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Comment l’industrie automobile allemande protège son avance technologique ? L’exemple d’Audi AG, illustration de la coopération avec des équipementiers lors des phases initiales de développement des produits

p. 223-241


Texte intégral

1Afin de protéger son avance technologique dans l’environnement concurrentiel mondial, l’industrie automobile allemande mise de plus en plus sur des projets innovants menés dans le cadre d’une coopération entre entreprises, avec la participation, lors des phases initiales de développement des produits, d’équipementiers traditionnels et de start-up. Dans le présent article, nous examinerons plus précisément les raisons qui motivent une telle coopération, la forme que celle-ci prend et les résultats qu’elle permet d’obtenir. Nous déterminerons quels instruments sont particulièrement prometteurs, du point de vue de l’industrie automobile allemande, lorsqu’il s’agit de sélectionner, de lancer et de concrétiser de tels projets, et avec quels partenaires. Pour répondre à ces questions, nous nous appuierons sur une revue de la littérature et sur un examen global du marché1, ainsi que sur nos propres études2, dans le cadre desquelles nous avons mené des entretiens approfondis avec des spécialistes en vue d’évaluer les instruments utilisés par l’industrie allemande. En outre, nous avons examiné des données, issues d’un total de 314 idées de projets innovants menés dans le cadre d’une collaboration entre entreprises, portant sur les partenaires, le caractère innovant, le bénéfice client et la suite donnée à ces idées.

2Nous introduisons ci-après notre propos par une présentation de l’industrie automobile allemande et des défis auxquels elle est confrontée dans un environnement aujourd’hui en pleine mutation. En prenant l’exemple d’autres industries, nous examinerons ensuite comment celles-ci réussissent à relever ces défis en ouvrant le développement de leurs produits – le terme consacré étant « innovation ouverte » (open innovation)3 – et pourquoi les instruments qu’elles utilisent à cet effet ne s’appliquent que de façon limitée à l’industrie automobile. Toutefois, nous verrons aussi qu’en modifiant ces instruments, en particulier en vue d’intégrer des équipementiers, il serait possible de les appliquer à l’industrie automobile. En prenant l’exemple d’Audi AG, nous examinerons les avantages et les inconvénients que présentent, dans la pratique, neuf instruments utilisés pour sélectionner, lancer et concrétiser des projets innovants en collaboration avec des équipementiers. Il apparaît que la plupart des instruments sont avant tout utilisés pour renforcer la coopération lors de la phase de pré-développement, soit, généralement, avant que ne débute le développement du produit. Les instruments présentent des caractéristiques différentes, certains d’entre eux étant axés sur des phases particulières, que ce soit la phase de recherche d’idées (scouting, innovation pitch, échange d’idées sur la phase de pré-développement, journées de l’innovation) ou la phase du développement de produits en tant que tel (concours de concepts), en passant par la phase de pré-développement (forums de l’innovation), tandis que d’autres instruments sont moins axés sur telle ou telle phase (dialogue stratégique Future Automotive Supply Track (Fast), rencontres de l’innovation, plateformes d’idées en ligne). Enfin, nous montrerons que la coopération avec des start-up mène à des résultats plus innovants du point de vue de la technologie, et significativement plus prometteurs du point de vue des clients, mais que finalement, la coopération avec des équipementiers classiques mène davantage à la mise en œuvre effective des projets. Nous conclurons le présent article en proposant un résumé et en évoquant brièvement les perspectives qui se dégagent pour la suite.

I. L’industrie automobile allemande : défis actuels

3En Allemagne, l’industrie automobile est depuis longtemps considérée comme le moteur de l’innovation. Des véhicules de grande qualité y sont développés, fabriqués et commercialisés avec succès à un prix de marché élevé que justifie cette grande qualité. Celle-ci s’explique avant tout par le fait qu’en matière de technologie et d’innovation, des constructeurs comme Audi, BMW, Daimler, Porsche et Volkswagen, ainsi que leurs équipementiers, tels que Bosch, Continental, Freudenberg, Hella et Schaeffler, occupent depuis longtemps les premières places du secteur à l’échelle mondiale, et que la promotion de cette grande qualité s’appuie également sur cette position prééminente.

4Ainsi, on trouve sur les sites Web de tous les fabricants et équipementiers de longues listes recensant les innovations qu’ils ont été les premiers à développer et à utiliser dans le monde. Par exemple, sur son site4, Daimler fait mention :

  • du premier moteur rapide à quatre temps installé sur un véhicule de tourisme (1883) ;

  • du premier moteur diesel installé sur un poids lourd (1923) ;

  • des premiers systèmes de verrouillage de sécurité des portes (1949) ;

  • des premières ceintures de sécurité en diagonale à deux points d’ancrage (1961) ;

  • des premiers airbags (1981) ;

  • des premiers tendeurs de ceintures (1981) ;

  • du premier système antiblocage des roues (Antiblockiersystem, ABS) (1992) ;

  • du premier système de contrôle électronique de la stabilité (electronic stability program, ESP) (1995).

5Parmi les innovations plus récentes apparues au niveau mondial, il est fait mention, par exemple :

  • du premier régulateur de vitesse avec prise en compte de la topologie (2018) ;

  • du premier système d’assistance au changement de voie (2018) ;

  • du premier système d’assistance d’arrêt d’urgence (2018) ;

  • du premier système d’alimentation utilisant des piles à combustible (2019).

6Pour l’Allemagne, cette industrie est essentielle : en 2018, la vente de véhicules, de remorques, de carrosseries, de pièces et d’accessoires automobiles a généré un chiffre d’affaires total de 426,2 milliards d’euros, dont 149,6 milliards en Allemagne et 276,6 milliards à l’étranger5. Plus de 830 000 salariés, dont plus de 114 000 dans la recherche et le développement, contribuent également à ce que ces sociétés demeurent les leaders mondiaux en matière de technologie et d’innovation, et cela alors même que l’environnement est en pleine mutation6.

7Pourtant, depuis quelques années, cette industrie importante pour l’Allemagne doit faire face à des défis gigantesques. Ainsi, un rapport sur l’état de l’industrie automobile allemande7 relève que quatre mégatendances à l’œuvre dans la société ont des incidences sur cette industrie. Ces mégatendances peuvent être résumées comme suit :

  • l’urbanisation. En 2050, 70 à 80 % de l’humanité vivront dans des zones urbaines densément peuplées ;

  • le développement durable. La prise de conscience de la nécessité d’une meilleure protection de l’environnement et de la santé à l’échelle mondiale progresse considérablement ;

  • l’individualisation. Les clients font montre de comportements « novateurs » ; par exemple, ils veulent de plus en plus partager et ne veulent plus posséder ;

  • la transformation numérique. L’importance de l’informatique et des réseaux croît dans notre vie quotidienne et dans nos façons de travailler ; ce phénomène constitue une rupture avec nos habitudes antérieures.

8À leur tour, ces mégatendances conditionnent quatre tendances ayant trait à la mobilité qui ont aujourd’hui des conséquences très concrètes sur l’industrie automobile allemande et qui sont susceptibles de menacer son existence8 :

  • l’électrification. La chaîne de traction électrique semble s’imposer dans le monde entier. Or, en matière de maîtrise technologique et de capacité d’innovation concernant ce type de système, et en particulier la technologie de stockage qu’il nécessite, l’industrie automobile allemande n’est pas aussi bien placée que dans le domaine du moteur à combustion interne, où elle est leader ;

  • la mise en réseau et l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. La compétence numérique intersectorielle en matière de mise en réseau menace de devenir plus importante et de remplacer la compétence classique en matière de systèmes, qui est un point fort de l’industrie automobile allemande. Dans ce domaine, de nouveaux acteurs, principalement les grands groupes de technologie numérique, sont d’ores et déjà en position de monopole dans plusieurs champs d’application se fondant sur des effets de réseau ;

  • l’automatisation. La vision d’une conduite automobile entièrement automatisée s’est imposée. Toutefois, les compétences clés requises pour en faire une réalité – dans les domaines, entre autres, de l’intelligence artificielle, des technologies de transmission et de stockage numériques et des technologies de traitement des images et de commande vocale numériques – ne sont guère disponibles en Allemagne, que ce soit dans le monde de la recherche ou dans celui des entreprises ;

  • la mobilité perçue comme une prestation de service. Le désintérêt croissant pour la propriété gagne aussi le domaine automobile – l’autopartage, les transports en commun, la marche, la course à pied et le vélo ont le vent en poupe – et prive ainsi cette industrie, dont le modèle économique reposait jusqu’à présent sur la vente de véhicules, d’une base financière dont elle a un urgent besoin.

9Afin de relever ces défis, l’industrie automobile allemande doit diversifier les projets innovants qu’elle lance, mais les ressources financières, humaines et technologiques qu’elle peut mobiliser à cette fin sont limitées. Il est donc probable que la collaboration avec d’autres entreprises soit nécessaire (principalement avec des équipementiers, mais aussi avec des entreprises concurrentes et des sociétés spécialisées dans les nouvelles technologies9). Ainsi, à l’avenir, il faudra passer à une tout autre échelle et à une tout autre intensité pour mettre en chantier, et mener à bien, des projets innovants avec le concours d’autres entreprises.

10À cet égard, les résultats affichés par les premiers projets innovants menés avec d’autres entreprises sont positifs. De récents communiqués de presse publiés par les constructeurs Audi et Volkswagen font état, par exemple, des réussites suivantes :

  • développement, en collaboration avec l’équipementier classique Bridgestone, de pneumatiques plus légers et moins résistants au roulement ;

  • développement, en collaboration avec l’équipementier classique Gentex, d’un module de télépéage intégré au niveau du rétroviseur ;

  • participation dans la start-up Northvolt en vue de développer avec cette société des cellules de batteries à haute performance ;

  • participation dans la start-up Holoride en vue de développer avec cette société des solutions de réalité virtuelle pour rendre le paysage plus intéressant aux passagers du véhicule ;

  • participation dans la start-up Mobvoi en vue d’utiliser des solutions de reconnaissance vocale dans le véhicule.

11Si ces projets innovants menés en collaboration avec d’autres entreprises sont des réussites, ce n’est en revanche pas le cas de nombreux autres projets qui mobilisent inutilement des ressources déjà limitées. C’est l’éternel problème auquel les entreprises sont confrontées : pour que quelques projets innovants aboutissent, il faut en entreprendre un grand nombre10. Aussi, les instruments qui facilitent la coopération avec des partenaires lors des phases initiales de développement de produits revêtent une grande importance pour l’industrie automobile allemande.

II. La collaboration lors des phases initiales du développement des produits comme clé du succès

12Dans son ouvrage intitulé Open Innovation : The New Imperative for Creating and Profiting from Technology publié en 200311, l’économiste américain Henry Chesbrough a créé l’expression « innovation ouverte » (open innovation) pour désigner, en matière de développement de produits, le nouveau paradigme plus ouvert qui a remplacé dans de nombreuses entreprises, depuis un certain temps, l’ancien paradigme appelé « innovation fermée » (closed innovation).

13Pendant de longues années, les fabricants de produits de consommation tels que Procter & Gamble ou les groupes pharmaceutiques comme Bayer ou Pfizer ont cherché, conformément au paradigme de l’« innovation fermée », à développer autant que possible leurs produits en interne. Suivant ce paradigme, la recherche fondamentale et le pré-développement, jusqu’à la mise sur le marché, étaient exclusivement confiés aux équipes internes de ces sociétés.

14Une telle approche présente de nombreux avantages : il est relativement facile d’exiger de ses propres salariés qu’ils respectent le principe de confidentialité et ainsi d’empêcher que la concurrence puisse se préparer à la mise sur le marché des nouveaux produits ou développer des produits analogues à ceux-ci. En outre, les succès issus des travaux réalisés en interne de recherche et de développement, jusqu’à la mise sur le marché du produit, renforcent la cohésion au sein de l’entreprise.

15Toutefois, cette approche présente également des inconvénients, que l’on perçoit mieux à mesure que l’environnement se complexifie et que son organisation en réseau s’accentue : en raison des coûts que cela implique, un département de recherche et développement, même de grande taille, ne peut employer en interne tous les spécialistes qui comptent à l’échelle mondiale, ni maîtriser complètement tous les aspects technologiques importants. Il y aura toujours des idées de produits innovants qui naîtront hors de l’entreprise et qui, si d’autres sont capables de transformer ces idées en produits, seront susceptibles de constituer une menace pour le succès de cette entreprise.

16Ainsi, dans la pratique de ces entreprises, la conviction s’est imposée que la recherche d’idées en collaboration avec des partenaires externes et, lorsqu’une idée portait ses fruits, son développement en interne pouvaient être une pratique judicieuse. Lorsqu’une entreprise entreprend cette démarche d’ouverture de ses processus d’innovation, on peut alors parler du paradigme de l’« innovation ouverte ». Outre le développement en interne d’idées issues d’autres entreprises (par exemple, au moyen d’une prise de licence, d’une participation ou d’une acquisition), cette stratégie prévoit aussi la cession d’idées conçues en interne à d’autres entreprises afin qu’elles y soient développées, au cas où l’entreprise à l’origine de ces idées ne pourrait pas les exploiter elle-même, soit en raison d’un manque de moyens financiers, soit parce que les idées en question seraient en inadéquation avec la stratégie de l’entreprise.

17Les entreprises souhaitant développer ou exploiter des idées provenant de l’extérieur peuvent avoir recours à divers partenaires, dont les idées sont accessibles au moyen d’une gamme d’instruments, comme indiqué ci-après (les instruments habituellement utilisés pour faciliter les collaborations ainsi que la sélection, la conception et la concrétisation d’idées sont indiqués ci-dessous entre parenthèses) :

  • les clients, qui peuvent être contactés ou dont les idées peuvent être intégrées (par exemple via des plateformes et des concours d’idées en ligne, des consultations, des observations, des ateliers créatifs et des ateliers d’utilisateurs leaders) ;

  • les équipementiers et les concurrents (par exemple via le « scouting » [voir infra IV] sur les salons professionnels pour identifier des marchés et des technologies ou par l’intermédiaire de plateformes et de concours d’idées en ligne, de concours d’idées et de concepts ou d’ateliers de fournisseurs) ;

  • les entreprises appartenant à d’autres industries (par exemple via le scouting sur les salons professionnels pour identifier des marchés et des technologies ou par l’intermédiaire de consultations et d’observations, de la recherche de brevets ou de projets de recherche communs) ;

  • les organismes de recherche (par exemple par l’intermédiaire de bourses et de projets de recherche, de stages ou de concours d’idées et de concepts) ;

  • les experts (par exemple au moyen de séminaires, d’enquêtes, d’ateliers d’idées et de concepts).

18À titre d’exemple, dans l’industrie des biens de consommation, les plateformes et concours d’idées en ligne sont désormais très répandus pour inciter les clients, les fournisseurs et les concurrents à collaborer au développement des produits.

19Ainsi, depuis 2000, avec sa plateforme d’idées « Connect + Develop » (C+D), Procter & Gamble est passée avec succès de l’innovation fermée à l’innovation ouverte12. Sur cette plateforme, l’entreprise publie des questions sur des sujets pour lesquels elle a besoin d’aide et invite les clients et les entreprises à trouver des pistes de solutions et à les lui communiquer. La société contacte ensuite les personnes qui ont proposé les idées qu’elle considère comme prometteuses, afin de convenir avec elles de la forme que pourrait prendre une collaboration (par exemple une licence, une participation ou une acquisition).

20Aujourd’hui, environ 45 % des nouveaux produits de Procter & Gamble ne sont plus conçus en interne (conformément au paradigme de l’« innovation fermée »), mais le sont (conformément au paradigme de l’« innovation ouverte ») par l’intermédiaire de cette plateforme13 et un grand nombre de ces produits sont, dans leur catégorie respective, leaders sur le marché mondial. À titre d’exemples de produits de Procter & Gamble, au succès avéré et qui ont été développés ou acquis via C+D, on peut citer Always Infinity, Covergirl LashBlast, la gamme Febreze, Olay Regenerist Eye Roller, Swiffer Dusters, Mr. Clean, Magic Eraser, Clairol Perfect 10, Oral‑B Pulsonic ou Glad Press’n Seal.

III. Collaboration avec des équipementiers lors des phases initiales du développement de produits dans le domaine automobile

21Depuis les années 1980, alors que la concurrence avec les constructeurs japonais s’intensifiait, la collaboration avec des équipementiers en vue de développer des produits a été un élément central de la stratégie d’entreprise des constructeurs automobiles allemands. Compte tenu de la complexité des véhicules à développer et de leur processus de production, la plupart des constructeurs automobiles considèrent la collaboration avec ces partenaires comme la plus prometteuse14. Dans l’industrie automobile, la participation des clients au processus de développement des produits est loin d’avoir la même importance que dans d’autres industries, notamment dans l’industrie des biens de consommation.

22Un objectif essentiel de la politique des équipementiers, depuis les années 1980, a consisté à faire en sorte que les constructeurs automobiles conviennent avec leurs équipementiers, par exemple avec les concepteurs de systèmes innovants de freinage ou d’assistance à la conduite, que leurs véhicules soient prioritairement équipés de ces systèmes15.

23Les travaux menés sur des études de cas concernant un constructeur automobile et les fournisseurs Bosch, Pininfarina et Webasto16 font apparaître qu’en matière de développement de produits, les constructeurs coopèrent très intensivement avec leurs équipementiers (mais également, dans une moindre mesure, avec leurs clients et avec des entreprises actives dans d’autres branches) afin d’asseoir leur position de leaders en matière de technologie et d’innovation, d’élargir leur champ de compétences, de stimuler leur créativité et de réduire leurs coûts. Alors que les constructeurs coopèrent avec divers partenaires (équipementiers, clients et entreprises actives dans d’autres branches), les équipementiers, au contraire, coopèrent presque exclusivement avec leurs clients, à savoir les constructeurs.

24Selon des rapports d’activité récemment publiés par des constructeurs automobiles17, il semblerait que ces liens étroits soient appelés à se resserrer encore à l’avenir. En effet, dans ses rapports d’activité18, Audi met l’accent sur ce point important, mais précise aussi qu’à l’avenir, la société ne limitera plus ses collaborations aux équipementiers habituels, mais, afin d’investir de nouveaux domaines de compétence, nouera également des collaborations avec de très jeunes entreprises, autrement dit des start-up19, et avec d’autres partenaires. Ainsi, Audi propose à des start-up, comme elle le propose déjà à des équipementiers, de collaborer à des projets de développement, afin de bénéficier de leur capacité d’innovation mais aussi de les accompagner dans leur réussite.

25Cette intensification des collaborations s’observe également chez d’autres constructeurs automobiles. BMW, Daimler et Volkswagen misent ainsi sur le scouting à Palo Alto et à Tokyo20. En outre, BMW et Volkswagen disposent d’une plateforme d’idées en ligne semblable à C+D21 et misent de plus en plus sur des collaborations intersectorielles22. Le développement du système iDrive par Volkswagen constitue un bon exemple de cette approche. L’industrie automobile allemande utilise encore d’autres instruments, tels que le scouting, les plateformes d’idées en ligne, que Bosch utilise aussi, les ateliers et les concours d’équipementiers et les start-up garages chez BMW, ou encore la plateforme d’innovation européenne Startup Autobahn chez Daimler23.

26Il convient toutefois de noter, comme cela a été fait plus haut, qu’une collaboration avec d’autres entreprises en vue de développer des produits est sensiblement plus difficile à mettre en œuvre pour l’industrie automobile, compte tenu de la complexité technologique du produit, que pour d’autres industries, comme l’industrie des biens de consommation. Cela est d’autant plus vrai qu’il s’agit de participer à un processus de planification technologique complexe qui génère des coûts élevés et demande du temps, et qui requiert de prendre en compte, outre les spécifications liées au produit, les diverses spécifications liées au processus de production, et cela suffisamment en amont.

27Gustaf Juell-Skielse et Anders Hjalmarsson Jordanius ont examiné, dans leur étude de cas portant sur deux constructeurs automobiles, trois équipementiers classiques et plusieurs entreprises de logiciels24, quels étaient les problèmes à prendre en considération lors de la mise en œuvre de projets innovants axés sur le numérique et menés par plusieurs entreprises. Les dix-huit spécialistes interrogés, qui disposaient d’une expérience de plusieurs années dans le domaine de l’« innovation ouverte », ont unanimement estimé que, s’agissant de l’industrie automobile, il était très difficile d’ouvrir le processus de développement, principalement, comme cela a été mentionné plus haut, en raison de la complexité du produit, mais aussi en raison des éléments suivants25 :

  • dans l’industrie automobile, le développement du produit est fondé sur une planification technologique du sommet vers la base (top-down) issue d’une concertation, que doivent respecter tous les partenaires ;

  • le développement du produit prend du temps ;

  • le développement du produit génère des coûts élevés ;

  • les participants craignent une fuite d’informations sur les points faibles et sur les besoins de développement ;

  • les participants boycottent les solutions provenant de l’extérieur (« Not invented here syndrome [NIS] ») ;

  • la protection de la propriété intellectuelle n’est pas négociable ;

  • les participants craignent que le principe de confidentialité ne soit pas respecté ;

  • la protection de la propriété intellectuelle entraîne, dans le cas d’une collaboration entre plusieurs entreprises, une charge de travail et des coûts très importants.

28Pour ces raisons, la coopération se limite souvent au stade du pré-­développement des composants, car celui-ci n’est pas aussi intégré à la planification technologique top-down que le développement des produits en tant que tel. Ci-après, nous examinons ces résultats, en prenant l’exemple d’Audi AG. Il s’agit, d’une part, de chercher à savoir si les instruments sont adaptés à la situation spécifique de l’industrie automobile et, d’autre part, d’évaluer les résultats obtenus à l’issue d’une application concrète d’un de ces instruments, plus précisément par rapport au partenaire avec lequel la coopération est mise en œuvre.

IV. Le recours à des instruments destinés à lancer et renforcer la coopération avec les équipementiers vu à travers l’exemple d’Audi AG

29L’entreprise Audi AG s’appuie sur neuf instruments au total pour lancer et renforcer la coopération avec les sous-traitants (équipementiers classiques et start-up). Le recours à ces instruments a été étudié26 en s’intéressant en particulier à leurs avantages et inconvénients du point de vue des experts des achats (interface entre l’entreprise et ses partenaires externes). Dix-huit entretiens au total ont été menés, trois avec des spécialistes du management de l’innovation, treize avec des spécialistes des achats de composants et deux avec des spécialistes des achats dans le cadre d’activités de projets liés à l’automobile. Ces entretiens, d’une durée comprise entre trente et quatre-vingt-dix minutes environ, ont porté principalement sur la pertinence pour l’entreprise de l’intégration d’équipementiers dans le développement de produit et sur l’adéquation des instruments mis en œuvre par l’entreprise Audi AG pour atteindre les objectifs définis.

30Les experts interrogés ont répondu de manière unanime au sujet de la première question : la coopération avec les équipementiers dans les phases initiales de développement des produits, qui revêtait déjà une importance capitale par le passé, sera plus essentielle encore à l’avenir.

31En ce qui concerne la réflexion relative à l’adéquation des divers instruments employés, les éléments qui suivent ont pu être établis :

  • le scouting s’articule principalement autour de la recherche, ciblée en fonction des besoins, de partenaires inédits ou de technologies nouvelles. Ce travail d’identification s’effectue grâce à des voyages de prospection, par exemple en Israël, où des développements technologiques intéressants peuvent être étudiés. La visite d’importants salons, également dans d’autres secteurs d’activité que l’industrie automobile, ou le rapprochement avec des services achats au niveau régional constituent d’autres solutions de recherche. Cet instrument permet – et c’est là son principal atout – de détecter très tôt des tendances, des technologies et des partenaires totalement nouveaux, et de nouer rapidement des contacts avec ces partenaires. La planification et l’organisation des déplacements et des rencontres ainsi que le temps consacré à leur réalisation représentent toutefois une charge importante ;

  • les innovation pitches sont l’occasion, pour les start-up comme pour les équipementiers classiques, de présenter brièvement leurs idées et leurs technologies dans des champs de recherche prédéfinis, souvent situés également en dehors de l’industrie automobile. L’avantage de cette approche est qu’elle permet à Audi de bénéficier rapidement d’une vue d’ensemble des tendances et des technologies actuelles. Toutefois, le lien entre les thèmes abordés et les champs de recherche pertinents est souvent marginal et de multiples présentations sont souvent nécessaires pour identifier des idées reproductibles et dont le développement soit judicieux, ce qui constitue un inconvénient ;

  • un échange d’idées sur la phase de pré-développement est l’occasion, pour des partenaires choisis et des représentants de l’entreprise, de cartographier les éventuelles « zones blanches » qui subsistent dans le portefeuille de pré-développement. La force de cet instrument est que ce dialogue peut aboutir à la prédéfinition de champs de recherche qui pourront servir de base à la recherche d’idées lors de phases ultérieures ;

  • les journées de l’innovation désignent des discussions réunissant des sous-traitants et des spécialistes durant plusieurs jours pour explorer de possibles innovations intéressant l’industrie automobile dans des champs de recherche prédéfinis. Leur atout est de permettre une production d’idées abondante, grâce à une stricte description des champs de recherche en amont, mais l’investissement correspondant (en temps, en personnel et en argent) est toutefois très élevé ;

  • le forum de l’innovation est un concours destiné à recenser les meilleures idées de solutions au niveau conceptuel en réponse à des problématiques définies au préalable. L’élaboration d’une diversité de solutions proposées au niveau conceptuel dans un champ de recherche donné constitue une force, mais l’investissement correspondant (en temps, en personnel et en argent) est cependant très important ;

  • le concours de concepts est une compétition visant à sélectionner les meilleurs concepts élaborés sur le fondement d’un cahier des charges. Le point fort réside dans la mise au point de concepts détaillés. L’investissement correspondant (en temps, en personnel et en argent) demeure néanmoins très élevé ;

  • le dialogue stratégique Fast du groupe Volkswagen fait référence à des concertations confidentielles entre les responsables des différentes marques du groupe (entre autres Audi, Porsche, Seat, Skoda, Volkswagen) au sujet de champs de recherche et de feuilles de route technologiques. Ces concertations se déroulent entre plusieurs marques, mais également avec la direction du groupe. La transparence et la création d’obligations à l’échelle du groupe dans le cadre des opérations de pré-développement et de développement de produits sont assurées grâce à cet instrument, qui permet également d’éviter que les produits soient développés plusieurs fois ;

  • lors de rencontres de l’innovation, différents équipementiers exposent leurs idées de solutions, indépendamment de tout domaine de recherche pré-imposé. L’intérêt de cette approche est qu’elle permet de se concentrer individuellement sur chacun des équipementiers qui participent à ce programme, ce qui incite ces derniers à présenter des idées intéressantes. Son inconvénient est lié au fait que de nombreuses discussions portent sur des pistes de solutions déjà connues ou des champs de recherche non pertinents ;

  • une plateforme d’idées en ligne est un outil en ligne qui permet de communiquer des idées (voir la plateforme C + D de Procter & Gamble). La force de cette approche est qu’elle permet de toucher quasiment tous les partenaires externes de manière durable. Toutefois, la libre communication des idées entraîne la production de nombreuses solutions, souvent inappropriées, qui doivent ensuite être évaluées.

32En résumé, on peut donc constater que l’entreprise Audi AG dispose d’une large gamme d’instruments répondant à des objectifs divers pour intégrer ses équipementiers dans les phases initiales du processus de développement de produit. Grâce à ces outils, des idées peuvent être repérées sur le marché des achats et leur développement en interne peut ensuite être encouragé. Ces instruments permettent de sélectionner les « meilleures » idées et de répertorier des partenaires adéquats.

33Comme nous l’avons déjà évoqué, le recours à ces instruments répond à l’objectif de lier le plus précocement possible les sous-traitants et leurs idées prometteuses aux constructeurs. À cet égard, il convient bien entendu de déterminer si c’est la coopération avec des start-up (par exemple Northvolt, Holoride ou Mobvoi, citées dans l’introduction) ou celle avec des équipementiers classiques (comme Bridgestone ou Gentex, s’agissant des exemples présentés également dans l’introduction) qui débouche sur des idées fructueuses.

V. Est-ce la coopération avec les start‑up ou celle avec les équipementiers classiques qui est la clé du succès ? Une illustration grâce à l’exemple d’Audi AG

34Pour répondre à cette interrogation, il convient naturellement de considérer le fait que les start-up et les équipementiers classiques s’engagent dans une coopération avec un fabricant automobile avec des attentes divergentes : la collaboration entre l’équipementier classique et le fabricant dans les phases de pré-développement et de développement de produit, qui se poursuit sans doute déjà depuis plusieurs années, est probablement bien rodée. Cet équipementier est donc parfaitement au fait du déroulement des opérations et des schémas de pensée qui ont cours chez le fabricant, la coopération est excellente en ce qui concerne le processus de concertation relatif à la planification technologique du sommet vers la base (top-down) et l’intégration des idées développées dans ce modèle s’effectue donc aisément. A contrario, la compréhension de ces mécanismes ainsi que la capacité et la volonté d’adaptation font défaut de prime abord aux start-up. Les idées font l’objet de discussions plus approfondies et suscitent d’abord un besoin élevé de concertation.

35Mais c’est justement là que se situe la chance que constitue la coopération, comme l’a exposé en 1997 l’économiste américain Clayton M. Christensen, décédé depuis, dans son célèbre livre intitulé The Innovator’s Dilemma : When New Technologies Cause Great Firms to Fail27 : pour de nombreuses entreprises (fabricants et sous-traitants), ne pas s’écarter de chemins jusqu’à présent fructueux qui ont assuré le succès du développement de produits peut même s’avérer une erreur. Dans certains cas, l’existence même de ces entreprises peut ainsi être éventuellement menacée par de petites entreprises se caractérisant par une pensée disruptive.

36Dans leur étude, Felix Homfeldt, Alexandra Rese et Franz Simon28 ont tenté d’explorer cette question et d’examiner, à travers l’exemple d’Audi AG, le résultat du recours concret à un instrument déterminé, en l’occurrence un concours d’idées dans le cadre de journées de l’innovation telles que précédemment évoquées. La mise en œuvre de cet instrument s’était déroulée en cinq phases :

  1. Définition des champs de recherche suivant l’importance des domaines technologiques et les besoins des clients ;

  2. Sélection des équipementiers classiques et des start-up compétents dans ces champs de recherche et envoi à ceux-ci d’un message les invitant à soumettre leurs idées ;

  3. Sélection des idées les plus intéressantes parmi les propositions soumises ;

  4. Présentation des idées par les équipementiers classiques et les start-up, suivie de leur évaluation par les salariés de l’entreprise au regard des critères de l’innovation et du besoin client (journées de l’innovation) ;

  5. Examen des idées présentées dans les services de l’entreprise concernés et décision relative à la suite à leur donner.

37Lors de la première phase, les cinq champs de recherche prometteurs suivants ont été identifiés : nouveaux matériaux/durabilité, intelligence artificielle/transformation numérique, capteurs/technologie de la sécurité, propulsion alternative/électrification, visualisation/interaction. Au cours de la deuxième phase, des équipementiers classiques et des start-up de quatre régions cibles ont été invités, dans le cadre d’un concours d’idées, à communiquer une présentation synthétique de leurs idées dans ces cinq champs de recherche, pour présentation lors des journées de l’innovation. Au total, 515 idées ont été soumises par 86 équipementiers classiques et 478 idées ont été proposées par 472 start-up. Sur l’ensemble de ces propositions, 314 idées ont été retenues durant la troisième phase pour faire l’objet d’une présentation, dont 197 idées en provenance de 61 équipementiers classiques et 117 idées issues de 115 start-up. À cet égard, seules les start-up en activité depuis déjà huit ans ont été prises en considération. Ces idées ont ensuite été présentées et discutées lors des journées de l’innovation dans le cadre d’ateliers auxquels participaient des cadres dirigeants et des spécialistes compétents des services concernés par les idées en question (quatrième phase). Chaque présentation a duré en moyenne trente minutes, discussion comprise. Le caractère innovant de ces idées et leur utilité supposée pour les clients ont ensuite été évalués par des salariés d’Audi à l’aide d’une échelle de Likert – suivant un classement allant de 1 (« très faible ») à 5 (« très élevé ») – et la moyenne de ces évaluations a été calculée à l’issue de ces journées de l’innovation. Une concordance élevée entre les évaluateurs a été constatée. Durant la cinquième phase, les idées présentées ont été examinées et débattues avec une précision accrue dans les services spécialisés. À cet égard, les salariés pouvaient demander des documents complémentaires pour mener à bien cette évaluation. Ce processus de longue haleine s’est poursuivi pendant deux mois et demi en moyenne pour les idées proposées par des équipementiers classiques et trois mois et demi en moyenne pour les idées émanant des start-up. Les services spécialisés concernés se sont ensuite réunis pour décider quelles idées méritaient d’être développées ou non. Toutes les idées ainsi sélectionnées ont ensuite accédé à la phase suivante du pré-développement et/ou du développement de produit chez Audi AG.

38Felix Homfeldt, Alexandra Rese et Franz Simon29 ont cherché à établir, pour ces 314 idées, si les idées jugées novatrices et/ou présentant une utilité élevée pour les clients étaient plutôt les idées des start-up ou plutôt celles des équipementiers traditionnels et quelles propositions ont davantage été retenues pour faire l’objet d’un développement ultérieur. Afin d’éliminer le biais éventuel dû aux variables de contrôle (en particulier le champ de recherche, la date de présentation, le degré de maturité de l’idée, le nombre de services concernés et la durée de l’examen), l’analyse de dépendance a été effectuée en utilisant un appariement sur score de propension30 et le modèle de correction du biais de sélection de Heckman31. Le recours à ces méthodes vise à éliminer l’influence des variables de contrôle32.

39Il a pu être démontré que la coopération avec des start-up mène à des résultats significativement plus innovants, du point de vue de la technologie, et significativement plus prometteurs, du point de vue des clients, mais que finalement, la coopération avec des équipementiers classiques mène davantage, dans le cadre du processus de sélection d’Audi AG, à la mise en œuvre effective des projets.

VI. Synthèse et perspectives

40L’intégration des équipementiers dans le processus d’innovation constitue depuis des années un facteur de réussite important de l’industrie automobile. C’est pourquoi de nombreux constructeurs automobiles, en particulier les constructeurs allemands comme Audi, BMW, Daimler, Porsche ou Volkswagen, se présentent comme des leaders en matière de technologie et d’innovation et font la promotion de leurs véhicules en s’appuyant sur le fait qu’ils ont été les premiers à avoir équipé leurs véhicules d’éléments innovants tels que le système antiblocage des roues ABS, le système de contrôle électronique de la stabilité ESP ou les freins en céramique. Mais ces innovations n’auraient pu voir le jour si des équipementiers tels que Bosch, Brose, Continental, Freudenberg ou Schaeffler n’avaient pas inventé, développé et produit ces éléments.

41À l’heure actuelle, la nécessité de proposer toujours plus d’électronique et de mise en réseau dans et autour des véhicules confère une importance accrue à cette coopération : d’une part, l’agilité et les compétences numériques requises à cet effet (par exemple en ce qui concerne les formes nouvelles de transmission et d’enregistrement des données, l’analyse et la synthèse visuelles et vocales, la réalité virtuelle et augmentée, les nouvelles technologies de propulsion et de stockage de l’énergie, l’apprentissage automatique) font souvent défaut aux constructeurs, lesquels n’ont, d’autre part, pas atteint la masse critique pour développer et maintenir leurs propres plateformes, face à la concurrence des grands groupes technologiques (par exemple en rapport avec la diffusion en flux de contenus multimédias, la navigation, les offres d’achats de produits et de services, les fonctions de recherche).

42De nombreux observateurs estiment, en raison de ces manques, que les constructeurs allemands historiques ne pourront survivre sans renforcer leur coopération avec les équipementiers et les start-up sur le modèle de l’innovation ouverte. Les constructeurs allemands l’ont entre-temps compris, par la force des choses. Ils conçoivent et utilisent depuis un certain temps des instruments destinés à les aider à trouver des partenaires adéquats et à sélectionner, valider et mener à bien des formes de coopération et des projets innovants.

43Nous avons examiné dans le présent article, à travers l’exemple d’Audi AG, comment l’industrie automobile allemande tente de protéger son avance technologique et à quelles difficultés elle demeure confrontée : Audi mise toujours plus sur l’intégration des équipementiers dans le développement de produits et coopère en la matière non seulement avec les équipementiers classiques mais également, de plus en plus, avec les start-up. Les instruments sont utilisés de manière croissante pour permettre d’impulser des coopérations également avec les start-up, comme le montre l’exemple des journées de l’innovation. Les premières coopérations fructueuses (par exemple celles de Volkswagen et d’Audi avec Northvolt, Holoride et Mobvoi) révèlent que cette coopération offre un certain nombre de possibilités pour garantir l’avance technologique. Il a certes pu être établi dans cet article, sur le fondement d’études disponibles33, que bien que les idées développées avec des start-up aient été jugées, également par les salariés des constructeurs automobiles, comme plus novatrices et comme plus prometteuses du point de vue des clients, leur mise en œuvre effective demeure cependant moins fréquente malgré ces atouts. Toutefois, les instruments toujours plus nombreux entre-temps utilisés par Audi comme par les autres constructeurs automobiles allemands pour lancer et piloter de tels projets innovants interentreprises constituent un bon moyen pour surmonter à l’avenir ces défauts.

44La coopération ouverte avec des start-up intéressantes offre cependant des perspectives toujours plus attrayantes également pour les équipementiers classiques. Ces derniers envisagent désormais de coopérer avec des start-up dans le cadre de processus de développement et d’innovation et commencent à réfléchir aux conditions requises pour définir et conduire avec succès de telles coopérations. À cet égard, des thèmes tels que l’horizon temporel d’une coopération et son déroulement depuis la prise de contact jusqu’à la mise sur le marché ou encore la formation du contrat occupent le premier plan. Des problématiques telles que, en particulier, la compatibilité technologique et culturelle des entreprises tentées par la coopération et des start-up restent en grande partie encore peu étudiées par les chercheurs34.

45Il en va de même en ce qui concerne l’influence des caractéristiques personnelles des cadres dirigeants responsables de la sélection des idées et des partenaires, par exemple les cinq grands facteurs de la personnalité, mais aussi l’expérience et la position occupée dans l’entreprise35.

Notes de bas de page

1  Voir par exemple : René Bormann, Philipp Fink, Helmut Holzapfel, Stephan Rammler et al., The Future of the German Automotive Industry: Transformation by Disaster of Design?, Bonn, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2019 ; Felix Homfeldt, Alexandra Rese, Hanno Brenner, Daniel Baier et al., « Identification and Generation of Innovative Ideas in the Procurement of the Automotive Industry: The Case of Audi AG », International Journal of Innovation Management, vol. 21, n° 7, 2017, 1750053.1-1750053.31.

2  Voir Alexandra Rese, Alexander Sänn et Felix Homfeldt, « Customer Integration and Voice-of-Customer Methods in the German Automotive Industry », International Journal of Automotive Technology and Management, vol. 15, n° 1, 2015, p. 1‑19 ; F. Homfeldt, A. Rese, H. Brenner, D. Baier et al., « Identification and Generation of Innovative Ideas… », art. cité ; Felix Homfeldt, Alexandra Rese et Franz Simon, « Suppliers versus Start-Ups: Where do Better Innovation Ideas Come from? », Research Policy, vol. 48, n° 7, 2019, p. 1738‑1757.

3  Voir Henry W. Chesbrough, Open Innovation: The New Imperative for Creating and Profiting from Technology, Boston (MA), Harvard Business School Press, 2003.

4www.daimler.com.

5  Verband der Automobilindustrie (VDA) (Union de l’industrie automobile allemande), Angaben zu Forschungsausgaben, Umsätzen und Beschäftigten in der Automobilwirtschaft, Berlin, 2020, www.vda.de.

6  Germany Trade & Invest (GTAI) (Agence de promotion économique de l’Allemagne), The Automotive Industry in Germany, Annual Report 2019, Berlin, www.gtai.de.

7  R. Bormann, P. Fink, H. Holzapfel, S. Rammler et al., The Future of the German Automotive Industry…, op. cit.

8Ibid.

9Ibid.

10  Voir Alexandra Rese et Daniel Baier, « Success Factors for Innovation Management in Networks of Small and Medium Enterprises », R&D Management, vol. 41, n° 2, 2011, p. 138‑155 ; Alexandra Rese, « Success Factors for Inter-Organizational Product and Service Innovations », thèse pour l’habilitation, faculté d’économie, de droit et de société, université des technologies de Brandebourg Cottbus-Senftenberg, 2016.

11  H. W. Chesbrough, op. cit.

12  Larry Huston et Nabil Sakkab, « Connect and Develop: Inside Procter & Gamble’s New Model for Innovation », Harvard Business Review, vol. 84, n° 3, 2006, p. 58‑66.

13www.pgconnectdevelop.com.

14  Voir A. Rese, A. Sänn et F. Homfeldt, « Customer Integration… », art. cité.

15  Andres Ramirez-Portilla, Terrence Brown et Enrico Cagno, « Open Innovation in the Automotive Industry: What can carmakers’ annual reports tell us? », Actes de la 8e conférence internationale sur l’ingénierie industrielle et le management dans l’industrie, Malaga, Espagne, janvier 2014 ; F. Homfeldt, A. Rese et F. Simon, « Suppliers versus Start-Ups… », art. cité.

16  Valentina Lazzarotti, Raffaella Manzini, Luisa Pellegrini et Emanuele Pizzurno, « Open Innovation in the Automotive Industry: Why and How? Evidence from a Multiple Case Study », International Journal of Technology Intelligence and Planning, vol. 9, n° 1, 2013, p. 37‑56.

17  A. Ramirez-Portilla, T. Brown et E. Cagno, Open Innovation in the Automotive Industry…, op. cit. ; F. Homfeldt, A. Rese et F. Simon, « Suppliers versus Start‑Ups… », art. cité.

18  Voir www.audi.de.

19  Tobias Weiblen et Henry W. Chesbrough, « Engaging with Startups to Enhance Corporate Innovation », California Management Review, vol. 57, n° 2, 2015, p. 66‑90.

20  Serhan Ili, Albert Albers et Sebastian Miller, « Open Innovation in the Automotive Industry », R&D Management, vol. 40, n° 3, 2010, p. 246‑255 ; V. Lazzarotti, R. Manzini, L. Pellegrini et E. Pizzurno, « Open Innovation in the Automotive Industry… », art. cité.

21  Michael Bartl, Gregor Jawecki et Philipp Wiegandt, « Co-Creation in New Product Development: Conceptual Framework and Application in the Automotive Industry », Actes de la conférence sur le management de la R&D, Manchester, Royaume-Uni, 2010.

22  Benedikt Langner et Victor Paul Seidel, « Collaborative Concept Development Using Supplier Competitions: Insights from the Automotive Industry », Journal of Engineering and Technology Management, vol. 26, n° 1-2, 2009, p. 1‑14.

23  Gustaf Juell-Skielse et Anders Hjalmarsson Jordanius, « Accelerating Open Digital Innovation in the Automotive Industry », Actes de la conférence australo-asiatique sur les systèmes d’information, Hobart, Australie, 2017, p. 1-9 ; également : F. Homfeldt, A. Rese, H. Brenner, D. Baier et al., « Identification and Generation of Innovative Ideas… », art. cité et F. Homfeldt, A. Rese et F. Simon, « Suppliers versus Start-Ups… », art. cité.

24  G. Juell-Skielse et A. H. Jordanius, Accelerating Open Digital Innovation…, op. cit.

25  Sur un total de vingt éléments recensés, seuls les huit plus importants figurent dans la liste ci-dessous, par ordre d’importance décroissant.

26  F. Homfeldt, A. Rese, H. Brenner, D. Baier et al., « Identification and Generation of Innovative Ideas… », art. cité.

27  Clayton M. Christensen, The Innovator’s Dilemma: When New Technologies Cause Great Firms to Fail, Boston (MA), Harvard Business School Press, 1997.

28  F. Homfeldt, A. Rese et F. Simon, « Suppliers versus Start-Ups… », art. cité.

29Ibid.

30  Ou propensity score matching (PSM). Voir Nuno Carvalho et Zornitsa Yordanova, « Why Say No to Innovation? Evidence from Industrial SMEs in European Union », Journal of Technology Management & Innovation, vol. 13, n° 2, 2018, p. 43‑56.

31  Voir James J. Heckman, « Sample Selection Bias as a Specification Error », Econometrica, vol. 47, n° 1, 1979, p. 153‑161 ; S. Trevis Certo, John R. Busenbark, Hyun-soo Woo et Matthew Semadeni, « Sample Selection Bias and Heckman Models in Strategic Management Research », Strategic Management Journal, vol. 37, n° 13, 2016, p. 2639‑2657.

32  Voir F. Homfeldt, A. Rese et F. Simon, « Suppliers versus Start‑Ups… », art. cité.

33Ibid. principalement.

34  N. Carvalho et Z. Yordanova, « Why Say No to Innovation… », art. cité.

35  Voir Tobias Kruft, Christoph Tilsner, Andreas Schindler et Alexander Kock, « Persuasion in Corporate Idea Contests: The Moderating Role of Content Scarcity on Decision-Making », Journal of Product Innovation Management, vol. 36, n° 5, 2019, p. 560‑585 ; Shuye Lu, Kathryn M. Bartol, Vijaya Venkataramani, Xiaoming Zheng et al., « Pitching Novel Ideas to the Boss: The Interactive Effects of Employees’ Idea Enactment and Influence Tactics on Creativity Assessment and Implementation », Academy of Management Journal, vol. 62, n° 2, 2019, p. 579‑606.

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