Épilogue les ministres des finances de 1790 à 1870 : éléments de synthèse
p. 529-553
Texte intégral
1Reprenant dans un premier temps le questionnement thématique auquel a répondu Guy Antonetti dans les épilogues des deux premiers volumes, cette amorce de synthèse tendra en outre à présenter des linéaments d’analyse de l’ensemble du corpus ministériel. À la fin du dernier tome de ce dictionnaire, il est en effet possible d’exposer les premiers éléments d’une prosopographie des ministres des Finances de 1790 à 1870.
À quel âge sont-ils arrivés au ministère des Finances ?
2Le plus jeune ministre des Finances de la période 1848-1870 fut DUCLERC à 36 ans, auparavant sous-secrétaire d’État aux Finances la même année, en 1848. VUITRY devint sous-secrétaire d’État, adjoint de FOULD en 1851, à 38 ans, et MAGNE à 43 ans, mais ce dernier ne fut ministre (des Finances) qu’à 48 ans. Après DUCLERC, les ministres les plus jeunes furent FORCADE à 40 ans, puis TROUVÉ-CHAUVEL à 43 ans. Le plus âgé des ministres de la période fut SÉGRIS qui obtint le portefeuille alors qu’il avait déjà 59 ans ; viennent ensuite CASABIANCA à 55 ans et BUFFET à 52 ans. Les autres entrèrent en fonction entre 45 ans et 51 ans. En excluant VUITRY, qui ne fut que sous-secrétaire d’État, la moyenne s’établit à 49 ans de même que la médiane.
3Sur la période 1790-1870, la moyenne d’âge des ministres des Finances est de 48 ans, ce qui correspond à un âge déjà respectable au xixe siècle. De toute la période, DUCHÂTEL fut à sa nomination le plus jeune ministre des Finances à 33 ans ; le plus âgé de tous reste LAFFITTE qui avait déjà 63 ans quand il dirigea les Finances.
Combien de temps sont-ils restés au ministère des Finances ?
4Les débuts de la Seconde République sont caractérisés par l’instabilité ministérielle. Ainsi aux Finances se succèdent GOUDCHAUX (pour 9 jours après la révolution de Février, puis pour 4 mois durant l’année 1848), GARNIER-PAGÈS (2 mois et 6 jours), DUCLERC (3 mois et demi en tant que sous-secrétaire), TROUVÉ-CHAUVEL (un peu moins de 2 mois), avant l’entrée en fonction de PASSY, puis de FOULD avec son sous-secrétaire d’État, VUITRY, qui resta tout juste 6 mois à son poste. Le ministériat le plus bref fut celui de CASABIANCA qui dura les 9 jours qui précédèrent le coup d’État. Par ailleurs, ROUHER, qui ne resta que 10 mois aux Finances, cumulait en même temps avec ses fonctions deministre d’État.
5Le Second Empire connut une grande stabilité jusqu’à l’année 1870 qui vit trois ministres des Finances se succéder entre le 2 janvier et le 4 septembre : BUFFET(pour 3 mois et demi), SÉGRIS (durant presque 4 mois) et MAGNE (à peine 1 mois). Cette instabilité se poursuivra au début de la Troisième République (avec PICARD, puis POUYER-QUERTIER et GOULARD) avant l’entrée en scène de Léon SAY en 1872 qui s’imposera aux Finances jusqu’en 1882.
6Entre 1848 et 1870, sur les quatorze ministres ou sous-secrétaires d’État aux Finances, seuls BINEAU, FOULD et MAGNE – les deux premiers moururent presque en fonction – dépassèrent une année de présence aux Finances. BINEAU resta un peu moins de 3 ans en fonction, de 1852 à 1855. FOULD a, lui, marqué de son empreinte l’histoire des Finances de la Deuxième République mais également du Second Empire, en occupant ce poste au total durant 7 ans et 1 mois. Sa carrière compte plus de 15 ans non consécutifs de ministériat, tous ministèresconfondus (dont plus de 8 ans en tant que ministre d’État). De ces trois ministres, MAGNE resta le plus longtemps aux Finances : 10 ans et 2 mois en tant que ministre dont un peu plus d’un an sous la Troisième République (14 mois). Il connut ses premières fonctions officielles à la toute fin de la monarchie de Juilletet fut sous-secrétaire d’État aux Finances pendant la Deuxième République (1 an et 2 mois). MAGNE cumula au total plus de 22 ans aux affaires en incluant ses sous-secrétariats (un an et demi au total). Sa carrière a ainsi couru sur quatre régimes différents et constitue un exceptionnel exemple de longévité ministérielle. Parmi tous les ministres des Finances depuis 1790 jusqu’à nos jours, MAGNE arrive ainsi second, après GAUDIN (près de 15 ans d’affilée), et quatrième si l’on remonte à COLBERT (voir l’épilogue du tome I). La panthéon des Finances du xixe siècle retiendra en outre les longs ministères sans interruption de BARBÉ-MARBOIS (près de 5 années), MOLLIEN (plus de 8 années) et VILLÈLE (plus de 6 ans).
Quelles furent leurs origines géographiques ?
7À l’inverse de la période précédente, les septentrionaux (10 avec le sous-secrétaire d’État VUITRY) furent nettement plus nombreux que les méridionaux (4). Parmi ces derniers, il faut remarquer la présence, pour la première fois, d’un Corse(CASABIANCA), aux côtés d’un Marseillais (GARNIER-PAGÈS, son père était de Carcassonne) qui, comme DUCLERC, de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), rejoignit la capitale jeune homme. Enfin, MAGNE, né à Périgueux (Dordogne), fait faire figure de méridional face à FORCADE, un des deux seuls Parisiens de naissance qui était néanmoins issu d’une famille paternelle établie en Béarn et dont la mère était une PAPILLON de LA TAPY, famille bourgeoise originaire de Guyenne. FOULD était, lui aussi, né à Paris mais sa famille s’était installée de longue date en Moselle. Parmi les autres septentrionaux figurent unLorrain (GOUDCHAUX), un Vosgien (BUFFET), un Sarthois (TROUVÉ-CHAUVEL), un Angevin (BINEAU), un Poitevin (SEGRIS), un Auvergnat, (ROUHER originaire du Puy-de-Dôme) et enfin un Normand de vieille souche(LEBÈGUE) mais dont la famille s’était un temps installée en Lorraine au service des ducs de cette province où se trouve le château de Germiny. Seuls le Nord et la Bretagne manquent sur cette carte de France des origines géographiques des ministres entre 1848 et 1870. Sur l’ensemble de la période couverte par ce dictionnaire, les méridionaux sont en minorité : 19 sur 45 ministres.
Quelles furent leurs origines sociales ?
8Sur les quinze ministres et sous-secrétaires d’État traités dans ce volume, trois sont issus d’une famille noble avant la Révolution française. Fils d’un préfet du Lot puis de l’Oise au début de la Restauration, devenu pair de France en 1819 et gendre d’un autre pair de France et ministre des Finances (HUMANN),LEBÈGUE (comte de GERMINY) fait partie d’une famille dont la noblesse remonte au xive siècle. Les CASABIANCA sont une famille noble établie depuis le xve siècle au moins à Venzolasca et Vescovato dans la région corse de Casinca. Le père du ministre était un militaire comme nombre des hommes de la famille, qui épousa sa cousine, fille du comte de CASABIANCA, général de division, sénateur d’Empire et pair de France en 1814. Adolphe de FORCADE LA ROQUETTE était, lui, le fils d’un avocat, attaché à la comptabilité du ministère des Finances en 1808, puis juge de paix de 1811 à 1846, qui finit sa carrière en tant que doyen des juges de paix de Paris. La mère du ministre des Finances auraitaidé le général, alors enfant, REGNAUD de SAINT-JEAN d’ANGÉLY à fuir la Terreur. Elle avait épousé en premières noces Dominique LE ROY de SAINTARNAUD, avocat au parlement de Paris avant la Révolution et notamment préfet de l’Aude. Les FORCADE LA ROQUETTE sont d’une noblesse très ancienne originaire d’Orthez dont une partie émigra sous la Révolution.
9Après ce groupe de nobles, figure celui des ministres provinciaux dont la parentèle comportait déjà un homme politique et donc un certain capital politique. Ainsi DUCLERC, d’une famille notable du négoce bayonnais enrichie au xviiie siècle, était un cousin de Mme d’ARGOUT, femme du ministre des Finances de Louis-Philippe. La mère de DUCLERC, née à Saint-Domingue, était la fille d’un capitaine des milices dans cette île. BUFFET, quant à lui, était le fils d’un ancien militaire reconverti dans le commerce et la banque, également propriétaire terrien. La tante de ce ministre des Finances avait épousé le neveu du premier comte BOULAY de la Meurthe, ministre de la Justice de Napoléon Ier. Le père de BUFFET, un temps pressenti pour les élections législatives de 1842, se retira en faveur du comte Henri Georges BOULAY de la Meurthe (1797-1858), député (1837-1848), vice-président de la République en 1848, sénateur (1852), son parent par sa sœur. La mère de BUFFET apparaît, elle, comme la fille d’un marchand dedentelles de Mirecourt (Vosges). SÉGRIS était, lui, le neveu d’un militaire de l’Empire, député en 1828 mais démissionnaire en 1829 à la suite d’un revers de fortune ; son père était marchand négociant à Poitiers. Le père de VUITRY était, lui, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées, député de Sens et notable de ce département. Il quitta la vie publique après 1848. Sa mère appartenait quant à elle à la bourgeoisie de robe de Sens et décéda en 1817, laissant Adolphe VUITRY orphelin à l’âge de 4 ans.
10Parmi les autres notables importants de province, on compte ROUHER, issu par son père et sa mère d’une double lignée auvergnate de notaires et GOUDCHAUX, dont le père fut un agent de change puis banquier de Nancy et dont la mère était issue d’une famille de riches négociants de la même ville. Son grand-père maternel était syndic des juifs de Lorraine et exerça notamment la profession de fournisseur aux armées à la fin de l’Ancien Régime.
11Tout comme GOUDCHAUX, Achille FOULD était issu d’une famille de banquier. Cependant, d’une part, la Banque FOULD était d’une toute autre importance que celle des GOUDCHAUX, et, d’autre part, à la différence de GOUDCHAUX, FOULD se tint à l’écart de la gestion de la banque familiale qui était déjà très prospère quand il atteignit sa majorité. Les aïeuls de FOULD étaient de petits intermédiaires financiers tels que prêteurs sur gages. Son père, qui était d’une origine très modeste, entra au service du principal négociant et homme d’affaires juif de l’Est de la France, Cerf BERR DE MEDELSHEIM, dont il devint le fondé de pouvoir à Paris à partir de 1787. Fondateur en 1795 de la Banque FOULD, et après deux liquidations sous l’Empire, Berr Léon FOULD hissa son établissement au rang des hautes banques françaises. La mère du ministre aurait été la femme de chambre particulière de l’épouse de Cerf BERR. Les oncles du ministre étaient, eux, agent de change et négociant en Lorraine ou encore rentier à Paris. Benoît FOULD, le frère aîné d’Achille, marié à la fille d’un banquier de Francfort (OPPENHEIM), fut le principal dirigeant de la banque familiale et député sous la monarchie de Juillet. Achille FOULD prit le relais de ses activités politiques.
12Les origines des deux principaux ministres de la période 1848-1870 s’opposent en tous points. En effet, au rang de ceux dont les origines furent les plus modestes apparaît MAGNE dont les parents étaient marchands de fer à Périgueux, mais qui se sont enrichis jusqu’à se constituer à la fin de leur vie une fortune d’environ 100 000 F. D’autres ministres eurent également des origines modestes.GARNIER-PAGÈS était le fils d’un négociant à Marseille, également ancien proviseur du collège de Bourges, et sa mère était issue d’une famille de marchandsfabricants marseillais. TROUVÉ-CHAUVEL était le fils d’un petit notable de La Suze issu d’une famille de marchands tanneurs, néanmoins électeur et conseiller d’arrondissement sous la monarchie de Juillet, mais dont l’affaire fit faillite en 1851. Sa mère était la fille d’un marchand serger. Le père de BINEAU, respectable propriétaire de Gennes (Maine-et-Loire), décéda lorsqu’il avait 9 ans. Les origines sociales de l’ensemble des ministres du dictionnaire seront traitées avec la question des niveaux de fortune (voir infra).
Combien eurent-ils de frères et sœurs, et combien eurent-ils d’enfants ?
13Seuls GOUDCHAUX et FOULD étaient issus d’une large fratrie. GOUDCHAUX eut au moins huit frères et sœurs. FOULD eut deux sœurs et quatre frères dont un décéda avant l’âge d’un an. Le troisième frère survivant, Louis, sembla se désintéresser des affaires bancaires auxquelles furent associés un neveu (Édouard Mathurin FOULD) et un beau-frère (Elie FURTADO) du ministre. Une des sœurs FOULD avait épousé le neveu du banquier de Bordeaux FURTADO ; l’autre sœur du ministre mourut avant de s’être mariée.
14Les treize autres ministres et sous-secrétaires d’État n’eurent pas un grand nombre de frères et sœurs. FORCADE fut le seul enfant survivant du mariage de ses parents mais il avait deux demi-frères (le maréchal de SAINT-ARNAUD etAdolphe Le ROY de SAINT-ARNAUD, conseiller d’État et sénateur) ainsi qu’une demi-sœur qui épousa un POTHIN-DELATTRE, propriétaire. ROUHEReut trois frères dont un décéda jeune. Louis-Antoine TROUVÉ-CHAUVEL eutdeux frères et une sœur, LEBÈGUE deux sœurs et un frère, et BINEAU deux sœurs. GARNIER-PAGÈS eut une sœur ainsi qu’un frère utérin né GARNIER.Les deux frères se firent appelés GARNIER-PAGÈS. Étienne-Joseph-LouisGARNIER-PAGÈS fut plusieurs fois députés sous la monarchie de Juillet siégeant à l’extrême gauche et mourut de la tuberculose en 1841. DUCLERC eut également une sœur et un frère, tout comme BUFFET dont la sœur épousa un conseiller à la cour d’appel de Nancy et dont le frère était polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées.
15Quatre ministres ou secrétaire d’État n’eurent qu’une sœur : Mlle SÉGRIS qui épousa un notaire de Poitiers, futur député bonapartiste de 1871 à 1881 ; Mlle MAGNE qui entra au couvent ; Mlle de CASABIANCA qui fut mariée au baron d’Empire CERVONI ; et enfin Mlle VUITRY qui épousa Hugues DARCY,plusieurs fois préfet et sous-secrétaire d’État à l’Intérieur (novembre 1849mars 1850).
16En ce qui concerne la descendance des ministres, seuls BUFFET, CASABIANCA, FORCADE et LEBÉGUE eurent plus de trois enfants. Du mariage de Louis Joseph BUFFET et de Louise Marie Pauline TARGET naquirent sept enfants, six garçons et une fille, dont l’aîné, André, fut impliqué dans l’affaire Dreyfus, condamné en Haute Cour à dix ans de bannissement en 1899, et enfin gracié en 1905. Les cinq autres fils BUFFET sont inspecteur des finances et propriétaires (un à Mirecourt, deux à Paris, le dernier à Alcanza au Mexique) ; sonunique fille épousa un manufacturier d’Alsace. Des deux fils de LEBÈGUE, l’aîné suivit la carrière de son père aux Finances et fut un temps receveur général puis trésorier-payeur général, avant de devenir régent de la Banque de France comme son père. Son second fils était avocat à Paris avant son exil à Buenos-Aires à la suite d’une affaire de mœurs. Des trois filles de ce même ministre, l’aînée épousa Jules de REISET, chimiste de renom et député de la Seine-Inférieure de 1859 à 1863, la seconde s’allia à Henry RAMEY, vicomte de SUGNY, tandis que la benjamine se maria avec le vicomte Charles BENOIST D’AZY, fils d’un ancien directeur de la Dette inscrite et petit-fils du ministre des Finances LEROULX-DELAVILLE. CASABIANCA eut, lui, quatre filles, dont trois épousèrent respectivement un militaire, un receveur des finances et un inspecteur des finances, qui fit carrière à la Cour des comptes, alors que sa quatrième fille entra au couvent. CASABIANCA eut en outre un fils, Raphaël, avocat de profession,chef des deux cabinets ministériels de son père, puis nommé au Conseil d’État, et enfin député de la Corse sous la Troisième République. FORCADE LA ROQUETTE eut, lui, quatre enfants. Sa première fille épousa un ingénieur del’École centrale de Paris, directeur puis administrateur délégué de la Banquenationale de crédit, fils d’Ernest L’ÉPINE, secrétaire puis chef de cabinet du duc de MORNY. Veuf en 1885, L’ÉPINE épousa la seconde fille du ministre. FORCADE eut en outre un fils, propriétaire, qui épousa la fille d’un passementier, et un autre fils, également propriétaire, qui se lia à une Bordelaise, elle-même fille d’un propriétaire.
17GOUDCHAUX, FOULD, MAGNE et VUITRY furent père de trois enfants. Michel GOUDCHAUX eut ses enfants de son troisième et dernier mariage : un fils employé dans une maison de commerce au décès de son père, une fille mariée à un banquier et la dernière à un négociant commissionnaire. VUITRY n’eut que des filles dont l’aînée fut mariée au fondateur du Crédit lyonnais, Henri GERMAIN, la cadette à un avocat général près la Cour de cassation et la benjamine à un polytechnicien et ingénieur des Mines, vice-président de la société de Saint-Gobain. L’aîné des enfants MAGNE, Alfred, suivit un temps les traces de son père avant d’entamer une carrière financière comme receveur général du Loiret, conseiller référendaire à la Cour des comptes, trésorier-payeur général du Loiret. Démissionnaire à la suite du 4 septembre 1870, il devint directeur du personnel du ministère des Finances quand son père revint aux affaires, puis à nouveau trésorier-payeur général, de l’Aisne cette fois. L’autre fils MAGNE,Émile, était entré dans l’armée et, devenu lieutenant, décéda à 31 ans. La fille du ministre, mariée en premières noces à Albert THIRION, diplomate issu d’une très riche famille parisienne, devenue veuve en 1900, se remaria avec l’ambassadeur de France à Vienne au début du xxe siècle, le marquis de REVERSEAUX de ROUVRAY. Comme MAGNE, FOULD eut deux fils et une fille. Alors que l’aîné des fils FOULD devint homme d’affaires, fondateur notamment de la Banque ottomane, et député du Second Empire à partir de 1863, le fils cadet, pour épouser une pensionnaire de la Comédie française, s’enfuit en Pologne. Réconcilié avec son père, il fut député des Basses-Pyrénées en 1869. Après l’Empire, il écrivit des pièces de théâtre. Enfin, la fille du ministre des Finances épousa le comte de BRETEUIL, officier de cavalerie et fils d’un préfet, pair de France et sénateur du Second Empire. FOULD eut neuf petits-enfants (le maximum avec CASABIANCA).
18Enfin un troisième groupe rassemble les ministres qui eurent moins de trois enfants. DUCLERC avait épousé la fille d’un rentier. De son mariage naquirent deux filles nées dans les Landes et qui épousèrent des hauts fonctionnaires. ROUHER eut également deux filles dont une fut mariée à un diplomate, LA VALETTE, fils d’un diplomate ami de ROUHER et plusieurs fois ministre sous le Second Empire ; l’autre, mariée au baron de BAULNY, n’eut pas de postérité.SÉGRIS eut un fils, avocat puis précepteur à Angers, et une fille qui épousa un notable angevin, directeur de la Banque Richou, président du tribunal de commerce et de la chambre de commerce d’Angers. L’épouse de GARNIER-PAGÈS avait eu une fille d’un premier mariage. Lui-même avait reconnu deux enfants naturels mais de mère « non dénommée ». Son fils naturel étant considéré par lui comme paresseux, son gendre suivit les traces de son beau-père en politique et fut secrétaire du Gouvernement de la défense nationale, où siégeait son beau-père, puis député de l’extrême gauche de 1871 jusqu’à son décès en 1882. Enfin,marié à Mlle CHAUVEL, Ariste-Jacques TROUVÉ n’eut qu’un fils parvenu à l’âge adulte qui devint avocat et décéda six mois avant son père, et BINEAU n’eut qu’une fille décédée à l’âge de 33 ans, sans doute en couches.
19Parmi les quatorze ministres et secrétaires d’État, aucun n’était donc fils unique et ne resta célibataire. Seul GOUDCHAUX se maria plus d’une fois. Tous eurent au moins un enfant parvenu à l’âge adulte. Depuis la première période (1790-1814), la réduction en parallèle de la fratrie et de la descendance des ministres se poursuit.
Les épouses ont-elles exercé une influence sur l’accession de leur mari au ministère des Finances ?
20LEBÈGUE épousa la quatrième fille d’HUMANN en 1825, c’est-à-dire bien avant que son beau-père ne devienne ministre des Finances (1832). Fils d’un pair de France et gendre d’un autre, d’abord administrateur de sociétés, puis entré au Conseil d’État, LEBÈGUE fut receveur général des finances puis préfet avant de devenir chef de cabinet de son beau-père pendant son troisième passage aux Finances. Ce dernier le fit ensuite nommer à la Cour des comptes. Son alliance avec la fille d’un ancien ministre des Finances et l’expérience qu’il acquit auprès de son beau-père l’aidèrent sans aucun doute à obtenir le poste des Finances.
21À défaut d’apporter en dot un poste de ministre, certaines épouses contribuèrent considérablement à la fortune de deux futurs ministres et à étendre leur réseau d’affaires à l’étranger. Ainsi FOULD épousa une Anglaise, Henriette GOLDSMCHMIDT, fille d’un négociant-banquier de Londres qui apporta au mariage près de 300 000 F. FORCADE, lui, se maria à Adélaïde CUTLAR-FERGUSSON qui n’avait que 16 ans, fille d’un très riche Écossais, membre de la Chambre des communes.
22Se distinguent également ceux qui épousèrent des filles de haut fonctionnaire ou d’homme politique : ainsi VUITRY se lia à la fille d’un Lyonnais qui fut préfet et sénateur du Second Empire en 1853, ou encore BUFFET qui épousa la fille d’un avocat puis préfet du Calvados décédé en fonction en 1842, petite-fille d’un avocat au parlement de Paris.
23Parmi les mariages plus modestes et sans conséquence sur la future carrière de l’époux, figure celui de DUCLERC. Ce Basque s’était marié à une Landaise, filled’un rentier dacquois. TROUVÉ-CHAUVEL, lui, épousa la fille d’un marchand de dentelles en gros du Mans. BINEAU a eu pour épouse la fille d’un négociant en toiles de Paris ; sa belle-mère avait épousé en secondes noces un coloneld’artillerie. SÉGRIS épousa la fille d’un négociant d’Angers.
24Enfin, nombreux furent ceux qui épousèrent une parente plus ou moins éloignée. Dans ces cas, les épouses ne jouèrent pas un rôle important dans l’ascension politique de leur mari. La seconde épouse de GOUDCHAUX, la fille d’un négociant à Nancy, était doublement sa cousine. Sa première épouse qui était la fille d’un négociant à Landau décéda probablement en couches. De sa troisième épouse on sait seulement qu’elle lui survécut et qu’elle était originaire du Doubs.GARNIER-PAGÈS, quant à lui, se maria pour la première fois à 40 ans avec une veuve, sans doute une parente. MAGNE épousa une fille MAIGNE, d’une famille de médecins de Dordogne apparentée au MAGNE. CASABIANCA épousa sa cousine, fille du vicomte d’Aléria, frère du grand-père du futur ministre. ROUHER s’allia à la fille d’un avocat et futur maire de Clermont, apparentée aux ROUHER par une grand-mère maternelle.
25Parmi tous les ministres depuis 1790, à l’exception des épouses de CLAVIÈRE, MOLLIEN, THIERS et LEBÈGUE, rares sont ceux dont l’épouse joua un rôle influent sur le déroulement de la carrière politique de leur mari.
Quels furent les études et les débuts professionnels et politiques des futurs ministres des Finances ?
26GOUDCHAUX n’a pas suivi d’études supérieures, peut-être a-t-il fréquenté le lycée à Nancy comme son frère. Il commença sa vie professionnelle avec ses deux frères au sein de la banque familiale, puis s’intéressa à la politique, participant à la révolution de Juillet et, toujours en 1830, à la fondation du National. Tout en étant un des fers de lance de l’opposition, il travaillait comme banquier et rédacteur et ne fut pas élu avant les élections complémentaires de 1848, à 51 ans. Autre républicain de la veille, DUCLERC : une fois achevées ses études secondaires au collège Bourbon (actuel lycée Condorcet) et après des débuts professionnels obscurs, il obtint son premier poste important en 1840 comme rédacteur au National, journal qui constitue, avec La Réforme, l’une des pépinières des nouveaux ministres de la Deuxième République. DUCLERC suivit GARNIER-PAGÈS dans son ascension après 1848 et se fit élire député cette année-là à 36 ans.À l’instar de son ami GOUDCHAUX, GARNIER-PAGÈS ne suivit pas d’études supérieures et débuta avec son frère en tant que commis dans des maisons de commerce marseillaises puis parisiennes. Il travailla ensuite en tant que courtier de commerce à la bourse de Paris où il s’enrichit. Il prit une part notable à la révolution de 1830. À la différence de GOUDCHAUX et DUCLERC, GARNIERPAGÈS réussit à se faire élire député de l’opposition avant l’avènement de la Deuxième République : en 1842, il avait 41 ans. FOULD ne poursuivit sans doute pas non plus d’études supérieures mais il obtint son baccalauréat après lequel ilvoyagea dans le Midi, en Italie et en Orient. À son retour, il apparaît comme une des figures mondaines de la monarchie de Juillet puis débuta une carrière politique et fut successivement élu conseiller général (1839) et, à 42 ans, député (1842) des Hautes-Pyrénées.
27Le déroulement des études de LEBÈGUE reste mal connu mais il est établi qu’il fut associé à 27 ans par son beau-père HUMANN à la fondation de la Société des houillères et fonderies de l’Aveyron, puis devint administrateur de multiples sociétés, avant d’être nommé à 32 ans maître des requêtes en service extraordinaireau Conseil d’État. Il ne fut jamais élu député, mais nommé sénateur en 1863.
28Élève aux collèges de Saumur puis d’Angers, BINEAU fut un élève brillant qui, orphelin de père, bénéficia d’une demi-bourse pour préparer le concours d’entréeà l’École polytechnique qu’il intégra à la première tentative. À sa sortie, il choisit les Mines où il devint l’adjoint de BERTHIER, ingénieur en chef au laboratoirede l’École. Il fut ensuite responsable de la direction des travaux métallurgiques du chemin de fer Paris-Le Havre en 1838 et s’affirma comme un spécialiste de la question. Il fut élu à 36 ans député de Maine-et-Loire.
29Tous les autres ministres ou sous-secrétaires d’État suivirent des études supérieures de droit à commencer par FORCADE qui poussa celles-ci jusqu’au doctorat qu’il obtint à 26 ans, puis qui fut avocat à Paris. Il dut son entrée en politique à l’ascension de son demi-frère, le maréchal de SAINT-ARNAUD. FORCADE ne fut élu que très tard au Corps législatif, en 1870 à 50 ans, après avoir été nommé sénateur juste après son passage aux Finances. Son cas est rare car les sénateurs étaient constitutionnellement inamovibles. Le jeune Pierre MAGNE, passé par le collège de Périgueux, réussit son baccalauréat et partit à Toulouse préparer la licence de droit qu’il réussit en 1830 ce qui lui permit de s’inscrire comme avocat à Périgueux. Il fut élu député de Dordogne en 1843 à l’âge de 37 ans. CASABIANCA fut élève au lycée Napoléon (actuellement Henri IV) comme FORCADE mais vingt-cinq ans les séparent. Le Corse obtint à Paris sa licence de droit en 1818, puis s’inscrivit au barreau de Bastia en 1819. Il ne fut député qu’en 1848 à 52 ans. ROUHER, qui avait commençé des études à l’école navale d’Angoulême rejoignit, à la disparition de celle-ci, les collèges de Riom puis de Clermont-Ferrand. Son baccalauréat réussi (1831), il suivit des études de droit à Paris qui le menèrent jusqu’à la licence. Il s’inscrivit au barreau à Paris puis à Riom où il devint un avocat renommé. Il ne fut, lui aussi, élu pour la première fois qu’en 1848 à 34 ans. BUFFET connut les collèges de Mirecourt (Vosges), puis Charlemagne comme FOULD et BINEAU (les trois ministres appartiennent cependant à des générations différentes). Ensuite BUFFET réussit la licence en droit à Paris où il s’installa en tant qu’avocat en 1840. Rallié au nouveau régime en 1848, il fut nommé sous-commissaire de la République à Mirecourt pour quelques mois puis fut élu à la Constituante de 1848 : il n’avait pasencore 30 ans. SÉGRIS vint lui aussi de province pour passer son baccalauréat à Paris (lycée Louis-le-Grand). Cependant il retourna dans sa ville natale (Poitiers) pour poursuivre ses études juridiques jusqu’à la licence qu’il obtint en 1832. Avocat dès 1833, sa renommée le fit bâtonnier en 1847. Nommé juge suppléant au tribunal d’Angers en 1850, il fut élu député dynastique sous le Second Empireen 1859 à plus de 48 ans. TROUVÉ-CHAUVEL, qui fit son droit à Rennes, intégraensuite l’École spéciale de commerce à Paris, puis travailla dans une maison decommerce du Havre et voyagea en Angleterre, Écosse et Irlande visitant des manufactures. Puis, ce Manceau d’origine s’installa dans sa ville natale pour y faire le négoce des draps, mousselines et dentelles. Il créa en 1840 avec François SEVIN une Caisse commerciale industrielle et agricole de la Sarthe qui fit office de comptoir d’escompte et de banque commerciale. Nommé un temps maire du Mans en 1840 (35 ans), il fut commissaire du Gouvernement dans le département de la Sarthe en 1848, l’année où il fut élu député à 42 ans.
30Assez paradoxalement, le plus brillant élève de tous fut le seul sous-secrétaired’État aux Finances de la période (ROULLET de LA BOUILLERIE et THIERS furent dans ce cas durant les périodes précédentes) qui ne devint pas ministre desFinances. VUITRY, qui fut néanmoins ministre présidant le Conseil d’État entre 1864 et 1869, avait été élève au collège Sainte-Barbe puis au lycée Louis-le-Grand (comme SÉGRIS). Polytechnicien comme son père, puis admis aux Ponts et Chaussées, il démissionna de ce corps en 1835 pour réussir une licence puis un doctorat en droit en 1838. Il entra, grâce à son père et à ses talents, au cabinet de TESTE alors ministre de la Justice et des Cultes en 1839. Il fut ensuite nommé au Conseil d’État, où il fit l’essentiel de sa carrière, avant de rejoindre, comme MAGNE mais plus jeune que lui (à 38 ans), FOULD nommé ministre des Finances.
31À l’exception de GOUDCHAUX, GARNIER-PAGÈS, TROUVÉ-CHAUVEL, MAGNE, ROUHER et peut-être de LEBÈGUE, tous sont passés par les lycées parisiens et une bonne part a réussi le baccalauréat (au moins huit sur quatorze).À l’instar des autres périodes, les études juridiques sont bien représentées et, pour la première fois depuis 1790, les licenciés en droit sont majoritaires et même très largement (neuf dont deux docteurs). Aux côtés de pas moins de six avocats, il faut remarquer la présence de deux polytechniciens (LACAVE-LAPLAGNE est le troisième polytechnicien de la liste).
32Six ministres de la période 1848-1870 (GOUDCHAUX, DUCLERC, CASABIANCA, ROUHER, BUFFET, TROUVÉ-CHAUVEL) accédèrent à la députation pour la première fois en 1848 dans l’Assemblée nationale constituante qui siégea du 4 mai 1848 au 26 avril 1849 : ils représentent les nouveaux venus dusuffrage universel en regard de GARNIER-PAGÈS, BINEAU, et MAGNE qui avaient déjà été élus députés pendant la monarchie de Juillet. SÉGRIS et FORCADE furent respectivement élus au Corps législatif en 1859 et 1870. Pource dernier, son élection fut postérieure à son ministériat, tout comme LEBÈGUE qui fut nommé ministre des Finances alors qu’il n’avait jamais été élu auparavant.LEBÈGUE ne fut du reste jamais député (fait rare depuis le Premier Empire pour un ministre des Finances) mais en revanche nommé sénateur. VUITRY, soussecrétaire d’État aux Finances en 1851 ne fut, lui non plus, jamais élu député et fut nommé au Sénat en 18691.
Quelles furent leurs convictions religieuses ?
33Pour la première fois, deux israélites apparaissent dans la liste des ministres des Finances : FOULD qui se convertit en secret au protestantisme dans les années 1850 et GOUDCHAUX qui fut un juif pieux de tendance libérale, vice-président du consistoire central de France, philanthrope en faveur de ses coreligionnaires etami de GARNIER-PAGÈS, un républicain anti-clérical et actif franc-maçon donton ne sait s’il fut baptisé. TROUVÉ-CHAUVEL, catholique qui eut des obsèques religieuses, était aussi un actif franc-maçon (au Mans). Certains sont de ferventscatholiques pratiquants (LEBÈGUE et BUFFET à tendance ultramontaine etSÉGRIS à tendance cléricale). CASABIANCA fut, lui, longtemps un catholique pratiquant sans conviction puis devint, durant les dernières années de sa vie, un rigoureux observant de la religion. VUITRY est dit agnostique mais d’un « gallicanisme modéré » ; il eut toutefois des obsèques religieuses.
34Parmi les quatorze ministres ou sous-secrétaires d’État de cette période, la moitié exactement fut inhumée en province ou à l’étranger : DUCLERC dans lesPyrénées-Atlantiques, MAGNE à Périgueux (Dordogne), LEBÈGUE vraisemblablement dans la chapelle familiale au cimetière de Motteville en Normandie, CASABIANCA dans le tombeau familial à Bastia, ROUHER au cimetière du Broût-Vernet (Puy-de-Dôme), BUFFET au cimetière de Mirecourt (Vosges).SÉGRIS, décédé à Weggis en Suisse, fut sans doute inhumé là-bas. Les autres sontrépartis dans les cimetières parisiens : GARNIER-PAGÈS, FOULD et VUITRY au Père-Lachaise, TROUVÉ-CHAUVEL au Montparnasse, BINEAU dans l’actuel cimetière de Montmartre tout comme FORCADE. GOUDCHAUX fut inhumé selon ses volontés dans une fosse commune parisienne.
Quel fut leur niveau de fortune ?
35Parmi les ministres des Finances entre 1848 et 1870, les déjà riches à lanaissance (SÉGRIS, BUFFET, LEBÈGUE, VUITRY et sans doute CASABIANCA), voire très riches (FOULD), côtoient ceux issus d’une moyenne bourgeoisie souvent provinciale (GARNIER-PAGÈS, GOUDCHAUX, TROUVÉ CHAUVEL, FORCADE, BINEAU, ROUHER) ou de familles nettement plusmodestes (DUCLERC, MAGNE). À l’exception de TROUVÉ-CHAUVEL qui finit ruiné, de FORCADE LA ROQUETTE et peut-être également de CASABIANCA qui ne s’enrichirent guère, les onze autres ministres se divisent entre ceux qui se sont enrichis essentiellement grâce à leurs affaires (les républicains GARNIER-PAGÈS, GOUDCHAUX et DUCLERC), et tous les autres qui se sont enrichis surtout grâce à leurs fonctions officielles, le Second Empire rétribuant généreusement ses hauts fonctionnaires, parlementaires et ministres. Ceci n’exclut pas, dans les deux catégories, des héritages plus ou moins importants, des mariages généralement avantageux et des investissements financiers privéssouvent fructueux. Les fortunes des ministres et sous-secrétaires d’État sont présentées dans l’ordre croissant en distinguant les millionnaires à leur décès, des autres dont les successions s’élevaient toutefois à plusieurs centaines de milliers de francs.
36Lors de son mariage, Ariste-Jacques TROUVÉ-CHAUVEL déclara apporter, outre ses effets personnels, 8 000 F en mobilier et argent. Ses parents lui constituèrent en dot 40 000 F, dont il donna quittance de paiement. Son épouse reçut unedot de 100 000 F. La faillite de la société « Ariste TROUVÉ-CHAUVEL et Cie », qui exerçait le commerce de banque sous la dénomination de « Caisse commerciale de la Sarthe » toucha non seulement Ariste-Jacques TROUVÉ-CHAUVELlui-même, mais atteignit également la succession de son père René TROUVÉ, décédé en 1850. Complètement ruiné, Ariste-Jacques TROUVÉ-CHAUVEL vécut pendant trente ans, jusqu’à son décès, des revenus de sa femme qui était parvenue à sauver du désastre sa fortune personnelle. Elle jouissait ainsi d’un revenu annuel de près de 13 000 F et la fortune qu’elle laissa à son décès est estimée à environ 400 000 F.
37À l’instar de TROUVÉ-CHAUVEL, c’est l’épouse de FORCADE LA ROQUETTE qui possédait l’essentiel des biens du couple. Adolphe de FORCADE LA ROQUETTE hérita, en 1847, au décès de son père, du domaine de Taste, mais assez peu de sa mère (14 000 F). Son contrat de mariage, constituant une société d’acquêts avec son épouse, prévoyait qu’il lui donnerait dans le cas où elle lui survivrait la moitié de l’usufruit des biens meubles et immeubles. De son côté, la future épouse ferait donation à son futur époux de l’usufruit d’un capital de 40 000 F soit en immeubles, soit en rentes, si elle venait à décéder avant lui. Les apports de la future épouse s’élevaient à 15 000 F de trousseau et d’objets mobiliers, puis elle hérita de biens considérables provenant de la succession de son père prédécédé qui lui permirent d’acheter en 1859 pour 286 000 F un hôtel particulier, 9 rue Moncey, et en 1860 des terrains à Auteuil, 53 boulevard Suchet, où les FORCADE firent construire un hôtel de 2 426 m2. Adolphe de FORCADE, qui fut administrateur de plusieurs sociétés et cinq fois ministre, affirmait que ses revenus ne s’élevaient plus qu’à 25 000 F à la fin de sa carrière. Avant d’exercerses responsabilités gouvernementales, ils auraient atteint 30 000 F. À son décès FORCADE ne laissa que le château de Taste, évalué avec son mobilier à 110 000 F. La veuve FORCADE eut alors à sa charge ses quatre enfants dont trois étaient alors mineurs.
38L’épouse de Xavier de CASABIANCA, Laure de CASABIANCA, eut pour dot le château de Liman (Vaucluse) que son père avait acheté pour 135 000 F avec la dot de son épouse. D’autre part, Xavier de CASABIANCA hérita au décès de sa mère, Ilaria de CASABIANCA, de la maison du comte Raphaël de CASABIANCA à Vescovato. Enfin, les années où CASABIANCA fut sénateur, il recevait, d’après le sénatus-consulte du 25 décembre 1852, une dotation annuelle et viagère de 30 000 F et un supplément de 35 000 F par an en tant que procureur général à la Cour des comptes. Pour diverses raisons, le niveau de la fortune de CASABIANCA à son décès est très difficile à évaluer (voir sa notice).
39Après ces trois cas particuliers, il est possible de distinguer un premier groupe d’individus composé des ministres qui laissèrent à leur décès entre 300 000 F et 800 000 F de biens propres.
40Le polytechnicien, BINEAU s’était enrichi grâce en partie à ses fonctions politiques et à sa rigoureuse gestion financière. Avec à ses débuts un traitement d’ingénieur en chef des Mines à 5 000 F par an, il était à peine censitaire en 1841, ce qui manqua de faire invalider son élection. Député de 1841 à 1852 et ministre de la Deuxième République (avec un traitement de 48 000 F annuels), il vit sa situationfinancière s’améliorer au cours des années 1840. Élevé dès janvier 1852 à la dignité de sénateur, il bénéficia de la dotation afférente à laquelle s’ajouta son traitement de ministre, soit 100 000 F annuels. BINEAU hérita de 20 000 F de la succession de sa mère. À son décès la communauté des biens fut supérieure à 500 000 F. Les reprises de la veuve s’élevaient à plus de 150 000 F, celle du défunt à plus de 100 000 F. Le bénéfice de la communauté à partager s’éleva à près de 270 000 F.
41Sur le même modèle d’une ascension vers la bonne bourgeoisie après des débutsrelativement modestes, se signale GARNIER-PAGÈS dont les origines de la fortune qu’il constitua avec son frère restent obscures. Lors de son mariage en 1843, les biens du futur ministre se composaient de la maison de la rue de Savoie à Paris et de la ferme de Saussay près du Mans qu’il hérita de son frère aîné prématurément disparu. Sa future épouse n’apporta pas une dot considérable : 3 000 F de meubles, linges et bijoux, 1 000 F en argent comptant et 1 800 F dus par ses parents pour solde de sa dot en premières noces. Dans les années 1850-1860,GARNIER-PAGÈS fit des affaires spéculatives à la bourse de Paris dans le sillage de son ami DUCLERC. Simultanément, il procéda à de nombreux investissementsfonciers. À son décès en 1878, sa succession se composait essentiellement de ses biens immobiliers, dont la maison de la rue de Savoie, et d’un ensemble d’actions et d’obligations de la compagnie des mines de cuivre de Huelva. Au total la valeurde la succession de GARNIER-PAGÈS est estimée à environ 350 000 F.
42Le comte de GERMINY était, lui, mieux né. Ses divers appointements et un patrimoine immobilier important, et pour une large part hérité, ainsi qu’un avantageux mariage ne firent qu’accroître son aisance. L’apport de Mlle HUMANN, sa future épouse, s’éleva à 400 000 F, puis elle hérita de sommes confortables comprises, selon les estimations, entre 471 000 F et 691 000 F (voir notice HUMANN, tome II). LEBÈGUE de GERMINY gagnait 150 000 F par an quand il était receveur général de la Seine-Inférieure. Son traitement de gouverneur du Crédit foncier s’établissait à 40 000 F annuels, celui de gouverneur de la Banque de France à 60 000 F. Nommé sénateur, il recevait 30 000 F par an. Ses revenussont estimés à 100 000 F annuels à la fin de l’Empire. LEBÈGUE perçut également divers héritages durant son mariage mais les destructions d’archives nous privent du détail et du montant global. Chacun des quatre enfants mariés du couple reçut une dot comparable d’environ 300 000 F, payée par moitié par les deux parents. À son décès, sa veuve fut la seule héritière car les autres héritiers réservataires renoncèrent à leurs droits. Aux 645 000 F de la communauté des biens mobiliers, il convient d’ajouter les 635 000 F de dot dus par M. de GERMINY à ses enfants sur lesquels les reprises du défunt s’élevaient à 200 000 F. Les reprises de Mme de GERMINY s’établissaient à 211 000 F, laissant dans la communauté une somme de 869 000 F, dont la moitié revenait à la survivante, auxquels il faut additionner la moitié des bénéfices de la communauté en biens immobiliers (près de 265 000 F). La veuve hérita ainsi de près de 700 000 F sur lesquels furent prélevés les 435 000 F dus par elle seule pour doter ses enfants. Aux biens immobiliers du défunt, s’ajoutait l’hôtel de la recette générale à Rouen pour une valeur estimée de 64 000 à 74 000 F.
43SÉGRIS, comme député au Corps législatif qu’il fut sans discontinuer de 1859 à 1870, a perçu une indemnité parlementaire de 2 500 F par mois de session. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1866 porta cette indemnité à 12 500 F par session, avec un complément de 2 500 F par mois en cas de session extraordinaire. Son traitement de ministre (de l’Instruction publique puis des Finances) pour les septpremiers mois de 1870 se monta à un peu plus de 58 000 F. À son mariage, l’apport de sa future épouse atteignait les 130 000 F, dont 6 000 mis en communauté. Son apport fut légèrement inférieur (100 000 F, dont 6 000 également mis en communauté). SÉGRIS hérita au total au cours de sa vie de plus de 300 000 F et sa femme de 115 000 F. Les deux enfants du couple reçurent 200 000 F de dot chacun. La communauté des biens fut estimée à près de 700 000 F. Les reprises du mari s’élevaient à plus de 41 000 F ; celles de son épouse à un total de 239 000 F. En conséquence, leurs enfants purent se partager à peine plus de 70 000 F.
44Enfin, le dernier élément de ce groupe est Michel GOUDCHAUX qui s’enrichitplus grâce à ses affaires qu’à ses brèves fonctions au service de l’État. À son décès en 1818, Garçon-Jacob GOUDCHAUX, père du futur ministre, laissa à chacun de ses enfants un peu plus de 25 000 F. Les contrats de société conclus entre le père et ses fils, puis entre les frères restent inconnus, de même que les bénéfices réalisés. Par contrat en 1835, GOUDCHAUX et sa troisième épouse adoptèrent le régime de séparation de biens. Cette épouse reçut de ses parents une dot de 13 000 F, et le futur époux lui fit don d’une rente de 2 000 F par an sur sa succession, en présence d’enfants. Quand il devint ministre des Finances en 1848, GOUDCHAUX refusa de percevoir son traitement. En 1862, il constitua à sa fille Jane un trousseau de 13 000 F et une dot de 150 000 F en obligations de la compagnie des chemins de fer du Midi et Canal latéral à la Garonne. Quand il décéda, son actif net fut évalué à près de 797 000 F, à répartir entre sa veuve et ses trois enfants.
45Le second ensemble de ministres regroupe les sept qui décédèrent millionnaires.
46BUFFET fait partie de ceux qui possèdent déjà une fortune considérable aux débuts de leur carrière. Il apporta à son mariage 155 000 F. La dot de sa future épouse s’éleva à 223 000 F en argent, complétée par des biens immobiliers non estimés mais conséquents. Durant sa carrière politique, BUFFET percevait une indemnité parlementaire par session et son traitement de ministre, soit 20 000 F pour les trois mois pendant lesquels il fut en fonction. À son décès, BUFFET légua l’ensemble de ses biens à son épouse survivante, mais l’actif de la communauté se trouva totalement absorbé par les reprises opérées par la veuve, qui demeura créancière de la succession à hauteur de 614 000 F. Pour autant, à cette succession parisienne de BUFFET doit être ajoutée celle déposée aux archives départementales des Vosges qui atteignait, elle, plus d’un million de francs et dont le domaine de Ravenel était l’élément principal.
47DUCLERC, qui connut des débuts modestes, se lança dans les affaires de bourse et de finance après son éviction de la vie politique en 1849. Pendant vingt ans, jusqu’à la chute du Second Empire, il accumula une fortune considérable qui lui attira des accusations de malversations. En 1854, DUCLERC proposa aux deux directeurs du Comptoir d’escompte de Paris, de fonder une société en commandite par actions pour l’exploitation des mines de cuivre de Huelva (Rio Tinto) en Andalousie. DUCLERC était établi gérant de cette société avec 24 000 F d’appointements, plus 10 % des bénéfices. En 1856 furent adjoints trois nouveaux administrateurs (dont GARNIER-PAGÈS). Lors du mariage de leurs filles, en 1881 et 1884, DUCLERC et sa femme leur constituèrent en dot, en avancement d’hoirie, 218 000 F à chacune d’elles. Le patrimoine déclaré à la suite du décès de DUCLERC en 1888 s’éleva à plus d’un million et demi de francs essentiellement en actions et obligations auxquelles s’ajoutaient des propriétés près de Bayonne. En tenant compte de la valeur de la villa elle-même et des cinq métairies, on peut estimer l’actif total à près de deux millions de francs.
48Adolphe VUITRY, issu d’une famille de la bourgeoisie aisée et fils d’un père éligible sous la monarchie de Juillet (il payait plus de 2 000 F de cens), s’était, lui,enrichi surtout grâce à ses fonctions officielles et des héritages. À son mariage, il fut convenu que chacun des deux époux mettrait 3 000 F dans la communauté. L’apport de la future se composa d’un trousseau équivalent à 7 000 F et surtout de ses droits dans les successions de sa mère en tant que seule héritière et de ses aïeux maternels, pour un total de plus de 295 000 F. L’apport du futur comportait du mobilier pour 11 000 F, ainsi que la dot de son père de 6 000 F en meubles, objets mobiliers et deniers comptants ; s’y ajoutèrent ses droits dans la succession de sa mère, dont il hérita pour moitié avec sa sœur. En 1847, son père lui légua des terrains sur les communes de Marolles et de Courcelles (Seine-et-Marne) pour 112 000 F. Membre du Conseil d’État, il figurait parmi les fonctionnaires les mieux payés sous le Second Empire, avec 25 000 F de traitement annuel pour les conseillers (ce qu’il fut de 1852-1857) et 35 000 F pour les présidents de section(1857-1863). Ministre présidant le Conseil d’État pendant près de cinq ans (1864-1869), il percevait 100 000 F par an. Il perçut également le traitement de gouverneur de la Banque de France qu’il fut durant seize mois, et celui de sénateur qu’il fut durant quatorze mois. En 1852, ses revenus étaient estimés à 20 000 F par an ; ils atteignaient 50 000 F à la chute du Second Empire. Si sa première fille à se marier n’eut pour dot en 1864 « que » 160 000 F ; l’aînée qui épousa en 1869 Henri GERMAIN apporta à son mariage 3 000 F déconomies et 240 000 F provenant de ses parents. Les biens du futur époux furent estimés à près de 3,5 millions de francs, en plus du château de la Pape (Ain), mais amputés d’un passif de 225 000 F. Au décès de VUITRY, la communauté des biens dépassait les deux millions de francs. Sa veuve exerça son droit de reprise à hauteur de 571 000 F ; les reprises du défunt s’élevaient, quant à elles, à 271 000 F, restait à la communauté 1,4 million de francs, dont la moitié allait à la succession. La succession d’Adolphe VUITRY seul se montait donc à près d’un million, sur lequel il y a lieu de déduire le montant des dots constituées soit 320 000 F. Restaient ainsi 669 000 F à partager entre les deux héritières auxquels s’ajoutaient les biens fonciers que VUITRY possédait à Saint-Dodain pour un capital estimé à 185 000 F.
49D’origine modeste, Pierre MAGNE commença sa vie professionnelle comme expéditionnaire avec un salaire de 600 F par an, plus 50 F de gratification. En 1835, avant d’être conseiller de préfecture, son revenu annuel est estimé à environ 3 000 F. MAGNE gagna bien sa vie en tant qu’avocat et, sa sœur étant religieuse, il hérita de l’ensemble des biens de ses parents, et notamment de sa maison natale dans le faubourg Barris-Saint-Georges. Il hérita en outre de la propriété du Cros qui fut échangée, plus une somme de 8 000 F, contre le petit château de Trélissac (Dordogne) qu’il vendit ensuite à son fils après avoir acheté le château de Montaigne qui lui coûta, en 1860, 435 000 F. Il acquit en outre de nombreuses terres autour du domaine de Montaigne jusqu’à l’étendre sur plus de 465 ha. Enrichi par une carrière ministérielle exceptionnellement longue, il put doter généreusement ses enfants : 150 000 F à Alfred MAGNE et 235 000 F à sa fille Marie. Pierre MAGNE perçut successivement ou en même temps les traitements deconseiller d’État présidant une section, de sous-secrétaire d’État, de ministre (le ministre sans portefeuille qu’il fut recevait le même traitement qu’un autre ministre), de sénateur et de membre du Conseil privé (100 000 F annuels pour cette dernière fonction). Peu de temps après l’avoir nommé ministre sans portefeuille, l’Empereur lui offrit en cadeau pour la Noël 1860 un hôtel particulier dans l’avenue Montaigne. En tant que ministre retraité, Pierre MAGNE percevait unepension annuelle de 6 000 F. Il fut aussi un homme d’affaires avisé. À son décès, le capital de l’ensemble des valeurs mobilières s’élevait à environ 1,3 million de francs auxquels s’ajoutent, – fictivement – la dot de sa fille, la valeur de l’hôtel de l’avenue Montaigne (environ 600 000 F) et celle du domaine de Montaigne(environ 400 000 F). À sa mort, Pierre MAGNE et sa femme possédaient un capital mobilier et immobilier disponible de plus de 2,3 millions de francs.
50À l’image de MAGNE, Eugène ROUHER, au cours de sa carrière d’avocat maissurtout en cumulant les plus hautes fonctions de l’État sous l’Empire et grâce à des investissements fructueux, acquit une fortune considérable qui dépassa, elle aussi, largement les deux millions de francs. Avant son mariage, ROUHER avait déjà hérité 90 000 F de plusieurs successions, auxquels il ajouta 10 000 F provenant de ses économies pour constituer son apport de futur époux. Sa future épouse apporta une dot totale de 73 000 F. Durant son mariage, ROUHER hérita de la succession de ses grands-parents maternels, alors que son épouse reçut celle de sa mère. Pendant l’Empire, ROUHER vendit sa maison natale à Riom (Puy-de-Dôme) et acheta dans la même ville un hôtel de deux étages rue Massillon. En 1856, il possédait, deux résidences parisiennes, une avenue des Champs-Élysées (VIIIe arr.) et une autre rue des Vignes (XVIe arr.). Il acheta par ailleurs en 1865 pour 200 000 F le château de Cerçay (Essonne). Les enfants ROUHER eurent des dots considérables. La première fille de ROUHER reçut ainsi 420 000 F. Elle se maria au riche marquis de LA VALETTE dont la dot atteignait 1,4 million de francs. Ce dernier recueillit en outre la nue-propriété du domaine de Cavalerie, près de Bergerac (Dordogne). La seconde fille ROUHER se constitua personnellement en dot — elle se maria à l’âge de 40 ans — un trousseau d’une valeur de 25 000 F et pour 452 000 F de rentes, actions, obligations et espèces. La liquidation de la société d’acquêts de ROUHER fait apparaître un montant de 2,4 millions de francs en biens meubles et immeubles. Madame ROUHER était plus riche que son mari et ses reprises furent constituées, en nature, de l’hôtel, du bâtiment et du jardin à Clermont, du domaine d’Aulnat et de la propriété du Pointet, et d’un million en argent. Les reprises du défunt s’élevèrent à 100 000 F mais il devait 320 000 F pour la dot de sa première fille. Une fois ôtées les reprises et dettes du défunt et les reprises de la veuve il resta plus de 1,3 million d’actifs nets de la communauté. La veuve ROUHER reçut plus de 1,7 million ; à son décès, six ans plus tard, elle laissa plus de 1,8 million de francs à ses deux filles.
51Le contrat de mariage d’Achille FOULD prévoyait que les époux formeraient une communauté de biens réduite aux acquêts ; le père du futur époux accorda à son fils une dot respectable de 100 000 F et un intérêt dans la banque familiale. De son côté, le père de la future épouse, apporta 4 000 livres sterling et s’engageait à verser 200 livres par an pendant cinq ans, au terme desquels il verserait de nouveau 4 000 livres, soit au total une somme de 300 000 F (au taux habituel de 25 F pour 1 livre). En ce qui concerne les revenus d’Achille FOULD, ce n’est qu’à partir de 1842, au moment de son élection comme député des Hautes-Pyrénées qu’il est possible de les évaluer. FOULD acquittait alors 540,53 F de contributions directes, soit un peu plus que le cens exigé (500 F). Déjà ministre des Finances de la Deuxième République, sa fortune augmenta réellement sous le Second Empire dont il fut ministre pendant presque toute la durée du règne et sénateur dès 1852. En 1853, ses revenus annuels sont estimés à 100 000 F, soit une fortune de 2 millions, trois fois plus que dix ans auparavant, qu’il investit dans un vaste domaine dans le département des Hautes-Pyrénées ainsi que dans de nombreuses propriétés dans le Sud-Ouest. Au total, Achille FOULD acquit plus de 300 ha de biens immobiliers, sans compter les bâtiments, sur l’ensemble des départements pyrénéens, pour lesquels il a déboursé près de 700 000 F en un peu plus de vingt ans, dont plus de la moitié à Tarbes même. D’autre part, le père du ministre mourut en 1855 multimillionnaire avec une fortune de l’ordre de 10,7 millions de francs, dont 9,4 millions représentaient son compte courant dans la banque familiale (le capital immobilier de son père, composé de l’hôtel parisien et du château de Rocquencourt, ne représentait que 12 % du total). L’héritage de chaque enfant fut donc considérable, de l’ordre de 2,5 millions de francs. En outre, Achille FOULD dota richement ses enfants. Lorsqu’il décéda, en 1867, sa fortune s’élevait à 6,2 millions de francs pour Paris même, dont 1,2 million de commandite dans la Banque FOULD & FOULD-OPPENHEIM, 1 million de solde sur son compte courant, 2,1 millions en valeurs mobilières et 1,6 million pour son immeuble de la rue du faubourg Saint-Honoré. Il faut encore y ajouter la villa de Vichy et pour un peu plus de 400 000 F de biens dans les Hautes-Pyrénées, composés alors notamment de ses domaines de Tarbes et d’Ibos. La moitié de l’actif total de la communauté de 7,5 millions de francs revint à sa veuve. Sans doute la banque familiale profita-t-elle – au moins indirectement – de la présence d’Achille à des portefeuilles aussi stratégiques que ceux des Finances ou du ministère d’État. De même, la politique de modernisation et de grands travaux initiée pendant le Second Empire fut patronnée par le Crédit mobilier, c’est-à-dire au moins en partie par les FOULD. Mais, parce qu’il ne s’était pas impliqué dans la gestion de la banque familiale, Achille FOULD était à son décès le moins riche de sa famille. Il reste néanmoins le plus riche des ministres des Finances de la période 1848-1870, et sans doute du xixe siècle après le comte ROY.
Les ministres et leurs finances 1790-1870.
52La grande majorité des quarante-cinq ministres ou quasi-ministres des Finances entre 1790 et 1870 provient des petites ou moyennes noblesse et bourgeoisie et n’est pas parisienne de naissance. Par ailleurs, les enfants de familles modestes sont rares : LAFFITTE, fils d’un maître charpentier de Bayonne, HUMANN, fils d’un maître tailleur de Strasbourg, et MAGNE, fils d’un marchand de fer de Périgueux. Au vu des origines sociales des ministres, il n’était donc pas nécessaire de naître riche pour prétendre un jour devenir ministre des Finances au xixe siècle. En revanche, le ministre pressenti devait être en mesure, au moment de sa nomination, de tenir son rang ce qui exclut les impécunieux. Une aisance certaine était aussi considérée comme une garantie contre la corruption et le signe d’une bonne gestion financière des biens personnels.
53Le développement économique du pays et les prébendes du Second Empire ont produit en proportion légèrement moins de millionnaires que la périodeprécédente : sept sur quatorze ministres et sous-secrétaires d’État entre 1848 et 1870, à comparer aux neuf millionnaires sur les dix-sept ministres ou assimilés de 1814-1848, et aux trois millionnaires sur les quatorze individus étudiés pour la période 1790-1814. Le groupe des ministres millionnaires à leur décès compteainsi pour membres, dans l’ordre chronologique : GAUDIN, BARBÉ-MARBOIS, MOLLIEN, LOUIS, ROY, VILLÈLE, LAFFITTE, THIERS, HUMANN, d’ARGOUT, DUCHÂTEL, PELET de la Lozère, DUCLERC, FOULD, MAGNE, VUITRY, ROUHER et BUFFET. Au total dix-huit ministres sur les quarante-cinq laissèrent une succession de plus d’un million de francs. En revanche, le groupe de ceux dont la succession fut nulle ou presque ne compte que sept membres, dansl’ordre chronologique : VALDEC DE LESSART, CLAVIÈRE, LEROULXDELAVILLE, FAIPOULT, CORVETTO, CHABROL et TROUVÉ-CHAUVEL.
54Les données sur les niveaux de fortune présentées dans ce dictionnaire viennent en compléments d’autres travaux qui ont utilisé les successions, notamment ceux de Jean Estèbe2, de Christophe Charle3, d’Éric Anceau4, ainsi qu’avec la vaste prosopographie sur les parlementaires de la Troisième République menée par le Centre d’histoire du xixe siècle de la Sorbonne5.
55La fonction de ministre des Finances ne pouvait devenir une source d’enrichissement que si elle était exercée longtemps ou si elle permettait de réaliser debonnes affaires, licites ou illicites. À ce propos, les scandales touchant des ministres des Finances (anciens ou en poste) restent exceptionnels. Les portefeuilles du Commerce (et de l’Industrie) ou des Travaux publics pouvaient du reste être plus utiles pour s’enrichir rapidement. Par ailleurs, le fait d’avoir été ministre permettait d’accéder à des postes mieux rémunérés et aidait à se faire réélire, autorisant ainsi une carrière plus longue donc rémunératrice.
Les portefeuilles et la Banque.
56Il ne faut en effet pas prendre de vue que le portefeuille des Finances ne constitue qu’une des étapes, souvent fugitive, dans la carrière politique et/ou administrative. Tout d’abord, les ministres des Finances du xixe siècle ont pour certains d’entre eux eu besoin d’acquérir une réputation d’expert, à différents titres, des finances (publiques ou privées) pour pouvoir prétendre accéder à ce portefeuille. Ensuite, la présence de parrains politiques et financiers était indispensable. Par exemple, FOULD, en tant que ministre des Finances, parraina l’entrée dans la carrière ministérielle de VUITRY et MAGNE, en les choisissant comme sous-secrétaires d’État auprès de lui. Enfin, il est rare que les Finances soient le premier poste d’une carrière ministérielle, et elles restent en règle générale réservées à des hommes expérimentés.
57Les récidivistes des Finances représentent près d’un quart de l’ensemble des ministres6 : CLAVIÈRE (2 fois), GAUDIN (2), MOLLIEN (2), ROY (3), HUMANN (3), PASSY (3), LOUIS (4 fois et commissaire provisoire pour les Finances entre le 1er avril 1814 et le 20 mars 1815), FOULD (4) et MAGNE (4).En les citant (et en ajoutant VILLÈLE), apparaît la liste des principaux ministres des Finances des quatre-vingt ans étudiés. Alors que la statistique désincarnée de 1,7 an en moyenne en poste par ministre (par ministère elle serait encore inférieure) laisse croire à une grande instabilité des titulaires du poste, la récurrence de ces quelques noms révèle la prégnance sous chacun des régimes de deux ou trois personnalités prépondérantes, souvent opposées et dont les rivalités étaient abritées par le pouvoir royal ou impérial. La dyarchie des Finances a même été expérimentée sous le Consulat et l’Empire. Après avoir été divisée entre ministères des Finances et du Trésor public de 1801 à 1814, l’unité ministérielle des Finances fut ensuite maintenue sur toute la période (en dépit de la nomination en 1816 (ROULLET de LA BOUILLERIE), 1830 (THIERS), 1848 (DUCLERC),1849 (MAGNE) et 1851 (VUITRY) d’un sous-secrétaire d’État aux attributionsvariables) et jusqu’au gouvernement PAINLEVÉ d’octobre 1925 dans lequel celui-ci occupa la présidence du Conseil et prit le titre de ministre du Trésor au côté d’un tout nouveau ministère du Budget confié à Georges BONNET.
58Si quelques-uns se spécialisèrent dans la gestion des deniers publics, la plupart des ministres des Finances obtinrent d’autres portefeuilles, avant et parfois après leur passage aux Finances, mais très rarement sous deux régimes différents. D’une manière générale, l’immense majorité des carrières strictement ministérielles s’arrête en effet à la chute du premier régime servi. Il faut classer à part le cas exceptionnel de THIERS qui fut président du Conseil sous la monarchie de Juillet puis chef du pouvoir exécutif et président de la (Troisième) République. Seuls LOUIS, PASSY, FOULD et MAGNE ont servi sous deux régimes différents (quatre pour MAGNE rappelons-le) en tant que ministre des Finances7. Dans ces cas particuliers, au-delà de leurs compétences financières c’est leur capacité à rassurer qui a été sollicitée après chaque épisode révolutionnaire.
59À l’abri des répliques telluriques de 1789, cinq ministres des Finances ou sous-secrétaires d’État exercèrent également les fonctions de gouverneur de la Banque. Avant de devenir ministre des Finances et président du Conseil LAFFITTE le fut de 1814 à 1820, remplacé à cette date par un ex-ministre des Finances, GAUDIN, qui dirigea la rue de la Vrillière jusqu’en 1834. Lui succéda d’ARGOUT qui gouverna la Banque pendant près d’un quart de siècle (de 1834 à 1857), ne délaissant ces fonctions que quelques mois en 1836 pour devenir ministre des Finances. Vintensuite LEBÈGUE, de 1857 jusqu’en 1863, suivi de VUITRY, qui ne fut pas ministre des Finances et apparaît comme un gouverneur transitoire (1863-1864)entre LEBÈGUE et ROULAND. Ainsi, durant cinquante ans, de 1814 à 1864, la Banque de France fut gouvernée par des anciens (ou futurs) ministres des Finances. Ces nominations récurrentes au gouvernement de la Banque de Francetraduisent la constante tutelle de l’État sur la Banque. La direction de la Banque de France, avec celle du gouvernement (voir infra), apparaît comme le nec plus ultra d’une carrière de ministre des Finances. L’élection au conseil de régence par les deux cents principaux actionnaires de la Banque révèle, elle, une position estimée au sein des milieux d’affaires : parmi tous les ministres des Finances seulsLAFFITTE (de 1809 à 1831) et LEBÈGUE (de 1850 à 1854) furent régents.Notons enfin que le fils de LEBÈGUE occupa le fauteuil du fils de d’ARGOUT (régent de 1858 à 1864) au conseil de régence et y siégea jusqu’en 1889.
60Si, au sein des gouvernements restreints du xixe siècle8, le portefeuille des Finances fut toujours considéré comme un des plus importants et prestigieux9 (avec la Justice, les Affaires étrangères, la Guerre et l’Intérieur), son titulaire ne fut en même temps et ne fut ensuite que très rarement président du Conseil. Seulstrois ministres ou sous-secrétaires d’État aux Finances (depuis NECKER et avant-ROUVIER en 1887) devinrent premiers d’entre les ministres : VILLÈLE et LAFFITTE, qui cumulèrent cette présidence avec les Finances (durant sept ans pour le premier et six mois pour le second), et THIERS dont le premier poste desa longue carrière ministérielle fut sous-secrétaire d’État aux Finances parrainé par LAFFITTE, qui était alors lui-même à la fois ministre des Finances et président du Conseil. GARNIER-PAGÈS, quant à lui, devint ministre des Finances dans le Gouvernement provisoire du 24 février 1848, avant d’être membre de la Commission du pouvoir exécutif (présidence collégiale de la République) du 10 mai 1848 au 24 juin 1848. Par ailleurs, FOULD, MAGNE et ROUHER, qui furent chacun leur tour un temps principal ministre de Napoléon III, ne devinrent jamais réellement chef de gouvernement, fonction qui n’existait pas. Du reste, en ce qui concerne ROUHER, ses fonctions de ministre des Finances, cumulées avecson ministériat d’État, furent brèves, circonstancielles et restent presque anecdotiques au regard de l’ensemble de sa carrière. En résumé, si pour un tout petit nombre (le cumul des Finances avec la présidence du Conseil fut plus courant sous la Troisième République) l’accession aux Finances précéda de peu le poste ministériel suprême, pour la grande majorité des autres ministres étudiés, le portefeuille des Finances représenta l’apogée de leur carrière administrative et politique.
Les ministres et les finances : essai de typologie.
61Après ces portraits pointillistes, il ne saurait être question de dessiner un portrait-robot, réducteur et flou, ou d’esquisser une biographie collective, improbable pour des personnalités qui ne forment pas un corps, ou encore d’ébaucher une physionomie, nécessairement caricaturale, du ministre des Finances au xixe siècle. Les ministres présentés dans ces trois volumes étaient ou sont devenus des notables, furent le plus souvent des parlementaires et, à différents titres, membres des élites. Ils ont déjà été classés dans des groupes à la composition variable en fonction des critères retenus (voir les deux épilogues précédents et supra). Comme il n’existe pas de ministre moyen (ou même médian) et comme ce travail de microprosopographie concerne un nombre restreint d’individus (45), des statistiques n’auraient pas grand sens. D’autre part l’hétérogénéité des capitaux social, scolaire, politique et économique10 de chacun des ministres est manifeste. Des origines géographiques et surtout des parcours de vie très divers freinent par ailleurs tout effort de catégorisation définitive de tous ces types. Si les sources concernant ces hommes publics sont relativement abondantes et disertes, toute tentative de regroupements par traits de caractère dominants paraît également bien hasardeuse. La diversité et l’étroitesse du corpus rendent donc délicat un essai de typologie générale. Il y a bien sûr les ministres qui sont écoutés et influents et ceux dont on sait qu’ils ne vont pas durer, les dépensiers et les économes, les experts et les politiques, ceux qui ont la confiance des milieux d’affaires, des Chambres, de la population, ceux sur qui courent des rumeurs de malversations… En traitant plus particulièrement de l’exercice de la fonction ministérielle aux Finances, ce dictionnaire incite toutefois à distinguer, quelle que soit la période considérée, trois principaux profils de ministre des Finances : ceux qui connaissent la banque et les affaires (parmi les personnalités de la Deuxième République et du SecondEmpire : GOUDCHAUX, TROUVÉ-CHAUVEL et FOULD), ceux qui connaissent le droit et/ou les finances publiques (dans ce volume : VUITRY, LEBÈGUE, BINEAU, MAGNE, FORCADE et SÉGRIS), et enfin ceux dont la nomination tintà des motifs principalement politiques et circonstanciels (ici GARNIER-PAGÈS, DUCLERC, CASABIANCA, ROUHER et BUFFET).
62Ces quarante-cinq hommes politiques furent en outre plus souvent des polémistes et des essayistes politiciens (la plupart laissèrent de nombreux écrits politiques) que de véritables théoriciens des finances, à l’exception de CASABIANCA qui, après son passage aux Finances et alors qu’il était procureur général près la Cour des comptes, fut un précurseur de l’étude des finances publiques, traitant de l’origine de la Cour, de ses attributions et de ses perfectionnements et développant une étude comparative des systèmes financiers en Europe. Très rares furent ceux qui rédigèrent leurs mémoires. En revanche, certains dressèrent des bilans à décharge : ainsi de LACAVE-LAPLAGNE et de DUMON afinde répondre aux accusations des républicains, de GARNIER-PAGÈS dans ses histoires de la Deuxième République parues sous le Second Empire et de MAGNE dans sa Note sur l’administration des finances du commencement de 1855 à la fin de 1860 publiée alors que FOULD était aux Finances. Il n’y eut guère non plus d’historiens des finances publiques, à l’exception de THIERS et ses travaux sur Law, et de celle plus notable de VUITRY qui s’intéressa, au travers de pas moins de neuf ouvrages, à la numismatique et à l’histoire des finances médiévales et modernes.
Des finances devenues publiques.
63Les finances publiques de 1790 à 1870 restent marquées par deux phénomènes majeurs. Tout d’abord, le xixe siècle a connu d’une part une complexification croissante des mécanismes et des procédures financiers et, d’autre part, une amélioration de la transparence des comptes (et cela même si la chronologie des régimes politiques ne coïncide pas avec celle du respect du principe de spécialité des crédits). Cette double évolution fut accompagnée par la création de nouveaux corps et institutions de contrôle (notamment la Cour des comptes qui vient de fêter son bicentenaire et l’Inspection des finances en 1816) et par la codification d’une réglementation de la comptabilité publique de plus en plus rigoureuse (avec notamment les ordonnances financières de 1822 et 1862). En outre, la multiplication des chapitres budgétaires alla de pair avec la croissance des dépenses publiques et l’accroissement des champs d’intervention d’un État si ce n’est providence du moins déjà keynésien. En parallèle fut développée une fiscalité plus sophistiquée afin d’augmenter les recettes de cet État entrepreneur public en expansion. Cependant, l’idée d’un impôt sur le revenu étant systématiquement repoussée, les ressources fiscales n’étaient pas indéfiniment extensibles et l’emprunt parut être une solution de financement politiquement plus indolore à court terme et qui s’avéra même très populaire.
64En effet, le second fait marquant de ce siècle financier fut la répartition auprès d’une large population de l’emprunt public sous forme de rentes : les Français devenant, sous le Second Empire, les rentiers de leurs dettes communes. Cette démocratisation de la rente n’attacha pas les rentiers à un régime particulier maisà la continuité de l’État et à la régularité du paiement des intérêts. Le succès desemprunts d’État répandit le capital financier dans un pays où le foncier avait depuis longtemps la primeur des investisseurs. En retour, ces innombrables petits rentiers devinrent, à leur niveau, de nouveaux acteurs des finances publiques, désormais sans doute plus soucieux de connaître la situation financière réelle decet État débiteur avec constance. Le rentier du xixe siècle comprit aussi que la conversion de la rente était beaucoup plus compliquée et moins fréquente (seuls VILLÈLE en 1825 et BINEAU en 1852 la réussirent) que les émissions d’emprunt. La Troisième République ne faillira pas dans la poursuite de cette politique à crédit.
65Cette série de trois volumes s’achève avec l’ultime avènement de la République. Or, si pour l’historien des Finances et des finances publiques, l’incendie du ministère à la fin de la Commune de Paris marque une rupture (archivistique) majeure11, pour l’histoire financière en revanche, la séquence 4 septembre 1870-28 mai 1871 représente une rupture (historique) à nuancer. En effet, si, politiquement, une nouvelle génération de ministres des Finances apparut ; administrativement, le personnel du ministère, lui, resta le même. Financièrement, la guerre de 1870-1871 coûta cher, plus qu’aucune autre depuis 1814 ; cependant l’essor économique et les réserves d’épargne des Français effacèrent assez vite les séquelles financières de la défaite. Géographiquement enfin, les services des Finances de l’ensemble du Mont-Thabor rassemblés en 182412 ayant brûlé dans la nuit du 23 au 24 mai 1871, le ministère dut déménager, mais de l’autre côté de la rue de Rivoli. En s’installant au Louvre et en investissant progressivement à partir de 1876 les pavillons de Flore et de Marsan, les Finances ne firent que se plier à une contrainte très ancienne à savoir être proches à la fois du pouvoir décisionnaire (historiquementle Louvre puis l’Élysée et le Palais-Bourbon) et des principales institutions financières (rive droite : la Banque de France rue de la Vrillière, la Bourse au Palais-Brongniart ; rive gauche : la Cour des comptes au Palais d’Orsay avec le Conseil d’État jusqu’en 1871, la Caisse des dépôts et consignations rue de Lille). Le ministère profita de cet emménagement pour, une nouvelle fois, centraliser et agrandir ses locaux qui s’avérèrent cependant vite trop étroits en raison de la croissance désormais continue de ses effectifs.
66Un dictionnaire de ministres reflète nécessairement les scansions de l’histoire politique. Ce dictionnaire n’échappe pas à la règle et la succession chronologique de biographies ne peut rendre compte du temps long de l’administration des Finances et de l’histoire sociale de son personnel. Ces trois tomes, qui ont principalement tenté de répondre aux questions qui est ministre des Finances et qu’estce qu’être ministre des Finances, ont également voulu dresser, à grands traits au travers de leur prologue, une histoire des directions des Finances au xixe siècle et des hauts fonctionnaires à leur tête. Cette histoire mériterait d’être étudiée plus en détail. Enfin, l’histoire des finances publiques, considérées à la fois comme un système de gouvernement et un réseau de financiers publics, reste, elle, en grande partie à écrire.
Notes de bas de page
1 Parmi les ministres des Finances qui ne furent jamais élus signalons la nomination dans les cabinets MILLERAND et LEYGUES en 1920-1921 du saint-cyrien devenu banquier, Frédéric FRANÇOIS-MARSAL. Il fut élu sénateur du Cantal en janvier 1921 avant d’être à nouveau ministre des Finances en mars-juin 1924, puis éphémère président du Conseil (et ministre des Finances) durant six jours (9-14 juin 1924). Yves BOUTHILLIER, inspecteur des finances, ancien directeur du Budget et secrétaire général du ministère des Finances au moment de sa nomination, devint ministre des Finances en pleine débâcle (le 5 juin 1940) et le resta dans différents cabinets jusqu’à sa démission en avril 1942. Déporté en Allemagne et condamné par la Haute Cour de justice à trois ans de prison et à l’indignité nationale, il ne fut jamais élu.
2 Les ministres de la République 1871-1914, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982.
3 Les élites de la République 1880-1900, Paris, Fayard, 1987.
4 Les députés du Second Empire. Prosopographie d’une élite au xixe siècle, Paris, H. Champion, 2000
5 Voir notamment Anne-Marie Sohn, « La fortune : une approche originale du personnel politique et de son engagement », dans Jean-Marie Mayeur, Jean-Pierre Chaline, Alain Corbin (dir.), Les parlementaires de la Troisième République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 211-220. Outre cet ouvrage collectif de synthèse, divers dictionnaires régionaux issus de ce vaste travail prosopographique ont également été publiés et comportent des indications du niveau de fortune des parlementaires.
6 De tous les ministres des Finances, c’est sans doute, sous la Troisième République, l’inspecteur des finances Joseph CAILLAUX, fils d’Eugène bref ministre des Finances en 1877, qui détient le record : sept fois au total (1899-1902, 1906-1909, 1911, 1913-1914, 1925, 1926 et 7 jours en 1935). Il fut en outre président du Conseil en 1911-1912 avec le portefeuille de l’Intérieur et des Cultes.
7 MOLLIEN et GAUDIN ont également œuvré pendant les Cent-Jours.
8 8. Durant la période considérée par ce dictionnaire, seuls furent créés les portefeuilles de l’Instruction publique et du Commerce (ministère MARTIGNAC, 1828), des Travaux publics (ministère POLIGNAC, 1829) et de l’Agriculture (ministère MOLÉ, 1836), sans tenir compte des divers ministères de la Maison du Roi ou de l’Empereur et des ministères éphémères de la Police (1815-1818 puis 1852-1853), de l’Algérie (et des Colonies, 1858-1860), ou encore du ministère d’État (1852-1870) auquel est joint entre 1852 et 1860 la Maison de l’Empereur. La Restauration, la monarchie de Juillet et le Second Empire ont par ailleurs connu des ministres sans portefeuille. Enfin, un portefeuille autonome des Beaux-Arts apparut au sein du ministère OLLIVIER. Sous le Second Empire, les Beaux-Arts avaient été successivement rattachés à l’Intérieur jusqu’en 1853, au ministère d’État jusqu’en 1863, à la Maison de l’Empereur jusqu’en janvier 1870. Après le ministère OLLIVIER, les Beaux-Arts sont liés à l’Instruction publique (ministère COUSIN-MONTAUBAN, août 1870), puis disparaissent dans le gouvernement du 4 septembre 1870.
9 En témoigne la montée au cours du xixe siècle du chapitre budgétaire du ministère des Finances dans le classement tout symbolique des dépenses de l’État présenté dans les lois de finances.
10 Voir Christophe Charle, « Les parlementaires : avant-garde ou arrière-garde d’une société en mouvement ? Vue d’ensemble », dans Jean-Marie Mayeur, Jean-Pierre Chaline, Alain Corbin (dir.), Les parlementaires de la Troisième République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 45-62.
11 11. Arnaud de Maurepas, Économie et finances au xixe siècle. Guide du chercheur 1789-1870, introduction de Guy Antonetti, préface de Jean Tulard, Paris, CHEFF, 1998, XXIV-780 p.
12 Voir le prologue du présent tome et sur l’histoire du ministère des Finances : Agnès D’Angio-Barros et Fabien Cardoni, « Du Louvre à Bercy, le ministère des Finances en ses hôtels et ses palais », dans Béatrice de Andia, Guy Berger et Hervé Robert (dir.), Paris, lieux de pouvoir, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, 2006, p. 129-138.
Auteur
Chercheur associé au laboratoire du CNRS Institutions et dynamiques historiques de l’économie, ses recherches portent notamment sur l’histoire des finances publiques aux xixe et xxe siècles. Il a récemment codirigé avec Antoine Savoye Frédéric Le Play, Parcours, audience, héritage (Paris, Presses de l’École des mines, 2007) et va publier en 2008 aux Presses universitaires de Rennes La garde républicaine d’une République à l’autre (1848-1871).
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1997
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (I)
Dictionnaire biographique 1790-1814
Guy Antonetti
2007
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II)
Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
2007
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
2012
Wilfrid Baumgartner
Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
Olivier Feiertag
2006