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L’expérience française des budgets de programme et ses enseignements

p. 203-226


Texte intégral

1Avec la volonté de redonner plus de pouvoirs au Parlement dans le processus budgétaire, l’objectif d’une nouvelle budgétisation par les résultats et non par les moyens est la seconde matrice de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF)1. Celle-ci a ce faisant été présentée comme une profonde réforme des finances de l’État, attendue depuis longtemps2.

2Qui dit nouveauté dit rupture ou au moins importante évolution. En restant sur le second objectif de la budgétisation par les résultats, l’innovation est-elle réelle ou constitue-t-elle plutôt un effet d’annonce ? En y regardant de plus près, il faut faire preuve de retenue quant à un supposé changement radical, car cette volonté existait déjà dès les années 1960 à travers la rationalisation des choix budgétaires (RCB), présentée comme une « recherche scientifique et extensive de tous les procédures et méthodes qui permettraient d’améliorer la pertinence, la cohérence et l’efficacité des décisions publiques, pourvues de moyens budgétaires, ou dont l’effet aurait sa trace dans le budget »3. Faisant suite aux expériences menées au sein de différentes administrations4, la démarche d’analyse des coûts budgétaires trouve en la RCB une première formalisation d’ampleur ; elle « fut, au cours des années 1960 et 1970, le thème dominant en matière de gestion et de programmation budgétaires »5. Sans entrer dans les détails à ce stade, la parenté avec la LOLF paraît évidente sur cette idée centrale d’une budgétisation par programme6.

3Le plus important pour notre sujet est de retenir le lien évident entre RCB et budgets de programmes. En effet, la RCB se caractérisait par trois types d’activités interdépendantes :

  • des études analytiques éclairant la décision ;

  • des documents permettant de relier les objectifs des administrations et les moyens dont elles disposent : c’est la budgétisation par programmes ;

  • des méthodes modernes de contrôle et de gestion des services (pour l’exécution des décisions et le contrôle des réalisations).

4Les budgets de programmes sont donc en quelque sorte la matérialisation de la RCB ; certains auteurs ont pu retenir qu’il s’agissait de la « technique centrale de la RCB »7.

5Au sujet de la RCB et des budgets de programmes, la doctrine a été et reste critique, tout en commettant certaines imprécisions8, ce qui se démontre de trois manières au plan historique.

6D’abord et avant la LOLF, la doctrine y faisait certes référence, mais de manière assez succincte et souvent négative9. Ainsi, Paul-Marie Gaudemet et Joël Molinier parlaient de la RCB comme ayant été une « mode » n’ayant connu qu’un « succès passager »10. À ce titre, il faut souligner que les études techniques consacrées à ce thème ont été importantes dès le tout début des années 197011, mais elles se sont taries à la fin de la décennie suivante à mesure que l’échec pratique se confirmait. Ensuite et au moment des débats sur la LOLF, la référence à la RCB a été faite en tant qu’échec. Il s’agissait essentiellement de démontrer que la LOLF allait s’en démarquer en se servant des erreurs passées, mais le plus souvent sans entrer dans le détail de ce que fut cette expérience12. Enfin et depuis 2001, la doctrine questionne les résultats de la LOLF13, sans toutefois que ceux-ci soient interrogés eu égard aux échecs passés (et supposés) de la RCB.

7Ce faisant, il est intéressant d’étudier ces budgets de programmes pour deux raisons principales. D’abord pour déterminer concrètement, tant quantitativement que qualitativement, ce qu’ils contenaient, comment ils étaient présentés, avec quelle fréquence, quels effets ils ont produit14. Il s’agit de faire une sorte d’état des lieux, une photographie de la situation entre 1968 (début de la RCB15) et 1996, date officielle de la disparition de ces documents. Mais il convient également d’interroger, in fine, la soi-disant nouveauté et le possible succès de la LOLF et de sa budgétisation sous la forme, justement, de programmes.

8Si l’un ou l’autre de ces deux aspects a déjà été traité par la doctrine, la jonction des deux l’a beaucoup moins été. C’est d’autant plus regrettable compte tenu d’une LOLF maintenant implantée dont on peut confronter certains résultats à l’expérience des budgets de programmes. Il faut également souligner au titre des questions de méthode que cette recherche se base non seulement sur la doctrine, mais aussi et surtout sur les documents ministériels, et en particulier ceux du ministère des Finances et du Budget à partir de la toute fin des années 1960. Il s’agit donc d’utiliser ces documents pour les présenter, tout en synthétisant compte tenu de la masse disponible. Cette quantité atteste en tout cas d’une démarche qui a connu des résultats patents, méritant à ce titre d’être étudiée en détail.

9Il est justement possible d’avancer sur ces sujets autour de deux idées. Il apparaît d’abord que la démarche des budgets de programmes a connu de réels résultats en termes de production documentaire. Toutefois, en y regardant de plus près, ce certain succès formel très vite laissé place à un échec matériel certain.

Un certain succès formel

10Il faut en premier lieu étudier les raisons qui expliquent ce succès apparent, avant d’exposer quelles ont été les importantes réalisations en termes de budgets de programmes.

Les raisons du succès

11Elles sont au nombre de deux. Tout d’abord ces documents ont été élaborés avec une finalité identique et ambitieuse, ce qui a nécessité la mise au point d’une méthode uniformisée.

Une finalité identique et ambitieuse

12Voici comment les objectifs des budgets de programmes ont été présentés au séminaire de Vaucresson des 14 et 15 décembre 197216. D’abord, mieux éclairer la prise de décision qui porterait non seulement sur le niveau des moyens, mais également sur les objectifs poursuivis ; ensuite, accroître la cohérence des décisions budgétaires et assurer un meilleur contrôle de l’efficacité de la dépense par des relations plus satisfaisantes entre les objectifs poursuivis, les actions entreprises et les moyens qui leur sont affectés ; enfin, améliorer la gestion interne des services administratifs par l’organisation des responsabilités et l’évaluation des résultats et des coûts de chaque activité.

13En détail, il s’agissait donc d’expliciter les objectifs de l’action publique, d’organiser et d’affecter les moyens correspondants, de contrôler cette action publique, de faire une projection pluriannuelle. En synthèse, le budget de programmes visait à « identifier dans chaque administration, quels programmes fournissent quelles réalisations pour satisfaire quels objectifs à quels délais, à l’aide de quels services mettant en œuvre quels moyens financés comment »17.

14Pour mettre en œuvre ces finalités rappelant le cadre de la RCB18, une méthode harmonisée va être mise en place.

Une méthode uniformisée

15Au début, les quelques ministères concernés (avant tout ceux de la Défense et de l’Équipement /Logement19) réfléchissaient chacun de leur côté à titre expérimental. La Commission interministérielle RCB, mise en place en novembre 1970, et le comité de liaison interministériel pour la formation RCB (Colifor), mis en place le 23 juin 1971, sont venus donner une approche globale et unitaire pour renforcer et coordonner le développement des actions entre les cellules RCB des différents ministères. Puisque « le budget de programmes repose sur une structure de programmes que viennent renseigner d’une part des analyses économiques sur les coûts, d’autre part des indicateurs de résultats constatés et prévus »20, trois dimensions sont fondamentales21 : les structures (surtout celle de programmes), les coûts, et les indicateurs.

Les structures de programmes et les autres structures

16Au sein de l’Administration, les théoriciens de la RCB identifient deux types de programmes : les programmes finalisés et les programmes d’action. Les premiers sont « construits autour d’un objectif final à la satisfaction duquel concourent un ou plusieurs organismes administratifs »22, alors que les seconds sont « élaborés autour d’un centre de responsabilité situé à l’intérieur d’une seule administration23 ». Appliqué à la stratégie des budgets de programmes, « comme ce sont des Ministères que le budget de l’État doit doter (...) ; il s’ensuit qu’un budget de programmes sera un budget établi par programmes d’action »24. Ces derniers sont définis comme « une combinaison cohérente de moyens confiés au responsable d’une activité donnée en vue d’obtenir un volume donné de réalisation »25. La structure de programmes d’une administration qui en découle est une « liste ordonnée (de ses programmes) établie de manière à couvrir sans omission ni double emploi l’ensemble de ses dotations budgétaires, de ses services, (et) de ses activités »26.

17Il existe trois types de programmes d’action :

  • d’abord, les programmes de réalisation : l’État est le maître d’ouvrage et cela aboutit à un produit final, comme par exemple la construction d’une route ;

  • ensuite, les programmes d’intervention : l’État participe à des programmes sous des formes financières ou réglementaires mais le programme est réalisé pour une autre personne ;

  • enfin, le programmes de soutien : les activités du programme sont destinées à permettre le fonctionnement interne de l’administration, en particulier la gestion du personnel.

18L’idée est de regrouper ces programmes d’action par sous-domaines (groupes de programmes) et domaines. Ainsi, pour le ministère des Transports, on dénombre en 1974 environ cent programmes (d’action), trente sous-domaines et quatre domaines (transports terrestres, marine marchande, aviation civile et une section commune)27.

19Il faut souligner que, dès le départ, l’approche des structures de programmes a plutôt été ascendante28 que descendante (sauf pour la Défense), et ce pour préserver la tradition administrative française. Autrement dit, la structure de programmes a été définie à partir de l’organisation déjà en place : la démarche met (au moins au début) l’accent sur les situations existantes, pas sur les finalités de l’action publique (fixation d’objectifs précis à atteindre), ce qui aurait eu pour conséquences potentielles une remise en cause de toute l’organisation administrative étatique. Tout en prenant soin à ne pas faire d’anachronisme, il semble possible de dire que, si la RCB pouvait en théorie contenir une logique d’évaluation ex post (objectifs – réalisations), ses caractéristiques concrètes la cantonnaient dès le départ à une ambition moindre ou à tout le moins différente.

20Outre la structure de programmes, les budgets de programmes reposent sur six autres structures interdépendantes29 :

  • la liste des réalisations ;

  • la liste des objectifs ;

  • la structure d’organisation des services ;

  • la nomenclature du budget de l’État ;

  • la liste des moyens mis en œuvre ;

  • le temps (horizon de programmation).

21Ces sept structures peuvent être croisées deux à deux pour former des tableaux matriciels, qui explicitent la répartition des crédits budgétaires et les diverses significations de leur usage30. Cinq d’entre eux sont centraux :

  • objectifs-programmes (quels programmes contribuent à quels objectifs ?) ;

  • programmes-organisations (quels services participent à quels programmes ?) ;

  • programmes-budget (quel est le financement budgétaire des programmes ? Cela permet un passage de la nomenclature du budget de programmes à la nomenclature juridique de l’ordonnance de 1959 par chapitres et articles31) ;

  • programmes-réalisations (quelles sont les réalisations des différents programmes ?) ;

  • programmes-moyens (quels sont les moyens mis à disposition de chaque programme ?)32.

22Ce sont l’ensemble de ces données qui doivent donner toute leur portée aux budgets de programmes ; mais encore faut-il apporter des éléments concernant les coûts et les indicateurs indispensables aux structures.

Les coûts

23L’évaluation est essentielle puisque « l’objet d’un budget de programmes est de chiffrer, le plus complètement possible, l’effort financier consenti par la collectivité pour obtenir un résultat déterminé »33. En pratique, le coût d’un programme doit essentiellement comprendre les éléments suivants : « les dépenses budgétaires affectées directement au programme intéressé ; une partie des dépenses indivises relevant du budget des charges communes, la facturation des produits et services que des administrations échangent entre elles, ou encore les financements autres que celui de l’État qui concourent à la réalisation du programme considéré (contribution des collectivités locales, voire financements privés) (...) »34.

Les indicateurs

24C’est « un renseignement chiffré, qui est destiné, dans le cadre des budgets de programmes, à caractériser un programme, à suivre son exécution, à le gérer »35. Ils sont centraux pour faire « vivre » chacun des programmes identifiés, en particulier dans le cadre de l’évaluation de la réalisation des objectifs inhérents aux programmes36. Ils sont de deux sortes37 :

  • ceux de moyens (personnels, biens et services de fonctionnement et immobilisations utilisés « à l’entrée » par les administrations) ;

  • ceux de résultat (renseignements chiffrés adaptés à la nature des « sorties » des programmes). Ces indicateurs sont plus facilement identifiables pour les programmes de réalisation et de soutien, mais moins pour ceux d’intervention puisque le programme est réalisé par une autre personne.

25Les indicateurs de résultats sont eux-mêmes multiples et peuvent être regroupés en deux catégories :

  • d’abord ceux de réalisation (ils mesurent les quantités ou les niveaux atteints en termes de produits physiques ou de prestations de services réalisées par l’administration ou avec son concours dans le cadre des programmes) ;

  • ensuite ceux d’impact (ils mesurent les degrés de réalisation des objectifs formulés au niveau final de la satisfaction collective poursuivie).

26Exemple pour le ministère des Transports :

  • indicateur de réalisation : nombre de kilomètres d’autoroute mis en service au cours de l’année ;

  • indicateur d’impact associé au programme de sécurité routière : nombre de morts rapporté au volume de la circulation routière.

27C’est l’ensemble de ces informations qui est susceptible, aux yeux des concepteurs des budgets de programmes, de leur donner tout leur sens pour atteindre les objectifs évoqués plus haut. Au final, les promoteurs envisagent leurs utilisations dans la préparation et la négociation budgétaires, dans la discussion parlementaire et dans la gestion et le contrôle quotidiens de l’Administration38. Il y a donc un grand espoir placé en eux ; espoir que les réalisations semblent avoir concrétisées.

Les preuves du succès

28Il n’est pas possible de prétendre faire un compte rendu exhaustif des milliers de pages que constituent l’ensemble des budgets de programmes. Il s’agira de donner certaines orientations. Pour cela, il faut prendre en compte le nombre croissant et le contenu substantiel de ces documents.

Un nombre croissant39

29En termes de résultats quantitatifs, deux périodes peuvent être distinguées. Celle « des pionniers », entre la fin des années 1960 et 1975, puis celle de la généralisation après 1975.

Le démarrage : fin des années 1960 jusqu’en 1975

30Certains ministères ont commencé à réfléchir et agir dès la fin des années 1960 ou le tout début des années 1970. Le ministère de la Défense est à part car, dans la continuité de l’inspiration « militaire » du PPBS américain40 ; il a réfléchi dès la seconde moitié des années 1960 à ces questions.

31Pour faire le point, il faut différencier entre les budgets de programmes qui apparaissent pour la première fois, au sein des projets de lois de finances pour 1973 et 1974, dans les documents budgétaires adressés aux parlementaires comme « blancs budgétaires », de ceux qui existaient déjà avant dans certains ministères. Les budgets de programmes qui sont considérés dans les décomptes de la doctrine correspondent le plus souvent aux premiers, i.e. aux blancs budgétaires. Or, certains budgets de programmes ont été élaborés dès le tout début des années 1970 sans apparaître dans les blancs. Pour ne pas altérer la réalité41, il faut donc convenir que l’expérience concrète des budgets de programmes commence en fait dès la toute fin de la décennie 1960 et non quelques années plus tard, même si c’est au début encore limité en nombre de ministères et en termes d’approfondissements de la méthode. Les budgets de programmes ont en quelque sorte précédé le lancement officiel de la RCB dont ils sont au cœur.

32En pratique, il y a deux sous-séquences dans la période.

33Les deux premiers ministères à avoir avancé sur ces sujets sont, d’une part, celui de l’Équipement et du Logement42 (décembre 1970) et, d’autre part, celui de la Défense (dès la fin des années 1960). Par la suite (1971-1973) suivront l’Éducation Nationale et les Transports ; qui feront aussi des études rétrospectives lorsque cela n’avait pas été fait auparavant. Si elles n’apparaissent pas dans les blancs budgétaires, ces premières avancées sont essentielles car elles constituent les signes tangibles d’un mouvement d’ensemble, tout en précédant de peu le premier « vrai blanc » (celui du ministère de l’Équipement et du Logement) qui sera présenté au Parlement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 1973. Puis le nombre de budgets de programmes comme blancs budgétaires augmente dès le projet de loi de finances pour 1974 avec logiquement les quatre ministères déjà évoqués : Défense, Équipement/Logement, Éducation Nationale et Transports. Ce faisant, si l’année 1974 marque le début du processus de généralisation des blancs budgétaires, certaines avancées sont antérieures.

La généralisation à partir de 1975

34L’amplification du mouvement découle de la décision prise en Commission RCB début 1975 de généraliser les budgets de programmes43, avec pour objectif l’année 1978. Ainsi, dès le projet de loi de finances pour 1976, s’ajoutent aux quatre ministères précédents ceux de la Santé, de l’Agriculture, de la Culture, du Travail, des Universités et des Sports ; pour un total de dix blancs. Il y a là une rapide accélération qui ne va pas se démentir. Le projet de loi de finances pour 1978 marque une nouvelle avancée importante avec une quinzaine de ministères (et pour la première fois des domaines régaliens comme la Justice ou l’Intérieur). À cette date la question n’est donc plus de savoir qui présente un budget de programmes, mais plutôt qui n’en présente pas (encore). Dès les lois de finances pour 1979 et 1980, ce sont quasiment tous les ministères qui se dotent de blancs budgétaires. On est alors autour de vingt, si bien que l’on peut considérer à cette date que tous les ministères ou presque se sont dotés de budgets de programmes présentés au Parlement44. Cela étant dit sur la quantité, qu’en est-il maintenant de la qualité et donc du contenu ?

Un contenu substantiel

35L’idée n’est pas de faire un (impossible) compte rendu exhaustif, mais de donner quelques idées générales et exemples.

Généralités

36Il est possible de se référer au commentaire de Robert Poinsard : « si l’on raisonne sur le projet de budget pour 1984 préparé en 1983, les blancs réalisés détaillent en 91 domaines et 395 groupes de programmes une masse de crédit dépassant 850 milliards de francs, à comparer à un total des opérations définitives de l’État prévu aux alentours de 939 milliards. En outre, 3 300 pages d’information sont ainsi mises à la disposition des élus de la nation et plus généralement du public. Pour chaque groupe de programmes sont fournis : un descriptif, l’énoncé des orientations retenues, un tableau d’indicateurs, une fiche financière (sur 3 années consécutives) et des informations complémentaires. Les tableaux d’indicateurs contiennent quelques 4 100 séries chronologiques présentées, selon les cas, sur 3, 4 ou 5 années consécutives. Parmi eux figurent 1 300 indicateurs de moyens, 370 indicateurs de résultats (…). Les informations complémentaires, quant à elles, décrivent le fonctionnement du système socio-économique concerné sous forme de tableaux de chiffes, de graphiques et de schémas ; elles précisent la répartition territoriale de l’action à l’aide de cartes (190 au total) »45. Compte tenu de tous les chiffres énoncés, il y a dans cette longue citation une concrétisation explicite des espoirs placés dans les budgets de programmes.

Détails

37Pour une vision concrète et plus précise dans certains ministères, deux d’entre eux et deux périodes ont été choisis :

38Le premier exemple est celui du ministère des Transports pour 1974. Après une note de méthode qui synthétise les principes évoqués plus haut, voilà comment est « découpée » l’activité du ministère (c’est donc là sa structure de programmes). Il y a quatre domaines : les transports terrestres, l’aviation civile, la marine marchande, auxquels est ajoutée une section commune. Chacun de ces domaines, hormis la section commune, regroupe plusieurs groupes de programmes (entre sept et douze chacun). Par exemple, pour le domaine de la marine marchande, il y a sept groupes : l’administration générale, les polices maritimes, les gens de mer, les pêches maritimes et cultures marines, la flotte de commerce, l’équipement naval et, enfin, la protection de l’environnement marin. Chaque domaine d’activité comprend :

  • parfois un plan d’action exposant la politique générale poursuivie (tableau objectifs-programmes) ;

  • des tableaux financiers comparant les moyens par groupes de programmes (tableau programmes-moyens) ;

  • un tableau de passage de la présentation traditionnelle de la loi de finances à la présentation des budgets de programmes (tableau programmes-budget).

39À l’intérieur de chaque domaine et pour chaque groupe de programmes sont présentés :

  • d’abord (et le plus souvent) un tableau de croisement objectifs-programmes ;

  • puis des indicateurs (le plus souvent de réalisation) : tableau programmes-­réalisations ;

  • ensuite, le coût desdits programmes (tableau programmes-moyens) ;

  • et enfin des illustrations sous formes de schémas et cartes.

40Le second exemple est le budget de programmes du ministère des Affaires sociales pour 1983, pour donner cette fois l’exemple d’un document plus « mûr » compte tenu de l’expérience acquise. Il y a six domaines regroupant différents groupes de programmes. Ces six domaines concernent des interventions en matière de santé, en matière sociale, en faveur de la population et des migrations, en matière de travail et d’emploi, concernant les services extérieurs et action diverses et, enfin, l’administration générale. De manière plus précise ensuite, et comme ce qui a été vu pour les transports, des informations très proches apparaissent concernant les domaines et groupes de programmes à travers les différents tableaux matriciels programmes-objectifs, programmes-moyens…

41En ce sens, les situations se ressemblent entre ministères et mettent en œuvre la méthode ambitieuse évoquée précédemment. Dès lors, au début des années 1980, les budgets de programmes connaissant a priori un succès concret qui semble ne pas se démentir46. Toutefois, il faut voir au-delà et, en analysant ces documents, comprendre que certains défauts intrinsèques minaient depuis longtemps le dispositif. En fait le succès décrit ci-dessus fut essentiellement formel, en volume, car, dans le fond, les problèmes existaient depuis le début.

Un échec matériel certain

42L’abandon officiel de la RCB en 1985 marque une date susceptible de constituer un tournant dans la destinée des budgets de programmes. Les réalisations ne corroborent pourtant pas cette hypothèse, puisque leur développement est constant durant les années 1980 et ne se dément pas, même après 1985. C’est plutôt au début des années 1990 qu’ils connaissent un déclin quantitatif progressif47, qui va rapidement s’aggraver jusqu’à leur disparition définitive en 1996.

43Il faut en déduire que l’étude de l’éventuel succès ou échec des budgets de programmes par des aspects quantitatifs n’est pas réellement pertinente. En réalité, de nombreux problèmes existaient qualitativement dès le départ, dilemmes qui furent rapidement perçus48. Pour comprendre cet échec, il faut d’abord en étudier concrètement les caractéristiques, pour ensuite en tirer des leçons pour le contexte actuel d’application de la LOLF.

Les caractéristiques de l’échec

44Les défauts apparents des budgets de programmes expliquent en grande partie leur non-utilisation.

Les défauts apparents des budgets de programmes

45Il est difficile de généraliser car les budgets de programmes présentés sont très nombreux et s’étalent sur plus de vingt ans. On peut toutefois tirer trois éléments de leur lecture49 ainsi que des critiques de la doctrine50.

Le caractère imprécis des programmes

46Les programmes sont regroupés selon des agrégations générales (par domaines et sous-domaines) mais, le plus souvent, les analyses des programmes d’action ne figurent pas dans les blancs adressés aux parlementaires. Or, ces programmes sont à la base des budgets de programmes et de leurs structures. Comment ainsi évaluer la performance de l’action publique si cette action n’est pas précise et précisée ? De même, la notion d’objectif consubstantielle aux programmes est peu explicitée et détaillée, en tout cas sous forme de buts quantifiés à atteindre dans un délai donné. Il en découle que les réalisations ne peuvent être rapprochées des prévisions. Comme évoqué précédemment51, cela démontre que l’évaluation ex post, qu’elle ait ou non été pensée comme sous-jacente à la RCB, était à la base impossible. À ce titre, la loi de règlement, ainsi que les lois de finances rectificatives, ne faisaient pas référence aux blancs, ce qui marquait l’absence d’effectivité du dispositif dans le processus budgétaire.

47Dans la continuité et bien que de façon plus accessoire, il y a aussi certains problèmes de lecture liés aux modifications des périmètres ministériels ou encore des domaines d’intervention de ces derniers. Ainsi, pour le ministère des Transports, entre 1974 et 1988, voilà comment ses domaines évoluent :

Année

1974

1982

1988

Section commune

Actions horizontales

Transports terrestres

Transports intérieurs

Transports terrestres

Aviation civile

Aviation civile

Aviation civile

Marine marchande

Météorologie

Météorologie

48Ainsi, la météorologie figurait avec l’aviation civile en 1974, puis elle devient autonome en 1982 ; a contrario, la marine marchande, seule en 1974, est intégrée et surtout largement dépouillée par la suite. Il s’agit, certes, plus d’un changement de rattachement des groupes de programmes ; toutefois, certains groupes disparaissent parfois (ainsi en est-il de la marine marchande). In fine c’est mettre à jour un problème dans la continuité des budgets de programmes.

Une sous-utilisation du calcul des coûts

49Seuls certains ministères annexent à leurs budgets de programmes un tableau (structure programmes-budget) de passage de la nomenclature juridique de l’ordonnance de 1959 à celle de programmes ; à défaut, la visibilité financière est amoindrie dans la mesure où c’est la première qui était l’objet du vote parlementaire. Par ailleurs et peut-être surtout, les chiffres qui apparaissent relativement aux années précédentes sont presque toujours ceux des budgets votés et non pas ceux de la loi de règlement52. Encore une fois, cela ne pouvait que miner la portée pratique de l’instrument.

Des indicateurs peu présents

50Les indicateurs, en théorie diversifiés, sont en pratique souvent insuffisants et fréquemment absents53. Ainsi « le “blanc” des “Affaires sociales et emploi” pour 1988 comprenait 28 groupes de programmes, mais aucun indicateur n’était indiqué pour 13 groupes ; (de plus) 12 autres groupes mentionnaient des données statistiques qui n’étaient pas présentées comme des indicateurs de moyens ou de résultats ; ceux-ci n’étaient fournis que pour trois groupes ; (enfin) aucun indicateur d’impact ou d’environnement n’avait été défini »54.

51Ensuite, la définition de ces indicateurs est souvent imprécise et ambiguë. Par exemple, un même fait social peut être décrit dans une rubrique « impact » ou dans une rubrique « réalisation ». Ainsi, dans le blanc de la Culture, les spectateurs qui se rendent dans les théâtres sont des indicateurs d’impact du groupe de programmes « théâtre-création et diffusion », alors que le public des maisons de la culture, où sont données aussi des représentations théâtrales, est un des indicateurs de réalisation du groupe de programmes « action culturelles ». Dans d’autres situations encore, des chiffres présentés comme indicateurs sont peu significatifs des résultats que l’on cherche à mesurer. Par exemple, pour l’Enseignement, les chiffres se réfèrent généralement à une moyenne nationale alors que les disparités géographiques selon les académies, par exemple pour le taux ou le niveau d’encadrement des élèves par les enseignants, sont en elles-mêmes un problème important. De même et pour en revenir à la culture, un chiffre unique sur la fréquentation des concerts et des musées ne peut rendre compte des progrès réalisés, ou non, vers la réduction des inégalités dans la participation des Français aux activités culturelles55. Évidemment tous ces problèmes techniques ont gravement nuit à l’utilisation de l’instrument.

Les conséquences : la non‑utilisation des budgets de programmes

52Sans nier les difficultés liées au contexte économique à partir des années 1970, celui d’un amoindrissement de la marge de manœuvre budgétaire, ce sont surtout les problèmes qui précèdent qui ont eu pour effet d’altérer le sens et donc l’utilisation des budgets de programmes au plan budgétaire, tant dans la préparation administrative que dans la discussion parlementaire.

Au niveau administratif

53Une des principales spécificités des budgets de programmes, à savoir la liaison entre les moyens et les effets des actions publiques, n’étant que très incomplètement mise en œuvre, ces documents n’ont pas modifié les conditions de préparation du budget des ministères, ceux-ci ayant toujours été élaborés et discutés par nature de dépenses. Certains promoteurs de la réforme attestent, dès le début de la seconde moitié des années 1970, d’une certaine perplexité des cellules RCB des ministères devant le peu d’effets de leurs investissements en termes de budgets de programmes56. Dans la continuité, une longue note de la direction de la Prévision de juin 1981 témoigne de cet échec. Si les réalisations formelles sont nombreuses, les résultats en termes concrets sont presque nuls : « Les budgets de programmes ne sont que faiblement mis à contribution dans la préparation du budget – jamais dans les négociations budgétaires, exceptionnellement dans les arbitrages à l’intérieur des ministères – et dans la gestion des services »57. En pratique, les budgets de programmes inhérents à la RCB ont connu un double échec : d’abord budgétaire, puisqu’ils n’ont pas permis de faire des économies, mais également gestionnaire, car ils n’ont pas non plus changé les mentalités en n’entrainant pas d’évolutions en termes de management. Ils étaient dès lors tout au plus informatifs.

Au niveau parlementaire

54À ce niveau, même cette fonction d’information, largement en-deçà des espérances du début, a été très limitée et a alimenté le scepticisme du législateur. Il faut constater que les budgets de programmes sous la forme de blancs budgétaires arrivaient la plupart du temps après les débats parlementaires sur les projets de lois de finances concernés. Par exemple, en février 1989, « l’Assemblée nationale n’avait encore reçu, pour le budget de 1989 voté fin 1988, que 17 blancs sur les 26 annoncés »58. Cinq d’entre eux seulement étaient parvenus avant l’examen du budget correspondant en séance publique. Et encore, l’arrivée du budget de programmes ne précédait-elle la séance publique que d’un à trois jours pour quatre de ces cinq blancs59. D’ailleurs, lorsque l’on consulte les comptes rendus des séances publiques de l’Assemblée, ces blancs ne sont quasiment jamais évoqués60. Il en est de même en amont dans le travail des commissions des finances61.

55Si les promoteurs des budgets de programmes avaient conscience de ces dilemmes62, ces outils ont clairement échoué dans leurs fonctions envisagées (instruments de préparation des décisions publiques, d’amélioration de la gestion et du contrôle, et parlementaire). Il reste à essayer d’en synthétiser les raisons sous-jacentes, afin d’en tirer des perspectives et leçons pour la LOLF.

Les leçons de l’échec

56Elles sont à tirer en deux temps à partir des caractéristiques ci-dessus évoquées. La LOLF, si elle semble avoir répondu à certains défauts des budgets de programmes, surtout au niveau technique, n’en reste pas moins soumise à d’autres difficultés d’ordre plus conceptuel.

Les obstacles franchis par la LOLF

57Il faut d’abord souligner que la LOLF répond à certains pièges de la RCB.

Quelques écueils aux budgets de programmes

58Un obstacle primordial fut dès le départ l’impossibilité de fixer et de tester concrètement des objectifs. Puisque c’est avant tout la méthode ascendante qui a été suivie, on a surtout voulu décrire et présenter d’une façon nouvelle la réalité existante. C’est donc la mécanique interne du programme qui a été mise en valeur plutôt que la finalité qu’il avait à remplir au sein de la société63. En résumé, il s’agissait essentiellement d’une présentation ex ante, non d’une évaluation ex post au travers d’objectifs fixés a priori et évalués a posteriori. Un autre problème lié a été celui du principe de la double commande (lié à la structure programmes / budget), qui a alourdi le processus, générant notamment les retards dans la présentation des budgets de programmes et donc leur non-utilisation. C’était poser la question de la réforme de l’ordonnance de 1959, texte qui compliquait sérieusement le déploiement de la logique de la RCB. De même encore, l’insuffisance des systèmes d’information sur les résultats des programmes et sur leurs coûts64, ainsi qu’une pluriannualité limitée65, ont constitué de graves manques.

Les avancées

59La LOFL a d’abord généré une nouvelle gestion des finances publiques par objectifs. Ceci, nous l’avons vu, étant déjà présents dans la RCB66. Toutefois, la LOLF innove en ce que cette logique souhaite s’inscrire dorénavant dans les processus de décision budgétaire, tant administratifs que parlementaires, puisque le principe de la double commande n’existe plus. La démarche descendante, sans annuler son versant ascendant, semble donc prendre une place substantielle, ce qui marque, au moins dans les textes, une réelle évolution par rapport aux budgets de programmes. Cette nouvelle logique de performance / d’évaluation se fonde en particulier sur deux types de documents qui sont obligatoires de par la loi organique :

  • des projets annuels de performance (PAP) dans la loi de finances initiale ;

  • des rapports annuels de performance (RAP) dans la loi de règlement.

60Le principe de l’évaluation a plus généralement fait des progrès, notamment depuis la réforme constitutionnelle de l’été 2008 qui a introduit dans la Constitution (art. 47-2) l’assistance de la Cour des comptes, pour le Parlement et le gouvernement, dans « l’évaluation des politiques publiques » ; ou encore la nécessité, pour le Parlement, de réserver une semaine sur quatre de son travail à cette mission (art. 48)67. L’évaluation de l’action publique parait donc gagner du terrain dans les administrations et au Parlement68, particulièrement compte tenu du large accord politique et institutionnel au cœur de la LOLF. Si ce n’est pas là une garantie de sa réussite, d’autant plus que la RCB a pu prospérer sur le fondement d’un « simple décret », cela contraste tout de même encore avec sa devancière qui était d’origine strictement gouvernementale. Cette valeur juridique bien supérieure de la LOLF par rapport à la RCB constitue un autre élément probant de différenciation.

61Le changement est d’autant plus important que la logique de la LOLF a été étendue aux lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) avec la réforme de 2005. Sur le modèle des PAP et des RAP permettant, à la différence des budgets de programmes, de fixer puis d’évaluer la réalisation des objectifs, les LFSS ont mis en place les programmes de qualité et d’efficience (PQE) susceptibles d’accomplir le même travail. La réforme du décret de 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, par un autre décret du 7 novembre 2012, marque encore des approfondissements dans la volonté d’accroître la logique de performance dans le travail administratif69. Il convient encore d’ajouter que la pluriannualité, absente dans la pratique de la RCB bien qu’intrinsèque à la gestion par les objectifs, a depuis connu des développements importants, en particulier au travers des lois de programmation des finances publiques inscrites en 2008 à l’article 34 de la Constitution, et réformées par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. De la même façon, la LOLF a donné une liberté de gestion absente dans la RCB, ainsi qu’un système d’information beaucoup plus élaboré et uniformisé (CHORUS).

62Sans aller plus loin, les avancées de la LOLF semblent significatives en mettant fin à certains défauts des budgets de programmes. Toutefois, il ne faut pas faire preuve de trop d’optimisme. Certes la LOLF a modifié le contexte d’un point de vue d’abord technique (et théorique). En revanche, il reste toujours d’autres obstacles, surtout au plan conceptuel car inhérents à toute démarche visant à rationaliser les choix budgétaires en vue de la performance de l’action publique70.

Les obstacles persistants

63La doctrine actuelle a longuement étudié la situation de la LOLF71 ; la Cour des comptes y a aussi contribué72. Il s’agit ici d’apporter une pierre à cet édifice, plutôt circonspect et pessimiste73, à partir de l’échec des budgets de programmes.

64La première limite au succès de la LOLF, déjà présente dans les budgets de programmes, est administrative : les ministères et leurs services sont-ils prêts et formés à travailler selon la logique de performance, cette dernière modifiant profondément leur action et leur organisation ? Il ne faudrait pas que, sous couvert d’appliquer la réforme, certaines pratiques anciennes perdurent. La LOLF implique en effet une redéfinition de l’organisation administrative qui n’est pas simple à mettre en œuvre (notamment aux niveaux déconcentrés74). Comme le soulignait déjà Paul Amselek à propos de la RCB75, le problème de fond est que la logique de performance impliquerait, dans l’absolu, de reconstruire toute l’administration à partir de zéro.

65La deuxième est d’origine parlementaire : les chambres vont-elles évaluer l’action gouvernementale en utilisant les nouveaux documents / instruments issus de la LOLF76 ? Autrement dit vont-elles être sensibles à la raison économique qui leur est traditionnellement assez étrangère ? Le recul n’est pas suffisant, mais Guy Carcassonne émettait la prédiction pessimiste suivante : « les parlementaires, s’ils ne sont pas plus motivés par l’évaluation qu’ils ne l’ont été jusqu’ici, renonceront trop volontiers à ces tâches pour retomber dans celles qui ont leur préférence ; faire des lois plutôt que de se demander si elles sont utiles, les adopter plutôt que les penser pour ensuite, se désoler de leur inefficience sans en chercher les causes »77. Didier Migaud retenait à ce sujet, il y a déjà dix ans, que « la vraie question n’est pas celle des moyens, car ce qui fait jusqu’à présent défaut, c’est la volonté clairement affirmée d’exercer un contrôle réel et permanent de l’action du gouvernement. On ne rappellera jamais assez que les parlementaires disposent d’une panoplie d’instruments et de moyens de contrôle. Certains sont anciens mais ont été confortés par la LOLF »78. Si certaines évolutions récentes autour du « printemps de l’évaluation » à l’Assemblée nationale depuis 2018 peuvent faire espérer un changement79, celui-ci ne doit pas être exagéré dans une pratique de la Ve République qui restreint le contrôle parlementaire sur le gouvernement80.

66La troisième limite est sûrement la plus fondamentale en ce qu’elle recouvre les autres : elle interroge la possibilité même de mesurer l’efficacité et la performance des politiques publiques81, et donc de mener une politique par les objectifs. Ainsi, tout est-il quantifiable et évaluable en fonction d’indicateurs ? En particulier, comment juger de la rationalité d’une mesure quand le facteur humain est un élément essentiel de la réussite ou de l’échec d’une politique ? Ce problème est ancien et est apparu très vite dans la RCB, par exemple pour la santé publique82 ou l’enseignement. De surcroît, il y a une part non négligeable des budgets (surtout les dépenses de personnels liées au statut de la fonction publique) qui semblent irréductibles à court terme aux logiques de performance. Enfin, la conjoncture nécessite des réactions rapides en fonction d’imprévus qui ne correspondent pas aux programmations « rationnelles », tout autant que la logique politique (campagne électorale) est fréquemment incompatible avec des objectifs fixés a priori83. En d’autres termes, et comme le relève avec une pointe d’ironie Sébastien Kott, c’est « bien la performance de la performance qui est questionnée »84, et l’on ajoutera qu’il s’agirait tout autant d’évaluer l’évaluation.

67Ces dilemmes sont très souvent repris dans les commentaires doctrinaux actuels85. Certains relèvent pour la LOLF des défauts semblables à ceux évoqués plus haut concernant les budgets de programmes : des indicateurs dissemblables d’une mission à l’autre, y compris lorsqu’elles poursuivent des finalités proches, des indicateurs qui ne sont pas tous renseignés ou qui changent trop, des indicateurs souvent rejetés par les gestionnaires publics86, etc. Dans ce cadre, la Commission des finances de l’Assemblée a repris le scepticisme quant à cette logique d’évaluation. Dès 2009 elle notait en effet que : « Pour l’heure, la construction d’un projet de loi de finances est d’abord une affaire de ventilation de crédits entre des programmes (…) ; en cela, la réforme a bel et bien renouvelé le paysage. Mais le lien entre les crédits et la performance reste très ténu – lorsqu’il existe (...). Le risque est donc réel – pour certaines missions du budget, il est en partie réalisé – que, dans le budget, la performance ne soit qu’une simple apparence construite pour communiquer plus efficacement à l’intention du Parlement et de quelques citoyens attentifs (…). La menace est double : défaut de contrôle démocratique, découragement des administrations »87.

Annexe

Tableau matriciel des structures88

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Issu de P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 110.

Notes de bas de page

1  Voir Alain Lambert, Rapport d’information au Sénat sur la réforme de l’ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances, n° 37, 19 octobre 2000, p. 11.

2  La doctrine a utilisé différents qualificatifs concernant la LOLF, le plus souvent celui de « nouveauté » (par exemple André Barilari et Michel Bouvier, La LOLF et la nouvelle gouvernance financière de l’État, Paris, LGDJ, 3e éd., 2010 ou Franck Mordacq (dir.), La LOLF : un nouveau cadre budgétaire pour réformer l’État, Paris, LGDJ, 2006.

3  Philippe Huet et Jacques Bravo, L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires, Paris, Presses universitaires de France, 1973, p. 5 (approfondie p. 55).

4  Voir supra partie I du présent volume.

5  Jean-Luc Albert, Finances publiques, Paris, Dalloz, 11e éd., 2019, p. 508.

6  Outre les ouvrages généraux de finances publiques souvent assez succincts en la matière, voir en détail sur ce lien : Bernard Perret, « De l’échec de la RCB à la LOLF », RFAP, n° 117, 2006, p. 31‑42.

7  P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 89.

8  A Lambert disait (op. cit., supra n. 1, p. 13) que « les budgets de programmes ont été mis en œuvre à partir de 1978 » ; J.L. Albert parlant quant à lui d’« à partir de 1973 », op. cit., supra n. 5, p. 508. Ces datations paraissent erronées puisque l’expérience est plus ancienne, voir infra partie I du présent article.

9  Pour une étude détaillée voir Alexis Quint, « L’échec de l’expérience française de RCB », Annales de l’École doctorale de Lille II, n° 4, 1996, p. 293‑379.

10  Paul-Marie Gaudemet et Joël Molinier, Finances publiques, Paris, Montchrestien, t. 1, 7e éd., 1996, p. 307.

11  La meilleure preuve se trouve dans les Bulletins interministériels pour la rationalisation des choix budgétaires (ci-après Bulletin RCB) mis en place en 1970 et synthétisant toutes les avancées ministérielles en la matière.

12  Dans son rapport (op. cit., supra n. 1), A. Lambert n’y consacre que deux pages, tout en remarquant que leur abandon fut « particulièrement regrettable », p. 15.

13  F. Mordacq, « Premier bilan de la LOLF 5 ans après sa mise en œuvre », RFFP, n° 116, 2011, p. 83‑110 ; Guillaume Chaffardon et Jean-François Joye, « La LOLF a dix ans : un rendez-vous (déjà) manqué ? », RDP, n° 2, 2012, p. 303‑332.

14  Il existe des études précises mais datées sur les budgets de programmes. Voir J. Bravo, « L’expérience française des budgets de programmes », Revue économique, vol. 24, n° 1, 1973, p. 1‑65 (présenté plus globalement dans le cadre de la RCB in P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra note 3) ; François Tissier et Philippe Kessler, Le budget de programmes : un instrument de « management » pour les administrations publiques, Paris, Berger-Levrault, 1973 ; ou encore Robert Poinsard, « Les budgets de programmes, quinze ans après », Économie & Prévision, 1985, n° 71, p. 23‑49.

15  Arrêté du 13 mai 1968, JO 15 mai 1968, p. 4863 ; étendue par la suite par un décret du Premier ministre du 25 novembre 1970 (JO 2 décembre 1970, p. 11012) créant la Commission interministérielle RCB.

16  Repris dans le Bulletin RCB, n° 12, 1973, p. 41‑45, p. 43. Voir aussi P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 97 et sqq. Cet ouvrage est intéressant car il synthétise les travaux de la Commission RCB souvent disséminés, notamment dans les différents Bulletins RCB depuis 1970.

17  P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 109.

18Supra introduction.

19  Ce qui explique que les premiers travaux scientifiques aient été proposés par des fonctionnaires de ces administrations (voir notamment les ouvrages cités supra n. 14).

20Bulletin RCB, n° 12, op. cit., p. 42.

21  Ces définitions viennent du Bulletin RCB, n° 10/11, 1972 (p. 11‑91), qui fait le point en particulier après la réunion de mai 1971 et le rapport soumis à la Commission RCB en mai 1972.

22  F. Tixier et P. Kessler, op. cit., supra n. 14, p. 52.

23Ibid.

24Ibid.

25Ibid., p. 50.

26  P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 99.

27  Pour les détails concrets voir infra.

28  Cela apparaît dès les premières réunions RCB. Voir par exemple dans le Bulletin RCB, n° 10/11, op. cit., p. 45‑46.

29  P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 109 et s. Voir aussi dans le Bulletin RCB, n° 10/11, op. cit., p. 26.

30  Voir infra Annexe 1.

31  Il y avait donc un système de double commande.

32  P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 110.

33Bulletin RCB, n° 10/11, op. cit., p. 14.

34Ibid.

35Ibid., p. 71.

36  En détail, ibid., p. 71 et sqq.

37  Les documents initiaux font parfois référence à d’autres indicateurs qualifiés de gestion (ils doivent permettre de comparer, en permanence, soit les moyens mis en œuvre aux résultats, soit les réalisations aux prévisions). Voir Commission RCB, Rapport de synthèse sur les budgets de programmes, 15 juin 1972, p. 21. On ne les retrouve toutefois pas par la suite dans la pratique. Sur les indicateurs d’environnement parfois également évoqués, voir la pratique infra en n. 53.

38  Voir P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 138 et sqq.

39  Les données proviennent du croisement entre deux sources. D’une part, celles synthétiques apparaissant dans les Bulletins RCB (à partir de 1970 dans les numéros annuels spéciaux) ; d’autre part, de la consultation des budgets de programmes eux-mêmes. Si l’on obtient (logiquement) des résultats très proches, il peut apparaître de légères différences.

40  En synthèse Gilbert Orsoni, Science et législation financières : budgets publics et lois de finances, Paris, Economica, 2005, p. 191‑201, p. 194‑195.

41  En pouvant faire penser que l’expérience des budgets de programmes commence avec la publication des blancs ; voir l’approximation de la doctrine mentionnée supra n. 8.

42  Voir la thèse de doctorat de sciences économiques de Didier Coustaury, « Le budget de programmes du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du Logement et du Tourisme (secteurs équipement et logement) », université Paris II, 1973 ; et l’étude de Wenceslas Baudrillart, « Le “budget de programmes” de l’équipement et du logement », AJDA, mars 1973, p. 116‑124.

43  Il n’y a jamais eu d’obligation législative à présenter ces documents. Ce fut une volonté de l’exécutif (voir supra n. 15).

44  Pour Hélène Strohl, Bernard Gournay et Georges Capdeboscq, le total atteint 26 en 1989 (quasiment tous les ministères), « Les budgets de programmes », RFFP, n° 26, 1989, p. 111‑123, p. 111.

45  R. Poinsard, op. cit., supra n. 14, p. 27‑28.

46  D’autant plus qu’ils n’ont jamais constitué une annexe obligatoire du projet de loi de finances puisque la RCB avait, il faut le répéter, une origine « seulement » décrétale, voir supra n. 15.

47  Les lois de finances pour 1992 et 1993 voient certains ministères abandonner le processus (l’Intérieur, la Santé, etc.).

48  Yves de Gaulle pose explicitement la question : « le budget de programmes a-t-il encore un avenir ? » dans le Bulletin RCB, n° 32, 1978, p. 51‑60. Une synthèse des problèmes apparait dans le document État d’avancement de la démarche budget de programmes dans certains départements ministériels, Bureau des Affaires financières du ministère de l’Industrie, Bulletin RCB, n° 44, 1981, p. 47‑51. Il faut noter que les formations et stages des années 1968-1975 ont par la suite été plus limités.

49  Surtout ceux postérieurs aux débuts balbutiants, i.e. après 1975.

50  Voir notamment R. Poinsard, op. cit., supra n. 14 et H. Strohl et al., op. cit., supra n. 44.

51  Voir supra n. 28 et le paragraphe concerné. Voir aussi B. Perret, « De l’échec de la RCB à la LOLF », op. cit., supra n. 6.

52  Exception notamment pour les ministères de l’Agriculture et de l’Économie.

53  Il faut ainsi remarquer que les indicateurs de gestion, un temps prévu pour permettre une véritable évaluation, sont absents (voir supra note 37). A contrario, on retrouve dans les budgets de programmes des indicateurs d’environnement (i.e. les facteurs externes agissant sur les programmes : environnement administratif, économique). Cela reflète l’idée que le budget de programmes vise surtout à décrire une situation existante.

54  H. Strohl et al., op. cit., supra n. 44, p. 117‑118. Les critiques sont en bonne partie inspirées de cette étude.

55Ibid.

56  Voir en particulier le procès-verbal d’une table ronde du 5 novembre 1976 entre les directions du Budget et de la Prévision avec les ministères de l’Agriculture, de la Défense, de l’Équipement, de la Santé et de l’Éducation. Sont soulignés les problèmes de liaison des budgets de programmes, avec les autres instruments budgétaires, avec la conjoncture, entre résultats passés et prévisions futures, entre administration centrale et services extérieurs, etc.

57  Direction de la Prévision, 9 juin 1981, p. 6.

58  H. Strohl et al., op. cit., supra n. 44, p. 120. Pour des résultats similaires pour 1985, Hervé Le Guern, Hervé Message et Alexandre Tessier, « Le contrôle parlementaire du budget de l’État. Le rôle de l’Assemblée nationale 1983-1987 », RFFP, n° 22, 1988, p. 195‑242, p. 237.

59Ibid.

60  Les comptes rendus des séances sur le site internet de l’Assemblée nationale l’attestent.

61  La consultation des archives de l’Assemblée nationale l’a confirmé.

62  Plusieurs notes tentent d’y remédier. Par exemple, un document commun daté du 1er septembre 1976 des directions du Budget et de la Prévision, intitulé « Note d’orientation sur les budgets de programmes », insiste sur la nécessité de développer des actions de formation sur cette méthode auprès des fonctionnaires de catégorie A (p. 5‑6).

63  Voir supra sur les conséquences pour les indicateurs.

64  Dans le Bulletin RCB, n° 10/11, op. cit., les auteurs relevaient déjà que « la première des tâches était de rechercher la condition d’un recueil et d’un traitement satisfaisants des coûts, et par conséquent de déterminer les méthodes comptables les plus propres à cet objet », p. 53. La comptabilité analytique était donc inhérente aux budgets de programmes.

65  Ainsi Renaud de La Genière disait que « la programmation budgétaire pluriannuelle (ou budget de programmes) constitue la synthèse la plus avancée des conceptions budgétaires modernes. Elle n’est pas appliquée dans notre pays, sauf de manière embryonnaire et expérimentale », Le budget, Paris, Presses de Sciences Po, 1976, p. 323.

66  Il suffit de lire l’art 7, I de la LOLF, pour déceler les liens plus qu’étroits avec la RCB : « un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation ».

67  Dans la continuité, voir la création mi-2009 au sein de l’Assemblée nationale d’un Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, notamment pour remédier à l’inflation législative. Ses missions sont, d’une part, de réaliser des travaux d’évaluation sur toutes les politiques publiques menées et, d’autre part, de donner son avis sur les études d’impact qui accompagnent les projets de lois.

68  Et ce même si le Conseil constitutionnel a limité les pouvoirs du Comité précité en ne retenant que son rôle informatif, les autres missions relevant de l’Assemblée nationale, et en particulier de ses commissions. Voir Décision n° 2009‑581 DC du 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, cons. 57 et sqq.

69  Voir Martin Collet, « Le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : “dépenser mieux” ou “dépenser moins” ? », RFDA, n° 2, 2013, p. 433 et sqq.

70  Voir en général le numéro 37 de la revue Cités, « L’idéologie de l’évaluation », 2009.

71  Voir supra introduction.

72  Cour des comptes, La mise en œuvre de la LOLF : un bilan pour de nouvelles perspectives, novembre 2011.

73  La Cour concluant sur une « déception réelle », id., p. 195.

74  Même si les évolutions sont réelles avec la Réforme de l’administration territoriale de l’État (REATE).

75  Paul Amselek, « Organisation, méthodes et techniques. Note sur la RCB », Revue administrative, n° 148 et 149, 1972, p. 425‑438 et 529‑535, p. 434.

76  J.-L. Albert note à ce sujet qu’« une des causes fondamentales de l’échec du budget “fonctionnel” est d’avoir oublié que le budget n’est pas seulement un instrument rationnel de gestion mais est également et fondamentalement un instrument politique de contrôle sur le gouvernement et l’administration », op. cit., supra n. 5, p. 509.

77  Guy Carcassonne, La Constitution, Paris, Le Seuil, 11e éd., 2013, p. 238.

78  Didier Migaud, « Le contrôle parlementaire des finances publiques », RFFP, n° 100, 2007, p. 292.

79  Voir à l’Assemblée nationale les travaux du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, Rapport d’information sur l’évaluation des dispositifs d’évaluation des politiques publiques, par Pierre Morel-À-L’Huissier et Valérie Petit, 18 mars 2018.

80  Une preuve de ce scepticisme se trouve dans les données montrant le temps très faible alloué à l’examen de la loi de règlement. En 2009 par exemple, les discussions sur cette loi « ont occupé les députés pendant trois heures et 30 minutes, tandis que le projet de lois de finances les mobilisait durant 108 heures et 32 minutes », Action publique, n° 78, novembre 2011, p. 34.

81  Patrick Gibert et Manel Benzerafa-Alilat, « De quoi l’État rend-il compte dans ses rapports annuels de performance ? », RFAP, n° 160, 2016, p. 1041‑1064.

82  Marie-Thérèse Chapalain, représentant ce ministère, retenait par exemple dès 1972 qu’il existe certains « avantages pour les individus que les économistes ne savent pas, et ne sauront peut-être jamais, traduire en monnaie », Bulletin RCB, n° 12, op. cit., p. 47‑57, p. 47 (en détail sa conclusion p. 57). Voir également son intervention très précise dans le procès-verbal de la 4e Commission RCB de juin 1972.

83G. Orsoni, op. cit., supra n. 40.

84  Sébastien Kott, « De l’évaluation de la performance de la dépense publique en général et de celle de l’enseignement supérieur en particulier », in Manuel Tirard (dir.), La Nouvelle-Calédonie face à la crise des finances publiques, Nouméa, Presses universitaires de la Nouvelle-Calédonie, 2019, p. 121.

85  J.-L. Albert parle dans l’action publique d’un « secteur programmable » et d’un « secteur non programmable », op. cit., supra n. 5, p. 510.

86Action publique, op. cit., supra n. 80, p. 37 ; d’autant plus que les gestionnaires manquent souvent d’une vraie autonomie pratique censée permettre le succès de la LOLF, ibid., p. 34.

87  Gilles Carrez et D. Migaud, Rapport de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale relatif à la performance dans le budget de l’État, 24 juin 2009, n° 1780, p. 7‑8.

88  Issu de P. Huet et J. Bravo, op. cit., supra n. 3, p. 110.

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