Le Parlement et la rationalisation des choix budgétaires
p. 227-247
Texte intégral
1Le Parlement est l’institution privilégiée de l’éloquence et du débat. Le vote de la loi est précédé de longues discussions : parlementer, c’est discourir, prendre le temps d’échanger sur les différents arguments, quitte à ne pas être dans le temps de l’action. L’hégémonie parlementaire des IIIe et IVe Républiques trouve une illustration dans les longues séances de débats sur le vote du budget. La doctrine a pu se montrer particulièrement critique à l’égard de ces longues séances1. La Constitution de la Ve République encadre les débats sur le vote de la loi de finances en confiant la maitrise de la procédure budgétaire aux mains du ministre des Finances. Un virage technocratique va être pris, comme le souligne Michel Paul, « sous l’acronyme RCB (rationalisation des choix budgétaires), se cache l’entrée de Descartes dans la gouvernance de l’État en France »2.
2Historiquement, il existe un lien étroit entre Parlement et lois de finances. Ce schéma a évolué. Le professeur Paul Amselek précise que ce lien se justifiait par le consentement et le contrôle de l’utilisation des prélèvements obligatoires3. Cependant, depuis 1958, nous nous trouvons dans un contexte où le pouvoir législatif a vu ses prérogatives strictement encadrées : le parlementarisme rationalisé. En outre, la portée de l’autorisation budgétaire a connu une évolution compte tenu du rôle désormais assigné aux finances publiques : il ne s’agit plus simplement d’autoriser à prélever l’impôt, mais de valider l’intervention de l’État en matière économique, avec un véritable plan d’action soutenu par le budget4.
3La loi de finances relève, pour ce qui est de son initiative et de sa préparation, de la seule compétence du pouvoir exécutif. Dans cette phase, le Parlement se trouve limité dans son pouvoir d’action comme l’explique très clairement Aurélien Baudu5. Il s’agit de mettre fin à la pratique observée par le passé sous les IIIe et IVe République, d’un Parlement s’emparant du projet gouvernemental pour entamer une longue discussion6. Désormais, « le budget n’est plus refait par les commissions des finances »7. Les pouvoirs budgétaires de l’institution parlementaires ont donc été rationalisés par les constituants de 1958.
4Au-delà du texte de la Constitution du 4 octobre 1958, la préparation des lois de finances est également régie par l’ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 19598. Ce texte, qui tire les conséquences du parlementarisme rationalisé, encadre les pouvoirs du Parlement en matière budgétaire. Critiquée pour son aspect « autoritaire », car adoptée dans le cadre des pouvoirs spéciaux, l’ordonnance mettait en avant le concept de service voté, donnant l’impression de budgets de reconduction. La doctrine voyait dans les services votés « la simple reconduction des autorisations budgétaires de l’année précédente dont le Gouvernement estimerait indispensable le renouvellement pour assurer la marche continue de ses services »9. En outre, les rédacteurs de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 n’y avaient pas intégré les notions de performance10 ni d’objectif.
5Des débats ont commencé à émerger au cours des années 1960, concernant les choix budgétaires. En effet, ceux-ci reposent sur un budget dit de moyens qui n’étaient pas remis en cause d’année en année11, matérialisé par les services votés. Cette reconduction mettait à mal le pouvoir de délibération des parlementaires. Armand Duplessis12 a parfaitement résumé cette critique dans un article publié par le journal Le Monde13. Ainsi, selon l’idée développée par le ministre de la Justice René Pleven, un vote global sur ces reconductions budgétaires, sans discussion ni débat pouvait revenir « à appliquer la procédure du référendum aux dépenses publiques et éliminait toute possibilité d’un contrôle sérieux sur la majeure partie du budget de l’État »14, sans vote détaillé.
6C’est dans ce contexte, qu’une nouvelle méthode dite de rationalisation des choix budgétaires est apparue, mettant en avant la notion d’objectif. La France a été avant-gardiste dans la réflexion sur la réforme de l’État, comme en témoigne l’influence d’Henri Fayol, pour qui l’État devait être dirigé comme une entreprise15. Depuis la Libération, la sphère publique est entrée dans un processus réformateur16 : la RCB s’insérait ainsi dans un cycle vertueux de recherche constante d’amélioration de la gestion17. Dès 1965, les ministères de la Défense, de l’Équipement et du Logement ont mené des expériences de modernisation18. Une démarche similaire avait également été initiée aux États-Unis, par l’Administration, avec le Planning-Programming-Budgeting System (PPBS)19. Les parlementaires américains avaient alors manifesté des attitudes divergentes dans la réception de ce nouvel outil. Bien que certains souhaitaient connaître les résultats des études lancées, d’autres au contraire ne voyaient pas la plus-value potentielle qu’une telle méthode pouvait apporter lors des travaux parlementaires20.
7En France, la technique de RCB a été introduite par un arrêté du ministre de l’Économie et des finances du 13 mai 196821, portant création de la Mission auprès du ministre de l’Économie et des Finances pour la rationalisation des choix budgétaires. À l’origine destinée à s’arrêter le 31 décembre 1970, la Mission RCB fut prorogée jusqu’au 31 décembre 1971. Le décret n° 70-1092 du 25 novembre 197022 met en place la Commission interministérielle de RCB, afin d’instaurer une procédure permettant un contrôle périodique des actions entreprises et des résultats obtenus dans la mise en œuvre de la RCB par l’Administration23.
8Michel Paul décrit la RCB comme étant une procédure rationnelle d’aide à la décision impactant tout le processus d’élaboration de la loi de finances (préparation, exécution et contrôle de la décision budgétaire)24. Plus qu’une réforme de la procédure budgétaire, la RCB constitue une réflexion globale sur la gestion publique, menée dans une démarche cartésienne. Elle est considérée par la doctrine comme étant « la première tentative systématique et cohérente de transposition au secteur public des techniques de management en vigueur dans les grandes entreprises privées »25. Cependant, les thèses relatives aux pouvoirs du Parlement et des Commissions en matière de finances ne mentionnent pas cet épisode, signe qu’il s’agissait, au sein de l’institution parlementaire, d’un micro-événement. À la constatation du choix des instruments juridiques choisis pour consacrer la RCB, il est possible d’exprimer un certain scepticisme quant à sa force contraignante. Il s’agissait de diffuser les idées, plutôt que de les imposer26. Ce choix a été pleinement assumé, comme en témoigne le premier Bulletin RCB, sous la plume de Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Économie et des Finances de cette époque, expliquant qu’une telle réforme « ne peut être conduite qu’avec la compréhension et l’adhésion de chacun »27. L’économiste Pierre Massé en tirait la conclusion que « l’autorité risque de tourner court si elle n’est pas prolongée par le consentement »28. Sans texte disposant d’une autorité juridique supérieure au sein de la hiérarchie des normes, il fallait s’en remettre aux acteurs, aux praticiens qui allaient choisir ou refuser de mettre en œuvre la réforme, pour lui donner son ampleur ou au contraire pour la restreindre. Alors que la RCB apparaît comme une technique aux mains de l’Administration, a-t-elle été un outil utilisé par le Parlement ?
9La mise en place de la RCB ne s’est pas complètement opérée sans le Parlement, même si celui-ci a été peu impliqué. Néanmoins, l’utilisation de la RCB par les parlementaires est restée limitée.
Un Parlement peu impliqué dans le déploiement de la RCB
10Dans le cadre de la rationalisation des choix budgétaires, la place du Parlement est strictement encadrée, conformément à ce qui semblait être la volonté du ministère de l’Économie d’encadrer fortement les représentants de la Nation.
Une place strictement encadrée du Parlement dans la procédure RCB
11Alors que les parlementaires ont accepté, non sans méfiance, le principe de la RCB, sa mise en place pouvait apparaître comme une source de bouleversements pour leurs pouvoirs budgétaires.
Une acceptation méfiante des parlementaires
12Peu de temps après la mise en place de la Commission interministérielle de RCB, certains parlementaires prennent conscience des enjeux et se disent prêt à sa mise en œuvre. En témoignage de cette acceptation, cette intervention du député Jean Poudevigne, pour qui il n’y a aucune opposition de principe : « devant l’impératif de plafonnement, du moins relatif, de la dépense publique, une remise en ordre budgétaire s’impose, et nous souhaitons qu’elle soit facilitée par l’emploi de plus en plus fréquent de la rationalisation des choix budgétaires »29. Les parlementaires avaient souhaité être intégrés pleinement au processus, comme en témoigne l’intervention du président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Jean Taittinger : « La Commission des finances attache un grand prix à être directement associée aux travaux portant sur la rationalisation des choix budgétaires. Elle souhaite que le Gouvernement puisse prendre un engagement précis sur ce point. »30. Cette acceptation ne doit pas masquer les interrogations qui se font jour chez les parlementaires, devant ce qui semblait leur paraître comme une tentative d’instauration de gouvernance par les nombres, substituant le règne du chiffre à celui de la parole dans l’enceinte du Parlement31.
13À première vue, la RCB semble être marquée par sa technicité. Comme le souligne Philippe Huet, il s’agit d’« une recherche méthodique, appliquée à l’action publique, et qui, utilisant toutes les techniques disponibles d’analyse et de calcul, de prévision, d’organisation et de gestion, vise à la définition cohérente et ordonnée, puis à la concrétisation efficace et fidèle d’une politique »32. Cette définition ne semble pas devoir inclure le Parlement, lieu privilégié du débat politique et idéologique, a fortiori dans le cadre du vote du budget, en tant qu’acte fixant les grandes orientations de l’action de l’État33. À l’opposé, la RCB fait référence à des notions qui semblent être étrangères à l’institution : objectif, programmation, gestion, contrôle des résultats, comme le souligne Michel Paul34. La technicité de la RCB laisse un doute quant au rôle du Parlement, les représentants de la Nation avaient pu voir « dans cette réforme une occasion de réduire encore ses pouvoirs budgétaires »35. Pour autant, il paraissait clair aux praticiens de l’époque que les parlementaires devaient être des acteurs de la RCB36.
Une expérimentation source de bouleversements des pouvoirs budgétaires du Parlement
14Pour véritablement pénétrer dans l’enceinte du Parlement, la programmation inhérente à la RCB s’est manifestée dans « un budget de programmes, structure complète qui reprend l’ensemble des crédits et moyens d’un département ministériel ou d’un grand secteur de l’action publique, pour les regrouper en fonction des produits qui doivent en résulter, et des objectifs qu’ils servent »37. Le budget de programme dont il est question a été institué par l’article 56 de la loi n° 71-1061 de finances pour 197238, soit un an à peine après la mise ne place de la Commission interministérielle de RCB. Il constituait le cadre budgétaire qui a émergé durant l’expérience RCB, et qui devait servir de socle à la discussion budgétaire, comme le faisait remarquer en séance le Rapporteur spécial de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation au Sénat, Jacques Oudin39.
15Le budget de programme dressait une liste d’objectifs ainsi que les moyens pour les atteindre. Les débats pouvaient alors porter sur l’efficacité du programme, dans une perspective pluriannuelle, puisque : « Le budget de programme présenté aux parlementaires représente la tranche annuelle des programmes relevant de la responsabilité des différents services d’un ministère »40. Cependant, on ne trouve pas de réflexion sur l’aspect coercitif de la pluriannualité : quid de la disponibilité des moyens au-delà de la tranche annuelle du budget attachée à la discussion et à l’acceptation d’un programme41 ? Certains parlementaires ont d’ailleurs anticipé ce questionnement, sans qu’une réponse n’ait pu être apportée par la suite. Le député Jean Poudevigne pensait que la méthode devait déboucher « sur une modification radicale de la présentation budgétaire et, par là même, sur les méthodes et les moyens de contrôles du Parlement »42. Par ailleurs, ces derniers faisaient traditionnellement l’objet de critiques de la part de la doctrine, qui y voit la prééminence du contrôle a priori au détriment du contrôle a posteriori43. En outre, l’absence de sanction à l’occasion du vote de la loi de règlement n’a pas favorisé l’émergence d’une culture du contrôle a posteriori chez les parlementaires. La réforme n’a pas semblé placer le Parlement au cœur de la démarche, sans pour autant l’avoir totalement ignoré. Cette place est le fruit d’un cadrage fort opéré par le ministère de l’Économie.
Un encadrement très fort opéré par le ministère de l’Économie
16Bien que les parlementaires aient pu apparaître techniquement limités devant la RCB, ils étaient dès l’origine placés en marge de la réforme.
Des parlementaires en marge de la réforme : la rationalisation des pouvoirs financiers du Parlement rencontre la RCB
17Deux attitudes ont prévalu face au déploiement de la RCB, porté par l’administration. D’une part, l’attitude de certains membres du gouvernement et des praticiens pouvait laisser présager d’une participation accrue des représentants de la Nation dans les réflexions à mener sur la mise en œuvre de la réforme. Le secrétaire d’État à l’Économie et aux Finances, Jacques Chirac, alla même jusqu’à prendre l’engagement politique d’informer la Commission des finances et plus largement l’Assemblée nationale. Cette promesse qui en réalité était dépourvue de force contraignante, laisse toujours une marge de manœuvre au gouvernement dans la mise en œuvre de la RCB44. Il apparaissait que le ministère de l’Économie, voulait associer les parlementaires à la réforme, pensant que cette association était naturelle : « Il est à la fois normal et souhaitable que les représentants de la Commission des finances et plus généralement le Parlement, soient associés à ces travaux et aussi aux conclusions qu’il conviendra d’en tirer. »45 Pour P. Huet et J. Bravo, le rôle du Parlement en matière de RCB est essentiel. Il doit intervenir « dans la définition même des procédures d’affectation des ressources. »46 Cette nécessité étant renforcée par le fait que les parlementaires participent à l’expression des besoins des représentés47. Partant, il semblerait que face aux récriminations émanant des parlementaires, le gouvernement ait tenté de satisfaire leur demande par la mise en place du budget de programme, outil d’information dépourvu de toute valeur juridique, donc de toute contrainte qui engagerait l’exécutif devant le Parlement.
18D’autre part, les parlementaires et la doctrine avaient des doutes quant à leur association dans la mise en œuvre de la RCB, comme l’a exposé en séance Jean Charbonnel, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. De manière générale, le Parlement ne semble pas disposer de contrepouvoir à l’égard du gouvernement dans le cadre de la procédure budgétaire, afin d’orienter les choix finaux. Bien au contraire, le Parlement semble mis à l’écart institutionnellement, dans la continuité du mouvement de rationalisation de ses pouvoirs financiers depuis 1958. L’introduction de la RCB témoigne de ce sentiment, comme le confirme le Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Jean Charbonnel : « Maintenant encore, lorsqu’on parle d’introduire dans les finances publiques des méthodes nouvelles de rationalisation des choix, le Parlement reste, il faut bien le dire, à l’écart du mouvement »48. Abondant dans ce sens, Alexis Quint ajoute que la proposition du gouvernement tenait plus de l’invitation à participer aux travaux, plutôt que d’une réelle association49.
Des parlementaires techniquement limités face à la réforme
19En réalité, aucun parlementaire n’a été convié aux réunions traitant de la RCB, ce qui n’a pas empêché le Garde des Sceaux, René Pleven, dès 1969, de préciser devant le Sénat que le Parlement se verra présenter un « budget fonctionnel »50, qui devait être la principale source d’information à destination des représentants de la Nation.
20Dès 1970, la carence sur la formation des élus de la Nation était pointée « un soin tout particulier devrait être apporté, dès maintenant, à fournir aux parlementaires une exacte information sur la nature et les techniques de la RCB »51. La difficulté concrète de la réforme vient du fait qu’il faut rendre accessible aux décideurs énormément d’informations, afin que le choix des parlementaires se fasse de la manière la plus éclairée possible. En 1971, soit deux après la réforme, le rapporteur du budget des charges communes dressait un constat alarmant pour l’institution parlementaire, le risque pour cette dernière était de se voir dessaisie du pouvoir de délibération52. Alors que l’Administration a entrepris de former ses agents sur l’ensemble des aspects techniques de la RCB, aucun geste en ce sens n’a été accompli à l’intention des parlementaires, ce qui peut apparaître comme une faiblesse de la démarche : « De même qu’elle a entrepris de “sensibiliser” les directeurs d’administration centrale à la RCB, la direction de la Prévision devrait s’attacher à faire de même vis-à-vis des sénateurs, des députés »53. Il existait un réel besoin de formation, qu’impliquait la réforme en elle-même54.
21Cette limite met à mal l’effectivité de la méthode RCB, qui n’a pu engendrer toutes les conséquences qu’elle semblait impliquer. En effet, elle devait faire évoluer les débats lors des discussions sur le projet de loi de finances. S’il était question de rester sous l’empire d’une présentation budgétaire classique, un passage vers une présentation du budget exclusivement par programme a été envisagé, permettant une analyse plus fine des choix et un contrôle portant sur les résultats55. Ainsi, c’est aussi toute la place du Parlement qui serait à revoir, avec l’opportunité de déplacer le débat sur les objectifs. Si certains auteurs s’interrogent sur la pertinence de déplacer la discussion plus en amont, ils avaient des doutes sur l’issue d’une telle réforme56. À la lecture des débats, les parlementaires ont semblé hésitants mais n’en ont pas moins été critiques à l’égard de l’économie générale de la réforme, ainsi que sur l’attitude de l’exécutif consistant à la communication tardive des blancs budgétaires57, contenant les budgets de programmes.
22En outre, la doctrine a vu dans le budget de programme un « simple document d’information qui n’a aucune valeur juridique »58, sur lequel « le Parlement n’émet aucun vote »59 et qui ne serait même pas soumis à l’obligation de dépôt60. Cependant, la lecture de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 permet de nuancer de tels propos. Plus précisément, son article 3261 laisse penser que le budget de programme pourrait appartenir à la catégorie des « annexes générales destinées à l’information et au contrôle du Parlement ». Dans le cadre de la procédure budgétaire, cette catégorie d’annexes peut être distribuée aux parlementaires au cours de la discussion. Elles n’ont donc pas à être obligatoirement présentes lors du dépôt du projet de loi de finances. Il est à noter que seules les annexes explicatives détaillant les crédits autorisés par la loi de finances se sont vues reconnaître valeur législative par le Conseil constitutionnel, et peuvent donc entraîner une éventuelle censure62. S’ils disposent d’un caractère purement informatif, les budgets de programmes ne seraient donc pas totalement dépourvus de cadre juridique, malgré une autorité restreinte.
23Si le Parlement a bel et bien intégré la RCB à ses réflexions, malgré son rôle modeste, il n’en a cependant fait qu’une utilisation limitée.
Une utilisation limitée de la RCB par les parlementaires
24De manière à pourvoir analyser dans le détail l’utilisation que les parlementaires ont fait de la RCB, il a été jugé pertinent de recourir à une analyse quantitative et qualitative des débats en séances plénières63, de l’ensemble de la période où la RCB prospérait, allant de 1969 à 1997, le budget de programme n’ayant plus été fourni par la suite64. Le détail chiffré est disponible en annexe de la présente contribution. Si le Parlement a manifesté un certain intérêt pour la RCB, cet intérêt était circonscrit dans le temps, et centré sur le budget de programme.
Un intérêt certain mais circonscrit dans le temps
25Face à l’expérimentation, les parlementaires ont semblé s’approprier la technique RCB de manière quantitativement réduite, mettant en exergue les vicissitudes de leurs pouvoirs budgétaires.
Une appropriation quantitativement réduite de la technique RCB par le Parlement
26De manière caustique, il serait possible de dire que les seules rationalisations qui intéressèrent les parlementaires à l’époque, sont celles des productions bovines et porcines, illustrant ainsi le poids du secteur agricole français. En effet, en recherchant parmi les débats en séance, il est frappant de constater que les préoccupations de rationalisation liées au budget, n’ont pas constitué une priorité de premier ordre pour les représentants de la Nation. Bien au contraire, la RCB y apparait comme une affaire de spécialistes65. Cependant, ce constat a pu évoluer tout au long des recherches menées dans les archives parlementaires, en ce que le vocabulaire technique de la RCB a peu à peu irrigué les débats. Ainsi, nous notons les préoccupations sur la rationalisation des coûts budgétaires, ou encore la rationalisation des choix administratifs. Si quantitativement parlant, ces occurrences ne sont pas présentes en nombre dans les débats, elles illustrent une irrigation progressive de concepts liés à la diffusion des idées venant de l’entreprise, dans la sphère publique.
27Les deux schémas reproduits ci-dessous illustrent, pour les deux chambres, le nombre de séances plénières où les occurrences « RCB » et « budget(s) de programmes(s) » sont mentionnées66.
28On note qu’il y a une montée en puissance de l’intérêt des parlementaires pour la RCB et le budget de programme, avant d’observer une chute rapide, jusqu’à sa disparition des débats. Il convient d’ajouter que les occurrences se trouvent généralement en fin d’année, à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances pour l’année suivante. Si l’on observe un effet de nouveauté chez les parlementaires dans les premières années de mise en œuvre de la RCB, ainsi que lors de l’introduction du budget de programme, il est possible de conclure à la quasi-disparition de l’intérêt des parlementaires dès les années 1980. Les parlementaires ne questionnent plus le gouvernement sur le budget de programme en séance, alors que celui-ci est distribué jusqu’en 199667.
29Une étude plus fine des débats a été menée sur plusieurs années68, visant à analyser la capacité du Parlement à s’emparer de la RCB. Ainsi, de 1972 à 1978 il est possible d’observer que le phénomène RCB « intéresse » l’ensemble des parlementaires, et pas seulement les spécialistes des commissions des finances. Ces parlementaires manifestent leur intérêt pour la RCB en elle-même, ainsi que plus spécifiquement, pour le budget de programme69. À partir, des années 1980, le constat est plus mitigé. Si l’intérêt global pour la réforme est décroissant, il faut noter que cet intérêt est le fruit des spécialistes des commissions des finances des deux chambres, et porte plus spécifiquement sur le budget de programme.
30On peut également penser que si la RCB a été mise en avant à ses débuts par l’exécutif, elle a cessé d’être portée, et de là, elle est progressivement tombée en désuétude, faute de soutien gouvernemental.
Les vicissitudes des pouvoirs budgétaires du Parlement
31Dans le cadre de la RCB, les débats du projet de loi de finances auraient dû être menés dans une perspective pluriannuelle. Les praticiens pensaient que le débat devait en tirer toutes les conséquences, en procédant à la réouverture annuelle de l’examen des programmes par l’observation des résultats constatés (permettant ainsi de mettre en cohérence la mission de contrôle dévolue au Parlement, et le caractère pluriannuel, qu’induisait la RCB). Ce nouveau débat remplacerait avantageusement celui, inexistant, sur la loi de règlement. On basculerait vers un nouveau paradigme, non plus tourné vers le passé et ne générant aucune discussion, mais vers l’avenir70, avec un contrôle rénové.
32Certains parlementaires avaient entrevu l’évolution du contrôle en matière budgétaire71, que techniquement la RCB risquait d’impacter. Pourtant, aucune modification de la Constitution ou de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 n’est venue entériner une telle modification de la procédure budgétaire. Si la mise en place de la réforme n’a pas nécessité une telle refonte des textes, les acteurs n’ont pas fait évoluer un débat budgétaire toujours orienté vers les moyens, alors que la pratique leur laissait toute latitude en ce sens. Cependant, une telle évolution aurait conduit à s’interroger sur la juridicité d’un tel débat, et surtout de la sanction éventuelle que pouvait prononcer le Parlement à l’encontre d’un gouvernement qui n’aurait pas répondu aux attentes, en termes de résultats, des représentants de la Nation. Ces attentes étaient quantifiées par le truchement des budgets de programmes accompagnant le projet de loi de finances soumis au vote des parlementaires. Si les parlementaires ont manifesté de l’intérêt pour la RCB, c’est au travers du cadre que constitue le budget de programme qu’ils se sont appropriés la réforme.
Un intérêt centré sur le budget de programme
33L’intérêt des parlementaires a surtout porté sur le budget de programme. Néanmoins, son utilisation a semblé réduite, montrant une absence de culture RCB chez les représentants de la Nation, ou du moins une imprégnation restreinte.
L’utilisation réduite du budget de programme
34Malgré les données chiffrées, il serait injuste de dire que le Parlement s’est désintéressé totalement de cette nouvelle approche de la procédure budgétaire que constituait la RCB. Dès 1969, une curiosité certaine existe du côté des représentants de la Nation, comme en témoigne cette interpellation du ministre de l’Économie par le député Pierre Sudreau : « Où en est la tentative de rationalisation des choix budgétaires »72, avant de poursuivre sur une éventuelle refonte de la procédure budgétaire, à l’image du PPBS américain, et sur la technicité de la réforme73.
35Cependant, ce n’est véritablement qu’avec l’avènement du budget de programme que la réforme va pénétrer l’enceinte parlementaire. Celui-ci constitue la traduction pratique de la prévision pluriannuelle portée par la RCB. Permettant de dépasser le cadre de réflexion normal du projet de loi de finances, borné par le principe d’annualité budgétaire, il est naturel que cela soit par l’intermédiaire du budget de programme que les parlementaires se soient plus spécifiquement intéressés à la réforme.
36Néanmoins, le rôle du Parlement peut apparaître comme secondaire, puisqu’il ne fait que réceptionner le budget de programme. Concrètement, les élus en ont fait une utilisation limitée, ce qu’illustre parfaitement Jean-Pierre Taugourdeau74. Le budget de programme s’inscrit dans une finalité d’information des représentants de la Nation, et non pas dans une aide à la délibération de ces derniers.
Une difficile acclimatation de la RCB avec la culture parlementaire
37Pour permettre au Parlement de s’emparer pleinement de la RCB, il semble préférable que l’institution soit, au préalable, imprégnée de la culture RCB. Pour enraciner la réforme au sein du Parlement, le gouvernement aurait pu envisager passer par la loi. Pourtant, sur l’ensemble de la période où la RCB prospérait, il n’a jamais été question d’ancrer la RCB au sein de la hiérarchie des normes, par une modification de l’ordonnancement juridique, en lui conférant une autorité supérieure. Que ce soit pour lui donner force de loi ou dans l’optique d’une réforme de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, il existait des pistes pour que le Parlement soit associé à la démarche. Il pouvait ainsi mieux s’imprégner de la réforme en s’appropriant la culture RCB.
38À lire Alexis Quint, il y aurait eu de la méfiance de la part du gouvernement, sur ce que pouvait engendrer une application pleine et entière de la RCB75. Si le budget de programme constituait plus qu’une annexe, mais un texte qui pouvait être soumis au vote des assemblées, c’était de nouveau le risque de voir le débat budgétaire s’éterniser, reproduisant ainsi le schéma des IIIe et IVe République.
39Le principal souci des élus de la Nation réside dans une égalité d’accès à l’information, à l’image de cette intervention en séance, qui sonne comme un slogan politique, du sénateur Edgard Pisani : « égale connaissance et égale maîtrise du dossier au banc du Gouvernement et sur les bancs des parlementaires »76. À bien y regarder, les parlementaires n’avaient aucun choix. Le gouvernement arrivait avec les résultats d’études RCB déjà réalisées, le choix ayant été au préalable arrêté dans les divers arbitrages que peut connaître la préparation du budget.
40La revendication des parlementaires est très forte : la RCB doit pouvoir leur permettre d’explorer d’autres chemins que celui choisi par le gouvernement, comme en témoigne l’interpellation du sénateur Pisani77. Certains parlementaires ont tenté de se saisir du problème, afin de s’approprier la RCB, au point d’en comprendre toutes les modalités techniques qu’elle impliquait. Ceux-là identifiaient le risque que la méthode pouvait susciter78.
41Pour une partie de la doctrine, la réforme aurait permis à l’institution parlementaire de se renouveler : « Le Parlement aurait pourtant été mieux éclairé et ce que le pouvoir législatif aurait perdu en pouvoir de décision, il l’aurait regagné en pouvoir de contrôle, notamment grâce aux indicateurs de résultats. »79. Là réside peut-être la cause de la diffusion modeste de la RCB chez les parlementaires : si le gouvernement possédait les moyens de l’expertise technique, compte tenu de l’appareil administratif sur lequel il peut s’appuyer pour bâtir les budgets de programmes80, les parlementaires étaient totalement dépourvus d’une telle assistance. C’est donc à la force de leurs seules compétences qu’ils devaient aborder ces nouveaux documents81. Le fait que les parlementaires ne soient pas en mesure de se prononcer sur les budgets de programmes illustre le déséquilibre du dialogue entre les pouvoirs exécutifs et législatifs. Le gouvernement arrive avec une position qu’il a arrêté, et si les plus motivés des parlementaires espéraient qu’on leur présenterait plusieurs options, ils ne pouvaient en réalité qu’entériner la décision de l’exécutif.
42Néanmoins, un tel procédé permet de s’assurer qu’une réflexion a été menée, en amont du vote, par des experts disposant de la compétence technique. Le fait que la procédure budgétaire soit aux mains du gouvernement, couplée à la méthode RCB, permet d’avoir une réelle efficacité dans la préparation et le vote des lois de finances, tout en assurant un minimum de débat au sein des chambres sur les grands choix présents dans le budget.
43Les blancs budgétaires ainsi préparés ont donc un rôle d’information à destination des élus, bien que ceux-ci aient souvent fait l’objet de critiques quant à leur transmission tardive82 par l’exécutif, et même leur absence de transmission83, empêchant ainsi une analyse constructive du projet de loi de finances. Recevant cette information dans la précipitation, les parlementaires n’avaient pas le recul nécessaire pour apprécier l’information. Cependant, la production de ces budgets de programmes n’était pas une opération anodine pour l’administration, nécessitant de mobiliser un lourd investissement, matériel et humain84.
Conclusion
44L’appropriation de la réforme RCB par le Parlement peut paraître mitigée. Cette méthode aurait pu orienter le Parlement vers le contrôle de l’action du gouvernement et l’évaluation des politiques publiques85. A contrario, la lecture des débats en séance a semblé révéler que l’épisode RCB a renforcé la nouvelle image du Parlement en tant que chambre d’enregistrement de la volonté de l’Exécutif, éloignant la Ve République d’un retour à un régime d’assemblées.
45Bien que la mise en place des budgets de programmes par le gouvernement soit passée par la loi de finances, l’architecture globale de la RCB semble manquer de cohérence. En effet, l’ordonnancement juridique n’a fait l’objet d’aucune modification pour consacrer la RCB86.
46Critiquée et mal aimée des parlementaires, à l’instar du PPBS américain, la RCB semble aujourd’hui oubliée. La culture parlementaire ne s’est alors pas accoutumée au virage managérial entrepris durant cette période, comme le montre l’annexe du présent chapitre. Une fois le chapitre de la RCB définitivement clos à la fin des années 1990, le début des années 2000 voit émerger la réforme de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, par la proposition de loi Migaud, débouchant sur la Loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. Cette dernière a été portée par les parlementaires (Didier Migaud à l’Assemblée nationale, et Alain Lambert au Sénat), à l’inverse de l’épisode RCB.
Annexe
Nombre de séances plénières où les occurrences apparaissent
Le protocole scientifique a été construit de la manière suivante : une recherche systématique dans les journaux officiels de l’Assemblée nationale et du Sénat des termes « rationalisation des choix budgétaires » et « budget(s) de programme(s) ». D’autres mots clés ont également été utilisés : « étude de rationalisation », « mission RCB », « rationalisation des coûts budgétaires », « commission de rationalisation budgétaire », « méthodes de rationalisation budgétaire ». Après quelques dépouillements, il s’est avéré que les termes pertinents étaient « rationalisation des choix budgétaires » et « budget(s) de programme(s) ». C’est pour cette raison que les autres mots clés ne figurent, ni dans les graphiques, ni dans l’annexe.
| Assemblée nationale | Sénat | ||
| Rationalisation des choix budgétaires | Budget de programme | Rationalisation des choix budgétaires | Budget de programme |
1969 | 12 | 0 | 3 | 0 |
1970 | 16 | 1 | 10 | 0 |
1971 | 12 | 1 | 14 | 1 |
1972 | 12 | 4 | 12 | 1 |
1973 | 6 | 3 | 6 | 6 |
1974 | 6 | 9 | 2 | 4 |
1975 | 9 | 12 | 7 | 8 |
1976 | 0 | 6 | 5 | 2 |
1977 | 2 | 3 | 6 | 1 |
1978 | 3 | 3 | 8 | 5 |
1979 | 1 | 1 | 7 | 3 |
1980 | 1 | 4 | 3 | 4 |
1981 | 0 | 2 | 4 | 5 |
1982 | 3 | 1 | 2 | 0 |
1983 | 1 | 1 | 3 | 0 |
1984 | 4 | 1 | 2 | 2 |
1985 | 3 | 1 | 1 | 1 |
1986 | 1 | 1 | 2 | 3 |
1987 | 1 | 1 | 0 | 0 |
1988 | 1 | 1 | 0 | 0 |
1989 | 0 | 1 | 0 | 1 |
1990 | 1 | 2 | 0 | 1 |
1991 | 0 | 0 | 0 | 2 |
1992 | 0 | 0 | 0 | 0 |
1993 | 0 | 0 | 0 | 2 |
1994 | 0 | 1 | 0 | 0 |
1995 | 0 | 0 | 0 | 2 |
1996 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Notes de bas de page
1 « Parler avant d’agir, trop parler avant d’agir, a toujours représenté un risque de décider mal ou de ne pas décider du tout ». Nicolas Roussellier, Le Parlement de l’éloquence, La souveraineté de la délibération au lendemain de la Grande Guerre, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, p. 9.
2 Michel Paul, « La RCB, une approche budgétaire, nouvelle et expérimentale, qui n’a pas répondu aux espérances mises en elle », Gestion & Finances publiques, n° 1, janvier 2010, p. 70‑73.
3 Paul Amselek, Le budget de l’État sous la Ve République, Paris, L.G.D.J., Bibliothèque de science financière, Paris, 1967, p. 181.
4 On dépasse la vision classique du budget telle qu’elle est expliquée par P. Amselek : « La prévision budgétaire n’avait pas d’autre sens que de permettre au Parlement d’autoriser le Gouvernement à effectuer les dépenses et à prélever les recettes, cette maîtrise de la vie financière de l’État par les Chambres, constituait une pièce maîtresse de la démocratie classique du xixe siècle », P. Amselek, Le budget de l’État sous la Ve République, op. cit., p. 179.
5 Aurélien Baudu, Contribution à l’étude des pouvoirs budgétaires du Parlement en France. Éclairage historique et perspectives d’évolution, thèse, sous la direction de Henry Roussillon et de Vincent Dussart, Toulouse I, Paris, Dalloz, 2010, p. 313.
6 A. Baudu, Contribution à l’étude des pouvoirs budgétaires du Parlement en France, op. cit., p. 314.
7 Irène Bouhadana, Les commissions des finances des assemblées parlementaires en France : origines, évolutions et enjeux, Paris, L.G.D.J., Bibliothèque Finances publiques et fiscalité, 2007, p. 174.
8 Ordonnance n° 59‑2 du 2 janvier 1959, JORF du 3 janvier 1959, p. 180.
9 P. Amselek, Le budget de l’État sous la Ve République, op. cit., p. 464.
10 Michel Le Clainche, « Peut-on transformer le management public par la réforme budgétaire ? : Les exemples de la RCB et de la LOLF », Communication pour le colloque de l’Airmap les 2 et 3 juin 2016, « Le management public : entre confiance et défiance ».
11 Loïc Philip, Finances Publiques, 3e édition, Paris, Cujas, Collection Synthèse, Paris, p. 100.
12 Ce nom pourrait être un pseudonyme, faisant référence à Armand Jean du Plessis de Richelieu, dit le cardinal-duc de Richelieu. À l’instar du haut-fonctionnaire se cachant derrière Jean Rivoli, auteur de l’ouvrage, Le Budget. Le ministère des Finances occupe alors en effet l’aile Richelieu du Palais du Louvre, qui donne sur la rue de Rivoli.
13 « Du point de vue des droits du Parlement, ce n’est pas ce système lui-même qui suscite les critiques, mais plutôt le mode de votation qui l’accompagne. (…) Seules les mesures nouvelles donnent lieu à des votes spécialisés par ministère et par titre (…). Les services votés, eux, ne font l’objet que de votes globaux ». Armand Duplessis, cité par Pierre Lalumière, Les Finances publiques, Paris, Armand Colin, Collection U, 3e édition, 1975, p. 234‑235.
14 Armand Duplessis, cité par P. Lalumière, Les Finances publiques, op. cit., p. 235.
15 Voir Florence Descamps, « L’entreprise a-t-elle été un modèle d’inspiration au ministère des Finances pour la modernisation de l’État dans la France des Trente Glorieuses ? », Entreprises et Histoire, n° 84, 2016, p. 103‑122.
16 Alexis Quint, « L’échec de l’expérience française de RCB, une référence pour la sphère financière de l’État », Annales de l’École doctorale, Lille II, 1996, p. 297‑297.
17 « Moderniser la gestion n’est pas mission nouvelle pour l’Administration. Chaque Département ministériel s’efforce, selon ses ambitions et ses moyens, comme il le faisait avant le lancement de la RCB et continuera de le faire toujours, avec l’incitation et la coordination interministérielle appropriée. En ce sens, les problèmes de gestion ne relèvent pas de la RCB en tant que telle, mais font l’objet de recherches continues et toujours actuelles. », Philippe Huet et Jacques Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, Paris, Presses universitaires de France, 1973, p. 178.
18 Pour une analyse détaillée, voir Vincent Spenlehauer, « L’évaluation des politiques publiques, avatar de la planification », thèse de sciences politiques sous la direction de François d’Arcy, université Grenoble II, 1998, 356 p.
19 Sur ce point, voir la première partie, chapitre 1 du présent ouvrage.
20 « Aux États-Unis, les membres et les comités du Congrès ont adopté des attitudes différentes, allant de l’intérêt le plus évident au scepticisme le plus complet. Certains membres du Congrès ont demandé, par exemple, que leur soient communiquées les études analytiques concernant certains programmes. D’autres, au contraire, ont nettement fait savoir qu’ils considéraient le PPBS comme une innovation n’ayant aucune importance pour les assemblées parlementaires ». Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, La rationalisation des choix budgétaires (La méthode RCB), février 1970, p. 43‑44. Pour une analyse détaillée, voir Vincent Spenlehauer, « L’évaluation des politiques publiques, avatar de la planification », op. cit., 1998, 356 p.
21 Arrêté du 13 mai 1968 portant création d’une Mission auprès du ministre de l’Économie et des Finances, JORF, 15 mai 1968, p. 4863.
22 Décret n° 70‑1092 du 25 novembre 1970, JORF, 2 décembre 1970, p. 11012.
23 A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 309.
24 Michel Paul, cité par A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 304.
25 Henri Isaïa et Jacques Spindler, « Le droit budgétaire et la comptabilité publique à l’approche du xxie siècle : essai d’analyse prospective », in Histoire du droit des finances publiques, vol. 1 Les grands textes commentés du droit budgétaires et de la comptabilité publique, Paris, Economica, 1986, p. 433.
26 « Le choix a été celui de recourir moins à l’autorité qu’à la persuasion. Aucune instruction impérative n’a été adressée aux administrations. La voie choisie a été celle de conférences, de séminaires et de colloques, et plus récemment, celle d’un Bulletin et d’une Commission interministériels ». Pierre Massé, Préface, Hubert Lévy-Lambert et Henri Guillaume, La rationalisation des choix budgétaires, Paris, Presses universitaires de France, Collection Sup L’Économiste, 1971, p. 8.
27 Bulletin interministériel de l’opération RCB, n° 1, septembre 1970, cité par H. Lévy-Lambert et H. Guillaume, La rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 8.
28 P. Massé, Préface, H. Lévy-Lambert et H. Guillaume, La rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 8.
29 Assemblée nationale, J.O., 21 octobre 1971, p. 4671.
30 Assemblée nationale, J.O., 23 novembre 1969, p. 4314.
31 Ainsi la Commission des finances notait : « Toutefois, le technocrate, jouant l’apprenti sorcier, vient d’inventer le moyen qui doit battre en brèche son propre pouvoir (…). Pour une mission donnée, la procédure dite de rationalisation des choix budgétaires doit permettre de chiffrer le coût et le rendement des solutions alternatives possibles.
Sans doute, nous dira-t-on, le règne du robot n’est pas pour demain : une machine aussi intelligente soit-elle ne peut traiter que les données qu’on lui confie, et, à la sortie, le “décideur” demeure maître de son choix. (…) Mais la liberté d’option se trouve fort limitée en présence des chiffres (…). Car le pouvoir politique est lui-même battu en brèche par cette diabolique invention. Le cheminement dans la voie du dessaisissement du pouvoir politique en matière de dépense sera lent sans doute, mais il semble irréversible. ». Sénat, Rapport général n° 54 au nom de la Commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1971, p. 65‑66.
32 P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 55.
33 Selon une conception classique, on parle de « plan financier », Gilbert Devaux, La Comptabilité publique, t. 1, Les principes, Paris, Presses universitaires de France, 1957, 247 p.
34 « S’il est exact que la RCB influence l’élaboration des lois de finances en se présentant comme une méthode de préparation rationnelle des décisions budgétaires, elle est bien plus que cela : elle doit être considérée comme un schéma cohérent et continu de préparation (définition des objectifs, recensement des moyens), d’exécution (programmation et gestion) et de contrôle (comparaison des résultats et des prévisions) pour toutes les décisions budgétaires », M. Paul, Les Finances de l’État budget comptabilité, Paris, Economica, 1981, p. 362.
35 L. Philip, Finances Publiques, op. cit., p. 102.
36 « Il est cependant hors de doute que le Parlement doit être associé au développement des techniques de Rationalisation des Choix Budgétaires. La logique du régime parlementaire le commande, comme l’intérêt même des promoteurs de la méthode RCB : les risques d’échecs seraient élevés si l’idée s’accréditait que cette méthode n’a d’autre visée que d’accroître le pouvoir des techniciens de l’Administration sur l’État. » Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, La rationalisation des choix budgétaires (La méthode RCB), février 1970, p. 44.
37 P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 66.
38 Article 56 de la Loi n° 71‑1061, 29 décembre 1971, de finances pour 1972 : « Le Gouvernement présentera à l’appui du projet de loi de finances une annexe documentaire ventilant par secteur les crédits figurant dans le projet de loi ». J.O., 30 décembre 1971, p. 12906.
39 « Ces documents devaient permettre d’appréhender plus facilement et plus rapidement les objectifs poursuivis, les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. », Sénat, J.O., 29 novembre 1986, p. 5407.
40 L. Philip, Finances Publiques, op. cit., p. 102.
41 P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 81.
42 Assemblée nationale, J.O., 22 octobre 1970, p. 4472.
43 Le « contrôle parlementaire n’a jamais joué le rôle qui aurait dû être le sien car les parlementaires ont toujours estimé que le véritable pouvoir de contrôle s’exerce avant l’établissement définitif du budget et se sont par suite désintéressés du contrôle après exécution. Pourtant le rôle de l’exécutif dans la préparation et le vote du budget, en modifiant les pouvoirs du législatif, devrait conduire logiquement à une rénovation du contrôle a posteriori, les prérogatives enlevées aux parlementaires lors de l’élaboration de la loi de finances leur étant rendues lors du contrôle s’exerçant à l’occasion de la loi de règlement. », « Finances publiques », Les notices de La Documentation Française, 1974.
44 « La haute technicité de la rationalisation des choix budgétaires me paraît rendre indispensable la participation à ces travaux des représentants politiques et, notamment, des spécialistes de la commission des finances. C’est donc avec plaisir que je prends l’engagement, pour tous les travaux de rationalisation des choix budgétaires, que non seulement la commission des finances sera informée, comme l’a souhaité M. le rapporteur, mais également, selon des modalités à mettre au point entre l’Assemblée et le Gouvernement, qu’elle y sera associée. », Assemblée nationale, J.O., 23 novembre 1969, p. 4314.
45 Assemblée nationale, J.O., 23 novembre 1969, p. 4314.
46 P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 144.
47 « Les actions et les programmes mis en œuvre par l’administration n’ont d’autre justification que la satisfaction des aspirations collectives que peut exprimer, notamment le Parlement. », P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 144.
48 Assemblée nationale, J.O., 21 octobre 1971, p. 4666.
49 A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 343.
50 Sénat, J.O., 17 septembre 1969, p. 393.
51 Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, La rationalisation des choix budgétaires (La méthode RCB), février 1970, p. 44.
52 « Sauf à remettre en cause le rôle du législateur, le Parlement doit être en mesure d’apprécier les conclusions présentées et de choisir une alternative à la solution retenue. La participation des parlementaires doit être la règle, afin que le Parlement ne soit pas placé devant des conclusions intangibles qu’il n’aurait plus qu’à accepter en bloc, sans posséder les éléments nécessaires pour discuter sérieusement les orientations proposées. ». Assemblée nationale, Rapport de la Commission des finances, de l’Économie générale et du plan sur le projet de loi de finances pour 1971, n° 1376, p. 95.
53 Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, La rationalisation des choix budgétaires (La méthode RCB), février 1970, p. 44.
54 « La suite du projet jusqu’à son terme de réforme institutionnelle exigera certainement que soient mises à la disposition des organes compétents des assemblées non seulement la documentation qui leur est nécessaire, mais les équipes de spécialistes formés, indispensables à l’assimilation et à la critique éclairée des dossiers budgétaires présentés », P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 83.
55 « Mais c’est au niveau de la discussion parlementaire que pourrait ultérieurement se poser le problème d’adaptation institutionnelle le plus ardue. Même si l’on admet que, pour des raisons évidentes de contrôle, une présentation des demandes de crédits en termes de moyens restera la règle pour longtemps encore, l’éclairage de ces demandes sous forme de programmes (…), leur justification en termes de produits, ultérieurement la communication des résultats à l’appui des continuations, modifications ou abandons de programmes seront sans doute au fur et à mesure de l’extension de la nouvelle procédure fournis au Parlement et à ses commissions qui souhaiteront peut-être même disposer des éléments d’analyse, à partir desquels le gouvernement aura fait les choix, conduisant aux programmes financés », P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 82.
56 P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit., p. 82.
57 Il s’agit des annexes contenant les budgets de programmes, celles-ci sont revêtues d’une couverture blanche.
58 L. Philip, Finances Publiques, op. cit., p. 102.
59 L. Philip, Finances Publiques, op. cit., p. 220.
60 A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 346.
61 Pour rappel, l’article 32 précise les deux types d’annexes jointes au projet de loi de finances de l’année : les annexes explicatives et les annexes générales destinées à l’information et au contrôle du Parlement.
62 Décision n° 83‑164 DC du 29 décembre 1983.
63 Une présentation de la méthode et des résultats figure en annexe du présent chapitre.
64 M. Paul, « La RCB, une approche budgétaire, nouvelle et expérimentale, qui n’a pas répondu aux espérances mises en elle », Gestion & finances publiques, janvier 2010, n° 1, p. 70‑73.
65 La plupart des parlementaires et rapports cités dans la présente étude, émanent des Commissions des finances des deux assemblées.
66 Il conviendrait, afin de poursuivre la recherche, d’entreprendre également cette démarche dans les travaux des commissions.
67 Voir, dans le présent volume, la contribution de Manuel Tirard.
68 Les années testées sont les suivantes : 1972, 1975, 1978, 1981, ainsi que l’ensemble des années allant de 1987 à 1996.
69 Certains parlementaires se sont montrés plus actifs, tels que Jean Poudevigne, Anicet Le Pors, Jean‑Pierre Chevènement, ou encore Emmanuel Hamel.
70 P. Huet et J. Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, op. cit, p. 83.
71 À titre d’exemple, notons cette intervention en séance du député Augustin Chauvet, Rapporteur spécial : « Le contenu, les modalités et la portée du contrôle parlementaire, en face des nouvelles méthodes de rationalisation des choix budgétaires, n’ont pas été jusqu’à présent précisés. (…) Il semble que le Parlement ne devrait pas être tenu à l’écart des travaux poursuivis. Or, actuellement, aucune des études entreprises n’a encore été communiquée à la commission des finances ». Assemblée nationale, J.O., 23 novembre 1969, p. 4313.
72 Assemblée nationale, J.O., 1er mai 1969, p. 1191.
73 « Dans quels délais les budgets des différents ministères seront préparés, discutés, exécutés et contrôlés en toute clarté, c’est-à-dire ne faisant apparaître les différents objectifs poursuivis, en présentant des options variables, et en associant à ces objectifs les moyens financiers nécessaires pour leurs réalisations regroupées sur une base fonctionnelle et pluriannuelle », Assemblée nationale, J.O., 1er mai 1969, p. 1191.
74 « Il est symptomatique de remarquer que les parlementaires semblent dans l’ensemble très favorables à la multiplication des budgets de programmes, à titre d’information. Par contre, ils sont beaucoup plus réticents dans l’hypothèse où il s’agirait de voter sur ces données (…) », Jean-Pierre Taugourdeau, « La crise du chapitre budgétaire », Revue de sciences financières, 1975, p. 468.
75 A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 344.
76 Sénat, J.O., 21 juin 1975, p. 1846.
77 « La planification fait appel maintenant à des méthodes comme la rationalisation des choix budgétaires ou comme la modélisation, qui supposent que le Parlement ait la possibilité d’approfondir ces informations suivant des schémas différents de ceux que le Gouvernement a choisis. Le Parlement ne dispose pas des moyens de le faire et s’il n’est pas dit que le Gouvernement les lui donnera, les débats parlementaires seront pipés », Sénat, J.O., 21 juin 1975, p. 1846.
78 À titre d’exemple, notons cette intervention en séance du député Jean Poudevigne : « La RCB ne doit pas être une machine infernale qui déboucherait sur des lois de programme offrant des choix, mais aucune alternative. Poussée à l’extrême, en effet, cette méthode viderait absolument le contrôle parlementaire de toute signification », Assemblée nationale, J.O., 22 octobre 1970, p. 4472.
79 Paul-Marie Gaudemet, Joël Molinier, Finances publiques, 6e édition, Paris, Montchrestien, 1992, t. 1, p. 294.
80 Le ministre de l’Équipement, Robert Galley pensait que le blanc budgétaire était « suffisamment clair pour l’utiliser quotidiennement et pour le diffuser largement dans la presse. », Assemblée nationale, J.O., 25 octobre 1975, p. 7384.
81 Le député Eugène Claudius-Petit pointait ainsi la difficulté croissante qu’il avait à lire les documents budgétaires, Assemblée nationale, J.O., 25 octobre 1975, p. 7384.
82 À titre d’illustration, cette intervention du Rapporteur spécial Pierre Ruals : « le budget de programme ne nous a été communiqué qu’après l’examen en commission », Assemblée nationale, J.O., 18 novembre 1972, p. 5368.
83 C’est ainsi que le rapporteur spécial de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, Jacques Oudin, faisait remarquer que le Sénat « n’a pu disposer de tels documents préalablement à l’examen en Commission des finances ; celle-ci a trouvé cet état de fait regrettable », Sénat, J.O., 29 novembre 1986, p. 5407.
84 A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 344‑345.
85 Au sens de l’article 24 de la Constitution de 1958, dans sa rédaction issue de la Loi constitutionnelle n° 2008‑724 du 23 juillet 2008, JORF, n° 01‑71 du 24 juillet 2008 p. 11890.
86 A. Quint, L’échec de l’expérience française de RCB, op. cit., p. 344.
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Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel 1962-1978
Ce livre est cité par
- Pillon, Jean-Marie. Garcia, Sandrine. Mauchaussée, Marion. Peyrin, Aurélie. (2021) La Grande transformation des trois fonctions publiques : enjeux quantitatifs et qualitatif. Entretien avec Marion Mauchaussée et Aurélie Peyrin. Revue Française de Socio-Économie, n° 27. DOI: 10.3917/rfse.027.0141
Le moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel 1962-1978
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