces commutateurs dans le réseau. L’étude pilote a néanmoins permis d’identifier les variantes entrant en concurrence ainsi que leurs échéanciers de mise au point industrielle. Une méthodologie d’étude de coût a été dégagée. L’analyse du “marché”, c’est-à-dire, du nombre de commutateurs dont le réseau aura besoin complète la première phase de l’étude. On dispose ainsi de presque tous les éléments nécessaires à la comparaison des solutions selon divers critères. Le groupe d’étude juge cependant opportun d’approfondir sa connaissance de l’aspect industriel du problème : les sources d’information à ce sujet sont difficilement exploitables »53.
28Avec Jean-Bernard Hauser, l’équipe mobilisée pour cette étude impliqua René-François Bizec, qui était à la direction de la Prévision, avant de venir à la DGT un spécialiste de la recherche opérationnelle, ainsi qu’un ingénieur du CNET, Henri Bustarret54. Cet ingénieur des télécommunications avait été auparavant au commissariat au Plan. Selon les souvenirs de Jean-Bernard Hauser : « à l’époque cette commutation temporelle apparaissait, pour pas mal de gens, comme quelque chose d’assez bizarre. Tout le monde avait l’habitude de penser à des connexions spatiales ». L’équipe de l’étude pilote de la RCB mena une série d’entretiens avec des personnes du CNET et à l’extérieur pour appréhender le potentiel des deux. D’abord, en rencontrant les deux équipes, « ce que cette technique d’interview a mis en lumière – autant pour moi qui n’y connaissait rien mais aussi pour Bustarret – c’est que les gens de Périclès nous ont expliqué qu’ils avaient une machine qu’ils essayaient de faire fonctionner sans qu’il y ait trop de bugs [depuis un temps assez long]… par contre, l’équipe de Lannion avaient quelque chose qui semblait marcher. Il y avait des pilotes de 300, 400 et 1 500 lignes à un ou deux endroits et ça semblait bien fonctionner »55. L’équipe a ensuite procédé à un circuit d’entretiens auprès des industriels, Alcatel et Ericsson, pour évaluer les coûts prospectifs et « la conclusion qu’on a ramenée était que non seulement le système temporel semblait marcher mais que, en fait, les prospectifs de coûts semblait tout à fait compétitifs – à moyen terme évidemment – avec le système traditionnel »56.
29Dans un article au sujet de l’intérêt de transposer des méthodes de planification et de programmation dans le domaine de la recherche, Louis-Joseph Libois semble faire référence à cette étude pilote de la RCB. Il y cite l’exemple d’une situation en recherche où une décision technique de grande importance devint nécessaire pour trancher entre deux alternatives qui se concurrençaient sur les plans techniques et économiques et y explique que « en commutation électronique, la situation était analogue entre systèmes de type « spatial » et systèmes de type « temporel »… le choix, en ce qui concerne le CNET, devait être effectué en 1970 selon l’objectif fixé il y a trois ans. En fait, il vient de l’être récemment et l’on passe maintenant à la seconde phase de l’objectif : la définition pour 1973 d’un système unique de commutation électronique basé sur les choix effectués par le CNET en 197057.
30En raison de la nature encore expérimentale de la commutation électronique, la DGT insista sur le fait que l’étude ne pouvait pas proposer un programme d’introduction de ces commutateurs mais considéra qu’elle avait « néanmoins permis d’identifier les variantes entrant en concurrence ainsi que leurs échéanciers de mise au point » et une analyse plus approfondie du marché allait permettre de disposer de « presque tous les éléments quantitatifs nécessaires à la comparaison des solution selon divers critères »58.
31Jean-Bernard Hauser a le souvenir d’une étude courte et succincte : « on a passé trois ou quatre mois là-dessus et pour une bonne partie pour arriver à maîtriser les choses et à préparer un questionnaire d’interview et à essayer de bien comparer tout ça. Pour créer le papier, on avait une technique d’ingénieur. Donc, je ne pense pas qu’on ait fait cent pages ! ». L’étude ne fut pas non plus largement diffusée : « le document n’était pas très formel parce que c’était quand même un dossier sensible. C’était plutôt destiné d’une part à Marzin et, de l’autre à Libois. Il a dû y avoir un nombre limité de destinataires primaires ». Néanmoins, il se souvient quand même que, quand l’étude a été présentée par Gérard Théry à Pierre Marzin, « ce papier a amené une prise de conscience interne tout à fait forte sur ce point… je pense que le statut de l’équipe de Lannion a été largement remonté… ça a aidé à la prise de conscience ». Jean-Bernard Hauser a également un souvenir « d’une réunion où Libois avait expliqué que c’était formidable et qu’il avait réussi à obtenir des prix objectifs qui étaient nettement en baisse de 15 % par rapport à la première mouture et que donc c’était extrêmement intéressant »59.
32Finalement, pour Jean-Bernard Hauser, cette étude était peu représentative de ce qu’était la RCB : « Ce que l’on a fait n’avait rien à voir avec la méthodologie RCB. Le grand modèle que l’ingénieur mettait sur la RCB, c’était l’étude qui était discutée en long et en large au cours de la présentation [de la RCB] c’était l’étude de rentabilité de Paris-Lyon en TGV, en valorisant l’économie de temps qu’y mettaient les gens. La RCB à l’époque était quand même très inspirée de la recherche opérationnelle, de l’idée qu’en mettant en place les techniques mathématiques, on allait pouvoir gagner des choses ». Il rappelle également « qu’il y a eu un séminaire qui a duré une semaine à Marly en septembre 1968 pour présenter les choses. Il n’y avait pas d’instruction mais l’idée de base était qu’il faut mettre à plat les procédures budgétaires pour essayer de trouver une méthode pour arriver à éviter que les gens fassent leur technique par silo vertical pour les envois, les transports, etc. et avoir un regard général sur tout ça »60.
Les spécificités de la DGT dans la mise en œuvre de la RCB
33Jean-Bernard Hauser participa à l’écriture d’un article publié dans la Revue de la RCB en 1971 qui compare les systèmes de gestion de la Poste, des Télécommunications et du ministère de l’Équipement et les trois expériences indépendantes menées dans chaque organisme. Les auteurs se félicitent « d’une étonnante convergence des idées »61 et expliquent que « les grandes lignes des procédures prévues se sont toutes inspirées des techniques de management des grands groupes industriels qui, malgré leur taille égale ou supérieure à celle de nos Ministères et leur diversité de production, réussissent à allier souplesse et efficacité ». Sept idées sont présentées comme « classiques » :
définition des programmes avec objectifs et indicateurs ;
affectation des responsabilités de réalisation ;
décentralisation à tous les niveaux ;
crédits globaux non affectés par nature ;
décisions « tactiques » laissées aux responsables ;
contrôle de gestion des organes décentralisés à travers la comptabilité de gestion et les indicateurs d’objectifs ;
une politique du personnel qui permet le développement d’une direction par objectif.
34Même si les trois administrations se ressemblent dans la mesure où elles fournissent toutes un service bien défini grâce à une infrastructure industrielle importante, l’analyse d’un tableau comparatif des caractéristiques (Tableau 2) justifie, selon les auteurs, le fait que leurs priorités divergent. L’Équipement bénéficiant, par exemple, d’une souplesse financière grâce aux crédits des collectivités locales et n’ayant qu’une faible proportion d’exploitation dans ces activités, était fondée à ne pas adopter aussi rapidement les travaux sur le système de gestion que les deux autres administrations. Sa priorité fut la définition des objectifs des directions départementales d’équipement (DDE) suite au regroupement Construction-Travaux Publics, suivi par la mise en place de la nouvelle organisation et des budgets de programme. Pour sa part, Les Postes priorisent la conception d’un système d’indicateurs pour pallier les manquements de son appareil statistique. Les Télécommunications, au contraire, disposaient d’une base statistique satisfaisante grâce aux remontées des commutateurs et pouvaient se concentrer, plutôt, sur l’analyse des coûts où la difficulté résidait dans la séparation des dépenses d’exploitation et d’investissement dans les services des lignes.
35Pour le reste, les problèmes rencontrés dans les trois administrations se ressemblent. Les auteurs reconnaissent le surcroît du travail imposé par la préparation des budgets et leur contrôle. En contrepartie, il est nécessaire que le système soit crédible et que ses dirigeants ne changent pas les règles en modifiant les attributions des budgets en cours d’exercice. Il est nécessaire également de former les personnes concernées et de poursuivre les actions pendant plusieurs années. Finalement, les auteurs évoquent un défi plus fondamental dans les efforts déployés pour faire adopter une gestion rigoureuse : « Comment le faire dans un cadre administratif conçu de telle façon que le responsable n’a pas le choix de son personnel, n’a pratiquement aucune action ni sur leur carrière, ni sur leur rémunération, qu’il ne peut que difficilement choisir entre deux moyens concurrents pour atteindre le même but (l’exemple le plus classique étant l’arbitrage entre faire soi-même, et recourir à l’extérieur) et qu’il n’a pas le plus souvent la responsabilité de l’organisation. Le Budget de l’État fixe impérativement beaucoup trop d’éléments plus de huit mois avant l’exercice pour que tout soit parfaitement prévu »62.
36Malgré ces difficultés en ce qui concerne la gestion du personnel, entre 1972 et 1977, la DGT présenta annuellement une série de mesures pour l’adoption de trois types d’initiatives de la RCB : les études analytiques, le budget de programme et la modernisation de la gestion.
Tableau 3. Résumé des activités entreprises au sein de la DGT pour le RCB, 1972‑1978
1972 | 1973 | 1974 | 1975 | 1976 | 1977 | 1978 | 1979 | 1980 | 1981 | |
Études analytiques | ||||||||||
Lancement d’un nouveau navire câblier | ||||||||||
Système général de traitement des objets de correspondance | ||||||||||
Optimisation des réseaux interurbains, urbains et locaux | ||||||||||
Produits nouveaux - Produits et services nouveaux | ||||||||||
Comportement des abonnés – Connaissance de la clientèle – Panels des abonnés | ||||||||||
Le système de prévision de la demande à moyen terme | ||||||||||
Budget des programmes | ||||||||||
Structure fonctionnelle à trois niveaux avec neuf fonctions | ||||||||||
Expérimentation d’une méthode d’attribution d’emplois par enveloppes | ||||||||||
Procédure d’allocation des ressources au niveau des régions | ||||||||||
Un programme finalisé, des programmes d’action et un bilan associés à chaque programme | ||||||||||
Modernisation de la gestion | ||||||||||
Comptabilité de gestion dans les directions régionales | ||||||||||
Traitement informatique | ||||||||||
Étude d’un projet de contrôle de gestion | ||||||||||
Tableau de bord des directeurs régionaux | ||||||||||
Regroupement des tableaux des DR en un tableau consolidé | ||||||||||
Un système global de gestion des télécommunications | ||||||||||
Tableau de bord du Directeur général | ||||||||||
PROPLI – tableaux de bord individuels | ||||||||||
Le système de contrôle de gestion – S.G.85 | ||||||||||
Renforcement de la gestion |
Source : « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, 1972‑1981, CAEF, B 52336, B 52337, B 52338,
Les études analytiques
37Lors des présentations des missions RCB du ministère des PTT auprès de la Commission interministérielle de RCB, les études analytiques furent initialement présentées de manière très synthétique. Il s’agit notamment des études sur le lancement d’un nouveau navire câblier en 197163 et sur le système général de traitement des objets de correspondance qui comportaient trois grandes branches : l’étude du réseau, des établissements et des matériels en 197264. L’étude du nouveau navire câblier fut utilisée « pour le choix d’équipement, ainsi que différentes autres études effectuées par la DGT, notamment sur l’optimisation des réseaux urbains et interurbains »65. Les explications devinrent plus détaillées à partir de 1973. Les objectifs de l’étude de l’optimisation des réseaux qui durèrent entre 1973 et 1976 étaient d’améliorer l’enchaînement entre la prévision, la planification, la programmation et l’équipement d’extension des réseaux et la détermination de leur structure globale et leurs composants pour améliorer la qualité et baisser le coût unitaire des investissements66. En 1974, ces études s’orientèrent vers la capacité optimale des réseaux de sécurité et, en 1975, le programme SIMEX pour le routage et la technique d’ensemble des faisceaux de jonctions dans les régions se compléta avec le programme PLANEX pour le réseau interurbain. Une nouvelle étude fut lancée également en 1975 pour aborder le sujet de la politique d’acheminement dans les réseaux locaux. Une dernière étude fut lancée en 1977 pour le développement d’un système de prévision de la demande à moyen terme et pour permettre la planification du déploiement du réseau téléphonique au niveau local, régional et national jusqu’en 198567.
38Les études sur les produits nouveaux lancées également en 1973 se concentrèrent sur la commutation électronique, pour examiner si les besoins du réseau national étaient en adéquation avec ceux de l’exportation avec d’autres études concernant la téléinformatique et l’appel unilatéral. Dès 1972, on évoqua une étude de la visiophonie avec un premier programme de réseau interne au CNET à élargir à un réseau commuté entre Paris et l’Ouest de la France68. En 1974, ces études sur les produits nouveaux furent élargies avec une étude économique au sujet des différentes méthodes pour établir un réseau de télécommunications « avec des mobiles » et une nouvelle étude analytique concerna le comportement des abonnés pour améliorer les décisions concernant la politique de tarification et de développement des réseaux avec des échantillons de ménages et d’entreprises dans deux régions pilotes69.
39Entre 1976 et 1977, une étude intitulée « panel d’abonnés » développa une base descriptive des abonnés à un niveau plus fin que celui de la région pour permettre une modélisation du comportement téléphonique, prévoir le trafic et nourrir des études de tarification70. Cette méthode d’amélioration de la connaissance de la consommation fut choisie pour son coût peu élevé et sa grande efficacité dans le but d’effectuer « une analyse systématique des moyens les plus adaptés pour atteindre l’objectif qui est la satisfaction de l’abonné »71.
Le budget des programmes et la modernisation de la gestion
40Entre 1972 et 1975, deux activités majeures furent entreprises par la DGT : l’organisation du budget de programmes à travers l’organisation et l’introduction d’un système de comptabilité de gestion dans les directions régionales pour accompagner la modernisation des méthodes de gestion avec un suivi des tableaux de bord. Le détail de la mise en place de ces initiatives fut présenté par Jean-Bernard Hauser et René-François Bizec dans un article paru dans la Revue de la RCB en 1971. Les étapes décrites étaient envisageables grâce à la décentralisation de la prise de décision vers les directeurs régionaux entreprise suite à l’adoption des recommandations des rapports Chanet et à l’augmentation du budget d’autorisation de programmes.
41Le ministère des PTT fut présenté en 1972 comme le seul à avoir mis en place les cinq éléments d’un budget de programmes (Tableau 4).
42Hauser et Bizec expliquent que les Télécommunications « ont pu très rapidement appliquer les méthodes de rationalisation des choix budgétaires » et ils présentent l’application de la RCB comme une amélioration de la gestion inspirée des grandes entreprises privées et publiques, en citant en particulier Bell Canada, AT&T et l’administration des Télécommunications suédoise. Il en découle que l’organisation des télécoms doit « chercher à dégager un maximum de ressources propres – quelles que soient les possibilités d’emprunt extérieur – c’est-à-dire augmenter leur cash flow. À tarif fixe, il existe deux moyens : choisir le mieux possible les investissements à réaliser et essayer de comprimer les frais de fonctionnement ». Les deux étapes correspondantes du processus sont présentées : la préparation du budget d’investissement dans un contexte décentralisé et la mise en place d’un système de « plan-programme-budget » et de contrôle de gestion a posteriori qu’ils décrivent comme « capable de suppléer les lacunes des règles administratives »72.
43Entre 1968 et 1971, le budget annuel d’investissement de la DGT avait doublé pour atteindre six milliards de francs. Ces investissements d’extension de réseau se déroulaient sur trois ans et se succédaient, nécessitant une coordination entre les dépenses pour des bâtiments, pour des autocommutateurs et pour des équipements de transmission. Un tiers des investissements concernaient l’interurbain qui était organisé au niveau national mais les choix d’investissement pour les deux autres tiers du budget concernaient l’échelon régional où les directeurs « peuvent être considérés comme des entrepreneurs libres des choix techniques et maîtres de la cohérence des investissements »73.
44Lors de la préparation du VIe Plan démarré en 1971, trois objectifs furent priorisés : l’automatisation de l’ensemble du réseau français avant 1977, le raccordement de nouveaux abonnés et le renouvellement d’équipements anciens. Des études financières lancées au SPEE permirent de calculer une fourchette de nombre d’abonnés et d’en déduire un délai moyen de raccordement. Les directeurs régionaux furent sollicités sur la base de ces chiffres nationaux estimés pour chiffrer les crédits nécessaires pour atteindre ces objectifs et les estimations donnèrent lieu à des discussions pour fixer des « enveloppes » budgétaires. Ces budgets comportaient des coûts de raccordement de nouveaux abonnés ainsi que des coûts d’investissements pour des opérations plus lourdes comme l’installation d’immeubles de bureaux et des centres de transit.
45Ce système d’enveloppe correspondait à la vision décentralisée de la DGT prévue dans le rapport Chanet de 1967 et il « a rencontré l’entière approbation des Directeurs régionaux »74. Elle remplaça un système qui empêchait jusque-là les télécommunications de coordonner les travaux de manière rationnelle et que Gérard Théry considérait comme « vraiment soviétique »75 car il obligeait les directeurs régionaux à solliciter séparément différents « bureaux » au niveau central des PTT pour investir dans les bâtiments, la commutation et les lignes. Gérard Théry se souvient qu’à cette époque : « les bureaux règnent et les directeurs régionaux ne sont rien par voie de conséquence ; il y a toujours des bâtiments qui ont été construits et qui attendaient la commutation ou bien on ne pouvait pas mettre la commutation car il n’y a pas de bâtiment et quand on a le bâtiment et la commutation, on n’a pas de transmission, il n’y a pas de lignes »76. Michel Feneyrol, ancien membre du SPEE77, se souvient : « Durant la période 1970-1975, le SPEE s’est efforcé budget après budget, de faire sauter des contraintes sur la gestion »78. Un autre cadre de la DGT, Denis Varloot79, précise qu’un objectif précis de Gérard Théry était explicitement de « faire sauter un maximum de paragraphes et de sous-paragraphes »80 pour sortir de la répartition administrative des fonds qui ne permettaient aucun transfert en cours d’année des investissements fléchés pour une utilisation très spécifique – celle prévue au sous-paragraphe en question. Cette souplesse était d’autant plus nécessaire que les règles budgétaires exigeaient la dépense « dans l’année de l’intégralité des sommes mises à disposition en début d’année, sauf à perdre le reliquat »81.
46Après la décentralisation du processus budgétaire, le deuxième volet du nouveau système de gestion à la DGT était le développement d’un système comptable pour appréhender les coûts et permettre un contrôle de gestion. Comme l’expliquent Hauser et Bizec, « il ne sert à rien de mettre en place une procédure relativement perfectionnée de préparation des budgets d’investissements si les réalisations des investissements programmés se font à n’importe quel prix et si les coûts de fonctionnement ne sont pas rigoureusement analysés de façon à permettre une préparation cohérente du budget de fonctionnement ». Deux objectifs sont donnés pour un tel système comptable :
chiffrer clairement les dépenses pour les responsables pour pouvoir les contrôler et, si nécessaire, apporter rapidement des actions correctrices ;
fournir des éléments pour le choix d’investissements, de tarification et les problèmes d’organisation en répondant à des questions telle que « quel est le prix de la pose d’un poste téléphonique à Paris ? »82.
47La spécificité de la comptabilité analytique pour le secteur des télécoms s’explique par la coexistence de deux activités différentes avec deux types de dépenses. La première consiste à entretenir et exploiter les réseaux existants à travers des programmes de fonctionnement. En 1971, cette activité représentait 40 % du total soit quatre milliards de francs. Ce budget est rigide et les dépenses sont répétitives et mises en œuvre à des niveaux de responsabilité relativement faibles. Pour suivre et analyser ces dépenses, une liste de 200 activités fut créée avec des sous-fonctions regroupées en neuf fonctions (Figure 1). Ces activités élémentaires « correspondent le plus souvent à l’exécution des tâches analogues et doivent permettre l’imputation des charges homogènes mesurables par une unité commune et en particulier l’affectation facile de l’ensemble des personnels »83. À chaque activité étaient associés une unité d’œuvre, des indicateurs d’objectifs et, si possible, une délégation des responsabilités. Au sein de chaque activité étaient distinguées les dépenses d’entretien, d’exploitation ou de travaux neufs. Selon son niveau hiérarchique, chaque unité organisationnelle pouvait exercer entre 10 et 100 activités élémentaires et une même activité pouvait exiger la participation de plusieurs unités.
Figure 1. Exemple de division d’une fonction en activité élémentaire
3. Distribution
30. Affaires générales
31. Installations d’abonnés
32. Lignes de rattachement et circuits locaux
IA Ingénierie – Affaires générales – Indivis
ST Surveillance et réception des travaux exécutés par le privé
GC Travaux de génie civil, câbles enterrés et raccordements
ET Équipements de transmission et divers
DD Dessin et documentation
33. Commutation
Source : Jean-Bernard Hauser et René-François Bizec, « La gestion aux Télécommunications. Réflexions sur les systèmes de gestion des Télécommunications et du ministère de l’Équipement », RCB. Bulletin interministériel pour la rationalisation des choix budgétaires, n° 6, décembre 1971, p. 28, CAEF, B 52338.
48Le deuxième type de dépenses dans les télécommunications concerne les investissements qui demandaient l’affectation à un compte de travaux appelés « chantier ». En 1971, ces dépenses représentèrent 60 % du budget des télécommunications, soit six milliards de francs. Les activités élémentaires concernées par ce type de dépense ne s’établirent pas sur une base nationale comme pour les dépenses opérationnelles. Cependant, pour des investissements de petite taille et répétitifs, comme la pose de téléphone simple dans un logement, un mécanisme de chantiers permanents fut établi.
49Pour décentraliser et développer une « direction par objectifs », les informations sur les coûts des moyens utilisés étaient communiquées aux « unités de base » de l’organisation, situées au niveau des centres locaux (Figure 2).
50Deux expériences furent menées pour développer le système à mettre en place. La première expérience eut lieu dans la région de Nancy en 1969. Les données y furent exploitées manuellement et l’objectif déclaré qui était d’obtenir des résultats « exploitables » par l’ensemble des régions en 1970 fut atteint. La deuxième expérience concerna la région de Toulouse et fit appel à une société d’études, la SEMA. Elle était plus ambitieuse puisqu’elle était marquée par la volonté d’adopter un traitement informatique de l’information, ce qui ralentit l’expérience. Il était prévu que cinq régions reprennent le système d’analyse comptable en 1972, ce qui correspondait à « une extension relativement lente » et reflétait la nécessité de prévoir un traitement mixte avec « des pavés informatiques prenant en charge les manipulations de données les plus lourdes mais la synthèse restant faite à la main »84.
51Trois utilisations de l’outil comptable étaient envisagées. L’utilisation la plus simple concernait les études et la planification car la statistique standard ‒ avec des informations sur les prix de revient des produits et les recettes ‒ existait déjà avec une comptabilité plus sommaire. La mise au point d’un système plus détaillé exigeait, par contre, la participation des équipes comptables à des études économiques pour éviter que ces équipes « ne s’enferment dans leur technicité »85. La deuxième utilisation prévue pour l’outil comptable était les tableaux de bord pour des responsables avec des éléments clés à suivre régulièrement. Ces éléments devaient comprendre les objectifs fixés par et pour le responsable et les éléments des tableaux devaient être mis à jour tous les deux mois, tous les quatre mois, ou tous les ans en fonction de leur variabilité. Les données devaient être synthétisées de la façon la plus simple possible, en présentant des séries temporelles d’évolution avec des graphiques, des ratios rapportant les dépenses à une unité d’œuvre et une comparaison de ratios entre unités semblables. Après un an d’expérience, il était prévu de jumeler ces tableaux de bord avec un système de gestion par objectifs. Finalement, la troisième utilisation de l’outil comptable était la sensibilisation des responsables à l’effort de réduction de coûts. Une expérience pilote de budget prévisionnel détaillé accompagné d’objectifs précis fut lancée à Nancy en 1972 mais les responsables considérèrent alors comme « peu probable que l’on puisse rapidement obtenir des résultats probants » et que « il ne s’agira guère que d’une action de sensibilisation »86.
52Même si le budget d’équipement de la DGT fut déjà présenté sous forme de budget de programmes pour la loi de finances de 1972, l’objectif de faire la même chose pour les dépenses de fonctionnement posa des problèmes « plus délicats ». Guy Berger87, en tant que représentant du ministère des PTT à la Commission, exprima le souhait que cette réforme profonde puisse aboutir en 1974 ou 1975 mais nota qu’« il convient cependant d’être prudent et de ne pas procéder à des réformes qui ne soient que de présentation et ne représentent qu’un habillage des pratiques traditionnelles dans l’étude et la gestion des crédits »88. Une expérimentation de la nouvelle méthode d’attribution d’emplois par enveloppes salariales eut lieu en 197489. Les efforts se concentrèrent à nouveau en 1975 sur les investissements avec une différenciation entre un « noyau » pour un programme minimum concernant essentiellement des opérations d’extension et un programme complémentaire90.
53En 1977, la DGT présenta cette initiative concernant les budgets des programmes comme un ensemble de mesures contribuant au bon fonctionnement de l’organisation actuelle et à son développement : « En ce qui concerne les télécoms, à chacun des services seront associés un programme finalisé et des programmes d’action, ainsi qu’un bilan financier qui sera établi afin d’en apprécier le taux de rentabilité globale. Ceci implique la nécessité de faire apparaître l’ensemble des dépenses qui contribuent à la réalisation des objectifs aussi bien en équipement qu’en fonctionnement, et à prendre en compte des crédits d’origines diverses, budgétaires et extra-budgétaires (paiement des sociétés de financement, fonds de concours). La structure du budget de programmes comprendra trois groupes de programmes qui correspondent aux services fournis par les télécommunications : le service téléphonique, les services complémentaires et services nouveaux, les programmes de soutien. Chaque groupe de programmes est divisé en trois ou quatre programmes d’action et est accompagné d’objectifs qualitatifs et quantitatifs ainsi que d’un bilan financier qui permet de comparer les charges et les produits »91.
54Dans le groupe de travail sur les structures des programmes, les initiatives de la DGT sont considérées comme ayant les trois propriétés recherchées : flexibilité, possibilité d’agrégations multiples et possibilité de traitement automatisé. Le rôle de la structure des programmes fut présenté comme étant, en premier lieu, la base de la gestion interne et, ensuite le cadre de la discussion budgétaire. Elle ne fut pas considérée comme contribuant à l’éclairage des choix. Le système de calcul de coûts de la DGT se servit d’un des trois exemples de systèmes déjà mis en place dans l’administration française en expliquant qu’il « permet de déterminer rapidement et systématiquement les coûts des réalisations d’ensemble, sans nécessiter d’étude spécifique. Elle a pour but de satisfaire deux objectifs : à court terme, éclairer les responsables sur l’évolution de l’unité dont ils ont la charge, et, à long terme, fournir des éléments pour les décisions de choix d’investissements, de tarification, et pour les problèmes d’organisation »92.
55En ce qui concerne le tableau de bord des directeurs régionaux, Guy Berger, limita également les attentes de la Commission tout en mettant en avant le progrès déjà obtenu en expliquant : « il est évident que les indicateurs… ne sont pas des instruments qui permettent aux directeurs et au ministère de prendre des décisions. Mais, depuis trois ou quatre ans, nous avons établi à l’échelon global un certain nombre de priorités qui sont assorties d’indicateurs globaux quantifiés. Il s’agit de l’écoulement du trafic et de l’automatisation intégrale des réseaux téléphoniques. Ces priorités permettent de quantifier l’effort à faire et de répartir ensuite les efforts entre des grands programmes. Elles permettent également de choisir entre les programmes à un niveau élevé et au niveau gouvernemental »93.
56Dès octobre 1972, en effet, les directions régionales des télécommunications disposèrent d’un tableau de bord avec une triple mission :
au niveau de la région, il s’agit de donner au directeur régional un outil de gestion synthétique alimenté à la fois par la comptabilité de gestion et les statistiques et qui lui permette de comparer chaque bimestre les réalisations aux objectifs pour modifier, si besoin est, ses plans d’action (notion d’auto-contrôle) ;
au niveau des relations direction générale – direction régionale, le tableau de bord doit progressivement fournir un support aux négociations périodiques sur les objectifs et les moyens, en particulier dans le cadre budgétaire annuel ;
au niveau de la direction générale, le regroupement des tableaux de bord des directions régionales en un tableau consolidé permet d’une part aux services fonctionnels d’effectuer un suivi de la réalisation des objectifs qui les concernent et d’autre part à un département « contrôle de gestion » spécialement créé à cet effet d’assurer la fiabilité des informations et d’effectuer des analyses globales »94.
57Pour développer un processus de gestion par objectifs, les directeurs régionaux eurent à leur disposition un service national de conseil. En 1974, ce système fut amélioré en l’adaptant aux besoins des gestionnaires et en intégrant un plan de fonction des comptables pour développer un audit interne et rechercher une plus grande cohésion avec le système d’informations statistiques. Une interface fut développée avec le système PRORLI pour que la partie « chantiers » de la comptabilité de gestion contribue à la rationalisation de l’ordonnancement des travaux de lignes. L’expérience pilote de Strasbourg fut reproduite à Marseille95. Les analyses régionales contribuèrent en 1975 à une réflexion sur la gestion des télécommunications et le tableau de bord du directeur général s’ajouta au dispositif décentralisé96. L’ensemble de ces mesures de modernisation de la gestion permirent à la DGT de conclure ce volet en 1977 en expliquant que : « l’aide à la décision est facilitée par le développement d’outils de gestion tels que les applications informatiques, les fichiers techniques, la comptabilité de gestion, PRORLI, les tableaux de bord individuels, etc. »97.
Le tableau de bord du Directeur Général et la Delta LP
58La nomination de Gérard Théry à la direction des Télécommunications en 1974 s’accompagna d’une nouvelle réorganisation et d’une modification profonde du fonctionnement de la DGT. Les objectifs de cette nouvelle direction étaient clairement en phase avec les recommandations des rapports Chanet dont Gérard Théry fut un acteur central98. Avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, la nécessité de résorber le retard du téléphone en France était reconnue au plus haut niveau de l’État. Son expérience à la tête du SPEE et son succès en tant que directeur des Télécommunications à Paris permirent également à Gérard Théry de bénéficier de la confiance du conseiller technique au Secrétariat général de l’Élysée, François Polge de Combret, un proche du Président99.
59Le programme « téléphone pour tous » du VIIe Plan représenta un virage définitif du rattrapage des télécommunications en France à partir du 1975. Les cinq objectifs du programme dépassèrent cependant le simple cadre d’une augmentation massive des investissements pour fixer un cadre ambitieux pour la réforme de l’organisation et de son environnement industriel :
un taux de pénétration qui permit enfin de rattraper le retard ;
un niveau de qualité de service important ;
un développement de la gamme de services ;
la restructuration de l’industrie avec des objectifs d’exportation et d’emplois ;
une politique de recrutement et d’intéressement du personnel.
60En plus du simple rattrapage (objectifs 1 et 2), les ambitions de Gérard Théry s’étendirent clairement au-delà du rattrapage vers le développement d’une dynamique d’innovation (objectifs 3). La création de la DAII correspondit à la nécessité perçue par la nouvelle direction de séparer la recherche de la fonction achat. Cette centralisation du pouvoir décisionnel permit une transformation de l’écosystème français des télécommunications (objectif 4), longtemps dans l’ombre des fournisseurs étrangers, mais elle fut largement et longtemps contestée par les ingénieurs du CNET. Pour pouvoir poursuivre ses ambitions, la DGT réalisait toutefois qu’il fallait faire ses preuves et démontrer des gains de productivité importants qui nécessitaient un accroissement des effectifs et un engagement collectif de la part de l’ensemble du personnel (objectif 5).
61Les orientations de Gérard Théry vers la modernisation de la gestion des télécommunications françaises représentèrent le fruit d’une évaluation méthodologique des techniques de management observées de près lors des voyages d’études entrepris pendant son année au CNET en 1967. Il convainquit Pierre Marzin de faire venir des conseillers canadiens de Bell Canada pour conseiller la DGT dans la mise en place du système de gestion inspiré du fameux « Bell System » de l’opérateur américain, AT&T. Denis Varloot au SPEE explique a posteriori la nature « presque clandestine » de ces initiatives « car le directeur général, Pierre Marzin, ne voulait pas être entravé dans sa démarche par la direction du Budget, l’une des directions horizontales du ministère, attachée, bien sûr, à l’orthodoxie et aux détails des règles de la comptabilité publique. L’idée était de commencer à savoir comment on utilisait l’argent. Dans cette affaire, l’expérience et l’assistance des conseillers de Bell Canada furent révélatrices et précieuses »100.
62Un aspect central du « Bell System » était la décentralisation de la prise de décision vers le terrain, accompagnée d’objectifs clairement identifiés pour les décisionnaires. La complexité de cette décentralisation était identifiée explicitement dans l’introduction par Henri Chanet aux rapports des groupes de travail : « toujours à propos des structures administratives, il me semble pouvoir vous être utile que nous complétions notre rapport, sur les points qui concernent la déconcentration au profit des directeurs régionaux des télécommunications, par l’indicateur d’une réflexion qui, sans être restrictive, marque l’intérêt de certaines précautions dans la réalisation de cette déconcentration. Il nous a paru que celle-ci, pour n’avoir pas de conséquences déraisonnables ou simplement hétérogènes, devait être assortie d’un contrôle a posteriori des résultats obtenus permettant aussi de porter sur les responsables un jugement sûr. Il nous a semblé que l’organisation de ce contrôle risquait de mettre en cause les conceptions et les institutions actuelles et que le cadre d’un problème aussi délicat débordait largement celui de la mission que vous nous aviez confiée »101.
63Cette complexité rendit difficile l’élargissement de la méthode des enveloppes mise en place pour les investissements et rendue possible par les restructurations successives dès 1968 et par l’augmentation importante des investissements grâce à la création des sociétés de financement. En tant que représentante du ministère des PTT, Jacqueline Simon rappelle que l’augmentation importante du taux de croissance de la productivité aux télécommunications – 10 % encore en 1974 – représentait « un des taux le plus élevés au monde ». Elle souligne de même que les PTT furent les premiers investisseurs et les premiers emprunteurs sur le marché financier, dépassant largement EDF et insiste sur le fait que « nous ne sommes pas une administration classique. Nous sommes des industriels ». En conclusion, elle appelle à une reconnaissance du problème des budgets du personnel : « il faut bien se rendre compte de ce hiatus. Les directeurs régionaux, responsables de la réalisation d’un taux très élevé de développement, peuvent planifier leurs investissements à l’intérieur d’une enveloppe triennale glissante, mais ils ne peuvent pas planifier le recrutement d’un seul agent ! Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’entreprises qui puissent fonctionner dans ces conditions »102.
64En 1975, la DGT annonça que la décentralisation des budgets d’investissement à travers le système d’enveloppes pour les directeurs régionaux déjà en place depuis le début des années 1970 allait s’étendre aux budgets du personnel. L’objectif de ce nouveau système d’enveloppes était « de donner aux chefs des services extérieurs une liberté de choix aussi grande que possible »103. Avec la création des directions opérationnelles, les directions régionales avaient, à partir de 1975, la responsabilité de l’ensemble des investissements dans leur territoire ainsi que l’autonomie nécessaire pour les affecter.
65Un tableau de bord fut développé par le SPEE comme outil de pilotage de la production en coopération avec une équipe d’étude externe, la SEMA, et en s’appuyant sur les conseils du cadre de Bell Canada venu soutenir les efforts de modernisation de la gestion, Robert Brulé104. Les indicateurs choisis lors d’une réunion du 16 janvier 1975 inclurent des éléments quantitatifs mais aussi qualitatifs105 (Figure 3).
Figure 3. Les indicateurs suivis mensuellement dès le 1er janvier 1975
1. Produits budgétaires
2. Accroissement net du parc de lignes principales (LP)
3. Demande nette (téléphone) : Court terme & Long terme
4. Demande satisfaite (téléphone) : Court terme & Long terme
5. Lignes principales non automatiques : Court terme & Long terme
6. Production d’équipements de commutation (téléphone)
7. Accroissement du parc d’abonnés (télex)
8. Demande nette (télex)
9. Demande satisfaite (télex)
10. Production d’équipements de commutation (télex)
11. Production des groupes primaires sur les artères de transmission
12. Production de circuits interurbains
13. Taux d’attente de tonalité < 3 secondes
14. Taux d’attente de tonalité < 10 secondes
15. Taux d’efficacité intra ZAA106
16. Taux d’efficacité extra ZAA
17. Dérangement pour 100 lignes principales
18. Vitesse de relève des dérangements (seuil 2 jours)
19. Vitesse de relève des dérangements (seuil 7 jours)
20. Taux d’appels interurbains efficaces au départ de Paris
66À travers ce tableau de bord des directeurs régionaux, Gérard Théry pilota personnellement l’accélération du rattrapage. Il réunit quatre d’entre eux tous les mois et les résultats mensuels de chaque région furent partagés avec l’ensemble du personnel en publiant les résultats dans « En direct », donnant lieu à un effet puisant d’émulation (Figure 4). La page de résultats concernant le nombre de lignes principales raccordées se nomma « Delta LP ».
67Ainsi, le rythme du rattrapage s’accéléra et atteignit l’installation de deux millions de lignes par an (Figure 5). L’accroissement de la productivité se ressentit particulièrement au niveau des directions régionales et opérationnelles mais « pour ces hommes qui avaient attendu si longtemps leur heure, le Delta LP était un peu le symbole de leur reconnaissance. Enfin, ils allaient avoir les moyens d’agir et de rattraper le temps perdu »107. L’amélioration de la motivation des équipes était perceptible chez l’ensemble du personnel sur le terrain. Ainsi, un agent du service du Contrôle Technique explique que les tableaux de bord étaient facilement compris par les équipes même si « on avait un peu moins de temps par chantier. Alors que d’habitude on passait un mois sur un chantier, on n’y passait plus que deux semaines »108.
68L’évolution importante des gains de productivité réussie par les quelques 115 000 collaborateurs de la DGT au cours des années 1970 s’accompagna d’efforts importants en formation ainsi qu’en recrutement, notamment des 1 615 INSTI. Ces nouveaux cadres servirent notamment dans la fonction de plus en plus importante de contrôle du nombre grandissant de sous-traitants nécessaires pour réussir le rattrapage sans trop embaucher109. La création des Centres régionaux d’enseignement des télécommunications (CRET) en 1972 sous la responsabilité des directions régionales permit une croissance significative de la formation continue du personnel interne. Pour les futurs embauchés, à l’École nationale supérieure des Télécommunications110 s’ajoutèrent deux autres écoles : l’École nationale supérieure des Télécommunications de Bretagne à Brest en 1977 et l’Institut national des Télécommunications (INT) à Évry en région parisienne111.
69À partir de 1976, la DGT demanda également une « prime de croissance » pour faire reconnaître les efforts du personnel112. Au lieu du 110 Fr par mois demandé au ministère de l’Économie et des Finances, la prime accordée s’éleva à 200 Fr seulement pour l’année 1976 et augmenta à 300 Fr en 1978113.
70Avec le suivi mensuel des indicateurs et la prime de croissance annuelle, la DGT mit donc en place les derniers éléments organisationnels considérés comme nécessaires pour obtenir les résultats espérés par les rapports Chanet. Entre 1974 et 1976, l’évolution de la mise en place du système du tableau de bord à la DGT figura dans les rapports de la Commission de RCB mais, en interne, l’initiative marqua les esprits sous son intitulé final de « Delta LP ». Pour construire « le réseau le plus moderne au monde », cependant, les effectifs de la DGT se souviennent surtout de l’époque « Delta LP » comme moteur d’un changement important de culture et « la période qui débute à la fin des années 1960 pour s’achever dix ans plus tard reste dans notre mémoire, sous l’appellation des années de rattrapage, le synonyme de changements tous azimuts, dans les matériels, dans les modes de gestion, dans le management »114.
71À partir de 1978, l’équipe de Gérard Théry s’appuya sur le succès du rattrapage pour impulser les efforts d’innovation de la DGT à travers de multiples projets. Le réseau de transfert de données, Transpac, exploita la norme X25 développée au CNET. Les expériences de services télématiques à Vélizy pour le vidéotex et en Ille-et-Vilaine pour l’annuaire électronique donnèrent plus tard lieu à l’aventure Minitel. En 1980, Valéry Giscard d’Estaing signa lui-même un éditorial pour annoncer le lancement d’un satellite de télécommunications, Télécom 1115. Même si d’autres projets entrepris à cette époque comme la visiophonie expérimentée à Biarritz, le télécopieur grande diffusion (TGD) et de nouveaux services pour les secteurs bancaire et aérien, n’eurent pas le même succès, la DGT fut reconnue comme le centre d’un système d’innovation qui dirigea l’évolution d’une partie du secteur de la haute technologie en France. Son influence dépassa parfois les seules activités de télécommunication, notamment en ce qui concerne son soutien au projet de carte à puce, à court terme pour sécuriser les cabines téléphoniques mais, surtout, à plus longue échéance, pour développer une expertise française dans le domaine.
72En ce qui concerne le développement du réseau, la réorganisation importante entreprise depuis 1968 se poursuivit avec la création de neuf délégations de zone à titre expérimental à partir de 1978. Ces zones furent créées pour dialoguer directement avec la DGT et fixer les objectifs et les moyens. Les enveloppes notifiées aux zones furent ensuite notifiées aux régions116. Cependant, cette « entorse au découpage administratif » fut mal accueillie par les ministères de l’Intérieur et du Budget, ainsi que par les élus territoriaux117. Une opposition forte à cette réforme de la part des directeurs régionaux et des organisations syndicales l’empêcha de prendre racine et la mesure fut une des rares initiatives de Gérard Théry à être supprimée par son successeur, Jacques Dondoux, à sa nomination en 1981.
La RCB moins présente à la DGT
73Ces nouvelles initiatives de lancement de nouveaux produits et services et de réorganisation en délégations de zones ne figurent pas dans les rapports de la Commission de RCB. En 1978 et 1979, la DGT fut même absente du rapport de synthèse de la Commission de RCB mais elle y réapparut en 1980 avec un système de contrôle de gestion, intitulé « SG85 », destiné à améliorer qualitativement les informations et à consolider l’utilisation des outils et méthodes de gestion existant. Un nouveau système comptable fut annoncé pour identifier en temps réel l’écart entre les objectifs et la réalisation. Un dossier d’allocation de ressources de base établit « les couples objectifs / moyens entre la DGT et les services » et définit l’infrastructure à mettre en place, accompagnée d’un traitement comptable capable de fournir la situation des effectifs selon les responsabilités et les activités et d’analyser les coûts correspondants118.
74En 1981, la DGT prépara la poursuite de la mise en place du système « SG85 » en passant de la gestion des lignes à la gestion des matériels. Une application comptable, testée à Amiens, se prolongea en matière de gestion de trésorerie. L’informatisation progressive de la gestion du matériel permit une meilleure maîtrise de l’évolution des stocks et une procédure d’agrément technico-économique rigoureuse pour les lignes fut accompagnée d’une expérimentation de la décentralisation des objectifs et des enveloppes. L’ensemble des initiatives de décentralisation organisationnelle se poursuivirent : le tableau de bord du DGT se perfectionna, le système comptable se fiabilisa, et le dialogue « objectifs-moyens » entre direction et services à travers l’analyse de gestion et l’intégration des résultats financiers s’approfondit.
75La dernière fois qu’est évoquée la DGT dans un rapport RCB, on conclut « en matière de gestion du personnel, la connaissance de l’utilisation des effectifs s’est approfondie avec l’amélioration des outils de prévision et de suivi. Enfin, la déconcentration des responsabilités en matière de fonctionnement a été accentuée, notamment par la mise en place d’enveloppes allouées aux cellules de base »119.
Le bilan de l’expérience de la RCB à la DGT
76Au moment du lancement de la RCB, la DGT s’apprêtait à se lancer dans les études économiques poussées, avec le soutien des rapports Chanet et la création du SPEE. René-François Bizec propose deux explications à l’enthousiasme initial manifesté par les ingénieurs des télécoms en matière de RCB. En premier lieu, Bizec explique que « le mode était au TGV avec les ingénieurs des Mines aux manettes. Comme pour le nucléaire. La mode était aussi au Concorde développé sous la houlette de l’Armement. Le programme de rattrapage du logement, quant à lui, était bien entendu aux mains des Corps des Ponts. Que pouvait-il rester pour que le Corps des Télécoms puisse bien travailler efficacement ? Il sera en tout cas utile de profiter du souffle de pragmatisme qui soufflait à travers la maison Giscard d’Estaing ! »120. Selon Bizec, cependant, les raisonnements présents derrière ces études étaient multiples : « Ces études avaient un objectif avoué : moderniser la gestion des télécommunications en y incluant le bénéfice des expériences extérieures en matière de calcul économique. Elles avaient aussi un but caché : utiliser la maîtrise, en interne, des instruments économiques et mathématiques pour bien positionner la modernité de la DGT face à la Poste. Et, plus inavouable encore, nous positionner face ou contre l’archaïsme de la gestion des administrateurs des PTT et de leur relation de pouvoir avec les syndicats, les réseaux “de compagnonnage”, etc. »121.
77Ces études furent également une opportunité d’apprentissage importante pour des ingénieurs des télécommunications. En ce qui concerne l’étude de l’optimisation de l’étalement en coûts actualisé de construction de lignes mené par Jean-Bernard Hauser, par exemple, René-François Bizec considère qu’il s’agit d’un travail qui « pour n’avoir eu qu’un effet relativement faible a été un important levier pédagogique, vis-à-vis des praticiens des directions régionales des télécoms. Qui disait réseau de distribution disait intervention dans les DRT où des services de programmation étaient mis en place à ce moment-là ; les études de recherche opérationnelle proposées à nos jeunes collègues de région étaient l’occasion de dialoguer autour de ces méthodes et de le familiariser avec un corpus plus large d’études économiques »122. Nicolas Curien rejoint une nouvelle équipe d’Études économiques au service des Programmes et affaires financieres (SPAF) en 1977 en tant qu’économiste et considère que « son atout principal réside dans sa cohésion et dans sa forte légitimité que lui confère un solide ancrage sur les procédures de la “maison” DGT : nos modèles de prévision de la demande, qui sont régionalisés, servent directement au processus interne d’allocation budgétaire ; nos simulations nationales nourrissent les travaux de préparation des VIe, VIIe puis VIIIe plans quinquennaux ; nos coûts économiques servent de référence à la direction des affaires commerciales pour la fixation pour la fixation des tarifs »123.
78Un premier défi rencontré à la fin des années 1960, cependant, fut le manque de personnel qualifié et la difficulté de faire travailler ingénieurs et fonctionnaires du ministère des Finances sur des sujets techniques. Pierre Lestrade124, présent à la création du SPEE, considère que « dès lors qu’on a laissé s’intégrer au SPEE [une pratique où] des gens qui arrivaient de l’extérieur et qui n’avaient jamais été sur le terrain, l’affaire s’est mise à assez mal marcher. Les travaux qu’ils ont faits n’ont pas été reconnus comme corrects par les gens du terrain et ça a sombré dans la querelle »125. En ce qui concerne l’étude prospective au sujet de commutation temporelle, Jean-Bernard Hauser dit avoir eu « l’impression d’avoir fait des choses qui concernaient le travail interne du CNET et donc on n’avait pas à mettre le nez dedans, moi en tout cas »126. Pour ce choix de filière de commutation, René-François Bizec considère que cette première étude RCB à la DGT présentait l’avantage d’être menée conjointement avec le CNET et la direction de la Prévision mais il rappelle que cette dernière « a d’ailleurs vite laissé tomber les choses. Trop technique pour les Finances »127.
79Dans leur présentation des trois premières années des initiatives RCB au sein de la DGT, Hauser et Bizec soulignent que l’extension du projet pilote aux vingt autres régions « nécessite la formation de beaucoup de gens, 1 à 2 ans de délais et la mise en œuvre d’une équipe importante ». Tout en insistant sur la nécessité de poursuivre cette phase d’extension, ils insistent sur les difficultés à surmonter pour toutes les applications informatiques. Ils concluent qu’« il ne serait possible d’aller plus vite avec des projets plus ambitieux que s’il existait dans chaque service gestionnaire, comme c’est le cas aux États-Unis et au Canada, une équipe de qualité disponible pour la diffusion des méthodes nouvelles de gestion ou plus généralement du changement non axée sur la résolution des problèmes stratégiques ou tactiques du service. Cela, dans l’état actuel des organisations administratives françaises est très difficile »128.
80Pierre Lestrade considère aussi qu’il a, lui-même, commis une erreur méthodologique lors de la généralisation de l’expérimentation de la comptabilité analytique conduite en 1969 à Nancy. Il explique que la première phase de découpage des activités fut achevée dans la précipitation autour de la recherche des chiffres qui soient assez facilement utilisables. Pour cela, on s’autorisa alors des simplifications qui ne posèrent guère de problèmes concernant les investissements mais se révélèrent plus problématiques concernant les dépenses de fonctionnement pour lesquelles un rapprochement systématique des prévisions avec les résultats se serait imposé. Mis sous pression pour généraliser rapidement l’expérimentation, Pierre Lestrade regrette que « cette erreur-là n’ait jamais pu être corrigée »129.
81Gérard Théry, responsable du SPEE pendant les premières années de l’application de la RCB avant d’être nommé directeur général, considère que les secteurs des Télécommunications et de la Poste constituent des cas particuliers car « il y avait un revenu et il y avait des recettes, tandis que dans les administrations “non marchandes”, il n’y avait pas de compte de résultat »130. Il considère que les autres administrations comme la Santé et la Police devaient faire face à un besoin d’optimisation car « le prix de la vie n’était pas infini et le prix de la sécurité non plus »131. Selon Gérard Théry, « pour une entreprise qui a ses propres recettes comme les télécoms ou La Poste, le problème de la RCB se posait d’une façon extrêmement différente »132.
82Dans son analyse du paradoxe de la RCB, Olivier Favereau souligne les difficultés à la faire appliquer aux organisations complexes que représentent certaines administrations133. En différenciant entre les activités dont le succès dépend d’une meilleure organisation et celles qui peuvent être « optimisées à travers une approche marchande ou néoclassique pour les économistes »134 (Tableau 5), cette distinction permet déjà de tirer un premier bilan du rôle de la RCB dans la transformation de la DGT. La modernisation de sa gestion à travers la décentralisation et le tableau de bord correspond à la démarche positive du paradigme organisationnel (à la droite du tableau). Les instruments analytiques de la RCB, par contre, relèvent d’une démarche normative (à la gauche du tableau) et n’étaient pas adaptés aux besoins de la DGT.
83Les arbitrages qu’elle fut amenée à rendre dans ses choix technologiques et sa gestion de la filière dépassèrent largement le contexte d’un environnement maîtrisé et transparent qui est nécessaire pour que les prix seuls servent de signal utile à orienter ses choix.
Tableau 5. Le double langage de la RCB
Paradigme néoclassique | Paradigme organisationnel | |
Démarche positive | Instruments budgétaires de la RCB | |
Démarche normative | Instruments analytiques de la RCB |
Source : Olivier Favereau, « La RCB entre deux paradigmes », RCB. Bulletin interministériel pour la rationalisation des choix budgétaires, n° 51, décembre 1982, p. 11, CAEF, B 52338.
84Olivier Favereau conclut que l’émergence d’une théorie de la firme plus riche et basée sur une meilleure appréhension des méthodes d’apprentissage organisationnelles est nécessaire pour bien analyser la réussite très mixte de la RCB. L’exemple de la transformation de la DGT pendant la période de rattrapage et de développement de nouveaux produits et services enrichit notre compréhension de telles méthodes d’apprentissage organisationnelles135. Cette transformation concerna l’organisation dans son ensemble et ses résultats furent largement remarqués : « … le rétablissement spectaculaire de la situation du téléphone a été opéré par un personnel motivé et enthousiaste. L’autonomie obtenue par les chefs de service, la reconnaissance gagnée pour le corps des techniciens constituaient les clefs principales qu’il fallait posséder. Mais aucune entreprise n’aurait pu réussir un exploit de cette dimension sans une grande autonomie dans son fonctionnement. Ainsi, commencent à apparaître, de façon peut-être parfois un peu larvée, les modes de gestion qui ressemblent à ce qui se pratiquait dans le secteur privé, sans que pour autant on ait eu à l’époque la moindre intention d’aller vers une privatisation, mais parce que c’était tout de même la seule façon de gérer dynamiquement un organisme sclérosé depuis tant d’années. On ne parlait pas encore de compétitivité mais à l’époque nous avons étonné l’étranger »136.
85L’ampleur de cette transformation sectorielle est ainsi décrite comme un « grand projet » mobilisant un attelage « hybride Administration-Entreprises » capable « de se doter de ressources propres indexées sur son activité et à l’abri de la direction du Budget »137.
86Pour Gérard Théry, l’optimisation des investissements de la DGT par la décentralisation et l’automatisation du réseau correspond à « deux traductions d’un phénomène, d’une évolution, d’un processus qui n’était pas RCB stricto sensu mais qui était un problème d’optimisation d’une organisation industrielle »138. L’ensemble des mesures prises dépasse largement le cadre d’une optimisation des moyens au sein d’un service public sous contraintes budgétaires. On voit émerger pendant cette période les prémisses de ce qu’allait devenir la DGT par la suite – une entreprise.
Notes de bas de page
1 Alain Le Diberer, La production des réseaux de télécommunications, Paris, Economica, 1983, p. 113‑114.
2 Jacques Bravo, « L’expérience française des budgets de programmes », Revue économique, n° 1, 1973, p. 5.
3 Robert Poinsard, « La modernisation de la gestion administrative : un bilan », Politiques et management public, vol. 5, n° 2, 1987, p. 59.
4 Par exemple : Catherine Bertho, Télégraphes & Téléphone : de Valmy au microprocesseur, Paris, Le Livre de Poche, 1981, p. 448‑506 ; Claude Giraud, Bureaucratie et changement. Le cas de l’administration des télécommunications. « Du 22 à Asnières à la télématique », Paris, L’Harmattan, 1982 et Mireille Nouvion, L’automatisation des télécommunications : la mutation d’une administration, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1987.
5 Entretien avec Jean-Bernard Hauser, 12 juillet 2015.
6 Sur l’inspecteur des Finances Henri Chanet et ses successifs rapports, voir infra, p. 6.
7 « Le séminaire RCB tenu au Château d’Artigny (Tours) » 7 au 9 février 1969. Ministère de l’Économie et des Finances, Services de l’Information. Archives ministre des Finances, p. 5, CAEF, B 52332.
8 Olivier Favereau, « La RCB entre deux paradigmes », RCB, bulletin interministériel pour la rationalisation des choix budgétaires, n° 51, décembre 1982, p. 33, CAEF, B 52338.
9 Diplômé de l’université de Paris Sorbonne en physique (1964) et de l’Institut des études politiques de Paris (64) René-François Bizec, fut transféré de la direction de la Prévision au ministère des Finances au service des Programmes et des études économiques (SPEE) de la direction générale des Télécommunications en tant que chargé de mission. Avec son collègue, Jean-Bernard Hauser, il publia en 1970 un ouvrage, Le téléphone pour tous, sous le pseudonyme de Jean-François Rugès. Rugès est l’anagramme de Ségur, le nom de l’avenue où se situait le ministère des PTT et la DGT.
10 Rappelons que Valéry Giscard d’Estaing, né en 1926, inspecteur des Finances (1952), est également polytechnicien (P 1944).
11 Majeur de sa promotion (31) de l’École polytechnique et ingénieur de l’École nationale supérieure des Mines de Paris, Maurice Allais reçoit le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 1983.
12 Né en 1928 et mort en 2020, majeur de sa promotion (P 1948) de l’École polytechnique, Jacques Lesourne avait Maurice Allais comme professeur à l’École des Mines de Paris. Ayant fondé la SEMA (Société d’économie et de mathématiques appliquées) en 1958, il conseilla entreprises et pouvoirs publics sur l’optimisation du système économique jusqu’en 1976, date à laquelle il se consacra à son travail académique en économie.
13 Marcel Boiteux, né en 1922, normalien (P 1942), agrégé de mathématiques (1946) et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (1947), directeur général d’EDF entre 1967 et 1987.
14 René-François Bizec, « Les premières études stratégiques », Cahiers d’histoire des télécommunications et de l’informatique, n° 19, automne 2014, p. 9.
15 Valéry Giscard d’Estaing, « Discours d’ouverture », stage RCB, ministère de l’Économie et des Finances, Abbaye de Royaumont, 20‑22 novembre 1969, p. 3, CAEF, B 52332.
16 Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes.
17 V. Giscard d’Estaing, 1969, « Discours d’ouverture », stage RCB, ministère de l’Économie et des Finances, Abbaye de Royaumont, 20‑22 novembre, p. 3, CAEF, B 52332.
18 « M. Giscard d’Estaing propose la création d’une Compagnie Nationale du Téléphone », Les Échos, 6 octobre 1967, p. 5, AN 23 HF 14.
19 « La lettre de Valéry Giscard d’Estaing », Réponses, nouvelle série n° 5, 12 novembre 1968, p. 2, AN 23 HG 14.
20 Ibid.
21 « Pas de compagnie nationale du téléphone », Le Figaro, 18 octobre 1967, AN 23 HF 14.
22 Pascal Griset, Les réseaux de l’innovation : Pierre Marzin, 1905-1994, Pleumeur-Boudou, musée des Télécoms et Cliomédia, 2005. Né en 1905 et mort en 1994, diplômé de l’École polytechnique (P 1925), de l’École supérieure des Postes & Télégraphes et de l’École Supélec (1929), Pierre Marzin fut nommé directeur du Centre national d’études des télécommunications (CNET) en 1954 et directeur général des Télécommunications en 1967. De 1971 à 1977, il est maire de Lannion en Bretagne.
23 Marie Carpenter, « Les Rapports Chanet de 1967, fondement du rattrapage téléphonique français », Entreprises et Histoire, n° 61, 2010, p. 192‑206.
24 Henri Chanet (1910-1999), ancien élève de l’École polytechnique (P 1931, Génie), inspecteur des Finances (1941), accomplit la première partie de sa carrière à la direction de la Comptabilité publique : il y est d’abord chargé de la direction spéciale Postes et Télécommunications (1947-1949) puis chargé de mission de 1952 à 1964. De 1967 à 1969, il est président du groupe spécialisé pour les conventions et marchés d’étude et de développement en matière d’informatique passés au nom de l’État. Il est enfin président de la Commission de développement informatique en 1970 puis président de la Commission des marchés d’électronique et de télécommunications du ministère des PTT de 1972 à 1977.
25 Rapport du Commissariat général du Plan, Transports et Communications, « Groupe Finances-PTT : État des travaux à l’issue de la réunion du 17/10 », 24 novembre 1967, AN 23 HF 38.
26 « Première vue d’ensemble », rapport envoyé par Henri Chanet, président du Groupe du Travail du Téléphone, sans date mais archivé avec les rapports concernant la deuxième et la troisième mission, envoyé le 31 juillet 1967, p. 5, AN 23 HF 38.
27 Né en 1934, diplômé de l’École polytechnique (P 1954) et ingénieur au corps des Mines, Bernard Esambert fut conseiller de Georges Pompidou et de Maurice Couve de Murville Premiers ministres (respectivement en 1967-1968 et 1968-1969). Il fut nommé ensuite conseiller industriel du Président Georges Pompidou (1969‑1974).
28 Bernard Esambert, Pompidou, capitaine d’industries, Paris, Odile Jacob, 1994, p. 207.
29 Pierre Marzin, « La France se dote d’une stratégie rationnelle pour rattraper son retard », Le Monde diplomatique, juin 1971, p. 22.
30 Guy Berger, « La création des sociétés de financement des télécommunications », Entreprises et Histoire, n° 61, 2010, p. 75‑79.
31 C. Bertho, Télégraphes et Téléphones, de Valmy au microprocesseur, op. cit., p. 476.
32 Rapport d’activité des PTT, 1977, p. 14.
33 M. Nouvion, L’automatisation des télécommunications. La mutation d’une administration, op. cit. p. 263.
34 B. Esambert, « L’innovation dans les comportements et dans le rythme de croissance », Entreprises et Histoire, n° 61, 2010, p. 69.
35 M. Carpenter, La bataille des télécoms. Vers une France numérique, op. cit., p. 136‑137. Né en 1933, diplômé de l’École polytechnique (P 1952) et de l’École nationale supérieure des Télécommunications (P 1957), Gérard Théry fut nommé directeur général des Télécommunications en 1974, après avoir été directeur des Télécommunications de Paris Intra-muros, conseiller technique au cabinet du ministre des PTT et chargé de mission auprès du préfet de la région Lorraine. Il occupa également des postes au sein du département des câbles sous-marins et au Centre national d’études des télécommunications (CNET). Pendant sept ans, il dirigea le rattrapage téléphonique en France et lança de multiples projets innovants (Transpac, Télétel et Minitel, le satellite Télécom 1 et un réseau expérimental de visiophonie à Biarritz).
36 C. Giraud, Bureaucratie et changement. Le cas de l’administration des télécommunications « du 22 à Asnières à la télématique », op. cit., p. 64.
37 Né en 1921 et mort en 2009, diplômé de l’École polytechnique (P 1941) et majeur de sa promotion à l’École nationale supérieure des Télécommunications (P 1945), Louis-Joseph Libois passa l’essentiel de sa carrière au sein du Centre national d’études de télécommunications (CNET) et se créa une renommée internationale de chercheur en télécommunications. Il fut nommé directeur du CNET en 1968 et directeur général des Télécommunications en 1971.
38 Louis-Joseph Libois, Genèse et croissance des télécommunications, Paris, CENT-ENST Masson, 1982, p. 259.
39 « Réflexions sur la crise du Téléphone », sans auteur, mars 1973, p. 14, AN 5 AG 2005.
40 « La nouvelle croissance par la communication : Politique du secrétariat aux PTT au cours du VIIe Plan », 10 octobre 1975, AN 5 AG 2002.
41 B. Esambert, « L’innovation dans les comportements et dans le rythme de croissance », Entreprises et Histoire, op. cit., p. 66‑70.
42 B. Esambert, « Un État stratège et intelligent », in Entreprises de haute technologie, État et souveraineté depuis 1945, Patrick Fridenson et P. Griset (dir.), IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 2013, p. 51.
43 M. Carpenter, La bataille des télécoms. Vers une France numérique, op. cit., chapitres 3 et 7.
44 Gérard Théry, 2010, « Un extraordinaire marché solvable » Entreprises et Histoire, n° 61, p. 83.
45 « Première vue d’ensemble », rapport envoyé par Henri Chanet, président du Groupe du Travail du Téléphone, sans date mais archivé avec les rapports concernant la deuxième et la troisième mission, envoyé le 31 juillet 1967, p. 2, AN 23 HF 38.
46 « Organisation administrative et technique », Rapport de la Mission II du groupe de travail du téléphone, envoyé par Henri Chanet, président du Groupe du Travail du Téléphone, au ministre des PTT, 31 juillet 1967, p. 8, AN 23 HF 38.
47 Michel Lafon, Pierre Lestrade, Jacques Dondoux et Gérard Théry.
48 Bernard Delarue, Histoire d’une mutation. Des demoiselles du téléphone à la mondialisation des Télécommunications, Paris, Le Cherche midi, 1997, p. 104.
49 Avec les ministères suivants : Agriculture, Affaires sociales, Équipement et Transport, Industrie, Éducation nationale et Finances.
50 Diplômé de l’École polytechnique (P 1957) et ingénieur des Mines, Jean-Bernard Hauser intégra le service des Programmes et des études économiques (SPEE) de la direction générale des Télécommunications. En 1970, avec son collègue, René-François Bizec, il publia un ouvrage polémique, « Le téléphone pour tous », sous le pseudonyme de Jean-François Rugès. Rugès est l’anagramme de Ségur, le nom de l’avenue où se situait le ministère des PTT et la direction générale des Télécommunications.
51 Entretien avec Jean-Bernard Hauser, 12 juillet 2015.
52 L.-J. Libois, « De Platon à la numérisation du réseau français de télécommunications : le choix stratégique de la commutation électronique temporelle », Entreprises et Histoire, n° 61, 2010, p. 36‑61.
53 « Postes et Télécommunications », Rapport des ministères, La RCB dans les Administrations, 1970, p. 52.
54 Henri Bustarret (1932-2019), polytechnicien (P 1952, X‑Télécoms), détaché au Commissariat général au Plan (1956-1967, division industrielle), chargé de mission au cabinet de Michel Debré, ministre de l’Économie et des Finances, en remplacement de Maurice Allègre, chef de service au Centre national d’études des télécommunications de 1971 à 1981, conseiller technique au cabinet de Louis Mexandeau, ministre des PTT, futur directeur général des Télécommunications en 1981.
55 Entretien avec Jean-Bernard Hauser, 12 juillet 2015.
56 Ibid.
57 L.-J. Libois, 1971, « Programmation par objectifs en recherche appliquée », RCB, Bulletin pour la rationalisation des choix budgétaires, n° 4, juin 1971, p. 11, CAEF, B 52338.
58 « La rationalisation des choix budgétaires au ministère des Postes et Télécommunications », 1971-1972, p. 10, CAEF, B 64996.
59 Entretien avec Jean-Bernard Hauser, 12 juillet 2015.
60 Ibid.
61 Jean Babin, Jean-Bernard Hauser et Alain Maugard, « La gestion aux Télécommunications. Réflexions sur les systèmes de gestion des télécommunications et du ministère de l’Équipement », RCB. Bulletin interministériel pour la rationalisation des choix budgétaires, n° 6, décembre 1971, p. 21‑23. CAEF, B 610,2 RCB.
62 Ibid, p. 23.
63 « Procès-verbal de la séance du 19 janvier 1971 », Commission de RCB, CAEF, B 52335.
64 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1972, CAEF, B 52336.
65 Ibid.
66 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1973, CAEF, B 52337.
67 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1974, CAEF, B 52337.
68 « La rationalisation des choix budgétaires au ministère des Postes et Télécommunications », 1971-1972, p. 11, CAEF, B 64996.
69 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1974, CAEF, B 52337.
70 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1975, CAEF, B52337.
71 « La rationalisation des choix budgétaires au ministère des Postes et Télécommunications », 1971-1972, p. 10, CAEF, B 64996.
72 J.-B. Hauser et R.-F. Bizec, « Le système de gestion des télécommunications », RCB, Bulletin pour la rationalisation des choix budgétaires, n° 6, décembre 1971, p. 23‑32, CAEF, B 52338.
73 Ibid, p. 24.
74 Ibid, p. 25.
75 Entretien avec Gérard Théry, 14 octobre 2008.
76 Ibid.
77 Michel Feneyrol, né en 1940, polytechnicien (1959-1961), École nationale supérieure des Télécommunications (1962-1964), commence sa carrière au CNET en recherche et développement (1964-1968) puis la poursuit à la direction générale des Télécommunications de 1968 à 1975 (service des Programmes et études économiques puis direction du Plan, des programmes, du budget et de la comptabilité).
78 Michel Feneyrol, « Gestion industrielle d’entreprise dans une administration : la direction générale des Télécommunications », Séance de l’Association historique des Télécommunications et de l’Informatique (AHTI), L’évolution de la gestion dans les Télécommunications, supplément au Bulletin AHTI, n° 3, mars 2002, http://www.ahti.fr/cahiers/Cahier1.pdf.
79 Denis Varloot, polytechnicien (P 1956), École nationale supérieure des Télécommunications (1961), affecté au CNET (1962-1968) où il participe au lancement du premier satellite scientifique français (FR 1), il a eu la charge du département « Télécommunications et détection spatiales » au Centre national d’études des télécommunications (CNET). Il a contribué, aux côtés de Gérard Théry, à lancer l’informatique de gestion à la direction générale des Télécommunications.
80 Entretien avec Denis Varloot, 6 juillet 2009.
81 J.-B. Hauser et R.-F. Bizec, « Le système de gestion des télécommunications », RCB. Bulletin interministériel pour la rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 27.
82 Ibid, p. 25.
83 Ibid, p. 27.
84 Ibid, p. 29.
85 Ibid.
86 Ibid, p. 30.
87 Né en 1937, diplômé de l’ENA (1963-1965, sorti à la Cour des comptes, Guy Berger est conseiller au cabinet de Robert Galley, ministre des PTT (1969), puis des Transports, puis de la Défense (1972-1974). Il est au cabinet des PTT au moment de la négociation de la loi qui permet la création des sociétés de financement pour les télécommunications en 1969.
88 « Procès-verbal de la séance du 17 janvier 1972 », Commission de RCB, p. 29, CAEF, B 52336.
89 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1974, p. 45, CAEF, B 52337.
90 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1975, p. 41, CAEF, B 52337.
91 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1977, p. 53‑54, CAEF, B 52338.
92 « Budgets de Programmes. Groupe de travail sur les structures des programmes », mai 1972, p. 33, CAEF, B 52336.
93 « Procès-verbal de la séance du 15 juin 1972 », Commission de RCB, p. 42, CAEF, B 52336.
94 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1974, p. 60‑61, CAEF, B 52337.
95 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1975, p. 54, CAEF, B 52337.
96 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1976, p. 64, CAEF, B 52338.
97 « La RCB dans les Administrations. Rapport de Synthèse », Commission de RCB, janvier 1977, p. 71, CAEF, B 52338.
98 Le groupe de travail était « animé par Gérard Théry » (Marie-Dominique Leclère et Patrice Carré, France Télécom. Mémoires pour l’action, Paris, France Télécom, 1995, p. 123) et Denis Varloot décrit Gérard Théry comme « la plume du rapport Chanet » en entretien le 6 juillet 2009.
99 À partir de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, François Polge de Combret (ENA 1963, Cour des comptes), ancien conseiller technique au cabinet du ministre des Finances, le suit à l’Élysée. Il est le correspondant principal des ministères de l’Industrie, de l’Agriculture, du Commerce et de l’Artisanat puis des secrétariats d’État aux PTT, à la Culture et aux Transports. En novembre 1978, il est nommé secrétaire général adjoint de la présidence de la République. Source : Pascal Geneste, Archives de la Présidence de la République, Valéry Giscard d’Estaing, 1974-1981, Paris, Somogy et Archives Nationales, 2007, p. 105.
100 Denis Varloot, cité dans B. Delarue, Histoire d’une mutation. Des demoiselles du téléphone à la mondialisation des Télécommunications, op. cit., p. 115.
101 Henri Chanet, 1967, Lettre au ministre des Postes et Télécommunications, 2 mai, AN, CAC 19810486 art 2.
102 « Le procès-verbal de la Séance du 31 janvier 1975 », Commission de la RCB, p. 19, CAEF, B 52337.
103 « La technique de l’enveloppe et son application en matière de moyens en personnel de télécommunication », DGT, Bulletin d’Information des Télécommunications, n° 84, janvier 1975, p. 7. AN F 90bis 2667.
104 Entretien avec Jean-Bernard Hauser, 3 mars 2009.
105 Annexe à la lettre de Gérard Théry, directeur général des Télécommunications à MM. Clavaud, Cotten, Dondoux, Souviron et Varloot, 10 janvier 1975, AN F90 bis 2667.
106 ZAA : la « zone à autonomie d’acheminement » correspond à un réseau urbain ou à un groupement rural. On distingue les appels internes à ce réseau (intra ZAA) des appels sortant ou entrant (extra ZAA).
107 André Simoncini, ultérieurement directeur du personnel, cité par Marie-Dominique Leclère et Patrice Carré, 1995, France Télécom : Mémoires pour l’action, Paris, France Télécom, 1995, p. 129.
108 M.-D. Leclère et P. Carré, France Télécom : Mémoires pour l’action, op. cit., p. 129.
109 P. Carré, « Entretien avec Georges Clavaud, 2e partie », Les Cahiers : Télécommunications, histoire et Société, deuxième semestre 1995, p. 97.
110 Créée initialement en 1888 en tant que « École professionnelle supérieure des Postes et Télégraphes », la formation des ingénieurs fut séparée de celle des administrateurs avec la création de l’ENST en 1942.
111 Michel Atten, François du Castel et Marie Pierre, Les « Télécoms ». Histoire des Écoles supérieures des télécommunications : 1840-1997, Paris, Hachette Livre, 1999.
112 Tous les agents des catégories B, C et D, à l’exception des agents du corps des techniciens recevant déjà une indemnité de technicité.
113 Note de Denis Varloot, chef du service du personnel des Télécommunications, à Gérard Théry, directeur général des Télécommunications, objet « Prime de croissance », 18 mai 1979, p. 2, AN 23 HF 29.
114 B. Delarue, Histoire d’une mutation. Des demoiselles du téléphone à la mondialisation des Télécommunications, op. cit., p. 105.
115 V. Giscard d’Estaing, « Éditorial », Télécom, n° 44, juin, 1980.
116 Lettre de Gérard Théry aux directeurs régionaux, 21 janvier 1978, AN 23 HF 5
117 Maurice du Mesnil, « Mémoires de Maurice du Mesnil : ingénieur général (h) des Télécommunications », Association d’Histoire des Télécommunications et de l’Informatique, 2009, p. 26.
118 « La RCB dans les Administrations. Rapport Analytique », Commission de RCB, janvier 1980, CAEF, B 52338.
119 « La RCB dans les Administrations. Rapport Analytique ». Commission de RCB, janvier 1981, p. 102, CAEF, B 52338.
120 R.-F. Bizec, « Les premières études stratégiques », Cahiers d’histoire des télécommunications et de l’informatique, n° 19, automne 2014, p. 10.
121 Ibid., p. 11.
122 Ibid.
123 « À tire-d’aile de papillon : la trace d’un économiste des télécoms », Cahiers d’histoire des télécommunications et de l’informatique, n° 19, Automne, p. 38.
124 Diplômé de l’École polytechnique (1954-1957), de l’École nationale supérieure des Télécommunications (P 1961) et de la Faculté de Droit de Paris (1962), Pierre Lestrade, né en 1934 intègre le Commissariat au Plan en 1963, avant de rejoindre la direction générale des Télécommunications en tant que premier responsable du service des Programmes et des études économiques (SPEE) de 1967 à 1969.
125 Entretien avec Pierre Lestrade, 22 février 2013.
126 Entretien avec Jean-Bernard Hauser, 12 juilllet 2015.
127 R.-F. Bizec, « Les premières études stratégiques », Cahiers d’histoire des télécommunications et de l’informatique, op. cit., p. 10.
128 J.-B. Hauser et R.-F. Bizec, 1971, « Le système de gestion des télécommunications », RCB. Bulletin interministériel pour la rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 32.
129 Entretien avec Pierre Lestrade, 22 février 2013.
130 Entretien avec Gérard Théry, 23 novembre 2016.
131 Ibid.
132 Ibid.
133 O. Favereau, « La RCB entre deux paradigmes », op. cit.
134 Ibid., p.11.
135 M. Carpenter, La bataille des télécoms. Vers une France numérique, op. cit.
136 B. Delarue, Histoire d’une mutation. Des demoiselles du téléphone à la mondialisation des Télécommunications, op. cit., p. 104.
137 Élie Cohen, « France Télécom : les trois modernisations », Le service public ? La voie moderne, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 120.
138 Entretien avec Gérard Théry, 23 novembre 2016.
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Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel 1962-1978
Ce livre est cité par
- Pillon, Jean-Marie. Garcia, Sandrine. Mauchaussée, Marion. Peyrin, Aurélie. (2021) La Grande transformation des trois fonctions publiques : enjeux quantitatifs et qualitatif. Entretien avec Marion Mauchaussée et Aurélie Peyrin. Revue Française de Socio-Économie, n° 27. DOI: 10.3917/rfse.027.0141
Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel 1962-1978
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